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CHAPITRE 4
Le loup veut s'enfoncer profondément dans les bois et s'y perdre, mais son garçon est "Meute", et "Meute" tire sur son instinct plus que sa peur.
Le loup prend position au bout de la ruelle, assis à l'extérieur de la flaque de lumière projetée par le réverbère, à l'abri entre la porte arrière du restaurant et une série de marches rugueuses, qui mènent à la porte enchaînée d'un commerce qui donne sur l'autre rue.
Le loup a couru, mais il n'abandonne pas son garçon. Il ne peut pas.
Il peut encore entendre d'ici les battements de cœur frénétiques de son garçon.
Il est tard quand la porte arrière du restaurant s'ouvre, et qu'un jeune homme couvert d'éclaboussures de graisse sort et tourne le coin de la ruelle, pour mettre les ordures dans les poubelles.
Quand il retourne à l'intérieur du restaurant, la ruelle est calme pendant quelques minutes. Puis le loup entend le grincement d'un couvercle de poubelle, lorsque Stiles l'ouvre et sort le sac.
L'estomac du loup gronde, et il avance jusqu'au coin de la ruelle.
Son cœur se serre, quand Stiles s'affaisse au sol en le voyant.
« Je croyais que tu étais parti. »
Le loup gémit des excuses, et s'avance dans l'espace intime de Stiles. Stiles l'entoure étroitement de ses bras, ses doigts s'enfonçant et se tordant dans sa collerette, comme s'il ne le lâcherait jamais.
« S'il te plaît, » murmure-t-il, « s'il te plaît, ne me quitte jamais. »
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Les feuilles craquent sous les fines semelles des chaussures de Stiles, pendant que le chien et lui marchent dans la Réserve. Il fait plus froid sous le couvert des arbres, et Stiles tire sur sa capuche. L'air est humide, il sent le terreau et le petrichor [la terre fraîchement mouillée]. Bizarre, comme l'odeur de la boue peut sentir plus propre que l'air de la ville. Stiles trouve la promenade relaxante, mais le chien est nerveux et craintif.
Quand ils atteignent la clairière où se trouvait autrefois la maison Hale, Stiles prend une inspiration tremblante.
Ici.
Tout a commencé ici.
La charpente de la maison est toujours debout. Les murs de devant sont en place, mais noircis et carbonisés. Les fenêtres ont disparu depuis longtemps. Stiles imagine que le verre a explosé, la nuit où le Feu s'est déclenché. La porte d'entrée est toujours là, ouverte et suspendue à un angle étrange.
Stiles se glisse plus près de la maison. Le chien ne vient pas avec lui. Il se met sur le ventre, au bord envahi de végétation de ce qui devait être autrefois l'allée, et il gémit plaintivement.
« Ça va. » lui dit Stiles. Il se demande si les animaux peuvent sentir la mauvaise énergie, dans des endroits comme celui-ci. Beaucoup de gens sont morts ici, dans la terreur et la souffrance.
C'est ça qui n'a jamais eu de sens.
Les Hale n'ont pas été tués dans leur sommeil par l'inhalation de fumée. Ils ont été retrouvés au sous-sol. Putain, qui s'abrite au sous-sol quand sa maison brûle ?
Cela n'a jamais eu de sens.
Papa savait ça.
« S'il y a un incendie, que fait-on ? » marmonna-t-il un soir, en feuilletant tous les papiers étalés sur son bureau.
« Tu te mets à plat-ventre, et tu rampes ! » annonça fièrement Stiles, et son père avait sursauté, comme s'il n'avait pas réalisé que Stiles était là.
« C'est exact. » avait-il répondu en empilant à nouveau les papiers. « C'est exact, gamin. On va regarder la télé, d'accord ? »
Stiles avait dix ans quand la maison Hale avait brûlé, avec les Hale à l'intérieur. Il avait fallu deux ans pour que l'ondulation, qui avait commencé cette nuit-là, se transforme en la vague qui a balayé toute sa vie.
Il ferme les yeux, et respire l'air frais. C'est affreux.
C'est affreux de se tenir ici, et de savoir que tous ces gens sont morts. C'est affreux que tout ce qui s'est passé ici, cette nuit-là, ne se soit pas simplement terminé ici.
Qu'autrefois, il y a six ans, une personne s'est tenue ici et a fait cela, puis a également détruit la vie de Stiles.
Dieu.
Il veut juste remonter le temps. Il veut juste voir le visage de cette personne. Et puis il veut la retrouver, où qu'elle soit désormais, et enfoncer son couteau dans son cœur...
Les larmes lui montent à la gorge, et lui brûlent les yeux.
Ce n'est pas juste.
Pas juste du tout.
Stiles sursaute et ouvre les yeux, en sentant la pression d'un nez humide contre sa paume. Il enroule sa main autour du museau du chien.
« Je veux juste savoir. » dit-il au chien. « Je veux juste savoir ce qui s'est passé. »
Le chien gémit, et se presse contre ses jambes.
Ils observent la maison ensemble.
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« Salut, Stiles. » lui dit Scott, en ouvrant la porte de la clinique vétérinaire.
Stiles et le chien entrent. Scott n'est pas seul. Il y a une jolie fille brune avec lui. Quand elle sourit, elle a des fossettes.
« C'est Allison. » la présente Scott. « Elle vient juste de commencer à mon école. »
« Salut. » marmonne Stiles.
« Salut. » lui répond Allison. « Wahou, ton chien est incroyable. Il ressemble vraiment à un loup. »
« Je pense qu'il est un hybride. » déclare Scott. « Eh, écoute. Allison vient chez moi pour faire ses devoirs. Ma mère travaille tard. Est-ce que tu, hum, tu veux venir ? Genre, euh, sans vouloir t'offenser ni rien, mais tu pourrais prendre une douche, et laver tes vêtements, et tout ? »
Une partie de Stiles veut se pelotonner et pleurer, en se rappelant à quel point il est sale. Mais il n'est pas assez fier pour refuser, ou assez stupide.
« D'accord. » marmonne-t-il à la place.
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Allison a une voiture. Elle baisse les vitres quand Stiles et le chien s'assoient sur la banquette arrière. Alors Stiles se dit que oui, d'accord, ils puent tous les deux...
Allison lui parle d'emménagement ici, et d'un groupe qu'elle aime. Et elle ne pose pas de questions sur Stiles, et qui il est, et pourquoi il est sans-abri. Il aime ça.
Scott ouvre la voie sur sa moto poussiéreuse.
Scott vit dans une petite maison sur North Sycamore Street. C'est bien. C'est vraiment bizarre d'être à nouveau dans une maison après si longtemps.
Stiles respire profondément, pour ne pas paniquer. Cela pourrait être vraiment stupide : aller dans un endroit qu'il ne connaît pas, avec des gens qui sont pratiquement des étrangers. Mais il a son couteau, et il a le chien, et c'est aussi Scott.
Scott, qui ne lui a jamais rien facturé pour la consultation, ni pour les friandises pour chiens. Scott, qui a donné à Stiles son dîner, et son sweat à capuche, et dix dollars.
Ledit Scott le fait monter à l'étage.
« D'accord, alors voici la salle de bain. Je vais te chercher des vêtements que tu peux emprunter, d'accord ? Pour que je puisse mettre les tiens dans la machine à laver. »
Stiles est presque sûr qu'un cycle d'essorage détruira son jean et ses sous-vêtements, mais il hoche la tête.
Scott sort une bouteille de gel douche pour chien de derrière son dos.
Stiles a l'air dubitatif.
« Mec, il a des puces. » ajoute Scott à voix basse.
Le chien gronde, mécontent.
« En fait, » continue Scott, « nous devrions probablement le laver en premier. »
Le chien n'est pas content d'être malmené dans le bain. Mais ses yeux se ferment dans ce qui semble être du plaisir, quand Stiles fait mousser le produit sur ses poils, et le masse de ses doigts à travers sa fourrure grossière.
Le chien n'aime pas quand Scott essaie d'aider, alors Scott recule, se penche dans l'embrasure de la porte, et laisse Stiles tout faire. Puis il passe le sèche-cheveux de sa mère, et Stiles sèche le chien du mieux qu'il le peut.
Il est à peu près sûr que le ventre du chien dégouline toujours, quand celui-ci décide finalement qu'il en a assez, et saute hors de la baignoire.
Le chien grogne quand Scott essaie de le tirer hors de la salle de bain, pour que Stiles puisse se doucher. À la fin, il se recroqueville sur le tapis de bain, pendant que Stiles se déshabille et saute dans la douche.
L'eau chaude est incroyable.
Stiles utilise ce qu'il pense être le gel douche de la mère de Scott. Ça sent quelque chose de doux et de floral. Il s'en fiche, car il est propre pour la première fois depuis des mois. C'est dégoûtant à quelle vitesse le gant de toilette blanc se transforme en gris. Stiles a de la saleté essentiellement incrustée dans les plis de son corps.
Dormir dans la ruelle va être horrible, ce soir.
Stiles reste sous la douche jusqu'à ce que l'eau commence à devenir froide, puis il se sent coupable d'avoir utilisé toute l'eau chaude. Il ferme les robinets, et attrape la serviette que Scott lui a laissée. Le miroir est embué, alors il en essuie une section, puis regarde fixement l'enfant propre et mince que le verre révèle.
Il peut compter ses côtes.
Il passe sa langue sur ses dents, et souhaite avoir aussi une brosse à dents. Il songe à vérifier s'il y a une brosse de rechange, dans le petit placard sous le lavabo, mais cela lui semble impoli. Il s'essuie donc, et enfile le pantalon de survêtement et le t-shirt que Scott a posés pour lui, sur la tablette du lavabo.
Lorsqu'il sort de la salle de bain et descend les escaliers, le chien le suit.
Il trouve Scott et Allison dans le salon, leurs manuels étalés sur le sol autour d'eux, et une pile de sandwichs empilés sur la table basse.
« Ha ! » commence Scott. « Tes affaires sont dans la machine à laver. Prends un siège. Prends un sandwich. »
Stiles s'assoit maladroitement sur le sol à côté d'eux. Le chien se presse contre son flanc. Ils mangent les sandwichs.
Il y a un petit ordinateur portable argenté sur la table basse.
« Puis-je utiliser ton ordinateur ? » demande Stiles à Scott.
« C'est le mien. » répond Allison. « Et bien sûr. »
« Merci. »
Stiles l'ouvre et recherche quelques articles, essayant de se rafraîchir la mémoire au sujet de l'Incendie Hale. Il n'y a pas vraiment grand-chose en ligne : juste des articles de journaux. Un sur l'Incendie, un autre sur les funérailles, et un autre citant le rapport de l'enquêteur sur l'Incendie, selon lequel il s'agissait d'une explosion de conduite de gaz.
Ce n'était pas ça.
Vous ne vous cachez pas dans le sous-sol, lors d'une explosion de conduite de gaz.
Stiles vacille, quand il voit une photo de la scène de crime. Son père est là, son badge de Shérif brillant et neuf. La photo est en direct. Son père a été pris au milieu d'une conversation, en train de parler à l'un de ses Adjoints. Ils ont tous les deux l'air hanté par tout ce qu'ils ont vu cette nuit-là, les visages tirés et graves. Il y a des lignes autour de la bouche de son père.
Le cœur de Stiles saute un battement, et le chien lui pousse la main avec son museau.
Stiles passe à un autre article. Pas de photos, cette fois.
Il est à peine huit heures, mais Stiles lutte déjà contre le sommeil. Cela n'aide pas que Scott et Allison parlent de trigonométrie.
Il s'assoit contre le canapé, la tête du chien sur ses genoux.
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Quand Stiles se réveille, il fait noir et il ne sait pas où il est. Il s'agite, et le chien gronde de façon réconfortante.
Stiles se réveille plus complètement, clignant des yeux dans l'obscurité. Il est dans le salon de Scott McCall. Les lumières sont éteintes, mais il y a une faible lueur venant d'ailleurs dans la maison. Et Stiles peut entendre des voix.
Il se relève, et se glisse lentement vers la lumière.
C'est la lumière de la cuisine. Stiles peut voir Scott debout près de l'évier, fronçant les sourcils avec inquiétude. Il y a une femme avec lui. Elle porte une blouse d'uniforme pastel.
Merde.
La mère de Scott.
Les adultes signifient les autorités, et Stiles ne peut pas avoir ça sur le dos. Il combat l'envie de s'enfuir. Surtout qu'il est aussi pieds nus, et qu'il porte les vêtements de Scott.
« Est-ce que mes vêtements sont secs ? » demande-t-il à la place, en entrant dans la cuisine.
Scott regarde sa mère d'un air implorant.
« Stiles, n'est-ce pas ? » demande-t-elle.
Elle a les cheveux noirs et une expression bienveillante, à laquelle Stiles veut désespérément se réchauffer. Il ne peut pas, cependant. Elle voudra aider. Elle voudra appeler la police, ou les Services à l'enfance.
« Quel âge as-tu, Stiles ? »
« Maman ! » s'exclame Scott.
« Scott, je ne suis pas une idiote. » répond sa mère. « Stiles, regarde-moi dans les yeux, et dis-moi que tu as une maison où aller. »
« Je veux juste mes affaires, » insiste Stiles, sa voix s'accélérant, « et puis j'y vais. »
La mère de Scott pince les lèvres.
« Je veux juste mes affaires. » répète Stiles en jetant un coup d'œil à Scott.
L'expression de Scott lui explique tout ce qu'il a besoin de savoir.
« Je suis sûr que vous êtes une personne vraiment gentille, Mme McCall, et je suis sûr que vous voulez seulement faire ce qu'il faut, mais je ne traîne pas pendant que vous appelez les flics. »
« Chéri, » répond Mme McCall en s'avançant, « ce n'est pas sûr pour toi de dormir dans la rue. »
« Je ne retourne pas dans le système ! » s'exclame Stiles. « Scott, s'il te plaît, je veux juste mes affaires. »
Le chien s'interpose entre lui et Mme McCall, hérissé. La main de la femme vole jusqu'à sa gorge.
« Il ne mordra pas. » lui promet Stiles. « Mais vous ne pouvez appeler personne. S'il vous plaît, n'appelez personne. »
« Je vais chercher tes vêtements. » déclare Scott en passant devant lui.
Stiles regarde Mme McCall avec méfiance.
« Stiles, s'il te plaît, ce n'est pas sûr. » reprend-elle. « Nous pouvons trouver quelque chose. Je connais des gens qui travaillent dans les Services à l'enfance, et... »
« Non ! » Les yeux de Stiles piquent. « Je n'y retourne pas ! Je ne peux pas ! »
« Maman. » reprend Scott en réapparaissant, et en mettant les vêtements propres et chauds de Stiles dans ses bras. « Maman, s'il te plaît, ne le fais pas. »
Il prend Stiles par l'épaule, et le ramène dans le couloir jusqu'au salon.
Le chien reste dans la cuisine, observant Mme McCall.
« J'ai dit que tu étais un ami de l'école, mais je suppose qu'elle ne l'a pas avalé. » Les yeux de Scott sont écarquillés. « Je suis désolé, mec. »
Stiles commence à se déshabiller.
« C'est bon. C'est un truc de maman, non ? Je veux dire, elle essaie de faire la bonne chose. C'est sympa. » Sa voix craque sur le mot.
« Tu peux toujours venir à la clinique. » lui propose Scott. « Promets-moi que tu le feras. »
« Ouais. »
Stiles renifle, et s'assoit sur le canapé pour enfiler ses chaussures. Ses dix dollars sont toujours dans sa chaussure droite. Il ne sait pas encore s'il profère un mensonge ou non.
« J'y vais. Merci. »
Il tire sur le vieux sweat à capuche de Scott, et le ferme bien.
Le chien le retrouve à la porte d'entrée, et ils sortent dans la nuit.
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Le loup connaît le chemin de retour pour la ruelle. Il se recroqueville à côté de son garçon, lorsqu'ils atteignent leur abri en carton.
« Ma maman me manque. » lui confie Stiles, dans un murmure brisé.
Le loup gémit.
La Mort porte toujours le visage de Laura. Elle les regarde tous les deux en silence, mais elle garde ses distances ce soir.
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