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CHAPITRE 9
Stiles ne peut pas aller au Département du Shérif, mais il doit retrouver Kate Argent. Il ne sait pas où elle habite, mais d'après l'adresse que Stiles a notée sur sa feuille de papier, la dernière fois qu'il a utilisé l'ordinateur d'Allison, C. & V. Argent habitent sur Parkview Street.
C'est un quartier récent, Stiles ne le connaît pas très bien. Les maisons ici sont grandes, les pelouses uniformément soignées et ordonnées. Ce n'est pas le meilleur endroit pour essayer de marcher dans la rue sans se faire remarquer.
Stiles s'imagine qu'il peut sentir les rideaux bouger lorsqu'il passe. Il imagine des banlieusards aux yeux écarquillés, pendus au téléphone, et cherchant des informations auprès des surveillants de leur quartier. Alors il marche comme s'il avait un but, comme s'il était un garçon rendant visite à un ami.
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C'est juste à la tombée de la nuit qu'il arrive chez les Argent.
Le SUV noir, et la voiture qu'il reconnaît comme étant celle d'Allison, sont garés dans l'allée. Donc, C. & V. Argent sont ses parents.
En tout cas, ce n'est pas un nom de famille courant.
La maison juste en face de celle des Argent n'a pas de lumière allumée. Il y a aussi une haie d'arbustes plantée le long de la limite de propriété, ce qui, en voyant le reste du quartier, est probablement contre les règles ou quelque chose du genre, mais merci à Dieu pour les rebelles !
Stiles se glisse dans la cour et s'accroupit derrière les buissons. Il est à l'abri des regards à présent, mais en gardant une ligne de vue parfaite sur la maison des Argent.
Il s'assoit et attend, et sent la pression fantôme du nez du chien contre ses doigts froids.
Stiles déteste Kate Argent pour ce qu'elle a fait à son père, mais il la déteste aussi pour avoir tué le chien. Cette haine est plus immédiate, moins contrôlée, et la méchanceté derrière elle effraie un peu Stiles.
Kate mérite des choses terribles, et Stiles a peur d'en être capable. Pas désolé, mais effrayé. Il fera cependant tout ce qu'il doit faire. Il deviendra ce qu'il doit devenir...
Quelques voitures roulent lentement dans la rue.
Stiles ressent une pointe de panique lorsque les lumières de la maison derrière lui s'allument, mais il ne semble y avoir personne à la maison. Les habitants sont probablement absents ou quelque chose du genre, et ils ont réglé l'éclairage sur une minuterie. Il y a au moins trois journaux sur le perron qui soutiennent cette théorie. Ils auraient probablement dû arrêter leur livraison aussi.
Stiles se demande si la maison est sous alarme. Il se demande s'il pourrait réellement entrer par effraction. Il parie qu'il fait chaud à l'intérieur.
Quand Stiles était enfant, il pensait que l'idée des planques et des filatures était amusante. Comme les soirées pyjama, sauf que vous étiez censé rester éveillé et manger de la malbouffe toute la nuit. Donc oui, exactement comme les soirées pyjama.
Papa riait toujours, et disait qu'il n'y avait rien d'amusant à rester assis dans une voiture toute la nuit.
Stiles est prêt à parier que c'était plus agréable que de rester assis sur le sol humide et froid toute la nuit. Il a faim aussi. Il n'a pas mangé de toute la journée.
Ce plan de s'introduire par effraction commence à avoir l'air meilleur à chaque minute. Il y aurait de la nourriture quelque part dans la maison. De la nourriture, et de l'eau chaude, et des vêtements de rechange... et une arrestation pour tous ses problèmes...
Donc c'est tentant, mais Stiles n'est pas aussi stupide, ni aussi désespéré.
Il mordille les ficelles de son sweat à capuche, et ignore son ventre qui grogne.
Le crépuscule s'assombrit lentement en nuit. Stiles est brièvement rejoint par un chat curieux, mais qui s'enfuit lorsqu'il essaie de l'amener plus près.
Stiles surveille la maison des Argent.
Il somnole probablement, et se réveille en sursaut quand la porte d'entrée de la maison s'ouvre brutalement, et qu'Allison sort à grands pas en enfilant son manteau.
« Je vais étudier avec Scott ! » crie-t-elle. « Qu'est-ce que tu vas faire ? Me punir ? »
Son père, qui l'a suivie à l'extérieur, a l'air prêt à faire exactement cela. Mais ensuite, une femme aux cheveux roux coupés court - la mère d'Allison ? - sort et met une main sur l'épaule de l'homme... Et wahou : elle revêt une expression qui flétrirait les "balles" de Stiles à mille pas !
Allison se précipite vers sa voiture, y monte et démarre.
Stiles est surpris qu'elle ne fasse pas ronfler le moteur, juste pour l'effet.
Ses parents rentrent à l'intérieur.
La nuit devient plus froide.
Le chat ne revient pas.
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Stiles est vraiment nul en surveillance. Il se réveille au point de l'aube, en frissonnant. Il a mal à la gorge et mal à la tête, à cause du froid.
La voiture d'Allison est de retour, et il a dormi pendant tout ce temps, et le SUV noir du père d'Allison revient juste dans l'allée. Stiles ne l'a même pas entendu partir.
Le ciel s'adoucit de l'obscurité à l'aube. De légères touches de rose et d'orange précèdent le soleil.
Stiles glisse ses mains froides sous ses aisselles, et regarde le père d'Allison sortir quelques sacs noirs de l'arrière du SUV. Il est à nouveau vêtu de noir, et ressemble à une équipe d'opérations spéciales à lui tout seul.
Est-il allé à nouveau dans la Réserve ? Combien de temps est-il resté là-bas ? Et que diable cherche-t-il, d'ailleurs ?
Stiles se souvient qu'Allison a déclaré que son père était paranoïaque à propos du puma. C'est presque drôle. Le gars est habillé comme s'il pouvait éliminer ISIS(*) à lui tout seul, mais un seul gros chaton s'avère insaisissable ?
[(*) NDT : ISIS, ou Islamic State of Iraq and Syria ("État islamique en Irak et en Syrie"), est une organisation terroriste, militaire et politique, d'idéologie salafiste djihadiste. (Wikipedia)]
Apparemment, M. Argent est tout bavardage - ou dans ce cas : tout habillage - mais sans action qui l'accompagne. Il compense probablement quelque chose...
Stiles le regarde entrer dans la maison. Un instant plus tard, une lumière s'allume à l'intérieur, puis s'éteint à nouveau, puis une autre s'allume à l'étage, et reste allumée.
Si Allison n'a déménagé que récemment à Beacon Hills, ses parents certainement aussi. Il y a donc une chance qu'ils ne soient pas impliqués dans le piégeage du père de Stiles, au contraire de Kate.
Kate, se rappelle Stiles, et aussi une personne de la Station encore inconnue. Mais il est clair que le père d'Allison est toujours super-louche.
Stiles se penche et mordille les ficelles de son sweat à capuche, dans le vain espoir de convaincre son estomac qu'il mange quelque chose...
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L'effrayante et rousse Mme Argent part au travail en même temps qu'Allison part pour l'école. Le SUV noir reste dans l'allée. Soit M. Argent n'a pas de travail, soit il travaille à domicile. Stiles se souvient du nom de commerce qu'il a trouvé en ligne : Argent Tactical Solutions. C'est le père d'Allison qui est écrit dessus.
Stiles veut vraiment entrer par effraction dans leur maison, et voir s'il y a quelque chose là-bas avec l'adresse de Kate dessus. C'est probablement dû à tous les tomes de l'Encyclopédie Brown qu'il a lus quand il était enfant, mais il est presque sûr que les gens laissent traîner des informations utiles, n'est-ce pas ?
C'est peut-être son hypoglycémie qui parle.
Ouais, parce qu'il n'est pas déraisonnable qu'il y ait peut-être un carnet d'adresses ou autre chose dans la maison - probablement dans le bureau, ou près du téléphone, ou quelque chose comme ça - mais n'oublions pas que la chance de Stiles n'a pas été vraiment géniale jusqu'à présent, n'est-ce pas ? Du genre : il n'y a pas une étape qu'il n'ait foutue en l'air, d'une manière ou d'une autre...
Il ferme les yeux, et voit Kate lever son arme à feu. Entend les coups de feu. Entend le chien crier, et tomber sur l'asphalte dans un bruit sourd...
Sa gorge lui fait mal, et ses yeux le piquent.
Qu'est-ce qu'il fout ? La surveillance des parents d'Allison ne va pas le rapprocher de Kate Argent. Pour autant qu'il sache, ils ne se parlent même pas...
C'est stupide.
Stiles est stupide.
Il se lève, son corps gelé lui fait mal, et il retourne au parc.
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La poubelle du parc offre à Stiles un hamburger à moitié mangé. Il en retire les fourmis, fait semblant de ne pas sentir à quel point la mayonnaise tourne déjà, et en mange autant qu'il peut. Puis il passe les vingt minutes suivantes à essayer de ne pas le vomir.
C'est ignoble.
Il pleure.
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Cette nuit-là, Stiles est réveillé par un camé qui lui crie dessus. Quand le gars sort un couteau, Stiles court. Il retourne à la maison en face de chez les Argent, car à ce stade, où peut-il aller ailleurs ?
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Il a été réveillé quelque temps avant l'aube par le SUV de M. Argent qui s'engage dans l'allée. Cette fois, il n'est pas seul. Le Cruiser d'un Adjoint s'arrête sur la route, et Kate Argent en sort et se pavane vers le père d'Allison.
« Chris ! » crie-t-elle, le sourire narquois évident dans son ton. « La chasse a été bonne ? »
Il fait trop sombre pour voir l'expression de l'homme, et sa voix est trop basse pour entendre une réponse.
« Tu as perdu la main, grand frère ! » Kate répond en riant, alors qu'elle ferme l'espace entre eux.
« Tu n'as pas de travail à faire, Kate ? » La voix de M. Argent est plus forte cette fois, et Stiles pense qu'il essaie de cacher son irritation. Mais il ne fait pas un excellent travail...
« C'est une ville fantôme, ce soir. » lui répond Kate. « En plus, j'ai dit à papa que je vérifierai si tu avais eu la chance d'abattre l'Alpha. De toute évidence, non. »
« De toute évidence. » répète Chris, la voix plate.
Kate rit à nouveau. « Je te rattraperai, Chris. »
Il ne répond pas. Il hoche juste brièvement la tête, et la regarde retourner à son Cruiser.
Quand elle s'éloigne, il la regarde pendant un très long moment, avant de sortir son équipement du SUV, et d'entrer à l'intérieur.
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Stiles tente sa chance avec un autre hamburger de poubelle, plus tard le même jour. Il le vomit aussitôt, et n'arrête pas de vomir. Il boit de l'eau du robinet à côté du hangar d'entretien dans le parc, ignorant le panneau qui avertit que ce n'est pas potable, et la vomit également. Après cela il commence à trembler, ce qui est étrange car il n'a pas froid. Il brûle, en réalité.
Il ne se souvient pas d'avoir marché jusqu'à la maison de Scott. Il est presque sûr que son cerveau est en ébullition. Il a une vague idée qu'il est très, très malade, mais une intoxication alimentaire ne devrait pas le rendre aussi malade ? N'est-ce pas ? Et s'il a une méningite, ou quelque chose comme ça ?
Il ne se souvient pas d'avoir marché jusqu'à la maison de Scott, mais c'est là qu'il se réveille. Il est dans le bain, et Melissa McCall met un linge humide sur sa tête, et il s'agite tellement en se réveillant qu'il les inonde tous les deux.
« Tu as de la fièvre. » lui déclare-t-elle à sa façon pragmatique. « Je pensais t'avoir dit de rester ici, Mischief. »
C'est probablement une hallucination, non ? Une sorte d'expérience réconfortante de mort imminente(*), pour le faire oublier sans paniquer. C'est bien, mais il préfèrerait que ce soit sa mère ici, plutôt que Melissa. Putain de réalisme.
[(*) NDT : Expérience de Mort Imminente ou EMI (en anglais : Imminent Death Experience ou IDE, ou encore Near Death Experience ou NDE) est une expression désignant un ensemble de "visions" et de "sensations" consécutives à une mort clinique ou à un coma avancé. (Wikipedia)]
« Scott ? » appelle Melissa, et la porte de la salle de bain s'ouvre.
Il y a trop de gens qui reluquent ses bijoux de famille, se dit Stiles, mais il est vraiment trop faible pour s'en soucier.
« Je vais lui apporter un peu plus de Tylenol [nom américain du Paracétamol]. Veille sur lui, qu'il ne se noie pas entre-temps. »
« Okay. » Scott prend la place de sa mère à côté de la baignoire. « Salut, Stiles. »
La bouche de Stiles bouge, mais il n'est pas sûr qu'il prononce un son. Il regarde plutôt le plafond pendant un petit moment. La peinture s'écaille dans un coin. Cela fait plus ressembler l'endroit à une maison, pense Stiles, ces petits morceaux d'usure.
« Je suis vraiment sale, hein ? » marmonne-t-il enfin.
« Quoi ? » demande Scott, le front plissé. « Non, mec. Tu as une température vraiment élevée. C'est pour ça que tu es dans le bain. »
« Oh. » Stiles combat l'envie de fermer les yeux. Il y a une serviette rembourrée derrière son cou, et c'est probablement l'oreiller le plus confortable jamais inventé. « J'étais vraiment malade. »
« Ouais, tu l'étais. » acquiesce Scott.
« Comment... » Stiles fronce le nez. « Comment je suis arrivé ici ? Du genre : comment j'ai trouvé mon chemin ? Comment j'ai marché ? »
« Tu ne l'as pas fait. » répond Scott, l'air inquiet tout d'un coup.
« Quoi ? »
« Je t'ai trouvé. » ajoute Scott. « Dans le parc. »
« Quoi ? »
C'est impossible. Beacon Hills n'est pas une grande ville, et pourtant Scott l'a trouvé ? Dans un parc au hasard, dans une rue au hasard, recroquevillé derrière un buisson au hasard ? Pas putain de moyen. C'est impossible.
Stiles louche vers lui. « Comment... Comment tu as fait ça ? »
« Ça va sembler vraiment, vraiment bizarre, mec. » répond Scott. Il se mordille la lèvre inférieure un instant. « Je, euh... Je t'ai senti ? Ton odeur ? »
Ouais.
Ouais, Stiles a définitivement une sorte d'expérience de mort imminente.
Le bain est très agréable, par contre.
Il ferme les yeux, et s'assoupit.
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