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CHAPITRE 12
Stiles et Scott installent leur campement dans le salon, et établissent une liste de lecture de films sur Netflix.
Stiles sait ce que c'est. C'est le déni. C'est une tentative désespérée d'inonder leurs cerveaux avec quelque chose de normal - Parks and Rec(*), pop-corn, sodas... -, pour étouffer le fait que quelque chose vient juste de se passer, et qui n'a aucun sens.
[(*) NDT :Parks and Recreation (également connu sous le nom de Parks and Rec, ou Parcs et Loisirs en français) est une sitcom américaine diffusée entre 2009 et 2015. Cette série met en scène le quotidien des employés du département des parcs et des loisirs de l'État de l'Indiana en Californie, dans la ville fictive de Pawnee. (Wikipedia)]
Stiles et son père étaient des experts dans ce domaine, quand sa mère était malade, et ensuite quand elle était partie. Stiles ne peut toujours pas regarder La Nuit au Musée sans essayer de repousser un sentiment croissant de terreur.
Il ne peut toujours pas se souvenir du rire de son père sans se souvenir, à nouveau, de toutes ces fois où il était tellement, tellement proche de la rupture. Mais c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont tout repoussé. Ils ont prétendu que les choses étaient normales, jusqu'à ce qu'elles le redeviennent presque. La nouvelle normalité, en tout cas. Ensuite, cela a été arraché aussi.
Entropie.
Toutes ces soirées devant la télé avec son père, tous les deux prétendant que, tant qu'ils regardaient l'écran et riaient des blagues, ils n'avaient pas à remarquer que leur univers s'était effondré...
Les yeux de Scott ont changé de couleur et ont brillé.
Il peut entendre les battements cardiaques.
Il a remonté la piste de Stiles par l'odeur depuis l'autre bout de la ville.
Il y a eu quelque chose à l'extérieur de la maison, et ça hurlait.
Le déni ne pourra pas retenir ce barrage bien longtemps, n'est-ce pas ?
Stiles met sa main dans le bol de pop-corn. « Scott ? »
Scott le regarde avec inquiétude, comme s'il savait que Stiles était sur le point d'annihiler totalement leur paix fragile. « Quoi ? »
Paralysie du sommeil.
Imagination.
Démence fronto-temporale.
Cauchemar.
C'est étrange comme le cerveau humain rationalise les choses qu'il ne veut pas croire. C'est étrange à quel point il travaille dur, pour repousser les choses qu'il ne peut pas expliquer.
Scott n'est pas une sorte de monstre.
La mère de Stiles n'était pas en train de mourir.
Tout va bien, et tout ira bien.
Stiles croque son pop-corn. « Nous devrions regarder l'épisode de Li'l Sebastian. »
Scott lui fait un immense sourire reconnaissant, et accède au menu Netflix.
Stiles regarde, mais ne suit pas l'action.
Entropie.
Certaines choses s'effondrent, mais certaines choses se mettent également en place.
La nuit avance lentement vers l'aube.
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« Ne me dites pas que vous êtes restés assis là toute la nuit ! » s'exclame Melissa McCall, quand elle rentre du travail au matin. Stiles et Scott échangent un regard coupable...
Melissa plisse les yeux devant eux. « Tu ferais mieux de te lever tôt et de décider de regarder la télévision avant l'école, Scott. »
« C'est exactement ce qui s'est passé. » répond Scott, mais il est un très mauvais menteur.
Stiles ne le connaît que depuis quelques semaines, tout au plus, et il sait déjà lire son langage corporel. Le fait qu'il devienne rouge vif est probablement le plus important.
« Dépêche-toi, ou tu seras en retard à l'école. » soupire Melissa.
Scott vole presque à l'étage pour s'habiller.
Melissa tourne alors son regard culpabilisant sur Stiles.
« Essaye de rester diurne, Stiles, s'il te plaît. » Elle soupire. « Tu n'as peut-être pas à te soucier de l'école, mais ta santé est fragile en ce moment. Tu as un poids insuffisant, et tu te rétablis encore de ta fièvre. Les marathons de films nocturnes et le pop-corn ne vont pas t'aider. Fais de meilleurs choix, Stiles. »
Stiles sait que c'est censé être un sermon, mais il ne peut pas s'empêcher d'être sensible à ses paroles. Il ne peut pas s'empêcher de se détendre, et sa bouche penche d'un côté.
« Quoi donc ? » demande Melissa. « Qu'y a-t-il, Stiles ? »
« Désolé. » répond-il. Il croise son regard, et baisse rapidement les yeux. « Tu es tellement une maman, en ce moment(*). »
[(*) NDT : Encore un clin d'œil, difficilement traduisible en français : "You're being such a mom right now", qui rappelle la phrase "Don't be such a sourwolf" ("Ne sois pas un tel loup-aigre") que Stiles lance sans arrêt à Derek, dans le fandom !
J'aurais pu traduire en "Tu es une telle maman en ce moment", mais ça n'aurait pas eu le même sens...]
« Eh bien... » Elle s'assied à côté de lui. « C'est un peu mon travail, ici. »
« Ça fait un moment... » murmure Stiles.
Melissa tend la main et prend la sienne. Elle la serre. « Est-ce que ça te va si je fais ça pour toi ? »
Il aime cette femme. Il l'aime vraiment.
« Ouais. » répond-il, n'osant pas encore lever les yeux.
Après tout : elle l'a déjà vu à son pire, probablement, quand il pleurait sur son épaule à l'hôpital... Mais ça ne veut pas dire qu'il veut craquer devant elle tous les jours, n'est-ce pas ?
Un gars doit conserver une sorte de dignité, et Stiles pense que ce qu'il aime le plus chez Melissa, c'est qu'elle le laisse faire. Elle lui demande si c'est bien, pour lui, qu'elle soit sa mère quand il en a besoin.
Elle lui serre à nouveau la main. « Bien. »
Ils restent assis ensemble sur le canapé, pendant un long moment.
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Stiles prend Scott à part, avant qu'il n'aille à l'école. « Dis à Allison que je suis là. » demande-t-il.
« Quoi ? » Les sourcils de Scott se rapprochent brusquement. « Tu es sûr ? »
Il n'est pas. Il ne l'est vraiment pas.
« Oui. » répond-il.
Le regard de Scott tombe sur sa poitrine. Non, pense Stiles, le cœur battant.
« Je ne suis sûr de rien. » admet-il. « Mais même quand nous pensons que nous sommes immobiles, en réalité nous perdons du terrain. »
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Il passe la journée assis dans le salon, à regarder par l'interstice des rideaux, tandis que Melissa dort à l'étage.
Scott a-t-il déjà eu un cours avec Allison ? Lui a-t-il déjà parlé ? Lui a-t-il déjà dit ? L'a-t-elle dit à Kate ?
Le cœur de Stiles se serre à chaque voiture qui passe. Il s'attend à ce que la police frappe à la porte à tout moment.
Mais personne ne vient.
Au moment où Scott rentre de l'école, Stiles a l'impression d'avoir retenu son souffle toute la journée.
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Allison arrive après que Melissa soit partie travailler. Elle serre Stiles dans ses bras, tellement fort qu'il pense entendre ses côtes craquer.
« J'étais tellement inquiète pour toi ! » s'exclame-t-elle.
« Qu'est-ce que ton père chasse dans la Réserve ? » lui demande Stiles.
Elle le relâche, le front plissé. « Quoi ? »
« Pardon. Totalement non sequitur. » corrige Stiles. « Mais aussi une très importante question. Qu'est-ce que ton père chasse dans la Réserve ? »
Allison hausse les sourcils. « Hum... Un lion des montagnes ? »
Non, pense Stiles : un Alpha...
Allison penche la tête. « Qu'est-ce que cela a à voir avec quoi que ce soit ? »
« Je ne sais pas. » répond Stiles.
Il soutient son regard et tente de lire son expression. Il est conscient de Scott, qui plane anxieusement à proximité. Il sait à quel point cela peut mal tourner...
« Allison, je pense que ta tante a quelque chose à voir avec l'Incendie Hale. »
Une centaine d'émotions traversent le visage de la jeune fille, avant que son expression ne se ferme.
« Quoi ? » demande-t-elle platement.
« Je l'ai entendue au téléphone avec mon père. » argumente Stiles. « Elle lui disait d'abandonner l'enquête, ou il le regretterait. »
« Oh. » Allison recule. Elle sourit fermement. « Bien sûr. »
Stiles la regarde avec méfiance.
« Tu ne veux pas que ton père soit un sale flic, alors tu choisis ma tante à la place, n'est-ce pas ? » Elle presse ses lèvres en une ligne fine.
« Ce n'est pas ça. » répond Stiles, mais bien sûr il y a la possibilité que ce soit ça. Exactement ça.
Que Stiles se souvienne mal, qu'il soit délirant, que l'activité électrique qui devrait éclairer son cerveau vacille dans l'obscurité pièce par pièce, comme une série de lumières de Noël brisées.
L'expression d'Allison s'adoucit. « Je suis désolée pour ton chien, Stiles. »
« Il ne s'agit pas de lui. » Ses yeux le piquent. « Il se passe plus que ça, ici. Ce n'est pas seulement un fantasme de vengeance pour mon chien. C'est... »
Le coup soudain à la porte les surprend tous.
Il y a un moment de silence, puis : « Département du Shérif de Beacon Hills. Ouvrez la porte. »
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Jordan Parrish a vraiment l'air désolé, pendant qu'il met les menottes à Stiles [dans son dos]. Stiles pense que c'est probablement pour le bien de Melissa McCall, plus que pour le sien. Melissa va avoir beaucoup d'ennuis.
« Je ne l'ai pas dit ! » s'exclame Allison, son visage baigné de larmes, pendant que Parrish conduit Stiles vers la voiture. « Je ne l'ai pas dit ! »
Peu importe qui l'a dit, n'est-ce pas ? Le résultat est le même.
« J'appelle maman ! » lui promet Scott. « Et mon père ! Ne dis rien tant que tu n'as pas trouvé d'avocat ! »
Stiles hoche la tête.
« Attention à ta tête. » lui dit Parrish, en l'aidant à monter à l'arrière du Cruiser(*).
[(*) NDT : Je rappelle qu'il y a toujours des barreaux à l'arrière des Cruisers du Département du Shérif, c'est une "cage" pour les délinquants arrêtés.]
La porte claque. Quelques instants plus tard, Parrish s'assoit sur le siège du conducteur, et démarre le moteur. Il regarde Stiles dans le rétroviseur.
« Hé, Jamie. Ce n'est pas aussi grave que tu le penses, d'accord ? » Il sourit légèrement. « Plus vite nous réglerons tout ça, plus vite tu pourras mettre tout ça derrière toi. »
Stiles déglutit et tourne la tête, pour regarder la rue de Scott passer devant la fenêtre. Il cligne des yeux, et les larmes brouillent sa vision. Des couronnes éclatent depuis les réverbères. Il cligne à nouveau des yeux, et regarde le rétroviseur.
« Qui vous a dit où j'étais ? » demande-t-il, sa voix rauque.
« Un tuyau anonyme. »
« Est-ce que Mme McCall va avoir des ennuis ? »
« Ne t'inquiète pas pour Melissa. »
Ce n'est pas une réponse, n'est-ce pas ? Stiles regarde à nouveau par la fenêtre.
Ils se rapprochent du centre-ville à présent, en traversant une rue d'entrepôts.
Stiles pense qu'il se souvient de cette zone, de quand son père l'emmenait parfois en patrouille. Stiles se sentait très adulte, à chaque fois que cela arrivait. Parfois, son père le laissait même porter son chapeau, et ils achetaient des plats à emporter et les mangeaient dans la voiture. Stiles attendait toujours avec impatience des moments comme ça, comme s'il s'agissait de gâteries spéciales, au lieu de soirées où sa gardienne ne pouvait pas venir.
Stiles a pratiquement grandi dans le Cruiser de son père, et à la Station...
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Des phares soudains l'aveuglent, et il s'éloigne de la fenêtre...
« Que diable ? » marmonne Parrish.
Le camion arrive rapidement sur eux. Trop vite... Et quand il entre en collision avec eux, la force de l'impact envoie le Cruiser hors de la route, jusque dans une clôture !
Stiles percute la cage, et rebondit sur le siège.
Pas... Pas un accident ? Une manœuvre spéciale...
Parrish attrape sa radio. Son visage est pâle dans l'éclat des phares du camion, et il y a un brillant filet de sang, cramoisi, qui coule sur le côté de son visage.
Le camion recule, et le moteur rugit.
Le second impact les projette comme des cailloux dans une boîte !
Parrish essaie de pousser sa porte, mais elle est bloquée rapidement.
Des gens s'approchent de la voiture. Ce sont d'abord des silhouettes, mais ensuite elles deviennent des personnes. Stiles voit deux hommes qu'il ne connaît pas, tous deux vêtus d'une tenue de combat noire. Et il voit Kate Argent...
L'un des hommes ouvre la porte de Stiles, et le traîne dehors.
« Kate ? » demande Parrish. Il a l'air assoupi. Commotionné. « Kate, qu'est-ce qui se passe ? »
Kate l'ignore.
« Re-bonjour, Jamie. » dit-elle. « Je suis si heureuse de te revoir. »
Stiles repousse le gars qui le tient, mais il est déjà menotté [dans le dos], et le type est aussi solide qu'un mur de briques. Le gars le transporte jusqu'au camion et le pousse dans le dos. Ensuite, le mec monte sur le siège du conducteur, et recule le camion. Le métal craque lorsque ça se dégage du Cruiser de l'Adjoint.
Stiles lutte pour s'asseoir.
« Kate ? » appelle Parrish. « Jésus Christ ! Kate ! »
Stiles s'effondre contre la porte du camion, mais il se force à se lever, pour voir par la fenêtre...
Il y a un éclair soudain de lumière, et une vague de chaleur déferlante !
La bouche de Stiles s'ouvre, sur un cri qui ne peut pas sortir...
Le Cruiser de Parrish est en feu, et Parrish toujours à l'intérieur !
Il essaie de défoncer la fenêtre...
Et puis... Et puis Stiles ne peut plus le voir...
Kate tient un bidon d'essence, et elle regarde sans expression les flammes tout engloutir.
Stiles ferme les yeux...
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Kate sent l'essence et la chair brûlée. Elle s'assoit à l'arrière du camion avec Stiles et garde une main sur la nuque du garçon, pressant son visage contre le siège.
Stiles ne peut pas respirer. Il ne sait pas si c'est la position dans laquelle il se trouve, ou sa crise de panique imminente. Il gémit.
« Chuuuttt, mon mignon. » chantonne Kate, en frottant son pouce contre le nœud au sommet de la colonne vertébrale du garçon. « Chut. Sois un bon garçon courageux pour moi, hum ? »
Il peut entendre le sourire dans sa voix. « Il y aura beaucoup de temps pour les larmes plus tard. »
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