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CHAPITRE 15

Le garçon du loup sent la peur, et la confusion, et l'adrénaline. Son cœur bat vite, son sang coule dans ses veines, et le loup veut le serrer contre lui, et enfoncer son nez dans la racine de ses cheveux, là où son odeur est forte. Le tenir jusqu'à ce que ses tremblements passent, et qu'il se calme dans l'étreinte de son loup...

Le loup bondit vers l'avant - son garçon recule en réponse - et la chaîne se tend, ce qui stoppe net le loup...

« Co-comment connais-tu mon nom ? » demande à nouveau son garçon, d'une voix aiguë. Une voix tremblante, sur le point de se briser.

Le loup tend une main au lieu d'une patte, puis la recule.

Il fait peur à son garçon.

Stiles ne le connaît pas comme ça. Ses sens ne sont pas les mêmes que ceux du loup. Il compte trop sur la vue, comme tous les humains. Il ne sait pas qu'ils sont "Meute".

Le loup recule contre le mur, pour donner un peu de mou à la chaîne. Il repose là sur le côté, ses jambes relevées pour protéger ses parties nues du regard du garçon.

Les humains ont des idées différentes de la pudeur que les loups. Il se souvient de l'avoir su.

Son garçon le regarde avec des yeux écarquillés.

Le loup lève le nez pour mieux sentir son odeur.

Sous la puanteur de la peur, il sent meilleur que dans leur ruelle. Il sent le propre. Son souffle n'est pas aigre d'avoir faim tout le temps. Il sent le savon et le shampoing.

Quelqu'un a pris soin de lui d'une manière que le loup n'aurait jamais pu. Le loup en est jaloux, et en même temps content.

Et pourtant, son garçon est ici. Stiles était censé s'enfuir, et rester libre, et pourtant il est ici.

Cela n'était jamais censé arriver. Kate n'était jamais censée toucher Stiles. Le garçon du loup était censé vivre.

« Comment sais-tu qui je suis ? » demande Stiles, sa voix plus forte cette fois. Il avance de quelques centimètres. « Derek ? Comment sais-tu qui je suis ? »

« Trouvé toi. » dit le loup. « J'ai trouvé toi. »

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Il y a quelque chose qui ne va pas avec Derek Hale, et ce n'est pas seulement la façon dont il est enchaîné nu dans cet endroit. Il n'a pas l'air... d'avoir toute sa raison.

La première supposition de Stiles serait un traumatisme, parce qu'il y a clairement une tripotée de traumatismes qui se produisent ici - à la fois mentaux et physiques -, mais ce n'est pas tout à fait ce qu'il appellerait une donnée sûre... Parce que Derek Hale, et toutes les inexactitudes qui viennent avec, sont une autre pièce mal ajustée du puzzle incompréhensible qui concerne Beacon Hills...

Il se passe tellement plus de choses ici que Stiles ne le sait. Il en a vu assez souvent, n'est-ce pas ? Des choses qui n'ont pas de sens. Des choses bizarres.

Des choses qu'il aurait trop peur de dire à un médecin, au cas où cela le ferait admettre dans un service psychiatrique...

Mais soit Stiles est fou, soit le monde entier est fou !

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Il se demande si c'est ainsi que sa mère s'est sentie, lorsque la maladie s'est emparée de son esprit pour la première fois...

Combien c'est terrifiant de vivre soudainement dans un monde où plus rien n'a de sens ! Combien, au début, s'est-elle accrochée aux choses en lesquelles elle pouvait encore avoir confiance...

« John ? Il y a un homme debout dans la porte. Tu le vois, toi aussi ? »

« Il n'y a personne là-bas, Claudia. »

« Juré ? »

« Juré. »

...Mais à la fin, elle ne faisait même plus confiance au père de Stiles...

« Claudia. »

« Il essaie de me tuer ! Aide-moi, John ! Aide-moi, s'il te plaît ! »

« Claudia, c'est notre fils. »

« John, s'il te plaît ! »

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Parfois, Stiles pense que les mots de sa mère ont fait un trou, en lui, encore plus grand que celui fait par la mort de sa mère. Ça n'a jamais guéri, pas vraiment.

Il sait que ce n'était pas de sa faute. Il le sait, et il l'a toujours su. Mais ça ne veut pas dire que ça ne fait pas mal...

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Quand Stiles avait onze ans, il était parti en voyage scolaire au musée local. Ensuite, ils avaient déjeuné dans le parc.

Il y avait là-bas un sans-abri qui se promenait en cercles courts et avortés, en marmonnant et en tapant sur des choses qui n'étaient pas là.

Les autres enfants avaient trouvé ça drôle. Stiles avait trouvé ça terrifiant...

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Il ouvre les yeux, et regarde Derek.

Qui est le plus fou ? Stiles ou le monde ?

« Tu m'as trouvé. » Il soutient le regard de Derek. « Où m'as-tu trouvé, Derek ? »

Derek ouvre la bouche, mais aucun mot ne sort. Son front se plisse. Il s'éloigne à nouveau du mur, et la chaîne autour de sa gorge tinte, tandis que les maillons se heurtent l'un contre l'autre.

« Trouvé toi. Faim. Burger. »

Stiles n'ose pas respirer.

Il s'avère enfin que ces pièces de puzzle s'emboîtent, tant et si bien que Stiles est prêt à accepter... À accepter que le produit fini ne ressemble en rien à l'image sur la boîte !

« Tu es lui. » murmure Stiles. « Tu es le chien. »

Derek fait un bruit dans sa gorge, qui ressemble presque à un grognement.

« Un loup. » corrige Stiles.

Un sentiment d'émerveillement s'empare de lui, et il a presque envie de rire tellement c'est ridicule. Jésus...

C'est tellement ridicule, mais en même temps, c'est parfaitement logique !

« Un loup-garou. »

« Intelligent. » répond Derek, sa voix à peine plus qu'un murmure. « Garçon intelligent. »

« Tu peux... ? » Stiles se rapproche. « Tu peux me montrer ? »

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Le loup est fatigué.

Il y a trop d'aconit dans son système, en ce moment, pour qu'il ne souffre pas. Il a besoin de sommeil. Il a besoin de temps pour guérir.

Mais c'est Stiles. C'est son garçon, et le loup a envie d'un contact, dont il sait que ça ne viendra que s'il est dans une forme avec laquelle Stiles est plus à l'aise.

Stiles ne voudra pas le toucher sous cette forme-là, et c'est bien. Le loup n'aime pas non plus cette forme.

C'est une forme encore étrange et étrangère, et Kate aime passer ses mains dessus, avant de trouver de nouvelles façons de le faire tressaillir de douleur. Le loup se sent plus en sécurité à quatre pattes.

Il hume l'air.

Le parfum de Stiles est piquant d'anticipation. Son sang bourdonne sous sa peau. Sa peur est toujours là : c'est une odeur normale, basique dans cet endroit, mais Stiles n'a pas peur du loup.

Garçon intelligent...

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Le loup ferme les yeux, et appelle sa transformation. C'est dur. Il pense à la Lune, et à la Réserve, et à toutes les choses qui rappellent la nature plus sauvage de sa forme animale.

Il y a des années, il était capable de se transformer facilement, presque harmonieusement. Mais c'était à l'époque où il était en sécurité, et quand il était entouré de "Meute", et quand il était libre...

La transformation commence comme une démangeaison chaude dans son cœur. Ses crocs et ses griffes viennent en premier - Stiles halète -, puis ses os se transforment et se brisent, et la douleur éclate pendant une fraction de seconde, avant de disparaître à nouveau.

Puis le loup claque des mâchoires, content, et s'étire. Ses griffes raclent le carrelage, pendant qu'il courbe la colonne vertébrale.

Il n'a même pas besoin d'atteindre le bout de la chaîne avant que les bras de son garçon ne soient autour de son cou, et que le visage de son garçon ne soit pressé contre le sien.

« Je croyais que tu étais mort ! »

Le loup souffle, et frappe doucement sa tête contre le garçon, le délogeant. Le garçon s'assoit, les yeux brillants de larmes. Son sourire est tremblant.

Le loup appuie son nez contre la joue du garçon. Et suit la trace d'une larme. Le garçon ferme les yeux, et ses cils chatouillent le nez du loup.

Le loup renifle jusqu'à sa tempe, là où son odeur s'accroche aux doux piquants de ses cheveux. Il fait glisser sa langue contre la tempe de son garçon - sel, peau et sueur - et Stiles émet un son aigu de surprise.

Le loup recule et le regarde.

Les yeux de Stiles sont écarquillés. « Tu m'as léché ! »

Le loup renifle.

« Je sais bien. » répond Stiles. « Mais chaque fois que tu m'avais léché, je ne savais pas que tu étais un homme nu en-dessous ! »

Le loup remue la queue pour montrer au garçon qu'il est amusé. C'est un instinct de chien, pas de loup, mais c'est le langage corporel que Stiles peut comprendre.

Les joues de Stiles rosissent. Son sourire s'estompe, et il se frotte les yeux avec le bout de ses doigts.

« Je croyais que tu étais mort ! »

Le loup avance à nouveau.

Les doigts de Stiles s'enfoncent dans sa collerette, suivant les chemins familiers à travers les poils épais. Il y garde une main ancrée.

Il tire doucement les oreilles du loup avec son autre main. Ils mettent du temps à se réapprendre, Stiles avec ses doigts intelligents, et le loup avec son nez et sa langue.

« Tu m'as sauvé la vie. » murmure enfin Stiles. « Tu as fait ça, Derek. »

Le loup se penche contre lui, et ferme les yeux. Il soupire profondément.

« Ouais. » murmure Stiles. « Nous sommes un peu foutus maintenant, pas vrai ? »

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« Je devrais être terrifié, en ce moment. » dit Stiles.

Le chien - non, le loup - non, Derek - lève la tête des genoux de Stiles, et le regarde.

« Pas de toi. » Stiles frotte son pouce contre le museau de Derek. « De tout le reste, sauf de toi. Je ne le suis pas. Pas du tout. À quel point est-ce fou ? »

Il va probablement mourir ici. Il y a de fortes chances que cela se produise...

Mais en ce moment, en cet endroit, Stiles n'a pas peur. Il a récupéré Derek, et il n'a pas peur avec Derek à ses côtés !

« Tu t'es occupé de moi. » murmure-t-il. « Tu t'es assuré que j'étais nourri, que j'avais chaud, et que personne ne me faisait de mal. Tu es mon meilleur ami. »

Derek lèche ses doigts.

« Ça m'a manqué. » continue Stiles. « Tu m'as manqué. Mais à un moment donné, je suppose que je dois parler de nouveau à Derek nu. »

Derek souffle.

« Parce que j'ai besoin de savoir ce qui se passe. » lui explique Stiles. « J'ai besoin de savoir pour l'Incendie, et pour Kate, parce que tu n'es pas le seul qu'elle a baisé, Derek, oh merde... »

Il s'éclaircit la gorge et se ressaisit. « Je veux dire, mon père est vivant, donc je sais que ça ne peut même pas se comparer, mais je suis aussi pris dans tout ça maintenant, tout comme Scott, et... »

Derek gémit. Cela ressemble un peu à une question.

« Scott s'est fait mordre. » répond Stiles. « Par un Alpha ? »

Derek pose ses oreilles à plat contre son crâne, et grogne.

« Tu vois ? » Stiles mordille sa lèvre inférieure. « C'est pourquoi nous devons parler, Derek. Nous devons partager des informations, et essayer de déterminer s'il existe un moyen de se sortir de ce pétrin. »

Derek gémit à nouveau.

« Peut-être que nous ne pouvons pas. » admet Stiles, et il tire les oreilles du loup. « Mais je veux quand même savoir. Je ne veux pas mourir sans savoir pourquoi je meurs. »

Derek soupire, et laisse de nouveau tomber sa tête sur les genoux de Stiles.

« J'ai besoin de savoir, Derek. » murmure Stiles.

Il ferme les yeux, et appuie sa tête contre le mur froid.

« Je veux que ça signifie quelque chose. Je veux signifier quelque chose. »

Parce que ce sera probablement sa dernière chance, pas vrai ?

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La Mort les regarde depuis le coin. Son visage est pâle et tiré. Ses yeux sont sombres. Son sourire est triste. Elle ressemble plus à Laura, désormais, qu'elle ne l'a jamais fait.

« Derek. » dit-Elle.

Le loup La regarde.

Moi, veut-il Lui dire. Moi, mais pas mon garçon. Pas ma "Meute". Pas à nouveau.

Mais la Mort est comme le clair de la Lune, il le sait. Elle ne peut aider là où Elle apparaît, ni sur qui Son regard tombe.

La Mort n'est pas le monstre, ici. Elle ne l'a jamais été. Elle est appelée par des forces indépendantes de Sa volonté.

La Mort n'a jamais été l'ennemie du loup. Le loup n'a pas peur d'Elle. Il a marché trop longtemps à côté d'Elle pour La craindre.

Il pense parfois qu'Elle est aussi fatiguée de sa compagnie que lui de la Sienne...

Moi, mais pas mon garçon.

Par pitié.

Mais le loup sait que la Mort ne fait pas les choix, en ce lieu.

Kate Argent le fait.

Et Kate est bien plus cruelle, envers le loup, que la Mort ne l'a jamais été...

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