J'étais sensée le finir la semaine dernière, mais, hé hé, pas de bol, énooooorme crise de douleur. Et c'est toujours pas fini...

Le souci avec le thème du jour c'est que Twilight Princess est déjà en plein dedans, donc j'ai cherché sur Tumblr une idée, et j'ai trouvé celui-là

Bonne lecture !


Le sang coulait de ses lèvres à gros bouillons. Il s'étouffait dessus, tentant de tousser pour l'éjecter de sa bouche, de sa gorge, mais ses forces le fuyaient plus vite encore que ne s'écoulaient le liquide vital hors de ses veines.

Déjà, il ne sentait plus l'extrémité de ses membres ou la rudesse du sol sur lequel il s'était écroulé après un dernier coup porté par son adversaire. L'épée était toujours fichée là, au travers de son torse, minable miséricorde réduisant légèrement la perte. Le ciel devenait brumeux mais ses dernières bribes de conscience comprenaient que c'était dû à ses yeux se voilant et non un soudain brouillard.

Link allait mourir, éloigné de la mémoire du peuple hylien pour lequel il s'était battu contre son plus grand oppresseur, transpercé de part en part par l'arme de ce dernier qui avait tourné les talons rapidement, se désintéressant déjà de son ennemi éternel qui prenait trop de temps à rendre son dernier souffle.

Le froid était de plus en plus intense mais ce n'était rien comparé à l'inconfort de ses voies respiratoires submergées par le sang, juste ce qu'il fallait pour le garder encore capable de respirer par l'unique poumon intact qui lui restait, son agonie retardée d'autant plus.

Ses oreilles sifflantes perçurent vaguement un son, mais ce n'était pas comme s'il pouvait vraiment discerner grand-chose actuellement et encore moins se mouvoir. C'était sans doute un animal se préparant à se sustenter de son cadavre, ou Ganondorf se rappelant que sa foutue épée était un artefact inestimable à ne pas égarer n'importe où.

Peu lui importait.

Plus rien ne comptait.

Il avait perdu. Il allait mourir. Seul. Être oublié. On allait cracher sur son nom au lieu de le célébrer. Et son corps n'obtiendra jamais de sépulture décente.

Deviendra-t'il comme l'Esprit du Héros ? Un Stalfos hantant les vivants, désespéré de pouvoir transmettre et éduquer son successeur ?

Mais il n'était pas un héros. Il était un perdant. Il avait été vaincu. Il avait brisé la paix relative, obtenue par le sang et les larmes de ses prédécesseurs et il allait maintenant rejoindre la nature qu'il avait toujours chéri.

Cette conclusion était finalement plus douloureuse que cette satanée épée.

Les larmes coulaient de ses yeux depuis bien longtemps maintenant, qu'elles soient en conséquence de la douleur, du désespoir ou d'autres choses n'avait que peu d'importance. Franchement, à ce niveau, plus rien n'avait d'importance. Mais ainsi était l'être hylien. Même aux portes de la mort, son attention se concentrait sur des détails, des petits riens afin de ne pas se laisser engloutir par la situation actuelle.

— Eh bien, mon cher garçon… C'est une bien vilaine blessure que tu as là…

Hormis une ombre indescriptible, Link était incapable de voir à qui appartenait cette voix. Rien, hormis ce roux, le même qui couronnait le crâne de cet immonde Ganondorf. Mais aussi épuisé que soit son esprit, ce n'était pas sa voix. Celle-ci était plus douce, plus mélodieuse. Plus… suave ?

C'était comme du miel sur ses plaies.

Ou, plutôt, la douleur commençait à s'anesthésier d'elle-même. Ça ne rendait pas ses réflexions moins boiteuse, mais c'était déjà un plus.

Avec grand-peine, il tendit le bras dans la direction approximative de cet étranger. Voulait-il lui demander de l'achever ou de le soigner ? Les deux options se battaient sous son crâne.

— S'il vous plaît… parvint-il à souffler entre ses lèvres sanglantes.

Ceux qui mimaient les cadavres en devenir avaient tendance à faire retomber violemment le membre tendu. Mais lui s'en sentait incapable, comme si le froid de la mort avait déjà emporté ses tendons, lui volant son articulation, le forçant à rester dans cette position grotesque.

— Mais il me plaît. Quelle est ta complainte, mon pauvre ? Souhaites-tu une belle tombe ? Des mots à transmettre peut-être ? Voudrais-tu vivre ?

— Je… je vais mourir…

— Très clairement, oui.

Pourquoi gaspillait-il sa salive sur de telles platitudes ?

— V… vivre. Je veux vivre, cracha-t-il.

Le visage de son interlocuteur était toujours dans l'ombre, pourtant il aperçut un sourire large se dessiner à travers, de ceux qui lui collerait des frissons dans le dos s'il pouvait encore le sentir…

— Nous voulons tous vivre. C'est le désir de chacun d'entre nous. Mais parfois il est important d'ouvrir la main et de lâcher prise.

Cette voix était si douce, le berçant presque, l'incitant à fermer les paupières et à obéir, à se laisser voguer dans le néant jusqu'à se faire engloutir par lui.

Mais il n'en était pas capable. Il devait se battre, il devait se battre !

Mobilisant ses dernières forces, il rouvrit les yeux, tentant de se redresser, crachant des glaviots de sang alors qu'il saisissait aveuglément cet inconnu, s'y agrippant alors qu'il retombait brutalement, le souffle coupé alors que l'épée se déplaçait dans son torse.

— Je dois vivre, gargouilla-t-il.

Chassé par la surprise, le sourire revint à cette déclaration et l'inconnu posa une main gantée sur la sienne, la serrant l'espace de quelques secondes.

— Voyez-vous ça… déjà dans les bras de la mort et pourtant si prompt à me supplier de ne pas la laisser t'emporter… Mais toute chose a un prix. Et tu n'as rien. Enfin, si, tu as une vie. Mais elle t'échappe chaque seconde un peu plus.

La main sur la sienne avait une étreinte de fer, refusant de la lâcher. Mais lui aussi s'y accrochait, comme il le faisait avec sa propre vie.

— Si tu es prêt à en payer le prix, les modalités sont simples : tu dois quand même mourir. Abandonner ta vie pour embrasser une nouvelle. Abandonner ton identité pour en revêtir une autre. Abandonner tes possessions afin de devenir la mienne. Renie tout ça et embrasse ce marché. Meurs et renais de tes cendres.

Sa main lâchant la sienne lui donna l'impression de perdre pied, de plonger sous la surface sans avoir eu le temps de bloquer sa respiration, alors que, enfin, il se sentait partir, sa vue se floutant jusqu'à s'obscurcir.

— Pas que veiller un agonisant soit rébarbatif, mais j'aurais besoin de ta réponse avant ton grand départ. Pour savoir si ça vaut le coup ou si je perds le temps, tu comprends, j'imagine.

Mais Link s'enfonçait de plus en plus, à peine conscient de ce qui se passait autour de lui.

Était-ce une vraie réponse ? Ou bien s'était-il contenté de répéter le dernier mot qui avait traversé son esprit et ses lèvres, sans la moindre substance ?

— Vi… vre.


— Tu as entendu les rumeurs ?

— Tu parles de la chute de Ganondorf ? Faudrait être sourd pour l'ignorer !

Partout dans le royaume, des chuchotements furieux fusaient.

Le triomphe du Courage sur la Force avait libéré Hyrule quelques jours auparavant mais, au lieu d'une liesse générale, les réactions étaient plus… mitigées.

La cause ?

— Link de Toal, héros d'Hyrule, en mon nom et en celui de mon peuple, je souhaite te remercier pour nous avoir sauvé du règne de l'Usurpateur et des mésactions de Ganondorf.

Malgré tous les efforts de la reine, son malaise était plus qu'évident et elle était loin d'être la seule à le ressentir alors que les yeux pâles et sans vie l'observaient.

L'hylien n'avait pas prononcé un mot depuis qu'il était entré dans le palais, et peut-être plus tôt encore, se contentant de se tenir là où on lui disait et de faire ce qu'on lui ordonnait.

Ou, plutôt, ce que lui disait et ordonnait celui à ses côtés.

Déglutissant, la souveraine se permit de glisser un regard en direction de celui se tenant à ses côtés.

Jehd n'avait rien de menaçant, ni dans son allure ni dans son physique. Ils avaient échangé quelques mots et en-dehors d'une culture impressionnante, elle n'avait rien senti d'étrange. Il semblait presque… banal.

Si on mettait de côté ses capacités nécromantiques. Ou le fait qu'il avait littéralement rendu la vie au héros élu des déesses. Pour mieux l'attacher à ses services.

Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'elle prenait les mains du mort-vivant, le froid exhalant de sa peau traversant le cuir épais de ses gants, s'enfonçant dans sa chair comme des aiguilles.

— Comme le veut la coutume, je te décore…


Le duo marchait à bon pas, s'éloignant rapidement de la Citadelle malgré la nuit tombante. Nul besoin de se retourner pour le vérifier, une petite foule s'était rassemblée aux créneaux et à la porte afin de s'assurer de leurs départs.

Contraints de voyager par leurs propres moyens, Link et son maître n'avaient d'autres choix que d'aller aux pieds.

En effet, les animaux étaient très sensibles à l'aura macabre leur collant à la peau à tous les deux, et plus encore à l'ancien héros qui n'était plus qu'un cadavre en stase dépourvu de libre-arbitre.

— Campons ici.

S'asseyant sur un tronc tombé à terre, Jehd observa avec plaisir son serviteur préparer le nécessaire pour son repos à lui. Après tout, les morts n'avaient pas besoin de dormir ni de manger.

Quelle chance d'être tombé sur un spécimen pareil ! Costaud, habitué à la vie à la dure, débrouillard… La seule chose qui lui manquait, c'était la conversation, mais il avait bien l'intention d'y remédier, l'instruisant durant les longues marches auxquelles ils étaient forcés de par leurs natures occultes.

Rapidement, un grand feu s'éleva et le nécromancien vint s'accroupir à côté, attendant que Link revienne avec le dîner.

Il avait définitivement eu une chance incroyable en tombant sur le héros agonisant ! En plus, comme cet idiot de seigneur du mal avait abandonné son épée magique au travers du torse de feu son opposant, le défaire n'avait pas été bien difficile. Et peu importe que Link n'était plus capable de mourir sans sa permission !

L'arme dégoulinant de magie sombre n'avait pas rencontré beaucoup de résistance, et encore moins lorsqu'elle avait pénétré la chair du Gerudo, s'y frayant un chemin avec encore plus de facilité qu'à travers la côte de maille du héros mort.

Depuis, elle pendait aux côtés de celui-ci, en remplacement de l'épée de légende qui jonchait l'herbe tâchée de sang qui avait recueilli le dernier soupir de son porteur. Maudit, celui-ci n'était plus capable de la toucher, alors la brandir…

Jehd sortit de ses pensées alors qu'une brochette lui était tendue. Il l'attrapa, s'assurant de frôler les doigts froids avec juste assez d'insistance pour semer le trouble dans l'esprit embrumé.

Après tout, ce n'était pas pour sa bénédiction divine qu'il l'avait enchaîné à son service…


"Je suis en train de mourir ", haleta le chevalier alors que du sang apparaissait sur sa peau cendrée.

Le nécromancien sourit. "Je peux te ramener à la vie. Mais tu m'appartiendras. Fais ton choix."

Voracity Karn