Bonjour,

Voici la suite ! Merci à toutes pour vos commentaires, le précédent chapitre a suscité beaucoup d'intérêt avec le retournement de situation concernant Severus, ravie de voir que cela vous plaît =)

Bonne lecture à toutes !

Rar

Guest (1) : Avec plaisir, merci à toi pour tes commentaires réguliers =) Ce chapitre sera de nouveau sur une autre ambiance, les choses avancent;) Bonne lecture !

Guest (2) : Merci pour ton commentaire :) Je ne sais pas si Severus a besoin d'être protégé mais on ne doute pas qu'Hermione lui prêtera une attention particulière ! Bonne lecture pour ce chapitre :)


Hermione avait pris une grande inspiration, jeté un énième coup d'œil vers la vitrine du 1911, et s'était finalement lancée. Appuyant sa main sur la poignée de la porte, elle était entrée.

Alors que les battements de son cœur effréné devaient s'entendre jusqu'à la pharmacie où elle avait laissé ses collègues impatientes et excitées, son regard s'était porté machinalement sur le bar de bois sombre à gauche de l'entrée. Elle avait senti la déception poindre aussitôt en réalisant qu'il n'était pas là.

- Hey ! Salut Hermione ! S'était exclamé Ethan à la place avec un enthousiasme débordant.

La Gryffondor lui avait à peine jeté un coup d'œil, guettant encore avec espoir le passage qu'elle savait donner sur l'espace réservé au personnel du pub, celui-là même où elle avait soigné son arcade amochée, quelques semaines plus tôt. Peut-être était-il simplement en back-office ?

- Bonjour, Ethan, avait-elle salué distraitement. Est-ce que… Severus est là ?

La bonne humeur du jeune homme s'était éteinte comme la flamme d'une bougie à ces mots, et Hermione avait rougi quelque peu, un peu embarrassée.

- Non, il n'est pas là aujourd'hui, il a pris sa journée, avait répondu le serveur, soudain plus sombre. Mais dis-moi, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Lauren est en réserve mais elle peut vous préparer quelque chose si vous vouliez commander, avec les filles. Jacob nous a dit qu'Agatha était revenue travailler ce matin, c'est cool !

Même si elle avait en effet été contente de revoir sa collègue à l'officine le matin même, Hermione avait senti ses épaules s'affaisser à l'annonce de l'absence du Serpentard, et n'avait pas trouvé le courage de sourire à l'évocation du retour d'Agatha.

- Oui, elle est… revenue ce matin, avait-elle répété, absolument pas concernée par la discussion.

Son regard s'était de nouveau porté vers le bar, comme si elle espérait encore, malgré la réponse sans appel d'Ethan, y voir apparaître Severus Rogue.

- Qu'est-ce qu'il te fallait ?

- Hmm ? Oh rien, je… j'avais juste quelque chose à lui demander.

- Je peux lui transmettre demain, si tu veux ? Avait encore demandé le jeune homme, serviable.

Serviable ou insistant, elle n'aurait su le dire, en réalité.

- Non, je repasserai, ce n'était pas urgent, avait dit Hermione en battant en retraite, rougissante. Bonne journée, avait-elle ajouté précipitamment comme il ouvrait déjà la bouche pour renchérir.

La porte du 1911 s'était refermée sur elle avant que le jeune homme n'ait pu ajouter un mot, et une fois sur le trottoir, Hermione avait relâché un souffle qu'elle n'était pas consciente d'avoir retenu. Peut-être était-ce sa déception qui s'extériorisait soudain. Bon sang, et dire qu'elle s'était enfin décidée !

- Alors, alors ? Avait demandé Agatha lorsqu'elle était revenue à la pharmacie, déserte de client dans l'un des rares moments de calme que connaissait l'officine.

- Oh, elle fait une sale tête, avait remarqué Susan.

- Ne me dis pas qu'il a dit non, cet enfoiré ! S'était exclamée Mirabel avec verve, outrée. Je te promets que si cet idiot a…

- Il n'était pas là, avait répondu Hermione pour couper court à toute spéculation et autre projet de vengeance sur la personne de Severus Rogue, qui auraient été susceptibles d'amocher son joli minois.

- Oh…, avaient soupiré ses collègues avec la même déception.

- Tu vas y retourner ?

- Bien-sûr qu'elle va y retourner, enfin !

- Je ne sais pas…, avait temporisé Hermione, hésitante. Je n'étais déjà pas trop sûre alors… peut-être que c'est une bonne chose qu'il ait été absent, finalement.

Les regards de ses collègues avaient convergé vers elle, sidérés.

- Tu rigoles ? Non mais Hermione, tu vas y retourner, oui !

- Pour une fois qu'il se passe quelque chose de croustillant dans cette boutique, autre que les articulations fragiles de Mr Martin, tu ne vas pas abandonner quand même !

- Ce n'est peut-être pas une bonne idée… , avait encore tenté la Gryffondor, embarrassée.

- On s'en fout, tu ne peux pas le savoir avant d'avoir poser la question !

- Exactement, alors tu y retourneras ou c'est moi qui vais le voir pour toi, et crois-moi tu ne seras pas déçue de mon intervention ! Avait assené Mirabel.

- Surtout pas ! S'était récriée Hermione, horrifiée à cette idée.

- Voilà, affaire réglée. Allez, abandonne cet air déçu et pense plutôt à ce qu'il en sera la prochaine fois ! Il ne faudrait pas que tu perdes courage d'ici là !

Deux clients étaient entrés dans l'officine, mettant un terme définitif à la conversation. Agatha et Mirabel étaient allées au devant du chaland, laissant une Hermione grimaçante derrière eux. Par tous les Saints, pourquoi avait-elle eu la brillante idée de parler de son béguin, cette fois complètement avéré et assumé, pour le Serpentard ? Depuis, elles ne la lâchaient plus ! Et Merlin sait qu'il allait lui en falloir, du courage, pour retourner au 1911, et inviter l'ancien espion à dîner.

OoOoO

Garder un œil sur Granger n'avait pas demandé beaucoup d'efforts à Severus et pourtant, cela lui avait semblé éreintant. Psychologiquement parlant, s'entend. La pharmacie de Pigmentus étant située sur le même trottoir que le 1911, il n'avait en effet pas eu trop de peine à se donner pour épier la Gryffondor. Il lui suffisait de faire un petit détour en venant ou en repartant du travail, et prendre systématiquement les quinze minutes de pause autorisées par Jacob quotidiennement pour aller flâner dans le quartier, et apercevoir régulièrement la jeune femme.

Même s'il ne l'avait pas réabordée de façon directe depuis sa petite discussion avec Arthur au ministère, quelques jours plus tôt, il avait néanmoins mené son enquête sur la demoiselle et son entourage. C'était un peu plus que « garder simplement un œil sur elle », mais, eh bien, il avait toujours été méticuleux dans son travail, n'est-ce pas ? Et puis, il fallait bien qu'il sache à quoi s'en tenir sur la Gryffondor, qui s'imaginait pouvoir résoudre cette épineuse affaire de stupéfiants toute seule. Cela n'avait rien à voir avec l'intérêt qu'il lui portait, ni parce qu'il s'inquiétait qu'elle ne s'attire pas trop d'ennuis. Clairement pas.

De fait, Severus avait rapidement mené une enquête approfondie sur les collègues féminines de la demoiselle, toutes moldues, à qui il avait définitivement apposé l'étiquette de créatures inoffensives, du moins dans l'affaire qui l'intéressait, car en matière de vie tumultueuse, la dénommée Agatha avait une certaine réputation dans les environs, de même que la blonde à la coupe garçonne, Mirabel, qu'il avait déjà aperçue avec Granger au 1911. Alice semblait plus posée. Quand à Susan, hormis que la femme avait quinze ans de moins que son mari, qui était d'ailleurs le troisième à lui avoir passé la bague au doigt, elle semblait tout aussi pacifique que ses plus jeunes collègues.

Sans aller jusqu'à dire où le Serpentard était remonté sur le passé et les habitudes de tout ce petit monde, il avait appris que Pigmentus, le cracmol, était un ami des parents de la Gryffondor, et fils unique d'un couple mixte sorcier-moldu qui avait immigré en Angleterre depuis un pays de l'Est, des années plus tôt. L'homme était marié à une moldue, et le couple n'avait pas d'enfant. Le sans-pouvoir n'ayant aucun frère ni sœur, avec lui s'éteindrait la lignée sorcière de sa mère.

A présent qu'il savait pourquoi Granger s'évertuait à enchaîner les rendez-vous avec une multitude d'hommes de différents âges et milieux sociaux, l'apercevoir à la terrasse d'un café ou entrain de déjeuner en bonne compagnie ne surprenait plus Severus. A dire vrai, cela l'atterrait tout à fait, qu'elle puisse songer récolter des informations ainsi, ou espérer démasquer le coupable de cette façon. Il s'était même agacé de ne pas avoir deviné toute cette mascarade plus tôt, tant cela lui paraissait évident à présent qu'il savait ce qu'il en était. En réalité, il était clair que tous ces rendez-vous barbaient la jeune femme plus qu'autre chose. Lui qui connaissait parfaitement l'expression concentrée et captivée qu'affichait son ancienne élève lorsqu'elle était passionnée par un sujet ou une discussion, était bien placé pour dire que la majorité des entrevues qu'il avait aperçues ne la laissait que profondément ennuyée.

Même ses sourires étaient forcés, et ne montaient pas jusqu'à ses yeux, avait-il réalisé un jour alors qu'il s'était installé à la terrasse bondée d'un café juste en face de celle du restaurant où la Gryffondor déjeunait avec un énième prétendant au titre de Robin des Bars. Cela sautait aux yeux, qu'elle n'écoutait rien de ce que ce type racontait, et qu'elle semblait plus s'intéresser aux moineaux qui tentaient de récupérer quelques miettes à proximité des tables qu'à la conversation du jeune homme. Elle n'avait pas ce regard éperdu de curiosité, ses sourires semblaient forcés, et elle ne dégageait rien de cette énergie captivante qui….

Le souffle de Severus s'était suspendu soudain, ce jour-là, lorsqu'il avait réalisé qu'il n'était peut-être pas si objectif qu'il aurait dû l'être. Après tout, que connaissait-il réellement de la jeune femme, pour juger ainsi de l'ennui ou de l'intérêt qu'elle portait au galant face à elle ? Pas grand-chose. Il avait récupéré, grâce à ses contacts officieux au ministère, son dossier d'étude, et ne s'était pas étonné de n'y voir que des éloges et des félicitations du jury. Elle suivait un cursus de droit, finalement, et n'avait jamais mis les pieds dans la moindre formation d'alchimie, évidemment. Au vu de la teneur de son travail d'étude et de recherche, qui portait sur les conditions de travail et de rémunération des elfes de maison dans la société sorcière, elle n'avait pas prévu de se lancer dans une carrière de détective privée, mais plutôt de se faire le défenseur des créatures magiques en tout genre, ce qui ne l'avait même pas étonné. C'était bien du Granger tout craché, ça.

Hormis cela, et les souvenirs de Poudlard, tous plus ou moins entachés du mépris et de la haine qu'il avait à l'époque voués au le trio infernal qu'elle composait alors avec ses deux idiots d'amis, et le fait qu'elle ne buvait pas d'alcool, Severus ne savait rien de la jeune femme. Aimait-elle seulement aller danser au Calcio les samedis soirs, ou tout ceci ne faisait-il partie que de cette image festive et extravertie qu'elle s'efforçait de laisser paraître ? Elle était encore amie avec Potter, mais qui voyait-elle réellement pendant ses jours de repos, hormis tous ces hommes fréquentés dans l'espoir d'obtenir le début d'une piste ? Comment le considérait-elle, lui, réellement ?

De toutes les questions qui taraudaient Severus à son sujet depuis qu'il avait découvert la vérité, celle-ci aurait dû être tout en bas de la liste de celles nécessitant son intérêt et pourtant, elle ne cessait de venir le tourmenter. Toutes ces rencontres des dernières semaines, ces sourires, ces conversations étonnement plaisantes, avaient-ils eux aussi fait partie de son enquête, ou étaient-ils teintés de sincérité ? Ce baiser qu'elle avait déposé sur sa joue, ce fameux samedi soir qu'il se rejouait encore dans les rares heures où le sommeil venait le trouver… Il pouvait signifier à la fois tant de choses et rien du tout que cela en était tout à fait effrayant.

Soudain plein d'amertume, Severus avait replié son journal et avait quitté la rue commerçante animée, refusant de réfléchir plus en avant sur ces questions dont il n'était pas certain de vouloir savoir ce qui le poussait à se torturer ainsi l'esprit à propos d'une gamine qui se pensait suffisamment douée pour résoudre à elle toute seule une telle affaire.

Malheureusement, s'éloigner de la jeune femme n'avait pas suffi à faire disparaître ce mélange amer de sentiments, si bien que lorsqu'elle avait passé le pas de la porte du 1911, un soir alors que Severus venait de prendre son service, vers dix-huit heures, il l'avait accueillie d'un regard peu amène qui avait fait se figer le début de sourire hésitant qu'elle lui avait adressé.

- Bonjour. Vous… vous allez bien ? Avait-elle demandé timidement, prise de court par son hostilité palpable.

Elle avait relevé vers lui ce regard plein d'innocence et de sympathie qui avait le don de mettre sans dessus-dessous l'esprit et le cœur de Severus. Cette fois, pourtant, le Serpentard avait senti la colère le gagner tout à fait face à ces yeux noisette désarmants, et avait réalisé soudain qu'il lui en voulait. Oh oui, il lui en voulait. Terriblement même. De lui avoir caché cela. De l'avoir ainsi approché et amadoué, comme si sa présence ici n'était qu'une coïncidence, alors qu'il n'en était rien. Severus n'était pas naïf. Elle l'avait forcément soupçonné, lui aussi, comme tous ces hommes avec qui elle enchaînait les rendez-vous. Ce déjeuner avec Ethan auquel elle l'avait invité, des semaines plus tôt, et durant lequel il avait été étonné de la voir si soudainement changer d'attitude à son égard. Elle l'avait soupçonné, il en aurait mis sa main à couper. Il n'avait jamais cru aux coïncidences et aurait dû s'en tenir à sa première impression.

- Miss Granger, avait-il répondu, sa voix claquant comme un fouet dans le silence relatif du bar, seulement rompu par les conversations des quelques clients présents au fond de la pièce. A merveilles, et vous-même ? Vous semblez bien moins abattue que lors de votre dernière visite, j'imagine que le programme ne consistera pas à noyer vos problèmes dans l'alcool, cette fois… Peut-être avez-vous prévu un quelconque rendez-vous avec un galant, ou tout autre…

- Severus ! S'était vivement élevée la voix de Lauren derrière lui, outrée.

Le Serpentard s'était raidi, coupé dans sa pique sarcastique, et avait croisé le regard courroucé de sa collègue qui s'était approchée et l'avait fusillé du regard, avant d'adresser un sourire contrit à la Gryffondor.

- Désolée, Hermione, il est un peu tendu en ce moment. On a eu quelques clients difficiles, ce midi.

Granger, qui avait blêmi aux mots acérés de l'ancien espion, avait retourné un pauvre sourire à la serveuse, tout en risquant un coup d'œil timide au sorcier. Ce dernier, malgré la colère qui couvait toujours en lui, avait senti sa verve diminuer un peu face à son regard accablé. Il avait soupiré, exaspéré, ignorant le nouveau regard désapprobateur de Lauren.

- Qu'est-ce que vous voulez ? Avait-il finalement demandé, acerbe.

- Rien, avait-elle prestement répondu en détournant vivement le regard, mortifiée. Je…

Ses yeux noisette lui avaient semblé étonnement brillants, et alors qu'il se demandait soudain si ce n'était pas des larmes qui leur conféraient ce soudain éclat, le coup de pied de Lauren dans son tibia l'avait vivement distrait de cette pensée. Il s'était détourné pour fusiller sa collègue d'un regard assassin.

- … savoir si vous étiez… libre pour… aller dîner, un soir…

Les quelques mots, murmurés à voix basse, avaient été à peine audibles. Ils avaient glissé dans les tympans de Severus sans qu'il n'y prête vraiment attention, trop occupé à soutenir le regard exaspéré de Lauren. Puis son cerveau avait enfin traité l'information, et alors l'esprit du Serpentard avait manqué dérailler tout à fait tandis qu'il se figeait soudain, réalisant ce que cela impliquait. En face de lui, Lauren avait eu, à peu de chose près, la même réaction que lui, et tous deux s'étaient tournés vers la Gryffondor, sidérés.

Alors qu'un sourire étirait les lèvres de la serveuse, celle-ci avait battu en retraite d'un pas, laissant un peu d'intimité à son collègue, qui n'avait même pas remarqué son mouvement, son regard incrédule fixé sur la jeune femme de l'autre côté du bar.

Par Salazar, avait-il réellement entendu ce qu'il pensait avoir compris ?

A en voir le regard fuyant de la demoiselle et la rougeur qui lui était montée aux joues, oui.

Oh bon sang…

Alors que son cœur loupait un battement et repartait dans un rythme erratique, Severus s'était trouvé incapable de prononcer un seul mot, réduit au silence par la colère qui battait encore en lui un instant plus tôt, et ce qu'impliquaient les mots qu'il venait d'entendre. Et honnêtement, entre les deux, il n'était pas certain de ce qu'il devait choisir. La colère était confortable et familière, il savait quoi faire d'elle, comment la gérer et l'exprimer. Le reste, en revanche. Bon sang, il sentait déjà son esprit s'affoler tout à fait à l'idée de devoir réellement répondre à cela.

Face à lui, la jeune femme avait changé d'appui, visiblement mal à l'aise sous son regard d'encre et son silence stupéfait. Puis, toute Gryffondor qu'elle était, elle semblait être arrivée à bout du courage qu'il lui avait fallu pour arriver jusqu'ici et oser prononcer tout haut ces mots que lui n'aurait jamais réussi à articuler à voix haute. Elle avait baissé la tête en pinçant ses lèvres, mortifiée.

- Laissez tomber, ce n'était pas une bonne idée, avait-elle soufflé précipitamment.

Puis elle avait tourné les talons et était sortie à toute vitesse, le regard résolument rivé au sol, la tête basse et les épaules rentrées.

Choqué, Severus avait regardé la silhouette familière s'enfuir le long du trottoir jusqu'à disparaître à l'angle de la vitrine. Par Merlin ! Elle ne pouvait pas être sérieuse, si ? Elle ne pouvait pas… réellement être attirée… par lui. En plus, il venait de passer des jours à ruminer sur le fait qu'elle lui avait caché être…

Le coude de Lauren dans ses côtes avait brusquement tiré le Serpentard de ses réflexions ébahies.

- Qu'est-ce que tu fiches, bon sang ? Vas-y ou je te jure que je dis à Ethan de l'inviter à ta place ! Avait fulminé sa collègue, outrée.

Severus ne pouvait pas voir sa propre expression alors qu'il s'était tournée vers elle, et c'était tant mieux. Nul doute qu'il n'aurait pas supporté de se voir l'air si perdu et peu sûr de lui, à cet instant.

- Je ne peux pas faire ça…, avait-il répondu dans un murmure consterné, horrifié des conséquences s'il donnait suite à cette demande incongrue.

- Severus ! Avait tonné Lauren, furieuse. Tu en meurs d'envie, bordel ! Rattrape-là !

Le ton mordant de sa collègue et le vocabulaire familier si rare dans sa bouche avaient eu raison de l'hésitation du Serpentard. En s'efforçant de reprendre le contrôle de son esprit affolé et de ne pas réfléchir à ce qu'il s'apprêtait à faire, il était sorti à la suite de la jeune femme sous le regard étonné des deux clients qui sirotaient leur boisson près de la porte.

- Et fais-moi le plaisir de l'appeler par son prénom, pour l'amour de Dieu ! Avait ajouté Lauren derrière lui, exaspérée.

Granger _ il ne fallait pas trop lui en demander d'un coup non plus _ était presque déjà arrivée à la pharmacie.

- Miss Granger ! L'avait appelée Severus.

Il avait eu beau faire son possible pour maîtriser ses émotions, il avait senti son cœur battre à tout rompre et son souffle se couper lorsqu'elle s'était retournée vers lui, surprise, et confuse également, car elle avait vivement détourné le regard, incapable de soutenir le sien après ce qu'il venait de se passer. Le bon sens du Serpentard lui avait hurlé de s'en tenir à ça et de faire demi-tour, mais il l'avait ignoré, et s'était approché de quelques pas supplémentaires, jusqu'à s'immobiliser à quelques mètres de la jeune femme, effrayé à l'idée d'approcher davantage. Elle avait déjà bien trop d'effet sur lui à cette distance.

- Je passerai vous chercher à la pharmacie mardi soir à la fermeture, avait-il dit, se félicitant de réussir à garder une voix égale malgré le maelstrom de sentiments qui tournoyait en lui.

La Gryffondor n'était parvenue à masquer ni son étonnement, ni son ravissement, et son visage s'était illuminé soudain, réduisant à néant le peu de contrôle que Severus avait réussi à réinstaurer sur son esprit déjà mis à mal par son invitation.

- Ne soyez pas en retard, avait-il ajouté, pour la forme, et aussi parce qu'elle avait ouvert la bouche pour répondre, et qu'il n'était pas certain de pouvoir rester maître de lui-même si elle lui servait une réponse du même acabit que la question.

Il avait fait demi-tour sans même se préoccuper de son assentiment, et n'avait donc rien vu du sourire radieux, bien qu'un peu niais, sans doute, qui avait étiré les lèvres de la jeune femme derrière lui.

Après tout, cela serait l'occasion de déterminer où elle était dans son enquête, puisque tout ceci n'était que professionnel. Si son cœur battait si vite et qu'il peinait à retrouver un souffle régulier, c'était uniquement parce qu'il était fébrile dans le cadre de son boulot. Rien à voir avec les sentiments que pouvait lui inspirer la Gryffondor, n'est-ce pas ?

OoOoO

Hermione avait eu beau avoir eu cinq jours pour se faire à l'idée de dîner avec Severus Rogue, le mardi soir venu, elle n'était toujours pas prête psychologiquement. Pourtant, ce n'était pas faute d'y avoir pensé, puisqu'entre les nombreuses allusions de ses collègues et son propre esprit qui tournait en boucle là-dessus, elle n'avait eu guère le temps de songer à autre chose au cours du week-end précédent.

Elle avait mis une heure à choisir sa tenue la veille, ne sachant si elle devait opter pour quelque chose d'habillé ou de décontracté, ou si elle devait se maquiller ou pas. Ne risquait-il pas de se faire des idées si elle semblait trop apprêtée ? Et en même temps, elle n'attendait que cela, qu'il se fasse des idées et qu'il l'embrasse, par Merlin, et s'avouer cette vérité avait suffi à lui tirer un soupir de lamentation alors qu'elle se laissait tomber sur son lit au milieu des tenues qu'elle avait sorties de son armoire.

Décidant finalement que ce dîner la stressait déjà bien assez pour qu'elle s'encombre d'une tenue dans laquelle elle ne serait pas à son aise, elle avait finalement opté pour un jean habillé et un chemisier clair, et avait à peine maquillé ses yeux. De toute façon, avait-elle songé alors qu'une pointe d'amertume venait ternir l'idée qu'elle se faisait de la soirée à venir, il avait été à deux doigts de refuser. Elle avait bien vu la façon dont il l'avait regardée lorsqu'elle avait enfin posé la question fatidique. Certes, il n'avait déjà pas l'air de très bonne humeur avant cela, mais bon. Elle avait beau ne pas avoir une grande expérience des invitations à dîner, elle se doutait bien qu'en général, on ne donnait pas la réponse sur le trottoir cinq minutes après que la question ait été posée.

Bref, elle avait passé la journée à se demander si elle aurait préféré que l'horloge de la pharmacie tourne plus vite ou plus lentement et finalement, dix-neufs-heures étaient arrivées. Puisqu'il n'avait pas pris la peine de lui demander si le jour lui convenait, et qu'elle était initialement prévue de fermeture le mardi, Mirabel avait gentiment échangé son soir de clôture avec elle, histoire de s'assurer qu'elle puisse quitter à l'heure. D'une ponctualité effrayante, Severus Rogue l'attendait devant l'officine à dix-neuf heures sonnantes. Les filles avaient été déçues qu'il n'entre pas, mais Hermione savait à quoi s'en tenir, à la vérité. Sans doute la seule idée d'être au centre des regards rieurs et entendus de ses collègue avait-elle suffi à faire rester le Serpentard à l'extérieur.

Son regard sombre s'était braqué sur elle dès qu'elle avait passé le pas de la porte, et elle s'était sentie rougir sous l'intensité des yeux onyx, se maudissant de ne pas avoir plus de self-control. Il n'avait pas souri, évidemment. L'aurait-il fait qu'elle se serait sans doute demandé s'il s'agissait bien de lui et de non de quelqu'un d'autre ayant usurpé son identité sous polynectar. Toutefois, quelque chose dans son regard d'obsidienne avait interpelé Hermione, et amené à croire qu'il n'était pas si indifférent que cela à sa présence, finalement.

- Bonsoir, l'avait-elle salué timidement, déjà impressionnée par ce que sa seule présence signifiait.

- Bonsoir, Miss Granger, avait-il murmuré, et sa voix soyeuse avait glissé sur la jeune femme comme la caresse d'une plume.

Elle avait frissonné malgré la chaleur agréable du début du mois de juin. Heureusement qu'il n'était pas du genre prévenant, si bien qu'il ne lui avait pas demandé si elle avait froid, lui épargnant ainsi une réponse embarrassée. Il lui avait demandé si elle avait une préférence pour la soirée, et comme elle avait ses habitudes au Calcio, elle avait naturellement nommé l'établissement de Camilo. Le Serpentard n'avait pas fait de commentaire, même s'il lui avait semblé percevoir une légère grimace avant qu'il ne réajuste son masque d'impassibilité habituel.

- Peut-être que vous préférez un endroit où l'on sert de l'alcool ? Avait-elle réalisé soudain alors qu'ils arrivaient en vue du restaurant.

Il lui avait jeté un coup d'œil de biais, et avait arqué un sourcil dans cette expression sarcastique qui la rendait folle.

- Seriez-vous entrain de suggérer que parce que je vends de l'alcool, j'en suis forcément un consommateur également, Miss Granger ? Avait-il demandé, ironique.

Cette réponse avait laissé la jeune femme éberluée.

- Vous ne buvez pas d'alcool ? Avait-elle demandé d'une voix blanche, étonnée.

L'esquisse d'un sourire avait étiré le coin de ses lèvres, et elle s'était sentie fondre. Bon sang, ils n'étaient même pas encore à l'intérieur ! Si cela continuait ainsi, elle allait se liquéfier avant même la fin de la soirée !

- Je vous demanderais bien de me rappeler en quels termes vous avez justifié votre sobriété à Ethan, il y a quelques semaines de cela, mais l'expression m'est tout à fait familière, en réalité, avait-il répondu avec un sourire narquois alors que ses yeux moqueurs se posaient sur elle.

Elle avait froncé les sourcils un instant, avant de se rappeler qu'elle avait effectivement fait usage de ses propres mots pour expliquer au serveur pourquoi elle ne tenait pas à s'enivrer. Baissant les yeux en rougissant, elle était entrée dans le restaurant en lui soufflant un vague « merci » alors qu'il retenait la porte.

- J'ai toujours aimé cette phrase, avait-elle avoué quelques instants plus tard alors qu'ils étaient installés près de la fenêtre, dans un coin suffisamment à l'écart du reste de la salle pour être tranquille.

Même s'il n'avait pas fait de commentaire, Hermione n'avait pas manqué remarquer le sourire entendu que Camilo lui avait adressé en les guidant personnellement jusqu'à leur table.

- Peut-être aurais-je dû citer ma source, néanmoins, avait-elle ajouté avec un sourire en croisant le regard interloqué du sorcier.

- Eh bien, disons que je vous pardonne pour cette fois, mais que je vous serais gré de le faire lorsque vous l'utiliserez en mon absence, avait-il répondu après une seconde de silence, le regard étincelant.

Hermione avait souri de nouveau, incapable de s'en empêcher. Elle adorait son humour subtil et piquant, même si elle doutait que beaucoup s'en amusaient. Mais c'était ainsi. Ses précédentes expériences amoureuses, à défaut de fonctionner bien longtemps, lui avaient au moins permis de réaliser qu'elle préférait, et de loin, un esprit sagace à un physique avantageux surmonté d'une tête vide. D'autant que, cette fois encore, elle n'avait pu que constater à quel point le Serpentard était loin d'être mal doté en termes d'atouts physiques. Sa chemise sombre et ajustée mettait son torse finement ciselé en valeur, et le col légèrement ouvert laissait deviner un pan de peau pâle sur lequel elle rêvait de faire courir ses doigts, une fois qu'elle les aurait passés dans les mèches d'ébène qui retombaient en pagaille sur ses yeux noirs et… fixés sur elle, avait-elle soudain réalisé. Oh bon sang, attendait-il une réponse à quelque chose qu'il venait de dire ? Sans doute pas, elle aurait remarqué s'il lui avait dit quoique ce soit. Sa voix basse et profonde ne manquait jamais d'attirer son attention tant elle était séduisante.

- Comment s'est passée votre journée ? Avait-elle demandé, histoire de détourner son attention du fait qu'elle était clairement entrain de l'admirer. Vous ne faîtes pas le service du soir, aujourd'hui ?

- Non, mon collègue avait besoin de sa matinée pour un rendez-vous, j'ai échangé avec lui. Et vous, comment ça se passe, à la pharmacie ? Pas de clients indésirables, ces derniers temps ? Avait-il demandé en arquant un sourcil narquois.

Elle avait grimacé à l'évocation de sa seule et unique nuit de garde.

- Non, fort heureusement. Quoique, cela dépend ce que vous rangez dans la catégorie « indésirable ». Parfois, je vous envie, vous savez, avait-elle ajouté comme il lui retournait un regard interrogateur. Vous au moins êtes à peu près certain de ne croiser aucun enfant pendant votre service !

Ses lèvres s'étaient retroussées en un sourire railleur.

- Pas fan des bambins baveux et braillards, Granger ? J'aurais pensé que si, sachant que vous avez supporté vos deux idiots d'amis toutes ces années alors qu'ils en avaient tout l'air !

Elle n'avait pu s'empêcher de sourire en retour, même si la remarque n'était guère flatteuse pour ses amis.

- Eux au moins ne passaient pas leur temps à pleurer pour un rien !

- Il me semble avec entendu Potter se lamenter au moins autant que Mimi Geignarde, avait susurré le Serpentard, moqueur.

- Moitié moins que votre filleul, vous voulez dire, avait-elle rétorqué avec un sourire doucereux.

- Un point pour vous, avait admis le sorcier avec une grimace.

- Enfin, j'imagine que vous pouvez comprendre ma réticence vis à vis des enfants, puisque qu'il ne devait guère être le genre de bambin à se montrer docile. Bien que je dois avouer que le seul que je supporte est Teddy, mais c'est uniquement parce que c'est mon filleul, avait-elle ajouté, pensive.

- Je ne supportais pas Drago quand il était petit, avait confessé le Serpentard sans la moindre trace de remord, et Hermione avait décidé qu'elle adorait encore plus cet homme.

- Parce que maintenant c'est le cas ? Avait-elle répliqué, s'amusant de l'éclat plus sombre qui avait traversé son regard à ce sarcasme. Il faut dire que pour sa part, il est comme le vin, il s'améliore avec l'âge, avait-elle commenté, railleuse.

Le Serpentard avait tiqué à ces mots.

- Vous le voyez encore ? Avait-il demandé sans pouvoir cacher sa surprise.

- Euh… Oui, de temps en temps, avait-elle avoué, hésitante devant l'air ébahi de l'ancien espion. Il est… euh…

Mince, comment dire sans trop en révéler que Drago flirtait plus ou moins avec Harry depuis quelques temps, et qu'elle le voyait donc souvent lorsqu'elle rendait visite à son meilleur ami ? Severus Rogue savait-il seulement que son filleul avait fait son coming out quelques années plus tôt, puisqu'il avait passé tout ce temps à l'étranger ? Le blond ne lui avait jamais parlé d'une quelconque correspondance avec son parrain et pour tout dire, elle ignorait s'ils étaient en bons termes ou non.

- … Moins arrogant qu'à une époque, disons, avait-elle donc achevé, volontairement évasive.

Heureusement, le serveur était arrivé avec leurs plats, coupant court à la conversation un bref instant. La discussion avait ensuite pris un autre chemin, laissant Drago et ses orientations sexuelles de côté, ce qui n'avait guère dérangé Hermione. Le restaurant s'était rempli petit à petit, tandis que l'un des employés de Camilo se chargeait d'aller finaliser l'installation de l'ordinateur et des enceintes de l'autre côté de la salle, là où se trouvait l'espace dédié aux nombreuses soirées dansantes qu'organisait l'établissement.

Comme elle s'y attendait, Severus Rogue n'était pas dépourvu de conversation, une fois qu'on arrivait à passer outre sa froideur de façade, celle-là même dont elle avait longtemps pensé qu'elle constituait la nature même du sombre professeur. Sans doute était-ce un peu le cas, en réalité, car il portait l'air sombre et impassible comme une seconde peau, après tout. Mais cela était d'autant plus plaisant de réussir à faire ressortir ce qui était derrière ce masque. L'homme cultivé et intelligent, à l'esprit acéré et aux connaissances, semblait-il, illimitées en matière de magie, et notamment d'alchimie. Ils avaient discuté un moment du travail de la jeune femme à la pharmacie, et si elle s'était étonnée de l'intérêt qu'il portait à ses occupations à l'officine, cela ne l'avait pas empêchée d'en être agréablement surprise. Peut-être était-il plus soucieux des autres que ce qu'il laissait croire, finalement.

- Toutes ces histoires de vol de stupéfiants ne vous portent pas trop préjudice ? Avait-il demandé au détour de la conversation.

Hermione avait senti l'habituel poids peser sur sa poitrine à l'évocation de cette affaire.

- Non, pas vraiment. Les gens en parlent beaucoup, bien-sûr, mais cela ne les empêche pas de venir chercher leurs médicaments pour autant. Ils sont plus inquiets pour nous, en réalité. Surtout avec ce qui s'est passé lors de la dernière nuit de garde, avait-elle grimacé.

Le Serpentard avait acquiescé en silence, perdu dans ses pensées.

- Et vous ? J'imagine que les gens sont d'autant plus méfiants lorsqu'il s'agit de sortir boire un verre, non ?

Le regard du sorcier s'était planté dans le sien, plus perçant que jamais, et Hermione avait dégluti avec difficulté, saisie par ces orbes d'obsidienne rivées sur elle.

- On ne se plaint pas, avait répondu le barman, laconique.

Face à cette réponse très évasive, la Gryffondor s'était dit que, peut-être, Jacob ne voulait pas que ses employés parlent de la fréquentation de l'établissement aux personnes extérieures, ce qu'elle aurait compris. Le fait était qu'en réalité, elle savait parfaitement ce qu'il en était. Tout le monde se connaissait dans le quartier, et la pharmacie comptait de nombreux gérants de bars ou autres cafés parmi sa clientèle, et certains étaient plus loquaces que d'autre sur l'actuelle tendance à l'évitement des débits d'alcool et autres lieux de fête.

- Est-ce que… Poudlard vous manque, parfois ? Avait-elle demandé, hésitante, car cette question la taraudait depuis qu'elle avait recroisé l'ancien professeur dans le Londres moldu.

C'était une question plus personnelle que les précédentes, et à la tension soudaine qui avait crispé les épaules du Serpentard, elle avait craint d'avoir mis les pieds en terrain escarpé. Il lui avait jeté un bref coup d'œil par dessus son assiette, et avait gardé le silence quelques secondes encore avant de répondre finalement, alors qu'elle s'attendait presque à ce qu'il ne le fasse plus.

- Non, avait-il répondu.

Sans doute s'en serait-il tenu là, si la jeune femme n'avait pas persisté à soutenir son regard sans ciller. C'est que, il avait beau se targuer d'être froid et insensible, elle n'allait tout de même pas croire que de quitter le château après toutes ces années ne lui faisait ni chaud ni froid.

Le Serpentard lui avait retourné un regard quelque peu agacé, et la Gryffondor avait retenu du justesse un sourire en coin, très fière de réussir à venir à bout de son impassibilité de façade.

- Si vous pensez que je regrette l'époque où je devais me farcir des régiments entiers de cornichons dans votre genre, en plus de passer mon temps à rattraper vos conneries, à vos deux amis et à vous-même, vous n'êtes pas prête de me l'entendre dire, avait-il repris d'un ton doucereux.

Hermione avait laissé échapper une exclamation faussement indignée, sidérée de l'entendre la mettre dans le même panier que le reste des élèves à qui il avait enseigné. D'autant que, pour sa part, elle avait elle aussi toujours tenté de limiter la casse lorsque Harry et Ron se mettaient dans les ennuis jusqu'au cou. Il aurait presque pu la remercier, en réalité, car sans elle, il aurait eu d'autant plus matière à pester contre les deux Gryffondor.

Son regard noir était fixé sur elle, dans l'attente évidente d'une réaction indignée, comme il le faisait déjà du temps de Poudlard après lui avait mis une note en dessous de ce qu'elle méritait, ou lorsqu'il l'ignorait délibérément en cours. S'il pensait si facilement réussir à la vexer, il allait être déçu ! Avait-elle songé, amusée, alors qu'un sourire railleur menaçait déjà d'étirer la commissure de ses lèvres.

- Vous savez que je m'entends plutôt bien avec votre collègue, Lauren, avait-elle répondu tranquillement en prenant une gorgée d'eau. J'ai été… surprise, et ravie, d'apprendre que vous lui aviez dit que j'avais été l'une des meilleures élèves que vous ayez jamais eue en classe.

Elle avait relevé les yeux vers lui sur les derniers mots, juste pour apprécier l'éclat surpris qui avait traversé ses yeux sombres et l'expression crispée qu'il n'avait su retenir en se sachant ainsi dévoilé. Oh que c'était jouissif, de prendre ainsi sa revanche après toutes ces années à avoir été sciemment ignorée et dépréciée ! Son regard s'était fait presque venimeux, et elle s'en était délectée davantage en songeant qu'à une époque, les situations étaient tout à fait inversées. C'était alors lui qui jubilait de la voir le fusiller du regard à chaque devoir sous-noté.

Néanmoins, il avait vite repris le contrôle de lui-même, et elle lui avait envié cette capacité à masquer ainsi ses émotions et ses expressions faciales, quelles qu'elles soient.

- Est-ce là le motif de votre invitation à dîner ? Avait-il demandé en retour, la prenant de court alors qu'elle pensait savourer sa victoire quelques instants encore. M'entendre dire de vive voix que vous avez été, sinon douée dans ma matière, du moins plus dégourdie que vos petits camarades ? Ce qui, en passant, n'a rien de méritant, au vu du niveau vertigineusement bas de votre promotion de l'époque.

Une chose était sûre, elle avait réussi à piquer son orgueil, puisque s'il y avait bien une chose qu'elle savait à propos de l'ancien directeur de Serpentard, c'était qu'il ne se montrait jamais plus caustique que lorsqu'il était contrarié. Même s'il était redoutable dans ses sarcasmes, et elle aurait été déçue qu'il ne le soit pas, en réalité, elle avait fait de son mieux pour masquer la grimace que lui avait tirée ces propos corrosifs, et affiché à la place un sourire faussement désinvolte.

- Non, bien-sûr que non, avait-elle répondu avec un rire léger. Bien que je ne nie pas que cela aurait été un réel plaisir de l'entendre de votre bouche, je ne suis pas si naïve, voyez-vous. Je doute parvenir un jour à vous arracher un tel aveu, surtout maintenant que je sais que vous buvez autant d'alcool que moi.

Il avait semblé surpris qu'elle ne se vexe pas, puis l'ombre d'un sourire amusé avait relevé le coin de sa bouche.

- L'avoir entendu de la part de tous mes collègues de l'époque ne suffit-il donc pas à flatter suffisamment votre ego, Miss Granger ? Bien que je sache à quel point celui des membres de votre maison peut être démesuré, j'aurais pensé que vous vous en satisferiez.

- Vous savez ce que l'on dit, non ? On désire toujours ce que l'on n'a pas, avait-elle répliqué, et sa voix était sortie plus basse que ce qu'elle avait prévu tandis que son regard papillonnait sur les lèvres fines du sorcier, réalisant soudain que ces mots pouvaient se prêter à tout autre chose qu'un compliment concernant ses résultats scolaires.

Relevant les yeux vers les siens, Hermione avait frissonné en réalisant que lui aussi semblait avoir perçu le double sens de cette phrase. En tout cas, l'atmosphère autour d'eux avait soudain paru s'alourdir d'une tension qui n'était pas là quelques instants plus tôt, et la jeune femme avait senti son souffle s'accélérer tandis que son regard se perdait dans celui, sombre et orageux, de l'ancien espion.

- Raison de plus pour ne pas vous donner satisfaction, dans ce cas, avait-il murmuré en retour, et un long frisson avait descendu l'échine de la Gryffondor au sous-entendu de ces mots.

- Vous l'avez déjà fait en acceptant cette invitation, je le crains, avait-elle soufflé, le cœur battant à tout rompre.

Il était resté impassible, mais son regard onyx s'était fait incandescent sur elle, et Hermione s'était sentie comme mise à nue par l'intensité de ses yeux posés sur elle, tandis qu'il la considérait en silence, s'imprégnant du sens de ses derniers mots, et tâchait de déterminer tout ce qu'elle ne disait pas, mais qu'elle espérait néanmoins qu'il comprendrait, parce qu'elle n'aurait définitivement pas le courage nécessaire pour faire plus que l'inviter à dîner, même si elle en mourrait d'envie.

Alors qu'elle était assise là, son regard attiré malgré elle par la bouche silencieuse de l'ancien espion, frémissante sous son regard d'encre, le bruit sourd et désagréable d'un micro que l'on venait de brancher avait couvert tous les bruits de fond et les discussions du restaurant, brisant l'échange de regard des deux sorciers et l'intensité du moment. Les deux mages avaient vivement sursauté, et Hermione avait tourné son regard vers l'espace dédié à la danse, un peu plus loin, où plusieurs personnes s'étaient déjà réunies.

- Désolé, désolé, s'était piètrement excusé l'intervenant en danse latine qui s'accaparait les lieux régulièrement. Juste un instant et on sera bon… voilà ! S'était-il exclamé, ravi, quelques secondes plus tard.

Les premières notes entraînantes d'une salsa s'étaient élevées dans le restaurant, plongeant l'établissement dans une ambiance aussitôt festive et dansante. Les quelques clients qui étaient entrés par hasard pour dîner avaient tourné des regards curieux vers le fond de la pièce, s'étonnant de cet intermède musical, pendant que les habitués se levaient pour rejoindre le groupe de danseurs.

Alors que le tempo entêtant et irrésistible emplissait les lieux, la Gryffondor avait senti l'allégresse et l'impatience la gagner. Elle s'était tournée vers le Serpentard qui observait la scène avec, lui avait-il semblé, un mélange de réticence et de défiance certain, comme s'il craignait qu'on ne l'oblige à prendre part à tout ceci. Un sourire un brin machiavélique avait étiré les lèvres de la Gryffondor.


A samedi pour la suite ! =)