Chapitre Huit
L'aube commençait à peine à se lever lorsqu'elle sentit Ramsay se lever, quittant les draps chauds pour affronter le froid mordant de la chambre.
« Que fais-tu ? »
La voix de Sansa était pâteuse, encore endormie. Elle luttait, elle ne voulait pas qu'il parte. C'était une sensation étrange dans le creux de son ventre. Comme si le simple fait que Ramsay quitte leur lit l'empêcherai de se rendormir.
Une semaine s'était écoulée depuis l'affaire des saignées de Sansa. Une semaine où tout semblait avoir changé entre eux. Ramsay était beaucoup plus calme dernièrement et Sansa semblait, quant à elle, apaisée. Ils avaient trouvé un équilibre, ensemble. Un équilibre précaire, certes, mais un équilibre qui les satisfaisaient tous deux. Et cela étonnait ceux l'ayant remarqué et enrageait une certaine fille du Chenil.
Lord Roose Bolton était rentré de Fort-Terreur avant-hier et Sansa ne l'avait pas encore croisé. Et tandis qu'elle luttait toujours pour ne pas se rendormir, Ramsay revint s'asseoir sur le lit, déjà vêtit de son pantalon de cuir et d'une chemise ample.
« Dors Sansa… Je reviens vite.
- Où vas-tu ? »
Entre rêve et réalité, la jeune femme ne semblait elle-même pas se rendre compte de ce qu'elle faisait. Pourtant son inquiétude face au départ de son époux vint attendrir son regard de givre tandis qu'il passait une main dans ses cheveux roux. Il vint s'allonger à côté d'elle et le bras maigre de Sansa passa autour de sa taille tandis que son visage reposait désormais sur son ventre.
Un frisson étrange passa dans son corps. Il appréciait ce qu'il se passait. Il appréciait de sentir Sansa aussi tendre. Doucement, il se mit à caresser ses cheveux, et elle respira son odeur de cuir, imprégnant ses poumons de celle-ci.
« Je vais chasser, je reviendrais avant ton réveil.
- Penses-tu réellement cela possible ?
- J'en suis certain. »
Lentement, il se dégagea de son étreinte et vint embrasser sa tempe, puis, discrètement, il regagna la porte, mais à peine sa main se posa sur la poignée, que la voix de son épouse retentit à nouveau :
« Tu me le promets ? »
Il resta un instant interdit avant de se retourner. Cette fois, elle le fixait avec un regard plus éveillé.
« Quoi donc ?
- Que tu seras rentré avant mon réveil ?
- Je te le promets. »
Ses yeux se refermèrent et elle entendit la porte de la chambre se refermer. Elle replongea dans le monde ténébreux du sommeil, sans réellement comprendre si ce moment avec Ramsay était réel ou le fruit de son esprit.
Ramsay quant à lui descendait les escaliers rapidement, troublé par ce qu'il venait de se passer. Plus rien n'était comme avant, et jamais leur relation ne redeviendrait ce qu'elle était. Quelque chose de plus profond que ce qu'il avait pu connaître par le passé le liait à cette femme. Il n'aimait pas Sansa. Mais elle n'était plus un simple jouet. Elle était son épouse, sa femme.
Le soleil traversait les carreaux et vint caresser la peau nue de son bras. Poussant un léger grognement de frustration, la jeune femme se retourna dans le lit en espérant regagner son sommeil avant de légèrement entrouvrir les yeux. L'hiver venait, mais le soleil semblait des plus éclatants en ce matin. Quel étrange phénomène…
Sansa se leva alors, revêtit une robe de chambre aux couleurs des Bolton et s'avança à la fenêtre d'où elle contempla le ciel bleu. Cela la fit immédiatement sourire. Il rare, voir même impossible, que le Nord connaisse des jours si beaux en plein hiver. Les Dieux leur envoyaient un message, un signe, que cette journée ne serait pas comme les autres.
Et alors qu'elle allait retourner se coucher pour profiter encore un peu de cette tranquillité matinale, l'on toqua à la porte. La jeune femme fronça immédiatement ses sourcils. Elle n'attendait personne… Et Ramsay ne toquait jamais à la porte.
Elle se dirigea précipitamment à celle-ci lorsque l'on retoqua de manière plus pressante. Passant une main dans ses cheveux de façon maladroite, elle vint ouvrir en même temps.
Sang galopait derrière un sanglier trop gros et trop gras. Jamais encore Ramsay avait vu un pareil animal dans le Nord, et encore moins alors que l'Hiver arrivait.
En équilibre sur sa selle, le Lord bandait son arc avec une précision incroyable tandis que Myranda, sur son propre étalon, en faisait de même. Les deux flèches partirent en même temps et le sanglier tomba sur le sol dans un bruit fracassant. Ramsay fut le premier à descendre, suivit de sa compagne de chasse. La flèche de Ramsay avait atteint le ventre de l'animal tandis que celle de Myranda était logée dans son flanc, et alors qu'il s'approchait, l'animal tentait de se redresser, animé par une rage de vivre. L'Écorché planta, avec rapidité, son poignard dans la jugulaire de l'animal qui retomba ainsi inerte au sol.
« Joli ! »
La voix rieuse de Myranda ne provoqua rien chez Ramsay. Il hocha simplement la tête avant de traîner l'animal jusqu'à Dagnir. Avec difficulté, et l'aide de la jeune femme, il put attacher le sanglier à la croupe du cheval. Il avait accepté cette partie de chasse avec son ancienne amante pour se détendre, et il savait que la fille du Chenil était la plus à même de le suivre dans ce jeu de traque qu'il aimait tant.
Mais à peine eut-il fixé la dernière sangle que deux bras enlacèrent sa taille.
« Qu'est-ce que tu fous Myranda ?!
- Vas-tu me faire croire qu'elle te comble, Ramsay ? »
Les mains de la jeune femme commencèrent à descendre le long de la taille du Lord et effleurèrent son entre-jambe qui resta inerte.
« Ramsay… Nous pourrions traquer cette putain… Comment s'appelle-t-elle déjà ? Yvana ? »
À l'entente du prénom de la servante de son épouse, Ramsay se dégagea de l'étreinte de Myranda. Peut-être, par le passé, cette idée lui aurait plu. Mais il n'en était rien désormais. Non pas que l'idée de traquer une femme dans les bois lui déplaisait… Loin de là. Mais pas Yvana.
Myranda sembla vexée, elle s'avança jusqu'à son cheval, prête à monter, mais se ravisa, un sourire mauvais se dessinant sur ses lèvres. Elle se retourna face à Ramsay, une main sur la hanche.
« Je ne comptais rien dire, mais… Visiblement, je n'ai plus rien à perdre. Quand tu rentreras à Winterfell, ta putain de femme sera engrossée. »
Ramsay fixa un instant Myranda qui s'apprêtait à monter sur Dagnir. D'un mouvement rapide, il l'attrapa par la cheville et la jeta au sol. Un gémissement de douleur traversa les lèvres de la jeune femme, mais son sourire mesquin restait collé à ses lèvres.
« Qu'est-ce que tu veux dire ?! »
Ramsay la fixait, debout tandis qu'elle se relevait.
« Tu le sais très bien. »
Cette fois, le Lord la prit à la gorge, plaquant la jeune femme contre son propre cheval. Celle-ci poussa un juron.
« Qu'est-ce que tu as fait ?!
- J'ai bien compris qu'elle avait ses saignées. Lord Bolton m'a demandé de lui dire si je voyais… »
Elle avait de plus en plus de mal à parler, la poigne de son ancien fiancé se resserrant peu à peu sur sa gorge.
« Qu… Quelque chose… Et il m'a… M'a ensuite demandé… De t'e… T'emmener… Loin. »
Il la frappa, il la frappa avec une violence qu'elle ne lui connaissait pas. Son poing venait de s'écraser sur son visage la projetant au sol. Et elle était là, à quatre pattes dans la boue et le sang. Le liquide rouge envahissant son visage. Ramsay quant à lui grimpa sur son étalon avec souplesse et prit son arc dans ses mains, pointant sa flèche sur elle, arrachant un rire presque dément à Myranda.
« Tire ! Tire vas-y ! »
Myranda était aussi démente et manipulatrice que lui. Il le savait. La mort, la douleur. Rien de tout cela ne lui faisait réellement peur… Il avait juste à lâcher sa flèche. Il le savait. Mais il en fut incapable. Lentement, il baissa son arc, rangeant sa flèche dans son carquois, il quitta les lieux, ignorant les injures et hurlements de la fille du Chenil derrière lui.
« Elle te rend faible Ramsay ! Tu n'es qu'un Bâtard faible et lâche ! »
Les cris résonnant derrière lui étaient déjà lointain.
Il était trop tard.
Au fond de lui, il le savait.
Mais peut-être que ? … Peut-être qu'il arriverait à temps. Peut-être que pour une fois, les Dieux seraient de son côté.
Le soleil commençait à réellement briller dans le ciel tandis que l'écume arrivait aux lèvres de Sang.
Oui, aujourd'hui n'était en rien une journée comme les autres. Alors, il garda espoir.
Sansa actionna la poignée et tomba nez à nez avec un regard de glace qui la fit frémir. Il était si semblable à celui de Ramsay, mais à la fois si différent. Lord Roose Bolton était devant elle. Plus grand que son fils, il la dominait de toute sa stature, un air strict et froid collé au visage. Lord Bolton se tenait là, droit et fier, son manteau de fourrure d'ours lui donnant la carrure d'un guerrier.
« Puis-je entrer, Lady Sansa ? »
La jeune femme terrorisée ne put qu'acquiescer et laissa entrer son beau-père dans sa chambre.
Il ne sait rien. C'est impossible. Je ne risque rien.
Sansa ne cessait de répéter ces mots dans son esprit tandis que Roose semblait observer chaque détail de la pièce. La jeune femme, quant à elle, restait proche de la porte, un goût amer dans la bouche, caractéristique pure de l'angoisse.
Elle venait de faire entrer le loup dans la bergerie, elle le savait.
« Vous semblez mal à l'aise, est-ce que tout va bien, Sansa ?
- Je…
- Pardonnez ma familiarité, mais je vous ai connu si jeune… »
Sansa balaya d'un revers de main, s'avançant dans la pièce avec timidité sous le regard presque bienveillant de Roose. Mais au fond d'elle, elle savait que cet homme était aussi manipulateur et menteur que son fils. Voir peut-être plus. Elle était tétanisée tandis qu'elle prenait place à côté de la baignoire. Elle restait non loin de la porte ainsi.
« Vous êtes une jeune femme ravissante. »
Les yeux de Roose étaient froids. Une froideur à laquelle Sansa n'avait jamais fait attention. Même Ramsay n'était pas aussi froid. Ou du moins, n'y paraissait pas. Il avait toujours réussi à garder ce côté mielleux et tendre qui faisait frémir la Nordienne de peur à une époque.
Qui était donc le pire ? Le père... Ou le fils ?
La jeune Stark ne put retenir ses pensées de divaguer tandis qu'elle observait l'homme en face d'elle. Il suffisait de le regarder pour savoir qu'il avait plus de cruauté dans son petit doigt que tous les Frey réunis…
« Ned serait très fier de vous, j'en suis certain.
- Je … Je l'espère.
- Je me souviens encore du jour de votre naissance. Les cloches de Winterfell ont sonné sept jours durant. Ned était si heureux d'avoir une fille. »
Sansa se mordit la lèvre d'angoisse tandis que le Lord venait de faire un pas en sa direction. Que dirait Eddard Stark de tout cela ? De voir l'un de ses plus fidèles bannerets tourmenter sa fille ainsi ?
« Je connaissais bien vos parents, vous savez.
- Et vous avez pourtant trahi mon frère. »
Sansa écarquilla les yeux, surprise par sa propre virulence. Pourtant, cela ne sembla nullement surprendre son beau-père qui esquissa un sourire.
« Votre frère, si ce n'était de ma main, serait mort de toute façon. Les Karstark auraient vengé leur souverain. »
Elle ne répondit rien, elle fixait son beau-père avec un regard mauvais. Lentement, il se rapprochait d'elle, et lentement, Sansa reculait.
« Vous êtes aussi belle que Catelyn à votre âge. Un ange roux au yeux saphir. »
Il était si proche d'elle, Sansa sentait son ventre se tordre sous la peur tandis qu'elle reculait encore un peu. Était-il réellement venu lui dire cela ? La complimenter sur son apparence ?
Non… Bien sûr que non.
Si Petyr Baelish lui avait appris quelque chose, c'était de reconnaître un potentiel adversaire lorsqu'elle en avait un devant elle. En l'occurrence, Roose venait de commencer une partie d'échecs avec elle, mais son expérience la mettait en sérieux désavantage. Elle devait impérativement gagner du temps, beaucoup de temps.
Ramsay devait revenir vite… Il lui avait promis, n'est-ce pas ?
Le regard de Sansa avait changé, et Roose ne le remarqua que trop bien, et cela le fit rire.
« Ce regard, je ne le reconnais que trop bien.
- Que voulez-vous dire ?
- Votre mère avait le même. »
Sansa frémit, le doute s'insinuant en elle. De quoi son beau-père parlait-il ?
« Ma… Ma mère ?
- Elle a compris trop vite, je dois dire que je ne fus pas très malin d'avoir caché ma cotte de mailles sous mes vêtements… »
Le cœur de Sansa tambourinait avec force dans sa poitrine, l'angoisse lui lécha le palais tandis que ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Elle fit volte-face pour gagner la prit par la taille et l'envoya contre le lit. Sansa vacilla, mais ne tomba pas. Désormais, elle était prise au piège.
« Votre mère était folle de rage, elle m'a giflé. Mais il était trop tard.
- Cessez…
- Lothar Frey s'est glissé derrière la femme de votre frère… Si vous l'aviez connu, cette catin. Talisa Stark… Une traînée des cités libres ! Elle seule bafouait le Nord en sa seule présence…
- Cessez.
- …Et il l'a poignardé dans son ventre de femme enceinte.
- Cessez ! »
Sansa s'était avancé vers le Lord et le gifla avec toute sa force. Elle avait supporté tant de choses, injures, moqueries, spectacles humiliants. Elle avait subi tout ce qui était possible de subir sur le destin tragique de sa famille. Mais Robb était son frère. Son grand frère. Et ils furent proches. Si proches… Et l'image de sa tête dans cette assiette venait lui provoquer des hauts le cœur tandis que Lord Bolton déblatérait sur le meurtre de sa belle-sœur que Sansa n'eut jamais le bonheur de connaître.
Les larmes roulèrent sur ses joues. Elle l'avait frappé, elle voulait qu'il se taise. Qu'il cesse cette torture infâme.
« Ne vous l'a-t-on jamais raconté, douce petite fleur du Nord ? Vraiment… Je pensais que le Roi s'en était chargé. »
La voix de Roose n'était aucunement mielleuse comme celle de Ramsay, elle était vibrante de plaisir tandis qu'il voyait sa victime se décomposer sous ses yeux. Il la brisait mentalement pour qu'elle n'ait plus la force de se battre. Et ses mots… Ses mots avaient tant de force comparée à ceux de Joffrey ou de Ramsay. Roose était là-bas. Il était aux noces pourpres… Il disait vrai.
« Votre frère … Cet idiot… Votre mère le suppliait de s'enfuir. Il fut criblé de flèches. Et je l'ai poignardé, Sansa. En le saluant de la part de votre ancienne belle-famille. Vous vous souvenez ? Les Lannister. »
La jeune femme reculait, à chaque mot, elle avait la sensation que son cœur se brisait un peu plus.
« Je n'ai su que plus tard, pourquoi le Roi Joffrey me demandait la tête de ce Roi idiot.
- Pitié… »
Elle était là, coincée entre sa coiffeuse et son beau-père. Les larmes roulaient sur ses joues. Elle avait la sensation de mourir tandis que sa voix rauque continuait.
« Lorsque j'ai appris ce qu'il avait fait. J'avoue avoir ressenti de la compassion pour vous. Mais je n'ai absolument pas regretté. Parfois, je vois encore son corps se balancer, la tête de son loup cousu sur sa gorge. »
Sansa poussa un cri de surprise et d'effroi. La main de Roose vint caresser son visage pétrifié. Il souriait d'une manière si calme et douce qu'elle en fut retournée. Cet homme était le vice personnifié.
Défends-toi !
Dans un geste rapide, la jeune femme tira la dague du Lord de son fourreau et tenta de la frapper d'un revers de main raide, mais Roose esquiva l'attaque avec aisance avant d'attraper le poignet de Sansa et de lui faire lâcher l'arme.
« C'est ce que je me tue à vous dire. Vous êtes réellement comme votre mère. Des actes stupides qui vous coûteront cher. »
Dans un geste aussi violent que douloureux, il plaqua sa main contre sa joue, la forçant ainsi à le regard dans les yeux.
« Maintenant, cessons de jouer. »
Toujours avec violence, il tenta d'ôter la robe de chambre de Sansa, mais celle-ci se débattit avec tant de hargne qu'il la lâcha. Sans attendre, elle se précipita vers la porte, mais à peine eut-elle fait trois pas qu'il la rattrapa, la faisant tomber au sol.
« Mon bâtard de fils est incapable de t'engrosser. »
Sansa hurlait, pleurait tandis que le Lord se débarrassait enfin de sa robe de chambre. Elle était dos à lui. Elle était terrifiée.
« Je n'ai donc pas le choix de le faire moi-même. »
Il se pencha sur elle, sa bouche venant se coller à son oreille.
« Mais je dois dire que cela sera moins difficile que pour ce laideron de Walda. »
Roose se releva tout en tenant Sansa par les cheveux, la jetant sur le lit, il commença à délasser son pantalon de cuir sans réellement l'ôter. Il voulait aller vite.
« Douce Sansa. Vous feriez mieux de me remercier. Au moins, vous ne porterez pas des bâtards dans votre ventre, mais des véritables Bolton. »
Elle se débattait, serrant les cuisses avec force et frappant du plus fort qu'elle pouvait l'homme au-dessus d'elle. Elle implorait les anciens et nouveaux Dieux d'exaucer un miracle.
Elle se sentait une nouvelle fois projetée des années en arrière, dans cette ruelle sombre de Port-Réal avec ces quatre hommes. Mais cette fois, Sandor Clegane était loin, trop loin. Et elle était seule.
Dans une dernière tentative de désespoir, elle hurla. Un hurlement qui lui brûla la gorge et les poumons. Un hurlement qui lui brisa la voix. Elle l'appela.
« Ramsay ! »
Le rire mesquin de Lord Bolton ne se fit pas attendre tandis qu'il se penchait sur la jeune femme tout en craquant le tissu de sa chemise de nuit.
« Ramsay est loin, Sansa. Tu es seule. »
Le chat venait d'attraper la souris, et personne ne lui viendrait en aide.
Pourtant… Ramsay avait promis.
Ramsay arriva dans la cour de Winterfell. Sans attendre, il sauta de son cheval et se précipita dans le château sous le regard mi-étonné, mi-effrayé de son écuyer. Toujours en courant, il gravit les escaliers quatre par quatre. Un goût amer emplissait sa bouche tandis que des sueurs froides dévalaient sa nuque. Il haïssait se sentir comme ça, cette sensation étrange. Il n'aimait pas du tout être faible ainsi. Mais il n'y pouvait rien, elle était en danger. Et tandis qu'il arrivait enfin dans le couloir menant à sa chambre, un hurlement qui percutait le cœur résonna :
« Ramsay ! »
Plus aucune question ne traversa son esprit tandis qu'il courrait jusqu'à la porte de la chambre qu'il ouvrit avec force. Son souffle était court, il dégoulinait de transpiration tandis qu'il faisait désormais face à un spectacle abominable. Roose Bolton, son père, était bel et bien là, sur elle, essayant par tous les moyens d'écarter ses cuisses tout en maintenant ses bras. Il semblait en rire tandis qu'elle hurlait. L'espace d'un instant, Ramsay eut la sensation d'être hors de son corps et d'assister à une scène dont il ne comprenait pas le sens. Et un visage tout autre que celui de Sansa lui apparut. Une chevelure ébène, un regard de jade… Il avait fait la même chose à sa mère…
Une haine sourde vint battre dans ses veines, en ses tempes. Un goût de fer vint lécher sa langue et sans hésiter, il se précipita sur son père.
« Lâchez-la ! »
Il le frappa au visage, sous la surprise, Roose Bolton lâcha Sansa qui se précipita à l'autre bout de la pièce.
Ramsay frappa le Lord une nouvelle fois, et ce, à plusieurs reprises, une haine sans pareil l'animant. Mais Roose Bolton restait un guerrier aguerri et son fils ne lui arrivait pas à la cheville. D'un mouvement puissant, il retourna la situation et frappa avec violence son fils à trois reprises avant de se lever, commençant à se diriger vers la fille Stark. Celle-ci était pétrifiée, dans un état second.
Ramsay cracha légèrement du sang, son arcade était fendue ainsi que sa lèvre. Mais la rage qui grondait en lui faisait qu'il ne ressentait aucune douleur. Les Dieux ne lui prendraient pas ce qu'il avait. Pas cette fois. Il se releva, difficilement, titubant presque tandis que son père se retournait vers lui en souriant.
« Tu n'es qu'un bâtard Ramsay, rien de plus.
- C'est vrai. »
Roose resta surpris face à son fils qui était désormais là, devant lui. Tous deux s'affrontèrent du regard. Roose se préparait à le frapper, encore. Mais tout se passa si vite, beaucoup trop vite.
Ramsay fit un geste vers son épouse, ce qui attira le regard de Roose, mais celui-ci se rendit compte, trop tard, de son erreur. La dague rentra dans ses chaires et vint transpercer son cœur. Un râle de souffrance traversa ses lèvres tandis que leurs yeux, identiques mais si différents, se lièrent.
« Adieu, Père. »
Le corps inerte de Roose Bolton tomba au sol. Seul le manche de la dague de Ramsay ressortait du cadavre. Il fixait ainsi le corps, le regard empli de haine, les mains tremblantes.
Ce fut un cri, le cri perçant de Sansa qui le ramena à la réalité.
La jeune femme fixait le cadavre de Lord Roose Bolton avec des yeux exorbitée. Lentement, Ramsay s'approcha d'elle, le cœur battant. Elle était là… Recroquevillée sur elle-même, cachée sous le secrétaire, les joues baignées de larmes, prises de tremblement si violent qu'il crut un instant que la jeune femme était prise de convulsions. Elle ressemblait à un faon pris au piège au milieu de chien enragé. Il ne pouvait prédire les réactions de Sansa, il était perdu face à la détresse de sa femme.
Il était habitué à mettre les femmes dans ces états... Non pas à les rassurer. Alors il tenta une approche peut-être un peu trop direct. Il vint s'accroupir près d'elle et lui tendit sa main, effleurant une mèche de ses cheveux. C'est ainsi qu'elle détourna son regard du cadavre qui commençait à baigner dans son sang pour le fixer lui. Ses yeux étaient rougis, un hématome ornait déjà sa joue droite. Elle semblait ailleurs et ici à la fois. Et Ramsay serra les dents tentant difficilement de contenir la rage qu'il avait en lui.
« Sansa… Je… »
Ramsay n'eut le temps de parler plus que la jeune femme plongea dans ses bras, éclatant plus encore en sanglot. Ses ongles se plantèrent littéralement dans la chair de son cou.
Elle pleurait, des sanglots si lourds qu'il n'avait jamais entendus auparavant. Et Ramsay était désormais assis tel un idiot au sol, son épouse pleurant dans ses bras, et il ne savait pas quoi faire. Pour la première fois de sa vie, il était totalement impuissant.
Elle avait niché sa tête dans le creux de son épaule, et il sentait clairement ses larmes rouler le long de sa clavicule. Et ce fut un hoquet de sanglot qui le ramena à la réalité. Elle était là, à moitié nue, contre lui. Couverte de bleu qui n'était pas de lui. Et une rage sourde s'empare de lui. Il aurait dû le dépecer, l'écorcher, le torturer. Il n'aurait jamais dû lui offrir une mort si douce. Sansa tremblait toujours, et Ramsay vint lentement passer ses bras autour d'elle, enserrant son corps contre le sien. Avec le plus de douceur possible, il nicha sa tête dans ses cheveux et vint apporter ce qu'il pensait être du réconfort en se balançant avec le plus de lenteur possible d'avant en arrière. Il ne savait pas si cela marchait réellement, mais il avait le vague souvenir que sa mère faisait cela lorsqu'il n'était encore qu'un enfant.
Les sanglots cessèrent peu à peu, et Sansa sembla passer dans un état second, perdu entre sommeil et absence. Avec habilité, le Lord se releva alors, son épouse toujours dans ses bras, et il quitta la chambre, traversant le couloir, il ouvrit une porte un peu plus loin. Rentrant dans une pièce qui fut sa chambre avant qu'il ne gagne le lit conjugal. Avec douceur, il déposa Sansa dans son lit, la couvrit chaudement et embrassa sa tempe avant de retourner dans l'autre chambre où gisait encore le cadavre de son père. Il le fixa, longuement, il n'avait aucun remord, seule la colère régnait dans son cœur tandis qu'il fixait l'homme en dessous de lui.
Avec froideur, il retira la dague et l'essuya avant de la ranger dans son fourreau. Lorsque soudain, un glapissement vint raisonner dans la pièce. Ramsay se pencha sous le lit, et se trouva nez à nez avec Lómion. Il tendit alors le bras et attrapa le petit être par la peau du cou avant de le ramener à lui.
« Tu es vraiment inutile. »
Toujours en le maintenant par la peau du cou, il quitta à nouveau la pièce et croisa Yvana dans le couloir qui semblait affolée.
« Où est Lady Sansa ?! »
Ramsay la fixa un moment, son regard de givre décortiquant chaque parcelle de ce corps trop blanc. L'espace d'un instant, il hésita à faire payer Yvana ce qu'il venait de se passer, puis il secoua la tête avant de répondre :
« Dans ma chambre. »
Le ton froid de Ramsay fit frissonner la jeune servante fidèle à son épouse. Elle tenta de continuer son chemin, mais Ramsay lui bloqua le passage avant de reprendre.
« Allez voir Mestre Wolkan, dites-lui d'envoyer un oiseau à toutes les maisons du Nord. Lord Roose Bolton est mort, empoisonné par nos ennemis.
- Comment ?! »
La jeune femme plaqua ses mains contre sa bouche, le regard écarquillé et effrayé. Lord Roose Bolton était mort ? Qu'allait-il advenir du Nord ? Réprimant un sanglot, elle partit immédiatement. Laissant le nouveau Gouverneur du Nord rentrer dans la chambre où son épouse dormait.
