Éblouie par les premiers rayons du soleil qui perçaient les rideaux à sa gauche, Candice ouvrit les yeux avec difficulté. La nuit avait été rude et leur conversation de la veille taraudait son esprit sans scrupule. À sa gauche, Antoine semblait encore profondément endormi, l'air peu habité par leur échange nocturne. Et malgré la longue journée d'hier, elle avait eu du mal à s'endormir… Peu surprenant, finalement… Elle souffla, finissant par pivoter sur elle-même et le fixa sans sourire, consciente qu'elle avait fait n'importe quoi et qu'elle l'avait blessé. La blonde devait désormais réparer et cela commençait par prendre soin de lui. Alors elle s'approcha doucement et embrassa le haut de son torse avec tendresse avant de quitter les draps pour gagner la salle de bain.
Plus tard, Candice s'attelait désormais en cuisine. La table sur la terrasse avait été dressée et les sachets de viennoiseries encore chauds venaient tout juste d'être posés dessus. Oui, Candice avait mis le paquet… Mais il fallait bien ça pour se faire pardonner, non ? Satisfaite, elle enclencha le bouton de la machine à café alors que les escaliers commençaient à grincer.
« Salut…
- Oh… sourit-elle en relevant la tête, soudainement timide. Salut… Bien dormi ?
- Ça va… acquiesça-t-il en s'approchant.
- Hum… Petit dej' ? demanda-t-elle en attrapant sa taille. J'ai tout préparé… Et j'ai hésité à te l'apporter au lit mais…
- Merci… accepta-t-il alors qu'elle tendait ses lèvres vers les siennes. »
Antoine répondit à son avance sans conviction. Bah oui ! Il ne fallait pas croire qu'un petit dej' allait tout réparer en un claquement de doigts. Malgré tout, le commissaire avait été blessé et son ressenti le poussait à la froideur. Légèrement déçue, Candice récupéra sa petite tasse rouge et le suivit jusqu'à la terrasse où le policier écarquilla les yeux.
« Ah oui quand même…
- Et le petit bol et les céréales de ta fille sont prêts aussi…
- C'est gentil… Elle est dans notre lit là, elle s'est rendormie.
- Tant mieux ! Mais assieds-toi… J'apporte ton café ! »
Antoine obéit et s'installa à table, attendant patiemment le retour de Candice qui se montrait aux petits soins. Et le commissaire n'en était que bien peu étonné, conscient qu'après leur discussion de la veille, la blonde tentait le tout pour le tout pour se faire pardonner… Et celle-ci ne tarda pas à refaire son apparition à l'extérieur. Elle déposa la petite tasse devant Antoine et s'installa à ses côtés sans un bruit. Et en ce début de matinée ensoleillée, seul le bruit des vagues régnait, apportant apaisement et douceur à l'instant présent.
« Quoi ? demanda-t-il alors qu'elle le regardait fixement.
- Nan je regardais tes épaules mais ça va, tes coups de soleil sont déjà partis….
- Hum…
- Tu vas encore rentrer super bronzé en tout cas…
- Si tu restais à la plage au lieu de rester en cellule, toi aussi tu prendrais peut-être un peu de couleurs…
- C'est vrai… assuma-t-elle. Peut-être qu'on pourrait y aller aujourd'hui d'ailleurs…
- En cellule ? ironisa-t-il.
- Non ! À la plage… Enfin, je sais pas ! Ça dépend de ce que tu veux faire.
- J'en sais rien ! Faut voir avec les enfants…
- Nan mais depuis qu'on est arrivés, c'est eux qui choisissent. Moi j'aimerai qu'on fasse quelque chose que toi tu veux !
- La seule chose que je veux Candice, c'est passer un moment sympa, en famille, loin de toute la merde du bureau… Alors que ce soit plage, piscine, rando… J'm'en fous…
- Ouais… acquiesça-t-elle en collant sa tête contre son épaule. Je vais aller préparer les affaires alors ! Je te laisse petit-déjeuner tranquillement…
- Ok… »
Candice déposa un léger baiser sur son épaule gauche et déserta la terrasse, les mains prises par sa vaisselle usagée. Dehors, Antoine profitait désormais du calme ambiant avant la levée des enfants. Il sortit son téléphone de sa poche et le déverrouilla pour s'intéresser à ses réseaux. Concentré, il n'aperçut même pas une silhouette approcher leur portail. L'individu se planta rapidement devant leur demeure et prit le soin de s'éclaircir la voix pour manifester sa présence.
« Bonjour ! entendit-il au loin.
Surpris, Antoine leva la tête et plissa les yeux.
- Euh, bonjour… ?
- Euh, je suis le commandant Gondar. C'est bien ici que Candice réside pour les vacances ?
- Ah… Qu'est-ce que vous lui voulez ?
- C'est par rapport à son coup de fil d'hier soir. Mais je préférais en discuter de vive voix. »
Antoine esquissa un bref sourire. « Son coup de fil d'hier soir » … répéta-t-il intérieurement comme pour assimiler le fait qu'il venait encore de se faire rouler dans la farine… Bon en même temps, il n'était pas surpris… Une fois de plus ou de moins, cela ne changeait pas grand-chose, finalement…
« Entrez ! C'est ouvert… se résigna-t-il sans engouement.
- Merci !
- Candice ! cria-t-il depuis l'extérieur. Y a quelqu'un pour toi !
- J'arrive dans 3 minutes ! répondit-elle depuis le palier. »
Bon les enfants étaient probablement désormais réveillés avec leurs cris matinaux mais peu importait… Antoine allait devoir supporter cet homme trois minutes… 180 secondes… Long… ! songeait-il en soupirant. Il l'observa approcher la table et l'invita à s'asseoir avant de lui proposer un café, l'air faussement aimable.
« Pourquoi pas !
Antoine déserta l'extérieur et fit réapparition avec une tasse fumante qu'il déposa devant le policier.
- Donc c'est vous le fameux flic qui a recruté Candice ?
- Recruté… C'est un bien grand mot… On va dire que son obsession pour cette affaire nous aide beaucoup…
- Ah ça ! Je n'en doute pas !
- Mais… J'avoue que de toute ma carrière, j'ai jamais vu quelqu'un comme ça… Elle est absolument brillante.
- Hum…
- Vous avez de la chance ! sourit-il gentiment. »
Bien sûr qu'Antoine avait de la chance… Enfin, même si Gondar ne voyait que la partie visible de l'iceberg et qu'il ignorait tous les agissements pénibles de cette jolie blonde. Parce que oui, vivre avec cette femme était une chance mais c'était aussi une épreuve au quotidien. Et justement, l'actualité démontrait à nouveau toute la complexité de l'individue…
« Qu'est-ce qu'il y a ? lança une femme en robe de plage qui passait sa tête à l'extérieur.
Antoine montra son voisin d'en face de la tête.
- Ah ! commença-t-elle partagée entre gêne et surprise. Commandant… ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je suis passée voir les camions de take-away de Joseph et je voulais vous appeler mais... comme j'étais dans le coin…
- Ah ! Oui…
- Eh bah je comprends mieux pourquoi on a eu le droit à une glace hier soir… maugréa le commissaire le regard dur.
- Vous y êtes allés aussi ?
- Euh oui… Rapidement…
- Ah ! Bien… Et puis je voulais aussi reparler de votre appel d'hier soir !
- Tu sais celui où tu devais appeler Charlie ! lança Antoine en souriant faussement.
- Je vous écoute… l'ignora-t-elle.
- Déjà on a confronté l'hôtesse d'accueil et vous aviez raison, Joseph est bien passé par la chambre 307.
- Ah ! Et on sait ce qu'il y a fait ?
- Non… A priori il est juste passé dormir ici, et pour ne pas avoir de problèmes, les agents ont effacé toutes les traces.
- À la javel ?!
- Histoire d'être vraiment sûrs qu'on ne trouverait rien…
- Ok…
- Et sinon J'ai réépluché attentivement tous ses comptes. On a rien de suspect… sauf un détail un peu intriguant.
- Lequel ?
- Depuis 6 mois, Joseph faisait un versement sur un compte à son nom. Sur ce compte on a aucune dépense quotidienne, mais chaque mois les 350 euros versés sont retirés en liquide. Sa femme n'a jamais entendu parler de ça…
- Et son fils ?
- Pareil…
- 350 euros vous dites ? intervint Antoine avec finesse.
- Oui ! répondit le flic face à lui. Pourquoi ?
- Nan parce qu'hier j'ai discuté avec Fanny, la proprio du café sur la plage. Celle avait organisé la soirée caritative y a deux jours, expliqua-t-il au flic. Et on parlait de nos filles et elle m'a dit qu'elle venait tout juste de récupérer une pension alimentaire de son ex, 350€…
- Mais, la petite a dit à Suzanne qu'elle n'avait pas de père. Qu'il était parti quand elle était toute petite…
- Et Joseph trompait Maya… rajouta Antoine.
- Hein ?! rétorqua-t-elle surprise. Comment t'es au courant ?
- Elle m'en a parlé hier soir…
- Eh bah ! Vous êtes au courant de beaucoup de choses ici dis-donc… s'amusa le commandant en riant discrètement. Et vous pensez que les 350 euros versés sur le deuxième compte de Joseph correspondent à la pension alimentaire de la petite Lina ? Mais la gamine à 8 ans…
- Peut-être que Fanny a caché à tout le monde que c'était sa fille mais y a six mois, elle a tout avoué… J'en sais rien !
- Remarque ça tient ! En plus, je vous ai dit que le gosse de Joseph et Maya détestait Fanny. Peut-être qu'il était au courant de quelque chose… Vous avez creusé de ce côté ?
- Pas encore, non… Enfin on l'a déjà interrogé mais RAS… Je pense qu'il faudrait plutôt en discuter avec Fanny…
- Ça se trouve ça fait 6 mois qu'ils préparent leur fuite tous les deux… proposa Antoine sans conviction.
- Qu'est-ce qu'il vous fait dire ça ?
- Bah Joseph possède tous les take-away de la ville mais Maya n'a aucune part dans leurs établissements. Sans Joseph, elle a plus rien… Puis le mec fait clairement gonfler son chiffre d'affaires avec ses transactions de cocaïne qu'il planque dans ses cartons de vente… Alors une pension alimentaire de 350 euros, ça me paraît mince. Depuis 6 mois, ça fait quoi ? Plus de 2000 euros. À mon avis c'était pour payer le billet d'avion de la petite et assurer le coup par la suite… Et comme il voulait pas qu'il y ait un trop gros trou dans ses comptes… il a trouvé que ça…
- Ok ! bégaya le commandant. Bien vu… Je… Vous êtes doué aussi hein !
- Bah oui ! confirma Candice tout sourire. Antoine est un super flic, il est commissaire en métropole… C'est comme ça qu'on s'est rencontrés…
- Eh bah je comprends mieux ! Et… Puisque vous avez l'air de bien connaître notre nouvelle suspecte et qu'elle semble vous faire confiance… Ça vous gênerait de vous infiltrer, pour nous ? »
Candice perdit son sourire et fixa désormais son compagnon qui venait de détourner le regard. Par sa faute, le flic était venu les chercher chez eux et poussait implicitement Antoine à bosser pour eux… Tout ce que le commissaire redoutait en débarquant sur cette île, en fait. Et inévitablement, elle le vit hésiter. Sans doute Antoine était partagé entre son envie de déconnecter et celle d'aider cette famille. Et désormais, sa réponse se faisait attendre… Longuement…
