Cette fic est écrite dans le cadre de la 76ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Baguette". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Elle avait souvent entendu dire que la baguette ne faisait pas le sorcier et cette remarque la faisait toujours beaucoup rire intérieurement. S'ils savaient à quel point ils se trompaient. Sa propre baguette avait toujours choqué les gens par sa taille minuscule. Pour cause, ce n'était pas une baguette magique. Elle l'avait fabriquée elle-même lorsqu'elle avait 11 ans - après ce mémorable passage chez Ollivander's.
Elle poussa la porte du fabricant de baguettes. Elle était censée juste aider sa sœur à faire ses achats pour son année à Poudlard, mais n'avait pas pu résister à l'envie de fausser compagnie à ses parents pour tenter sa chance. Elle aurait dû recevoir sa lettre d'invitation à Poudlard depuis un mois, et le fait de n'avoir toujours rien reçu n'avait fait que confirmer les doutes de ses parents. Elle était bel et bien une Cracmol, elle n'aurait jamais sa place dans le monde sorcier. Ses parents lui avaient assuré que ça n'était pas grave, qu'elle n'avait pas à avoir honte et qu'ils resteraient toujours fiers d'elle quoi qu'elle décide de faire à l'avenir. Mais il était hors de question qu'elle reste bien sagement dans l'école moldue où ils l'avaient inscrite pour faire ses études et sa vie loin des sorciers. Elle devait quand même tenter sa chance, il le fallait absolument.
- Mademoiselle ? demanda le fabriquant de baguettes devant elle.
- Je viens acheter une baguette. Pour ma rentrée à Poudlard.
- Alors, voyons ça…
Le fabriquant prit des dizaines de mesures et murmura, plus pour lui-même que pour la jeune fille :
- Oui, il ne faudra pas une baguette trop grande, bien sûr, ce serait complètement illogique… Voyons voir ce qu'on peut vous proposer…
Il examina ses rayons et en sortit finalement une boite.
- Celle-ci peut-être ? Allez-y, essayez là ?
Elle prit la baguette avec toute l'assurance dont elle était capable et l'agita fièrement. Elle s'attendit à ce que l'étalage du fabricant s'envole, que les vitres explosent, qu'elle décolle elle-même du sol. Mais rien. Absolument rien ne se produisit. Ollivander fronça les sourcils.
- Pas assez de caractère, peut-être ? Essayons celle-ci…
Elle vit défiler entre ses mains la moitié des baguettes du fabricant et, alors qu'elle sentait qu'il était sur le point de s'arracher les cheveux, la porte d'entrée s'ouvrit derrière elle.
- Mais enfin, qu'est-ce que tu fais là ? rugit sa mère. Oh, monsieur Ollivander, je suis désolée pour ce dérangement… C'est une Cracmol, comprenez-vous, elle ne réussira jamais à faire de magie… Oh, je suis terriblement navrée qu'elle ait ainsi occupé tout votre temps…
Le fabriquant accepta ses excuses et sa mère la traîna par le poignet hors de la boutique.
- Tu me fais honte, tu m'entends ! Vouloir te faire passer pour une sorcière au point de faire perdre son temps à monsieur Ollivander ! Les moldus sont des gens très bien, pourquoi est-ce que tu refuses de l'admettre et de simplement t'intégrer à eux ?
Après ce jour, elle avait tâché de ne plus se faire remarquer par ses parents. Elle suivait ses cours à l'école moldue, haïssant de plus en plus ses camarades qui s'extasiaient devant leurs récentes inventions - un appareil qui aspirait la poussière sur le sol, un autre qui chauffait et permettait ainsi de repasser les vêtements après qu'une autre machine grande comme une pièce entière les ait lavés… S'ils savaient que de simples sortilèges permettaient de faire ça beaucoup plus rapidement et efficacement que leurs inventions idiotes ! Mais elle devait faire profil bas devant ses parents et travaillait par conséquent suffisamment pour ne pas s'attirer leurs foudres. Et, en parallèle, elle montait un plan. Elle s'intégrerait au monde magique, c'était une certitude, il n'en serait jamais autrement. Elle guettait la moindre occasion, la moindre faille qui lui permettrait de s'immiscer dans leur monde. Et elle trouva cette occasion six ans plus tard, lorsque sa grande sœur eut ses ASPICS avec mention et fut invitée à recevoir une récompense au ministère de la magie.
Plusieurs élèves brillants et leurs familles se trouvaient dans le grand hall du ministère, devant les responsables qui leur remettaient tour à tour les récompenses promises. Au moment où sa sœur fut appelée, un jeune homme de 25 ans s'avança vers la sorcière et annonça :
- En tant que responsable de l'éducation et de la connaissance magique du ministère, moi, Cornelius Fudge, je suis heureux de vous décerner cette récompense !
Cornelius Fudge. Elle ne savait pas faire de magie, mais elle savait décrypter les sentiments des gens. Elle avait senti, au moment où il avait annoncé son poste, une certaine frustration de n'en être qu'à cet échelon. Elle en était persuadée, Cornelius ferait tout son possible pour monter en grade et atteindre le poste de ministre de la magie. Il était exactement la personne qu'il lui fallait.
Lors du banquet suivant la remise des récompenses, elle se faufila jusqu'à lui.
- Bonjour monsieur, salua-t-elle de sa petite voix aiguë. Je suis enchantée de vous rencontrer enfin, j'entends tellement souvent parler de vous !
- Vraiment ? demanda l'intéressé. Où avez-vous pu entendre parler de moi ?
En plus de la curiosité, elle avait senti une légère fierté dans la voix de Cornelius. Oui, elle ne s'était pas trompée. Il serait parfait.
- A vrai dire, je cherche actuellement un poste au ministère, maintenant que je suis revenue de mes études à Durmstrang. Du coup, je me suis permise de me renseigner un peu sur les employés les plus prometteurs, et votre nom revient très souvent ! Je me doute que votre service est complet, mais si jamais vous avez besoin de quelqu'un, ce serait un privilège de travailler avec vous monsieur Fudge !
- Eh bien eh bien, murmura Fudge en se retenant d'exulter de joie. Écoutez, il est vrai que je recherche en ce moment une assistante. Si vous le voulez, envoyez-moi un hibou en me rappelant vos noms, prénoms et parcours et je verrais ce que je peux faire !
Deux semaines plus tard, elle rejoignait officiellement le ministère en tant que seconde du responsable de l'éducation magique. Elle avait réussi à se tailler une fausse baguette assez vraisemblable dans une branche d'arbre, en se souvenant de ce qu'Ollivander lui avait dit des années auparavant : une personne aussi petite qu'elle ne pouvait avoir qu'une petite baguette. Elle avait récupéré une branche de saule et s'était appliquée à la tailler soigneusement pour la faire ressembler le plus précisément possible à celle de sa sœur - en beaucoup plus petite, bien entendu. Lors de sa première semaine au ministère, elle avait appréhendé d'être rapidement démasquée mais elle avait rapidement constaté qu'aucune de ses tâches ne nécessitait obligatoirement de magie. Elle savait mentir, travailler suffisamment vite à la manière moldue pour que les autres soient persuadés qu'elle avait obtenu ce résultat avec un sort et se faire redouter de certains de ses proches collaborateurs pour leur déléguer les tâches nécessitant absolument un sortilège. Cornelius avait gravi les échelons, comme elle l'avait prévu, et ses flatteries à son égard avaient également eu l'effet escompté : il l'avait gardée auprès de lui, lui offrant systématiquement le poste le plus gratifiant que sa fonction pouvait lui offrir. Vingt ans plus tard, Cornelius était ministre de la magie, elle était sous-secrétaire d'état, et aucun employé du ministère n'avait réalisé que personne ne l'avait jamais vue produire un seul sortilège. La seule frayeur qu'elle avait eue en vingt ans de carrière était le moment où elle avait visité les abords de la forêt interdite avec Cornelius, alors qu'il était encore à l'éducation magique. Des accromentules étaient sorties de leur territoire et avaient tenté de les attaquer. Si Hagrid, le jeune garde-chasse de l'époque, les avaient rapidement repoussées, Cornelius avait remarqué qu'elle avait été incapable de lancer le moindre sort pour projeter les araignées loin d'elle. Elle avait alors inventé une peur des hybrides et créatures magiques qui l'avait tétanisée à ce moment précis. Elle savait mentir, elle savait jouer des rôles, et avait donc entretenu cette prétendue peur des hybrides, assortie d'une haine grandissante à l'idée que même des créatures difformes et mi-humaines avaient plus de pouvoirs magiques qu'elle. Dès qu'elle avait eu suffisamment de pouvoirs, elle avait fait passer plusieurs lois discriminantes contre les créatures magiques pour s'assurer que jamais plus l'une d'entre elles ne se retrouverait face à elle pour l'obliger à prouver son impuissance.
Oui, vingt ans plus tard, elle avait réussi. Elle était Dolorès Ombrage, deuxième personne la plus importante du pays après le ministre, elle s'était faite haïr et redouter des créatures magiques, des nés-moldus, de tous ceux qui n'étaient pas des sorciers de pure souche mais avaient pourtant plus de pouvoirs qu'elle.
Personne ne l'avait jamais vue jeter un seul sort mais cela n'inquiéterait jamais personne. Elle avait une baguette. Elle ne pouvait qu'être une sorcière.
En espérant que ça vous ait plu !
