Cette fic est écrite dans le cadre de la 78ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Blanche". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !
Quand il y repensait, il se disait que c'était assez ironique que ce soit lui qui porte un prénom évoquant la couleur blanche. La plupart du temps, il évitait d'y penser, mais il s'accordait une escapade dans le passé une fois par an. Chaque 3 août, il revenait à Godric's Hollow, sur la tombe de la sorcière la plus blanche et la plus pure qu'il ait jamais connue. De nombreux sentiments se bousculaient en lui à ce moment là, mais celui qui lui revenait le plus souvent était de la déception, la sensation que sa mort n'était rien d'autre qu'un immense gâchis. Aurait-il pu l'empêcher ? Abelforth lui aurait dit que oui, bien sûr, il était l'unique responsable de sa mort. Quelques fois, il en venait lui-même à envisager cette éventualité, à songer au fait que c'était lui qui avait jeté ce sortilège qui avait tué sa sœur. Quelques fois, il soupçonnait son esprit de lui jouer des tours et d'avoir inventé des souvenirs capables de jeter le doute sur la version d'Abelforth. Souvent, il se posait cette question : qui croire ? Son frère, ou ses certitudes les plus profondes ? Pour essayer d'y répondre, il revenait ici tous les ans, à chaque anniversaire de la mort d'Ariana, pour tenter de se souvenir, pour tenter de trouver des preuves… Pour tenter de savoir ce qui avait tué sa sœur ce soir-là, ce soir où Abelforth, Grindelwald et lui s'étaient battus en duel.
Les lettres de pierre dansaient devant ses yeux : Ariana Dumbledore. Il ferma les yeux et se laissa plonger dans ses souvenirs. Il revoyait sa sœur à l'âge de six ans, lorsque ses pouvoirs commençaient à s'exprimer. Là où la plupart des enfants faisaient exploser des choses ou projetaient des personnes dans les airs, les pouvoirs de sa sœur s'étaient toujours exprimés de façon extrêmement douce. Elle faisait pousser des fleurs ou des plantes ou pleuvoir des poudres brillantes dans les pièces de la maison, elle faisait clignoter les lumières de façon féérique ou chanter le poste de radio pour égayer la maison. Bien que cette manifestation assez étrange de ses pouvoirs intriguait ses parents, ils ne s'en plaignaient pas et s'en amusaient même. Puis, il y avait eu l'attaque.
Ariana venait de faire pousser la haie de leur jardin lorsque trois moldus d'une dizaine d'années surgirent de nulle part.
- C'est toi qui a fait ça ? demanda l'un d'eux.
- F… Fait ça quoi ? répondit Ariana. J'ai rien fait du tout ! Laisse-moi, je dois rentrer…
Elle tenta de revenir vers leur maison mais l'un des garçons la saisit violemment par le bras et l'obligea à leur faire face.
- Si ! Refais ce truc ! Tu as juste effleuré la haie quand une branche a poussé, je t'ai vu ! Refais-le, tout de suite !
Ariana hésita quelques secondes. Elle pouvait bien sûr le refaire, mais elle savait pertinemment qu'elle n'avait pas le droit de montrer ses pouvoirs à des moldus. Est-ce qu'ils la laisseraient tranquille si elle le faisait ? Probablement pas.
- Dépêche-toi ! rugit le garçon. Refais-le !
Il ponctua sa phrase d'un violent coup de poing dans l'épaule qui la fit crier. Avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, un souffle de vent les parcourut et elle se sentit quitter le sol. Elle s'envolait à quelques centimètres au-dessus des garçons qui la regardaient bouche bée.
Albus ne savait pas ce qu'il s'était passé ensuite. La magie d'Ariana s'était déchaînée mais, étrangement, elle n'avait pas attaqué directement les trois garçons. Alors que la magie de n'importe quel enfant aurait tenté de blesser ses agresseurs, celle d'Ariana s'était contentée de la soulever hors de leur portée, la plaçant au milieu d'une espèce de tornade qui la protégeait en empêchant les garçons de l'atteindre.
Après cela, Ariana n'avait plus jamais voulu faire de magie. Leur père avait tué les trois garçons pour se venger de ce qu'ils avaient fait à sa fille et avait été emprisonné à Askaban pour cela. Les oubliators s'étaient chargés de tous les moldus ayant assisté à la scène et toute la famille avait déménagé à Godric's Hollow, loin du scandale provoqué par toute cette histoire. Ariana tentait tant bien que mal de contenir ses pouvoirs mais aucun sorcier, et encore moins un enfant, ne pouvait y parvenir. Parfois, sa magie explosait. Elle faisait déferler des tempêtes dans la maison, faisait danser les jets d'eau qui sortaient des robinets ou jouer les lumières des bougies qui volaient au plafond. Si ses explosions étaient remarquablement impressionnantes, elles ne leur avaient jamais paru dangereuses. Sa magie n'avait jamais attaqué directement l'un d'entre eux. Bien sûr, leur mère avait consulté de nombreux spécialistes de Ste Mangouste pour trouver une explication, une façon de permettre à Ariana de contrôler normalement sa magie. Albus était présent avec elles lorsque l'un d'eux avait avancé une théorie qui l'avait particulièrement intrigué :
- Mon point de vue, Madame Dumbledore, c'est que votre fille subit un déséquilibre magique.
- Un déséquilibre magique ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Chaque personne possède en elle une part à peu près égale de magie noire et de magie blanche, une part qui nous incite à faire le bien et l'autre le mal. En grandissant, chaque sorcier décide de quelle partie il décide d'entretenir et de faire évoluer au grand jour. Mais chez Ariana… Il semblerait qu'elle ne possède pas de magie noire. Sa magie est la plus blanche, la plus pure que l'on puisse trouver. Ce qui explique qu'aucun de ses actes n'ait pour vocation d'attaquer quelqu'un, sa magie est beaucoup trop pacifique pour ça.
- Il lui arrive de nous blesser accidentellement… Son frère a été brûlé par l'une des bougies qu'elle faisait voler…
- Accidentellement, comme vous dites. Ses actes n'ont pas vocation à causer du tort, mais la puissance avec laquelle sa magie explose à force d'avoir été trop retenue ne peut être sans danger… Je suis persuadé que si Ariana acceptait de laisser sa magie s'exprimer petit à petit, elle serait capable d'accomplir de grandes choses. Des choses merveilleuses.
Malheureusement, Ariana n'avait pas réussi à laisser sa magie s'exprimer, trop terrorisée par le souvenir de ce qui était arrivé la dernière fois. Cette magie trop blanche, trop pure, trop pacifiste, n'avait pas supporté de voir sa sorcière être attaquée et n'avait pu se résoudre à attaquer en retour, ne serait-ce que pour la défendre. Elle continuait à se tapir au plus profond d'Ariana, frustrée de ne pas pouvoir éclater au grand jour mais trop apeurée à l'idée de causer du tort pour le faire, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus se cacher et éclate de façon explosive.
Albus n'était pas chez eux le jour où la magie d'Ariana avait tué leur mère. Abelforth lui avait raconté que Kendra avait essayé de traverser l'une des tornades qui encerclait Ariana pour la protéger et qu'elle n'y avait pas survécu. Il était revenu à la maison pour s'occuper d'elle et avait rencontré le neveu de leur voisine, Gellert Grindelwald. Gellert avait rendu sa nouvelle situation supportable. Il était toujours coincé au fin fond de Godric's Hollow alors qu'il aurait dû partir faire le tour du monde avec Elphias Dodge, il n'avait toujours pas d'autre mission que celle de s'occuper d'une sœur à la magie explosive et d'un frère qui n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait faire de sa vie mais, au moins, il avait un ami qui le soutenait et le comprenait. Il avait bien sûr des doutes sur les véritables intentions de Gellert, des doutes confortés par l'avis d'Abelforth sur lui, mais il les effaçait rapidement. Il ne voulait pas perdre celui qui était rapidement devenu l'ami le plus proche qu'il ait jamais eu, quitte à fermer les yeux, à nier l'évidence alors que celle-ci devenait de plus en plus difficile à réfuter.
Et puis il y avait eu la confrontation, celle qui avait fait tout basculer. Il pensait se souvenir exactement de ce qu'il s'était passé cette nuit là… Mais la version d'Abelforth était complètement différente. Refermant les yeux, il essaya encore une fois de visualiser cette soirée devant ses yeux. Abelforth avait insulté Gellert, lui ordonnant de s'en aller sur le champ, de sortir de leur vie et plus particulièrement de celle d'Albus. Gellert avait refusé, rétorquant que ce n'était pas un sorcier de bas étage incapable de faire quoi que ce soit de sa vie qui lui donnerait des ordres. Ils avaient commencé à se battre, leurs sortilèges jaillissant de leurs baguettes à une vitesse de plus en plus rapide pendant qu'Albus tentait de les protéger tous les deux en se jetant dans la bataille. Ariana était arrivée. Abelforth lui avait ordonné de partir, de se mettre à l'abri. Albus s'était tourné vers sa sœur et l'avait vue hésiter avant de refuser d'obéir à Abelforth. Son regard habituellement toujours hanté et apeuré était soudainement devenu calme, paisible, comme si sa sœur savait qu'elle venait de prendre la meilleure décision de sa vie. Un souffle de vent avait fait voler ses cheveux, de plus en plus rapidement, comme à chaque fois que sa magie commençait à s'exprimer. Mais, contrairement à d'habitude, Ariana ne semblait pas paniquée à l'idée de ne pas pouvoir les retenir. Elle semblait… Oui, il en était certain, pour la première fois depuis qu'elle avait sept ans, Ariana avait choisi de laisser sa magie sortir, de la laisser s'exprimer. Mais il ne pouvait pas la laisser faire. Elle restait incapable de la contrôler et, au milieu de ce déluge de sortilèges entre son frère et son meilleur ami, il n'osait pas imaginer le résultat que cela pourrait donner. Il avait dirigé sa baguette vers elle, hurlant la formule du sortilège de stupéfixion, au moment même où Gellert lui lançait également un sort pour l'empêcher d'intervenir. Un sort de couleur verte. Il n'en connaissait qu'un seul dont le rayon était de cette couleur et il hurla mais, avant d'avoir pu envisager de faire quoi que ce soit, le corps de sa sœur était devenu étrangement brillant, sa peau de plus en plus pâle semblant briller au milieu du déluge de sortilège. Une fumée blanche sortit de son corps et se précipita sur le rayon vert, l'enveloppant, au moment où le sortilège de stupéfixion atteignait la jeune fille. Le rayon de l'avada kedavra avait disparu au milieu de la fumée qui s'était étendue dans toute la pièce, faisant disparaître tous les sorts en train d'être lancés et ramenant le calme entre eux. Ils étaient tous les trois figés de stupéfaction, cherchant à comprendre ce qui venait d'arriver, lorsque leurs regards se posèrent sur le corps inanimé d'Ariana, quelques mètres plus loin, morte au moment où le sortilège d'Albus l'avait touchée.
Est-ce que son sortilège l'avait tuée, comme Abelforth l'affirmait ? C'était possible. Mais il n'oubliait pas cette fumée blanche qui s'était envolée du corps de sa sœur et avait réussi à annuler l'effet d'un avada kedavra, ainsi que de tous les autres sorts autour d'eux. Si le médicomage qu'ils avaient vu à Ste Mangouste avait eu raison, la magie blanche que sa sœur portait n'aurait jamais supporté d'assister impuissante à ce déferlement de haine autour d'elle. Il en était persuadé, ce soir là, Ariana avait laissé sa magie s'exprimer, elle l'avait laissé faire ce qu'elle pouvait pour faire cesser les attaques entre les trois garçons autour d'elle. Ce soir là, la magie blanche contenue en Ariana avait sacrifié son hôtesse pour rétablir la paix autour d'elle. Ce soir là, la magie blanche d'Ariana s'était sacrifiée. Pour le plus grand bien.
J'avoue avoir triché et avoir mis près d'une heure et demie à l'écrire, mais j'espère tout de même que ça vous a plu !
