Cette fic est écrite dans le cadre de la 91ème nuit écriture du FoF (Forum Francophone) pour le thème "Pourri". Le FoF est un forum regroupant tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou s'amuser entre nous. Le lien se trouve dans mes favoris. Rejoignez-nous !

La nuit était tombée depuis longtemps sur l'infirmerie. Madame Pomfresh avait bien essayé de le jeter dehors, mais Sirius n'avait pas bougé de la chaise sur laquelle il avait passé la journée. Il était resté immobile, le regard fixé sur le corps inconscient de Remus sur son lit, couvert de bandages. Il était inconscient depuis deux jours. Sirius était ici depuis deux jours. Sans parler, sans bouger, juste en acceptant les verres d'eau que Mme Pomfresh lui amenait quand elle commençait à s'inquiéter qu'il fasse un malaise à force de ne plus rien faire d'autre qu'attendre ici. Deux jours que les événements se répétaient en boucle dans sa tête. La pleine lune. Rogue qui demandait à Sirius ce qu'ils fabriquaient. Sirius qui lui révélait comment passer sous le saule. Pour rire. Pour avoir la paix. Pour il ne savait plus quelle raison pourrie qui lui était passée par la tête à ce moment là. Et maintenant, les conséquences de son acte lui explosaient à la figure : Rogue savait que Remus était un loup-garou, et Remus s'était déchaîné contre lui-même après avoir aperçu Rogue sans pouvoir l'approcher. Pour une raison pourrie.

Pourri, c'était peut-être le mot qui le décrivait le mieux. Il l'avait souvent utilisé auparavant pour décrire sa famille, pour décrire chaque Black qu'il ait connu ou non, dont les exploits sinistres sont inscrits dans les livres d'histoire ou racontés avec fierté lors de repas de famille par des parents tout aussi pourris. Pourquoi avait-il cru être différent d'eux ? Pourquoi avait-il cru valoir mieux qu'eux ? Depuis que le Choixpeau l'avait réparti à Gryffondor à la surprise générale, il se disait qu'il avait peut-être une chance de ne pas être comme tous les autres de sa famille. D'être moins pourri, moins raciste, moins arrogant, moins négligeant des vies des autres. Comment avait-il pu sérieusement y croire ? Des mentalités aussi tordues et vicieuses que celles de Black, ça ne s'invente pas. Ça ne s'apprend pas par une éducation aussi suspecte que tranchée sur certaines questions. C'est inné, tout simplement. Les Black sont pourris par définition et il n'échapperait pas à la règle. Il avait fallu qu'il mette la vie d'un de ses meilleurs amis en danger pour qu'il le comprenne. Pour qu'il réalise qu'il était tout aussi pourri que les autres.

Il prit une lente inspiration. Mme Pomfresh avait raison sur un point, il ne serait pas utile à Remus en restant planté ici. Il n'y avait qu'une seule chose qu'il pouvait faire pour lui être utile. Pour s'assurer qu'il serait heureux et en sécurité à partir de maintenant. Il se leva et sortit silencieusement de l'infirmerie. Il regagna son dortoir en quelques minutes et ne mit pas longtemps à réunir une cape chaude, son balai et sa baguette. Il n'aurait pas besoin du reste. Il descendit dans la salle commune, dont il s'apprêtait à sortir quand il entendit une voix derrière lui :

- Je peux savoir ce que tu fais, là ?

James. Son cœur se serra. Il aurait préféré ne pas avoir à affronter son jugement sur cette décision. C'était bien censé être possible, lui non plus ne lui avait plus reparlé depuis qu'il avait arraché Rogue des griffes de Remus.

- Que veux-tu que je fasse avec un balai et une cape ?

- Je dirais que tu t'enfuis lâchement.

Sirius se retourna vivement et planta son regard dans celui de James.

- Ça n'a rien de lâche, démentit-il sèchement. Je le fais pour vous. Vous serez mieux sans moi.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Ce qui me fait dire ça ? s'étonna Sirius. Le fait que j'ai voulu tuer Rogue ? Que j'ai voulu sacrifier Remus pour ça ? Que j'aurais pu vous tuer tous les trois dans cette histoire ? Je refuse d'être responsable d'autres morts. Autant que je parte tout de suite avant que ça n'arrive.

- Il y a d'autres moyens de s'assurer que ça n'arrive plus, tu sais, fit remarquer James.

- Ça arrivera. Je ne suis pas un Black pour rien, James. C'est… C'est dans ma nature, de faire du mal. Je suis pourri jusqu'à la moelle par définition et j'ai failli vous tuer avant de m'en apercevoir.

- Pourri jusqu'à la moelle ? répéta James, les sourcils haussés. Cette expression irait beaucoup mieux à des dizaines d'autres personnes qu'à toi…

- Alors comment tu considères quelqu'un qui a voulu tuer un élève pour s'amuser ? Qui a mis ses deux meilleurs amis en danger pour s'amuser ?

- Quelqu'un qui a fait une erreur, répondit James. Et qui essaie d'en fuir lâchement les responsabilités.

- Je ne suis pas lâche ! protesta-t-il à nouveau.

- Alors prouve-le, lança James. Assume tes responsabilités, reste auprès de Remus parce qu'il a besoin de toi, explique-toi auprès de la direction de l'école pour les convaincre de ne pas te renvoyer.

Sirius soupira légèrement. Il n'avait aucune envie de faire la moindre chose de ce que James lui suggérait, mais il était forcé de reconnaître qu'il y serait obligé. Que s'y soustraire serait l'acte le plus lâche possible et qu'il n'était pas tombé suffisamment bas pour ça.

- C'est ce que tu veux ? devina Sirius. Voir un conseil de discipline entier décréter que je suis aussi pourri que tous les autres ? Que peu importe ma maison ou ce que j'essaie de faire, je resterai toujours éternellement un Black ?

- Je me contenterai de les voir décréter que tu n'es au contraire pas comme eux. Remus te le dira aussi quand il se réveillera, tu sais. Tu vaux mieux que ça, et s'il y a bien un moment où tu ferais mieux de te bouger pour nous le prouver c'est bien maintenant.

- Alors quoi ? Simplement en restant, je peux décider d'être un peu moins moisi que ce que j'ai été jusqu'à présent ?

- Bien sûr. C'est une question de choix. Tu sais… Je ne suis pas sûr de t'en avoir parlé, mais… Le Choixpeau avait voulu m'envoyer à Serpentard. Il hésitait avec Gryffondor, alors il m'a dit que je n'avais qu'à choisir. Tu penses franchement que je serai devenu celui que je suis maintenant si j'avais fait un autre choix ? J'aurai probablement fini par m'entendre avec Rogue et sa bande, à haïr cordialement les Gryffondors, et à appeler sang-de-bourbe chaque né-moldu que j'aurais croisé. Mais j'ai fait un autre choix. Et c'est valable pour toi aussi. Ton nom ne te définit pas. Tu as le choix. Tu l'auras toujours.

Sirius resta figé, les paroles de James se bousculant dans sa tête. Il s'estimait toujours aussi pourri. Pourri par un nom dont il ne se déferait jamais, pourri par sa maturité inexistante, pourri par son aptitude à mettre ses proches dans les pires pétrins et dangers possibles. Mais James avait raison : Il pouvait se battre contre ça. Assumer les conséquences de ses actes, tout faire pour se rattraper. Tout faire pour prouver au monde qu'il était un peu moins pourri que ne l'était le nom des Black.

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