Bêta : Mokonalex
Assistante/Elfe de Maison/Infirmière : Mirabelle31
Note de l'auteur : Le chapitre démarre au temps présent, c'est-à-dire l'été entre la sixième et la septième année d'Harry.
Bonne lecture.
Il y avait un bon moment que le jeune sorcier se posait des questions sur son orientation sexuelle : en vérité, depuis sa 5ème année où il avait accidentellement aperçu son professeur de potions tout nu. Bien entendu, il n'en avait soufflé mot à personne, pas même à Hermione. Ce n'était pas des choses faciles à dire, surtout avec le climat d'oppression qui régnait dans le Monde Magique. Mais le Gryffondor allait bientôt s'apercevoir que cela pouvait prendre des proportions bien plus terribles…
L'été venu, Harry s'était installé au 12, Square Grimmaurd, où Remus Lupin résidait déjà la plus grande partie de l'année. Les Weasley les y avaient rejoints, tout comme Albus qui avait entraîné avec lui son âme damnée Severus Rogue, fort peu coopératif. Sirius Black qui refusait depuis sa libération de réintégrer le domicile familial, s'obstinait à vouloir rester au soleil d'une île tropicale où le rhum coulait à flot et les femmes étaient peu farouches. Harry en avait encore une fois été très déçu, mais ce parrain que décidément il ne connaîtrait jamais, n'aurait pas encore cette année-là de place dans sa vie. Les jumeaux Weasley, fidèles à eux-mêmes, mettaient de l'ambiance dans la maison au grand dam de leurs parents qui devaient supporter leurs mauvaises blagues et autres farces, à tout propos.
Sans un Mage Noir pour leur pourrir la vie, les jeunes sorciers du 12 Square Grimmaurd se détendaient et s'amusaient bien, dans la mesure de ce que l'étiquette sorcière leur autorisait.
Un soir dans la chambre que Ron et Harry partageaient, le jeune Sauveur du Monde Magique se résolut à lui poser quelques questions qui le taraudaient depuis un long moment.
— Ron ? Je peux te poser des questions ?
— Mouais… sur quoi ? Quidditch ? marmonna le rouquin qui mâchouillait une Chocogrenouille, allongé de tout son long sur son couvre-lit gris argent.
Harry avala sa salive, ne sachant pas trop comment présenter les choses. Il alla s'asseoir sur son lit et regarda un instant son meilleur ami qui admirait les crevasses dans les stucs du vieux plafond. Seamus lui avait expliqué ce qu'il savait, les années précédentes, mais Harry n'avait eu que ce son de cloche et il voulait entendre exactement ce qu'un sorcier de sang-pur comme Ron avait à dire sur le sujet, bien qu'il s'en doutât au fond de lui.
— Ben… Je me demandais un truc… Comment ça se passe quand on veut sortir avec quelqu'un dans le Monde Magique ? choisit-il pour démarrer doucement.
— Tu veux sortir avec une fille ? sursauta Ron en se rasseyant brusquement, les yeux écarquillés d'horreur.
— Nan, nan… bredouilla Harry un peu surpris par la réaction de son meilleur ami. Je me posais juste la question au cas où, quoi. Tu comprends, t'es un sang-pur, tu connais toutes les coutumes du Monde Magique et moi, ben… j'ai été élevé par les Moldus, tout ça. Alors je me demandais, pour pas faire de boulettes… pour plus tard, tu vois ?
— Oooh, oui… ok. Je comprends mieux. C'est vrai que tu peux pas savoir si tu n'as pas demandé avant.
— C'est ça ! Alors, imaginons qu'une fille me plaise. Heuuu… c'est juste un exemple, hein ! J'ai personne en vue du tout. Est-ce qu'il y a un protocole à suivre ? Un truc magique spécifique, je sais pas… une façon de faire… ou alors on fait comme les Moldus, on se plante devant la fille et on lui demande « tu veux bien sortir avec moi ? »
— T'es pas un peu fou ? s'horrifia Ron visiblement choqué. Ne me dis pas que les Moldus font ça ? C'est absolument indécent ! Pire, c'est… c'est totalement impensable !
— Ah bon ? fit Harry en jouant les naïfs. On doit dire quoi à une sorcière ?
— Tu ne dis rien du tout, d'abord ! Tu dois laisser les parents s'en charger.
— Comment ça, les parents ? Mais j'ai pas de parents, moi !
— Ben, ton tuteur, ta famille… ceux qui sont responsables de toi.
— Tu plaisantes ? Tu vois les Dursley écrire à une famille de sorciers pour jouer les entremetteurs ?
Ron soupira et laissa ses longues jambes pendre au bord du lit. Il secoua la tête, la mine désolée.
— Nan. C'est clair que eux, je ne les vois pas du tout faire ça. Dans ton cas, ça devra être Sirius, du moins, je pense…
— Pffff ! Sirius… Il faudrait encore qu'il montre le bout de son nez à Londres, et c'est pas gagné !
— Dumbledore alors… ou Remus… De toute façon, il faut que ce soit un sorcier, c'est mieux.
— Ah bon ? Et comment fera Hermione ?
— Mon père s'en chargera si ses parents lui demandent. Pas de souci… fit le rouquin en haussant les épaules comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.
— Ok, faut un sorcier responsable, j'ai compris. Et ensuite, il fait quoi ce responsable ?
— Ben, il envoie une lettre officielle à la famille de la fille pour prendre contact et dire que t'es intéressé par un mariage avec elle.
— Mariage ? Mais je ne parlais pas de mariage, Ron, précisa Harry qui pensait à un quiproquo. Je voulais simplement parler de sortir avec une fille, comme ça… sans penser à la durée ou au mariage.
— Mais ça n'existe pas ! Tu ne peux pas ! Si tu t'intéresses à une fille, tu le fais pour la bonne raison, le mariage. Et pis c'est tout. Et tu dois bien choisir en fonction de sa famille, ses revenus, ses alliances. C'est une décision importante, ça ne se fait pas comme ça, à la légère…
— Okayyyyy…. Tu veux donc dire que pas question d'expérimenter avant le mariage, de batifoler, d'avoir des expériences sexuelles… tout ça…
— Ex… expériences… sex… T'as pas honte ? Me dis pas que t'es un pervers ? Comment peux-tu penser à ces choses… ces choses répugnantes ?
— J'ai une tronche de pervers, Ron ? demanda froidement le jeune sorcier aux yeux verts en fixant son ami. Je pose juste de simples questions ! Et depuis quand le sexe est répugnant ? Je n'ai jamais eu l'impression que ça l'était. Pour les Moldus, ça ne l'est pas, c'est naturel et normal. Tout le monde le fait sans se mettre la rate au court-bouillon.
— Ben alors, ils sont tous décadents ! Et c'est tout ! Ce sont des pervers ! Dans le Monde Magique, ça ne se fait pas. On respecte les sorcières.
— D'accord. Ensuite… explique… insista Harry qui voulait en savoir le plus possible et surtout le plus rapidement avant que Ron n'ait une attaque d'apoplexie.
— Ben, après que les parents se soient mis d'accord, le jeune sorcier peut être présenté officiellement à la sorcière et parler avec elle en présence d'un chaperon.
— C'est bon, j'ai pigé. C'est style moyen-âge quoi…
— Moyen quoi ? s'inquiéta Ron le front soucieux.
Visiblement, il ignorait tout de l'Histoire qui pour lui ne correspondait qu'aux guerres gobelines serinées par Binns.
— C'est pas important, éluda Harry d'un geste vague de la main. Maintenant, je voudrais savoir comment ça se passe pour les gays dans le Monde Magique.
— Gais ? C'est pareil que pour les tristes. Pourquoi tu penses que c'est différent pour les gens heureux ou pas ?
— Misère… soupira l'Élu en levant les yeux au plafond. Ron, je ne parle pas des gens heureux ou tristes mais des homosexuels !
— NE PRONONCE PAS CE MOT INFÂME DEVANT MOI ! hurla le rouquin en se dressant sur ses pieds, les deux poings serrés et les oreilles rouges d'indignation.
— Pourquoi tu hurles comme ça ? Je te pose juste une simple question, insista Harry en s'obligeant à rester calme afin de donner le change. Ne me dis pas que tu es homophobe ?
— Je… je ne sais pas ce que ça veut dire… ton homomachin là. Mais il ne faut pas parler de ces anormaux ! C'est criminel ! Ils devraient tous être enfermés à Azkaban !
— Pardon ?
Harry en resta interdit. Il fixait Ron, les yeux agrandis de surprise. Azkaban ? Pourquoi parlait-il donc d'Azkaban ? Sûrement qu'on n'envoyait pas les homosexuels en prison pour ça, non ?
La porte s'ouvrit brusquement sur les deux frères jumeaux de l'offusqué. Fred et George entrèrent dans la petite chambre du second étage, un grand sourire aux lèvres, comme d'habitude.
— Nous nous disions bien qu'on avait entendu… commença George
— … ta douce et mélodieuse petite voix, Ronnychou… termina Fred, goguenard.
Les deux plaisantins s'approchèrent d'Harry et s'assirent chacun près de lui de façon à le serrer comme un morceau de fromage dans un sandwich.
— Raconte-nous, Harrynounet… qu'est-ce que ce misérable te faisait comme vilaines choses, encore ?
— Je n'ai rien fait, Fred ! protesta le susnommé toujours outré. C'est… c'est Harry… il m'a posé des questions absolument inconvenantes, indécentes… mons… monstrueuses, même ! Je… Je vais l'dire à M'man, d'ailleurs ! Il s'ra puni !
Harry leva un visage renfrogné vers Ron et protesta, cette fois-ci vraiment furieux.
— Je t'ai juste posé deux ou trois questions banales et tu en fais une affaire d'état ! Mais qu'est-ce que c'est que cette attitude rétrograde et archaïque ? Bon sang, on se croirait au Moyen-âge !
Mais Ron ne l'écoutait déjà plus. Il fonça vers la porte en deux longues enjambées, l'ouvrit à la volée et avant de la claquer brutalement, se retourna vaguement et lança un « Pervers ! ». Les trois garçons restant dans la chambre virent la porte se refermer violemment et entendirent les pas pesants d'une personne qui s'éloignait en courant.
— Ce n'est pas la peine…
— … de nous expliquer, on a tout entendu…
— … avec nos oreilles à rallonges !
Les jumeaux avaient lancé leur dernière phrase en même temps, tout en brandissant chacun une oreille en latex rose d'où pendouillait un fil muni d'une sorte d'écouteur.
— Harry, p'tit frère… commença Fred avec un air lugubre, tu viens de découvrir toute la rigidité du Monde Magique, en la personne de Ronnychou. Rassure-toi, nous ne sommes pas aussi coincés que lui, pas vrai Forge ?
— Exact, Gred, et nous allons t'expliquer tout ce que ce petit crétin n'a pas fait. D'abord Harry, tu as raison, c'est le Moyen-âge ici. Oui, nous savons ce que c'est… nous. Malheureusement, les mariages se déroulent comme ça. Et dans beaucoup de familles, les conjoints sont choisis par les parents et les jeunes n'ont rien à dire.
— Chez nous au moins, on peut les choisir librement, mais le protocole est respecté, poursuivit Fred. Quand l'un de nous voudra se marier, p'pa devra écrire aux parents de la fille pour savoir si ça peut se faire. En bref, c'est jamais gagné… ils épluchent tout… argent, situation, renommée… pour ça que Bill n'est pas marié. On n'est pas riches, alors ça coince.
— On sait que tu reçois plusieurs demandes en mariage par mois depuis que tu es entré à Poudlard, s'amusa George.
— HEIN ? Mais… mais… j'ai… j'ai jamais… balbutia Harry choqué.
— On sait, reprit George avec un large sourire. On a entendu Dumbledore en discuter avec Remus et Rogue un soir, dans la cuisine. C'est lui visiblement qui gère pour toi ce genre de chose, et le connaissant, il a dû envoyer balader tous les demandeurs.
— Je suis trop jeune pour me marier et de toute façon… je pense pas aux filles, avoua Harry encore surpris par la précédente révélation.
Enfin franchement, à quoi pensaient donc ces parents qui envoyaient des demandes en mariage à un garçon de onze ans ? Ok, il allait en avoir dix-sept dans quelques jours, mais lors des premières il n'était qu'en première année, par Merlin !
— Nan, ricana Fred, tu préfères les garçons. Ta question à Ron était un indice sérieux, surtout après qu'on ait remarqué combien tu pouvais lorgner la Terreur des cachots quand il daigne sortir de son antre.
— Moi… mais… nan… maispasdutoutqu'estcequevousimaginez… bredouilla Harry le visage écarlate.
— Pas de panique, Ryry ! le rassura George. On s'en fiche que tu zieutes le p'tit cul de Rogue. On s'appelle pas Ron mais Gred et Forge. Nous, on sait ce que c'est qu'un gay ou une lesbienne. Et ça nous choque pas. Par contre…
— … faut que tu fasses gaffe que ça se sache pas. Jamais ! insista Fred. Tu as dû piger que c'était mal vu ici, dans le Monde Magique. C'est plus que ça, Harry… Y a pas si longtemps, c'était un crime passible d'Azkaban à vie. Et jusque dans les années 70, c'était le baiser du Détraqueur pour ceux qui étaient chopés.
— QUOI ? Mais c'est…
— Fou, cinglé, monstrueux, injuste, immonde ? On sait, soupira George. C'est Dumbledore qui a fait changer la loi, afin qu'on soit pas trop en décalage avec le Monde Moldu. Ouais, pour pas choquer les nés-moldus ou les sangs-mêlés élevés chez les Moldus. Il a eu du mal et en contrepartie, la discrétion est impérative. Ceux qui sont révélés au grand jour perdent gros…
— … gros comme le statut social, amis, emploi, famille… logement pour certains. Ça s'est vu aussi. Et puis, il y a ceux qui restent célibataires par choix, ils sont suspectés, ostracisés autant que ceux dont on est presque sûr. Je dis presque, parce qu'à moins de tomber dessus en flagrant délit, qui peut dire, hein ?
Harry était atterré. C'était pire encore que ce que Seamus lui avait raconté. L'irlandais n'avait jamais parlé d'Azkaban, mais il fallait dire aussi que la question de l'homosexualité n'avait pas été abordée.
— Alors… comment ? Comment font-ils ? tenta Harry dans un souffle.
— Le Monde Moldu, Harry, répondit George sous les hochements de tête véhéments de son frère. Le Monde Moldu est la solution.
— Les sorciers qui ne veulent pas obéir à ces traditions obsolètes et indignes… poursuivit Fred
— … ouais, comme nous quoi…
— … ils sortent dans le Monde Moldu. Cinémas, boites de nuit, bals, pubs, restaurants, concerts… il y a plein de super endroits pour s'amuser et rencontrer des filles.
— Faut juste faire gaffe de pas laisser de traces… Pas faire de bâtards, déjà, donc sortilèges discrets de contraception, et pis Oubliettes…
— Ouais, pas le choix…
— Oubliette ? murmura Harry tout retourné. Vous oubliettez les gens avec qui vous avez passé la nuit ou la soirée ?
— Pas le choix, Ry, confirma George. C'est trop dangereux. Et encore, nous on est hétéro, mais imagine pour les gays… Pour eux c'est même pas envisageable de faire autrement. C'est tellement tabou que dans notre monde, personne ou presque ne sait qui est gay ou pas. Et ceux qui le savent ferment leurs bouches, crois-moi. Le savoir et ne rien dire est aussi passible d'ennuis que de l'être… Moins maintenant que c'n'est plus un crime…
— Harry, prendre simplement la main d'un autre garçon pour une raison ou une autre, dans la rue, peut te faire accuser et perdre tout statut social. Comme George l'a dit, ce n'est plus un crime, mais quand même un délit d'outrage aux bonnes mœurs, comme d'embrasser une fille en public. C'est le Magenmagot, une amende et un travail d'intérêt magique… pour certains, c'est même les électro-sorts à Sainte-Mangouste. On dit que des psychomages tenteraient de changer ainsi l'orientation sexuelle.
— Je rêve… non, je cauchemarde… je vais me réveiller… gémit Harry. Je vais jamais pouvoir rester dans ce monde. C'est impossible. Hermione veut partir après ses ASPICs aussi… Elle ne veut pas être mariée de force. Je crois que je vais faire comme elle et repartir dans le Monde Moldu.
Les jumeaux se regardèrent en silence. Si Harry Potter abandonnait un jour le Monde Magique sous le prétexte qu'il le trouvait trop arriéré et rétrograde, cela provoquerait un tollé général et peut-être une prise de conscience des sorciers. Mais il faudrait des générations avant de changer les mœurs. Ce n'était pas gagné. Non, pas gagné du tout.
— Harry, il va falloir que tu sois plus que discret. Personne ne doit savoir tes préférences dans le Monde Magique ou bien tu seras mis au ban de la société, Garçon-Qui-A-Survécu ou pas.
— Mais Fred, Ron me pense déjà un pervers parce que j'ai simplement posé une question. Il est parti le dire à ta mère. Qu'est-ce qu'il va se passer ?
— Rien. George va aller s'occuper de ce petit crétin borné, répondit Fred avec assurance, tout en faisant un signe de tête à son jumeau qui se leva alors.
— Aux grands maux, les grands remèdes, fit George avec humour en sortant sa baguette de la poche de sa robe. De toute façon, il va en être pour ses frais. M'man est partie depuis le début de l'après-midi à Poudlard pour rendre visite à McGo et elle est pas encore rentrée malgré l'heure avancée.
— Tu vas lui faire quoi ? s'inquiéta Harry en fixant la baguette tendue.
— Moi ? Rien de spécial, juste l'oublietter… pourquoi ?
Il y avait dans les yeux de George un éclat malicieux presque cruel. Selon toute vraisemblance, les jumeaux avaient l'air d'avoir une certaine expérience dans ce sort. Harry se surprit à penser à Gilderoy Lockhart qui avait été un expert du sortilège d'amnésie comme il se plaisait à s'en vanter lorsqu'il était professeur à Poudlard. Etant donné le look très particulier du dandy, Harry se doutait que le sorcier fut gay et par conséquent habitué à effacer ses traces, si ce que les jumeaux avaient révélé, s'avérait exact.
Le rouquin ouvrit la porte de la chambre et sortit tranquillement pour entamer une chasse au Ronnychou à travers le dédale de couloirs, pièces diverses et étages qui constituaient le Manoir Black.
Sirius Black, le fugitif échappé d'Azkaban puis réhabilité, avait abandonné la maison et laissé l'usufruit des lieux à Remus Lupin et Albus Dumbledore, à charge pour eux de ne pas la laisser quand même tomber en ruine. Sirius était plutôt gonflé d'exiger une telle chose, lui qui refusait d'y mettre un orteil et dont l'unique Elfe de Maison infidèle n'en fichait pas une et n'acceptait pas d'obéir à un ordre quelconque de qui que ce fut. Remus occupait la maison lorsqu'il n'avait pas de travail ni d'autre endroit pour se loger. C'était un peu son asile en cas de coup dur. Albus s'en servait comme villégiature. Une bien curieuse villégiature d'ailleurs… Enfin franchement, il n'y avait que lui pour s'enfermer volontairement et sans obligation dans ce trou à rat moisi, à la déco douteuse et envahi de doxys, goules et épouvantards. À croire que ça amusait ce vieux fou…
Les Weasley s'y trouvaient simplement parce qu'Albus le leur avait demandé. Il fallait bien que quelqu'un garde Harry et le vieil homme ne pouvait simplement pas abandonner le gamin tout seul dans cette lugubre masure puisqu'il refusait de rester plus que nécessaire chez les Dursley. De toute façon, le jeune Sauveur n'était pas majeur, donc c'était inconcevable. Le Terrier était bien trop petit pour tous les Weasley plus Hermione et Harry, donc quoi de plus judicieux que d'installer tout le monde dans la maison dont Sirius se fichait comme de sa première retenue à Poudlard. Remus pouvait économiser un loyer, et continuer à travailler les jours où il trouvait de l'embauche, sans se préoccuper de laisser son petit Gryffondor favori tout seul. Albus adorait lui, fouiner dans les pièces inoccupées afin d'y dénicher épouvantards, goules et autres squatteurs, ça lui changeait de Poudlard qui était trop propre et bien rangé. Ici au moins, il y avait de la fantaisie… et de la poussière aussi. À chaque période de vacances, le vieux brigand traînait presque de force avec lui le Maître des Potions, sous le prétexte fallacieux de lui faire prendre l'air. À d'autres ! Il faisait plus sombre dans la maison ancestrale des Black que dans le derrière d'un sombral ou les cachots de Poudlard.
Ce vieux fou avait sûrement des idées derrière la tête mais personne n'avait encore réussi à les deviner. Le Monstre des cachots s'enfermait quasiment en permanence dans l'une des vieilles salles de bain du premier étage qu'il avait transformée en labo de potions, ou alors ne quittait presque pas sa chambre ou la bibliothèque dans laquelle il s'enfermait à double tour. Le week-end, l'homme disparaissait en début de soirée dès le vendredi et ne rentrait le plus souvent que le lundi matin. Personne ne savait ce qu'il fabriquait ni où il se rendait. Ron et Ginny le suspectaient de crimes, tortures, viols et autres monstruosités innommables complètement ridicules selon les avis d'Hermione et Harry.
Le jeune Gryffondor aux yeux verts avait d'ailleurs pris l'habitude de se cacher derrière la porte entrouverte d'une pièce désaffectée pour guetter le passage du Serpentard lorsqu'il sortait de sa chambre vêtu en Moldu, moulé dans des jeans noirs et des chemises de soie de la même couleur. Harry aurait donné n'importe quoi pour savoir où Rogue se rendait, et surtout pour quoi faire.
Hermione aussi faisait partie des étranges locataires de l'ancestrale demeure des Black. Pour rester, elle avait encore bassiné ses parents qu'il ne fallait pas qu'elle s'éloigne de trop du Monde Magique pour ne pas en perdre les bénéfices et l'influence. La sale petite menteuse… Harry était à chaque fois mort de rire en se demandant de quels bénéfices elle pouvait bien parler. À part étudier, jouer au Quidditch, aux échecs version sorcier ou au Bavboules, il n'y avait pas grand-chose à faire. Molly avait quand même installé son gros poste de radio à ampoules dans la cuisine où Ginny et elle écoutaient la RITM presque toute la sainte journée. Harry ne pouvait plus supporter la voix de Celestina Moldubec et fuyait cette pièce comme la dragoncelle ou l'éclabouille si ce n'était pas l'heure d'un repas.
Le jeune sorcier regarda donc avec stupeur, George aller tranquillement oublietter Ron afin qu'il n'aille pas rapporter à un adulte quelconque l'odieuse et dérangeante conversation qu'Harry avait eu l'audace d'entamer avec lui.
— N'oublie pas, Harry, insista Fred en se levant pour quitter la pièce. Ne fais confiance à personne, ne raconte rien. Dans le Monde Magique, il vaut mieux rester dans une solitude extrême que d'être révélé au grand jour.
Harry hocha simplement la tête, ses prunelles émeraude plongées dans les billes bleues pour une fois froides de Fred Weasley. Les jumeaux avaient raison, c'était sérieux. Grave même… Et la pensée de devoir vivre une vie cachée, une vie de solitude, de crainte et de honte était inadmissible. Inenvisageable même.
Un né-moldu ne pouvait pas rester vivre dans le Monde Magique. Un sang-mêlé ayant goûté à la relative permissivité du Monde Moldu, non plus. Bien sûr, chez les Moldus, il y avait des homophobes aussi, et donc des gens qui les insultaient ou menaçaient. Mais à part quelques cas isolés faisant la une des journaux, les gays et lesbiennes ne risquaient normalement pas leur vie au quotidien, juste pour leur orientation sexuelle. Pas au Royaume de sa Très Gracieuse Majesté… du moins Harry le pensait.
Le spectre de la fuite se faisait de plus en plus précis et il prit la décision d'en parler avec Hermione le plus vite possible ainsi qu'avec Dean et Seamus à la rentrée. Le jeune balafré savait que les jumeaux le soutiendraient et lui donneraient toutes les explications dont il avait besoin. Il se sentait seul et complètement perdu. Pire, il était même à deux doigts de la panique, comme il le révéla à Hermione en sortant de sa chambre. La brunette était vautrée dans le sofa victorien du salon à la tapisserie généalogique et lisait un épais grimoire sur la métamorphose très particulière des instruments de musique chez les Papous. En bref, un truc imbuvable digne d'un cours de Binns ou de Trelawney.
Albus Dumbledore choisit alors de passer sa tête grise par l'entrebâillement de la porte du salon et avec un large sourire leur suggéra d'aller faire un tour dehors pour profiter des dernières belles heures de la journée.
— Merci, Professeur Dumbledore, mais je préfère terminer ce passionnant grimoire, fit Hermione avec un grand sourire.
Harry lui, trouva que la suggestion valait son pesant de gallions et répondit que c'était une excellente idée. D'ailleurs, il allait de ce pas prendre son coupe-vent imperméable au cas où le temps changerait. Les averses impromptues étaient communes à Londres.
— Vous venez avec moi, Professeur Dumbledore ?
— Non merci, mon petit Harry. J'ai promis à Severus de l'assister dans sa nouvelle expérience avec du sang de dragon et j'avoue que je suis très impatient de commencer. Je file donc le rejoindre. Mais peut-être que Ronald ou les jumeaux seraient partants. Miss Weasley, quant à elle, est à Poudlard avec sa mère, elles rendent visite au Professeur McGonagall. Très charmante attention, d'ailleurs. Sois sage, je te laisse !
Harry regarda une dernière fois Hermione plongée dans son affreux bouquin. Il se demanda tout à coup pourquoi personne chez les Weasley ne trouvait à redire sur l'amitié que Ron et lui entretenaient depuis la première année avec la jeune sorcière. Elle avait été acceptée comme un membre de la famille, au même titre que lui. Pourtant, le Monde Magique n'encourageait vraiment pas la promiscuité entre les deux sexes. Elle était même sévèrement réprimée… Ombrage était là pour ça !
Un Accio paresseux fit venir à lui le léger blouson. Heureusement que Remus ou Molly n'étaient pas là, parce qu'il en aurait entendu parler pendant deux heures. Harry enfila son vêtement et croisa les doigts pour ne pas tomber sur Ron en quittant la maison. Il n'avait pas envie de savoir si le sort avait fonctionné ou s'il y avait des représailles à craindre. En temps normal, il s'en serait inquiété mais là, le jeune sorcier saturait.
Il mit machinalement les mains dans ses poches et fut surpris d'y trouver un morceau de papier dans celle de droite. Il l'extirpa de sa cachette et porta son regard sur lui. Il s'agissait d'une publicité découpée dans un magazine appartenant à Dudley.
Le regard du jeune sorcier se fit vague et il replongea dans ses souvenirs pourtant pas si lointains…
Flash-back
Tante Pétunia avait exigé d'Harry qu'il fasse le ménage à fond dans le salon/salle à manger du numéro 4, Privet Drive, pendant qu'elle étalerait ses os desséchés dans un transat afin de faire bronzer la mince couche de peau fanée tendue sur eux. Depuis qu'il était rentré de Poudlard, le malheureux garçon avait encore une fois joué à l'Elfe de Maison. S'il n'y avait eu que le ménage, la cuisine, le repassage, lessive, jardinage et autres corvées, il aurait pu le supporter. Mais il y avait Vernon… et surtout Dudley… cet abruti de Dudley et son gang. Oisifs… méchants… les poches bourrées de livres sterling… ce qui leur donnait un libre accès à l'alcool, au tabac et à la drogue. Une fois sous l'emprise de substances illégales ou fortement déconseillées, ces mécréants n'avaient qu'un seul but : mettre la main sur Harry Potter, coller une dérouillée royale à ce nabot binoclard, ensuite le jeter tout nu dans le bassin à jets d'eau de la Mairie et s'enfuir avec ses loques. Selon Dudley, ça serait trop génial que l'anormal soit arrêté pour outrage à la pudeur et réexpédié à Saint-Brutus, d'où – toujours selon Big D – il n'aurait jamais dû sortir…
Mais heureusement pour Harry, les corvées imposées par Vernon et Pétunia ne lui permettaient pas de quitter la maison pour se promener et ainsi devenir une cible pour leur sale rejeton. Tandis que Dudley rongeait son frein dehors, Harry lui, passait l'aspirateur, le chiffon à poussière et maniait la raclette à vitres avec dextérité. En rangeant les magazines abandonnés n'importe comment sur le canapé gris en alcantara, le lourd tapis oriental très cher et la table de salon chinoise très chère aussi selon l'Oncle Vernon, Harry avait découvert un exemplaire du nouveau magazine à la mode chez les adolescents mâles. On voyait de la publicité partout pour ce canard… placards chez le marchand de journaux et spots à la télévision. Il s'agissait de « Jeune et Viril » incontournable publication dans laquelle on pouvait trouver des articles sur le sport, des conseils pour draguer les filles ou soigner son acné, des interviews de chanteurs à la mode ou d'acteurs connus, ainsi que des pubs pour des concerts ou autres lieux de plaisir et de rendez-vous. Le jeune sorcier s'assit donc un instant sur le tapis, un léger sourire aux lèvres en découvrant la page consacrée à un bodybuilder huilé et presque nu, qui ne le laissa pas du tout indifférent et envoya quelques litres de sang irriguer la partie sud de son hémisphère.
C'était là, en plein milieu des pages publicitaires qu'Harry découvrit l'endroit le plus intrigant jamais présenté à sa connaissance. Le Flamant Rose était un bar de nuit situé dans le même quartier de Londres que le Square Grimmaurd où il avait passé la moitié des vacances de Pâques sous la surveillance paisible de Remus Lupin. Le lieu était intéressant mais surtout, il avait un petit plus… il était destiné à la population gay de Londres. Et pour Harry, ce bar devenait attirant et auréolé de mystère. Il aurait donné n'importe quoi pour savoir ce qu'on pouvait bien fabriquer là dedans. Il n'avait d'ailleurs aucune idée de ce qu'il se passait dans les bars de nuit pour les autres, les hétéros. La photo montrait un comptoir avec des tabourets et puis aussi des jeux de lumière et une piste de danse. Harry n'était jamais allé dans une boite de nuit et ne savait pas si c'était la même chose. Peu lui importait d'ailleurs…
Il jeta un regard inquiet à droite et à gauche, devant lui et même par la fenêtre pour faire bonne mesure et entreprit de découper proprement la page du magazine de façon à ce que cet abruti patenté de Dudley ne se rende pas trop vite compte du crime.
Un large sourire aux lèvres, Harry plia soigneusement la page volée et la glissa dans la poche de son jean trop grand, juste à côté de sa baguette magique. Encore trois jours de corvées et Dumbledore viendrait le chercher pour le conduire au Square Grimmaurd… ou peut-être que ça serait Severus Rogue ? Le bâtard des cachots s'habillait super bien en Moldu. Harry se souvenait encore des vacances de Pâques où il l'avait aperçu quittant le Square vêtu d'un pantalon de cuir noir moulant. Ce vêtement, totalement indécent – selon Molly Weasley qui l'avait vu aussi – avait dévoilé des rondeurs que le Gryffie n'aurait jamais soupçonnées et qui depuis alimentaient ses rêves érotiques et fantasmes les plus torrides.
Fin du Flash-back
En découvrant la page publicitaire qu'il avait précédemment oubliée après l'avoir cachée dans son coupe-vent, Harry en eut le cœur battant d'excitation. Il était à Londres ! Dans le même quartier que ce fameux bar si mystérieux… et le plus beau : dans quatre jours il allait avoir enfin dix-sept ans. Il serait majeur et pourrait faire de la magie à volonté sans que personne ne le reprenne ou ne lui gâche la journée pour un misérable petit Accio de rien du tout ! Un rictus sournois orna alors le visage du jeune homme à la cicatrice. Il allait pouvoir faire comme Fred et George… des faux papiers moldus qui le vieilliraient et le feraient devenir majeur dans leur monde aussi. Et ainsi, il pourrait enfin sortir le soir sans devoir rendre de compte à ce tyran en jupon de Molly Weasley. Et à lui les délices du Flamant Rose !
Le sourire toujours aux lèvres, Harry sortit du 12, Square Grimmaurd et s'immobilisa sur les marches de pierre menant dans la rue. Au centre de la petite place entourée d'immeubles se trouvait le misérable et tristounet jardin public qui donnait son nom pompeux de square à l'endroit. Le jardin était en friche, abandonné ou oublié par la municipalité londonienne moldue. L'herbe trop haute était jaune, les plates-bandes envahies de mauvaises herbes et les grilles de fer forgé entourant le lieu, complètement rouillées et couvertes de lierre et de ronces.
C'était là, la cachette préférée des jumeaux Weasley.
Le mois de juillet étant relativement calme pour leur commerce de farces et attrapes, les jumeaux prenaient leurs aises et n'ouvraient pas leur magasin du Chemin de Traverse avant 15 heures, voire 16 certains jours où il n'y avait pas un chat. Ils en profitaient pour squatter le numéro 12 et se mettre les pieds sous la table tous les midis et soirs. Au Square Grimmaurd, il y avait aussi Remus, qui ne manquait jamais de bonnes idées de coups fumants, pour la plupart des souvenirs d'anciens mauvais coups exécutés par James Potter et Sirius Black en leur temps. Il y avait aussi Severus Rogue, le génie absolu qui arrivait à savoir pourquoi une potion était instable ou ne marchait pas, rien qu'en la reniflant ou en la regardant à travers la fiole, ce qui était absolument écœurant…
L'homme gagnait à être connu. Pour Fred et George, en tout cas.
Et puis, il y avait Harry Potter, que les deux fléaux avaient pris sous leurs ailes et qui leur avait donné en cachette un coup de pouce sous forme de gallions afin qu'ils ouvrent leur magasin. Les jumeaux devaient énormément à Harry et sachant qu'il allait au devant d'ennuis sévères si son orientation était révélée, ils avaient pris la décision de l'aider et de le protéger autant qu'ils pourraient.
Harry traversa la rue et poussa le portillon de fer rouillé qui grinça. Des insectes inconnus faisaient un boucan d'enfer dans les fourrés desséchés. Les allées sablées autrefois bien délimitées et désherbées étaient à présent envahies par l'herbe et on en devinait à peine le tracé. Au fond du square deux bancs à la peinture écaillée et au bois à demi-pourri résistaient encore. L'un penchait pourtant dramatiquement, tandis que l'autre, aidé par la magie, supportait le poids des jumeaux qui étaient avachis dessus, des cigarettes moldues à la main. Près de Fred, posé sur une latte de bois vermoulu, Harry vit un paquet rouge de Dunhill et un briquet jetable jaune.
— Je me disais bien que vous n'étiez pas encore rentrés chez vous, fit Harry tranquillement en s'installant près de George qui se décala un peu pour lui faire de la place.
Fred sortit sans un mot une cigarette de son paquet, l'alluma, en tira une bouffée et se pencha pour la tendre à Harry qui la saisit aussitôt.
— Merci Fred. Faut que je vous file un peu d'or pour m'en acheter. Et un briquet aussi… Je peux décemment pas allumer une clope avec ma baguette devant un Moldu.
— C'est clair… pouffa le susnommé. Ça la foutrait mal… Voir une brigade d'oubliators se pointer juste pour une clope allumée, ça serait pas triste.
— Les mecs, j'ai une question, annonça le brun brutalement. J'aurais voulu savoir pourquoi vos parents tolèrent aussi bien la présence d'Hermione dans la maison de Sirius, ou même au Terrier quand on y allait tous pour les vacances, les autres années. C'est vrai, à Poudlard, l'amitié entre filles et garçons n'est pas encouragée. C'est même le contraire, grâce aux efforts de cette salope d'Ombrage. Alors je suis étonné, c'est tout. Hermione est notre amie, à Ron et moi et c'est accepté sans souci. Vous avez une idée du pourquoi du comment ?
— On est plutôt étonnés que t'aies pas pigé tout seul, Ryry… ricana George.
Harry les regarda chacun leur tour sans rien dire, tout en continuant à fumer sa cigarette. Il avait un petit soupçon mais n'était sûr de rien.
— T'es sûr que t'as pas une idée ? insista Fred.
— Crachez le morceau, j'ai pas envie de jouer aux devinettes. Fais trop chaud…
— Ça va craquer, c'est orageux, fit George en levant les yeux pour scruter le ciel bleu qui commençait à se couvrir un peu.
Puis il poursuivit sur le même ton badin.
— Nos parents espèrent la demander en mariage pour Ron dès la fin de vos études. P'pa raffole des Moldus, et il aime bien Hermione. Pour lui, la voir entrer dans la famille serait une grande joie et aussi un honneur. Il sait bien que les Moldus ne font pas comme nous… que ce sont les mariages d'amour, la règle. En gardant le plus possible Hermione près d'eux et donc de Ron, ils espèrent qu'elle aimera suffisamment ce petit crétin l'an prochain pour accepter de l'épouser.
Harry poussa un soupir et jeta son mégot sur le sable. Il s'acharna quelques secondes à écraser le filtre encore fumant, de la pointe de sa converse rouge.
— C'est ce que je craignais un peu. L'idée commençait à m'effleurer depuis quelques jours. Mais Hermione ne marchera pas, je vous le dis tout de suite. Elle pense quitter également le Monde Magique dès la fin de notre 7ème année, tout comme moi, Dean et Seamus. Ron n'a aucune chance. Aucune. Il pense peut-être qu'on ne se rend pas compte qu'il nous tire par le bas ? Il ne pense qu'à s'amuser, jouer au Quidditch, dormir en cours et bouffer. Il fait ses devoirs au dernier moment systématiquement et tente toujours de me convaincre d'attendre aussi le dernier moment pour faire les miens. Je ne suis pas dupe. Ah si, j'oubliais, il est un fervent partisan de la Brigade Inquisitoriale gardienne des mœurs de Poudlard, créée par cette salope d'Ombrage et dirigée par une autre petite enflure. J'ai nommé cette fouine de Drago Malefoy. Je hais ce type, viscéralement.
Les jumeaux éclatèrent de rire en entendant Harry cracher sa haine du blondinet. Après avoir encore une fois consulté sa montre – il était presque 21h et Molly n'était toujours pas là – George alluma une nouvelle cigarette et entreprit de raconter au jeune sorcier balafré la scène de la chasse au Ronnychou ainsi que son « oubliettage » dans les règles.
Harry resta dans le square jusqu'au départ des jumeaux une demi-heure plus tard. Les deux rouquins avaient décidé d'aller dîner dans le Londres moldu puisqu'ils étaient affamés et n'avaient plus envie d'attendre. Lui, resta profiter des derniers rayons déclinants du soleil, les yeux fermés et allongé de tout son long sur le banc, une cigarette à la bouche…
L'anniversaire d'Harry avait eu lieu deux jours auparavant. Il avait reçu les cadeaux habituels, livres d'Hermione, Luna et Neville, Chocogrenouilles et places de Quidditch de Ron, carte d'anniversaire faite main, niaise et stupide de Ginny – à croire qu'elle avait des vues secrètes sur lui –, boite de bonbons au citron de la part d'Albus, petit stock de gadgets et farces des jumeaux, un nouvel album photo garni de vieux clichés des maraudeurs de Sirius et Remus et rien de Severus Rogue comme il fallait s'y attendre. Molly avait remis à Harry une montre en or qui avait autrefois appartenu à l'un de ses deux frères jumeaux décédés, Fabian Prewett. Même si le bijou était passablement vieux et cabossé, c'était un objet de valeur avec une forte charge sentimentale et Harry en avait été surpris et très ému. Evidemment, Ron avait encore une fois montré sa jalousie et quelque peu gâché la petite fête. Sa mine pincée et ses yeux glacés n'avaient pas échappé au jeune Sauveur ni à Hermione d'ailleurs. Un coup d'œil vers les jumeaux avait également indiqué à Harry qu'ils n'avaient pas eu les yeux dans la poche à ce moment-là. Ronnychou allait encore payer ses fantaisies…
On était à présent vendredi et l'heure de l'habituelle et mystérieuse sortie de Severus Rogue approchait. Harry avait surveillé discrètement le Maître des Potions une bonne partie de l'après-midi. Il se savait seul… Ron et Ginny étaient à un match de Quidditch opposant les Canons de Chudley aux Crécelles de Kenmare. Les jumeaux étaient à la boutique, Molly enfermée dans la cuisine et Remus suivait avec attention le moindre geste d'Arthur qui dans le maigre jardinet à l'arrière de la maison, tentait de restaurer la vieille moto de Sirius pour lui faire une surprise à sa prochaine visite. Hermione était à Poudlard où elle avait un entretien avec Minerva McGonagall sur un sujet totalement inconnu du jeune sorcier.
La voie était libre pour Harry qui pouvait ainsi jouer à son petit jeu favori : admirer et espionner le Monstre des cachots. Il le vit ainsi sortir de la salle de bain, enroulé dans un peignoir blanc lumineux, les cheveux mouillés et se précipiter dans sa chambre d'où il ne sortit qu'un peu plus d'une heure après. Harry faisait toujours le pied de grue derrière la porte entrouverte de l'ancienne chambre d'Orion Black que personne n'occupait et qui se trouvait au même étage que celle du tyran de Poudlard. Ankylosé et frustré par l'attente, des fourmis dans les jambes, Harry vit enfin Severus Rogue sortir. Il n'avait pas sa longue cape ni ses robes habituelles, mais le fameux pantalon de cuir qui le faisait fantasmer, un tee-shirt moulant sans manches noir et des bottes ressemblant à celles d'un motard. Lorsqu'il passa près de sa cachette, le Gryffon extasié vit les longs cheveux noirs propres qui voletaient gracieusement et perçut même, ô bonheur suprême, l'odeur du parfum ambré de l'homme.
Harry ne put s'empêcher de gémir en fermant les yeux. Ce mec le rendait fou ! C'était décidé, il était officiellement et irrémédiablement amoureux de la Chauve-souris des cachots ! Qu'on se le dise ! Ou pas… discrétion oblige !
Lorsque les battements anarchiques de son cœur se furent un peu calmés, Harry tenta de se convaincre que ce magnifique spécimen de la gent masculine magique n'était pas pour lui. De toute façon, il ne savait pas si l'homme était gay et d'ailleurs il n'était absolument pas question d'essayer de le savoir, puisque personne n'était au courant lorsque c'était véritablement le cas. Non, il ne fallait pas tenter de trouver un compagnon ou un petit-ami dans le Monde Magique, les jumeaux avaient été très clairs, le risque était bien trop élevé.
Harry devait oublier la Terreur des cachots. Cette attirance, qu'il hésitait quand même un peu à nommer ouvertement amour, était mal placée et la mort dans l'âme, le jeune sorcier récemment majeur choisit de distraire ses tourments en prenant la décision d'aller enfin visiter cet endroit que le hasard avait mis sur sa route : le Flamant Rose.
Les jumeaux avaient insisté : il n'y avait rien de ce style dans le Monde Magique. Les boites de nuit n'existaient pas, les endroits du genre des Thés Dansants que Pétunia adorait, non plus. Aucun lieu de débauche du style bordels ou maisons closes non plus et la prostitution avait été éradiquée à la manière forte deux cent ans auparavant. La seule chose qu'un sorcier pouvait faire c'était se saouler. Et les endroits pour y arriver n'étaient pas légion non plus. Trois bars se partageaient la clientèle des imbibés professionnels : Le Chaudron Baveur, Les Trois Balais et La Tête de Sanglier. Il y en avait d'autres dans l'Allée des Embrumes, mais les honnêtes gens n'étaient pas censés en avoir connaissance. Même les jumeaux n'avaient pas osé pousser leurs investigations aussi loin.
Le Monde Moldu, qu'ils avaient dit. Et seulement ça.
Bien. Alors le Monde Moldu allait avoir la clientèle du sorcier récemment majeur nommé Harry James Potter ! Et le Monde Moldu n'avait qu'à bien se tenir !
Avec un petit pincement au cœur à la pensée du Maître des Potions dont il n'aurait jamais les faveurs ni l'intérêt, Harry sortit de sa cachette et referma silencieusement la porte de la chambre d'Orion derrière lui. À pas feutrés, il se dirigea vers l'étage supérieur où se trouvait la petite pièce qu'il partageait avec Ron. Le rouquin lui faisait la tête, mais pas pour la conversation qu'ils avaient eue et que George avait bel et bien effacée de sa mémoire. Non, c'était pour une raison encore plus mesquine. Ron était mort de jalousie depuis la fête d'anniversaire d'Harry. Il avait fait une scène pitoyable à ses parents, surtout à sa mère, pour la montre de l'Oncle Fabian qu'elle avait offerte à Harry et qui – selon Ron – aurait dû lui revenir, plutôt que l'antiquité qui retardait sans cesse, héritée de l'arrière-grand-père Weasley. Molly avait donc révélé à Ron qu'elle n'avait agi ainsi que dans un seul but : mettre Harry dans de bonnes dispositions afin d'obtenir un contrat de mariage avec Ginny.
Ron avait approuvé la manœuvre, tout comme il avait approuvé l'union que ses parents lui avaient avoué envisager pour lui avec Hermione Granger. Ils avaient échoué pour celles de Bill et Charlie mais ne désespéraient pas réussir celles-là. Avoir le Garçon-Qui-Avait-Survécu comme gendre aurait redoré le prestige de leur famille et permis de caser leurs ainés plus facilement. C'est que marier avantageusement six garçons et une fille quand on était aussi fauchés, ça relevait du tour de force.
Bien dressé, Ron n'avait rien révélé de ces projets. Il rongeait donc son frein et cachait pour l'heure son ressentiment pour le bien de toute la famille…
Le pauvre Harry était lui à mille lieues de se douter de ces manigances, sauf pour le cas Hermione/Ron révélé par les jumeaux. Visiblement, Gred et Forge n'avaient pas assez espionné leurs parents car ils ne savaient rien de leurs projets à l'endroit d'Harry.
Le petit brun ouvrit la porte doucement et passa la tête dans l'entrebâillement. Personne ! La voie était libre !
Il ne savait pas où Ron se trouvait mais il espérait qu'il y reste le plus longtemps possible. Le match de Quidditch devait être fini, à moins que personne n'ait attrapé le vif ce qui paraissait douteux. Après tout, les Canon de Chudley jouaient… et comme ils se faisaient écraser habituellement en quelques minutes, il ne fallait pas compter sur un de leurs matchs pour passer des heures dans un stade.
Harry se précipita vers sa malle, l'ouvrit et fourragea à l'intérieur sans se préoccuper d'y mettre un bazar pas possible. Il en sortit quelques vêtements qui lui arrachèrent un sourire et referma ensuite le bagage en grimaçant devant la dévastation. Harry se surprit à regretter l'absence de ce curieux petit Elfe de Maison qui faisait partie de l'équipe de ménage de la Tour de Gryffondor. C'était le seul Elfe libre de Poudlard et il était pour cela mis un peu à l'écart par ses congénères. D'après ce que le petit être gris lui avait raconté, il avait été libéré par ses anciens maîtres – les Malefoy, pour ne pas les nommer – pour cause d'incompétence. Harry, qui avait eu souvent l'occasion d'examiner le travail de l'Elfe, ne le trouvait pas incompétent du tout. Dobby se mettait en quatre pour lui faire plaisir car il semblait avoir développé une affection particulière pour lui. L'Elfe sans maître, ce qui était fort mal vu dans la société elfique, avait trouvé de l'embauche à Poudlard grâce à la générosité du Professeur Dumbledore.
En pensant à Kreattur, terré dans la chaufferie et qui refusait le moindre contact avec les occupants de la demeure, Harry en vint à souhaiter la mort du vieil Elfe acariâtre de Sirius. Son parrain lui avait bien dit que Kreattur l'avait toujours détesté et qu'il n'avait aimé que sa maîtresse Walburga et son cadet Regulus, de toute sa vie. Pas étonnant que l'Elfe se refuse à obéir à un maître qu'il haïssait et au demeurant toujours absent.
Le jeune Gryffondor se promit alors que le jour où il aurait une maison ou un appartement à lui, il engagerait Dobby pour le servir. Sans nul doute, le petit Elfe en serait ravi.
Son paquet de vêtements à la main, Harry quitta sa chambre pour se rendre dans la salle de bain de l'étage. Le couloir au vieux tapis marron usé jusqu'à la corde étouffa ses pas et personne ne se montra le temps qu'il entre dans la salle d'eau. Il était censé n'y avoir qu'Albus Dumbledore et lui dans la maison, sans compter Molly enfermée dans sa cuisine. Harry savait qu'Albus faisait la sieste, du moins il le pensait, car il ne l'avait pas revu depuis qu'il était entré dans sa suite – celle des invités des Black – aux prémices de l'après-midi. On était en début de soirée, mais le jeune sorcier ne se posa pas plus de questions.
Avec un plaisir inavoué à la pensée du « mauvais coup » qu'il était en train de mijoter, le petit Sauveur du Monde Magique se déshabilla d'un Devestio et se précipita sous le jet bien chaud de la douche. Quinze minutes plus tard, Harry, rasé de frais, parfumé et propre comme un Gallion neuf, quitta les lieux vêtu de façon moldue. Il portait un jean noir et une chemise de coton vert émeraude largement ouverte sur son torse menu. À sa grande fierté, l'encolure dévoilait une petite touffe de poils noirs qu'il avait eu le plaisir récent de voir apparaître.
Le jeune sorcier attrapa sa baguette qu'il avait négligemment abandonnée sur son couvre-lit gris et se saisit du portefeuille en cuir de dragon noir des Hébrides que Charlie lui avait offert l'année passée pour Noël. Dedans, il y avait une carte d'identité Moldue aimablement fabriquée – et donc archi-fausse – par les jumeaux. Cette carte annonçait qu'Harry avait dépassé les dix-huit ans. En cas de contrôle, il était tranquille, ces papiers étaient à toute épreuve.
Fred et George avaient encore une fois été mis à contribution et avaient été échanger des Gallions contre des Livres Sterling à la Banque Gringotts, pour Harry. La liasse de billets déformait une vieille enveloppe dans la malle aux armes de Poudlard. Le petit paquet, au demeurant très discret, avait été glissé dans la doublure de toile rayée qui garnissait le bagage à roulettes. Le Gryffon en goguette sortit quelques billets de leur cachette et les rangea soigneusement dans son beau portefeuille tout neuf et encore jamais utilisé. Maintenant, il allait falloir sortir de la maison sans se faire remarquer par le tyran en jupon qui squattait la cuisine. Molly Weasley avait les oreilles plus affutées que le portrait de Walburga Black et au moindre bruit, elle allait fondre sur le fugueur en puissance comme un hippogriffe sur un rat crevé.
Mais Harry avait plus d'un tour dans son sac. Il n'était pas le fils et le filleul de deux ou trois – ne pas oublier Remus – Maraudeurs pour rien. De plus, il avait toute la logistique des jumeaux derrière lui et sa fameuse cape d'invisibilité. Si Molly arrivait à lui mettre la main dessus avant qu'il n'ait pu franchir le seuil de la demeure, il voulait bien déclarer à genoux sa flamme éternelle à Dolorès Ombrage… voire à Rusard. Non… Pas Rusard. Il ne fallait quand même pas pousser, Ombrage… c'était le summum de ce qu'il pouvait supporter.
Enroulé dans la cape magique des Peverell, baguette à la main, portefeuille garni en poche, encart publicitaire avec l'adresse du Flamant Rose dans l'autre poche, Harry longea les murs, marcha sur la pointe des pieds, descendit chaque escalier en prenant garde aux marches grinçantes. D'ailleurs celui du rez-de-chaussée menant au premier étage était en plus mauvais état et les marches plus bruyantes, forcément, vu qu'il servait beaucoup plus. Le brun aux yeux verts avait oublié ce détail et il se morigéna mentalement de ne pas avoir songé à jeter un sort de silence sur ses chaussures et d'une, et sur les marches de l'autre. C'était trop tard, il ne savait pas le lancer de façon informulée et il aurait quand même été dommage de se faire griller en jetant un sort de silence.
Merlin avait décidé, dans sa grande mansuétude, de visiter le Square Grimmaurd ce vendredi soir… Par conséquent, Harry parvint sans encombre jusque devant la porte de la maison. Il n'en revenait pas lui-même ! Le portrait n'avait rien vu, ni entendu, Molly non plus… Pas de Ron ou de Ginny dans les couloirs… Hermione aux abonnés absents… C'était le pied ! Il fallait que cette soirée se poursuive sous les meilleurs auspices.
Toujours caché sous sa cape, Harry quitta le 12, Square Grimmaurd. Il traversa la rue et alla se réfugier provisoirement dans le jardin public abandonné. Assis sur le banc favori des jumeaux, sa cape soigneusement et magiquement pliée glissée au fond d'une poche, le jeune sorcier étudiait le petit plan très succin qui était imprimé sur la page publicitaire volée à Dudley.
Le Flamant Rose se trouvait sur Caledonian Road. Ce n'était pas très loin de la Maison Ancestrale des Black. Il suffisait à Harry de remonter Muriel Street, de s'engager dans Copenhagen Street, de la longer jusqu'à l'intersection avec Caledonian Road jusqu'au numéro 278 bis. Le jeune homme estima, au vu de sa connaissance du quartier, qu'il en aurait pour un petit quart d'heure de trajet en marchant bien. Le retour pourrait se faire en transplanant depuis un endroit discret. Une fois le chemin repéré, Harry rangea sa publicité dans sa poche. Il ne voulait pas avoir l'air d'un idiot, le nez en l'air à chercher un numéro sur les façades, ça faisait trop touriste.
Il n'y avait pas beaucoup de monde dans les rues résidentielles. Les gens se pressaient de préférence dans les restaurants, pubs et autres commerces. Harry regarda les tenanciers fermer leurs magasins les uns après les autres. Il consulta sa montre à gousset qui était bien cachée au fond de la poche de son jean et constata qu'il était plus de vingt heures. Il ne pleuvait pas, le ciel était encore bien bleu et la température très agréable.
Et puis, le Gryffondor le vit enfin. Dans une longue rue aux immeubles bas de briques rouges, aux toits plats et fenêtres blanches, se trouvait une quantité incroyable de restaurants, de bars, de fast-foods et autres endroits attirant les noctambules. Les terrasses des cafés étaient remplies de clients et une certaine agitation régnait, assez étonnante vue l'heure. Mais après tout, c'étaient les vacances d'été, les gares de King's Cross et St Pancras étaient toutes proches et le quartier regorgeait d'hôtels pour visiteurs et touristes. Le Flamant Rose avec sa façade noire et fuchsia détonnait légèrement dans le paysage. Les vitrines étaient des miroirs sans tain où les passants se miraient sans se rendre compte qu'à l'intérieur de l'établissement on les voyait grimacer. Un flamant rose en néon servait d'enseigne sur le côté de la porte d'entrée. Deux grosses plantes en pot visiblement artificielles trônaient de chaque côté de cette issue.
Un peu intimidé, Harry frotta ses mains moites sur son jean et respira un grand coup. Il n'était soudain plus si assuré. Avait-il raison de vouloir entrer dans ce lieu ? Les jumeaux lui auraient dit que oui Remus, Ron, Molly et Ginny, très certainement non… Hermione aurait souri, cherché dans les archives de la ville le pedigree de l'établissement et ses plans détaillés, avant de donner son avis. Harry n'osa pas imaginer ce qu'aurait pu être celui de Dumbledore. Avec lui, on ne savait jamais à quoi s'attendre…
Le Gryffondor poussa courageusement la porte et entra.
