Bêta : Mokonalex
Assistante/Elfe de Maison/Infirmière : Mirabelle31
Bonne lecture à tous
La musique assaillit alors les oreilles d'Harry. La pièce était plongée dans une sorte de pénombre artificielle due au revêtement particulier des vitres donnant sur la rue. Il n'y avait pas encore beaucoup de monde, mais c'était plutôt normal, il n'était que 20h30. Harry s'approcha du comptoir de placage noir sur lequel un autre flamant rose lumineux se faisait tout sauf discret. Un barman bâti comme une armoire à glace officiait derrière le bar. Un torchon à la main, il astiquait des verres. L'homme lui fit un sourire avenant. Il avait le crâne rasé et une petite barbichette blonde. Sa chemise blanche était impeccable et fraîchement repassée.
— Bonsoir ! C'est la première fois que tu viens, p'tit ?
Harry se contenta de hocher la tête en rougissant. Il jeta des petits coups d'œil furtifs autour de lui, craignant de se faire remarquer pour une mauvaise raison.
— Tu es majeur ? Je peux voir une pièce d'identité ? insista le barman qui semblait être le maître des lieux. Tu comprends, ce n'est pas un bar comme les autres ici…
— Oui, je… j'ai des papiers… et je sais où je suis. Ce n'est pas un accident.
Harry tendit à l'homme la carte d'identité qu'il venait d'extraire de son portefeuille. Il savait que celle-ci était légèrement ensorcelée d'un petit Confondus. Il était destiné aux forces de l'ordre pour le cas où elles auraient voulu examiner la carte plastifiée d'un peu trop près. Instinctivement, le jeune sorcier se tendit et retint son souffle. C'était la première fois qu'il tentait de berner ainsi un Moldu. Mais l'homme se contenta de hocher la tête et de lui rendre son bien avec un grand sourire.
— Bienvenue, Harry. Et joyeux anniversaire, un peu en retard !
Le susnommé prit alors une couleur écarlate qui n'aurait pas été reniée par Godric Gryffondor. Il ne s'était pas attendu à ce que le barman lise attentivement toutes les informations. Les renseignements donnés étaient exacts à une nuance près : Harry n'était pas né en 1979…
— Mer… merci… répondit Harry, gêné.
— Tu veux boire quelque chose ? Je te l'offre pour fêter tes dix-huit ans.
Le jeune sorcier ne put s'empêcher de sourire au barman. Celui-ci savait visiblement accueillir ses clients, leur faire plaisir et certainement les fidéliser ensuite.
L'endroit était chaleureux. Il y avait de nombreuses plantes un peu partout, des petites tables de hauteurs différentes, des chaises hautes comme des fauteuils très bas d'où l'on devait avoir du mal à s'extirper. Chaque table était garnie d'un photophore à la bougie rose vif. Les murs étaient moquettés de noir et rose et intercalés entre les panneaux colorés, il y avait des miroirs sérigraphiés. La lueur des bougies roses se reflétait dans les glaces et comme il n'y avait quasiment pas d'autre éclairage, l'ambiance était très particulière et feutrée.
— Je ne sais pas, je ne connais pas les boissons… c'est la première fois que je viens dans un bar comme ça…
— Va t'installer à une table au fond de la salle, là où il y a la piste de danse. Je vais t'apporter quelque chose. Il n'y a pas encore de monde, c'est trop tôt. Mais plus tard, tu verras, il y aura plein de danseurs. Je te promets que tu vas bien t'amuser et passer une excellente soirée.
L'homme lui fit un petit clin d'œil amusé, ce qui surprit un peu Harry malgré tout et le petit sorcier à la cicatrice se faufila entre les tables jusqu'à l'endroit désigné par le patron. Là, la musique était bien plus forte. Ce n'était pourtant pas de la musique qualifiée de sauvage par la Tante Pétunia, mais quelque chose qui ressemblait au bon vieux disco des années 80. Harry n'était pas vraiment un spécialiste.
Il choisit une table haute et s'installa sur l'un des tabourets de bar qui l'accompagnaient. Une sorte de menu plastifié et un cendrier trônaient au milieu de la table. Cette vue lui rappela alors ce qu'il avait dans la poche magiquement agrandie de son jean et même rendue sans fond par un sortilège dont Hermione était particulièrement friande. Elle en mettait ainsi sur tous les sacs et quasiment toutes les poches. Et il fallait reconnaitre que c'était fort utile et permettait déjà de dissimuler sa baguette magique dans la simple poche plaquée d'un jean. Harry glissa sa main dans ladite poche en se relevant un peu et en sortit un paquet rouge de Dunhill identique à celui que Fred avait avec lui au Square et un briquet blanc avec Big Ben dessus.
Un léger sourire de bien-être aux lèvres, Harry s'adossa contre le mur moquetté qui se trouvait derrière son tabouret haut. Il ouvrit lentement son paquet de cigarettes et avec des gestes précis trahissant une certaine habitude, il en alluma une et la porta à ses lèvres. Son regard balaya la petite salle sombre et se posa sur les jeux de lumière qui virevoltaient au son de la musique. Le sol était pavé de curieuses plaques de couleurs éclairées de l'intérieur et qui clignotaient également en rythme avec la musique. Tout ceci plaisait énormément au jeune sorcier qui sans le vouloir arborait un sourire détendu.
Quelques tables étaient occupées. Il y avait des couples, d'hommes bien entendu, et aussi des gens seuls. Pour l'instant, aucun danseur ne s'était encore risqué sur la piste. La timidité naturelle du garçon l'empêchait de se laisser tenter par l'expérience. Peut-être, lorsqu'il y aurait du monde, ce serait plus facile.
Le barman s'approcha de la table, un plateau rond à la main. Dessus, il y avait un joli verre à pied dont le ventre galbé en forme de tulipe avait une adorable couleur bleue mers du sud qu'Harry n'avaient encore jamais vue. Une boisson bleue ? Mais qu'est-ce que c'était donc ?
— Tiens… c'est un Blue Hawaiian, commença le barman, puis voyons l'air d'incompréhension d'Harry, il poursuivit son explication. C'est du rhum, du curaçao, du jus d'ananas et du lait de coco. Le tout sur de la glace pilée, avec une cerise et un morceau d'ananas. Ça te plaît ?
Harry hocha vigoureusement la tête en remerciant d'une petite voix timide. Une paille rose vif sortait du verre, attendant qu'on vienne la suçoter.
— Tu as mangé ? s'inquiéta le barman. Il ne faut pas que tu boives ça le ventre vide.
Le brun aux yeux verts secoua la tête avec un air contrit. Il avait été si excité par l'idée de cette sortie secrète qu'il n'avait même pas pensé à descendre à la cuisine pour le thé. Il fallait dire à sa décharge que Molly Weasley ne l'avait pas appelé. Ni personne d'autre. Peut-être étaient-ils tous dehors à 17h. En tout cas, Harry n'avait rien avalé depuis le déjeuner.
Le barman lui demanda t'attendre avant d'entamer son verre, il allait lui apporter un « grilled cheese [1]». Harry n'avait jamais goûté ce plat que Tante Pétunia servait pourtant régulièrement à son cochonnet à perruque. L'odeur avait souvent fait saliver le petit Harry enfermé dans son placard le ventre creux. Ravi de découvrir enfin ce met, il entreprit de l'attendre avec une impatience grandissante.
Tout au fond du Flamant Rose, non loin de la cabine du disc-jockey, il y avait une petite alcôve bien sombre. Le photophore n'était pas allumé et c'était bien le seul. Une volute de fumée grise et légère était la seule indication que cette place était occupée. La table rose était basse et derrière elle il y avait un petit sofa deux places noir en demi-lune. Le reflet des jeux de lumière dévoilait régulièrement la présence d'un verre à cocktail qui montait jusqu'aux lèvres de l'occupant discret de cette table. Lorsqu'Harry était entré dans le bar, l'homme l'avait aperçu rapidement. Il en était resté figé de stupeur. Que faisait donc Potter dans ce lieu inattendu et surtout… seul ?
L'envie de fuir les lieux lui vint aussitôt, mais il se ravisa. Cet endroit était son lieu favori dans le Londres moldu et il n'était pas question qu'il cède la place. Sa curiosité naturelle l'emporta et il se mit à surveiller avec beaucoup d'attention le nouveau venu. Harry Potter, ce petit foutriquet fréquentait un bar gay ? Le sale gamin savait-il où il avait mis les pieds ?
L'homme regarda Rick, le patron, apporter à Potter un cocktail bleu qu'il reconnut aussitôt en bon habitué. De l'alcool ! Ce petit mécréant ne perdait rien pour attendre. Dès son retour au Square Grimmaurd, il irait tout rapporter à Albus Dumbledore ! Le barman fit le tour des tables afin de s'enquérir des besoins de sa clientèle installée confortablement. Lorsqu'il arriva devant l'alcôve, il fit un sourire à son occupant.
— Tout va bien, Severus ? Tu veux un autre verre ?
— Pas pour le moment. Mais dis-moi, tu as un petit nouveau ? fit le Maître des Potions d'un ton badin.
— C'est la première fois qu'il vient. Il m'a l'air timide comme tout, ce môme. Il s'appelle Harry et vient de fêter ses dix-huit ans.
°Dix-huit ans, hein ? Petit menteur ! Comment vous êtes-vous procuré de faux papiers, Monsieur Potter ? Je crois que nous aurons bientôt une petite discussion. Pas question que vous débarquiez sur mon territoire. Vous allez goûter à mon Sort d'Amnésie sans tarder et oublier où vous avez mis les pieds. °
Le Serpentard pensa alors aux jumeaux Weasley et se douta bien qui étaient les fournisseurs des documents falsifiés. Quant à l'adresse, il se demanda d'où le sale gosse la tenait. Rick fit un clin d'œil à son vieux et fidèle client. Severus, dont il ne connaissait que le curieux prénom, était un habitué et ceci depuis de très nombreuses années. L'homme était très discret et peu loquace. Il venait ici tous les soirs des week-ends pendant les vacances scolaires et une fois par semaine le reste de l'année, en général le samedi. Il dansait peu, buvait pas mal et souvent repartait avec un autre homme, jamais le même…
Le jeune Harry semblait lui avoir tapé dans l'œil, car il ne demandait jamais de renseignements sur les clients présents.
Alors que les premières mesures de Wind of Change des Scorpions retentissaient, Severus Rogue regarda Rick apporter à Potter une petite assiette avec des couverts. À vue de nez, il y avait un « grilled cheese » dedans. Et en plus le môme n'avait pas dîné ! Et ce petit sagouin espérait boire des cocktails fortement alcoolisés ? Lorsqu'il allait lui mettre la main dessus, le lionceau allait chanter l'hymne de Poudlard en latin et à l'envers !
Severus ne quitta pas Harry des yeux pendant un très long moment. Il vit celui-ci dévorer son « grilled cheese » et ensuite attaquer son cocktail. La première gorgée le fit tousser et le Maître des Potions se prit à presque en ricaner. Si jamais le rejeton de James Potter se mettait en tête de prendre une cuite, il allait le lui faire payer de la pire des façons. Il n'était pas question que le petit monstre vienne pleurer une potion « Lendemains Difficiles » en se réveillant ! Non, et il s'arrangerait pour que Molly et Remus n'ignorent rien de ce que leur protégé avait fait de sa soirée…
D'ailleurs, comment Potter avait-il bien pu échapper à leur surveillance ? Il aurait donné cher pour le savoir. Minute ! Il n'avait pas osé utiliser sa saleté de cape d'invisibilité quand même ? Severus soupira. Bien sûr que si le gamin avait osé ! Il n'avait fait que ça pendant six ans : braver les règles, le couvre-feu, pour fouiner partout là où il n'avait que faire, comme la Réserve de la Bibliothèque de Poudlard. Mais pourquoi diantre, ce vieux fou de Dumbledore avait-il donné cette cape à Potter ? Et en première année encore en plus ! Décidément, les ans ne lui faisaient aucune grâce… Il perdait la boule !
Les clients commençaient maintenant à se presser dans la partie bar exigüe. Les tables autour du comptoir noir étaient toutes occupées et la piste de danse commençait à se remplir aussi. Severus regarda chaque visage. Il connaissait presque tous ces hommes. Au fil des mois et des années, beaucoup d'entre eux avaient été ses amants d'un soir, quasiment tous s'il était honnête, mais malheureusement aucun ne s'en souvenait. Oh, ils le reconnaissaient, mais comme un habitué, pas comme un homme avec qui ils avaient passé une nuit torride à l'Hôtel Butterfly non loin de là… Severus quittait toujours la chambre après les avoir oubliettés dans leur sommeil et ses amants se réveillaient seuls. Lui revenait une fois qu'ils étaient partis. Il ne laissait aucune trace sur place, rien qui puisse leur donner un seul indice sur son identité ou sa présence sur les lieux.
Deux ou trois fois, il avait fait semblant de ne pas les connaître et avait renouvelé l'expérience une seconde fois avec les mêmes partenaires. Mais cela lui avait laissé un goût amer et au fil du temps, il avait cessé et se contentait de purs inconnus. Inutile de s'attacher. Ils n'étaient pas de son monde. Qui l'était d'ailleurs ? Il ne connaissait aucun autre sorcier de sang-mêlé ou né-moldu gay, de toute façon. Les sangs-purs, ce n'était même pas la peine d'y songer, ils étaient tous refoulés à ce qu'on disait : les emprisonnements et exécutions autrefois pratiquées avaient laissé leurs empreintes funestes. Severus ne connaissait aucun sorcier gay pour être honnête. Il avait parfois des soupçons pour certains, mais à chaque fois qu'il avait tenté d'en savoir un peu plus, les hommes en question avaient paniqué et nié en bloc. Il était vrai que les représailles étaient sévères… même encore aujourd'hui.
Comme les autres dans son cas, il s'était tourné vers le Monde Moldu. L'adresse du Flamant Rose, il l'avait achetée à un informateur de l'Allée des Embrumes qui vendait des adresses de lieux de plaisir à ceux qui pouvaient payer ces informations. Cela faisait presque quinze ans, le bar de Rick venait d'ouvrir et depuis il était l'un des plus anciens et fidèles clients.
Non, il n'avait jamais eu aucune aventure avec le maître des lieux qui était en couple avec celui qui officiait dans la cabine du DJ. Rick et Walt étaient heureux en ménage et tout le monde le savait ici.
Le barman s'approcha et vint reprendre le verre vide du professeur de potions. Il remarqua que son client fixait le petit brun sans jamais le quitter du regard et se méprit. Il se pencha vers Severus pour se faire entendre malgré la musique.
— Il est mignon, tu trouves pas ? Tout fin, de beaux yeux verts… il va faire des ravages ici, s'amusa-t-il avec un grand sourire. Il te plaît ? J'ai remarqué que tu ne le lâchais pas des yeux.
Severus manqua de s'étrangler et lança un regard tueur à Rick qui éclata de rire.
— Tu veux un autre « Sex on the Beach », Severus ?
L'interrogé se contenta de hocher la tête et avant de partir, Rick enfonça son clou.
— Si tu veux le coller dans ton pieu, va falloir que tu bouges très vite, parce qu'il ne va pas rester seul longtemps. Enfin, ce que j'en dis, hein…
— Rick… gronda Severus en levant les yeux vers le plafond couvert de miroirs.
— Allez ! Fais pas ton timide, je te parie que ce petit lot-là doit gigoter comme une anguille au lit.
Il s'éloigna aussitôt non sans balancer un de ses habituels clins d'œil à Severus, tout en affichant un large sourire hilare. Normalement, le brun aux cheveux longs était plus discret, et son attitude l'avait surpris. Le p'tit jeune devait lui plaire, bien qu'il s'en défende. Il sentit qu'il y allait y avoir du spectacle ce soir…
Cela faisait plus d'une heure et demie que le Gryffondor s'agitait sur la piste de danse et le Maître des Potions rongeait son frein. Le sale gosse avait pris goût aux cocktails de Rick et en avait avalé déjà quatre différents en plus du Blue Hawaiian que le barman lui avait offert en guise de bienvenue et de cadeau d'anniversaire. Potter semblait avoir une certaine résistance à l'alcool qui n'était facilitée que par son état de sorcier. La magie aidait parfois le corps à résister à l'ivresse et cela paraissait être le cas pour le lionceau.
Tout d'abord, Harry avait hésité un bon moment avant de rejoindre les danseurs sur la piste aux dalles lumineuses multicolores. Le Serpentard, toujours caché dans son alcôve, l'avait vu se dérider et se détendre au fur et à mesure des verres qu'il ingurgitait. D'abord, Harry s'était contenté de faire tressauter une de ses jambes en mesure et puis il avait écrasé sa cigarette – depuis quand ce petit veracrasse fumait, d'ailleurs – et il s'était levé. Il avait rejoint la piste et s'était mêlé aux danseurs.
Bien vite, Potter avait semblé tout oublier et s'était laissé totalement aller. Severus ignorait si son élève avait l'habitude de danser mais il avait l'air sacrément doué. Il ondulait, remuait et agitait son bassin d'une façon abominablement sexy. Une dizaine d'hommes n'avait pas tardé à l'entourer pour admirer ses prouesses et certains avaient même poussé l'audace jusqu'à oser se frotter à lui. Harry n'avait pas l'air de se rendre compte de l'effet qu'il produisait sur la gent masculine gay du Flamant Rose. Il passait de bras en bras et dansait avec qui le voulait bien. La magie exsudait par tous les pores du lionceau de Minerva et agissait comme un aphrodisiaque sur la petite foule. Même Severus, depuis sa planque, en ressentait les effets. Il grimaça en songeant qu'à l'heure des slows, le môme allait se retrouver piégé comme une biche devant une meute de loups affamés. Harry avait trop fait monter la température dans la salle pour qu'un refus ne déclenche pas une émeute. Le Serpentard ne se faisait pas d'illusions, certains allaient se battre ce soir pour obtenir les faveurs du petit brun balafré, voire même pour simplement danser un slow langoureux avec lui.
En attendant, sa soirée à lui était fortement compromise. Il était coincé dans son alcôve favorite. S'il sortait de là une minute, que ce soit pour danser ou simplement aller aux toilettes, Potter allait le reconnaître et il serait grillé. Pas question qu'un de ses élèves connaisse son secret si bien gardé depuis deux décennies. De plus, il devrait abandonner le Flamant Rose pour trouver un autre « quartier général » et par Merlin, il aimait bien cet endroit ainsi que le patron qui était malgré son ingérence de ce soir, plutôt sympa et cool, comme disaient les Moldus.
La tête penchée en arrière, les yeux clos et les bras en l'air, Harry remuait comme une anguille et ses cheveux collés de sueur partaient dans tous les sens. Rick avait raison, semblait-il, le gamin devait être remuant au lit. Severus se demanda si le jeune sorcier était puceau et en ces lieux pour trouver un petit-ami potentiel ou parfaitement expérimenté malgré son jeune âge. Personnellement, il penchait plus pour le puceau venant de découvrir son orientation sexuelle. Après tout, le Monde Magique n'était pas vraiment le meilleur endroit pour s'épanouir de ce côté-là. Il n'avait pas eu de soucis à Poudlard lui-même pendant ses années d'études car il savait parfaitement à quoi s'en tenir et s'était donc tenu « à carreau ». Lily Evans n'en avait pas eu non plus. Elle venait d'une famille rigide et jamais elle ne se serait écartée du droit chemin pour commettre le crime de sortir avec un garçon. James Potter avait dû faire des ronds de jambe pour obtenir la main de la belle dès leurs diplômes obtenus.
Comme tous les sangs-purs, James Potter et Sirius Black étaient homophobes et lorsque le sale cabot allait se décider à quitter ses cocotiers, l'héritier Potter allait avoir du souci à se faire. Non seulement, il aurait Lupin et la redoutable Molly sur le dos, mais Black allait le réduire en bouillie. Severus en vint presque à plaindre le gosse d'être dans cette situation périlleuse. Il espérait juste que les jumeaux lui avaient bien fait la leçon et expliqué les enjeux. Les connaissant, il se doutait que oui, sinon il ne serait pas ici et avec de faux papiers, s'il vous plaît.
Le Maître des Potions se raidit dans son sofa et grimaça. L'un des danseurs, un petit blond vêtu de cuir se collait à présent à Harry et essayait de l'embrasser dans le cou. Le gamin, surpris, tenta de le repousser gentiment, mais deux bras fermement décidés s'enroulèrent autour de sa taille. Severus vit l'éclair de panique dans les yeux du Gryffondor. Le blond avait bien trop bu et n'entendait pas obéir de si tôt. Severus jeta un coup d'œil du côté du bar. Rick, occupé par les clients qui se pressaient au comptoir n'avait rien vu et c'était lui qui assurait la sécurité. Walt n'était pas visible dans la cabine du DJ. Il avait visiblement programmé une bande-son quelconque et s'était absenté. Habituellement, ce n'était pas un problème car il n'y avait quasiment jamais de soucis, la carrure imposante de Rick suffisant à calmer les esprits des plus agités.
Harry tentait à présent d'échapper à la sangsue excitée qui s'était collée à lui. Un autre danseur avait essayé d'intervenir pour l'aider à se libérer mais le blond l'avait repoussé assez brutalement. Severus reposa son verre sur la table et se prépara à intervenir si le gamin ne s'en sortait pas tout seul. Il ne donnait pas cher de sa peau s'il devait ramener un Potter en mauvais état au Square Grimmaurd. Albus lui arracherait la tête pour ne pas avoir protégé son petit Sauveur alors qu'il se trouvait sur place.
À présent, Harry tentait de fuir la piste pour retourner à sa table restée libre, le verre non totalement consommé indiquant qu'elle était occupée. Mais son soupirant ne l'entendait pas de cette oreille. Il avait soulevé Harry du sol et tentait de le ramener au centre de la piste. La musique couvrait le bruit des voix, mais Severus savait qu'Harry protestait et criait, ordonnant qu'on le lâche. Un jeune homme aux longs cheveux châtains et aux yeux maquillés se faufila vers le bar pour aller visiblement chercher des renforts auprès de Rick. Severus se leva, sa baguette plaquée sur sa cuisse dans un holster invisible du même genre que ceux des Aurors. Rick n'arriverait jamais à temps, il était trop occupé à encaisser un client. Le Maître des Potions se décida alors à traverser la piste lorsqu'il vit Potter gifler son agresseur. Celui-ci, trop imbibé, ne s'en formalisa pas plus que ça et afficha un sourire pervers. Par contre, il resserra sa prise sur le jeune homme et le décolla une nouvelle fois du sol avec dans l'idée cette fois-ci de l'emmener avec lui.
Severus fut sur la piste en quelques enjambées et fondit sur sa proie. Il saisit le blondinet imbibé, par la gorge, d'une poigne de fer, le visage crispé et menaçant.
— Lâche-le, tout de suite, fit-il en approchant son visage de celui du voyou.
Celui-ci écarquilla les yeux de peur et s'agrippa à la main qui l'étranglait. Il balbutia un « oui » à peine audible et lorsque le sorcier le lâcha, il battit en retraite et quitta précipitamment la piste sous les rires et les quolibets.
Les yeux noirs se posèrent sur les billes vertes effrayées du Gryffie. Celui-ci ouvrit la bouche de stupeur en reconnaissant l'homme vêtu de noir. Avant qu'il n'ait le temps de commettre une gaffe du genre l'appeler « Professeur Rogue » devant tout le monde, Severus profita que les slows venaient de commencer avec Hotel California des Eagles pour attraper Harry par le bras et le plaquer contre lui pour danser. Sentant le garçon se figer, il approcha sa bouche de l'oreille du petit sorcier.
— Dansez, Potter ! Vous vous êtes assez fait remarquer pour ce soir. Et surtout, ne me remerciez pas de vous avoir tiré des griffes de ce petit con.
— Pro… Professeur Rogue ? Mais qu'est-ce que vous faites là ? bredouilla aussitôt Harry en obéissant néanmoins.
— La même chose que vous, je suppose. Vous avez décidément le chic pour me pourrir la vie, Monsieur Potter. Vous êtes une plaie purulente. Vous le savez, je présume ?
Harry n'émit aucune protestation et se contenta de soupirer. Sa soirée si bien commencée venait de prendre une tournure pour le moins détestable. Il était grillé au Flamant Rose, de toute évidence. Dommage, il se plaisait bien ici, et jusqu'à présent s'était bien amusé.
Autour du couple enlacé – contraint et forcé – certaines têtes affichaient des mines déçues. Severus aperçut du coin de l'œil, Rick les bras croisés en un aspect menaçant. Il surveillait les danseurs et s'assurait que personne n'importunait quiconque. Il n'avait pas été étonné du tout, lorsque le jeune aux cheveux longs était venu le prévenir que Vinnie faisait encore du cirque et embêtait un danseur. Rick se doutait bien que le petit Harry allait déchaîner les passions et attiser les convoitises avec ses grands yeux verts et son joli p'tit cul.
Il siffla de surprise en voyant Severus debout sur la piste pour un slow. Ce n'était vraiment pas dans ses habitudes. Il était rare que le grand brun à l'aspect sévère se laisse aller ainsi à danser des slows. On ne le voyait d'ailleurs pas souvent non plus pour les autres danses. La chose la plus amusante était qu'il tenait entre ses bras le gamin qu'il avait surveillé toute la soirée. Il le savait que Severus avait repéré Harry et qu'il l'intéressait ! Il avait beau avoir nié, ce n'était pas à un vieux roublard comme lui, qu'on la faisait ! Rassuré, il pivota sur ses talons, salua un couple qui venait d'entrer et reprit sa place derrière le bar.
Malgré sa situation au final peu enviable, Harry ne pouvait s'empêcher de sourire dans sa moustache inexistante. Jamais, au grand jamais, il n'aurait pensé en se levant ce matin, terminer la soirée dans les bras de la Chauve-souris des cachots. Il était plaqué contre le torse de l'homme, la joue collée contre le tee-shirt noir en Spandex[2] et ses deux mains accrochées au épaules musclées et surtout très nues. La peau était douce sous ses doigts et il n'avait qu'une seule envie, la caresser. Mais il se doutait bien que si jamais il s'aventurait à tenter quoi que ce soit de ce style, la Terreur des cachots allait l'avada kedavratiser sur le champ, quitte à oublietter la salle entière ensuite…
Severus, la mine pincée et l'œil revêche tentait de remettre un peu d'ordre dans ses pensées. Mais pas facile quand on avait le palpitant qui battait la chamade pour une raison totalement inconnue et qu'on sentait la magie délicatement crépiter sous ses doigts comme un délicieux chatouillis se diffusant partout dans son corps. La sensation, totalement nouvelle et inattendue était incroyable. Elle ressemblait à une sorte d'excitation sexuelle qui n'en était pas vraiment une, mais en tout cas, ça le prenait aux tripes. Ça avait commencé lorsqu'il avait plaqué le sale gamin contre lui. Etait-ce la magie du garçon qu'il percevait ainsi ? En tout cas, c'était grisant, exaltant même… Il en avait le souffle court.
Par la barbe de Merlin, est-ce que ça voulait dire que coucher avec un autre sorcier était vraiment différent d'avec un Moldu ?
Pendant que Severus Rogue se posait de toutes nouvelles questions existentielles, Harry faisait les mêmes découvertes. Les yeux fermés, la bouche entrouverte et le souffle un peu court également, il tentait d'analyser ce qu'il ressentait. Quelque chose d'invisible, comme une vague légère, le caressait mais « à l'intérieur », en lui. Il savait que sa magie vivait dans son organisme comme une entité indépendante, c'était ainsi qu'il la ressentait, la percevait. Or, il avait l'impression qu'elle chantait, vibrait, ondulait, comme un oiseau faisant sa parade nuptiale. Sa magie avait capté quelque chose. Etait-ce celle du Professeur Rogue ? Mais alors pourquoi lorsqu'Hermione le prenait dans ses bras, il ne ressentait jamais rien de tel. D'ailleurs, jamais il n'avait ressenti une telle chose. Aucun contact avec Hermione, Ron, Remus, Sirius, ni aucun autre sorcier, ne lui avait fait cet effet-là.
La chanson avait changé. Maintenant c'était celle de Bryan Adams qui passait : la fameuse bande originale du film Robin des Bois, Prince des voleurs. Dudley en possédait la cassette vidéo, et un jour que les Dursley l'avaient laissé seul dans la maison pour la journée, Harry en avait profité pour voir ce film. D'ailleurs, il avait trouvé une forte ressemblance entre le Sheriff de Nottingham et le Maître des Potions de Poudlard. Ils auraient pu être frères, méchanceté comprise.
Depuis quelques minutes, Severus avait compris ce qu'il se passait. Il ressentait la magie du garçon et si l'attitude de Potter, ses joues rosies et ses yeux voilés d'excitation étaient des indices, le sale môme ressentait la même chose que lui.
Tout cela était très inédit. Durant toute sa vie dans le Monde Magique, jamais il n'avait entendu parler d'une telle chose. Cela méritait quelques recherches… et très approfondies. Il en aurait le cœur net, foi de Severus Rogue !
Le Serpentard avait abandonné « l'expérience » au troisième slow. Les sensations devenaient si fortes qu'il était presque impossible aux deux sorciers de garder une attitude normale. Au dernier slow, ils arboraient chacun une superbe érection que leurs pantalons moulants ne leur permettaient pas de conserver. Severus avait donc profité de la foule et de la pénombre due aux lumières noires dites de Wood pour sortir sa baguette et leur lancer à tous deux un léger Glamour qui leur rendrait leur dignité.
— Potter, nous devons parler… annonça tranquillement Severus Rogue en retenant Harry par le bras. Allez chercher votre verre et rejoignez-moi à ma table. C'est celle dont la bougie n'est pas allumée.
Harry se contenta de hocher la tête en assentiment. Oui, ils devaient discuter, ne serait-ce que pour mettre cartes sur table. Le petit sorcier n'était pas idiot… si son enseignant se trouvait dans ce bar de nuit spécial gays, vêtu de cuir et de Spandex, ce n'était pas un hasard. Pas plus que ce n'était un hasard si lui était là aussi. Ils avaient tous les deux le même secret à cacher au Monde Magique.
Tandis que le Gryffondor se dirigeait vers sa table, Severus retourna s'installer dans son petit canapé et allongea ses deux bras au dessus du dosseret, tel un oiseau de nuit prêt à s'envoler ou un crucifié. Une discussion sérieuse était nécessaire et le petit sagouin avait intérêt à expliquer sa présence en ces lieux.
Il le vit revenir, slalomant entre les tables et les danseurs avec son verre à demi consommé. Il ne devait plus être très frais d'ailleurs…
Harry repéra rapidement la seule table anormalement dans la pénombre. Elle était dans un petit renfoncement discret et il ne put s'empêcher un petit rictus amusé en songeant que même ici la Chauve-souris s'était trouvé un petit cachot. Il s'approcha et prudemment choisit de s'asseoir sur le pouf noir faisant face au canapé dans lequel le Serpentard trônait tel un Christ en croix. Harry posa son verre sur la table et ne put s'empêcher de regarder encore un peu les biceps saillants qui roulaient sous la peau blanche et imberbe. Il vit son professeur glisser sa main le long de sa jambe et sa baguette magique apparut soudain sous la table. Un petit mouvement du poignet plus tard et la musique lui parut bien plus assourdie. Visiblement, ils se trouvaient dans une bulle générée par un Assurdiato. Ils pourraient parler sans être gênés par le son ambiant, et personne ne les entendrait.
— Un… « Nuit de Folie », Potter ? Mais, mais, mais… on dirait que vous êtes prêt à tout, ce soir ! Vous savez que c'est un cocktail réputé aphrodisiaque ? ricana Severus avec un sourcil levé.
— Heuuu… oui. C'est… heuuu… écrit sur le menu, là… répondit Harry en rougissant, tout en désignant de l'index, la plaquette pliée qui se trouvait sur la table.
— Et vous aimez ?
— Oui, oui… Mais je crois qu'il ne doit plus être aussi bon, les glaçons ont fondu.
Severus leva les yeux au ciel et fit un geste de la main. Le verre de Potter se couvrit aussitôt de givre.
— Essayez, maintenant.
— Waouuuh, comment vous faites ça, Professeur ?
— Pouvoir réchauffer ou refroidir quelque chose sans baguette est à la portée du premier sorcier venu, Monsieur Potter. Vous feriez bien de vous en souvenir et de tenter d'apprendre à le faire.
— J'en parlerai à Hermione et on essayera. Je vous dirai si ça marche.
— Potter, si je vous ai demandé de venir à ma table, ce n'est pas pour papoter. Nous devons avoir une discussion sérieuse et je pense que vous le savez.
— Oui, Monsieur. C'est… c'est à cause de ce que le Monde Magique pense de… de gens comme moi, répondit Harry la tête baissée, soudain horriblement gêné.
Severus le fixa de son regard dur et lui tendit une petite perche. Autant mettre le gamin en confiance.
— Et de gens comme moi…
Harry releva aussitôt la tête, parfaitement conscient que l'homme venait de lui accorder une incroyable confiance, si on se référait aux risques encourus.
— Comment avez-vous appris que l'homosexualité était un problème dans notre monde, Potter ? Vous n'êtes pas allé poser vos questions partout ou vous exhiber, quand même ? Pas de coming out, j'espère !
— J'ai voulu poser quelques questions à Ron, avoua Harry en jouant avec son verre. Sa réaction a été si disproportionnée que j'en ai été soufflé. Au début, je lui ai juste demandé comment ça se passait pour un sorcier qui voulait sortir avec une fille.
Harry fit une petite pause et prit une gorgée de son « Nuit de Folie ».
— Mais il est monté sur ses grands sombrals et m'a carrément traité de pervers. Et quand j'ai demandé pour les gays comment ça se passait dans le Monde Magique, je me suis rendu compte qu'il ne connaissait même pas le mot gay. Il croyait que c'était le contraire de triste. Par contre, quand j'ai parlé d'homosexualité, j'ai cru qu'il allait m'arracher les yeux. Il a parlé d'Azkaban, de criminels. Ensuite il a filé comme si j'étais contagieux en disant qu'il allait tout raconter à Mrs Weasley. Je n'ai jamais dit que j'étais gay. Je n'ai posé qu'une seule question et très générale.
— Et il l'a fait ? Il l'a répété à sa mère ? grimaça Severus en songeant à la crise que la rouquine allait faire lorsque Potter allait rentrer.
— Non. George est allé lui jeter un Oubliette. Fred et lui avaient écouté notre conversation et ils m'ont gentiment expliqué tout ce que je devais savoir. Les précautions, l'impossibilité d'en parler, le secret absolu, les risques… tout quoi. Ils ont deviné tous seuls…. soupira Harry en pensant que si les jumeaux avaient pu, d'autres aussi découvriraient son secret.
— Et vous ne vous attendiez pas à ça… fit Rogue posément avant de porter son verre à ses lèvres pour le finir.
— J'avoue que je m'attendais au pire. Depuis la première année à Poudlard, avec Hermione et Dean, on avait remarqué des trucs pas clairs. Que tous les sangs-purs étaient coincés comme pas possible, pire qu'à l'époque victorienne moldue. Hermione nous a dit que Lavande et Parvati ne savaient pas comment on faisait les bébés, ni rien d'autre du genre… Quand elle a voulu leur expliquer, elles ne l'ont pas crue.
Severus Rogue soupira en hochant la tête. Pendant toutes ses années de Directeur de Maison, il en avait rencontré à la pelle, des filles comme ça. C'était plus que commun. En désespoir de cause, il les expédiait à Poppy Pomfresh qui pourvoyait à leur éducation. Minerva, elle, ne se donnait pas ce mal et s'en fichait comme de sa première partie de Quidditch. Elle estimait que si les mères ne prenaient pas la peine d'informer correctement leurs filles, elles devaient avoir de bonnes raisons et ne voyait pas pourquoi ce serait à elle de s'y coller. Par Merlin, elle avait d'autres fléreurs à fouetter.
— Fred et George m'ont raconté que les parents Weasley ont l'intention de marier Ron à Hermione dès la fin des ASPICs. Elle ne marchera jamais, elle veut quitter le Monde Magique pour de bon, comme Dean, Seamus et moi.
Le Maître des cachots en resta bouche bée quelques secondes. La moitié des Gryffondors de 7ème année ne voulait pas rester dans le Monde Magique. Si Potter retournait dans le Monde Moldu à cause de l'intolérance et du « rétrogradisme » des sorciers, ça allait faire un scandale terrible. Peut-être d'ailleurs que ça ne leur ferait pas de mal que quelqu'un donne un bon coup de pied dans cette fourmilière d'hypocrites !
— Je vois mal Miss Granger mariée avec un abruti comme Ronald Weasley, Potter. Elle peut espérer mieux que ça !
Severus hésita un court instant. Autant dire ce qu'il savait au Garçon-Qui-Avait-Survécu-Juste-Pour-Lui-Pourrir-La -Vie…
— Je suppose que vous l'ignorez, mais les Weasley espèrent également marier leur fille avec vous. Le Directeur m'en a parlé l'autre jour. Lupin était ravi. Attendez-vous à ce qu'il accepte lorsque la demande officielle arrivera. Black acceptera également.
Harry ouvrit des yeux horrifiés. Il secoua la tête, au bord de la panique.
— Mais je ne veux pas ! Comment je peux faire ? J'ai le droit de dire non ?
— Calmez-vous, Potter. Je ne vous ai pas confié cette information pour l'instant totalement secrète, dans le but de vous faire paniquer… Juste vous mettre en garde. Albus Dumbledore reçoit ce genre de demandes pour vous depuis des années. Il n'a donné aucune réponse favorable à ces personnes. La seule qui ait retenu son attention est celle d'Arthur et Molly. Albus ignore bien entendu vos préférences, Potter. Mais pour répondre à votre question, oui vous pouvez refuser. Je ne pense pas que Lupin et Black oseront braver votre refus. Beaucoup de familles n'en tiendraient pas compte, mais vous êtes le Sauveur…
— Je… je ne veux pas être obligé de leur dire… pour… moi, fit Harry en se tortillant sur son pouf, l'air affreusement gêné.
— Il est possible de garder le secret, Monsieur Potter. Je le fais depuis presque vingt-cinq ans maintenant.
— C'est horrible… murmura Harry déboussolé. Être obligé de se cacher, de cacher qui on est vraiment, comme si on était un criminel ou un monstre. Ron m'a traité de pervers…
Visiblement, cette insulte venant de son meilleur ami avait beaucoup plus atteint Harry Potter qu'il lui avait semblé au départ.
— Nous ne sommes pas des pervers, Potter. Nous sommes simplement des personnes attirées par notre propre sexe. Cela ne fait pas de nous des monstres. Nous aimons et nous détestons de la même façon que les hétéros et nous saignons le même sang rouge qu'eux. Ce n'est pas non plus une maladie, nous sommes nés ainsi. C'est tout.
— Sirius va me tuer… me renier… Remus aussi, rajouta le Gryffondor visiblement désespéré.
— Ils ne devront jamais l'apprendre, Potter. Sinon, je ne donne pas cher de vous, en effet. Ils ne vous feront pas de mal physiquement, mais vous serez très certainement renié et chassé du Square Grimmaurd. Pas que cette baraque soit un palace, mais c'est toujours mieux que d'être à la rue.
— Je ne serai jamais heureux, je crois bien. Les jumeaux m'ont dit que je ne devrai jamais tenter d'avoir une relation suivie avec quelqu'un… qu'il faudra que j'oubliette chaque personne avec qui je sortirai dès le lendemain. C'est monstrueux… Je n'ai pas du tout envie de faire ça à quelqu'un. J'ai bien compris, vous savez, que j'aurai jamais le droit de tomber amoureux.
Severus pinça les lèvres et ne répondit pas. Harry avait bien évidemment raison. L'amour était un luxe qu'ils n'étaient pas autorisés à connaître.
— Malheureusement, nous n'avons pas le choix, Potter. C'est le prix à payer pour avoir… du sexe, un peu d'affection… choisissez ce que vous préférez…
— Je… Je n'ai jamais… Je sais pas…
— Je m'en doute, Potter… le tranquillisa le Maître des Potions en sortant son paquet de cigarettes et son briquet de la poche de son pantalon de cuir, où il les avait précédemment rangés, avant d'aller « sauver » le Gryffondor des sales pattes de cet idiot de Vinnie.
Harry jeta un simple coup d'œil sur le paquet d'Embassy menthol de l'ancien Mangemort. Rogue fumait des cigarettes mentholées ? Il ne l'aurait jamais cru.
En voyant son aîné ouvrir le paquet, en prendre une et l'allumer, le jeune sorcier se souvint alors que lui aussi avait son propre paquet dans la poche de son jean noir. Il se souleva de son pouf et fouilla son pantalon pour trouver ses Dunhill et son briquet pour touriste – encore un tour des jumeaux. Alors qu'Harry allumait sa cigarette, son professeur s'en inquiéta.
— Il y a longtemps que vous fumez, Monsieur Potter ? Il est très rare de voir un sorcier fumer, je vous le dis tout de suite. C'est un vice quasi inconnu dans le Monde Magique. Seuls les sorciers ayant des contacts suivis avec le Monde Moldu connaissent les cigarettes.
— Ça fait quelque temps, oui. Mon cousin Dudley fume… il laisse traîner ses paquets partout, alors à un moment, j'ai commencé à lui en piquer. Ça trompe la faim…
L'adulte plissa les yeux en deux fentes remplies de suspicion. Il savait que le petit Sauveur avait été élevé par cette crétine névrosée de Pétunia Evans, mais que le gamin avoue avoir eu besoin de tromper la faim lorsqu'il était sous la responsabilité de cette foldingue était un indice sérieux de maltraitance, ou du moins d'une sévère négligence. Dumbledore était-il au courant ? Potter avait toujours été petit et maigrichon, étaient-ce les conséquences ?
— Ce paquet-là, ce sont les jumeaux qui me l'ont acheté. Je leur ai donné l'or et ils m'en ont pris plusieurs. J'aime bien les Dunhill, mais elles sont chères, alors j'en achète pas trop souvent. De toute façon, je ne peux pas fumer à Poudlard ou alors rarement, et au Square Grimmaurd non plus.
— Pourquoi vous croyez que je ne quitte pas ma chambre ou mon labo improvisé ? J'y suis bien plus tranquille qu'on ne pourrait le penser… J'ai des cigarettes, du thé et du café, ainsi que du Whisky Pur Feu Vieil Ogden. Vous croyez vraiment que Molly me laisserait ingurgiter tout ça sous ses yeux, à toute heure du jour ou de la nuit ?
— J'imagine que non… pouffa Harry qui recommençait à se détendre.
Le gamin tira quelques bouffées de sa Dunhill, avala le reste de son cocktail noyé par les glaçons fondus et fit une remarque inattendue à son professeur, certainement sous l'effet de l'alcool.
— Vous savez, Professeur Rogue… Vous êtes le premier gay que je rencontre. Pas seulement le premier sorcier gay, le premier gay tout court.
— Ne dites pas de sottises, Potter, cet établissement en est rempli.
— Mais je ne les connais pas. Je leur ai jamais parlé. Enfin… sauf au barman, mais lui je sais pas s'il est gay ou pas.
— Rick est gay, Potter. Il vit en couple avec le DJ depuis dix-huit ans, si je me souviens bien. Et vous, vous êtes le premier sorcier gay que je rencontre également. Du moins à ma connaissance… parce que vous n'ignorez pas qu'ils se cachent tous comme des pestiférés.
— Oui, je le sais, maintenant.
— Potter, faites attention sur la piste de danse… surtout au moment des slows. Vous êtes mignon, ils vous ont repéré. Un petit nouveau, c'est de la chair fraîche pour ces mécréants. Ne vous leurrez pas, les 9/10ème sont là pour baiser et seulement ça. Ils chercheront à vous coller dans leur lit et vous jetteront ensuite.
— Vous faites ça, aussi… Et je ne suis PAS mignon, par Merlin ! Vous me trouvez mignon ?
— Oui, je le fais. Et vous le ferez aussi. Nous n'avons pas le choix. Mais eux l'ont ! insista le sorcier aux cheveux long en choisissant d'ignorer la question d'Harry.
— Ils ne savent pas la chance qu'ils ont. Je voudrais bien être à leur place. J'ai… j'ai jamais embrassé personne et…
Harry baissa la tête et l'ancien espion crut qu'il allait se mettre à pleurer. Certaines personnes avaient l'alcool triste et pleuraient comme des madeleines. D'autres avaient l'alcool violent et il ne fallait pas se trouver sur leur chemin. Tobias Rogue avait été de ceux là, et Severus avait toujours pris soin de ne jamais atteindre un seuil de dangerosité quelconque. Et s'il s'en approchait, il avait toujours le secours de quelques potions de son crû. Il buvait sec, mais pour le plaisir car il raffolait des cocktails moldus de Rick et il comprenait parfaitement que Potter en apprécie les couleurs et saveurs.
— Vous n'aurez aucun mal à trouver quelqu'un pour une première approche. Il y aura même beaucoup de volontaires, soyez-en assuré. Mais serez-vous assez fort pour vous en détacher au bout de quelques heures ? Là est la question.
Harry secoua la tête. Il redoutait franchement ce moment. Il ne se voyait pas du tout pointer sa baguette magique sur son amant endormi et l'oublietter avant de quitter les lieux et de l'abandonner. Il commençait à regretter d'être venu dans ce bar, d'y avoir rencontré Rogue, et surtout d'avoir appris tout ce que sa condition d'homosexuel impliquait. Le désespoir s'infiltrait en lui comme une maladie honteuse. Il lui semblait qu'une chape de plomb venait de s'abattre sur ses épaules et il avait envie de pleurer toutes les larmes de son corps.
La Terreur des Gryffondors regarda attentivement le visage de son élève. Malgré la pénombre et les jeux de lumières intermittents qui éclairaient le gamin, il pouvait voir le changement d'humeur et la tristesse profonde dans les yeux du petit sorcier balafré.
— Cessez de boire, Potter. Plus d'alcool pour vous, maintenant. Vous avez ce qu'on appelle « l'alcool triste », ça vous fait tout voir en noir et déprimer. Si vous voulez un autre cocktail, ce sera un sans alcool. Je n'ai pas envie de vous voir sortir avec l'intention de vous pendre ou de vous jeter sous le premier bus qui passera.
Harry haussa les épaules et garda le nez baissé.
— Vous devriez rentrer vous coucher, insista Rogue.
— Pas envie. De toute façon, je vais me faire démolir, alors à quoi bon. Je commence à détester le Monde Magique. J'ai plus envie d'y retourner.
— Nous en reparlerons lorsque vous serez à jeun, Potter. De toute façon, il vous faudra attendre au moins une année pour réaliser ce projet. Avant de partir pour de bon, vous devrez avoir vos ASPICs.
— Pourquoi faire ? Ils serviront à rien…
— Espèce d'idiot ! En même temps que le diplôme sorcier, le Ministère vous remet un document certifiant que vous avez les diplômes étrangers adéquats pour entrer dans une université moldue. C'est une combine entre le Ministère moldu et celui de la Magie. Sans vos ASPICs, vous devrez refaire toute votre scolarité chez les Moldus… vous vous sentez partant ?
— Non, non ! Pas du tout ! C'est bon pour Hermione, ça ! Elle le sait vous croyez, qu'on va avoir ce truc ?
— Bien sûr que oui ! Vous n'avez donc pas lu la plaquette remise aux nés-moldus à leur entrée à Poudlard ? Elle est envoyée avec chaque lettre d'admission, la liste des fournitures et le billet de train.
— Il n'y avait rien dans l'enveloppe. Rien que la liste, le billet et la lettre. Je n'ai jamais vu cette plaquette ! protesta Harry qui sentit qu'on lui avait encore dissimulé des choses.
Le professeur de potions tira avec nervosité sur la cigarette qu'il venait d'allumer. Evidemment… Minerva avait encore merdé… Elle avait traité Potter comme un sang-pur ou du moins un sang-mêlé parfaitement au courant des coutumes magiques, alors que le môme avait été élevé dans le Monde Moldu par une haineuse anti-magie. À se demander comment le gamin avait réussi à trouver le train tout seul…
Severus posa donc la question, après lui avoir révélé que c'était une erreur. Elevé par des Moldus, il aurait dû recevoir la même plaquette que son amie Granger.
— J'ai suivi les Weasley et je leur ai demandé… répondit Harry en haussant les épaules encore une fois.
Oui… le Serpentard voyait à présent comment le stupide rouquin avait mis la main sur Potter. Il s'était toujours demandé comment ce crétin patenté, jaloux, fainéant et coincé avait réussi à coller ainsi le Sauveur du Monde Magique dès son arrivée, et devenir également l'un des meilleurs amis de Granger, élève surdouée au QI démentiel, comme son dossier scolaire moldu l'avait indiqué à son arrivée.
Severus aimait beaucoup lire les dossiers scolaires des élèves né-moldus. Ils lui permettaient de savoir où il allait mettre les pieds et où se situaient les élèves. Auraient-ils des difficultés d'apprentissage ? Etaient-ils timides ? Tout y était généralement noté et celui d'Hermione Granger avait fort intéressé les enseignants de Poudlard. Filius Flitwick avait été persuadé que la fille finirait dans sa maison et avait été très déçu de sa répartition. Ce n'était pas tous les ans qu'une gamine se pointait dans le Monde Magique avec un Quotient Intellectuel de près de 180, une moyenne générale effarante et un lourd problème de sociabilité. Miss Granger, comme tous les génies, ne savait pas se faire d'amis ni se comporter en société. Soit elle en faisait trois fois trop, soit pas assez…
Severus le savait, il avait eu le même souci à son arrivée à Poudlard. D'ailleurs, ça s'était arrangé au fil du temps pour Granger, mais pas pour lui…
Le dossier d'Harry avait été une immense déception. Minerva en avait presque pleuré et Albus avait froncé les sourcils. Le gamin était jugé très mauvais élève, non soigneux, menteur, voleur, tricheur, mais par contre, très curieusement timide, renfermé et très sage. Ses notes étaient parmi les plus basses jamais vues chez un sorcier élevé ou né-moldu.
Le Maître des Potions en avait presque gloussé d'aise et avait pavoisé dans les couloirs de Poudlard tandis que Minerva en faisait quasiment une dépression à la pensée de James et Lily, tous deux si brillants qui avaient pour fils un élève nul, indiscipliné et fainéant.
Bien sûr, les enseignants n'avaient pas tardé à se rendre compte que le dossier moldu de Potter avait un problème et que le môme était bien plus attentif et brillant qu'ils ne l'avaient pensé. Ils s'étaient attendus à un demeuré sachant à peine lire et écrire et ils avaient eu en fait, un élève moyen mais honorable. Même Severus avait dû se faire une raison.
Voyant l'heure qui s'avançait et Potter qui broyait du noir, Severus n'eut pas d'autre choix que de sortir discrètement sa baguette de son étui de jambe et il lança un sort d'euphorie informulé sur le Garçon-Qui-Avait-Survécu. Aussitôt, Harry sembla devenir un peu plus joyeux et s'agita sur son pouf en regardant avec envie vers la piste de danse. Les slows étaient terminés depuis un bon moment et la musique entrainante lui donnait l'envie de retourner se trémousser comme un beau diable. Mais avant, il avait une petite chose à faire.
— Dites, Professeur Rogue, fit-il en se penchant vers le centre de la table. Vous savez où sont les toilettes, ici ?
— Depuis le temps que je viens, ça serait quand même malheureux que je l'ignore, ricana l'odieux personnage. Retournez dans la partie bar. Juste près du comptoir, vous verrez deux portes roses. L'une indique « Toilettes », l'autre « Privé ». Je n'ai nul besoin de vous dire quelle porte est la bonne, j'espère.
— Heuuu… Nan, ça ira. Merci, Professeur.
Harry se leva comme s'il avait un Troll aux fesses et prit la direction indiquée. Pendant ce temps, Severus fit signe à Rick qui se baladait encore entre les tables et prenait des commandes.
— Je te mets quoi, Severus ? Et pour le p'tit ? Ça marche vous deux ?
— Mêle-toi de tes fesses, Ricky… et apporte un « Coconut Kiss » pour Harry, il a assez bu d'alcool pour ce soir. Et moi, je prendrai un « Baiser de feu ». Tu mets le tout sur ma note, le verre du môme est pour moi.
— Je ne te savais pas si galant, Severus… s'amusa Rick un large sourire aux lèvres.
Ce fut Walt qui apporta les verres à la table de Severus. Etant donné le nombre de clients, il avait quitté sa cabine de DJ et donnait un coup de main à Rick qui jonglait avec les shakers.
Severus en profita pour mettre quelques gouttes de potion dans le verre du garçon. Il s'agissait de sa fameuse potion dégrisante dont il faisait un usage immodéré tous les week-ends. Sans elle, il y aurait eu bien longtemps qu'il aurait été un alcoolique comme son père, et qu'il aurait perdu sa place à Poudlard pour cette raison.
Le sorcier vit Harry revenir des toilettes. Un sourcil levé, il regarda le jeune homme se faire draguer de façon éhontée. Potter était mignon, bien plus que son m'as-tu-vu de père ne l'avait été en son temps. Visiblement, le gamin n'en était pas conscient du tout. Un instant, Severus se demanda qui allait être le premier petit-ami du Gryffondor, voire son premier amant, et curieusement en ressentit une pointe de jalousie inattendue qui le déstabilisa. Il avait toujours été maître de ses émotions et avait fustigé tous ceux qui portaient leur cœur en bandoulière. Mais là, pour la première fois depuis son adolescence, il semblait que sa carapace de monstre de froideur se fissurait et ça ne l'enchantait pas.
Harry s'approcha de la table et resta debout un instant. Interdit, il pointa du doigt le verre plein se trouvant à la place de l'ancien.
— Heuuu… c'est quoi, ça, Monsieur ? J'ai rien commandé…
— C'est moi qui ai passé cette commande, Potter. C'est un « Coconut Kiss » et sans alcool, insista le ténébreux professeur. Je vous l'offre. Terminé l'alcool pour vous ce soir. Compris ?
— Oui, Monsieur, répondit Harry en hochant la tête. Merci pour le verre.
Le jeune homme reprit sa place sur son pouf et mit la paille dans sa bouche pour goûter la boisson blanc laiteux aimablement offerte. Il adora la saveur de la noix de coco, l'onctuosité du liquide crémeux et le goût des jus de fruits. Harry relâcha la paille et annonça à son professeur, que c'était délicieux.
— C'est super bon ! Dites, Professeur, vous connaissez tous les cocktails du menu ?
— Plus quelques autres, Potter. La carte change de temps en temps. Rick aime surprendre les fidèles clients.
— Vous serez là demain soir aussi ? tenta Harry avec une petite arrière-pensée.
— Très certainement, Potter. À moins que je ne meure brutalement dans mon sommeil entre temps ou que le Seigneur des Ténèbres ne revienne dans l'après-midi, je serai là.
— Je… je pourrai revenir avec vous ? murmura le Gryffondor d'une petite voix incertaine.
Le Maître des cachots se figea. Par Merlin, il n'allait quand même pas jouer les nounous pour petit Sauveur en goguette tous les week-ends ! Comment allait-il bien pouvoir remplir son lit d'hôtel chaque soir si Potter tenait la chandelle ?
— Il n'est pas question que vous me colliez aux basques, Potter ! Je viens ici pour me détendre, oublier les cornichons dans votre genre et accessoirement remplir mon lit. Vous avoir sous les yeux plus que de raison perturbe gravement ces trois éléments de la plus haute importance. Il est fort peu probable que vous reviendrez au Flamant Rose. Lupin et Molly vont vous enfermer à double tour dès votre retour !
— Et… et si je peux revenir ?
— Qu'est-ce que je viens de vous dire ? Vous croyez qu'avec vous à cette table, ça va être facile de draguer ? Et idem pour vous également, Potter. Ma présence ne fera que vous nuire.
— Je vous promets que je vous embêterai pas. Vous pourrez danser avec qui vous voudrez et même partir avec lui et je dirai rien à personne. Et si j'ai des ennuis comme tout à l'heure, vous me protégerez ! Hein ? Ça marche ?
— Nous en reparlerons si vous revenez demain, Potter, accepta Severus de mauvaise grâce. En attendant, finissez votre verre et rentrez à Grimmaurd. Vous avez eu votre permis de transplaner si mes souvenirs sont bons.
Comme Harry acquiesçait, Severus poursuivit sur sa lancée.
— Il y a une petite rue deux immeubles après le bar, sur votre gauche en sortant. C'est quasiment tout le temps désert. Il n'y a que des entrepôts dans ce coin-là. Très utile pour transplaner. Vous pourrez utiliser le jardin public de Grimmaurd comme point de chute. Personne n'y va jamais de toute façon, il est trop mal entretenu. Dépêchez-vous de finir votre verre, je vous raccompagne dehors. J'enverrai un messager à Albus pour lui dire que vous étiez avec moi. Ça minimisera votre fugue. Albus aura l'air d'être de connivence. De toute façon, il sait toujours tout. Je ne serais pas étonné qu'il sache exactement où nous sommes.
— Vous croyez qu'il sait pour…
— … notre orientation particulière ? Honnêtement, je l'ignore. Je soupçonne qu'il ait ce point commun avec nous. Quand je vois comment il s'habille, j'ai de très gros doutes. Aussi énormes que ceux que j'avais en voyant Lockhart se promener comme une gravure de mode et minauder.
— Vous ne lui avez jamais demandé ? fit Harry en terminant son verre, cette fois-ci sans la paille pour aller plus vite.
— Vous êtes fou, Potter ? Essayez donc d'approcher le Directeur de Poudlard et de lui poser cette question… Prêt à prendre le risque ?
— Heuuuu… nan, p'têt' pas… finalement. Vous avez raison, c'est pas une bonne idée.
— N'oubliez pas, Potter, ce n'est JAMAIS une bonne idée d'avoir cette conversation avec un sorcier.
— Sauf avec vous, répliqua Harry avec un petit sourire très Serpentard.
— N'en faites pas une habitude, ronchonna Severus, fidèle à lui-même.
Harry se leva et ramassa son paquet de cigarettes et son briquet dans sa poche. Severus Rogue s'était levé de son sofa également. Il rangea ses Embassy dans son pantalon et d'un geste de la main, annula l'Assurdiato. D'un signe de tête, il indiqua à son étudiant de le suivre sans discuter. Harry soupira, mais ne fit pas d'histoire. Il était minuit passé, il se sentait fatigué et au final son lit l'appelait.
Lorsque le duo passa devant le bar, Rick leur fit un large sourire entendu. Severus pointa son index vers lui.
— Ne t'imagine rien, Rick, je reviens tout de suite. Je ne fais que le raccompagner dehors.
Le barman éclata de rire. Jamais Severus ne raccompagnait quelqu'un à la porte. Non, lorsqu'il sortait du bar avec un homme, c'était à chaque fois pour se rendre à l'hôtel Butterfly où il savait que le brun ténébreux avait une chambre pour y conduire ses amants. Et des amants, il en avait eu un sacré paquet ! L'homme avait un appétit sexuel incroyable. Rick disait souvent à Walt qu'il aimerait parfois être une mouche sur le mur de la chambre de Severus. Mais le couple de cafetiers était d'une discrétion absolue et jamais ils ne s'étaient permis d'interroger les partenaires de Severus. Encore heureux car aucun ne s'en souviendrait…
Severus conduisit Harry jusque dans la petite rue déserte. Ça tombait bien, l'ampoule du réverbère était grillée et les ténèbres environnantes allaient leur être favorables.
— Attendez que j'aie envoyé mon Patronus à Albus, Potter… ordonna le Professeur Rogue en sortant sa baguette de son holster.
— Les Moldus ne vont pas le voir, Professeur ? s'inquiéta alors Harry.
— Non. Les Moldus ne voient que ce qu'ils veulent bien voir. Certains verront peut-être un brouillard étrange se déplacer, mais rien de plus. Vous savez bien qu'ils ne voient même pas le Magicobus.
Baguette tendue vers l'autre bout de la rue, Severus lança le sort.
— Spero Patronum !
Il grimaça en voyant la biche sortir de sa baguette. Il pinça les lèvres et se sentit rougir, sous le regard interrogateur de Potter. Mince ! Pourquoi son satané Patronus avait-il changé ?
1 Genre de croque-monsieur composé de pain beurré et de cheddar, grillé dans une poêle antiadhésive.
2 Le Lycra pour les Britanniques
