Bêta : Mokonalex

Assistante/Elfe de Maison/Infirmière/Souffre-douleur et partenaire au Scrabble : Mirabelle31

Bonne lecture


Le mois d'Août s'était ainsi écoulé…

Harry avait tenu parole et plus que profité de ses vacances, entraînant avec lui les Professeurs Dumbledore et Rogue. Il y avait eu des moments épiques qui avaient presque rendu fous Molly, Ron, Ginny et Remus, comme le soir où les trois dissidents avaient fait irruption dans la cuisine du Manoir Black, vêtus de somptueux smokings moldus, de chaussures vernies et d'écharpes et gants de soie blancs. Pour l'occasion, Severus Rogue s'était fait une discrète queue de cheval basse et Albus avait magiquement raccourci sa barbe et ses cheveux.

Les trois sorciers avaient passé une délicieuse soirée au Royal Albert Hall où ils avaient assisté à un concert classique très attendu. Les places avaient été hors de prix et difficiles à obtenir, mais Harry n'avait pas hésité. Ensuite, ils avaient dîné en ville dans un restaurant de luxe et Albus avait assuré que cette soirée était le meilleur souvenir de sa vie, plus encore que le jour où il avait reçu l'Ordre de Merlin de Première Classe.

Le bowling était devenu un grand classique du mercredi soir. Albus se faisait passer pour un grand-père sortant avec ses deux petits-fils. Dans le bowling où le vieil homme avait ses habitudes, on le prenait pour un original. Evidemment, il n'y avait qu'Albus Dumbledore pour sortir en chemise hawaïenne, en bermuda violet et en spartiates[1] de cuir avec chaussettes en fil d'Ecosse jaunes et fixe-chaussettes. Lors de ces soirées, Harry s'était rendu compte que Severus Rogue ne mentait pas lorsqu'il disait être très fort à ce jeu, Albus non plus… Ou alors les deux hommes trichaient allégrement grâce à la magie sans baguette. Le jeune Sauveur avait plus de plaisir à les regarder qu'à jouer lui-même…

La visite au Musée Tussaud avait failli tourner à la catastrophe. Severus avait eu toutes les peines du monde à empêcher Albus d'animer deux statues de cire pour qu'elles dansent un cha-cha-cha. Décidément, le second pichet de vin des Elfes que le vieil homme avait pris à midi avait été en trop…

Personne au Square Grimmaurd n'avait deviné quoi que ce soit pour Harry et Severus. Ils s'étaient enfermés chaque jour plusieurs heures dans la chambre du Serpentard ou dans son labo de potions improvisé, sous le prétexte de recherches… Oh, Harry avait aidé Severus, il avait haché, pilé et préparé souvent les ingrédients pendant que le sorcier touillait ses mixtures, mais ensuite, alors qu'elles mijotaient, les deux hommes étaient passés à des occupations bien moins académiques et sans l'Assurdiato lancé systématiquement, la totalité des occupants de la demeure aurait entendu des cris et des gémissements de plaisir plus que suspects.

Albus Dumbledore avait fait l'innocent et le naïf, jouant à celui qui ne s'était rendu compte de rien, mais il savait. Il était toujours au courant de tout, surtout lorsqu'il s'agissait de ses deux jeunes gens préférés. Si une petite souris avait été présente dans la suite d'Albus, elle aurait souvent vu le vieil homme sourire dans le vague en consultant une étrange montre à gousset comportant plusieurs cadrans et une bonne douzaine d'aiguilles. Cette montre avait une particularité : elle avait, entre autre, la même fonction que la fameuse horloge des Weasley au Terrier. Elle était même plus précise, puisque Severus et Harry avaient chacun trois aiguilles à leur image et que le cadran offrait bien plus de possibilité d'espionnage que la vieille pendule de Molly.

Albus Dumbledore pouvait ainsi savoir si les deux jeunes gens qui comptaient le plus au monde pour lui et lui tenaient lieu d'enfants avaient faim, soif, étaient souffrants ou blessés, en danger mortel ou même mourants… Il savait aussi s'ils dormaient ou travaillaient, voire s'amusaient ou… faisaient l'amour, et bien d'autres choses. Le Directeur de Poudlard était un vilain petit curieux qui ne se privait pas d'espionner à loisir. C'était grâce à cette montre et à son second cadran dissimulé sous celui indiquant l'heure, les phases de la lune et la position des planètes qu'Albus savait ce que Severus faisait de ses week-ends depuis des années. Bien entendu, l'information n'avait jamais quitté son cerveau, mais elle était de celles qui le faisaient le plus glousser.

Il avait jeté un sort sur l'ancien Mangemort lorsque celui était encore un espion en service alors que Voldemort était en activité. Il voulait ainsi protéger son Maître des Potions et savoir s'il était en sécurité hors des murs de Poudlard. Voldy vaincu par Harry à quinze mois, le vieux sorcier n'avait jamais retiré le sort, les habitudes ayant la vie longue. Pire, lorsqu'il avait appris les conditions de vie d'Harry chez les Dursley, à son entrée à l'école de magie, il avait rajouté des aiguilles pour le garçon et lui avait également lancé le fameux sort en toute discrétion.

Par conséquent, il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce qui se passait. Harry et Severus absents en même temps… Leurs aiguilles indiquant : Sexe, dors, mange ou s'amuse, au même moment… il était évident que ces activités étaient pratiquées ensemble.

La confirmation était venue dès le lundi après le premier week-end de « fugue » du jeune Gryffondor. Harry était censé éviscérer des crapauds cornus cet après-midi-là, et Severus lui, écrivait un article pour Potions Magazine. Enfin… c'est ce qu'ils avaient annoncé. Or, la montre consultée indiquait « Sexe, heureux et maison » pour chacun d'eux. Albus avait failli recracher par le nez le thé qu'il avait eu dans la bouche à ce moment-là. Et puis, il avait éclaté de rire d'abord, pour ensuite s'inquiéter profondément pour eux.

Il ne fallait pas que le Monde Magique l'apprenne… Jamais.

Le départ d'Hermione avait aussi indiqué au vieux Directeur que la jeune fille n'était pas aussi naïve qu'il l'avait pensé. Comme par hasard, il était intervenu juste quelques semaines après que Molly lui ait fait part de son intention de marier Ron à la sorcière brune. Albus n'avait rien dit mais au fond de lui-même, il avait croisé les doigts afin que cette aberration ne se produise jamais. Miss Granger était une jeune étudiante brillante, promise à un très bel avenir et la marier à ce benêt étroit d'esprit de Ronald Weasley était une pure infamie.

De toute façon, il y avait peu de chance que Molly réussisse son coup. Les Granger étaient des Moldus socialement évolués que ces manières moyenâgeuses allaient faire déguerpir au triple galop.

Le dimanche après-midi qui avait vu la fuite d'Hermione, la jeune fille était descendue dans le hall depuis le premier étage en traînant sa malle d'un Locomotor Barda. Pour l'occasion, elle avait revêtu une tenue moldue très estivale puisqu'elle était apparue en short beige très court, en débardeur kaki et en chaussures montantes de toile beige de style explorateur le tout, jambes nues bien entendu, et avec des chaussettes écrues basses formant un revers épais sur la cheville. Un collier et un bracelet de larges perles de bois très voyantes ornaient sa tenue, avec les boucles d'oreilles assorties, s'il vous plaît. Sur la tête, elle portait un bob de toile écrue entièrement recouvert de pin's qui alourdissaient et déformaient la coiffe.

Albus et Arthur avaient esquissé un sourire bien vite dissimulé tandis que Molly Weasley, les yeux exorbités, avait lancé des imprécations en traitant Hermione de gourgandine, de Jézabel et de Messaline. Le fameux mot « indécence » avait été largement employé, accompagné de sa version 2.0 : « indécence totale ».

La matrone avait vite fermé son clapet lorsque la jeune fille s'était présentée au rendez-vous avec ses parents qui l'attendaient sur la place, devant les numéros 11 et 13, puisqu'ils ne pouvaient voir le 12. Arthur était sorti à sa suite, un large sourire aux lèvres et main tendue, il avait chaleureusement souhaité le bonjour aux deux dentistes Moldus qu'il ne pouvait faire entrer dans la maison, n'étant pas le gardien du secret.

Hermione avait prévenu ses parents de ce fait et bien qu'ils en eussent été choqués sur le coup, ils s'étaient tus devant Mr Weasley.

À la grande horreur de Molly et de Ron qui regardaient la scène depuis les fenêtres du salon du rez-de-chaussée, Jean Granger portait une tenue qui n'avait rien à envier à celle de sa fille. La minijupe de toile blanche, son bustier rose et ses sandales à talons aiguilles lui allaient à merveille et étaient parfaits pour un été radieux dans le monde Moldu ; mais pas pour des sorciers qui même sous une température tropicale s'obstinaient à se vêtir de jupes jusqu'aux pieds, de manches longues et d'encolures montantes. Le père d'Hermione portait lui un bermuda en toile écrue avec un tee-shirt publicitaire pour la marque de dentifrice Fluorodine. Il était pieds nus dans ses chaussures bateau de cuir bleu ciel et blanc.

Arthur avait discuté quelques minutes avec le couple, profitant que Molly ne pouvait entendre sa conversation. Il s'était fait brièvement expliquer les modes de transport que la famille allait emprunter pour se rendre en Italie. Il avait même aidé Hermione à mettre sa malle dans le coffre de la Subaru Impreza bleue flambant neuve, avait admiré l'intérieur du véhicule en s'extasiant bruyamment, ce qui avait flatté John Granger dont la voiture neuve était le point sensible du moment. Le rouquin avait souhaité de bonnes vacances à Hermione et s'était excusé du comportement de son épouse et de ses deux derniers enfants, avouant ainsi sans le dire vraiment qu'il n'adhérait pas du tout à leurs idées, mais n'avait pas grand-chose à dire.

Il fallait dire que deux heures avant l'arrivée des Granger, Molly qui ne décolérait pas, avait pris la jeune sorcière à partie, lui disant que sa place était ici avec eux et surtout pas dans le Monde Moldu décadent. Pour la rouquine, un sorcier ou une sorcière né(e)-moldu(e) ne devait absolument pas y retourner et n'y avait pas sa place. Hermione ne se voyait pas abandonner ses parents ni le confort de la technologie qui lui manquait beaucoup à Poudlard malgré l'attrait de la magie.

Au collège, les hivers étaient rudes. Il faisait très froid dans le château qui n'avait aucune isolation et dont les portes et fenêtres étaient souvent disjointes voire par endroit pourries. Les cheminées et poêles n'avaient qu'un rendement minimum et réchauffaient très mal les vastes pièces. Sans les sortilèges de chauffage sur les vêtements, il était impossible de tenir une seule journée de cours avec une température variant entre 5 et 10° pour travailler, manger, se laver et dormir. La nuit venue, l'éclairage était succinct. Les lampes à pétrole et les braseros n'émettaient qu'une maigre lueur qui fatiguait la vue et abimait les yeux des lecteurs assidus. On était très loin du chauffage central avec pompe à chaleur géothermique des Granger, de leur isolation dernier cri avec triples vitrages et de leur éclairage halogène.

Les sorciers pouvaient dire que les Moldus étaient des êtres inférieurs et décadents, mais en attendant, ils avaient un confort que le Monde Magique n'imaginait même pas. Hermione regrettait également son ordinateur et sa chaîne hi-fi qui ne pouvaient fonctionner à Poudlard. De toute façon, les sorciers ne connaissaient que les vieilles radios à grosses ampoules et les gramophones avec disques de bakélite. On était loin des compact-discs des vils Moldus…

Cette hypocrisie était répugnante et Hermione avait reçu le coup de grâce en apprenant que les Weasley – ou plutôt, Molly, comme elle le soupçonnait – avaient des espérances maritales inadmissibles à son sujet. Par Merlin, elle n'était pas une esclave, ou une marchandise dont on pouvait disposer à loisir et surtout sans son consentement. Le plus inquiétant quand même, c'était qu'Harry Potter, héros du Monde Magique, était soumis au même traitement et que son statut ne le protégeait nullement.

Hermione partie, Harry s'était senti bien seul dans la grande maison. Ron ne lui adressait quasiment plus la parole, se contentant de le regarder le plus souvent les yeux plissés de suspicion. Ginny minaudait devant lui lorsqu'elle se trouvait seule en sa présence, espérant peut-être le séduire… le jeune sorcier l'ignorait. Tout ce qu'il savait, c'était que ses simagrées le mettaient terriblement mal à l'aise. Fred et George ne faisaient que de très brefs passages, en général pour un dîner familial ici ou là, et glisser à Harry des cigarettes, une enveloppe de billets de banque moldus, ainsi qu'une fois, un paquet de préservatifs qui l'avait fait rougir jusqu'aux oreilles.

Le jeune homme l'avait montré à Severus qui amusé, lui avait confié qu'il ne servirait à rien, les sorciers étant immunisés contre les maladies sexuellement transmissibles. Lui-même acceptait sans rechigner d'en porter un lorsque ses partenaires moldus d'autrefois lui tendaient une boite qu'ils avaient apportée avec eux. Il ne fallait pas éveiller de soupçons… et refuser aurait fait fuir le futur amant.

Lorsque Molly avait décrété qu'un certain mardi prochain allait être le jour des achats de rentrée, elle avait exigé la clé du coffre d'Harry, sous le prétexte de faire les achats elle-même. Le jeune Gryffondor l'avait regardée de travers, la moutarde lui montant graduellement au nez au fur et à mesure que la mère de Ron insistait. Devant l'absence de réaction de Remus qui avait semblé trouver ça très normal, Albus Dumbledore avait mis les pieds dans le plat et révélé qu'il avait à faire au Chemin de Traverse aujourd'hui jeudi et que ça tombait très bien, il allait y aller avec Harry.

Bien entendu, le garçon avait acquiescé aussitôt et esquissé un sourire lorsque Severus Rogue était entré dans la cuisine, sa cape voletant derrière lui.

— Vous sortez, Severus ? avait demandé le vieux Directeur en voyant la cape d'été par-dessus la redingote de toile légère.

— Oui, je dois aller chez Potage chercher ma commande de nouveaux chaudrons et à l'Apothicairerie Mullpepper aussi. Il paraît qu'ils ont reçu des pustules de Clabberts provenant de Chine au lieu d'Amérique du Sud. Je dois aller voir ça et faire éventuellement mon stock avant que des incapables ne les achètent pour les gaspiller.

— D'habitude, vous vous fournissez chez Slug & Jiggers…

— Oui, mais là, la curiosité l'emporte, avait précisé le potionniste. J'espère que ce vieux brigand de Mullpepper n'a pas encore monté une arnaque où je l'étripe et revends ses entrailles comme ingrédients.

— Pas de zèle, Severus, je n'ai pas envie de devoir me chercher un nouveau Maître des Potions parce que vous serez à Azkaban !

Voyant une lueur inquiète dans les yeux d'Harry qui avait suivi toute la conversation, le Professeur Rogue avait tenté un petit sourire et avoué à Dumbledore qu'il plaisantait.

Sur ces entrefaites, Albus avait soupiré en regardant le plafond comme pour prendre Merlin à témoin. Il s'était levé en pestant que ses vieux os le martyrisaient et déclaré que puisque Severus sortait, Harry et lui-même allaient profiter de sa compagnie et faire les achats de rentrée du jeune sorcier. Il avait donc enjoint ce dernier à mettre une robe décente par-dessus son tee-shirt et son jean très moldus : il ne fallait pas froisser la susceptibilité des sorciers.

Le jeune homme avait passé un après-midi agréable. La présence bienveillante d'Albus Dumbledore et celle toujours aussi « aimable et revêche » de Severus Rogue avaient été suffisantes pour éloigner les curieux et les importuns. Le garçon avait par contre eu toutes les peines du monde à empêcher Dumbledore de lui acheter des chemises à fleurs ou une robe de chambre jaune imprimée de fraises et de framboises. Severus avait même poussé l'audace jusqu'à aller s'enfermer dans la cabine d'essayage de chez Madame Guipure avec Harry en ronchonnant que c'était inadmissible qu'il ne sache pas encore boutonner ses vêtements correctement et faire un nœud de cravate décent. Albus avait souri en comprenant la manœuvre et le nez plongé dans un grand bac contenant des promotions de chaussettes, il avait gloussé en pensant aux deux brigands qui devaient s'embrasser comme des malades derrière le rideau pourpre.

Le trio s'était promené et ils avaient même croisé quelques élèves qui n'avaient pas osé venir saluer leur Directeur en voyant la tête des mauvais jours qu'affichait Rogue. Albus venait de lui révéler en sortant de chez Scribenpenne qu'ils allaient tous les deux retourner dès le lundi suivant à Poudlard afin d'organiser la rentrée des élèves. Autant dire qu'Harry avait dû insister pas mal pour que le Serpentard accepte de s'asseoir avec eux à la terrasse de Fortârome le Glacier.

Cette nuit-là, Harry avait pris des risques. Il avait quitté la chambre qu'il partageait avec Ron pour rejoindre en catimini, la Terreur des cachots dans la sienne. Il fallait dire que les évènements mouvementés de la soirée avaient quelque peu justifié cette action peu sûre.

En rentrant au Square Grimmaurd avec ses paquets, Harry avait eu la surprise de voir la table mise pour une célébration officielle ou presque. Molly avait sorti la vaisselle de fête des Black et Remus arborait sa meilleure robe. Ginny était endimanchée, tout comme sa mère et Ron affichait un sourire suffisant qu'Harry avait jugé inquiétant. Il avait alors échangé des regards perdus avec Albus et Severus.

Le vieux Directeur avait pincé les lèvres et son visage s'était durci. L'absence de scintillement dans ses yeux bleus avait indiqué à Harry et aussi au Maître des Potions qu'il se passait quelque chose d'anormal et qui déplaisait fortement au vieux sorcier.

— Vous fêtez quelque chose, Molly ? avait-il fait d'une voix froide.

— Absolument, Albus. Remus nous a annoncé solennellement qu'il acceptait au nom de Sirius, la demande en mariage que nous avons faite pour Ginny. À la fin de l'année scolaire, notre petite Ginny sera fiancée officiellement à Harry. Dès qu'elle aura terminé ses études, ils se marieront.

Harry s'était figé, bouche bée et pâle comme la mort. On venait d'annoncer ses fiançailles et son futur mariage avec une presque inconnue dont il n'avait que faire et à qui il ne disait pas deux mots par semaine. Et en plus on n'avait même pas le courage de s'adresser à lui pour le faire. Harry avait senti Severus se figer derrière lui et une main fraîche s'était posée sur son épaule. Le Serpentard lui avait ainsi exprimé son soutien de façon discrète et non répréhensible.

Le jeune Gryffondor s'était alors avancé dans la cuisine. Il avait posé ses sacs en carton sur l'assise d'une chaise et s'était lentement tourné vers Molly qui souriait largement, ravie de sa petite surprise. Remus, lui, était en train de déchiqueter une tranche de pain entre ses doigts et avait semblé indifférent à la scène qui se déroulait devant lui.

— Je peux savoir ce que c'est que cette histoire à dormir debout ? Qui a décidé que j'allais me marier ? Vous êtes tous tombés sur la tête ou quoi ?

— Ça suffit, Harry ! Montre un peu de respect à tes aînés ! avait pesté Remus en levant alors le nez de son assiette pleine de miettes.

— Du respect ? DU RESPECT ? Et on en a pour moi du respect dans cette maison ? Je rentre après avoir fait mes achats et pour apprendre quoi ? HEIN ? QUE JE ME MARIE ? Mais vous êtes tous de grands malades ! C'est pas possible ! Ça vous prend souvent de décider de la vie des gens qui ne vous sont rien et sans leur demander leur avis en plus ?

— C'est la coutume ! avait répondu Remus d'une voix ferme. Molly a fait une demande en mariage dans les règles. J'ai donc prévenu Sirius qui a trouvé que c'était une bonne idée, par conséquent tu te marieras avec Ginny. Point final. Il n'y a rien à discuter !

— Ben voyons… avait ricané amèrement Harry qui n'en revenait pas de leur audace. VOUS avez décidé. JE n'ai rien à dire. Et bien moi, je vais vous le dire bien en face et vous avez intérêt à ouvrir vos oreilles parce que je ne vous le répéterai pas deux fois ! JE N'ÉPOUSERAI PAS GINNY, NI AUCUNE AUTRE SORCIÈRE ! VOUS POURREZ RAMPER, SUPPLIER, MENACER, JAMAIS JE NE ME MARIERAI !

Humiliée, Ginny s'était mise à hurler et s'était jetée dans les bras de sa mère. Un œil exercé aurait parfaitement pu voir l'absence de larmes. C'était de la comédie, pure et simple.

Molly avait pâli. Il n'avait pas été prévu qu'Harry se rebiffe ainsi. Personne ne protestait jamais… Les coutumes étaient toujours respectées. Comment Harry Potter s'était-il permis de répondre à des adultes de telle façon ?

— ÇA SUFFIT ! avait alors hurlé Remus en se levant de sa chaise. Tu feras ce qu'on te dira et tu te tairas, pour une fois ! Sirius a raison, Servilus a une mauvaise influence sur toi ! Mais elle cesse dès ce soir ! Et terminé tes petites sorties et escapades avec lui, ou je demande une enquête de moralité sur vous deux !

Sous la menace et l'insulte, Severus Rogue avait sorti sa baguette et l'avait pointée sous le nez du loup-garou. Harry avait fait la même chose… Le jeune avait fait un signe de tête au Directeur de Poudlard.

— Je m'en vais. Je quitte cette maison de fous. Professeur Dumbledore ? Je vais faire ma malle et m'en aller. Je prendrai une chambre dans un hôtel moldu pour le reste des vacances. Vous vouliez rentrer à Poudlard lundi, Monsieur ? Je vous conseille de rentrer dès ce soir. Vous aussi, Professeur Rogue. Et ne vous en faites pas, si Remus demande une enquête de moralité, je témoignerai en votre faveur. Après tout, je vous ai beaucoup fréquenté cet été… et je peux affirmer que vous êtes un honnête homme.

— Tu n'as pas besoin d'aller dans le Monde Moldu, Harry, l'avait alors rassuré Albus. Nous allons rester comme prévu jusqu'à lundi, nous avons des potions sous stase dans le labo et il serait dommage de les perdre. Et nous les perdrons si nous les déplaçons. Tu viendras à Poudlard avec nous.

— Pas question qu'il reste sans surveillance, livré à lui-même dans le château, avait grondé Remus. Il a prouvé maintes fois qu'il n'était pas digne de confiance. Il ferait n'importe quoi ! Il mettrait le déshonneur sur le nom de James.

— Ah, c'est donc ça qui te motive, Lupin ? Le nom de James ? avait ricané Severus écœuré. Tu as comme d'habitude, la mémoire bien sélective. Tu veux que je te la rafraîchisse, ta mémoire ? James Potter était un mécréant ! Il passait tous ses loisirs dans le Monde Moldu à boire, à fumer, à se droguer, se battre, coucher avec tout ce qui portait un jupon, jeune ou vieille, laide ou belle ! Et Black pareil ! Du moment qu'il y avait un trou avec du poil autour, il fonçait ! Et ne me dis pas que je l'ai inventé, je l'ai entendu le dire textuellement à maintes reprises. Je pourrais remplir une pensine rien qu'avec tous mes souvenirs de leurs vantardises. Tu me dégoûtes ! Tu n'étais déjà qu'un lâche, une larve de veracrasse à Poudlard, tout comme ton ami le rat ! Et tu continues, tout ça pour espérer avoir une petite place dans ce monde qui ne veut pas de toi !

— CE N'EST PAS PARCE QUE TU N'AS JAMAIS TROUVÉ À TE MARIER QUE TU DOIS EMPÊCHER HARRY DE LE FAIRE EN RACONTANT DES MENSONGES ! avait hurlé Remus, comme un véritable possédé.

— Mais je ne veux pas me marier, Lupin… avait fait Severus d'un ton amusé. Je suis parfaitement heureux comme ça, merci beaucoup. Pourquoi est-ce que je m'embarrasserais d'une femelle infecte et pleurnicheuse comme les exemplaires ici présents ? Je n'ai pas besoin d'une idiote pour chauffer mon lit en hiver. Il me suffit d'appeler un Elfe et de lui demander de m'apporter une chaufferette ou une bassinoire ! Et si je souhaite avoir une conversation décente avec quelqu'un, il me suffit d'aller rendre visite à Albus dans son bureau. Et si je veux me disputer avec une femme, je n'ai qu'à dire à Minerva qu'elle sent le chat pour qu'elle parte au quart de tour. Alors que ferais-je d'une femme, Lupin ? Des enfants ? Je les déteste comme tout le monde le sait…

— Rangez vos baguettes ! avait exigé Dumbledore d'un ton las.

Le vieil homme avait écouté sans rien dire, histoire de voir jusqu'où ils allaient aller, mais c'était suffisant. Il n'était pas utile qu'ils commencent à en venir aux mains ou aux baguettes.

— Remus, je vous rappelle que je suis le Président-Sorcier du Magenmagot et que c'est moi qui décide si une enquête de moralité est justifiée. Dans le cas présent, je peux vous affirmer qu'elle est totalement inutile. Si vous insistez, j'accepterai éventuellement, mais alors, je vous le dis, je témoignerai en faveur d'Harry et Severus. Comme vous le savez, je les ai très souvent accompagnés dans le Monde Moldu et n'ai jamais rien vu de moralement répréhensible, bien au contraire. Quant à vous, Molly, je vous avais dit que c'était une très mauvaise idée. Harry ayant été élevé par des Moldus, il ne connaît pas les coutumes sur le mariage. Sa seule référence est la coutume moldue et celle des sorciers est si différente qu'elle choque énormément les nés ou élevés-moldus. Maintenant, vous avez votre réponse et elle n'est pas celle que vous espériez. Vous ne m'avez pas écouté, ne venez pas vous plaindre… Harry ? Ta réponse officielle est donc négative, tu le confirmes ?

— Je le confirme, Professeur Dumbledore. Je refuse toute demande en mariage. Je n'ai que dix-sept ans, ce n'est pas un âge auquel un garçon pense au mariage dans le Monde Moldu. Les sorciers peuvent critiquer les Moldus, mais dans ce monde, les enfants sont libres d'épouser qui ils veulent et quand ils se marient c'est par amour et seulement lorsqu'ils sont largement adultes et ont terminé leur études. Ça fait au moins cent ans que personne n'agit plus comme ça dans leur monde. Il serait grand temps que le Monde Magique évolue un peu ou il ira à sa perte ! Quand je vois le retard hallucinant que les sorciers ont par rapport au reste du Royaume-Uni, j'en suis atterré. Un jour, plus aucun né-moldu n'acceptera d'entrer à Poudlard si c'est pour intégrer ensuite un monde aussi rétrograde. Des arriérés ! Je vais apprendre quoi, la prochaine fois ? Que l'esclavage est légal ?

C'était à ce moment-là qu'Arthur était rentré du Ministère, accompagné par Fred et George qui venaient pour « une célébration importante » dont ils avaient ignoré la nature. Apprenant la vérité, ils avaient houspillé leur mère qui avait tout orchestré avec Ron et Ginny. Arthur avait, pour une fois, répété d'une voix lasse à son épouse, qu'il n'était pas d'accord, trouvant Ginny et Harry bien trop jeunes pour une telle demande.

En fait, cette coutume le dégoûtait profondément, mais il ne lui avait jamais été tellement permis de donner son avis. Molly était une femme tyrannique sujette à des accès mémorables de colère et parfois de violence. Afin de garder un quotidien supportable, il se taisait donc le plus souvent, et la laissait jouer au dictateur.

Harry avait refusé de paraître à table ce soir-là. Dans la suite du Professeur Dumbledore où le vieil homme l'avait rapatrié, il avait craqué et pleuré toutes les larmes de son corps contre la robe à fleurs de son mentor, devant un Severus Rogue survolté qui avait dû lutter de toutes ses forces pour ne pas prendre le jeune sorcier dans ses bras afin de le consoler. Dobby avait été appelé pour apporter trois repas depuis les cuisines de Poudlard. Ensuite, Harry avait dû se résoudre à retourner dans la petite chambre qu'il partageait avec Ron, mais n'avait pas pu fermer l'œil. Par ailleurs, le rouquin avait obstinément refusé de lui adresser la parole. Pire, il avait carrément fait comme si Harry était invisible. À deux heures du matin, il était sorti et avait rejoint le Maître des Potions qui rongeait son frein de son côté et ne dormait pas non plus. Il s'était quand même assoupi dans les bras de son amant et avait pu se reposer pendant quatre heures. À six heures, Harry était retourné dans son lit et Ron n'en avait jamais rien su.

À présent, installé sur les marches de pierre devant la cabane d'Hagrid qui désherbait son potager, Harry attendait l'arrivée du Poudlard Express. Il avait passé les dernières semaines d'Août au château. En arrivant, Albus avait prétexté le choc émotionnel reçu par Harry pour demander comme une faveur à son Maître des Potions de bien vouloir héberger le Gryffondor dans ses quartiers afin qu'il se sente moins seul. Bien entendu, le Professeur Rogue avait tiqué, et s'était fait prier pour la forme. Il avait même fallu que Minerva qui était présente, intervienne et Severus avait soupiré bruyamment, ronchonné, pris le ciel et Merlin à témoin, mais avait accepté, secrètement ravi. Le couple avait même continué ses soirées au Flamant Rose, ou Rick avait eu la grande surprise de voir que Severus et Harry démarraient visiblement une histoire. Il avait dit à Walt qu'il l'avait toujours su et que les protestations de Severus n'avaient rien changé : Harry lui avait tapé dans l'œil dès son arrivée au bar !

Les professeurs étaient tous en réunion avec Dumbledore et mettaient la touche finale à la rentrée. L'unique élève du château à ce moment se sentait plutôt désœuvré depuis deux heures. Il était sorti et ses pas l'avaient mené jusqu'à chez Hagrid. Le garçon s'était donc installé dans un coin duquel il pouvait voir le chemin de terre mal empierré d'où les carrosses allaient bientôt surgir.

Harry ramassa le bâton que Crockdur venait de déposer à ses pieds et le lança dans l'herbe de toutes ses forces. Le danois revint aussitôt avec le morceau de bois tout en remuant la queue. Le jeune sorcier s'amusa quelques minutes avec le chien, sous l'œil attendri d'Hagrid. Lorsque le demi-géant sortit sa montre à gousset de sa poche et posa sa binette contre la clôture du potager, Harry comprit qu'il était l'heure que son grand ami se présente à la gare de Pré-Au-Lard afin de ramener les premières années avec les barques.

Il ne chercha pas à le suivre et se contenta de rebrousser chemin vers le château. Il avait hâte de revoir Hermione et de lui raconter ses dernières mésaventures. Crockdur poussa quelques gémissements de contrariété en voyant Harry s'en aller, mais au bout de quelques secondes il retourna vers la cabane de son maître et alla s'allonger de tout son long dans l'herbe près de la porte, afin de faire une petite sieste bien méritée.

Le Gryffondor entra dans le château dont la porte principale était au large ouverte. Argus Rusard montait la garde près d'elle et le toisa d'un œil mauvais en reniflant de désapprobation. Si maintenant les sales gosses restaient passer l'été à Poudlard, il n'allait plus avoir de vacances et son château allait être dégoûtant avec ces mécréants qui ne respectaient rien. Sûrement que Dolorès allait pouvoir faire quelque chose… non ? Elle n'était rentrée de congés que depuis quelques jours mais assurément, l'idée de Potter seul dans la place au lieu d'être au diable vauvert n'allait pas lui plaire.

Inconscient des pensées menaçantes du vieux cracmol, Harry traîna ses souliers vernis neufs sur les dalles de pierre et se dirigea vers la grande salle. Les bougies allumées flottaient déjà dans l'air, la vaisselle d'or étincelait sur les tables et le garçon amusé vit les pichets de jus de citrouille et de lait monter un par un depuis les cuisines et apparaître à leurs places habituelles avec les corbeilles de petits pains ronds. Il sortit sa montre à gousset de sa poche et l'ouvrit d'un coup d'ongle. Le train était en gare normalement, et dans quelques minutes les carrosses tirés par les sombrals allaient arriver et déverser leur flot d'élèves surexcités. Harry alla s'installer à sa place habituelle à la table des Gryffondors. Avisant la carafe de jus de citrouille glacé juste sous son nez, il souleva le pichet suintant de condensation et se versa une grande coupe bien pleine en claquant la langue de satisfaction.

Déjà, les premiers professeurs faisaient leur entrée dans la grande salle, sortants tous de l'antichambre. Flitwick entra en jacassant avec Pomona Chourave qui hochait la tête à chacune de ses paroles. Ils étaient suivis par Poppy Pomfresh qui ne sortait de son infirmerie que pour les festins importants comme la rentrée ou les fêtes. Derrière elle, Sybille Trelawney avançait à petits pas en tâtonnant le mur comme une aveugle. Madame Pomfresh s'installa à table et constatant que la voyante n'y voyait rien du tout – un comble – elle lui suggéra de passer à l'infirmerie après le repas afin qu'elle vérifie ses lunettes et renouvelle éventuellement la prescription. Trelawney remercia la Médicomage avec un grand sourire et se prit de plein fouet le fauteuil d'or du Directeur qui se trouvait sur son chemin. Par Merlin, pourquoi les meubles se déplaçaient-ils seuls pour lui faire des misères, hein ?

Aurora Sinistra dépassa la bigleuse en ricanant méchamment et s'installa le plus loin possible d'elle, près de la nouvelle bibliothécaire, Miss Octopus.

Madame Pince se trouvait à Sainte-Mangouste depuis trois jours. Oui, la pauvre femme avait réceptionné une caisse de livres provenant de chez Fleury & Bott. Croyant à une surprise de Dumbledore, elle ne s'était pas du tout méfiée et avait ouvert ladite caisse. Après tout, qui penserait que de simples livres scolaires puissent être dangereux ?

La livraison était une erreur du magasin et la caisse contenait malheureusement une cinquantaine de Monstrueux Livres des Monstres. Aussitôt libérés, ils avaient attaqué la bibliothécaire qui n'avait dû son salut qu'à l'arrivée intempestive et ô combien inattendue de Severus Rogue. Il était venu retirer des étagères « Les Potions de Grands Pouvoirs » pour ne pas que les cinquièmes années trichent à leur devoir de » bienvenue ». Madame Pince avait été bien amochée et Poppy avait dû se résoudre à l'expédier à Sainte-Mangouste avec les monstrueux bouquins qu'il avait en plus fallu capturer. Là-bas, les livres allaient être disséqués pour récupérer les morceaux de chair arrachés à la pauvre Irma Pince et si Merlin était avec elle, les lui recoller par magie. Autant dire que la malchanceuse en avait pour un moment à l'hôpital, dans le Service des Morsures en tous genres au premier étage de l'établissement.

Kingsley Shacklebolt, estimé Auror du Ministère de la Magie, avisé du drame par les cancans sur son lieu de travail, avait suggéré à Albus d'engager sa cousine, Miss Octopus, fraîchement diplômée de l'Institut des Sorcières de Salem, en « Gestion et Entretien des Livres et Grimoires Magiques ». Cornélius Fudge n'avait émis aucune objection, le sujet ne l'intéressant pas, et la gente demoiselle qui répondait au petit nom d'Audrey avait été engagée.

Miss Octopus, rapidement surnommée Octo par Harry en son for intérieur était une grande femme noire, à la forte corpulence et portant magnifiquement la robe de sorcière, il fallait le dire. La demoiselle avait les cheveux coupés au carré et soigneusement lissés. Elle était encore plus sévère que Madame Pince, semblait-il, car elle avait failli dévorer tout cru Harry, un jour où s'ennuyant à mourir, il était venu se perdre dans l'antre aux livres poussiéreux, afin de dénicher un ouvrage pas trop rasoir qui lui ferait passer le temps plus vite. Miss Octopus n'avait pas quitté le Gryffondor des yeux, tout en s'agitant dans tous les sens pour mettre les livres à leur place et jeter nombre de Recurvites sur les étagères. Harry avait eu alors l'impression que Miss Octopus avait huit bras au moins tant elle attrapait partout. Décidément, elle portait bien son nom très poulpesque et le sale gamin l'avait réduit à Octo, pour huit.

Après l'avoir vue se promener dans les couloirs le menton en l'air et avec la mine dédaigneuse de Narcissa Malefoy devant une bouse de dragon, le Sauveur avait surnommé la remplaçante la poulpesque majesté.

On n'allait pas rigoler tous les jours à la bibliothèque à partir de la rentrée. Madame Pince avait trouvé pire qu'elle, visiblement. Harry imagina un instant la belle en tenue de cuir sado/maso et fouet à la main en train de réduire Lucius Malefoy en bouillie… pire en vieille fouine humiliée et tremblante.

Assise près de la beauté noire en robe violette, Dolorès Ombrage trônait, toute de rose vêtue, avec un chauffe-épaules tricoté main sur sa robe vieillotte et une broche d'argent en forme de chat pour épingler le tricot. Elle toisa méchamment Trelawney, renifla de désapprobation devant Flitwick, fit un sourire mielleux à sa voisine qu'elle ne connaissait que de nom et plissa ses petits yeux porcins en scrutant Harry Potter qui tout seul dans la salle, sirotait tranquillement une coupe de jus de citrouille en regardant régulièrement sa montre.

— Ce n'est pas normal, marmonna-t-elle dans sa moustache. Potter n'a rien à faire à Poudlard pendant les vacances ! S'il n'a pas d'endroit où aller ce n'est pas notre problème, qu'il se débrouille ! Les ponts ce n'est pas fait que pour les Moldus !

Miss Octopus qui avait entendu les paroles méchantes du crapaud en rose, tourna lentement la tête vers elle et fronça le nez en signe évident de désapprobation. Déjà, la jeune femme détestait le rose… comment pouvait-on avoir envie de se déguiser avec une couleur pareille, surtout à un âge aussi avancé ? Non mais franchement ! Et en plus pour dire de telles âneries…

Cousin Kingsley lui avait bien expliqué qui était la femme en rose et son rôle à Poudlard : Professeur d'étude des Moldus… pour commencer. Et elle osait faire de telles réflexions sur les Moldus ? Miss Octopus demandait à voir ce que cette idiote pouvait enseigner, et se posa la question du manuel scolaire qu'elle pouvait bien employer. Elle en connaissait quelques-uns de pas très recommandables – à Salem, on les avait montrés aux étudiants pour information – qui prônaient des valeurs obsolètes et odieuses comme l'esclavage, le racisme et autres choses détestables. Ces ouvrages avaient eu leurs usages en des temps reculés mais le 20ème siècle touchait à sa fin et il fallait vivre avec son temps. Or le Royaume-Uni magique était enlisé dans le passé, et conservait des valeurs qui l'éloignaient de plus en plus des Moldus et malheureusement, des autres contrées magiques plus modernes.

À Salem, l'Institut des Sorcières se voulait à la pointe de la modernité magique. Il y avait l'électricité, ou du moins sa version magique, les ampoules et appareils étant alimentés par un générateur captant l'énergie élémentale de la terre. Il y avait le chauffage central également, à la chaudière alimentée magiquement en charbon volé aux Moldus… Les cuisines avaient des réfrigérateurs et des congélateurs magiques et les Elfes cuisinaient sur des pianos dignes des plus grands restaurants moldus. Il était de bon ton de récupérer tout ce que les Moldus inventaient et de les améliorer par la magie. Il y avait des sorciers ingénieurs qui ne faisaient d'ailleurs que ça toute l'année. Il n'était pas rare de voir des motos ou des voitures volantes –chères – ou du style Magicobus, plus abordables, dans lesquelles des familles entières s'entassaient.

La partie magique de la ville possédait également un cinéma et une salle de concert. D'ailleurs, l'industrie cinématographique magique était en plein essor et les acteurs de véritables stars n'ayant rien à envier à leur homologues moldus. Miss Octopus regrettait un peu son départ précipité pour ce poste impromptu à Poudlard, elle allait rater la sortie du film « Dragons Park» de l'extraordinaire Stefanus Spielberg, avec un scénario très attendu de Gilda Lockhart à l'imagination débordante, comme son frère, disait-on.

Les sorciers britanniques n'avaient rien de tout ça. Il n'y avait aucun loisir dans ce monde figé dans le passé. Et quant aux relations sociales, elles étaient ridiculement inexistantes et tout rapprochement même amical entre personnes de sexes opposés fortement désapprouvé.

Et pour cela, Miss Octopus avait appris de la bouche de son cousin Shacklebolt, quel était le second rôle de Dolorès Ombrage à Poudlard. La bécasse frisée au gros nœud rose digne d'une gamine de deux ans officiait également en tant que Grande Inquisitrice. Lorsqu'elle avait entendu ce terme, la demoiselle avait failli recracher son thé vert à la menthe sur la robe violette de Kingsley. Elle avait eu soudain sous les yeux l'image de l'inquisition espagnole traquant les sorciers dans toute l'Europe au Moyen-âge. Ils avaient fait une hécatombe parmi les malheureux Moldus accusés injustement et exécutés, les vrais sorciers pouvant transplaner ou se désillusionner. Savoir que quelqu'un avait ce genre de pouvoir dans la célèbre école de Poudlard était inquiétant et la jeune femme hésita sérieusement à accepter l'offre d'Albus Dumbledore.

Ce fut Kingsley qui la convainquit. Il lui suggéra d'y aller et glissa discrètement que Madame Ombrage avait peur des chevaux, des pégases et des centaures. Personne ne savait pourquoi, mais ça la terrifiait. Il lui raconta le coup des plumes sanglantes deux années auparavant et la jeune noire en eut sur le coup des envies de meurtre. Autant dire que le crapaud en rose était mal barré avec la nouvelle bibliothécaire…

Rusard ouvrit au large les deux portes de la grande salle. Un flot continu d'élèves jacassant et surexcités s'engouffra dans la place. L'heure était aux retrouvailles et tout le monde voulait raconter ses vacances à ses amis. Harry leva les yeux et scruta chaque personne lui passant sous le nez. Les évènements de l'été avaient permis au jeune sorcier de prendre encore plus conscience des différences terribles avec le Monde Moldu. Beaucoup de ses condisciples ignoraient dans quoi ils avaient mis les pieds. Est-ce que ses amis savaient qu'ils pouvaient être mariés sans leur accord ou presque ?

Le jeune Sauveur n'avait qu'une hâte, retrouver Hermione, Dean et Seamus et leur raconter l'odieuse demande de Molly Weasley. Il n'était pas pressé par contre de revoir Ron et Ginny. Il n'avait eu aucune nouvelle depuis son départ précipité du Square Grimmaurd enfin, presque… il avait reçu une beuglante de la part de son fantôme de parrain. Un superbe et énorme oiseau exotique qui avait d'ailleurs enchanté Hagrid, s'était un matin pointé avec les hiboux à l'heure du petit déjeuner dans la grande salle. Il avait lâché une grosse enveloppe rouge bien épaisse dont l'étiquette caractéristique portait son nom, écrit d'une plume visiblement agressive. L'enfer s'était ouvert sous les pieds du garçon… et sur sa tête… et tout autour de lui. Pendant de longues minutes, il n'y avait plus eu que la voix magiquement amplifiée de Sirius qui osait lui reprocher son refus d'une union idéale et plus qu'honorable, selon lui. La voix était rapidement passée aux autres sujets qui fâchaient, c'est-à-dire les fameuses sorties côté Moldu, sans oublier les week-ends mystérieux où Harry disparaissait totalement et qui continuaient alors qu'il était à Poudlard.

Sirius le savait donc…

Remus était visiblement très bavard et rapportait chaque mouvement du petit sorcier. Ce jour-là, Harry avait eu la honte de sa vie. Sirius ne s'intéressait à lui que pour lui hurler dessus et l'obliger à faire des choses complètement hallucinantes. Mais à part ça, il ne le voyait jamais, et c'était bien beau lorsqu'il recevait une ligne et demie de banalités en réponse à ses lettres détaillées.

On avait vraiment l'impression que Sirius Black n'en avait rien à faire de son filleul. Severus le soupçonnait, mais malgré ses protestations du début, Harry se disait que le potionniste avait encore une fois bien raison.

Les tables se remplissaient à présent. Les garçons d'un côté et les filles en face comme d'habitude. Harry vit Ron passer. Celui-ci ne lui accorda pas même un regard et le jeune balafré en eut un pincement au cœur malgré tout. L'an dernier, le rouquin s'était volontairement éloigné de ses amis afin de rejoindre l'odieuse Brigade Inquisitoriale Gardienne des Bonnes Mœurs. Il y avait fort à parier que cette année serait identique. Il vit Ginny Weasley lui lancer un regard glacé et aller s'installer un peu plus loin avec les filles de son année. Dean et Seamus lui sautèrent dessus par derrière et s'assirent chacun à côté de lui. Deux grandes tapes dans le dos firent tousser et protester Harry et les garçons éclatèrent de rire.

— Harry, vieux ! Alors, ces vacances, c'était bien ? Tu as bien profité ? T'étais pas dans l'train, comment ça se fait ? Mais, mais, on dirait que tu es bronzé, ricana Seamus en faisant semblant d'examiner le jeune Sauveur à la loupe. Tu essaies de faire concurrence à Dean ? J'te préviens, ça va être dur !

— T'as fini ? pouffa Dean. J'te f'rais dire que mon bronzage est unique ! Et en plus il est naturel et indélébile.

— Bande d'idiots ! soupira Harry, amusé. J'ai passé de bonnes vacances, ouais… enfin presque. Je vous raconterai ça quand on sera seuls. Hermione est dans le coin ?

— Ouais, répondit Seamus en balayant la grande salle du regard, elle était avec cette blonde de Serdaigle, Loufoca Lovegood. Me demande ce qu'elle fout avec cette cinglée…

— C'est une fille sympa, fit Harry en haussant les épaules. Elle est brillante, faut juste savoir la décrypter…

— Et comme elle a pas été livrée avec le code, c'est mission impossible, mec… fit l'irlandais avec un large sourire.

Hermione apparut enfin. Harry eut l'impression qu'elle avait grandi pendant son absence, mais ce n'était sûrement qu'une illusion due à leur séparation. La brunette avait des reflets blonds doré dans ses cheveux et sa peau avait une jolie couleur chaude de pain d'épices.

— Salut, Mione ! Ben, dis-donc, t'as bien profité on dirait ! C'était comment l'Italie ?

— Génial ! répondit Hermione en enjambant le banc, sa robe de sorcière légèrement relevée pour faciliter la chose. Tu as bien reçu mes hiboux ? Je t'ai ramené des souvenirs, et aussi pour le Professeur Dumbledore, mais faut pas lui dire, c'est une surprise. Tu as bronzé aussi, comment t'as fait ? Madame Weasley et Remus t'ont laissé sortir, finalement ? J'ai pas vu Ron dans le train, il fait encore la gueule, on dirait… Il me fatigue et Gin' aussi ! Je t'ai pas vu dans le train non plus, je suppose que tu étais ici avant tout le monde, non ?

Comme d'habitude, le débit de parole de la jeune prodige était soûlant mais Dean lui coupa son élan et empêcha Harry de répondre.

— Putain, les mecs ! C'est qui la beauté sublime là-bas ?

— Où ça ? demanda négligemment Seamus qui fouillait dans ses poches.

Hermione et Harry se tournèrent vers la table professorale que Dean désignait.

— Tu veux parler de la fille noire ? tenta la brunette. Une nouvelle prof ? On a qui en Défense cette année ? Tu le sais, Harry ?

— Ed Fiertalon, ça va être cool… il est super sympa et c'est un bon Auror. Et la fille, ben…

— Les mecs ! Chuis amoureux ! P'tain, elle est trop canon, c'te meuf ! C'est la femme de ma vie ! Comment elle s'appelle ? Qui c'est ? Je veux tout savoir !

— Ça y est ! On a perdu Dean, pouffa Seamus, hilare. Héééé, remets-toi, mon gars, c'est sûrement une prof… Alors tu peux toujours courir. Et pis je te rappelle qu'ici c'est même pas en rêve, rajouta-t-il en se penchant vers son ami. Te fais pas remarquer, vieux, Ombrage va pas te louper…

Harry et Hermione avait bien évidemment entendu tout ce que Seamus avait répondu à Dean, même la partie chuchotée puisqu'Harry se trouvait assis entre eux et Hermione juste en face de lui.

— C'est Miss Octopus, la nouvelle bibliothécaire, annonça alors le jeune homme aux lunettes rondes.

— Madame Pince n'est plus là ? s'étonna Hermione, elle ne m'a pas dit qu'elle devait partir !

— Elle est à Sainte-Mangouste. Figurez-vous qu'une caisse de cinquante Monstrueux Livres des Monstres a été livrée par erreur à la bibliothèque. Bien sûr, Pince a ouvert la caisse et s'est faite attaquer. Elle a été quasiment mise en pièces et si Rogue n'était pas arrivé à ce moment-là, j'ose même pas imaginer dans quel état, elle aurait été. D'après Dumbledore, c'était pas joli… grimaça Harry.

— La pauvre femme ! Je vais lui envoyer une carte de Bon Rétablissement…

— Comptez sur Hermione pour envoyer des vœux de rétablissement à cette vieille bique tyrannique, ricana Seamus en regardant la brunette de façon moqueuse.

Hermione allait monter sur ses grands sombrals et protester, mais elle n'en eut pas le temps. Dean exigea presque à grands cris de tout savoir sur la délicieuse créature qui trônait à la table des professeurs.

— On s'en fout ! Raconte-moi tout ce que tu sais sur cette magnifique poupée !

— Ben… réfléchit Harry pendant un cours instant. Voyons voir… C'est la cousine de l'Auror Shacklebolt et elle est diplômée en machin de vieux bouquins de l'Institut des Sorcière de Salem. Elle a un sale caractère, la mère Ombrage va s'en prendre plein la tronche si elle s'attaque à elle. Je l'appelle Octo, et la poulpesque majesté, je trouve que ça lui va bien, je vous dirai pourquoi plus tard. Un conseil, ne vous frottez pas à elle, elle est pas commode. La mère Pince est un ange de douceur à côté d'elle.

— Ben merde, alors ! fit Seamus, en tournant les yeux vers la susnommée Octo.

— M'en fous, elle est sublimissime… Vous pensez que je peux l'inviter à aller boire une Bièraubeurre au Trois Balais au prochain week-end de sortie à Pré-Au-Lard ?

— M'enfin… Dean, tu n'y penses pas, fit Seamus avec le plus grand sérieux, je te conseille plutôt un petit tête-à-tête chez Madame Pieddodu.

— Tu, tu… crois… ?

— N'écoute pas les bêtises de Seamus, chuchota Harry en regardant autour de lui, l'air inquiet. Tu sais très bien que tu auras des ennuis si tu essaies quoi que ce soit. D'ailleurs à ce sujet, j'ai des choses à vous raconter. Rendez-vous dans la Salle Commune ce soir, quand tout le monde dormira.

Harry fixa Hermione dans les yeux.

— Mione, ils l'ont fait. La demande officielle… Molly l'a faite et Remus a accepté et Sirius aussi.

— Quoi ? Mais… Mince alors… bredouilla la brune aux cheveux touffus, les yeux écarquillés et la bouche ouverte.

— Ce soir… je te raconterai tout.

— T'as pas accepté au moins ?

— Tu plaisantes ? Pourquoi tu crois qu'il fait la gueule comme ça ? répondit Harry en jetant un coup d'œil vers Ron qui parlait avec Neville et Ginny.

— De quoi vous causez ? demanda alors Dean, soudain suspicieux.

Profitant du brouhaha provoqué par l'entrée d'Albus Dumbledore et de Severus Rogue dans la grande salle, Harry baissa encore plus la voix et se résolut à donner un semblant d'explication.

— Molly Weasley a fait une demande en mariage officielle pour que j'épouse Ginny. Remus Lupin a accepté au nom de mon parrain. J'ai été mis au pied du mur.

— Putain ! s'horrifia Seamus, comment tu vas faire ? Tu as pu dire non ?

— Tu parles que j'ai dit non ! J'ai piqué une de ces crises ! Dumbledore était présent et il était pas heureux, vous pouvez me croire. J'ai passé les trois dernières semaines ici.

— T'as dû te faire chier tout seul à la tour, objecta le nouvel amoureux transis de Miss Octopus.

— Nan, je créchais chez Rogue. Ordre de Dumbledore.

— Hein ? Mais c'est encore pire !

— Nan, Seam'… Il a été correct, on a même bien rigolé. Il est assez cool au final, en dehors des cours.

À ce moment-là, Harry en profita pour jeter un petit coup d'œil en direction de la grande table et vit que son amant le regardait discrètement en faisant semblant de s'intéresser à ce que lui disait Flitwick assis près de lui. Dumbledore qui siégeait à la droite du Maître des Potions fit un petit mouvement de tête en direction d'Argus Rusard qui attendait près des grandes portes. Celui-ci quitta aussitôt la vaste pièce en refermant les battants gigantesques derrière lui.

Quelques minutes plus tard, après quelques mots de bienvenue de Dumbledore, Minerva fit son entrée suivie de ses premières années terrifiés et intimidés. Hermione leur fit de larges sourire, essayant vainement de deviner à leurs têtes qui serait à Gryffondor ou ailleurs. Tous les ans, elle s'amusait à ça et l'habit ne faisant pas le moine, elle se plantait sévèrement à chaque fois.

Après la chanson du choixpeau, la répartition et la présentation officielle d'Edward Fiertalon et d'Audrey Octopus, le festin put commencer. Harry avait intrigué ses trois amis et tous attendaient avec impatience la fin de cette journée épuisante. Hermione dut faire son devoir de Préfète et conduire les nouveaux élèves de Gryffondor au 7ème étage, tandis que Ron se précipitait à la première réunion de l'année de la Brigade Inquisitoriale dans le bureau d'Ombrage. Tandis qu'Hermione expliquait les règles de la Maison et surtout l'étiquette sorcière en vigueur aux « première année », Harry avait sorti de sa malle un bouquin emprunté à Severus. Il s'agissait d'un roman de science-fiction où des sorciers construisaient un carrosse ensorcelé pour aller sur la lune y chercher des pierres et de la poussière. Ce n'était pas terrible comme histoire et pas une minute crédible. Severus l'avait prévenu mais il avait voulu vérifier par lui-même. À présent, il n'était pas sûr du tout de terminer l'histoire.

Un à un, les élèves montèrent se coucher et après avoir traîné dans la douche, mis son pyjama et réclamé des chocolats chauds à Dobby, Harry avait rejoint Hermione, Dean et Seamus devant la cheminée. Il n'y avait plus qu'eux et Ron ne lui avait même pas adressé la parole à Hermione non plus d'ailleurs, ce qui était étonnant, mais il fallait dire que la jeune sorcière née-moldue n'avait pas recherché sa présence.

Hermione s'était allongée de tout son long dans le vieux canapé rouge, prétextant avoir mal aux jambes après sa ronde. Elle était en pyjama rose à fleurs et robe de chambre en pilou blanc avec ses éternels chaussons lapins roses : une nouvelle paire chaque année. Les trois garçons étaient assis en tailleur par terre sur le tapis, leurs mugs de chocolat à la main.

Tout en essayant de faire couler ses marshmallows avec sa cuillère en argent, Dean incita Harry à parler.

— Bon, on est tranquille, ils sont tous pieutés. Alors raconte, Harry ! Il s'est passé quoi pour toi cet été ?

— J'ai passé huit jours chez les Dursley. C'est pas beaucoup, mais bien suffisant croyez-moi ! commença le jeune Sauveur. Ensuite je suis allé chez mon parrain qui n'était pas là encore une fois. Il avait laissé la maison à Remus Lupin, aux Weasley, à Dumbledore et à Rogue. Hermione était là aussi…

— Oui… confirma la sorcière entre deux gorgées de sa boisson lactée. Au début, j'avais pas envie d'aller en vacances avec mes parents, j'avais peur de m'ennuyer. C'était idiot car je me suis super bien amusée…

— Je suis sorti pas mal dans le Londres Moldu, avec Dumbledore et Rogue. On est allés au restaurant, au Musée Tussaud, d'ailleurs on s'est bien marrés, Dumbledore a même essayer d'ensorceler deux statues de cire pour qu'elles dansent, il avait trop picolé à midi. Je vous dis pas le mal que Rogue a eu pour l'en empêcher.

Des éclats de rire étouffés se firent alors entendre et Seamus se roula même par terre de bonheur. Harry afficha un petit sourire narquois et poursuivit son récit.

— On a été jouer au bowling. Ils sont forts tous les deux, Dumby et Rogue… Me suis demandé s'ils ne trichaient pas d'ailleurs. Vous savez… magie sans baguette, tout ça…

— Ben, faut dire que c'est tentant, avoua Dean en pouffant de rire. Moi quand je peux, hein… je me gêne pas !

Voyant le regard réprobateur d'Hermione et ceux faussement outrés des garçons, Dean ajouta :

— Héééé ! Me regardez pas comme ça, d'abord ! C'était pas important.

— On est allés à un concert aussi, poursuivit Harry, et j'ai été au cinéma avec Rogue. On s'est bien amusés et le film était cool.

— Amusés et Rogue dans la même phrase ? ricana Seamus en tentant de ne pas hurler de rire. Dis pas ça à Neville, il va pisser dans son froc !

— Chuuuut ! fit Hermione, l'index sur les lèvres. Taisez-vous ou je mets un Assurdiato !

— Mets l'Assurdiato, Mione, je serai plus tranquille, demanda alors Harry avec une petite grimace.

Le jeune sorcier n'avait aucune envie que Ron, Ginny ou aucun autre de leurs condisciples surprenne leur conversation et Hermione comprit immédiatement la demande presque muette. Elle sortit sa baguette de la poche de sa robe de chambre et dessina un large cercle dans l'air, et sans formuler son incantation, s'il vous plaît. Ce haut-fait magique lui attira les sifflements admiratifs de ses amis et la brunette rougit alors.

— Mais taisez-vous, vous êtes des vilains ! gloussa-t-elle amusée. Bon, Harry… Tu nous as dit que la mère de Ron avait fait une demande officielle ? Raconte-nous ça en détail.

— Ouais… C'est le jour où j'ai été chercher mes affaires d'école pour l'année. Dumbledore et Rogue m'avaient accompagné parce que Molly voulait que je lui donne ma clé de Gringotts pour qu'elle y aille seule.

— Seule ? Avec ta clé ? ricana Seamus en levant plusieurs fois ses sourcils d'un air moqueur. Et c'est une sang-pur ? Elle est gonflée ! Elle sait très bien que personne de sensé ne donne sa clé de coffre à un étranger. Même entre membres d'une même famille, ça ne se fait pas… du moins pas beaucoup.

— Ah bon ? fit Harry, surpris.

Décidemment, il y avait plein de choses qu'il ne connaissait pas. Tellement de trucs que personne n'avait songé à lui apprendre. Ça aurait dû être le rôle de Sirius, mais le lâcheur avait eu mieux à faire, n'est-ce pas ? Remus ne valait guère mieux. Il préférait faire l'Auror et empêcher Harry de sortir du Manoir pour mieux le marier ensuite contre son gré.

— Oui, confirma le sang-mêlé irlandais. Maintenant, tu sauras. Ta clé, c'est rien qu'à toi. Tu ne la files à personne. Tu saurais même pas s'ils se servaient pour eux dans ton coffre.

Harry hocha la tête et se résolut à parler de cette histoire de clé avec Severus à la première occasion. Il y avait certainement d'autres choses de ce genre qu'il ignorait et qui pouvaient s'avérer importantes.

— Quand je suis rentré au Manoir, poursuivit-il en soupirant à ce souvenir, une table de fête avait été mise. Vous savez… avec la belle vaisselle, comme pour Noël, tout ça. Et puis, Molly avait mis une robe pas trop moche, Ginny en avait une carrément neuve et chic. Elle avait dû coûter de l'or, et ça m'a étonné sur le coup parce qu'ils sont toujours fauchés. Ron avait une robe pas neuve, mais bien, une ancienne d'un des jumeaux et Remus avait sa meilleure robe. Ils avaient tous fait des efforts. C'était pas normal. Dumbledore, il a vu tout de suite qu'il y avait un problème. Je pense qu'il a compris dès notre arrivée. Il était pas content…

— Il a gueulé ? demanda Dean avec un petit sourire.

— Un peu. Il a surtout été très froid. Le truc qui m'a le plus choqué, continua Harry en jouant avec un fil dépassant de l'ourlet de son pantalon de pyjama, c'est qu'à aucun moment Molly ne s'est adressée à moi. Elle a dit que Remus avait accepté pour Sirius sa demande en mariage, et que par conséquent, je serais fiancé à Ginny à la fin de l'année et marié l'année suivante. Les mecs, j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête.

— Oh putain ! jura Dean en frissonnant d'horreur. Quand on s'attend pas, ça doit faire un sacré choc !

— J'ai gueulé, j'ai vidé mon sac et dit tout le bien que leur magouille m'inspirait. Dumbledore m'a demandé de confirmer si ma réponse officielle était bien négative. J'ai dit clairement que oui.

— Ça a suffit ? hésita Hermione qui n'avait pas pu s'empêcher de s'imaginer à la place d'Harry avec Ron dans le rôle de Ginny.

La jeune sorcière avait tout raconté à ses parents dans la voiture qui les ramenait chez eux et le couple Granger n'avait pas du tout apprécié la nouvelle. Hermione leur avait toujours expliqué combien le Monde Magique était rétrograde et même complètement arriéré, mais elle s'en accommodait depuis la première année et avait clairement manifesté son intention d'aller à l'Université Moldue dès ses ASPICs obtenus. Il ne restait au petit groupe que cette année d'études à Poudlard, ensuite ils pourraient retourner chez les Moldus et faire autre chose.

— Oui, ça a suffit, mais j'en ai pris plein la tête. Rogue a même mis sa baguette sous le nez de Remus, et moi aussi d'ailleurs. Je l'avais jamais vu comme ça. C'est comme si j'existais pas en tant que personne. Ils avaient tous pris une décision pour mon avenir, sans même m'en parler avant, ou savoir si ça me conviendrait. J'en ai presque pas dormi de la nuit. Et trois jours après, on était de retour ici. Comme j'étais le seul élève, Dumbledore a pas voulu que j'aille à la tour. Vous comprenez, j'y aurais été tout seul et j'aurais sûrement déprimé, c'est clair…

— Oui, mais quand même… protesta Seamus. Te faire crécher avec Rogue, c'est dégueulasse ! Moi j'aurais préféré être dans la tour tout seul, franchement !

Harry fixa les flammes rougeoyantes qui dansaient dans la cheminée en faisant craquer les bûches. Il réprima un petit sourire en songeant que non, crécher – comme disait Seamus – avec Severus Rogue avait été plutôt une véritable révélation et un pur plaisir. Ils avaient passé leurs soirées et une bonne partie de leurs nuits à faire l'amour dans toutes les positions et dans toutes les pièces des quartiers du Maître des Potions. À chaque fois, les volutes bleues de leurs magies avaient fait leur apparition et offert au couple un spectacle inoubliable. Ils avaient tous deux essayé de trouver une explication au phénomène et malgré leurs tentatives dissimulées sous des prétextes futiles pour ne pas alerter Miss Octopus, ils n'avaient rien trouvé.

Bien sûr, faire des recherches sur un thème aussi étrange tout en faisant semblant de chercher un roman ou autre lecture légère pour Harry, et retirer « Les Potions de Grands Pouvoirs » de l'étagère pour soi-disant empêcher ses élèves de tricher pour Severus, n'avaient vraiment pas aidé. La nouvelle bibliothécaire n'était pas aussi naïve que Madame Pince qui se laissait embobiner par le potionniste et le Sauveur régulièrement.

— Nan, nan… je vous assure que c'était supportable. Hors des cours, ce mec est tolérable. Il peut même être assez drôle. Je l'ai vu jouer au bowling avec Dumbledore, ça valait le déplacement, je vous l'ai dit. Je crois bien que j'ai jamais autant ri de toute ma vie…

Devant l'air dubitatif de Dean et la mine franchement perplexe de Seamus, Hermione crut bon de rajouter quelque chose tout en posant son mug vide sur le plancher.

— C'est vrai que je l'ai trouvé beaucoup plus supportable, cette année. Il était même drôle souvent… En tout cas, il est toujours aussi sarcastique et Remus et Molly en ont pris plein les dents régulièrement. Curieux quand même que Dumbledore le laissait faire sans rien dire…

Curieux… curieux… Mione en avait de bonnes ! Le vieux glucosé bouffeur de bonbons au citron savait très bien à quoi s'attendre visiblement. Lorsqu'il l'avait consolé après sa crise de larmes qui avait suivi la demande en mariage, Albus n'avait pas hésité à révéler à Harry qu'il gérait pour lui ce genre de chose depuis des années. Le petit sorcier aux yeux verts n'avait pas dit qu'il le savait par les jumeaux et le Directeur avait continué sa petite histoire. Il n'avait pas voulu refuser catégoriquement à Molly, alors qu'il l'avait toujours fait avec les autres. Il lui avait simplement dit qu'il en ferait part à l'intéressé – donc Harry – dès que celui-ci aurait, d'une : atteint sa majorité et de deux : terminé ses études à Poudlard…

La réponse n'avait pas convenu à Molly Weasley qui était plutôt pressée et elle était passée par Remus Lupin pour atteindre Sirius Black, tenancier du titre inutilisé de parrain…

Bien sûr, Sirius avait accepté. C'était une corvée de moins pour lui ! Il n'aurait pas à rentrer dans le Londres humide et glacé de ses souvenirs – au diable l'été et son mois d'Août caniculaire – pour se farcir des transactions de mariage pour le fils de James, dont il n'avait que faire ou presque. Le gamin n'avait rien en commun avec son père, il était bien trop sérieux et bosseur, et pire… il appréciait, selon Remus, la compagnie plus que douteuse de ce bâtard graisseux de Servilus. Si Siri n'avait pas aussi bien connu Lily, il aurait eu des doutes sur la paternité de son meilleur ami, mais voilà, Harry ressemblait physiquement à son père, à défaut d'autre chose.

— Tu l'as dit à tes parents, alors ? demanda le jeune sorcier balafré à son amie toujours vautrée sur le canapé.

— Oui, confirma-t-elle en hochant la tête pour renforcer sa réponse. Je ne vous raconte même pas la tronche qu'ils ont faite. Ma mère ne voulait plus que je revienne à l'école, ou dans le Monde Magique tout court. Mais mon père a dit que puisqu'ils avaient déjà payé l'année et aussi les six précédentes, il serait parfaitement idiot de ne pas terminer ma scolarité et de rater mes examens. Je vous rappelle pour la énième fois qu'on va avoir besoin du certificat d'équivalence pour entrer à l'Université. Enfin… pour ceux qui veulent y aller…

— Nan, moi, je vais aller travailler avec mon pépé, révéla Seamus avec un large sourire. Ouais, mon grand-père paternel tient un pub irlandais et il n'arrête pas de dire qu'il se fait vieux pour ça. Comme j'ai toujours aimé aller chez lui et traîner dans le pub, je vais aller bosser comme barman, et ensuite je reprendrai la direction de l'établissement, dans quelques années quoi. Je vous dis même pas comme Pépé était content quand je lui en ai parlé !

Cette déclaration fit sourire Dean, Hermione et Harry. Au moins leur ami avait un avenir tout tracé. Dean avait un moment eu l'idée de devenir Auror, mais un Auror c'était un sorcier travaillant pour le Monde Magique et donc devant y vivre également. Le jeune black avait rapidement réalisé qu'il serait tout aussi avantageux qu'il entre dans la police locale ou mieux à Scotland Yard. Il ferait quelque chose de plaisant pour lui et en plus ne serait plus soumis aux délires rétrogrades du Monde Magique.

Mione n'avait pas encore décidé de son futur cursus universitaire… Le droit la tentait bien, mais plusieurs autres choses aussi.

Harry, lui, était complètement paumé. Il n'avait strictement aucune idée de ce qu'il allait faire après ses ASPICs. Minerva s'était mise dans la tête qu'il allait devenir Auror mais encore une fois, personne ne lui avait vraiment demandé son avis. Comme d'habitude…

— De toute façon, je refuserai chaque demande en mariage qui maintenant me parviendra en main propre, puisque je suis majeur. Et je me fous complètement que ça plaise ou non, ou même que ça créé des tensions entre familles. Dès mes ASPICs obtenus, je le redis : je me casse !

Ce fut la parole qui clôtura la soirée. Le petit groupe se releva, défroissa ses vêtements, remit ses pantoufles pour Dean et se dirigea en silence vers ses dortoirs respectifs.

Harry Potter l'ignorait, mais c'était la dernière fois qu'il confiait à ses amis son intention de partir du Monde Magique, du moins en tant que projet. La prochaine fois, ce serait pour fuir Poudlard, les sorciers, les journaux, le Ministère et par-dessus tout Dolorès Ombrage.


1 Sandales de style antique, faites de lanières de cuir croisées