Bêta : Mokonalex
Assistante/Elfe de Maison/Infirmière : Mirabelle31
Note de l'auteur : Voilà la seconde partie des "bannis". Il faudra vous en contenter un moment car je ne sais pas quand je pourrai reprendre l'écriture, ni combien de temps durera ma convalescence. Merci pour vos encouragements et voeux de rétablissement.
Bonne lecture
Arthur Weasley était installé à un bout de la longue table de la cuisine, contrairement à son habitude car c'était normalement la place de Molly. Le visage fermé, il regardait l'un après l'autre, ses enfants qui avaient pris place de chaque côté de ladite table. Bill et Charlie, joins par cheminette, avaient réussi à se faire remplacer pour l'après-midi. Les dragons avaient besoin d'être gardés en permanence, week-end ou pas, ainsi que les trésors récupérés au nez et à la barbe des égyptologues moldus. Tous deux affichaient une mine inquiète car leur mère leur avait annoncé un conseil de famille impromptu. Les deux aînés ignoraient la raison de cette réunion et s'en inquiétaient vivement. Bien entendu, Molly avait refusé de dévoiler quoi que ce soit avant que tout le monde ne soit réuni.
Juste après le repas de midi, Cornélius Fudge avait appelé Arthur par cheminette et s'était plaint de Percy et de Ron. Le Ministre n'avait pas digéré les remontrances publiques de Dumbledore et avait passé sa mauvaise humeur sur le Directeur du Bureau des Détournements de l'Artisanat Moldu. Arthur en avait profité pour interroger habilement Cornélius sur les évènements de sa matinée et le petit homme au chapeau melon vert ne s'était pas fait prier pour lui raconter absolument tous les détails. Afin de calmer son supérieur, le rouquin avait pris fait et cause pour lui, et affichant une mine sévère et outrée, avait promis de sévir et de morigéner ses enfants.
À peine Fudge avait-il coupé la communication que la cheminée s'était rallumée, et que la tête d'Albus Dumbledore était apparue dans les flammes vertes. Le vieux mage avait raconté au père déboussolé ce qui s'était vraiment passé à Poudlard et Arthur était depuis fou de rage après Ronald. Il excusait quelque peu Percy qui visiblement avait été abusé par son frère. Quiconque connaissait Percy Weasley savait que le garçon avait avalé un Code Pénal Magique et allait réagir au quart de tour.
Dès son arrivée au Terrier, Percy s'était vu reprocher sa naïveté par son père.
— Mais enfin, Percy, tu sais comment est Ron ! Il a toujours aimé faire des histoires aux autres en racontant des choses plus ou moins inventées. Tu le sais pourtant ! Combien de fois il a tenté de faire punir les jumeaux ou même toi lorsqu'il était plus jeune ?
L'ancien Préfet avait alors compris que son frère s'était encore servi de lui. Comme autrefois…
Lorsque ce petit mécréant – renvoyé de Poudlard deux semaines, encore en plus – allait réapparaître au Terrier, il allait lui passer un de ces savons ! Foi de Percy Weasley !
Il n'était pas question qu'un de ses frères se serve de lui et lui cause des soucis avec son supérieur hiérarchique qui n'était autre que le Ministre lui-même !
Molly avait transplané jusqu'à la gare de King's Cross à l'heure prévue pour le retour de Ron. Arrivée deux ou trois minutes en avance, elle avait vu le Poudlard Express s'immobiliser sur le quai 9 ¾ et regardé son fils en descendre, la mine revêche, entouré des quelques habitants de Pré-Au-Lard qui avaient à faire à Londres ce jour là : une mère visiblement débordée, accompagnée de quatre enfants en bas âge.
Comme Arthur l'avait craint en son for intérieur, son épouse n'avait rien reproché à Ron. Elle l'avait écouté se répandre en lamentations et s'horrifier de l'anormalité et de la déviance officiellement révélée du Sauveur et de son complice, le sale Mangemort Rogue.
Lorsqu'ils étaient rentrés au Terrier, la donne avait changé. Arthur connaissait tous les détails grâce à Dumbledore et si Molly était assez aveugle et bourrée de préjugés pour croire Ron et abonder en son sens, lui ne marchait pas ! Ronald avait été conduit dans une chambre déserte où son père lui avait fait la leçon et passé un savon mémorable. Chose inédite pour le rouquin, il s'était pris deux ou trois maléfices cuisants qui allaient l'empêcher de s'asseoir confortablement pendant quelques heures voire quelques jours.
Bill et Charlie conversaient à voix basse assis l'un près de l'autre du côté gauche de la table. Percy s'était installé à droite à la première place, sa mère ayant choisi la seconde. Ron boudait à côté d'elle : il n'avait pas digéré l'accueil que son père lui avait réservé à son arrivée à la maison, ni les reproches amplement mérités d'un Percy vexé. Molly sirotait une tasse de thé et grignotait un triton au gingembre dont elle avait emprunté la recette à Minerva McGonagall. La famille n'attendait plus que les jumeaux qui étaient en retard. De temps en temps, Charlie prenait un biscuit dans l'assiette fendue qui trônait au milieu de la table au bois usé et en profitait pour regarder son père qui semblait contrarié voire même passablement furieux. Visiblement, le sujet qui allait être abordé pendant ce conseil de famille très inattendu devait avoir une très grande importance. Les deux aînés n'avaient pas manqué de remarquer que Ginny, leur cadette, était absente. Etait-ce d'elle dont il allait s'agir ? Mais la mine renfrognée de Ron, son absence de Poudlard et sa malle abandonnée récemment près de la porte d'entrée ne disaient rien qui vaille. Ce petit gredin avait-il été renvoyé ? Si oui, pour quelle raison ?
Alors que les deux garçons essayaient de trouver seuls les réponses à leurs questions, deux cracs de transplanage leur parvinrent de l'extérieur. Deux silhouettes sombres apparurent à travers le rideau de dentelle ornant la vitre de la porte de la cuisine qui donnait sur la basse-cour. Ladite porte s'ouvrit alors et les jumeaux entrèrent avec un large sourire. Ron les toisa des pieds à la tête et afficha une mine horrifiée. La jalousie étreignit alors son cœur à la vue des blousons tous neufs en magnifique cuir de dragon et des bottines assorties des jumeaux.
Charlie les admira d'un œil critique.
— Mazette ! Du Noir des Hébrides ! Mais comment avez-vous fait ? Ça coûte la peau des… hum ! termina-t-il en jetant un regard inquiet vers la matrone qui s'était figée en l'entendant.
— On a comme client… débuta Fred.
— … un mec très sympa, poursuivit George.
— Oui, le fils McFusty… de la famille McFusty qui s'occupe des dragons dans cette région des Hébrides, termina Fred avec un petit sourire narquois en voyant les yeux de Charlie s'écarquiller de surprise.
— Vous et moi, nous allons avoir une petite discussion avant ce soir ! fit-il avec un air avide.
Tandis que les jumeaux, qui ignoraient également la raison de leur présence, saluaient tout le monde, Charlie afficha un air rêveur qui amusa son frère Bill. Le garçon aux cheveux longs n'avait pas été sans remarquer la tête de Ron et la façon dont il regardait actuellement ses frères jumeaux. Sa colère et sa jalousie étaient nettement visibles sur son visage et un coup d'œil vers Arthur lui indiqua que le sorcier l'avait également remarqué. Ron allait devoir se calmer car la jalousie n'était pas quelque chose que le patriarche allait laisser passer.
— Asseyez-vous, les jumeaux ! fit Arthur d'une voix paisible après avoir subi leurs effusions habituelles.
Comme d'habitude, ils en avaient rajouté et couvert leur père de baisers baveux et sonores qui l'avaient fait sourire. Molly n'avait reçu qu'un vague bonjour, preuve que les deux garçons n'avaient toujours pas digéré l'épisode du contrat de mariage imposé à Harry Potter.
Tous deux prirent place à côté de Charlie, laissant leur mère encadrée de Percy et Ron. C'était leur façon de montrer ostensiblement leur camp. S'ils étaient là pour un contrat de mariage quelconque, leur opinion allait vite être connue…
— Que fait Ronnichou ici ? s'étonna alors George en dévisageant son petit frère, les yeux plissés de suspicion.
— Oui, Ronnichounet à sa Maman… ricana Fred, que fais-tu là ? Ne nous dis pas que tu t'es fait renvoyer de Poudlard ?
— Et n'espère même pas qu'on va t'embaucher chez nous, coupa George qui se demanda alors si ce n'était pas la raison de leur présence.
— Ce n'est pas le sujet de notre réunion, trancha Arthur alors que toutes les têtes se tournaient vers lui. Ce conseil de famille est dû exclusivement à l'initiative de votre mère qui vous a tous convoqués. Sauf Ron… qui n'aurait même jamais dû être là, mais à Poudlard. Comme les jumeaux l'ont deviné, Ronald a été renvoyé de l'école pour deux semaines. Albus Dumbledore est furieux après lui et d'après ce que je sais, Minerva McGonagall également.
— Ne mets pas tout sur le dos de Ron ! protesta Molly qui brandissait à présent la Gazette du Sorcier qu'elle venait de sortir de la poche de son vieux tablier publicitaire.
La rouquine déplia le quotidien et l'étala sur la table de façon à ce que la Une soit visible par tous, du moins ceux qui n'étaient pas au courant : les quatre assis en face d'elle.
— Harry Potter et Severus Rogue ont été jugés ce matin pour le crime de bougrerie ! Tout a été révélé par la Gazette d'aujourd'hui. Rita a tout raconté dans son article et Percy était au procès !
— Le délit de bougrerie, la coupa Arthur avec insistance. Je te rappelle, Molly, que ce n'est plus un crime depuis de très longues années.
— C'est exact. Depuis 1976 précisément, indiqua Percy avec un air affecté et le menton en l'air style Malefoy. Albus Dumbledore a fait supprimer la peine capitale pour ce crime en 1972 et il a été requalifié en simple délit en 1976. Depuis cette date, on n'envoie plus les homosexuels en prison.
— Peu importe ! s'énerva Molly en frappant le journal du plat de sa main. Tout ce qui nous intéresse c'est que Potter est un déviant et que nous ne pouvons plus cautionner sa présence au Terrier. Il n'est pas question que son anormalité nous retombe dessus. Je refuse que votre père, moi-même ou l'un d'entre vous devienne suspect aux yeux du Ministère parce que nous fréquentons un pervers !
Charlie pâlit et se figea, la bouche soudain sèche. Il avala difficilement sa salive et échangea un regard avec Bill qui semblait lui aussi passablement surpris. Les jumeaux avaient eux aussi échangé un regard mais bien plus inquiet que celui de Charlie avec Bill. Par les chaussettes trouées de Merlin, Harry s'était fait attraper ! Comment était-ce arrivé ? Ils lui avaient pourtant fait les plus sérieuses recommandations et donné plein de trucs pour rester discret.
— C'est dans le journal ? fit alors Fred.
Molly hocha la tête sans un mot et Fred prit alors le quotidien. Bill remarqua que Ron regardait tout autour de lui, mais sans jamais croiser le regard d'un de ses aînés. Cette attitude était pour le moins curieuse et même suspecte. On aurait dit qu'il avait des choses à se reprocher.
— Lis-nous l'article, Fred, demanda alors Bill en se penchant en avant pour le regarder.
D'une voix assurée et tandis que George lisait silencieusement près de lui, Fred commença sa lecture de l'article de Rita. On aurait entendu une mouche voler dans la cuisine du Terrier. Lorsque le garçon eut terminé et reposé le journal sur la table, Charlie bouillait sur place et fusillait Ron du regard. Il ne put s'empêcher de l'invectiver copieusement.
— Tu es responsable de ce gâchis ? Tu as dénoncé Harry et Severus à Ombrage ? Pour… pour un baiser ? Un simple baiser ? COMMENT AS-TU OSÉ ?
Le gardien de dragons était si furieux qu'il en postillonnait largement par-dessus la table.
— IL A EU RAISON ! l'interrompit leur mère en frappant de nouveau la table du poing.
— J'ignorais que faire le bon vouloir des Malefoy faisait partie des priorités de cette famille, répliqua alors Charlie en fixant Molly droit dans les yeux.
Elle eut le bon goût de grimacer, ne pouvant nier ce fait. Ron était malheureusement obligé de rendre des comptes à Drago Malefoy lorsqu'il exerçait les fonctions de Membre de la Brigade Inquisitoriale.
— Je ne vois pas pourquoi nous avons été convoqués, fit alors Fred sous les hochements de tête de George et de Bill. Tout ceci ne nous regarde pas. L'orientation sexuelle d'Harry ne nous concerne en rien et ne devrait pas regarder non plus le commun des mortels. S'il est en couple avec Rogue, où est le problème ? Je n'ai jamais compris l'attitude des sorciers à ce sujet. C'est d'un rétrogradisme affligeant !
— Oui, totalement affligeant ! insista George avec un sourire narquois.
Ron était horrifié et sa mâchoire pendouillait pratiquement de façon ridicule. Percy était rouge comme une écrevisse bien cuite et Arthur tentait de dissimuler un petit sourire de satisfaction.
— Je suis entièrement d'accord avec les jumeaux, affirma alors Charlie en hochant vigoureusement le chef. Il n'y a vraiment qu'ici que c'est comme ça ! En Roumanie, on n'a pas tout ce cirque, c'est–
— NOUS NE SOMMES PAS EN ROUMANIE ! l'interrompit Molly, maintenant plus qu'énervée. Nous sommes au Royaume Uni Magique et il n'est pas question de tolérer un tel comportement inadmissible. Je refuse de côtoyer des déviants, des sodomites ! J'ai l'intention d'envoyer un hibou longue distance à Sirius pour le mettre au courant car je ne sais pas si Remus a lu la Gazette ce matin. Je ne sais même pas s'il est au Square Grimmaurd ou ailleurs.
— Je refuse que tu te mêles de cette histoire, Molly, fit alors tranquillement Arthur. Ma famille ne sera pas connue comme intolérante et homophobe. Je ne refuserai jamais une poignée de main à Harry Potter ni à Severus Rogue. Les Moldus montrent beaucoup plus de tolérance que nous autres sorciers, qui sommes pourtant censés être supérieurs, non ? Ce sont bien les critères sang-pur que tu connais depuis ta naissance, pas vrai Molly ? Or les Moldus peuvent s'unir entre personnes de même sexe. Ils ont une sorte d'union, de contrat officiel pour ces gens et ils peuvent même adopter des enfants ensuite comme une famille classique.
— C'EST SCANDALEUX ! ET JE REFUSE DE CAUTIONNER CES INFAMIES !
— Assieds-toi, Molly, poursuivit Arthur d'une voix polaire. Ici, c'est moi qui commande et il serait peut-être temps que tu t'en souviennes. Je t'ai laissée faire bien trop longtemps et nous voyons maintenant où ça nous a menés !
— OUAIS ! firent en chœur les jumeaux, GO ! PAPA ! GO !
— Tu as monté Harry Potter contre notre famille en organisant un mariage avec Ginny alors que j'étais contre et que je te l'avais bien signifié. Tu as laissé Ron s'embrigader dans cette stupide organisation d'Ombrage – TAIS-TOI, PERCY ! – alors que je t'avais dit que ce n'était pas une bonne idée.
Le rouquin à lunettes, qui avait voulu protester et défendre Dolorès, se ratatina sur son banc, surpris et inquiet de cet éclat. Jamais Arthur ne haussait le ton, ni ne prenait position de quelque façon que ce soit. Jamais il ne les disputait non plus et jamais il n'avait levé la main sur eux, même lors de leurs pires bêtises. C'était Molly qui s'était toujours chargée de la discipline.
— Je disais donc que Ron s'est soumis à Ombrage et pire à un Malefoy. Honte à lui ! Et ceci au détriment de son meilleur ami ! À cause de Ron et de sa stupidité cautionnée par toi, Molly, il a été renvoyé quinze jours de Poudlard. Dumbledore est furieux contre lui, Minerva également ! Et je ne parle même pas de Cornélius qui m'a appelé tout à l'heure pour se plaindre de Percy qui selon lui est trop naïf et a cru les délires mesquins de son frère. Si jamais Percy ne reçoit pas d'avancement selon ses mérites, nous saurons pourquoi !
Le susnommé Percy leva la tête et afficha une mine absolument livide et horrifiée.
— Le Ministre Fudge ? Il… Il est fâché contre moi ? Mais… mais je croyais… je pensais… mon devoir, juste mon devoir… protéger… Poudlard… déviants, hors-la-loi…
— Il serait plus que temps que tu revoies tes priorités, Percy. Et écouter Ron n'en a jamais été une. Tu sais très bien que c'est un fanfaron et un mythomane. Il a joué à ce jeu toute votre enfance !
— Hééééé ! protesta Ron, vexé et les oreilles écarlates.
— Arthur, ça suffit ! pesta Molly d'une voix venimeuse en tordant son torchon dans tous les sens. Je ne te laisserai pas dénigrer ainsi mes enfants, au profit de dépravés de la pire espèce ! Je sais pourquoi tu agis ainsi ! C'est à cause de ce sale petit vaurien de Kyle Nutcombe !
Le chef de famille se figea et devint carrément pâle comme la mort. Son regard se fit vague et Bill crut même apercevoir des larmes se former dans ses yeux clairs.
— Kyle Nutcombe ? fit alors Percy les sourcils froncés. Je connais ce nom, c'est celui du dernier sodomite qui a été exécuté en 1965. Que vient-il faire dans cette affaire ?
— Et bien dis-le, Arthur ! s'exclama Molly avec froideur. Raconte donc à tes enfants que tu avais un pervers monstrueux pour meilleur ami ! Un sodomite ! Oui, Percy ! Ce Nutcombe de triste mémoire était le meilleur ami de ton père !
— KYLE N'ETAIT PAS UN SODOMITE ! vociféra Arthur qui se leva de sa chaise, hors de lui à présent.
Surpris, les membres de sa famille reculèrent dans leurs sièges et le regardèrent avec stupeur voire inquiétude.
— Kyle était un gentil garçon. Il n'avait que quinze ans et n'avait jamais fait le moindre mal à quiconque. Ce n'était pas un sodomite, il était vierge ! Il a été exécuté pour un baiser, un simple baiser à un jeune Moldu. Un de ses cousins au sang-pur l'a dénoncé et il a été arrêté, jugé et expédié à Azkaban où il a été exécuté en quelques jours. Sa mère s'est ensuite donné la mort et son père a… disparu. On ne l'a jamais revu. Une famille brisée, une jeune vie… perdue à jamais. Pour un baiser… pour simplement un baiser… Comme Harry et Severus. Et je n'ai plus jamais eu le droit de prononcer son nom… On me l'a interdit.
Deux larmes avaient fait leur chemin sur les joues légèrement ridées d'Arthur qui gardait à présent la tête baissée. Il se rassit et se tut, attendant les réactions qui n'allaient pas manquer de se faire connaître. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas parlé de Kyle à quelqu'un. Des décennies, même… Il avait pensé à lui tous les jours depuis leurs quinze ans, mais en secret, car il lui avait été interdit de même prononcer son nom. Mais maintenant, c'était terminé…
— Tu étais ami avec un sale pervers ? s'horrifia Ron qui décidemment persistait dans sa bêtise et ne savait jamais quand la fermer.
— TA GUEULE, RON !
Charlie en avait plus que soupé de l'intolérance de Ron, Percy et Molly. Il était persuadé que Ginny était à mettre dans le même sac puisqu'elle s'était rendue complice de la tentative de contrat de mariage forcé avec Harry Potter. Il comprenait soudain tout ce que son père avait dû endurer depuis son adolescence : la perte de ce meilleur ami dont il n'avait jamais entendu parler, alors qu'il avait l'air d'avoir beaucoup compté pour Arthur… et le musellement en règle par ses proches pendant des années.
— Si l'un d'entre nous était gay, tu le traiterais comme ça aussi, Maman ? tenta Charlie, profondément meurtri. Tu l'insulterais et le mettrais plus bas que terre ? Personne n'aurait plus l'autorisation de prononcer son nom ? Parce que c'est que tu as imposé à P'pa, pas vrai ? D'abord Grand-père et Grand-mère Weasley, et puis toi ! Peut-être même aussi Grand-père Prewett. C'est absolument immonde ! Je refuse de rester dans la même pièce que des homophobes acharnés, des intolérants de la pire espèce ! Je retourne en Roumanie immédiatement. P'pa, Bill, les jumeaux, c'est quand vous voulez pour vous. Les autres, je m'en passerai sans problème. Nous ne faisons pas partie du même monde. Fred, George, assurez Harry et Severus de tout mon soutien, si vous les voyez.
— Pas d'souci, vieux frère… fit George.
— On t'enverra des hiboux, mec, termina Fred en lui tapant sur l'épaule.
Charlie s'était levé et se dirigeait vers la cheminée quand une voix de crécelle l'interrompit.
— TU NE PEUX PAS PARTIR COMME CA ! JE TE L'INTERDIS ! EXCUSE-TOI IMMEDIATEMENT, CHARLES SEPTIMUS WEASLEY !
— Avec tout le respect que je te dois, M'man, va te faire voir chez les Trolls.
Charlie prit une poignée de poudre verte dans le vieux pot de fleur posé sur le linteau de la cheminée et la jeta dans les flammes mourantes qui ne réchauffaient plus la pièce.
— Charlie, attends, je viens avec toi, fit Bill en se levant. J'ai à faire en Egypte, j'ai un rendez-vous urgent d'ailleurs et je ne peux pas le remettre[1]. J'aurais pu si j'avais eu une raison valable, mais prendre tout un après-midi de congé pour renier officiellement Harry Potter, non merci, ça ne vaut pas le coup. P'pa, je t'appelle au bureau demain. Les jumeaux, passez le bonjour à Harry et Rogue. À plus.
Charlie et Bill entrèrent dans les flammes vertes d'un seul mouvement et on entendit juste le second fils crier « Cheminette internationale de Heathrow ! »
Arthur avait tellement été surpris par ses fils aînés qu'il en avait eu la parole coupée. Ses deux grands le soutenaient, tout comme les jumeaux visiblement. Ils allaient l'appeler au bureau et lui envoyer des hiboux très certainement. Ils ne lui avaient pas reproché sa prise de position, son soutien à Harry et Severus, ni même son amitié avec Kyle que Molly avait mise sur le tapis afin de semer le trouble dans les esprits. Une grosse bouffée d'affection et de tendresse paternelle l'envahit alors à la pensée de ces quatre fils-là. Ils avaient été élevés de la même façon que ses trois autres enfants et se comportaient pourtant comme le jour et la nuit. Avec un air un peu peiné, il regarda Ron et Percy et soupira ostensiblement devant tant d'étroitesse d'esprit. Son regard se tourna vers Molly qui, la bouche pincée et le cheveu en bataille, fixait l'âtre de la cheminée, le souffle court et une cuillère en bois à la main.
— Je vais leur faire passer l'envie de se moquer de moi ! gronda-t-elle.
Puis fixant les jumeaux qui venaient d'annoncer à la cantonade qu'ils rentraient au Chemin de traverse, elle affirma que s'ils ne retiraient pas leurs paroles ni leur soutien aux deux dépravés récemment démasqués, ils allaient goûter de sa cuillère en bois comme lorsqu'ils avaient dix ans et faisaient sottise sur sottise.
— Il n'en est pas question, Molly ! s'énerva alors Arthur dont la patience avait atteint ses limites. Tu vas me ranger cette foutue cuillère avant que je ne te fasse goûter à ta potion, et crois-moi, je n'hésiterai pas, tu abuses de ma patience ! D'ailleurs, tu en abuses depuis trop longtemps ! À présent, c'est moi qui prendrai les décisions dans cette famille, et TU LA FERMERAS si tu ne veux pas avoir le cul rouge, Molly !
— COMMENT OSES-TU ME DIRE DES HORREURS PAREILLES DEVANT LES ENFANTS ?
Le faisceau rouge pâle typique des maléfices cuisants sorti alors de la baguette avec laquelle le sorcier chauve jouait machinalement depuis quelques minutes. Il atteignit la main de Molly qui tenait la cuillère en bois et l'ustensile tomba sur le sol avec un bruit mat tandis que la sorcière poussait un petit cri de surprise et de douleur.
— Et toi, tu vas me parler autrement ! C'est moi qui commande ici et j'aimerais que tu cesses enfin de l'oublier. Personne ne dira du mal d'Harry Potter dans cette maison et il sera reçu ici comme autrefois, s'il accepte de revenir et même si nous devons être plus discrets qu'auparavant. Et bien sûr, Severus sera le bienvenu également.
— Bravo, P'pa ! fit Fred avec un large sourire. On doit filer, on t'appellera.
— Oui, on t'appellera et on se fera une bouffe un midi. Le Dragon Vert est super chouette, tu verras.
— Le Dragon Vert ? s'extasia bruyamment Ron avec des étoiles plein les yeux. J'veux v'nir aussi, j'veux v'nir aussi !
— Dans tes rêves, Ron ! Si tu étais moins stupide et borné peut-être qu'on t'aurait invité, mais on ne sort pas dans les restos de luxe avec un bouffon renvoyé de Poudlard ! ricana George.
— Pas de laquais d'Ombrage au Dragon Vert ! termina Fred avec un rictus un peu cruel.
— Rentrez bien, les enfants, fit alors Arthur pour clore la conversation, tandis que les jumeaux disparaissaient dans la cheminée.
Harry et Severus avaient quitté Albus Dumbledore après leur encas post arrestation et procès et ils avaient rejoint l'appartement des cachots. Le Maître des Potions avait vingt-quatre heures pour quitter le château. Planté au milieu de son salon, il regardait tout autour de lui le décor qui avait été le sien pendant près de dix-huit ans. Après avoir obtenu son diplôme de fin d'études à Poudlard, Severus était resté sur place. Pendant deux ans, il avait été l'apprenti d'Horace Slughorn son prédécesseur, et il avait été logé dans cet appartement. Ensuite, Slughorn avait pris sa retraite et Severus avait obtenu son poste, bien qu'il eût espéré à l'époque avoir celui de Défense Contre Les Forces du Mal, même pour une seule année. Se plaisant bien dans son logis, le nouveau professeur n'avait pas souhaité déménager pour l'ancien appartement d'Horace, pourtant bien plus chaud et mieux placé.
Non, son appartement des cachots lui convenait et il n'avait jamais songé qu'il en aurait été chassé comme un malpropre. Il soupira en pensant qu'il fallait qu'il commence à emballer toutes ses affaires.
Une lueur d'inquiétude dans le regard, Harry avait suivi le cheminement de pensée de son compagnon. Du couple, il était celui qui allait perdre le plus. En fait, il avait même tout perdu si on devait être honnête… À part sa baguette, il ne lui restait plus rien, et bientôt le Monde Magique lui fermerait définitivement ses accès. Une fois la porte du Chaudron Baveur franchie vers le Monde Moldu, elle ne se rouvrirait plus pour lui. Pauvre Severus… tout ça pour un baiser, une porte non verrouillée et un filleul doublé d'un crétin.
Il ne l'emporterait pas au Paradis, foi de Potter. Et si jamais le jeune Sauveur croisait ce sale serpent à la botte de la folle en rose dans les couloirs, il allait lui faire passer un sale quart d'heure… Et chaque membre de la Brigade Inquisitoriale avec lui ! Ils voulaient la guerre ? Ils allaient l'avoir… et chaque élève qui lui pourrirait dorénavant la vie, allait trouver à qui parler.
— Sev', on va demander à Dobby de réduire et d'emballer toutes tes affaires. Profites-en pour faire un peu de tri dans tes bocaux, au cas où des choses seraient périmées.
— Rien n'est périmé, fit Severus d'une petite voix très inhabituelle.
— Ça ne m'étonne pas du tout de toi, tenta de le consoler Harry en s'approchant du sorcier pour le serrer contre lui par derrière.
Les bras du jeune Gryffondor se refermèrent sur la taille fine du Maître des Potions et il posa sa joue contre l'une des omoplates de l'homme. Severus lui caressa alors l'avant-bras et entrelaça les doigts d'Harry avec les siens.
— N'oublie pas de m'envoyer un hibou si tu as besoin d'or ou de quelque chose d'autre, murmura Harry toujours contre le dos de son amant. Je viendrai te voir régulièrement, même si je dois me faufiler hors de Poudlard sous ma cape d'invisibilité pour transplaner hors des barrières magiques. Autant qu'elle serve à quelque chose…
— Je crois que je devrais me mettre au travail, dit alors Severus, la mort dans l'âme.
— Dobby va nous aider ! DOBBY ! cria Harry en s'écartant de son amant pour ne pas perturber l'Elfe de Maison.
— Harry Potter, Monsieur, a demandé l'aide de Dobby ? s'extasia la petite créature grise. Ooooh ! Harry Potter est un grand sorcier !
— Heuuu… merci Dobby. Oui, nous avons besoin de ton aide. Le Professeur Rogue doit déménager. Il quitte Poudlard. Nous devons donc emballer toutes ses affaires personnelles et les réduire, tu vois ce que je veux dire ?
— Oh, oui Harry Potter, Monsieur. Dobby a compris. C'est très facile pour nous les Elfes. Dobby aime les déménagements. Mais où va le Professeur Rogue ? Dobby peut installer ses affaires dans ses nouveaux quartiers.
Harry soupira et se rendit compte que l'Elfe ne comprenait pas que Severus avait été renvoyé. À vrai dire, si personne n'avait prévenu les Elfes de l'école, ils n'avaient aucune raison de le savoir. C'était que la nouvelle était plutôt récente...
— Il faut juste tout mettre dans des cartons, Dobby. Severus est renvoyé de l'école ainsi que du Monde Magique. Il n'aura plus le droit de revenir. Il devra rester dans le Monde Moldu. C'est étonnant que tu ne le saches pas, Fudge l'a annoncé au petit déjeuner.
Le Professeur Rogue se détourna d'Harry et de l'Elfe, ne voulant pas voir la réaction de la petite créature servile. Être jugé et rejeté par ses pairs était déjà terriblement humiliant, mais voir le dégoût dans les yeux des Elfes de Maison serait plus qu'il n'en pourrait supporter.
— Professeur Rogue renvoyé ? s'horrifia Dobby en tordant ses grandes oreilles. Alors Serpentard abandonné, élèves vert et argent abandonnés, Harry Potter abandonné ? Méchants, méchants sorciers !
— Comment ça, Harry Potter abandonné ? s'étonna le Gryffondor. Dobby… ? Que sais-tu exactement de notre relation, hein ?
— Dobby sait que son Harry Potter dort très souvent avec le Professeur Rogue. Dobby sait que leurs magies sont unies et que rien ne pourra les séparer.
Severus s'était retourné en entendant les explications de l'Elfe. Harry, lui, était plus rouge que les bannières de Gryffondor tapissant les murs de l'appartement de Minerva McGonagall.
— Heuuuu… oui… Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de magies unies, Dobby ? demanda Harry très intéressé, en s'accroupissant à la hauteur de l'Elfe.
Severus Rogue, lui aussi, était plus qu'intrigué par cette déclaration. Visiblement, Dobby en savait bien plus qu'on aurait pu le penser. D'ailleurs, il semblait même au courant de tout, y compris des détails scabreux. L'Elfe les aurait-il espionnés pendant qu'Harry et lui avait des relations sexuelles ? Rien que cette pensée lui ôtait toute envie de recommencer en ces lieux. Par le chaudron percé de Merlin, décidément rien ne lui aurait été épargné !
— Les Elfes perçoivent les effluves de magie lorsqu'elles sortent des corps des sorciers pour chercher leurs compagnes. Dobby a vu le ballet des magies d'Harry Potter et Severus Rogue. Très belles magies, très belle danse ! Union parfaite, Harry Potter, Monsieur !
Harry et Severus échangèrent un regard horrifié. Dobby les avait vus faire l'amour ? Mais alors, les autres Elfes de Poudlard aussi très certainement ! Ils en frissonnèrent d'effroi mais l'Elfe ne sembla pas s'en rendre compte et continua de couver « son Harry Potter Monsieur » avec un regard extasié.
— Dobby, tenta alors Severus, intrigué. Est-ce que ce ballet de magie est une chose commune que vous voyez souvent ?
— Non, Professeur Rogue, Monsieur. Les Elfes connaissent mais n'avaient jamais vu. Même les plus anciens qui sont là depuis trois cent ans. Et ils n'avaient jamais entendu un ancien Elfe leur raconter en avoir vu, dans leur jeunesse.
— Merci Dobby. C'était… heuu… très intéressant, conclut Harry en lançant un regard lourd à Severus.
Dès que le petit Elfe de Maison aurait quitté l'appartement, ils en discuteraient bien tranquillement.
— Tu peux nous aider à tout emballer ?
— Voilà, Harry Potter, Monsieur, répondit alors Dobby en claquant des doigts au dessus de sa tête.
À la grande surprise des occupants des lieux, un carton de taille moyenne se matérialisa devant eux et ils se rendirent compte que tout ce que l'appartement contenait d'objets personnels avait disparu et se trouvait déjà miniaturisé dans la boite. N'attendant aucun remerciement, Dobby s'évanouit dans les airs avec le « pop » typique qui accompagnait toujours le départ des Elfes.
— C'est… c'est tout ? balbutia Harry en regardant autour de lui avec perplexité. Il a claqué des doigts et tout est allé dans le carton ?
— On le dirait bien, fit Severus qui était aussi surpris que son amant.
Les deux hommes examinèrent l'appartement avec soin, mais ils durent se rendre à l'évidence, il ne restait rien de personnel. Les murs avaient été débarrassés des tentures et fanions aux couleurs de la Maison Serpentard. Il n'y avait plus aucun tableau personnel ni aucune gravure. Les coussins et tapis ainsi que les quelques bibelots et photos que le Maître des cachots possédait n'étaient plus là. Ses bibliothèques et son armoire personnelle à potions et ingrédients étaient vides ! De façon identique, il ne restait dans la salle de bain et la chambre à coucher que le linge de maison appartenant au château, comme les serviettes de toilette, les draps et couvertures.
— Voilà… soupira Severus, démoralisé. Deux décennies de ma vie effacées en un claquement de doigts. Plus, si on considère que Poudlard a été ma maison depuis que j'y suis entré à l'âge de onze ans.
— Ne t'en fais pas, Sev'… nos vie ne font que commencer. Ce n'est pas parce que le Monde Magique nous rejette que nous n'allons pas nous en sortir. Nous avons jusqu'à demain matin, pas vrai ? Bien. Alors nous allons dîner ici ce soir, et y petit déjeuner demain matin. En attendant, nous allons trouver… de l'occupation.
Le regard plein de concupiscence du jeune sorcier fit lever un sourcil au ténébreux ex-professeur.
— Je te rappelle que les Elfes ont visiblement eu le spectacle de leur vie récemment dans ces cachots. Je n'ai aucune intention ni envie de faire un remake, Harry. Rien que de les imaginer dans la pièce, invisibles et vautrés confortablement comme au cinéma me rend malade. Et pourquoi pas en train de se gaver de popcorn ? Non, non… hors de question !
— Voyons… il n'existe pas des barrières magiques pour éloigner les Elfes de Maison ou les empêcher de pénétrer dans un lieu précis ?
— Si. Maintenant que tu le dis… oui. Ça existe ! Mais par Merlin, je n'y avais jamais songé !
— Oui, évidemment, tu n'avais aucune raison, avant. C'est pas comme si tu étais chez toi, en plus. Je veux dire, tu n'es pas propriétaire de Poudlard, pouffa Harry amusé et à présent soulagé. Mets une de ces barrières dans la chambre. Je refuse de te quitter sans t'avoir complètement épuisé ! Héhéhéhéhé !
— M'épuiser, hein ? Tu parles vraiment trop, Potter ! Tu veux vraiment que je te le prouve ?
Severus sortit sa baguette magique de sa manche et déplaça le carton contenant ses possessions juste à côté de la malle d'Harry aux couleurs de Gryffondor. Le sourire hilare du jeune homme fut la seule réponse qu'il obtint. Un léger rictus amusé à la bouche, la future ex-terreur des cachots se dirigea vers la chambre à coucher et arrivé dans l'encadrement de la porte, il brandit sa baguette et lança quelques sorts complexes. Puis il entra, s'effaçant pour laisser Harry pénétrer dans les lieux.
— Bienvenue en enfer, Monsieur Potter !
— Ou au Paradis… Professeur Rogue… ou au Paradis !
Il était 7h45 et les cours allaient commencer dans normalement quinze minutes. Mais Harry Potter ne s'était pas présenté au petit déjeuner dans la Grande Salle. Personne ne l'avait revu depuis son arrestation la veille au matin. Les élèves avaient été avisés des derniers évènements par une déclaration sobre et plutôt glaciale du Professeur Dumbledore au dîner.
Les nés-moldus et sangs-mêlés élevés moldus n'ayant aucune tendance homophobe avaient été passablement outrés d'apprendre que le Professeur Rogue avaient été renvoyé de son poste de Maître des Potions ainsi que celui de Directeur de Serpentard. Bien que la presque totalité des étudiants se félicitât silencieusement de ce changement d'enseignant, les élèves de la Maison de Salazar avaient gardé le silence et baissé la tête. Certes, Rogue était un déviant, un sodomite, mais il était un bon Directeur de Maison sur qui chacun pouvait compter. Comment allaient-ils faire à présent ? Vers qui allaient-ils se tourner ? Qui allait le remplacer ? Certains savaient par leurs parents que Slughorn, son prédécesseur, n'avait pas été très attentif ni à la hauteur de sa charge, préférant les enfants riches et célèbres et dédaignant totalement les autres, se fichant même de ce qu'il pouvait bien leur arriver.
Et si le remplaçant était comme ça ? Quelques élèves commençaient d'ailleurs à en vouloir à Malefoy, à Weasley et au reste de la Brigade Inquisitoriale. On savait ce qu'on perdait, mais on ne savait jamais ce qu'on gagnait, comme disaient les Moldus. Et les Serpentards savaient ce qu'ils avaient perdu.
En apprenant que Rogue était également chassé du Monde Magique et radié de la liste des sorciers britanniques, Hermione, Dean et Seamus comprirent que leur ami Harry ne ferait pas de vieux os à Poudlard. Ils étaient persuadés que le Garçon-Qui-Avait-Survécu ne tiendrait jamais l'année complète à l'école sans voir son amant, surtout en étant en plus la cible désignée de tous les homophobes de l'école… et ce n'était pas ça qui manquait !
Albus Dumbledore, Minerva McGonagall, Pomona Chourave et Filius Flitwick n'avaient pas paru au petit déjeuner et bien sûr Rogue non plus. Les élèves de Gryffondor avaient été un peu calmés par le renvoi même provisoire de Ronald Weasley. Braver le grand Albus Dumbledore n'était vraiment pas une bonne idée, et il n'y avait qu'un crétin comme ce Weasley pour oser ! Mais enfin, il ne se doutait vraiment pas qu'il allait avoir de sérieux ennuis ?
Sa sœur Ginny affichait profil bas depuis le départ du rouquin et seules ses amies les plus proches avaient entendu le son de sa voix.
Dans l'appartement des cachots, Harry et Severus venait de terminer leur dernier petit déjeuner dans ces lieux, et d'ailleurs leur dernier repas ensemble à Poudlard. À peine avaient-ils quitté le grand lit ravagé par un après-midi et une nuit torrides que les draps et couvertures avaient disparu, laissant le matelas à nu. La même chose s'était passée dans la salle de bain dès leur toilette terminée. Les serviettes éponges ayant servi après la douche avaient également disparu des barres en inox où elles séchaient habituellement.
Démoralisé, Severus Rogue avait pris tout cela comme une invite à quitter encore plus vite le château, tandis qu'Harry tentait de minimiser l'affaire en disant que c'était encore les Elfes de Maison qui faisaient du zèle et qu'il ne fallait rien y voir de personnel.
— Les cours commencent dans quinze minutes, Harry. Tu devrais y aller… fit Severus d'une voix un peu froide, alors qu'il enfilait sa cape préférée, celle qui voletait derrière lui et impressionnait tant les élèves.
Le Gryffondor était quant à lui vêtu de son uniforme réglementaire et il se pencha pour se saisir de son sac de cours. Il avait normalement Botanique en première heure. C'était un cours en général paisible, où on pouvait papoter tout en plongeant les mains dans de la terre ou de la bouse quelconque. Si on ne craignait pas de se salir, c'était reposant et Madame Chourave était gentille et râlait rarement.
Pourtant, alors qu'il approchait pour la toute dernière fois de la porte de l'appartement, Harry ne put s'empêcher de ressentir une soudaine bouffée d'angoisse. Il se retourna et vit Severus, la mine fermée et les yeux glacés, qui se penchait pour se saisir du carton qui contenait toute sa vie. La magie des Elfes était incroyable. Dobby avait réussi à tout mettre dans cette boite et pourtant Sev' possédait une grande quantité de livres, d'ingrédients de potions, de potions terminées, de fioles et de chaudrons. Sans compter ses vêtements, souvenirs et autres effets personnels…
Harry ouvrit la porte et sortit dans le couloir des cachots. Il vit que même le portrait qui gardait habituellement le logis était vide. Le garçon perçut pour la dernière fois le vrombissement des barrières magiques du Maître des Potions. Lorsque Severus sortit également après lui, les deux hommes entendirent un petit fracas assez inattendu en ces lieux.
— C'est quoi ? fit Harry, inquiet.
— Les barrières magiques de l'appartement qui viennent de s'effondrer. Le château sait que je ne reviendrai pas, précisa Severus avec un air sombre.
Harry avala sa salive avec difficulté et ses yeux commencèrent à le piquer. On y était… c'étaient leurs derniers moments ensemble à Poudlard. Il l'avait redouté toute la journée et toute la nuit, mais c'était bien plus dur qu'il ne l'aurait pensé. Déjà sa malle avait été déplacée par les Elfes pendant leur petit déjeuner, certainement pour cette nouvelle chambre dans l'ancien couloir interdit. Il n'avait vraiment pas envie de le savoir, à cette heure.
Severus passa devant Harry et s'avança dans le couloir. Le jeune homme aux yeux verts le suivit en trottinant, indifférent au fait qu'on pourrait l'apercevoir dans ce secteur où normalement il n'avait rien à faire. Le premier qui lui ferait une réflexion allait le sentir passer.
— Attends-moi, Sev' !
L'ancien professeur s'immobilisa sans se retourner puis lorsqu'Harry arriva près de lui, Severus se tourna légèrement, se pencha et déposa un léger baiser sur les lèvres fines du Sauveur.
— À bientôt, Harry. Il est l'heure de nous séparer. Provisoirement… bien sûr.
— Oui, provisoirement. Vas-y. Je t'aime, Sev'… je penserai à toi. Je t'enverrai Hedwige pour des nouvelles. Si tu as besoin de quelque chose, hein… tu le sais, n'hésite pas !
Harry bredouillait tout ce qui lui passait par la tête, de crainte d'oublier de dire quelque chose à Severus. Ils n'étaient qu'à quelques mètres du hall, il n'y avait plus que quelques marches à monter et le Grand Escalier à contourner. Il valait mieux se dire adieu ici que devant les élèves sortant de la Grande Salle.
— Moi aussi, chaton. Tout ira bien. Je te ferai signe quoi qu'il arrive.
Harry n'eut pas la force de rajouter autre chose tant son cœur se serrait. Severus repris son cheminement et monta les marches de pierre. Le jeune sorcier le vit entrer dans le hall et s'éloigner, son carton dans les bras. Les lueurs matinales pénétraient par les vitraux, éclairant les lieux d'une lumière irréelle.
Chose curieuse, Albus n'était pas venu dire au revoir à Severus, mais peut-être attendait-il dehors, loin des yeux indiscrets des élèves.
Le Gryffondor entra lui aussi dans le Hall et alors que Severus allait franchir la porte donnant sur le cloître, il tourna la tête et leurs regards se croisèrent un bref instant. Le Serpentard lui fit un léger signe de tête et un petit sourire forcé puis se retourna et reprit son chemin. Le cœur ravagé par le désespoir, au bord des larmes et figé comme une statue, Harry le vit s'éloigner, majestueux, sa longue cape flottant comme deux ailes sinistres.
[1] Bill a rendez-vous avec sa petite-amie Fleur Delacour.
