Bêta : Mokonalex qui pouponne depuis un mois, ce qui explique le retard (un peu...).

Elfe de Maison : Nan... j'ai été abandonnée par Mirabelle31 qui a trouvé du travail. Je dois donc tout taper seule...

Note de l'auteur : JOYEUX NOËL A TOUS !


Une fois seul avec ses deux protégés, Dobby n'avait pas vraiment chômé. Il avait même mis sa nuit à profit. Après avoir couché Harry, il avait nourri un Severus affamé et passablement déprimé avec quelques plats rapportés de Poudlard dans des boites de conservation magiques. Ces emballages, qui ressemblaient aux très connus Tupperware moldus, préservaient les aliments qui y étaient stockés, pendant des mois si nécessaire, et ceci sans réfrigérateurs ou congélateurs, objets inconnus dans le Monde Magique.

L'ancien professeur s'était ensuite couché près d'Harry entre les draps propres aux couleurs de Serpentard et avait sombré comme une masse dans un sommeil de plomb, provisoirement apaisé par la présence du jeune sorcier.

L'Elfe hyperactif avait ensuite récuré de fond en comble la cuisine et le salon, puis vers une heure du matin, invisible grâce à sa magie, il avait installé une bâche conjurée sur le toit éventré. Si jamais il se remettait à pleuvoir au moins l'eau ne rentrerait plus dans la pauvre maison. Dobby avait été passablement perturbé par le délabrement de la demeure. Habitué au luxe du manoir Malefoy, au relatif confort un peu médiéval de Poudlard et à l'atmosphère victorienne du 12 Square Grimmaurd où il avait livré quelques repas à Dumbledore, rien ne l'avait prédisposé à une masure moldue à demi-ruinée. Fidèle à son habitude, il avait espionné Dumbledore et ses deux sorciers préférés et avait entendu le vieil homme expliquer à une Minerva McGonagall au bord des larmes que la maison de Severus ne pouvait être réparée par magie, les runes adéquates n'ayant pas été placées dans les murs et les fondations lors de sa construction. Dobby savait pertinemment que pour vivre ici, Severus Rogue n'avait pas d'or et qu'il ne pourrait pas se payer une autre demeure. Peut-être que son cher Harry Potter allait acheter une maison de sorciers. Il était riche, tout le monde le savait et alors ils déménageraient tous de cet endroit de perdition. Et Dobby pourrait servir correctement dans un cadre digne de ses chers nouveaux maîtres.

En attendant, dans le silence le plus total, le fidèle petit Elfe avait fait disparaître poutre par poutre, tas de gravats par tas de gravats, tout ce qui avait envahi et détruit le labo de potions.

Il n'avait rien pu sauver. Les chaudrons étaient éventrés, les cornues brisées en mille morceaux et il était impossible d'utiliser la magie pour les réparer car cela aurait affecté et rendu inutilisables les potions préparées avec elles. Les ingrédients s'étaient mélangés puis avaient pourri. Le toit avait dû s'effondrer depuis plusieurs semaines car de l'herbe avait commencé à pousser sur les gravats les plus terreux. En bref, tout le contenu de la pièce était à jeter. Ce qu'il fit avant de tout récurer avec soin à l'aide d'une brosse conjurée, d'un seau d'eau chaude et d'un bidon de Nettoie-Tout de la Mère Grattesec emprunté – enfin disons, volé – dans le placard d'Argus Rusard à Poudlard.

Une bonne partie de la nuit passa ainsi. Aux premières heures du jour, peu avant l'aube, Dobby épuisé s'octroya quelques petites heures de repos. Il se roula en boule tel un chat dans le vieux fauteuil râpé de Severus, offrant son petit corps chétif fatigué à la douce chaleur émise par les galets d'anthracite – volés à Poudlard – rougeoyant dans l'insert de fonte émaillée. Le fidèle Elfe-de-Maison savait pertinemment que ses deux maîtres ne se lèveraient pas de bonne heure. En tout cas, beaucoup plus tard qu'ils ne le faisaient à Poudlard. Severus avait pris une bonne cuite la veille, même si la potion de dégrisement administrée par Dumbledore en avait atténué les effets secondaires. Harry, quant à lui, avait été bien malade et avait quitté le château sur une civière. Severus Rogue était habituellement debout chaque matin à six heures au plus tard, cependant Dobby ne l'espérait pas frais et dispo avant huit heures et même plus. Harry, lui, aimait beaucoup son lit et parfois Ron et Hermione devaient l'en extraire de force afin qu'il soit à l'heure au premier cours. Il était bien connu que les lits des dortoirs de Poudlard étaient du plus grand confort disponible dans le Monde Magique. Et puis pour le petit déjeuner, Dobby allait piller les restes des tables de la Grande Salle. Il y avait tellement de gâchis chaque jour que ça ne manquerait à personne. Déjà avec les restes, tous les Elfes de Poudlard se nourrissaient et ils étaient une bonne centaine ! Et bien on nourrissait encore les cochons d'Hagrid avec ce qui restait, et Merlin savait combien ces gorets étaient gras et ventrus !

L'aube tira Dobby du sommeil. Les vitres sales ne laissaient passer que peu de lumière naturelle, mais les Elfes ne dormaient pas plus de trois ou quatre heures par nuit. C'était leur rythme biologique. Le reste du temps ils travaillaient, s'activant à toutes sortes de tâches pour leurs familles respectives et ceci sans se faire voir, d'où leur tendance à faire le ménage plutôt la nuit. D'ailleurs l'Elfe allait devoir attendre la nuit prochaine pour faire les vitres. Les fenêtres de toutes les maisons de cette rue étaient à guillotine et il fallait donc sortir à l'extérieur pour lessiver lesdites fenêtres et les carreaux qui les garnissaient. Si cela ne posait pas de problème pour une ménagère moldue, le souci était tout autre avec un Elfe-de-Maison que personne ne devait apercevoir dans la rue.

La maison était aussi propre qu'on pouvait l'espérer après tous ces mois d'abandon et la vétusté pour laquelle malheureusement, il n'y avait pas grand-chose à faire à part des travaux que le maître des lieux ne pouvait se permettre. Le Professeur Dumbledore avait été très clair, la maison ne pouvait supporter aucune transformation magique. Cette absence de runes dans les murs et les fondations était incroyable selon l'avis de Dobby. Le 70 de l'impasse du Tisseur était la première maison moldue dans laquelle l'Elfe avait mis les pieds de toute sa vie, et on ne pouvait pas dire que son opinion des Moldus s'en trouvait grandie [1]. Harry Potter, lorsqu'il serait réveillé, lui annoncerait certainement ce qu'il allait faire de la maison, mais pour Dobby, elle était juste bonne à être rasée ! Aucun sorcier digne de ce nom ne pouvait prétendre vouloir y demeurer de son plein gré ! Les cachots du Manoir Malefoy étaient en meilleur état selon lui.

Un petit sourire sournois éclairant son visage grisâtre, Dobby en bon Elfe élevé par des Serpentards décida d'aller un peu espio- heu… plutôt monter voir comment se portait son cher « Harry Potter, Monsieur » qui avait été la veille bien malade. Et si après tout il lui était permis de revoir cet incroyable ballet de magie pure qui survenait à chaque fois que ses deux sorciers favoris entreprenaient de s'accoupler pour pas grand-chose, il n'allait pas s'en plaindre… C'était très curieux d'ailleurs que personne n'ait appris à Harry Potter et plus encore à Severus Rogue que pour se reproduire il fallait un mâle et une femelle… Et puis en plus, ils n'utilisaient pas le bon trou ! Mais bon… aucun Elfe digne de ce nom ne devait juger ses maîtres même mal renseignés. De toute évidence, ça les amusait puisqu'ils recommençaient sans cesse.

Dobby popa dans la pièce qui fut autrefois le labo de potion de Severus et le plus discrètement du monde, sur la pointe de ses bottes en caoutchouc, il s'approcha de la porte de la chambre et tourna délicatement la poignée ronde en porcelaine blanche. Le battant s'entrouvrit d'une vingtaine de centimètres et Dobby passa son nez pointu dans l'espace découvert. Harry et Severus dormaient du sommeil du juste dans les bras l'un de l'autre, enfouis sous les édredons et couvertures empruntés à Poudlard. Tout allait parfaitement bien pour ses héros et Dobby nullement déçu de ne pas avoir aperçu le ballet de magie, referma le plus doucement du monde le lourd battant de bois usé. Il avait du temps de libre pour se rendre aux cuisines de Poudlard où les petits déjeuners allaient sans tarder être servis aux élèves. Dobby n'avait pas oublié qu'il avait le droit de prendre tous les restes voulus. Si ses maîtres désiraient avoir un bon petit déjeuner, ils n'allaient pas être déçu. Foi de Dobby, il allait leur réserver les meilleurs morceaux.

Les restes de la table des Poufsouffles étaient toujours les plus corrects. Les élèves de cette maison n'entamaient pas, par exemple, plusieurs plats identiques. Chaque plat passait de main en main et était vidé avant qu'un autre ne prenne sa place. Celui ou ceux restants étaient forcément intacts. Les Gryffondors, eux, bâfraient comme des chacals. Piochant à droite ou à gauche, à pleine main pour certains, notamment les Weasley qui ne savaient absolument pas se tenir à table. Tout était entamé, rien terminé et les plats même quasi intouchés étaient ruinés voire souillés. Les Serpentards triaient et ne choisissaient que les meilleurs morceaux, laissant tout le reste et faisant la fine bouche même devant les plats les plus raffinés. Les Serdaigles ignoraient ce qu'ils ingurgitaient car ils étaient plongés dans les bouquins qu'ils lisaient en mangeant. On leur aurait donné du carton bouilli qu'ils n'auraient probablement pas vu la différence.
Dobby était mauvaise langue mais il y avait un fond de vérité, il fallait le reconnaître…

Le petit Elfe popa depuis la cuisine de l'impasse du tisseur jusque dans celles de Poudlard, situées juste sous la Grande Salle. Il était sept heures du matin et c'était l'effervescence. Quatre longues tables étaient alignées juste sous leurs sœurs jumelles de la Grande Salle. Elles étaient chargées de vaisselle d'or, de carafes de lait et de jus de citrouille bien frais. Des paniers de viennoiseries bien garnis étaient répartis entre des porte-toasts surchargés, des pots de confitures et autres marmelades, de grosses théières fumantes et des boites de céréales Magical Krispies.

Sur les grands fourneaux de fonte, le bacon grésillait et les œufs cuisaient. Les poêles lévitaient automatiquement une fois la cuisson idéale obtenue et allaient se vider seules dans les plats d'or disposés à cet effet. Une centaine d'Elfes de toutes tailles, de toutes corpulences et avec des faciès aussi différents que les humains pouvaient avoir, s'agitaient en s'interpellant de leurs voix de crécelles. Un vieil Elfe au poil blanc, voûté et qui s'appuyait sur une canne semblait régenter tout ce petit monde. Il aboyait d'une voix rauque due à son grand-âge des ordres aux plus jeunes qui s'empressaient de lui obéir. Cet Elfe était vêtu d'un immense torchon visiblement ancien et qui lui faisait une toge. Il était le seul à ne pas courir dans les tous les sens avec une Elfe étrange, plutôt crasseuse et qui vautrée à l'intérieur de la cheminée au risque de se brûler, semblait amorphe et déconnectée du monde qui l'entourait. En la voyant ainsi prostrée, Dobby s'immobilisa et soupira puis se retourna vers le vieux.

— Dobby.

— Vénérable Crocus.

— Le Professeur Dumbledore a dit à Crocus que Dobby pouvait prendre les restes. Donc Dobby prendra. Mais ce n'est point l'heure des restes, annonça ledit Crocus, le plus ancien des Elfes-de-Maison de Poudlard.

— Dobby prendra, Vénérable Crocus, répondit distraitement Dobby le regard à nouveau fixé sur la petite Elfe qui jouait à Cendrillon dans la cheminée.

Les yeux globuleux de Crocus se posèrent également sur cette Elfe. D'un ton impassible il dit alors :

— Winky est malheureuse à Poudlard. Winky pleure ses anciens maîtres. Winky devrait savoir que tous les humains vivent peu de temps, même les sorciers vivent moins longtemps que nous.

— Et Winky boit, ajouta Dobby les épaules soudain affaissées par l'accablement.

— Le Professeur Dumbledore est bien bon. Winky a une place au chaud à Poudlard, mais Winky devient une mauvaise Elfe, paresseuse et sale. Winky ne trouvera plus de famille pour se lier.

Sur ces bonnes paroles, le vieil Elfe qui selon Dobby était le doyen et allait sur ses trois cent dix-sept ans, tourna les talons, et appuyé sur son bâton noueux, le dos ployé, s'éloigna à petits pas pour aller invectiver de très jeunes Elfes en couches-culottes qui jouaient à se badigeonner de confiture. Dobby entreprit alors de donner un coup de main aux autres Elfes qui lui firent un accueil chaleureux. Le bruit avait couru depuis la veille au soir que Dobby avait quitté Poudlard pour aller servir le célèbre Harry Potter et l'étrange Professeur Rogue qui selon les dernières nouvelles avait été renvoyé pour une raison leur étant inconnue.

La table professorale était servie d'une façon différente de celles des élèves. Des menus soigneusement établis par un Elfe mandaté et formé à cet effet étaient imprimés sur parchemins ensorcelés pour être inusables et imperméables. Ces menus étaient déposés devant l'assiette de chaque professeur et le parchemin changeait d'ailleurs chaque semaine. Ils les consultaient et leurs choix étant faits, les enseignants n'avaient plus qu'à annoncer à haute et intelligible voix à leurs assiettes ce qu'ils souhaitaient y voir apparaître. Les Elfes chargés de la table professorale entendaient ces désirs et s'empressaient de faire monter par magie dans les assiettes les plats attendus. Bien entendu, les plats de bases servis aux élèves étaient également disponibles pour les professeurs et déjà sur leur table, prêts à être consommés. Minerva McGonagall était une fervente adepte du menu magique qui lui permettait de choisir régulièrement son infâme Haggis qui horrifiait tant Albus Dumbledore.

Menus professoraux en main, Dobby d'un claquement de doigts s'empressa de les expédier devant les assiettes des professeurs. Contrairement aux élèves, il leur était possible de choisir un généreux English Breakfast, complet avec ses Hash Brown[2], ses saucisses bien grasses, son Black ou White Pudding[3) et ses haricots blancs à la tomate en plus de ce que les étudiants trouvaient sur leurs tables. Les professeurs disposaient également de café tout comme la table des Gryffondors, les seuls à en avoir régulièrement réclamé.
Avec tout cet étalage, chaque repas à Poudlard était une grande affaire, et on comprenait mieux que les repas de fêtes tout comme celui de la rentrée étaient nommés « festins ». La gestion de ces agapes occupait une grande partie des Elfes. Si la vaisselle était faite magiquement, il fallait quand même préparer les repas, les servir, débarrasser les tables, sans oublier le ménage dans la Grande Salle, les tours des Maisons Gryffondor et Serdaigle ou les cachots pour Serpentard et Poufsouffle. Les salles de classe et les divers communs étaient également récurés de fond en comble régulièrement.

Si les sorciers se reproduisaient peu, ce n'était pas la règle pour les Elfes. Ils ne préoccupaient ni de mariages, ni de convenances de quelque nature que ce soit. Des bébés Elfes naissaient très régulièrement à Poudlard sans aucun contrôle du Directeur pourtant le maître officiel du château. Il va sans dire que dans les familles de sang-pur la reproduction des Elfes était soigneusement contrôlée et les géniteurs sélectionnés comme des étalons. On ne faisait reproduire une Elfe femelle que dans le but d'avoir un Elfe de remplacement lorsque celui officiant dans la famille serait trop vieux ou s'aviserait de mourir. D'ailleurs, il n'était pas rare de voir les Elfes trop âgés être exécutés par décapitation, afin de laisser la place à un plus jeune et plus vigoureux. Cette mode avait été lancée à la fin du 19ème siècle par Elladora Black, arrière-arrière grand-tante de Sirius Black et sœur du détesté Phinéas Nigellus dont le portrait ornait le bureau de Dumbledore. Depuis, cette curieuse et douteuse initiative avait été adoptée par la quasi-totalité des sang-pur.

Si Winky, la protégée de Dobby se trouvait à Poudlard, c'était parce que toute sa famille était décédée. Elle avait appartenu toute sa vie à la famille Croupton, des sang-purs dont le chef de famille travaillait au Ministère de la Magie. D'ailleurs, sa mère et sa grand-mère avaient également servi les Croupton pendant des siècles. Cette famille de sang-pur avait connu un sort funeste. Barthémius Croupton Junior avait été l'un des Mangemort arrêtés après la disparition de Lord Voldemort en 1981. Sa mère, incurablement malade, avait tenté alors de le faire évader en prenant sa place à Azkaban à l'occasion d'une visite. Mais elle n'avait pu mettre son projet à exécution. Elle était morte dans son sommeil la veille de ladite visite à la prison des sorciers. Barthémius senior en avait été si affecté que son état de santé avait aussi été ébranlé et après les funérailles de son épouse, il n'avait plus vraiment été le même. On l'avait retrouvé mort à son bureau pendant le Tournoi des Trois Sorciers, cet évènement ayant usé ses dernières forces. Lorsque son assistant de l'époque, Percy Weasley l'avait trouvé, le vieil homme était déjà froid et raide. Selon les sorciers-funèbres venus de Sainte-Mangouste, il était décédé depuis plus de douze heures. Au moins, il n'avait pas subi la douloureuse épreuve de voir son fils unique recevoir le baiser du Détraqueur, Cornélius Fudge ayant décidé de faire exécuter tous les Mangemorts emprisonnés peu après la fin du Tournoi. Winky avait donc perdu toute sa famille. Croupton senior n'ayant aucun héritier autre que son fils emprisonné et celui-ci ne pouvant de toute façon hériter, les biens des Croupton étaient allés au Trésor Magique. L'Elfe avait été confiée au Bureau de Placement des Elfes de Maison - sous-division du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques -, mais Winky s'étant entre temps mise à boire, aucune famille n'avait voulu se lier à elle. Rolf Dragonneau, employé depuis peu dans ce service, avait conseillé à Winky de tenter sa chance à Poudlard. Albus Dumbledore était en effet connu pour offrir asile et pitance aux Elfes esseulés et abandonnés. Winky y avait en effet trouvé un abri, mais son intempérance ayant eu raison d'elle, la pitoyable petite créature n'était plus que l'ombre d'elle-même et une honte pour les autres Elfes-de-Maison au désespoir de Dobby qui avait un faible pour elle. Il avait bien souvent tenté de l'empêcher de se gaver de Bièraubeurre mais rien n'y avait fait. Winky ne redeviendrait sobre que si elle trouvait une famille pour se lier magiquement, comme tout Elfe digne de ce nom. Mais qui voudrait d'un Elfe incapable de travailler, sale, et ne tenant quasiment jamais debout ? Personne. Et c'était bien là le drame.

Un signal sonore retentit soudain sous les voûtes de pierre. C'était le château qui annonçait que le Professeur Dumbledore donnait le feu vert pour la montée des plats sur les tables. Aussitôt, toute la vaisselle et toutes les victuailles étalées disparurent par magie et quelques Elfes se rendirent invisibles et popèrent dans la Grande Salle afin de contrôler que tout se passait bien et que les professeurs et surtout le Directeur étaient satisfaits. Déjà, les Elfes pâtissiers se mettaient au travail pour les desserts de midi et les autres s'écartèrent pour leur faire de la place. Quelques-uns s'étaient précipités vers les réserves de légumes et en ramenaient de quoi préparer la purée prévue au déjeuner. Amusés, les tout-petits Elfes encore en couches poussaient des cris de joie et claquaient des mains en voyant les pommes de terre léviter et se peler seules, pour ensuite plonger dans un baquet d'eau, tandis que les pelures rejoignaient des paniers. Ils seraient ensuite remis à Hagrid qui accommoderait leurs contenus pour nourrir ses cochons et autres bestiaux dont il avait la charge.

Alors Dobby, très sereinement, se mit à conjurer des boites de conservation magiques de toutes tailles en vue d'emporter le plus de restes possibles sans que cela ne paraisse étrange. Il n'allait pas emballer de quoi nourrir dix personnes alors qu'il n'avait que deux sorciers au petit appétit à nourrir, surtout qu'il pouvait revenir plusieurs fois par jour. La veille, il était venu se servir très tard et n'avait rencontré personne dans les cuisines et donc nul ne lui avait posé de questions. Lorsque le contenu des tables redescendit il prit le temps de faire son choix, poussant l'audace jusqu'à prendre également le contenu de quelques théières, cafetières, pots à lait et autres pichets de jus. Le tout miniaturisé fut rangé dans un grand panier d'osier que Dobby reconnut avoir été fabriqué par Hagrid et non conjuré, puis après avoir salué le Vénérable Crocus et les autres Elfes, il claqua des doigts et popa silencieusement hors de Poudlard.


Pendant l'absence de Dobby, Severus et Harry avaient émergé des brumes bienfaisantes du sommeil. Le jeune Gryffondor s'était réveillé le premier et avait esquissé un sourire ravi lorsqu'il avait vu sous son nez le visage aux yeux clos de son amant. Un large sourire niais sur les lèvres, il était resté quelques minutes à admirer le spectacle de Severus Rogue, une mèche de cheveux collée de sueur sur la joue, la bouche entrouverte avec un filet de bave coulant sur l'oreiller et les lèvres tremblotantes d'un ronflement léger à chaque respiration. Lorsque le jeune sorcier s'était mis à rire et s'était niché dans ses bras, Severus s'était réveillé…

Aussitôt une migraine lancinante avait commencé à sourdre et le sorcier avait refermé les yeux en réaction. C'était sa punition pour avoir trop bu la veille. Il fallait dire qu'un flacon quasi entier de Whisky Pur Feu Vieil Ogden trente ans d'âge n'était pas une bonne idée, surtout sur un organisme à jeun depuis le matin. La potion de dégrisement aidait bien entendu, surtout lors de sa prise, à faire baisser le taux d'alcoolémie. Mais il était évident qu'elle n'était pas tout à fait au point en ce qui concernait les lendemains de cuite. C'est pour cela d'ailleurs que Severus avait inventé la potion Lendemain Difficile. Le problème était que toutes les potions dont il disposait étaient soit en mauvaise posture sous une tonne de gravas dans la pièce voisine, soit miniaturisées dans le carton ramené de Poudlard. Or Severus n'avait strictement aucune idée de ce qu'il avait bien pu faire de ce fichu carton.

— 'Jour, Sev'… susurra Harry d'une petite voix langoureuse.

La main devant les yeux, le Maître des Potions soupira et marmonna.

— Calme ta joie, Potter, je me tape une migraine à hurler.

— Prends une potion !

— Bonne idée, mais je ne sais pas ce que j'ai fait de mon satané carton de déménagement.

— Ben, comment ça se fait ? demanda Harry en parsemant de baisers le torse fin et pâle qui se trouvait contre sa joue.

— J'ai liquidé hier la bouteille de Vieil Ogden de Minerva. Je n'ai donc que de très vagues souvenirs de la soirée d'hier. Je me souviens qu'Albus est arrivé par la cheminette avec toi ainsi que ce satané Elfe de Maison qui t'idolâtre et nous espionne.

— Oui, Dob-

— Par Merlin, Harry ! Ne prononce pas son nom, il est capable de rappliquer toute affaire cessante et je n'ai pas envie qu'il nous voie au lit.

— À mon avis, c'est trop tard, Sev'. Ils ont tous fait bien pire à Poudlard, gloussa le jeune brun aux yeux verts.

— Justement ! Inutile de lui donner d'autres idées, pesta le Maître des Potions. Bon, va falloir que je me lève pour trouver mes maudites fioles…

— Oui ! s'exclama alors Harry en s'éloignant de son amant et en rejetant brusquement les couvertures.

Le jeune Gryffondor se leva, toujours vêtu du pyjama rayé style Azkaban obligeamment fourni par Poppy Pomfresh, saisit alors sa paire de lunettes qui était posée sur la table de nuit près de lui et la mit sur son nez. Il lança un vague coup d'œil autour de lui, se promettant de découvrir les lieux plus tard. Pour le moment, il y avait plus urgent.

— Harry ? Heuuu… où vas-tu ainsi ? grimaça Severus qui en avait une petite idée et était fort gêné à la pensée de ce qui allait suivre.

— Ben aux toilettes, répondit le susnommé en ouvrant la porte de la chambre, c'est pas pour dire mais j'ai fichtrement envie de pisser. C'est où la salle de bain ? C'est là ? rajouta-t-il en désignant la porte du labo dévasté.

— NON ! Reviens ici ! Il faut que tu t'habilles ! Il n'y a pas de toilettes dans la maison…

— Pas de cabinets ?

— Et pas de salle de bain non plus. Et pas d'eau chaude. Et plus d'électricité depuis des années…

— Oh.

— Oui, oh. Je suis désolé, grimaça Severus Rogue en rougissant quelque peu.

— Pas grave ! fit alors Harry en haussant les épaules et en rebroussant chemin. C'est pas comme si j'étais pas habitué, hein ! Alors, on pisse où ?

— Dans la cour. Il y a un petit édicule à cet usage.

— Je vois. La cabane au fond du jardin…

— Si tu veux.

— Et pour se laver ? Comment on fait ? poursuivit Harry en tentant d'enfiler ses chaussettes sans s'asseoir.

— La bassine dans l'évier de la cuisine. Sinon, le tub ou le baquet dans la même pièce.

— Un tub ? C'est quoi ?

— Je te montrerai, il est toujours dans l'appentis. Disons que c'est l'ancêtre de la douche, avant qu'il y ait l'eau courante dans les maisons.

Harry resta silencieux et entreprit de s'habiller. Il avait avec soulagement reconnu son sac de cours que sans nul doute Dobby avait déposé contre le mur près de l'armoire de la chambre et y avait récupéré sa malle et sa baguette magique. Du coin de l'œil, il voyait Severus s'habiller également. La maison manquait singulièrement de confort et tout simplement de modernité, mais il s'en accommoderait. Quand on s'était lavé à l'eau froide voire glacée toute son enfance… quand les douches se résumaient à se faire arroser violemment avec le tuyau d'eau du jardin, on ne se plaignait pas pour un bain dans un baquet ou cet ancêtre de la douche qu'il ne lui déplairait pas de découvrir. Les toilettes dans la cour n'étaient pas a priori un problème. Au moins, il serait libre d'y aller lorsqu'il le souhaiterait. Et rien ne les empêchait de se procurer un de ces WC chimiques de camping et de le mettre dans la chambre derrière un paravent ou dans cette pièce qui se trouvait sur le palier et dont il ignorait tout. Chez les Dursley, les passages aux toilettes avaient été fortement réglementés. Harry ne pouvait plus compter les fois où tout enfant il avait eu des accidents tandis qu'il était enfermé dans son placard pendant des jours, parfois sans sortir, sans boire et sans manger. Aucun être humain, ni d'ailleurs aucun animal ne pouvait rester enfermé sans être soumis à cette loi de la nature. Les Dursley semblaient l'ignorer ou du moins ils s'en fichaient totalement. Les accidents étaient l'excuse idéale pour punir encore plus le pauvre gosse qui leur avait été confié.

La maison de Severus était certes vieille et sans confort mais il y était libre et aimé.


La cuisine était déserte, Dobby n'était pas encore rentré de Poudlard. Le ciel qu'on apercevait depuis la fenêtre au-dessus de l'évier, entre les lattes de bois du vieux store vénitien était menaçant avec ses nuages gris plombés. Le vent qui soufflait depuis la veille n'avait pas faibli et le lilas qui s'efforçait de pousser près de la porte semblait souffrir et être prêt de casser. Au fond de la courette à la dalle de béton brisée et disloquée, on pouvait voir l'appentis qui servait de débarras à Severus et tout à côté une petite construction de bois assez misérable qu'on reconnaissait immédiatement à sa porte typique avec le trou en forme de cœur et les espaces en haut et en bas.

Perchée sur le faîtage de tuiles autrefois rouge foncé mais depuis longtemps décolorées, moussues et brisées, Hedwige la Harfang des Neiges d'Harry attendait sagement que son maître vienne et lui ouvre la porte. Le temps maussade et le froid qui commençait à atteindre le comté ne la gênaient pas du tout, mais on ne pouvait pas en dire autant de son petit compagnon de faîtage. Blotti contre la grosse chouette blanche, un jeune hibou noir clairement encore juvénile semblait souffrir du froid. Il était ébouriffé et paraissait souffrant et peut-être même malade. Il émettait de temps en temps un petit hululement pitoyable et en réponse Hedwige lui lissait quelques plumes après avoir hululé ou piaillé pour le réconforter.

En ouvrant la porte vitrée de la cuisine pour sortir dans la courette, Harry les remarqua aussitôt et afficha un sourire ravi.

— Sev' ! Regarde ! Hedwige est arrivée et elle n'est pas seule, il y a un petit hibou noir avec elle. Il a l'air patraque, le pauvre.

— MERDE ! s'écria alors l'ancien professeur de Poudlard depuis la cuisine. Midnight ! J'avais oublié qu'il arrivait…

Severus était en train d'examiner sa cuisine en détail lorsque l'exclamation d'Harry l'avait tiré de sa concentration. Il sortit précipitamment, remarquant malgré tout au passage le carton qui remplaçait le carreau cassé de la porte vitrée. Le Maître des Potions s'approcha à grandes enjambées du vieil appentis et leva les yeux vers le toit. Il tendit son bras gauche et appela son oiseau.

— Midnight ! Viens, bonhomme ! Par Merlin, il doit être transi de froid. Albus m'a bien recommandé de ne pas le laisser dehors l'hiver. Il vient des pays chauds et le climat ne lui convient pas.

— Oui, pas comme Hedwige qui aime le froid et la neige, ajouta Harry qui avait suivi son amant et se dirigeait vers l'édicule dont la visite lui était imposée par une envie plus que pressante.

Laissant Severus gérer les deux rapaces, le jeune sorcier ouvrit la porte un peu de guingois. Il dût tirer un peu plus fort qu'il ne l'avait prévu car l'humidité avait fait gonfler le bois et le loquet de métal terni coinçait un peu. Un grincement sinistre fut le résultat de son effort. Harry entra dans la cabane et referma la porte après un instant de perplexité. Le loquet qui maintenait la porte fermée n'avait pas son homologue à l'intérieur. Pour refermer le battant sur lui, Harry dût employer le moyen que Severus avait installé… Une ficelle était accrochée à un petit anneau fixé le long du chambranle et était terminé par un petit crochet qui allait se positionner sur un second anneau fixé à la porte. Ne s'attendant pas à cet aménagement particulier, Harry en était resté surpris quelques secondes. Machinalement, il actionna le vieil interrupteur de porcelaine qui était placé sur l'un des murs de bois, mais la lumière ne vint pas. Le jeune homme leva les yeux vers le plafond et vit une vieille ampoule nue et poussiéreuse qui pendait au bout d'un vieux fil torsadé. Harry soupira. C'est vrai que Severus lui avait dit que l'électricité ne fonctionnait plus dans la maison et visiblement ici non plus. Il baissa les yeux et se retourna. Devant lui se dressait un banc de bois sombre avec un trou en son centre, fermé par un couvercle rond également en bois. Sur ce banc qui tenait toute la largeur de l'édicule, un rouleau de papier toilette rose très moldu et gondolé par l'humidité trônait depuis un bon moment, si la couche grisâtre de poussière qui le recouvrait était une indication.

Avec appréhension, Harry souleva le couvercle et le posa sur le plancher disjoint et poussiéreux, puis il se pencha pour regarder dans le trou. Par Merlin, qu'est-ce que c'était que cette installation de bric et de broc ? Il n'y avait pas d'eau à l'intérieur selon les premières constatations d'Harry, rendues peu aisées par la pénombre environnante. Un vieux seau en plastique blanc portant une ancienne étiquette d'enduit était rempli de sciure de bois. Une écope qu'on se serait plutôt attendu à trouver dans une barque était plantée au milieu. Alors c'était ça, la chasse d'eau ! Bah, ce n'était pas pire que le vieux seau d'aisance en émail que les Dursley tenaient dans leur garage à l'usage exclusif de leur infortuné neveu.

Tandis qu'Harry se soulageait en se demandant si la cabane branlante n'allait pas lui tomber dessus, Severus avait récupéré Midnight et Hedwige et les avait tous deux installés dans le salon sur la perche qu'Albus avait apportée avec les possessions du Gryffondor. Un Incendio lancé sur une nouvelle charge de boulets de charbon avait ravivé le feu qui se mourait dans l'insert magique. Il avait rempli l'abreuvoir d'eau et lorsque Harry revint, Severus cherchait dans toute la maison une boite de Miamhibou qu'il était quasiment certain de ne pas posséder.

— Ah, Harry… tu n'aurais pas du Miamhibou par hasard ?

— Si si ! Dans ma malle, normalement. Attends, je vais chercher la boite. Au fait, ça ne te dérange pas que je redonne leur taille à ma malle et à mon balai ? Ils sont réduits dans mon sac de cours. Je les gardais ainsi près de moi depuis la rentrée, au cas où, tu vois… ajouta-t-il avec une grimace. Quoiqu'hier matin, je ne sais pas comment les Elfes avaient fait, ils avaient réussi à me piquer ma malle pour la mettre dans la chambre prévue pour moi dans l'ancien couloir interdit. J'ai dû la redemander à Dobby.

— Fais comme tu veux, tu es chez toi ici maintenant, tu n'as plus besoin de cacher tes affaires. On trouvera de la place pour tout ranger dans l'armoire. Je n'ai pas beaucoup de vêtements de toute façon.

Alors qu'Harry remontait vers la chambre après une pause amusée devant la bibliothèque qui servait de porte à la manière d'un passage secret, Dobby réapparut silencieusement dans la cuisine tenant un grand panier à la main. Le remue-ménage qu'il fit en déballant les boites magiques de victuailles attira Severus dans la pièce.

— Dobby a tout ce qu'il faut pour le petit déjeuner, Professeur Rogue, Monsieur, affirma d'autorité l'Elfe avec un grand sourire satisfait. Ce sera prêt dans deux minutes, Professeur Rogue, Monsieur.

— Ne m'appelle plus « Professeur », Dobby. Je n'ai plus le droit à ce titre, lui demanda Severus d'une voix faible.

— Oui, Maître Rogue, répondit l'Elfe sans s'émotionner outre-mesure.

Le Maître des Potions retint un soupir. Il pouvait bien laisser Dobby le nommer ainsi. Après tout, même s'il n'était pas le maître de l'Elfe, il méritait quand même ce titre qu'on n'avait pas eu l'audace de lui retirer. Sans un mot de plus, il prit place à la table de la cuisine et regarda la petite créature s'activer – cela le distrayait un peu – et bientôt pots de thé, café et autres lait et jus s'étalèrent sur la table tandis que le contenu de quelques boites était réchauffé magiquement et déposé dans de la vaisselle de faïence commune également rapportée de Poudlard. Alors qu'il se servait un café noir serré dans le but d'aider à faire passer sa foutue migraine, Severus entendit Harry verser des Miamhibou dans la mangeoire et cajoler les deux chouettes serrées l'une contre l'autre sur leur perchoir. Le jeune sorcier semblait complètement séduit par le petit hibou offert par Albus Dumbledore. Il arriva dans la cuisine avec sur le visage un large sourire ravi et s'installa à la table près de Severus, tout en lorgnant le contenu des assiettes. Ça tombait bien, il avait une faim de loup !

— Il est mignon comme tout, ton petit hibou. C'est quoi comme race ? En tout cas Hedwige l'adore, elle n'arrête pas de lui lisser les plumes. Il se laisse faire, c'est marrant. Tu m'avais pas dit que t'avais un hibou.

— C'est une chouette Huhul qu'Albus et les autres Directeurs de Maison m'ont offerte pour mon départ. Je n'en avais pas auparavant. L'ennui c'est qu'elle n'est pas adaptée au climat de notre pays.

— Bah ! On a Hedwige. Elle ne craint pas les courants d'air ! s'amusa le Gryffondor en piochant dans les plats de service. Par Merlin, je n'ai rien mangé de la journée d'hier, je meurs de faim ! C'est toi qui a fait tout ça, Dobby ?

— Non, Harry Potter, Monsieur. Ce sont les restes de Poudlard. Professeur Dumbledore a dit que Dobby pouvait prendre tous les restes qu'il voulait chaque jour. Il y aura toujours à manger pour Harry Potter et Maître Rogue.

— C'est super gentil de sa part ! affirma Harry en hochant la tête. On fait quoi aujourd'hui, Sev' ?

— Ranger tes affaires, retrouver les miennes, nous laver aussi… énonça le Serpentard entre deux bouchées d'œufs brouillés. Ensuite nous devons aller à Gringotts, nous n'avons que huit jours pour payer leur foutue amende à ces rapaces du Ministère.

— Tu pourras toujours faire des potions et les vendre en douce sous un faux nom.

— Même pas. Je ne peux plus. Je n'ai plus de labo de potions.

— Attends… comment ça, tu n'as plus de labo ? Ne me dis pas qu'ici tu n'as jamais installé un labo ? Mais comment tu faisais tous les étés avant de les passer avec Albus au Square Grimmaurd ?

Severus soupira et reposa sa fourchette le long de son assiette, l'appétit coupé. Il prit sa serviette de table et s'essuya lentement la bouche, peu pressé d'avouer son infortune à son jeune amant qui le regardait avec des yeux ronds. La serviette retourna sur les genoux de son propriétaire qui leva son regard sombre vers les pupilles vertes du garçon.

— La pièce que tu as cru être une salle de bain ce matin, juste à côté de la chambre, c'était mon labo de potions. Je dis bien « c'était » car cet été, pendant mon absence, une partie du toit s'est effondrée et a tout écrasé. Il n'y a plus rien à sauver. Tout est détruit.

— Oh, merde ! Tout ? s'horrifia Harry. Le matos, les ingrédients, les chaudrons ? Tout est détruit ?

— Oui… tout. Et une fois l'amende payée, je n'aurai plus de quoi les remplacer, avoua Severus d'un air sombre. Et je dois également de l'argent à Rick au Flamant Rose. Il marque toutes mes consommations et je réglais régulièrement la note, bien sûr. Mais maintenant…

— Te bile pas pour ça, Sev' ! J'ai de l'or, on va tout remplacer et payer Rick ! Par Merlin, tous ces héritages que j'ai reçus d'illustres inconnus vont servir au moins à quelque chose d'utile. Et on réparera la maison aussi, tant qu'à faire ! On pourra mettre le courant et avoir l'eau chaude et même une douche et des toilettes aussi !

— C'est une maison moldue, Harry ! Elle ne peut pas recevoir d'aménagements magiques.

— Ben, on en fera avec une entreprise moldue, comme les gens de la ville. D'ailleurs on est où ? Je ne le sais même pas !

— Carbone-Les-Mines, dans le Yorkshire.

— Carbone-Les… héééé ! Mais ça me parle ça ! Tante Pétunia y a vécu dans son enfance, non ?

— Exact. Elle et Lily y ont passé toute leur enfance, tout comme moi. Nous sommes tous nés ici, d'ailleurs.

Harry afficha un large sourire à la mention de l'enfance de sa défunte mère.

— Super ! Faudra que tu me montres où elle vivait et tout…

— Impossible. La maison a été rasée il y a bien longtemps. Il y a un parking à la place.

— Oh…

Harry sembla déçu et baissa les yeux vers son assiette à peine entamée.

— Mange, chaton. La journée va être longue… Tellement de choses à faire…

— Oui ! Manger pour avoir des forces ! piailla Dobby qui rangeait toujours les restes obtenus de Poudlard dans le vieux frigo moldu.

— Au fait, comment il marche le frigo puisqu'il y a pas de courant ? Et la cuisinière ?

— Magie, et la cuisinière, au gaz. J'ai gardé l'abonnement pour le gaz.

— Et pas pour le courant ?

— L'installation est trop vétuste, ça aurait pris feu. Il faut tout refaire avant de reprendre un abonnement à British Energy. Le compteur est totalement pourri par l'humidité et l'absence d'entretien. Mon père… pfff ! Il préférait picoler plutôt que d'entretenir sa maison comme tout un chacun.

— Ok. Ben ça nous occupera. Tu vas me faire visiter et on s'organisera. Tu verras, on va être bien tous les deux. T'inquiète…

— J'ai des raisons de m'inquiéter, fit sombrement le Maître des Potions. Crois-moi ! Et d'ailleurs, à part la pièce ruinée, tu as tout vu. Dobby ? Sais-tu où est mon carton de déménagement que j'ai ramené de Poudlard ?

— Oui, Maître Rogue, Monsieur ! Dobby sait ! Le carton est dans le placard du palier, à l'étage. Dobby a tout nettoyé cette nuit. Dobby a posé une bâche sur le toit aussi. On ne voit plus le trou et il ne pleuvra plus dans la maison-en-ruines-qu'il-faudrait-raser…

— DOBBY ! pesta Harry ! Ne dit pas des choses comme ça ! On ne va pas raser la maison ! On va la réparer !

— Maison moldue… indigne de puissants sorciers comme Harry Potter et Severus Rogue, marmonna l'Elfe, vexé d'avoir été ainsi repris par son idole.


— C'est un vrai foutoir, ce débarras ! Un chat n'y trouverait pas ses petits !

Harry venait d'exprimer ainsi sa frustration devant le contenu de l'appentis qui se trouvait dans la cour. Baguette allumée devant lui, il explorait un amas hétéroclite d'objets poussiéreux et pour la plupart ruinés et inutilisables. Déjà, la couche de crasse déposée par les ans l'empêchait d'identifier un bon nombre d'objets. Severus qui brandissait également sa baguette allumée ne répondit pas, se contentant de fouiller à la main dans un coin précis de la remise.
Un chapelet fleuri de jurons le tira de sa concentration.

— PUTAIN DE MERDE ! FAIT CHIER CE BORDEL ! ET ON VOIT MÊME PAS OÙ ON MET LES PIEDS ! C'EST QUOI CES FOUTUES BOUTEILLES ? QUI C'EST LE CON QUI A FOUTU ÇA LÀ COMME UN CHIEN FOUT SA MERDE ?

Harry venait de se prendre les pieds dans de vieilles bouteilles vides et s'était étalé de tout son long, se meurtrissant au passage sur un vieil outil agricole dont il ignorait l'usage et ce qu'il faisait là en pleine ville. Sans se démonter, mais le visage fermé, Severus lui tendit la main et l'aida à se relever, éclairant au passage la balafre au menton que la chute avait occasionnée.

— Je te donnerai une potion pour arranger ça tout à l'heure. Il ne faut pas négliger une telle égratignure, ce n'est pas sain. C'est plein de vieux trucs rouillés ici. Et pour répondre à ta question, tout ce que tu vois ici appartenait à mes parents. Les bouteilles à mon père en particulier comme tu peux t'en douter.

— Tu pouvais pas faire le ménage et tout virer ? ronchonna le Gryffondor en s'époussetant.

— Je ne venais quasiment plus ici depuis très longtemps. Je n'ai jamais pris le temps, je l'avoue. Mais cela ne saurait tarder. J'ignore même ce que je vais trouver ici.

Severus éclaira alors le curieux engin sur lequel Harry était tombé. Son usage lui avait toujours été parfaitement inconnu. Il se souvint juste du jour lointain où il avait vu son père et l'un de ses amis de beuverie le ramener en pleine nuit – réveillant toute la maison pour cela – et le dissimuler dans l'appentis. Tout ce que l'enfant qu'il était alors avait appris, c'était que cet outil particulier avait été volé par Tobias dans une ferme environnante et conservé comme monnaie d'échange afin que son propriétaire, un paysan alcoolique, le rembourse de l'argent qu'il lui devait. L'homme n'avait jamais payé, et il n'avait jamais récupéré son engin. Par revanche et entêtement, Tobias Rogue avait conservé jusqu'à sa mort l'outil inconnu et parfaitement inutilisable. Il avait bien tenté de le vendre à un moment, mais en ignorant son usage, cela s'était avéré totalement impossible. La boisson l'avait emporté quelques mois plus tard et l'appentis était resté dans son état originel. Severus se souciait comme d'une guigne de cette maison à demi-ruinée, lui préférant bien évidemment Poudlard. La donne venait de récemment changer, puisque cette masure devenait son seul refuge et sa dernière possession. La déchéance était rude et il ignorait encore comment il allait s'en sortir…

Le baquet de plastique qu'il utilisait enfant pour prendre son bain dans la cuisine avait disparu depuis longtemps et Severus ignorait comment et où. La dernière fois qu'il avait vu le tub, il était derrière la porte. Mais le lieu non éclairé rendait la fouille presque impossible. Un éclat argenté se refléta soudain dans la lueur du Lumos. Le tub était bien là, un Accio le fit venir à lui.

— C'est ça, un tub ? s'étonna Harry en faisant la moue devant l'objet crasseux. Une bassine plate géante ?

— Oui, c'est ça. Un bon Recurvite et un passage entre les mains de Dobby et il devrait être impeccable. Regarde, la tôle n'est pas du tout percée ni même rouillée.

— Ok, mais tu m'expliqueras comment on s'en sert et surtout où va l'eau sale. Parce que je te signale que ta douche à l'ancienne, là… elle a pas de siphon d'évacuation.

Severus haussa les épaules.

— Ce tub a été acheté sur le Chemin de Traverse par ma mère, donc il est bardé de sorts pour évacuer l'eau et aussi rester en bon état visiblement car ce truc est plus vieux que moi.

Les deux sorciers quittèrent enfin cet endroit de perdition – selon l'avis d'Harry – et regagnèrent la cuisine où Dobby les attendait. Le tub encrassé fut posé sur le sol et son propriétaire lui jeta le fameux sort de nettoyage qu'il avait prévu. Dobby attrapa une grosse éponge sous l'évier et un large sourire aux lèvres conjura un seau – il n'y en avait aucun dans la maison pour faire le ménage – qu'il remplit d'eau chaude par magie et se saisit du bidon à demi vide de Nettoie-Tout de la Mère Grattesec, dérobé à Rusard.

— Dobby va nettoyer le tub, Dobby va nettoyer le tub ! insista l'Elfe avec précipitation.

Il n'était pas question que cet élément tout relatif de confort magique échappe à son récurage en règle. C'était son rôle d'astiquer et il entendait bien jouir de ses prérogatives.

Quelques minutes plus tard, le zinc du tub avait retrouvé une couleur grise très normale et l'eau du seau était vraiment répugnante.

— Bizarre que le Recurvite n'ait pas tout nettoyé, s'étonna le jeune Gryffondor. C'est quand même pas au point puisqu'il faut encore frotter avec de l'eau chaude, des produits d'entretien, des éponges ou des brosses. La magie a des limites !

— Mon Recurvite a seulement retiré l'épaisse couche de poussière, les toiles d'araignées et la terre collées au tub, mais après, il fallait le laver correctement pour qu'il soit vraiment propre. Tu as raison, la magie a ses limites, ne serait-ce que pour les tâches ménagères. Tu imagines combien les sorciers seraient fainéants sans rien à faire ?

— Molly Weasley fait tout le ménage et la cuisine avec sa baguette. Je ne l'ai jamais vu récurer quoi que ce soit comme un Moldu ou comme Dobby vient de le faire.

Severus laissa échapper un ricanement peu flatteur pour la mégère d'Arthur Weasley.

— Et tu as vu l'état du Terrier ? Le foutoir que c'est ? Et le Square Grimmaurd ? Kreattur ne fiche rien de la sainte journée et pourtant tu as pu voir que les Elfes sont excellents pour le ménage. Ce n'est pas Molly avec sa baguette qui pourrait rivaliser avec Dobby par exemple.

Ledit Dobby se rengorgea d'être ainsi pris en exemple pour ses qualités ménagères. Il afficha un large sourire extasié pendant les quelques minutes qui suivirent. Harry pressé d'essayer le tub, fit venir son savon personnel d'un Accio depuis sa malle et se dépêcha de retirer tous ses vêtements qu'il laissa comme un goret sur le sol, sans se soucier de la présence de Severus ou de l'Elfe. Il sauta nu dans le tub et attendit les mains sur les hanches.

— Et maintenant, je fais quoi ?

— D'abord tu cesses de faire l'idiot, Potter ! Tu sors de là, tu ramasses et tu ranges correctement tes affaires, je ne suis pas ta bonne et Dobby non plus. Ensuite tu retires tes lunettes à moins que tu n'aies l'habitude de prendre ta douche avec ça sur le nez !

De nouveau, Harry fit la moue et obéit sans discuter. Il sortit du tub en toisant Severus de travers, se pencha en lui mettant ostensiblement et exprès ses fesses nues sous le nez, fit un bouchon de ses affaires et le nez en l'air avec une mine offusquée un peu forcée, il se dirigea vers le salon où il laissa tomber la pile de vêtements en vrac sur le vieux fauteuil près de la cheminée. Severus le regarda faire en se pinçant l'arête du nez entre le pouce et l'index. Par la barbe de Merlin, la cohabitation n'allait pas être triste si Harry ne respectait rien et surtout pas les convenances les plus basiques.

Affichant cette fois-ci un air boudeur, Harry revint les bras croisés sur sa poitrine nue et sans un mot retourna dans le tub. Il resta là, toujours muet, ses lunettes sur le nez, attendant que Severus vienne lui expliquer le futur déroulement des opérations.

Accio lunettes d'Harry !

La paire de lunettes rondes quitta le nez de son propriétaire impassible et se posa dans la main tendue de Severus Rogue qui les glissa ensuite dans la poche de sa redingote bleu nuit.

— Puisque tu veux impérativement jouer avec ce tub, ok, je vais te montrer comment ça marche. Je vais monter sur un marchepied que je vais conjurer et une fois à la bonne hauteur, ma baguette t'arrosera d'eau chaude. Le sort est Aguamenti Calefactum. Tu as une éponge ? Une savonnette ? Bien… ajouta le Maître des Potions devant le hochement de tête d'Harry. On y va !

Un petit marchepied semblable à un tabouret bas apparut sous ses pieds tout près du tub. Severus grimpa dessus et lança son sort d'arrosage. Surpris, Harry glapit.

— Héééé ! C'est chaud !

— Ça te décrassera ! L'eau froide ça ne lave pas, je te rappelle !

— Dis ça à ma Tante Pétunia ! Ma première douche chaude je l'ai prise à Poudlard, et mon premier bain chaud dans la salle de bain des Préfets, en douce. Les jumeaux Weasley m'avaient refilé le mot de passe.

Severus, le regard sombre, ronchonna sur la disgrâce que Pétunia était pour la famille Evans et se concentra sur son arrosage. Harry semblait apprécier le tub car il se savonnait vigoureusement de bas en haut en chantonnant – faux – ce qui lui octroya une menace d'un Blocklang s'il ne la fermait pas. Une pile de serviettes blanches provenant de toute évidence des placards de Poudlard se matérialisa sur la table de la cuisine. Dobby qui avait quitté la pièce pour aller aérer la chambre et refaire le lit, n'avait pas manqué de remarquer qu'Harry n'en possédait aucune et Severus non plus.


Le vlouf de la cheminette et les flammes vertes firent tourner les têtes des clients du Chaudron Baveur, surtout lorsqu'ils se rendirent compte que c'était Harry Potter qui émergeait de l'âtre en manquant -comme d'habitude- de s'étaler comme une crêpe. Une main secourable le retint avant qu'il ne se ridiculise. L'apparition de Severus Rogue, encore plus détesté qu'auparavant depuis leur procès, fit les têtes se détourner avec mépris. Quelques curieux baissèrent le nez et le regard en coin détaillèrent le Sauveur disgracié et son complice sodomite.
Qui aurait cru que ces deux-là étaient des déviants et pervers de la pire espèce ?

Le regard d'Harry balaya rapidement la salle bondée de la vieille auberge. Tom leur tourna ostensiblement le dos, semblant s'absorber dans la contemplation de ses verres à Whisky Pur Feu. Le jeune Sauveur poussa un soupir, lança un regard vers son compagnon qui arborait une mine figée et revêche du plus bel effet. Avec cette tronche-là, nul n'aurait l'idée de venir les importuner. Ils traversèrent le bar et entrèrent dans l'arrière-cour pavée ou entre deux tonneaux de Bièraubeurre se trouvait l'arche de briques rouges menant au Chemin de Traverse.

— Harry, attends !

Le jeune homme se figea, baguette à la main, prêt à tapoter les briques dans le bon ordre.

— Si vous voulons être tranquilles, un petit Glamour ne sera pas superflu.

— D'accord, accepta le Gryffondor.

Il n'avait pas envie de protester. Les regards haineux, intrigués, outrés ou dégoûtés qu'il venait d'apercevoir était bien suffisants, il ne souhaitait pas que les sorciers déambulant dans la rue magique ne deviennent soudain beaucoup plus agressifs.

Un sortilège informulé changea légèrement son apparence. Ses lunettes rondes devinrent carrées et de noir passèrent à l'argenté. Ses cheveux prirent une couleur châtain clair et s'allongèrent de plusieurs centimètres. Sa fameuse cicatrice disparut et ses yeux devinrent bleus. Le garçon ne demanda même pas à quoi il pouvait bien ressembler à présent. La première vitrine de magasin lui en donnerait un léger aperçu. Ce n'était pas important, cette apparence n'était que très provisoire. Un léger sourire orna fugacement son visage mince. Severus avait raccourci ses cheveux, ses yeux étaient à présent bleus également et son nez avait diminué de volume et changé de forme. Les changements n'étaient pas spectaculaires mais suffisants pour que les deux compères deviennent anonymes. La couleur trop connue des robes de Severus Rogue changea pour un beau vert Serpentard, celles d'Harry, très banales ne furent pas modifiées.

— Faut qu'on en profite, Sev', c'est certainement notre dernière sortie possible sur le Chemin de Traverse. Du moins, sortie légale… dans huit jours nous serons interdits de séjour ici.

— Moi oui, toi non, le coupa le Maître des Potions tout en tapotant les briques de sa baguette.

— Je n'ai aucune envie de me promener ici parmi tous ces gens qui ne nous veulent que du mal et qui n'ont pas hésité à voter pour le Baiser du Détraqueur pour nous dans le sondage débile de cette morue de Rita Skeeter !

L'arche ouverte, les deux sorciers entrèrent dans la rue magique et s'immobilisèrent. Pour une fin septembre, le temps était plutôt radieux à Londres. Rien à voir avec le climat du Yorkshire ni même celui de l'Ecosse où l'automne s'installait de très bonne heure.
Le Chemin de Traverse grouillait de sorciers et de sorcières aux robes démodées et colorées. Les étals devant les boutiques dévoilaient des marchandises diverses et parfois cocasses pour un né ou élevé moldu. Sans le dire, Harry s'en mettait plein les yeux, étant persuadé qu'il ne remettrait plus les pieds ici, du moins pas de son propre chef. Un coup d'œil dans la vitrine d'une brocante lui fit remarquer un vieux miroir fendu dont la dorure s'écaillait. Son reflet le renseigna sur son aspect et le fit sourire. Bien malin celui qui reconnaîtrait Harry Potter sous ce déguisement discret.
Harry s'avança lentement dans la vieille rue, suivi par Severus. Il flânait tranquillement et allait d'une vitrine à l'autre, du pas nonchalant du visiteur pas pressé et qui veut profiter des derniers rayons de soleil de ce début d'automne.

Tous deux passèrent ainsi devant quelques magasins familiers aux vitrines violemment colorées, aux boiseries tordues et aux peintures écaillées. Un sorcier pressé et chargé de paquets enveloppés de papier brun bouscula même le jeune homme et s'excusa à peine, ronchonnant sans lui jeter un regard qu'il y avait bien trop de monde pour un jour de semaine.
Le pas de Severus Rogue ralentit devant l'Apothicairerie Slug & Jiggers et Harry remarqua son regard languissant en voyant la boutique.

— Allez viens… inutile de te torturer de la sorte. Ne regarde pas trop, on doit encore passer devant chez Potage. Tu vas pouvoir résister à leur vitrine de chaudrons ?

— Et toi, au nouveau balai sûrement exposé dans la vitrine de la boutique de Quidditch ?

— Touché. Je te propose de lécher les vitrines qui nous plaisent comme tout bon sorcier n'ayant absolument rien à se reprocher et d'arriver tranquillement et détendus au niveau du Dragon Vert où j'ai bien l'intention de t'inviter à déjeuner, comme promis.

— Garde ton or, Pot- chaton, je te rappelle que tu as le Trésor Magique à payer.

— Inutile de me le rappeler, Albus s'en est chargé.

— C'est bien lui ça…

Pendant une dizaine de minutes, les deux bannis profitèrent de leur dernière balade autorisée pour admirer des vitrines qu'ils n'auraient jamais songées à même regarder en temps normal comme Scribenpenne ou Eeylops, le Royaume du hibou. Les tables de Florian Fortarôme installées devant sa boutique de glaces firent soupirer Harry qui se souvint alors des bons moments passés là avec Ron et Hermione… avant que tout ne dégénère. C'était il y avait longtemps.

Une éternité.

Le Dragon Vert se trouvait non loin de chez Ollivander, et en face quasiment de la Banque Gringotts. Sa vitrine était propre, les peintures vert foncé pas écaillées, et l'enseigne toute neuve dorée à l'or fin. On sentait le luxe depuis la rue et les odeurs de cuisine dès qu'un client ouvrait la porte.

Afin d'empêcher Severus de changer d'avis, Harry poussa la porte et entra. Un serveur habillé à la française avec une perruque poudrée de travers sur le crâne se précipita vers eux.

— Vous avez une réservation ?

— Non. Nous sommes de passage et c'est un peu impromptu, annonça le Gryffondor. Nous ignorions que nous aurions à faire à Gringotts en urgence aujourd'hui.

— Il faut normalement une réservation, mais nous avons eu une annulation, vous avez de la chance, Messieurs. Deux couverts ?

Severus leva les yeux vers le plafond chargé de stucs rococos.

— Nous ne sommes que deux et nous n'avons pas l'intention de nourrir toute la rue, aboya-t-il, agacé.

Harry dissimula un sourire naissant derrière sa main en faisant mine de tousser et suivit le serveur offusqué à travers le dédale des tables placées n'importe comment, où déjà des convives endimanchés se pressaient. Le Maître des Potions qui n'avait jamais mis les pieds dans cet endroit très réputé, malgré les vagues promesses d'invitation de Lucius Malefoy, tournait sa tête en tous sens pour, sans honte ni gène, détailler le décor environnant.

Il va sans dire qu'aucun décorateur moldu digne ce nom – profession inexistante chez les sorciers – n'était intervenu dans la décoration un peu bizarre du restaurant se voulant le plus chic et huppé du monde magique. D'abord les tables rondes et carrées étaient placées n'importe comment et les serveurs et Elfes devaient slalomer entre elles de façon très inconfortable pour faire leur travail. Les nappes en damassé ainsi que leurs serviettes n'étaient pas assorties. Pour dire, le linge de maison était totalement dépareillé. Les fauteuils et chaises également…

La petite table carrée que Severus et Harry rejoignirent à grand peine avait par exemple un fauteuil Louis XV bleu et une chaise Premier Empire français. La table semblait Edwardienne et le miroir piqué et lourdement décoré trônant au-dessus d'elle sur le mur de torchis peint en trompe-l'œil était du pur Louis XVI. Sans un mot, le serveur à perruque leur désigna les sièges et alors que Harry s'installait avec un air ravi dans le fauteuil Louis XV et tirait sur les accoudoirs pour l'approcher de son assiette, Severus se figeait, le front soucieux puis l'air passablement furieux.

— Bizarre, comme déco, déclara Harry sans remarquer le manège de son amant. Assieds-toi, reste pas debout, on paiera pas plus cher !

L'ancien professeur grogna quelque chose que le sale gamin ne comprit pas et s'installa pesamment, faisant sa chaise racler les dalles de pierre puis expliqua à voix-basse.

— Jette un coup d'œil discrètement derrière toi sur ta droite, et…

— Quoi ? Y a quoi ? fit Harry en se tournant pas discrètement du tout. Oups, merdum cacatum !

— Potter, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le mot « discrètement » ? pesta Severus entre ses dents.

Il prit la carte posée près de ses verres, l'ouvrit en s'en servit comme d'un paravent pour examiner la scène se déroulant devant lui.

On les avait placés à une table proche d'un mur tout au fond de la salle. Faisant face à Severus qui était dos à ce mur, il y avait une large table ronde déjà occupée. Un de ses élèves se trouvait installé à cette table et dégustait ce qui semblait être son entrée.

— Blaise Zabini ? marmotta Harry en se retournant de nouveau vers Severus après avoir jeté un nouveau coup d'œil pour confirmer sa première impression. Qu'est-ce qu'il fait là ? Il est pas censé être à Poudlard ?

— Si ! Il devrait ! Poudlard est un véritable moulin moldu ! On y entre ou sort comme on veut ! Attends un peu que je mette la main sur ce petit vaurien ! Et d'abord dix points en moins pour Serpentard !

— Sev… je crois que tu as oublié quelque chose…

— Quoi ?

— Tu n'es plus le Directeur de Serpentard.

La tête du potionniste pivota violemment vers Harry et ses yeux se plissèrent de contrariété. Sa bouche afficha un pli amer et ses épaules s'affaissèrent.

— Un instant, je l'ai oublié.

— Je sais. Et ça arrivera encore. Tu n'effaceras pas toutes ces années en un claquement de doigts comme Dobby sort les poubelles. C'est qui ces gens ? Tu les connais ?

— La femme noire avec les bijoux c'est l'ex-Madame Zabini. J'ignore son nom actuel, elle enterre tellement de maris qu'on ne sait jamais quel est son nom de famille du moment. L'homme est Lord Archimède, le directeur de l'école de Vétomagie de Brighton. La jeune fille est sa fille unique Audia.

— Madame Zabini, celle que Ron appelle la Veuve Noire ?

— Elle-même.

— Elle drague ce vieux ? Ça va être son prochain ?

— Je ne sais pas. En tout cas, dès que je rentre, je préviens Albus. Zabini est censé être à l'école pas au Dragon Vert pour un repas de famille ou autre du genre.

Sans se déranger, Harry conjura un petit miroir de poche et effrontément s'en servit pour lorgner les occupants de la table voisine. La jeune fille qu'il semblait à Harry être connue d'Hermione était à peine plus âgée que lui. Elle était très menue, petite, le teint mat avec de longs cheveux châtains et des yeux marrons un peu comme ceux d'Hermione. A chaque regard qu'elle levait vers Blaise, ses joues s'empourpraient un peu plus. Cette remarque fit sourire Harry. Il semblait bien que certaines sorcières soient plus ou moins sensibles aux charmes masculins malgré le poids des convenances du Monde Magique.

— Qu'est-ce que tu fais ? Tu veux bien me ramasser ça ? Tu n'as pas honte ? Tout pour te faire remarquer, hein ? Tu ferais mieux de choisir ton menu !

— Ok ok… accepta Harry en volatilisant son miroir. Y a pas les prix ? Ah si… et bé… ils se mouchent pas du coude, à ce prix-là j'espère que c'est bon.

— C'est réputé, Potter… Lucius déjeune ici deux ou trois fois par semaine.

— Lucius, hein ! Forcément… il est pété d'or, ce con.

— Pas de grossièretés. Je te rappelle qu'il est le seul à nous avoir défendu !

— C'est pas faux, admis Harry à contre-cœur.

Puis changeant de conversation, il s'enquit des plats proposés sur la carte et dont il ignorait à peu près tout, n'étant pas du même niveau que la cuisine de Molly Weasley ou de Dobby.

— J'ai jamais rien goûté de tout ça, moi. Je sais pas ce que c'est ni si c'est bon… Œufs de Focifères à la coque… Boullu meunière… Consommé de Veaudelune… tu connais ?

— Oui, avoua stoïquement Severus Rogue le nez plongé dans la lecture de son menu.

— Comment tu connais, t'es jamais venu ici, tu me l'as dit tout à l'heure ?

— J'ai l'habitude de déjeuner chez les Malefoy, ou d'y dîner selon les invitations. Ce sont des plats que je vois parfois chez eux.

— M'étonne pas que Drago Malefoy soit toujours le nez en l'air à vouloir péter plus haut que son cul à bouffer des trucs comme ça tous les jours, pesta le fléau Gryffondorien à voix basse.

— Tu as fini ? Ne me dis pas que tu es jaloux ? Tu me déçois, Potter… Tu as bien d'autres choses à reprocher à mon ex-filleul que ses menus dominicaux. Non ?

— T'as pas tort. Si je mettais actuellement mes mains sur ce petit crétin, je lui ferais bouffer ses œufs de Focifères avec la coquille !

— Ce serait du gâchis, fit Severus sereinement sans lever les yeux de sa carte. C'est plutôt goûtu et les coquilles sont très jolies.

Harry le regarda de travers et haussa les épaules. Puis il se décida à replonger enfin dans l'étude de son menu. Ce fut à cet instant que le serveur à la perruque de travers choisit de refaire son apparition une plume auto-encreuse et un mini-bloc de parchemin à la main.

— Vous avez fait votre choix ?

— Oui, répondit Severus, pour moi ce sera un consommé de Veaudelune et un Boullu meunière.

— C'est noté. Et en boisson ? Nous avons un petit vin des Elfes très apprécié…

— Allons-y pour une carafe de vin des Elfes.

— Et vous, monsieur ? demanda le sorcier à Harry qui fronçait les sourcils devant sa carte.

— Heuuu… je vais tenter les… oh… j'hésite…

— Entre quoi et quoi ? l'interrogea Severus.

— Ben… L'acromantule, on mange quoi dedans ?

Le serveur leva le nez d'un air méprisant devant les réflexions plébéiennes du client.

— Les pattes, monsieur ! Avec de la mayonnaise ! Vous avez une curette et vous extirpez la chair qui a été cuite au court-bouillon.

— Comme un homard, précisa le Serpentard.

Harry eut alors la vision fugitive de Ron armé d'une curette et tentant de déguster les pattes d'un Aragog quelconque… Non, ce n'était pas une bonne idée. Certes se venger des acromantules[4] de la Forêt Interdite en en mangeant une, c'était original, mais pas pour lui. Il n'avait pas l'estomac assez blindé pour ça.

— Heuuu… je pense que je vais tenter les œufs de Focifères à la coque. Y a des mouillettes ?

— Des quoi ? fit le serveur, interloqué.

— Laissez tomber, un truc moldu.

L'homme marmonna quelque chose de peu aimable concernant les moldus et les nés-moldus qui lui faisaient perdre son temps avec des questions stupides mais le regard venimeux du Maître des Potions le fit se reprendre aussitôt.

— Si je peux me permettre un conseil, vous avez aussi la matelote de serpent de mer au vin des Elfes qui se marie bien avec les œufs qui sont très légers. Sinon, si monsieur est connaisseur, je peux vous avoir quelques tranches fines de rosbeef de Re'em. C'est un peu cher, donc pas sur la carte…

— C'est surtout interdit à la vente, annonça tranquillement Severus les coudes sur la table et le menton appuyé sur ses mains.

— Ah oui ? s'étonna Harry. Et ça coûte cher ?

Le serveur un peu gêné murmura un prix qui fit s'étouffer l'ex professeur de Poudlard et qu'Harry n'entendit pas à cause du bruit provenant de la table d'à côté.

— Pas de Rôti de Re'em ! À ce prix-là, il est en or massif ! Nous aurions une indigestion. Prends la matelote, Harry !

— Ok, va pour la matelote et une Bièraubeurre en boisson.

Le serveur leva les yeux au plafond et griffonna ensuite le reste de la commande la bouche pincée. Les deux clients de la table 15 n'entendirent pas ses ronchonnements lorsqu'il retourna en cuisine transmettre la commande aux Elfes :

— De la Bièraubeurre avec une matelote ! Pffff ! Donner de la confiture à un veracrasse !

— Sev ? Il a pas demandé ce qu'on voulait en dessert ?

— C'est une autre carte, je suppose. Il nous la proposera sûrement après les plats principaux. Mais ne te précipite pas, ce n'est pas bon marché.

— J'ai remarqué, c'est moi qui paye. Tu crois que je vais avoir assez avec cent cinquante gallions ?

— Tu plaisantes ? J'espère bien ! Vu que tu n'as pas pris le Rôti de Re'em !

— Oui au fait c'est quoi ce truc ? Et j'ai pas entendu le prix.

— Deux cents gallions par personne.

— C'est cher ?

— Potter, tu es sûr que tu vis dans le Monde Magique depuis sept ans ? Je t'apprends ou te rappelle que le salaire de base du sorcier appelé SMM ou salaire magique minimal est de cent cinquante gallions mensuels, soit sept cent cinquante livres sterling.

— Ouaaaaah ! Tu veux dire que ce plat coûtait un mois de salaire ?

— Oui, absolument et même un peu plus et pour une seule personne.

— Ils sont fous ! Et pourquoi c'est interdit ? s'inquiéta alors Harry à mi-voix tout en regardant autour de lui pour voir si on les espionnait.

— Le Re'em est un bœuf magique à la peau dorée qui vit en Amérique et en Asie. Son sang procure une force surnaturelle à celui qui en boit. Il entre évidemment dans certaines potions et sa viande est succulente et je dirais même enivrante. Un peu comme certaines drogues moldues, si tu veux une comparaison. Ce bœuf est en voie de disparition, son élevage et son abattage sont très sévèrement réglementés. On ne trouve donc pas de viande ou de sang sur le marché officiel. Je présume que ce rôti vient d'une sorte de marché noir.

— Ouais, ben vu le prix, ils se font des couilles en or ! Bien fait de pas en avoir pris. Pour en plus être drogué ? Nan merci !

Pendant que les deux sorciers attendaient leurs plats, Harry choisit d'examiner avec attention le décor étrange et surchargé du Dragon Vert. Il releva ses lunettes sur son nez et se tourna fort peu discrètement dans tous les sens. Le local où le restaurant était installé, était comme tous ceux du Chemin de Traverse fort ancien et dans un état plutôt moyen. Les murs de torchis avaient été peint en trompe l'œil pour imiter les boiseries surchargées de style Rococo qu'on trouvait dans certains châteaux moldus. C'était donc… très rose et doré. Un vrai décor digne de Dolorès Ombrage !

Les poutres énormes qui traversaient le plafond et supportaient l'étage au-dessus avaient été laissées brutes, mais entre chacune ou presque, pendouillait un énorme lustre de bronze doré et de cristal. Les bougies dont ils étaient chargés diffusaient une lumière jaunâtre mais surtout une fumée noire et suiffeuse qui tachait le plafond de stuc. Le mobilier n'était pas assorti au décor puisque tous les styles étaient mélangés de façon pas très heureuse. Le linge de table avait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et rien n'était coordonné. Les serveurs qui n'étaient là que pour l'accueil et la prise des commandes étaient tous vêtus en livrée à la française avec perruque poudrée, ce qui était parfaitement ridicule selon l'avis d'Harry, surtout lorsque ladite perruque était de travers et le sorcier serveur mal rasé.

Un raclement de gorge fit se retourner le Gryffondor. Severus lui indiquait ainsi que les plats venaient d'apparaître magiquement dans les assiettes. Avec un large sourire ravi, Harry découvrit devant lui une sorte de nid de mousse installé dans la porcelaine rose Enoch Wedgwood. Dans ce nid improvisé et décoré de plumes, deux œufs de taille honorable mais totalement arc-en-ciel pour l'un et zébré de bleu et rouge pour le second, trônaient dans deux coquetiers d'argent ouvragés. Une petite cuillère assortie était posée sur la mousse.

— Ouaaaah ! C'est joli ! Tu crois que je peux garder les coquilles après ?

— Tu peux. C'est même recommandé.

— On fait quoi avec ?

— Ce qui te semblera bon, mais me les donner comme ingrédients de potions ne serait pas une mauvaise idée…

Surpris par cette demande non déguisée, Harry leva les yeux vers Severus et se figea, bouche ouverte sur l'horreur qu'il découvrait.

En face de lui, le Serpentard plongeait très sereinement une cuillère à soupe en argent ciselé dans une assiette creuse contenant une sorte de mixture verdâtre bizarre dans laquelle flottait, comble de l'abomination, deux paires d'affreux et terrifiants globes oculaires d'une taille anormalement grande qui dansaient dans la soupe à chaque coup de cuillère.

— C'est quoi, ça ? fit le jeune sorcier horrifié, le cœur au bord des lèvres. Tu… tu vas pas bouffer ça, quand même ?

— Ceci, mon très cher ami, c'est un consommé de Veaudelune. C'est peu ragoûtant, je te l'accorde, mais c'est succulent. Un met des plus raffinés…

— Je vais être malade…

— Mais non. Ne regarde pas mon assiette, regarde donc tes œufs. Ils sont très jolis, tes œufs, et très bons aussi, tu le verras.

— Y a pas de mouillettes… insista Harry, perturbé, en baissant les yeux vers ses coquetiers.

— Les sorciers ne connaissent pas les mouillettes, Harry. Donc tu n'en verras jamais à leurs tables. C'est une tradition purement moldue. Moi je les connais parce que je suis un sang-mêlé et que ma grand-mère paternelle me servait mes œufs à la coque avec des mouillettes de pain de mie beurré. Très bon souvenir…

— Sev… tu… tu vas pas manger les yeux, quand même… ils… ils me regardent !

— Mais non, regarde tes œufs. Il faut que tu les décapites pour en manger l'intérieur, comme pour les œufs de poules.

— Décapiter ?

La mine dégoûtée d'Harry amusa énormément Severus. Il allait manger les yeux, bien évidemment ! C'était délicieux les yeux de Veaudelune. Il n'apprit pas à son jeune compagnon que la couleur étrange du potage était due au sang frais de l'animal versé dedans avant de servir. Un met de choix, assurément…

Le Gryffondor se concentra sur les coquilles joliment colorées et chercha sur la table une éventuelle guillotine à œuf comme celles que Tante Pétunia utilisait pour servir ses œufs coques. Il n'y en avait pas. Utilisant alors sa cuillère à œuf comme un petit marteau, Harry cassa le sommet des deux coquilles et plongea sa cuillère dans le premier œuf. Il en ramena non pas du jaune, mais une glaire violet foncé qui lui fit pousser un petit cri et relâcher sa cuillère qui tinta contre la porcelaine ancienne.

— Un problème, chaton ? lança Severus, amusé.

— Sev… mon œuf… il est périmé ! Il est violet dedans !

— Ça veut dire au contraire qu'il est très frais, Harry. Quand ils sont périmés, ils sont rouge sang.

Le jeune sorcier était à présent très pâle. Une fine sueur perlait sur son front et si ce genre de surprise se reproduisait encore pendant ce repas, il allait être vert et vomir tripes et boyaux.

— Donc je peux manger mes œufs violets, sans risque ?

— Oui, Harry, tu peux. Et si tu touilles bien avec du sel et du poivre, ils vont changer de couleur et devenir roses plus ou moins parme. Normal avec le blanc qui se mélange…

— Ah bon !

Se saisissant du sel et du poivre placés dans un petit panier sur la table, Harry entreprit de préparer ses deux œufs coques. Alors qu'il touillait le premier d'une cuillère hésitante, Severus, toujours offusqué par la présence incongrue de Blaise Zabini dans ces lieux, tendait l'oreille pour connaître la raison de cette réunion. Les deux adolescents se taisaient, se contentant de se regarder en coin, mais Madame Zabini menait les débats avec force minauderies et gestes agités faisant scintiller ses nombreuses bagues. Severus ne mit pas longtemps à comprendre qu'il s'agissait d'un déjeuner d'accordailles. Lord Archimède et Madame Zabini organisaient les fiançailles de leurs rejetons respectifs et le montant de la dot était en discussion. Ravalant un soupir qui ne demandait qu'à jaillir pour le soulager, Severus retourna à son assiette et se saisissant d'un couteau et d'une fourchette, entreprit de découper en tranches fines les quatre yeux morts qui nageaient encore dans le dernier demi-centimètre de soupe.

Un petit cri étranglé lui fit lever les yeux. Harry, vert d'horreur le regardait faire.

— Alors ? Ces œufs ?

— Très bon, finalement, avoua-t-il d'une voix étranglée. Et toi… tu vas manger… ça…

La pomme d'Adam du garçon fit l'ascenseur sur son cou et il baissa obstinément les yeux sur ses coquilles vides afin d'être épargné de cette vision d'épouvante.

— Tu te brosseras les dents. Je refuse d'embrasser quelqu'un qui a bouffé des yeux, marmonna Harry dans sa moustache inexistante.

Un petit rire accueillit cette déclaration ainsi qu'un raclement de cuillère contre la porcelaine rose.

— Tu peux lever les yeux, j'ai terminé. Et ramasse tes coquilles.

Harry releva la tête et vit Severus qui un léger sourire aux lèvres s'essuyait délicatement la bouche avec une serviette de table blanche. A peine les coquilles disparues dans la poche de la cape d'Harry, les deux assiettes s'évanouirent et furent remplacées par deux autres contenant cette fois-ci le plat principal.

— C'est rapide ! On n'a pas à attendre entre les plats. Pas comme chez les Moldus, constata agréablement le jeune sorcier.

— C'est magique !

Harry regarda sa nouvelle assiette avec attention. Dans une épaisse sauce brune odorante, il fallait le reconnaître, quelques pommes de terre vapeur pointaient comme des récifs. Un tronçon de quelque chose recouvert d'une sorte de carapace articulée avec un énorme aiguillon au-dessus était figé au milieu de l'assiette. Se saisissant de son couteau, Harry tapota la carapace pour en évaluer la dureté.

— Comment on mange ça ?

— Tu soulèves la carapace par l'aiguillon. C'est juste un décor. Ce que tu vas manger se trouve dessous.

— Dois-je avoir peur ? s'inquiéta Harry en refermant ses doigts sur la pointe osseuse.

— Pas du tout. C'est très bon, ça ressemble à du poisson. À de l'anguille, je dirais…

— Ok…

Ce fut à ce moment-là que le Gryffondor remarqua la chose qui se trouvait dans l'assiette de Severus. Un énorme poisson Boullu, rond comme un ballon, avec de longues pattes repliées dans l'assiette. Le poisson avait été visiblement fariné et poêlé et un demi citron était coincé dans sa bouche ouverte. Deux petits tas de riz en forme de seaux se trouvaient sur les côtés de l'assiette près des pattes.

— Tu vas manger tout ça ? Il est énorme !

— On ne mange que les filets autour des côtes, Harry, comme pour un poisson normal. Le Boullu est rond et creux. C'est du vide dedans puisqu'il a été vidé et nettoyé avant cuisson. On l'arrose de jus de citron et on mange. C'est très bon.

— Ça ressemble à quoi de connu ?

— Je dirais à de la lotte…

— C'est bon, la lotte. Tante Pétunia en a servi une fois. Et j'ai volé une part dans le frigo en cachette. Elle a cru que c'était Dudley, il adore ça, et moi je suis censé détester le poisson.

— Tu n'aimes pas ça ?

— J'adore, mais pour ne pas m'en donner quand j'étais petit, elle racontait à qui voulait l'entendre que j'étais difficile et que je ne mangeais pas de poisson. Donc Dudley avait double portion. Elle a fini par croire à son mensonge et quand le poisson disparaissait du frigo et qu'elle m'accusait, je lui disais « mais Tante Pétunia, tu sais bien que je déteste le poisson depuis que je suis petit ». Du coup, elle abandonnait ses accusations.

— Toujours aussi stupide, celle-là, ronchonna le Maître des Potions en pressant son demi-citron au-dessus de son Boullu meunière.

Harry apprécia énormément sa matelote de serpent de mer au vin des Elfes. Il ravagea totalement son assiette jusqu'à la dernière miette. Severus fit également honneur à son plat et lorsque la porcelaine ancienne s'évanouit par magie, les deux hommes étaient très satisfaits. Le serveur vint alors leur demander s'ils souhaitaient une salade ou du fromage avant les desserts. Si l'ancien professeur choisit de s'abstenir et d'en rester momentanément là, Harry fonça et demanda du fromage.

Alors que le serveur tendait à Severus une carte des desserts et en laissait une pour Harry sur la table, une petite assiette contenant une belle part d'un fromage banal non identifiable et une épaisse tranche de pain des Elfes se matérialisa. Aussitôt le jeune Élu se saisit de son couteau et de la tranche de pain. Au moment où il approcha l'instrument du morceau de fromage, celui-ci se ratatina dans l'assiette en tremblant et en poussant de petits cris aigus pitoyables.

— Par Merlin ! sursauta le jeune balafré aux yeux verts, qu'est-ce c'est que ce truc ? Un… un fromage qui crie et qui tremble ? Mais comment veux-tu bouffer un fromage qui a peur, toi ? Enfin, c'est du jamais vu… mon fromage est vivant ?

— Calme-toi. Tu aimes les Chocogrenouilles, non ?

— Oui, mais je vois pas ce que ça vient faire là-dedans !

— C'est un sortilège, Harry, comme sur les Chocogrenouilles. Ce fromage, qui est d'ailleurs une « Couille de Merlin », est ensorc-

Un gloussement et des soubresauts d'épaules interrompirent l'ex-enseignant dans son explication.

— Cou… couille de… de Merlin ? Hihihihihihi ! Bordel, le nom ici ! Celui qui a pondu ça avait fumé la moquette !

— Tu n'as pas été en France, toi. Ils ont des tas de noms de ce genre pour le fromage, ou d'ailleurs la confiture…

— Comment tu sais ça ? Tu as été en France ? Je croyais que tu ne quittais jamais Poudlard ou l'Impasse du Tisseur…

— Lucius. Il a une résidence secondaire sur la Riviera. J'y ai été invité deux fois déjà. Ceci dit, puis-je continuer mon explication ?

— Ok, je dis plus rien, continue.

— Je disais donc qu'un sortilège semblable à celui des Chocogrenouilles est jeté sur ce fromage juste avant sa commercialisation, par le sorcier qui le fabrique. Le comportement du fromage dans l'assiette est ensuite aléatoire. Le dernier que j'ai mangé chantait et celui de Lucius l'a insulté copieusement durant tout le temps qu'il lui a fallu pour le manger. Visiblement, le tien est un couard qui va tenter de fuir ton assiette. Fais bien attention à lui faire barrage avec ta tartine. Il risque aussi de te supplier, de pleurer et de gémir. Ne te laisse pas attendrir, ce n'est un morceau de fromage, il ne ressent rien. Exactement, comme une Chocogrenouille quand on la mange.

— Le sort des Chocogrenouille cesse dès le premier coup de dents, précisa Harry qui tentait à présent de coincer son fromage avec sa tartine, celui-ci ayant quitté l'assiette en se tortillant, pour se réfugier derrière le panier de condiments.

— C'est normal, c'est un chocolat destiné à la base aux enfants. Tu imagines le traumatisme s'ils devaient croquer une grenouille qui hurle et supplie ?

— Heuu… c'est sûr qu'ils n'en vendraient pas beaucoup…

Le Serpentard, amusé et un léger sourire aux lèvres, regarda pendant quelques minutes Harry se battre contre sa part de fromage. Celle-ci tremblante sur des petites pattes magiques qui venaient d'on ne savait où, tentait de se cacher derrière la carafe de vin des Elfes, le panier à condiments et même la corbeille de pain. Un rictus cruel sur son visage, Harry essayait d'acculer le fromage contre la rangée de verres devant lui mais à chaque fois qu'il tentait de la piquer avec la pointe de son couteau, la « couille de Merlin » poussait un petit hurlement déchirant, se dérobait et appelait au secours. Amusant les deux premières minutes, après… franchement chiant, comme le fit remarquer le jeune sorcier à son amant, avec un soupir agacé.

Severus leva les yeux au ciel.

— Potter, cesse de jouer avec ta nourriture !

— Hééééé ! T'es drôle toi, la nourriture en question refuse de se laisser manger !

— Ne fais pas de sentiment, je t'ai dit ! Attrape-la et c'est tout !

— Ok. J'ai compris.

Harry posa son couteau sur son assiette et le fromage sembla pousser un soupir de soulagement. Il n'eut pas le temps de réagir quand une main encore bronzée s'abattit sur lui et le plaqua sur la nappe, le souleva et l'enroula dans la tranche de pain pliée. Ses cris à présent étouffés n'incommodèrent pas le Gryffondor qui entama le casse-croûte improvisé et en croqua un large morceau. Dans le pain, le reste du fromage se tortillait sous la poigne musclée et suppliait « Ne me mange pas ! »

— Le mec qui a inventé ce sort est un sadique ! Mais le fromage est sacrément bon ! Quand je vais écrire à Mione que j'ai bouffé une couille de Merlin, elle va pas en revenir. Elle doit pas connaître…

— C'est un aliment onéreux, chaton, ce n'est pas à la portée de toutes les bourses, en tout cas pas celles de Poudlard, des Weasley ou de Lupin.

— Toi tu ne connaissais tout ça que parce que tu en as mangé chez les Malefoy, c'est ça ?

— Tout à fait. Je ne suis pas un sorcier qui jette l'or par les fenêtres et le dépense dans des mets de luxe.

— Moi non plus. Je voulais savoir ce que c'était que de manger dans ce restaurant classé luxueux par les sorciers. J'ai pas matière à comparer avec les restos moldus mais je présume que ça n'a rien à voir… Bah ! Je pourrai toujours dire que j'ai déjeuné au Dragon Vert. A qui, je l'ignore, surtout maintenant… mais bon…

Harry engloutit alors et en quelques bouchées le reste de son pain au fromage. C'était mine de rien assez fatiguant, un aliment qui protestait. Pas une expérience à refaire tous les jours… à son humble avis. Il finissait sa chope de Bièraubeurre tiédasse à souhait, lorsque le serveur revint pour prendre la commande de dessert. Bien entendu, Severus avait déjà choisi et annonça le gâteau aux trois chocolats noirs. Harry qui n'avait même pas accordé un regard à la carte, s'en saisit et l'ouvrit précipitamment tout en se demandant ce qu'ils avaient de différents ces chocolats puisqu'ils étaient tous noirs.

Son regard s'attarda sur les glaces et sorbets proposés ainsi que sur un ou deux entremets dont les noms exacerbèrent sa méfiance. Après les yeux dans la soupe et le fromage bavard et fuyant, il valait mieux rester en pays de connaissance.

Ou du moins, essayer.

Le serveur impatient se racla la gorge pour l'inciter à choisir plus vite. La pensée que ce type ne ferait pas long feu dans une pizzéria ou même chez McDo traversa le cerveau du Gryffon. Alors, fatigué de ces agapes quelques peu stressantes, Harry arrêta son choix sur le premier sorbet de la liste.

— Un sorbet au Blanc de Kelpy.

— Prendrez-vous du thé, messieurs ?

— Non, pas pour moi, répondit Harry, tu en veux, toi ? demanda-t-il alors à son compagnon.

— Non, nous verrons dans l'après-midi…

— Alors les desserts et l'addition, demanda Harry. Nous sommes assez pressés.

— Bien, monsieur, répondit le type perruqué en coinçant sa plume dans son bloc de parchemin.

Aussitôt qu'il eut rejoint les cuisines, les desserts apparurent encore une fois devant les deux sorciers. Le gâteau au chocolat était… et bien tout noir, donc plein de chocolats paraît-il différents et recouvert de crème Chantilly ainsi que d'une énorme cerise confite ayant certainement dû se trouver sur la trajectoire d'un Engorgio quelconque… ou alors, elle provenait de Tchernobyl.

Harry avait devant lui une coupe de glace en verre, semblable à celles que Florian Fortarôme proposait à ses clients. Le sorbet était blanc laiteux, un peu comme celui au citron qu'il affectionnait. Un peu suspicieux, il se saisit alors de la cuillère à long manche qui était plantée dedans avec une langue de chat et du bout des lèvres, goûta son dessert.

C'était plutôt fameux. Il ne pouvait pas dire à quoi ça ressemblait pour expliquer, mais le parfum était doux, peut-être un peu fleuri, et même acidulé. Inattendu, et très sympa. Visiblement, pas de mauvaise surprise ici…

Severus ne disait rien. Il dégustait avec lenteur et une petite fourchette, son gâteau au chocolat. Ce dessert-là aussi, était servi chez les Malefoy. Est-ce que les Elfes le faisaient eux-mêmes ou bien l'achetaient-ils, il ne le savait pas. Et ce n'était pas une question à poser à Narcissa si on ne voulait pas se retrouver sur sa liste noire et ne plus jamais être admis au Manoir. La liste noire de Narcissa, il y avait des chances pour qu'il soit tout en haut, à présent. A la place d'honneur…

Le potionniste jetait de temps en temps un petit coup d'œil sur Harry. Celui-ci goinfrait littéralement son sorbet. On pouvait dire qu'il appréciait son dessert. Mais savait-il vraiment ce qu'il mangeait ? Le sorcier hésitait. Lui dire ou ne pas lui dire ? Ne pas lui dire n'était pas très gentil, et il avait remarqué qu'Harry Potter détestait viscéralement qu'on lui dissimule des informations. C'était même le meilleur moyen de se fâcher avec lui.

Il devait le lui dire.

Harry, un large sourire aux lèvres venait d'abandonner sa cuillère dans sa coupe de verre vide et il se laissa aller contre le dossier de son fauteuil Louis XV dépareillé avec un plaisir évident.

— C'était bien bon, cette petite glace. Ils ont pas les mêmes chez Florian Fortarôme. Je les ai toutes essayées.

— Chaton, qu'est-ce qui a motivé ton choix ?

— Pour le sorbet ? J'ai pris le premier de la liste, je voyais bien que le serveur ne voulait pas attendre et puis de toute façon je ne connaissais aucune des glaces proposées, autant essayer, même au pif. Pourquoi ?

— Non, rien, je me demandais c'est tout… Tu sais je suppose ce qu'est un Kelpy ?

— Oui. Un démon des eaux de Grande-Bretagne et d'Irlande qui a souvent l'apparence d'un cheval. On a vu ça en cours.

— Bien. Et le Blanc… Sais-tu ce que ce terme signifie ?

— Non…

— Tu n'as jamais entendu parler du Blanc de Baleine que les Moldus utilisaient largement pour faire des crèmes de beauté ou du rouge à lèvres au début du siècle ?

— Non, je ne crois pas. Ça ne me dit rien. Quel est le rapport entre un composant de crème de beauté moldu et ma glace ?

Harry commençait à s'inquiéter. Qu'est-ce qu'il avait bien pu avaler encore ? Il se rapprocha de la table et tendit son visage vers Severus.

— Dis-moi tout de suite ce que je devrais savoir ou que j'aurais dû savoir avant de manger ce foutu sorbet, Sev'rus !

— Chaton, le Blanc, c'est le terme employé pour désigner le sperme. Le Blanc de Baleine, c'est le sperme d'une baleine. Et par conséquent… le Blanc de Kelpy…

— Tu veux dire que j'ai bouffé du sperme de démon surgelé ? s'étrangla le Gryffondor les yeux écarquillés d'horreur.

— Et bien oui… mais… c'était bon, non ?

— Ça n'empêche pas que c'est du sperme… je veux vomir, mourir… fuir… je sais pas, mais là je sature, on se casse. Tu as apprécié ton gâteau, j'espère parce que là, j'en ai ras le chapeau pointu, si tu vois ce que je veux dire !

Severus Rogue esquissa un petit sourire amusé et réprima un gloussement. Au moins, Harry ne lui avait pas reproché de ne pas l'avoir prévenu avant… Il regarda son ex-élève lever son bras droit et claquer des doigts en criant « Serveur ! » ce qui fit plusieurs têtes se retourner agacées vers lui. Les Zabini/Archimède étaient partis depuis déjà plusieurs minutes après avoir traîné avec deux tournées de cafés/thés et digestifs. Visiblement, ils s'étaient mis d'accord car Madame Zabini était sortie du restaurant accrochée comme une sangsue au bras de Lord Archimède, rouge comme une tomate. Aucun des deux ne surveillait les adolescents qui se faisaient des petits sourires en coin et semblaient se trouver à leur goût.

Surtout, ne pas oublier de tout raconter à Albus !

Le serveur apporta l'addition dans une petite soucoupe d'argent massif. Harry soupira en découvrant le chiffre exorbitant de quatre-vingt-dix-huit gallions, onze mornilles et deux noises. Il sortit sa bourse de cuir de la poche de son jean moldu en soulevant sa robe de sorcier et entreprit de faire des tas de dix pièces d'or pour être sûr de ne pas se tromper. Le sorcier serveur le toisait sans se gêner de montrer son mépris pour ce certainement né-moldu. Harry laissa la somme exacte et voyant l'air désappointé du larbin emperruqué lui annonça que vu les prix pratiqués, il estimait un pourboire totalement superflu. Puis, il se leva et slaloma entre les tables et les chaises pour atteindre la sortie. Severus le suivit sans un mot, se contentant d'un petit signe très sec de tête au serveur. La clochette tinta lorsque le jeune ouvrit la porte donnant sur le Chemin de Traverse. Il ne la referma pas, en laissant ce soin à Severus qui le suivait.
Le jeune sorcier tira sur sa robe de sorcier pour la défroisser quelque peu et tournant un peu la tête sur la droite il dit à l'ombre de son compagnon qu'il devinait près de lui :

— On y va, Sev ? Qu'on leur paye leurs fichues amendes et qu'on en finisse avec ces atrophiés du bulbe !

— Je te suis.

Les deux sorciers traversèrent la rue et grimpèrent les quelques marches qui menaient à Gringotts. Aussitôt, un sorcier-vigile armé d'une sonde de sincérité la promena autour d'eux un peu comme un vigile moldu avec un détecteur de métaux. Le type leur fit un signe de tête pour leur faire comprendre qu'ils pouvaient entrer. Au premier pas dans la Banque, les deux Glamours s'effacèrent et les clients présents les reconnurent et froncèrent du nez pour la plupart, voire se détournèrent pour afficher leur mépris.

Rita avait bien travaillé.


1 Dobby est né et a été élevé au Manoir Malefoy. Il n'est donc guère étonnant qu'il ait des idées totalement préconçues et erronées en ce qui concerne les Moldus et leurs usages.

2 Galettes de pommes de terre râpées et grillées ressemblant aux Röstis.

3 Boudin noir ou blanc

4 Harry et Ron ont rencontré des Acromantules en seconde année au cours d'une promenade -non autorisée- dans la Forêt Interdite et n'ont dû leur salut qu'à l'arrivée intempestive d'Hagrid. Bien sûr, ils ont été punis et ont dû récurer des chaudrons pendant une semaine.