Bêta : Mokonalex
Assistante/Elfe de Maison : Mirabelle31
Note d'auteur au 31/07/2019 : Un chapitre pour l'anniv' de notre Ryry et celui de notre déesse JKR. Le suivant est bien commencé aussi... je prévois, parce que j'ai encore une intervention chirurgicale le 9 août... et oui, ça n'en finit pas. Mon elfe favorite ayant un peu plus de disponibilités, je la monopolise pour continuer l'écriture. Et oui, il faut bien que quelqu'un fasse le sale boulot et me supporte, en plus !
Bonne lecture !
L'aube tira nos deux héros du sommeil. Il était sept heures du matin lorsque Severus émergea. Il avait chaud, bien que la moitié de son corps soit hors des couvertures et qu'il fut nu. Harry était lové contre lui, la tête sur l'épaule du Serpentard et le petit coquin était enroulé comme un sushi dans les drap et couvertures qu'il avait tirés à lui. C'était pour ça que le maître des potions était à demi exposé. Avec un claquement de langue agacé, il tira sur les couvertures afin de s'en recouvrir. Le mouvement réveilla le bel endormi aux yeux verts.
— Bien dormi, Potter ?
— Ouais, répondit le susnommé en étouffant un bâillement et en s'étirant de tout son long.
— Je peux avoir un peu de couvertures ? demanda Severus qui n'aimait pas être à découvert dans un lit.
— Tu as froid ?
— Non, pas spécialement, vu que j'ai un sushi personnel à côté de moi pour me réchauffer.
Harry se mit à rire.
— Tu sais que je n'aime pas être allongé nu et sans couvertures. C'est le meilleur moyen pour attraper la mort. On se couche, on a chaud, et puis la température descend au milieu de la nuit. On se refroidit et on l'ignore car on dort et au réveil, bingo ! On est malade ! précisa Severus, alors j'aimerais avoir un peu de couvertures quand je dors avec toi ! Merci bien.
— Ok, ok. Mais tu sais, je fais pas exprès, hein ! Je m'enroule en dormant. J'ai pas l'habitude de dormir avec quelqu'un, tu comprends… Mais je vais m'habituer, c'est sûr. Maintenant qu'on est tous les deux…
Harry se libéra des couvertures et Severus put se recouvrir complètement, comme il l'aimait. Du coup, leurs deux corps nus se retrouvèrent totalement en contact, ce qui eut pour effet d'exacerber leur libido. Le Gryffondor prit l'initiative de nicher son visage dans le cou de son amant en dissimulant un petit sourire chafouin, tandis que sa main remontait le long d'une cuisse blanche légèrement poilue pour aller agripper un membre viril de bonne taille parfaitement érigé. Cette action provoqua la réaction immédiate de l'ex-professeur. Il se retourna sur le côté d'un coup de rein et se coucha à demi sur le jeune sorcier, l'emprisonnant entre ses cuisses.
— Des initiatives, Potter ?
— Oui ! On n'a pas fait l'amour depuis que je suis arrivé. Ça me manque.
— Attends, tu es là depuis deux jours à peine. Et dois-je te rappeler que la première nuit tu étais à demi-comateux et hier, beurré comme un biscuit de Molly un jour de fête ?
— Pas vrai, d'abord ! J'avais pris ta potion de dégrisement.
— Tu l'as vomie avant qu'elle n'ait totalement fait son effet, et c'était la dernière. Et comme je n'ai plus rien ou presque pour faire des potions…
— Sev' ?
— Mmmm ?
— Ferme-la !
Et pour obliger son amant à changer son discours, Harry chercha ses lèvres tout en commençant un mouvement de va-et-vient sur l'organe qu'il tenait sournoisement entre ses doigts serrés.
Bientôt, la pièce à peine éclairée fut remplie de bruit de baisers, de soupirs et de grincements de ressorts de sommier malmené. Lorsque les fameuses volutes de magie apparurent pour leur habituel ballet, Dobby entrebâilla discrètement la porte de la chambre.
Tout allait pour le mieux. Ses deux sorciers reprenaient du poil de la bête malgré l'adversité, s'ils jouaient ainsi à tenter de se reproduire. Drôle d'idée, vraiment… Un jour, il faudrait quand même qu'il leur explique que ça ne marchait pas comme ça.
L'Elfe effronté et indiscret referma doucement l'huis et popa dans la cuisine. À se démener comme ça dans ce pauvre lit, ses sorciers allaient avoir faim. Il allait donc de ce pas leur réchauffer leurs thé et café serré favoris ainsi que deux English Breakfasts complets provenant des restes de la table professorale. Que des bonnes choses ! Ensuite, il irait voler des boulets de charbon au Manoir Malefoy et des bûches prêtes à brûler au Square Grimmaurd. Kreattur ne dirait rien, il détestait son maître et les occupants habituels de la demeure. Pour la poudre de cheminette dont le niveau dans le pot était critique, il viderait celui de la salle commune de Gryffondor… ça leur apprendrait à chasser ses maîtres de Poudlard. Et il prendrait aussi le pot tout neuf de Dolorès Ombrage, ainsi que le nouveau voilage qu'elle avait accroché dans ses quartiers. Le rideau de dentelle de la cuisine était usé et déchiré, au-delà des capacités de réparation de la magie. Pourquoi se priver ? C'était la faute de cette harpie si ses maîtres n'avaient plus d'or.
Dobby était très fort pour les initiatives étranges et les vengeances pas piquées des hannetons … Certains allaient bientôt le découvrir ou s'en souvenir…
— Harry ?
— Moui ? marmonna l'Élu, la bouche pleine.
Décidément, les plats proposés aux professeurs de Poudlard étaient pour certains bien meilleurs que ceux des élèves. Pour preuve, on ne donnait pas aux élèves d'English Breakfasts complets. Ils avaient des œufs brouillés, du bacon et des toasts et rien de plus. Evidemment, il y avait sur les tables des pichets de lait, de thé, du café pour les Gryffondors ainsi que des boites de céréales Magic Krispies, voire parfois quelques viennoiseries mais au grand jamais le traditionnel petit déj anglais complet. Remarquez… s'ils avaient servi ça à la table de Gryffondor, Ron n'aurait quitté son assiette qu'à onze heures du matin, après s'être installé devant à sept heures. Un tel goinfre devait coûter son pesant d'or à nourrir.
— Il y a un hibou dehors, sur le rebord de la fenêtre, annonça Severus avant de porter sa seconde tasse de café noir à ses lèvres.
— Encore ? Putain, j'ai jamais reçu autant de hiboux que depuis que j'ai quitté le Monde Magique.
— Mais qui te dit qu'il est pour toi ?
— Ah bon ? Il est pour toi ? C'est quelqu'un que tu connais ? C'est Malefoy ?
— Non, répondit le potionniste au chômage, Lucius a un hibou Grand-Duc et ceci, mon jeune ami, est une chouette chevêche. Et pour répondre à ta question, ce n'est pas une chouette que je connais. J'en déduis que c'est un illustre inconnu qui nous envoie une lettre, ou c'est une chouette du bureau de poste voire de la volière de Poudlard.
— Dobby ? Tu ouvres à cette chouette ?
— Dobby va chercher la chouette, Harry Potter, monsieur !
L'Elfe ouvrit la porte donnant sur la courette et récupéra l'oiseau plus sa lettre. La chevêche inconnue fut installée près de Midnight qui somnolait assis sur sa perche près de la cheminée allumée. Elle prit la place d'Hedwige, chouette diurne, et qui était déjà dehors à écumer le quartier de ses rongeurs. La chevêche but l'eau de l'abreuvoir et avala quelques MiamHibou disposés dans une mangeoire. Elle semblait un peu fatiguée par son voyage car elle prit la même position assise que Midnight et ferma les yeux.
Harry, pendant ce temps, avait ouvert la lettre qui lui était finalement adressée.
— C'est Hermione, Severus ! Elle a quitté Poudlard ! Tu veux que je te lise la lettre ? proposa-t-il en la brandissant en l'air.
— C'est ta lettre, chaton. Elle ne m'est pas adressée.
— Je te lis des bouts. Elle a quitté Poudlard hier matin, carrément à six heures du mat, avec armes et bagages et son chat. Elle a pris le Poudlard Express et quand elle est arrivée à Londres, elle s'est rendue au Chemin de Traverse et a acheté cette chouette chevêche au Royaume du Hibou. C'est une femelle qui s'appelle Athéna. Tiens… écoute ce qu'elle dit.
«… mes parents étaient très surpris de ma décision. Je leur avais envoyé un hibou pour les prévenir et ils avaient à peine reçu ma lettre que j'étais à la maison. Et encore, j'avais fait un détour par le Chemin de Traverse pour acheter cette chouette. Elle est mignonne, n'est-ce pas ? C'est une femelle que j'ai appelée Athéna. Je trouve que ça lui va bien. Quand j'étais dans le train, j'en ai profité pour faire une demande pour passer mes ASPICs immédiatement. Ils ne peuvent pas refuser, j'ai eu dix-huit ans le 19. J'ai posté la lettre depuis le bureau de poste du Chemin de Traverse, j'attends dorénavant leur réponse qui ne saurait tarder. Le Professeur McGonagall m'a dit que le Département des Examens Magiques et de l'Education répondait très rapidement, souvent dans la journée, aux hiboux reçus. Comme je ne voulais pas me retrouver complètement isolée du Monde Magique et que je voulais pouvoir envoyer des lettres, notamment à toi, j'ai acheté cette chouette tout de suite.
Dès que j'aurai passé mes ASPICs je m'inscrirai en Droit Criminel à l'Université de Londres. Tu sais que la Justice m'intéresse beaucoup. Je crois que je vais bien apprécier ces cours. Le Monde Magique et son intolérance m'ont beaucoup déçue. Mes parents ont été très surpris. Déjà qu'ils ne voulaient pas que je revienne à la rentrée, autant te dire qu'ils sont plutôt contents de ma décision. J'ai hésité mais je n'ai pas l'intention de poursuivre mon abonnement à la Gazette du Sorcier quand il viendra à expiration. Je suis dégoûtée de ce journal. Pour l'instant, je le reçois toujours, mais j'avoue que je ne le lis plus. De toute façon ils ne remboursent pas, je dois attendre la fin de l'abonnement. Si tu veux que je te garde les numéros au cas où, tu peux me dire et Athéna te les expédiera régulièrement…/
— Le reste, c'est juste ses projets, sa grand-mère etc. Elle dit aussi qu'elle est trop contente d'avoir échappé à Ron et à Molly.
— Pardon ? De quoi parles-tu ? Pourquoi leur échapper ?
— Rappelle-toi, je t'ai parlé des manigances maritales de Molly Weasley quand nous étions au Flamant Rose, la première fois. Elle espérait marier Ron à Hermione et c'est pour ça qu'elle était toujours invitée au Terrier pour les vacances.
— Maintenant que tu en parles, oui, je m'en souviens. Passe-moi la confiture de fraise.
— Tu préfères pas la marmelade d'orange ?
— Il y en a ? Alors passe-moi le pot !
Harry poussa le pot de marmelade vers son compagnon et replongea dans les délices de son bacon grillé à souhait, de ses Hash Brown, des deux saucisses poêlées et de tout ce que Dobby avait glissé dans son assiette avec l'ordre de manger. Severus s'était contenté de quelques tasses de café, de toasts grillés beurrés et qui allaient sans tarder être enduits de marmelade. Il avait hésité devant les œufs brouillés mais avait accepté un œuf à la coque lorsque l'Elfe lui en avait fait la suggestion.
— On fait quoi aujourd'hui ? demanda Harry entre deux bouchées de boudin noir.
— J'ai mes cartons de déménagement à vider. Dobby a trié et rangé mes vêtements sans que j'aie à lui demander, mais mes livres et mes ingrédients… personne n'y touche.
— Tu as des ingrédients encore ? Et des chaudrons ?
— Quasiment rien. J'utilisais les stocks de l'école pour mes recherches, ainsi que le matériel. Quand je faisais des achats personnels, j'envoyais tout ici, dans mon labo. Et donc tout a été dévasté. Il doit me rester un ou deux chaudrons. Un basique en étain taille 2 comme les élèves et un en bronze un peu fatigué que j'avais apporté à Poudlard pour une expérience que je n'ai pas eu le temps de mener. Ça l'a sauvé, ce pauvre chaudron.
— C'est cher, un chaudron ? demanda Harry qui comptait mentalement l'or disponible.
— Oui. Un en étain taille 2 c'est quinze gallions. Alors je ne te dis pas les plus grands et avec des matières plus onéreuses.
— C'est cher, quinze gallions ?
— Quand vas-tu apprendre la valeur de la monnaie magique ? C'est cher, oui ! Ça tourne autour des soixante-quinze livres sterling[1]. Qui avait payé ton chaudron en 1ère année ?
— Moi. Enfin, Hagrid avec mon or. Comme je ne connaissais pas les gallions, mornilles et noises, c'est lui qui avait la bourse mais il me l'a donnée ensuite, une fois nos courses terminées. Je n'imaginais pas que j'avais retiré autant d'argent que ça de mon coffre. Au fait, Sev', et le labo de potions que tu avais installé au Square Grimmaurd ? Tu as tout récupéré ?
— Il n'était pas à moi, Harry, soupira le Maître des Potions en disgrâce. Le matériel était celui de l'Ordre du Phénix pendant la première guerre. Il avait été remisé à Poudlard par Albus et il l'avait installé au Quartier Général au cas où, quand Black nous avait prêté la maison. Albus était persuadé que le Seigneur des Ténèbres allait revenir. Seuls les ingrédients étaient à moi et à Albus et nous les avons récupérés à notre départ.
— Voldy n'est pas revenu après sa tentative en 1ère année. Dumbledore pense que la mort de Quirrell a dû le tuer aussi. Ta marque des ténèbres n'est plus visible ou presque.
— Et c'est très bien. De toute façon, je ne suis plus considéré un sorcier britannique.
Le visage du potionniste se rembrunit à ce rappel. Il choisit alors d'interroger Harry sur ses projets personnels.
— Tu as prévu quoi ce matin ? Je te préviens, dans l'après-midi, nous partirons pour Londres. Il faut que j'aille solder mon compte au Flamant Rose.
— Ce sera ouvert ?
— On est mercredi. Rick se fait livrer le mercredi. Il s'arrange ainsi pour ne pas être dérangé les autres jours. Donc aujourd'hui, le bar sera fermé mais la porte ouverte pour les livreurs et les amis. Et pour nous qui viendront payer nos dettes. Enfin… mes dettes… car ce ne sont pas les tiennes.
— Caisse commune, Sev'. On en a parlé. Alors je suis concerné aussi. Ne t'inquiète pas, on paiera tout ce qu'on leur doit.
— Nos virées au Flamant Rose vont me manquer. Par Merlin, même la chambre 13 du Butterfly va me manquer ! C'est te dire… Une page se tourne, une époque s'achève… rumina le Serpentard.
— On s'en sortira. J'te promets. J'irai faire un tour en ville demain. Faut que je visite de toute façon, pour que je puisse me repérer. Je verrai bien, peut-être que je pourrai trouver un p'tit boulot quelconque. J'ai une carte d'identité moldue qui me vieillit d'un an dans ce monde. Ça aidera.
— Pas question ! Tu vas bosser pour tes ASPICs avec moi ! Ce n'est pas parce que tu ne peux pas aller à Poudlard que tu dois négliger ton éducation. Tu dois terminer tes études pour avoir ton papier d'équivalence. Ensuite, tu réfléchiras à ce que tu veux faire l'an prochain. Et d'abord d'où vient cette fausse carte d'identité ?
— C'est une vraie, mais bidouillée par les jumeaux Weasley, c'est tout.
— Donc fausse.
— Bon, si tu veux, accepta Harry. De toute façon, l'université c'est plus dans mes moyens. Je te ferais dire que ça coûte au bas mot au moins dix mille livres sterling l'année. C'est Hermione qui me l'a dit. Et je n'ai plus les moyens.
— On en reparlera, à ce moment-là.
— Si tu veux. Peut-être que notre situation se sera améliorée d'ici là. De toute façon, je ne sais pas du tout ce que je ferais si je pouvais y aller… Histoire, peut-être ? J'ai toujours trouvé l'archéologie fascinante. Faut voir quoi, révéla Harry en raclant d'une fourchette précise ses derniers haricots à la tomate perdus dans son assiette dévastée.
Il lança un vague coup d'œil à travers la porte vitrée de la cuisine afin de prendre connaissance de la météo du jour et remarqua la vitre remplacée et fraîchement mastiquée ainsi que le voilage blanc orné de chats, tout neuf et bien pimpant avec ses petits volants.
— Tiens, t'as changé le rideau et la vitre, Sev' ?
— Non, ce n'est pas moi, je croyais que c'était toi, révéla l'ancien professeur en regardant avec attention sa porte réparée.
— Ça doit être Dobby. Je me demande où il a trouvé le matériel… et ce voilage ! J'ignorais qu'il aimait les chats. Bah… il est plutôt joli ce rideau, ça rend bien mieux que l'ancien.
— Je veux bien te croire, il avait au moins mon âge…
— Sev'… ça te dérange pas si je vide ton appentis ? Il faut trier tout ce bordel, jeter ce qui doit l'être et voir ce qu'on pourrait récupérer. Y a peut-être des trucs intéressants, là-d'dans ?
— Je l'ignore, mais franchement ça m'étonnerait… À part remplir la benne à ordures du quartier ou t'épuiser avec des Evanesco… ça ne rapportera rien. Mais bon, il faudra bien le faire un jour, alors pourquoi pas ce matin, si vraiment le cœur t'en dit. Profites-en, mon jeune ami, car demain… tu vas bosser tes cours !
Harry et Severus avaient transplané depuis leur arrière-cour jusque dans la petite rue déserte aux entrepôts, située non loin du Butterfly et qu'ils utilisaient systématiquement lors de leurs visites au Flamant Rose. Sans un mot, conscients que c'était certainement leur dernière visite en ces lieux, les sorciers marchèrent côte à côte sur le trottoir et tournèrent au coin de la rue dans Caledonian Road. Comme prévu, le flamant rose de néon ornant la façade de leur établissement favori était éteint. Cela indiquait qu'il n'était pas ouvert au public à cette heure. Pourtant la porte en était ouverte. Un camion de livraison de la distillerie City Of London se trouvait garé devant la vitrine et un employé en uniforme déchargeait avec un diable une énorme caisse de bouteilles de Gin. À ses côtés sur le trottoir, Rick, pour une fois en t-shirt publicitaire Corona Extra consultait un bon de livraison épinglé à une planchette de bois. Harry et Severus longèrent le trottoir et s'approchèrent de la vitrine. Rick leva le nez de son document et les vit.
— Severus ! Harry ! On ne vous a pas vus, samedi ! Ça va ? Vous passiez dans le coin ?
— De toute évidence, répondit Severus d'une voix basse et un peu rauque.
— Entrez, Walt fait le ménage. Vous étonnez pas si vous entendez l'aspirateur. J'arrive dès que je peux, je dois réceptionner plusieurs caisses et j'attends une autre livraison dans quelques minutes. Mais après je suis à vous.
— Je suis venu payer mes dettes, Rick.
— Pas de souci, mais c'était pas pressé, Severus. Depuis l'temps qu'on t'connaît…
— Les bons comptes font les bons amis, Rick.
— Ah, si tout l'monde était comme toi, s'amusa le barman.
Severus esquissa un petit sourire. C'était rare qu'il entende cette phrase. Il avait toujours été persona non grata dans le Monde Magique depuis qu'il y était entré à ses onze ans. Et depuis dimanche, il y était même interdit de séjour. Personne n'avait jamais vraiment eu envie d'être comme lui… Même dans son village de Carbone-Les-Mines d'où Tobias était originaire, il avait été impopulaire. La faute de son ivrogne de père, bien sûr… Il est vrai que son aspect n'était guère engageant lorsqu'il était petit. Il n'y avait jamais d'argent pour lui acheter des vêtements décents ou des souliers neufs. Le coiffeur, il n'y avait jamais mis les pieds, et Eileen Prince n'avait jamais été très douée pour les sortilèges de coiffure ni la mode moldue. Les enfants étant cruels, ils se moquaient tout le temps de ses coupes de cheveux, de son hygiène approximative (pas de sous pour acheter savon et shampooing), de ses vêtements donnés par les associations caritatives locales et l'Église. Tout cela l'avait rendu impopulaire dès son plus jeune âge et Poudlard n'avait rien arrangé. Et il avait les Maraudeurs à remercier pour ces sept années d'enfer.
Harry, toujours muet, suivit son compagnon dans l'établissement. Les chaises étaient retournées sur les tables, et au fond dans la salle où les clients dansaient, on entendait l'aspirateur de Walt. Severus, sans hésitation se dirigea vers cet endroit. Il resta à l'entrée et attendit que Walt se retourne. Celui-ci leur fit un sourire radieux et un petit geste pour leur signifier qu'il arrivait. Le jeune homme aux cheveux noirs et à la petite moustache très fine style Clark Gable alla éteindre son aspirateur et le silence fut le bienvenu.
— Salut, Walt. Je viens régler ma note.
— Hello, Severus ! Harry… répondit le co-propriétaire avec un large sourire illuminant ses yeux bruns et dévoilant une double rangée de dents blanches et bien alignées. Un vrai sourire de star !
L'homme, qui devait avoir à peu près l'âge de Severus, était plutôt petit, fin et passablement efféminé. Il se tortillait en marchant, avait des manières précieuses et une voix douce. Le cliché de l'homosexuel par excellence. Régulièrement, sans même s'en rendre compte, Walt se passait la main dans ses cheveux bruns ondulés soigneusement coupés et entretenus. Il était rasé de frais, parfumé et sa petite moustache peignée et cirée. En se dirigeant vers la partie bar, Walt fit un sourire à Harry qui poliment le lui rendit.
Le DJ passa derrière le bar, se pencha, ouvrit un meuble bas et y farfouilla quelques instants. Il se redressa, tenant à la main un gros calepin vert à la reliure de cuir. Un stylo bille publicitaire pour la bière Guinness y était accroché et Walt le retira de son support élastiqué. Il ouvrit le carnet en grand et parcourut les pages les unes après les autres.
— Je ne sais pas si Rick a fait ta note. Il ne t'a rien dit ?
— Je ne lui ai pas demandé. Je lui ai juste dit que je venais payer. Il est occupé avec un livreur, je ne voulais pas le déranger.
— Ça fait bizarre de te voir en semaine, surtout en pleine journée. Ah ! J'ai trouvé ta page. Voyons voir… Y a tout, les dates, les consos, leurs prix, mais il n'a pas fait le total. Laisse-moi quelques minutes, je fais l'addition et je retire tes acomptes.
Walt attrapa une calculette et commença à tapoter, la langue sortie pour exprimer sa concentration. Au bout de quelques minutes, il annonça un chiffre.
— Voilà ! Alors, ça te fera quatre-vingt-dix-huit livres sterling et cinquante-cinq pences. Je t'arrondis à cinquante, on va pas chipoter.
Severus soupira et sortit des billets de sa poche. C'était une bonne partie de son coffre qui partait ainsi, mais au moins, il n'aurait plus de dettes.
— Tu as pris assez, Sev' ? demanda Harry à mi-voix, parce que si tu as besoin, j'ai des sous avec moi.
— Oui, c'est bon.
— Alors ? insista Walt, tu fais quoi par ici à cette heure ? Et en pleine semaine. Tu es prof, non ?
— J'étais prof, Walt. J'ai été viré, avoua le sorcier.
— Oh, merde ! Ben alors, qu'est-ce qui s'est passé ?
— C'est à cause de moi, révéla Harry. Sev' était un de mes profs au pensionnat où j'allais et on s'est fait choper. Il a été renvoyé et moi je suis parti. Ça valait mieux, la plupart des élèves étaient après moi, le scandale, tout ça… Sev' a eu une sacrée amende au Tribunal et donc il est à sec. Et comme je n'ai quasiment pas d'argent non plus, les temps sont un peu durs.
— Inutile de mettre ça sur le tapis, Harry, pesta Severus, c'est fait, il va falloir vivre avec.
Walt les regarda sans rien dire, alternativement, puis fit une déclaration fracassante.
— Garde tes livres sterling, Severus. Si tu as un gallion ou deux, je prends.
— PARDON ? grogna le Maître des Potions, alors qu'Harry écarquillait les yeux et ouvrait la bouche d'incompréhension. Comment tu connais les gallions ?
Walt s'écarta d'eux et se dirigea vers les tables roses pour en libérer trois chaises hautes qu'il positionna en leur faisant signe de prendre place. Une fois installés, le DJ répondit à la question.
— Tu viens du Monde Magique, tu es un sorcier et Harry aussi.
— Comment tu sais ? Tu es un sorcier aussi ?
— Non, Severus, je suis un cracmol. J'ai reconnu ta Marque des Ténèbres le premier jour où tu es venu ici, il y a plus de quinze ans. Et cet été, quand tu avais pris cette méga-cuite, tu avais brandi ta baguette.
— Tu es un cracmol ? s'étonna Harry, et Rick, c'est un sorcier ou un moldu ?
— Rick est un pur moldu. Il ne connaît pas le Monde Magique. Tu sais bien qu'on ne peut pas en parler.
Severus hocha la tête en signe de compréhension. Walt, en veine de confidences, poursuivit ses explications.
— Lorsque je n'ai pas reçu ma lettre pour Poudlard, où tu enseignais si je ne m'abuse, j'ai été abandonné par mes parents dans un orphelinat moldu. Mon père voulait m'éliminer comme la honte que j'étais, mais ma mère et un de mes frères ont plaidé pour ma vie. À la place, j'ai été déposé devant un orphelinat comme un vieux paquet de linge sale. Ma mère m'avait glissé une bourse de gallions en cachette, en me disant que je pourrai négocier les pièces d'or pour assurer ma survie. Je ne les ai jamais revus, ajouta-t-il, plein de regrets.
— Tu viens de quelle famille ? demanda Severus, intrigué.
— Oh, une que tu connais bien. Mon véritable nom, que je n'ai jamais utilisé au complet ici, est Dionysus Walter Lestrange.
— LESTRANGE ? répéta le Serpentard stupéfait. Attends, tu es parent avec Rodolphus et Rabastan ?
— Oui. Ils étaient mes frères aînés. Rodolphus voulait ma mort mais Rabastan avec qui je m'entendais particulièrement bien était celui qui avait plaidé ma cause auprès de notre père.
— Tu es donc le fils d'Appolonius. Je l'ai un peu connu. Il était l'un des tout premiers Mangemorts.
— Oui, il était ami d'enfance avec Lord Voldemort. Tu comprends pourquoi on ne m'a pas fait de cadeau. J'étais une honte, l'enfant à abattre. Un miracle qu'il ne m'ait pas tué ! Au cours des années, dès ma sortie de l'orphelinat à dix-huit ans, j'ai négocié chaque gallion un par un, le plus discrètement du monde et j'en retirais à chaque fois une somme conséquente bien plus importante que le change de Gringotts. Vous pourriez faire la même chose si vous manquez d'or. Il faudra juste vous assurer de ne pas vous présenter deux fois au même endroit. Il y a longtemps que je n'ai plus de gallions. Ma mère, tant qu'elle vivait, m'envoyait des hiboux en cachette, une ou deux fois par an. Une lettre, quelques pièces d'or, un exemplaire de la Gazette du Sorcier que je brûlais après lecture. J'ai ainsi appris la mort de mon père et l'emprisonnement de mes frères mais elle ne m'avait pas donné de détails précis. Je me souviens que Rodolphus s'était marié avec une fille Black bien plus âgée que lui. Que sont-ils devenus ? Vous le savez ?
Harry regarda Severus car lui-même n'avait pas les réponses aux questions de Walt.
— Le Seigneur des ténèbres a été vaincu à Halloween 1981, par Harry, ici présent, débuta le sorcier.
— C'est moi ! s'amusa Harry en se pavanant.
— Oui, je l'ai appris à l'époque par la Gazette. Naïvement, je pensais que mon père aurait accepté de me revoir puisque l'influence de Voldemort sur lui avait pris fin. Mais non…
— Ton père a été condamné à la prison à vie à Azkaban et il y est mort assez rapidement.
— Oui, je sais, ma mère me l'avait écrit dans sa toute dernière lettre. Elle était très malade et comme je n'ai plus jamais eu de nouvelles ensuite, j'ai compris qu'elle était morte. Et Rabastan ? Comment va-t-il ? tenta Walt.
Severus pinça les lèvres et secoua la tête.
— Je suis désolé, Walt. Il a été pris et expédié avec Rod et sa femme à Azkaban un peu après ton père et ils ont été exécuté par les Détraqueurs, il y a quatre ans.
— Ils sont tous morts ? Alors je n'ai vraiment plus de famille, maintenant.
— N'aie pas de regrets. Tu étais bien trop jeune pour le savoir, mais notre monde est un monde terrible. Archaïque, bien en retard par rapport au Monde Moldu. L'intolérance qui règne chez les sorciers atteint des sommets que tu n'imagines pas. Les homosexuels y sont condamnés, bannis. Il a peu on les envoyait en prison et on les tuait. Cracmol plus gay ? Tu n'avais aucune chance de t'en sortir vivant. J'ai été chassé, radié de la liste des sorciers de Grande-Bretagne. On m'a privé de mon emploi, de mon coffre à Gringotts, on a fermé ma cheminette, je n'ai plus le droit d'aller au Chemin de Traverse ni à Pré-Au-Lard. Un vrai miracle que j'ai pu conserver ma baguette. Et Harry pas mieux. Ils ont été un peu plus laxistes envers lui parce qu'ils lui étaient redevables. Et tout ça, parce mon filleul, le petit-fils d'Abraxas Malefoy que tu as dû connaître, nous a accidentellement vu nous embrasser.
— Seigneur Dieu… marmonna Walt, pâle comme un linge. Et Rabastan, mort…
Les deux sorciers se turent, gênés par le chagrin non feint de Walt. D'une voix blanche, le DJ demanda :
— Qu'est-ce qu'il avait fait pour mériter la prison et la mort ? Mon père avait une influence terrible sur eux. C'était un homme méchant et dur, je me souviens…
— Rabastan, Rod et Bella ont torturé aux Endoloris deux Aurors, jusqu'à ce qu'ils en deviennent fous.
— C'était qui, ces Aurors ? demanda Harry, intrigué.
Severus se tourna vers lui et à mi-voix lâcha les noms.
— Frank et Alice Londubat. Les parents de ton camarade Neville.
Harry écarquilla les yeux d'horreur.
— C'est pour ça que Neville est élevé par son abominable grand-mère ?
— C'est pour ça.
Le silence qui s'installa pour quelques secondes fut soudain interrompu par une voix bien connue.
— Franchement, je préfère Walter que Dionysus. C'est pas terrible comme prénom…
Trois têtes choquées et même presque paniquées se tournèrent alors vers le nouveau venu. Rick, tenant toujours ses bons de livraison, revenait de la cave dont l'entrée donnait sur la rue. Ses livreurs partis, il était revenu dans le bar et sans faire exprès avait entendu absolument toute la conversation. Eberlué par les révélations, il s'était glissé dans l'ombre, les néons n'étant pas allumés. Et il avait tout écouté ! Et bien entendu quasiment rien compris ou presque. La seule chose dont il était sûr, c'était que Walt avait un lourd secret dont il n'avait jamais parlé, et Severus et Harry partageaient le même secret.
Paniqué, Walt se leva d'un bond.
— Rick ! Tu… tu as entendu quoi ?
— Tout. Mais j'aimerais bien comprendre car j'ai l'impression d'avoir trois Aliens devant moi. Alors, ma première question : est-ce que vous êtes humains ?
— Oui… oui, bien sûr, balbutia Walt.
— Alors, vous êtes quoi ? J'ai entendu parler de sorciers ? Et d'autres choses que je n'ai pas comprises.
Harry et Severus échangèrent un regard appuyé.
— Si Walt ne t'a jamais rien dit, Rick, c'est parce qu'il n'en avait pas le droit. Là, d'où nous venons, c'est interdit sous peine de prison, lui révéla l'ex-professeur.
— Prison ? Mais, tu n'es pas un criminel ? demanda Rick à son compagnon.
— Assieds-toi, Rick, on va t'expliquer, annonça Walt avec un soupir.
Le barman attrapa un tabouret sur une autre table et l'apporta près des autres. Il s'installa entre Walt et Harry et attendit. Ce fut Severus qui prit la parole tandis que Walt, résigné, se rasseyait.
— Harry et moi, nous sommes des sorciers. Nous pratiquons la magie. Nous venons du Monde Magique qui est une communauté en marge de celle-ci… que nous appelons le Monde Moldu. Moldu est un mot qui désigne les gens sans pouvoirs magiques. Ça ne s'apprend pas, on doit naître avec ces pouvoirs. Harry et moi, nous sommes des sangs-mêlés, ça veut dire que nous avons chacun un parent de sang-pur, c'est-à-dire venant d'une famille où tout le monde au cours des siècles était magique et un parent soit moldu comme mon père pour moi, voire né-moldu comme la mère d'Harry. Un né-moldu est un sorcier ou une sorcière, né dans une famille sans magie. Et cela arrive très souvent. Walt est un cracmol. Il est le contraire d'un né-moldu. Il vient d'une famille de sang-pur et est malencontreusement né sans pouvoirs magiques.
— J'aurais dû recevoir une lettre d'inscription à l'école de magie et de sorcellerie de Poudlard à mes onze ans, poursuivit Walt. Seulement, je ne l'ai jamais reçue. Ça voulait dire que je n'avais aucun pouvoir. Pour une famille traditionnelle comme la mienne, c'était le déshonneur le plus total. Pour laver l'honneur bafoué, il était commun de tuer l'enfant indésirable… d'éliminer la tache sur l'arbre généalogique…
Rick ouvrit grand les yeux en entendant son conjoint.
— Mais je croyais que tu étais orphelin…
— Mon père voulait me tuer, tout comme Rodolphus mon frère aîné. Mais ma mère et Rabastan, mon autre frère ont plaidé ma cause avec acharnement. Mon père a cédé, je pense qu'il avait de l'affection pour moi malgré tout, sinon, je n'aurais eu aucune chance. J'ai été déposé un soir devant un orphelinat moldu et abandonné là. Je n'ai jamais revu ma famille. Severus vient de m'apprendre qu'ils sont tous morts. Je savais que mon père était décédé et je soupçonnais que ma mère le soit aussi, mais pas mes frères.
— J'ai entendu ça, oui. Ils étaient en prison, c'est ça ? Ils avaient commis des crimes ?
Ce fut Severus qui poursuivit.
— Rabastan et Rodolphus étaient à l'école avec moi. À la fin de nos études, nous avons tous les trois intégré une sorte de gang dont faisait déjà partie le père de Walt. Quand j'ai pris conscience de l'erreur que j'avais commise, assez rapidement je l'avoue, j'ai fait marche arrière avant qu'il ne soit trop tard. J'ai cessé toute activité criminelle et je suis devenu professeur dans l'école où j'avais fait mes études. Les frères et le père de Walt n'ont pas renoncé et lorsque leur chef est mort, vaincu par un bébé de quinze mois, Harry pour ne pas le nommer…
— Comment c'est possible ? Un bébé vaincre un chef de gang ?
— Magie, fit Harry avec un sourire, mais tu sais, je m'en rappelle plus. J'ai pas fait exprès, hein !
— Ils ont été arrêtés avec la plus grande partie de la bande qu'on appelait des Mangemorts, jugés, condamnés et emprisonnés, poursuivit Severus Rogue. Le père de Walt est mort en prison mais ses frères ont subi la peine capitale. Walt ne doit son salut qu'au fait d'avoir été renié par sa famille car notre monde est très arriéré, des siècles de retard par rapport à celui que tu connais. Nous ne connaissons pas l'électricité, les voitures, les avions, rien de tout ce qui est moderne. En gros, nous sommes figés au mieux dans l'époque Victorienne si tu veux un indice de comparaison. Une terrible ségrégation règne entre les sexes. Hommes et femmes sont séparés, les mariages sont tous arrangés ! Aucun mariage d'amour n'est possible, il n'y a pas de loisirs non plus. On fait un enfant, un héritier et c'est tout, ensuite plus aucune promiscuité. Si les Lestrange ont eu trois fils c'est que Lord Voldemort, le chef de gang, voulait plus d'adeptes. C'est tout. Les gays sont bannis. Ils étaient, il y a peu, emprisonnés et exécutés comme au Moyen-Âge. Sans magie et homosexuel, Walt n'avait aucune chance de s'en sortir vivant. Quant à moi, j'ai été chassé du Monde Magique et j'ai perdu mon boulot…
— Ouais, quelqu'un t'a vu embrasser Harry, acquiesça Rick qui avait très bien saisi ce passage-là.
— Tout à fait. Mon propre filleul qui m'a dénoncé à la Grande Inquisitrice aussitôt. Nous avons tous deux été arrêtés en moins de trente minutes, interrogés sous Sérum de Vérité et jugés devant un Tribunal le lendemain matin. C'était dimanche. Le lundi, j'étais chassé et Harry, en proie à la vindicte populaire, a dû quitter volontairement l'école. Et voilà… plus de boulot, les amendes reçues nous ont totalement ruinés. C'est la galère.
— Walt parlait de gallions, tu as un bateau ?
— Pas ce genre-là, s'amusa le Serpentard. Un galion, avec un seul L c'est un ancien navire. L'argent que nous utilisons, ce sont des pièces d'or nommées gallions avec deux L. Un gallion vaut cinq livres sterling, selon le change de la banque Gringotts, la banque des sorciers. Mais comme Walt l'a dit pour l'avoir expérimenté, chaque pièce d'or peut se négocier ici beaucoup plus cher que ça. Je présume au poids de l'or au minimum. Les quelques pièces qui nous restent devraient donc nous rapporter beaucoup plus que le change habituel.
Walt qui devant le calme de Rick reprenait du poil de la bête précisa :
— Ma mère m'avait donné une bourse pleine. J'ai échangé l'or pièce par pièce au fur et à mesure pour ne pas finir dans la rue quand je n'avais pas de travail. Lorsque nous avons acheté le bar, je n'ai pas fait d'emprunt comme je te l'ai raconté à l'époque. Non, j'ai échangé des pièces au Mont de Piété et vendu d'autres dans des bijouteries et à des courtiers en or ici à Londres. Toutes les pièces que je possédais encore ont servi à payer ma part du Flamant Rose. Voilà, tu sais tout.
— Qu'est-ce qui me prouve que vous me dites la vérité ?
Harry sortit alors sa baguette de la poche arrière de son jean et la posa sur la table.
— Harry… pas dans le jean, combien de fois on doit te le dire, c'est dangereux, gronda Severus.
— Ben ouais, mais t'es mignon, pas facile avec des manches courtes.
Severus leva les yeux au ciel. Avec les abrutis qui avaient servi de professeurs de défense ces dernières années, il n'était pas vraiment étonnant que le sale gosse ne possède pas de holster à baguette. Lui-même en portait un, invisible, plaqué sur sa cuisse droite. Parfois, il glissait sa baguette dans sa manche, surtout lorsqu'il revêtait une robe de sorcier dissimulant ses jambes. Il sortit sa baguette et la brandit devant les trois autres.
— Et on fait quoi avec ça ? s'intéressa Rick en lorgnant le fin bâton de bouleau noir de Severus.
— Tout ce qu'on veut, annonça Harry avec un grand sourire et un ton enthousiaste. La magie c'est génial, ce sont les sorciers qui ne le sont pas… mais bon…
— Vous pouvez me montrer ?
— Ouais, éventuellement. Théoriquement, c'est interdit, mais après ce qu'ils nous ont fait, je vais dire que je m'en fous.
Sur ces mots, Harry reprit sa baguette en main. Il la pointa vers le bar et à haute et intelligible voix lança un sort.
— Wingardium Leviosa !
Tout doucement, sous les yeux éberlués de Rick et ceux nostalgiques de Walt, une bouteille de Whisky lévita doucement d'une étagère et se posa sur le bar.
— Putain de merde ! jura grossièrement Rick, vous ne racontez pas de conneries, alors ! Et toi aussi tu peux le faire, Severus ?
— Ça et bien d'autres choses…
D'un coup de baguette il changea la couleur de la chemise de Walt : de noire elle devint bleu ciel. Puis un nouveau sort lui fit reprendre sa couleur originelle.
— Ah ben ça alors ! Je crois que j'ai besoin d'un verre. Whisky pour tout le monde, puisque Harry a sorti la bouteille ?
— Si tu nous invites, fit Severus avec un sourire, parce que je suis fauché.
-— Bien sûr que je vous invite. C'est pas tous les jours qu'on apprend des choses pareilles.
Alors qu'il se levait pour aller chercher des verres et la bouteille, Severus précisa un point important.
— Tu dois jurer le secret, Rick. Pour ton bien… crois-moi. Tu n'aimerais pas voir débarquer une brigade d'Oubliators pour effacer ta mémoire.
— Ils font ça ? s'horrifia le barman.
— Ça et pire encore. Tu es gay, et je t'ai dit ce qu'ils font aux gays…
— Je la fermerai, je te promets. C'est assez dur parfois pour nous autres, comme tu le sais. Alors je vais pas en rajouter !
— Ça vaut mieux, crois-moi…
Rick revint avec les verres et la bouteille. Tous les quatre restèrent à discuter du Monde Magique jusqu'à l'heure où l'établissement devait ouvrir au public.
— Il est quelle heure-là ? demanda Harry à brûle-pourpoint.
Aussitôt, les trois autres regardèrent leurs montres. Rick se leva, paniqué et Walt jura grossièrement.
— MERDE ! J'ai pas fini mon ménage ! Il est six heures et demie !
— On ouvre dans une demi-heure et rien n'est prêt. J'ai mes bouteilles à ranger, je dois remplacer le fût de Guinness et je dois me changer ! pesta Rick, à deux doigts de la panique.
Le bruit de l'aspirateur se fit alors entendre. Severus et Harry échangèrent un regard de connivence et le plus jeune fit un signe de tête au Serpentard.
— Sev, tu devrais aller aider Rick, je vais aider Walt. C'est à cause de nous, s'ils sont en retard.
— Très bonne idée, chaton, répondit le Maître des Potions.
Le Gryffondor traversa le bar et entra dans la grande salle où les clients dansaient habituellement. Les spots étaient tous allumés au plafond et on voyait très bien dans la pièce. Walt s'agitait pour passer l'aspirateur sur la vaste surface. Un sac poubelle précédemment rempli trônait dans un coin. Harry vit des dessous de verre en carton, des paquets vides de cigarettes, de la cendre, des mégots, des serviettes en papier, quelques pailles roses et des restes de bougies quasiment consumées jusqu'au bout.
— WALT ! cria-t-il pour se faire entendre, COUPE TON ASPI ! J'AI MIEUX !
Le Cracmol lui lança un regard interdit et sursauta quand Harry posa son pied sur l'interrupteur de l'aspirateur traîneau rouge et noir.
— Laisse-moi faire, Walt !
Le sorcier sortit sa baguette de la poche arrière de son jean et jeta un sort en l'accompagnant d'un large mouvement du bras, comme s'il voulait englober toute la pièce. Apeuré, Walt se précipita derrière Harry pour ne pas se trouver sur le trajet du sortilège. La dernière fois qu'on avait braqué une baguette sur lui, Walt avait pris un Endoloris, Appolonius Lestrange n'ayant pas du tout apprécié d'apprendre que son dernier fils n'irait pas à Poudlard.
— Recurvite !
Emerveillé, Walt vit la poussière et les crasses diverses disparaître. Les dalles de sol semblaient même avoir été lessivées. Il avait oublié combien la magie était spectaculaire, mais après tout, le Cracmol avait passé plus de temps dans le Monde Moldu que dans le Monde Magique.
— Evanesco !
Le sac poubelle mal fermé disparut ainsi que les deux ou trois dessous de verre en carton qui étaient tombés à côté.
— Génial ! soupira le jeune copropriétaire des lieux en tapant des mains de manière un peu précieuse. Je vais avoir assez de temps maintenant pour changer les bougies. Heureusement que j'ai nettoyé les toilettes ce matin !
— Allez, amène tes bougies, je vais t'aider à les placer.
— Oh, tu es un chou ! s'exclama Walt, absolument ravi. Et tu es vraiment une petite fée du logis ! Severus a bien de la chance de t'avoir trouvé !
Pendant que Walt s'extasiait sur les sortilèges ménagers d'Harry, Severus tenait compagnie à Rick dans la cave. Deux Locomotor Barda avaient déplacé les caisses en douceur sous les yeux émerveillés du Moldu qui n'en revenait toujours pas que la magie soit réelle. Au fond de lui, il regrettait bien un peu que Walt n'ait pas ces capacités particulières, mais Severus et Harry avaient été très clairs, Walt n'aurait jamais survécu s'il avait été un sorcier…
Rick changea son fût de Guinness en quelques minutes, tout en regardant du coin de l'œil ses bouteilles se ranger seules sur les étagères courant le long des murs. Severus, voyant quelques toiles d'araignées sur les poutres du plafond, jeta lui aussi un Recurvite. Puis il entreprit d'examiner les lieux avec attention, le temps que Rick ait terminé. La cave, comme toutes les caves, sentait l'humidité et était sombre et fraîche. Une ampoule sous un abat-jour de tôle grisâtre et poussiéreuse éclairait lugubrement les lieux. Il y avait bien un soupirail juste au ras du trottoir mais la vitre en était si sale et boueuse qu'on ne distinguait qu'avec peine les barreaux la protégeant. L'essentiel de la lumière entrant à ce moment dans la pièce venait de la lourde porte métallique ouverte donnant sur la rue, en haut d'un vieil escalier branlant. Intrigué par cet élément moderne, Severus s'en approcha et l'examina.
— Tu admires ma porte blindée, Severus ? s'amusa le maître des lieux en s'essuyant les mains dans un vieux chiffon traînant par là.
— En effet. C'est un peu surprenant de voir une telle porte. On dirait celle d'un coffre-fort.
— Tu ne crois pas si bien dire. Cette cave est un coffre-fort ! Il y en a pour des milliers de Livres Sterling d'alcool ici. Au début, quand on a acheté, Walt et moi, c'était une vieille porte en bois et on n'avait pas vraiment fait attention à son état. Le lendemain de notre première livraison, on a trouvé au petit matin, la porte forcée et deux clochards ivres-morts vautrés sur la terre battue au milieu des cadavres des bouteilles avalées pendant la nuit. Et pas les moins chères, tu peux me croire ! Les saligauds ! Donc, nous avons investi dans cette porte blindée et en plus il y a une alarme dessus, comme sur la fenêtre. A la moindre tentative pour les forcer, ça sonne à l'appartement, et de quoi réveiller un mort ! Evidemment, si la porte avait donné sur le bar, on n'aurait pas eu tous ces problèmes, mais voilà, elle donne sur la rue ! Ils faisaient vraiment n'importe quoi dans l'temps.
Rick rejoignit Severus en haut de l'escalier. Les deux hommes sortirent sur le trottoir et la porte fut refermée à clé.
— Elle est bizarre ta clé, remarqua le sorcier.
En effet, la clé de Rick était plutôt complexe et inhabituelle, un peu comme celle d'un coffre-fort comme le Moldu l'avait précisé.
— Et ben, comme ça, personne ne pourra la copier. Et en plus, ça met l'alarme automatiquement ! On n'arrête plus le progrès, mon vieux.
Rick entra dans le bar, suivi par Severus. Il esquissa un sourire extasié en voyant que tout était propre et rutilant. Les bougies rose vif étaient déjà allumées dans les photophores et les spots du plafond étaient éteint. A la place, les lumières d'ambiance cachées derrière les miroirs sérigraphiés étaient allumés. Au fond de la salle de danse, Harry arrosait les plantes avec un Aguamenti.
— Où est Walt ? s'inquiéta Rick.
— Parti se changer, répondit Harry tranquillement.
— Heu… Harry ?
— Oui, Sev' ?
— Tu me fais honte !
— Hein ? Pourquoi tu me dis ça ?
— Je peux savoir ce que tu fais avec ton Aguamenti ? râla l'ancien professeur les bras croisés sur sa poitrine.
— Ben, j'arrose, quelle question !
— Des fleurs en plastique et des plantes en tissu ! Bravo, Potter !
— Oh ! Merde !
— Encore un autre comme ça, et je te Recurvite la bouche ! Allez, ramène-toi, on a assez dérangé, et je te rappelle qu'on n'a pas encore payé notre facture.
Walt choisit ce moment pour réapparaître. Rick se dirigea vers lui et lui glissa quelques mots à l'oreille, puis il passa la porte marquée « privé » qui se referma derrière lui. Le dernier Lestrange s'adressa à Severus.
— Tu me donnes deux gallions, Severus, et ta facture sera soldée.
— T'es sûr, Walt ?
— Oui. D'ailleurs Rick insiste, il veut une de ces pièces pour lui. Et je garderai l'autre en souvenir.
— Ok, si c'est vraiment ce que vous voulez, accepta le Serpentard quelque peu soulagé.
Ce n'était pas pour dire mais il était bien content de garder ses Livres Sterling. Severus déposa donc ses deux pièces d'or dans la main tendue de Walt.
La porte rose menant aux appartements personnels de Rick et Walt s'ouvrit alors de nouveau. Rick apparut portant un pantalon noir à la place du vieux jean délavé qu'il avait auparavant et il s'était sacrément pressé car il n'avait pas terminé de boutonner sa chemise blanche.
Aussitôt qu'il vit les pièces d'or dans la main de Walt, Rick se précipita vers son compagnon et se saisit d'une des deux pièces. Avec un sourire radieux, il l'examina sous toutes les coutures, il la soupesa, et Harry pensa un instant qu'il allait même mordre dedans. Mais non, il n'osa pas. De toute façon, il n'y avait que dans les films qu'on faisait ça. Dudley avait essayé une fois, mais il s'était cassé une dent et Pétunia avait tellement poussé de cris que le gros cousin n'avait plus jamais essayé. Harry soupçonnait plutôt que Dudley s'était fait très mal, pas qu'il craignait sa mère.
— Elles sont lourdes, ces pièces, constata le Moldu en fixant le contenu de sa paume. Elles sont grosses aussi. C'est dommage, je l'aurais bien montée en bague, mais ça serait trop lourd et trop voyant.
— Ben, tu la perces et tu t'en fais un collier, proposa Walt en haussant les épaules.
Il n'avait jamais songé à utiliser un gallion ainsi, mais pourquoi pas…
Walt fit un sourire entendu à Harry qui le lui rendit. Le jeune Cracmol connaissait bien son chéri. Il en était sûr que Rick allait garder sa pièce et ne pas la revendre pour en tirer un bon paquet de Livres Sterling ! Amusé, il regarda son compagnon mettre sa pièce au fond de la poche de son pantalon noir, la tapoter par-dessus le tissu puis enfin finir de boutonner sa chemise.
— Bien, maintenant que c'est réglé, nous allons y aller, Harry. Walt, Rick, merci pour tout, et surtout merci d'avoir accepté ces deux gallions. Je vous avoue que vous nous tirez une belle épine du pied, révéla Severus, le rose au joues.
— Mais non, c'est rien, insista encore Walt. Vous devriez rester, j'ouvre dans deux minutes. Tu devrais aller sortir les pots, Rick ! Je vais lancer une bande son.
— Non, non, on peut pas rester, annonça Harry en secouant la tête d'un air désolé. C'est pas raisonnable. On doit rentrer.
— Quelqu'un vous attend chez vous ? insista Walt les bras croisés. Peu importe où votre chez-vous se trouve, d'ailleurs…
Severus esquissa un sourire en regardant le Cracmol. L'attitude défiante de Walt l'amusait car elle lui rappelait Harry qui avait tendance à faire la même chose. D'ailleurs, il y avait une certaine similarité entre les deux hommes : tous deux étaient bruns, petits et fins et parfois adoptaient le même comportement, comme là.
— C'est très gentil, Walt, mais je t'assure que nous ne pouvons pas, insista Severus en prenant la main d'Harry et en commençant à se diriger vers la sortie.
Rick, qui venait de déposer sur le trottoir de chaque côté de la porte, les fameux pots de fleurs contenant deux buis artificiels en forme de boule sur tige, revint à ce moment-là dans le bar. Walt le prit aussitôt à témoin.
— Rick, ils veulent pas rester ! s'exclama-t-il, comme horrifié, en secouant les mains de façon très efféminée.
— Vous partez déjà ? C'est dommage… Vous aviez prévu autre chose, peut-être ?
— C'est pas ça, mais vous savez bien qu'on est fauchés maintenant et on a plein d'autres ennuis, notamment domestiques, avoua Harry après un coup d'œil craintif vers Severus.
Le Maître des Potions se mordit l'intérieur des joues pour ne pas pester contre son Gryffon personnel. Il détestait les révélations privées, surtout lorsqu'il fallait avouer aux très rares amis -enfin plutôt connaissances- qu'il possédait, l'étendue de leur déchéance.
— Quels ennuis domestiques ? demanda Walt avec un air inquisiteur. Vous ne nous avez pas raconté ça, bande de vilains, ajouta-t-il en donnant une petite tape mutine sur le bras d'Harry qui se tenait le plus près de lui.
— Vous allez nous raconter ça au dîner, clama alors Rick en passant derrière le bar. Allez vous installer à votre place habituelle, je vous apporte une boisson et un grilled cheese. C'est pour moi, je vous invite. Vous allez passer la soirée ici, vous amuser, vous détendre et vous changer les idées. A la fermeture, vous viendrez chez nous, et vous dinerez avec nous. Walt est un cordon bleu, vous allez vous régaler. Et je ne veux entendre aucun refus, ni aucune protestation. Vous restez et c'est tout.
— Voilà, Rick a tout dit ! Allez à votre place, et pas de discussion !
Severus et Harry se fixèrent du regard et le plus jeune haussa les épaules. Severus soupira et hocha la tête, vaincu.
— Ok, on reste.
— Très bien, glapit Walt en sautillant vers sa cabine de DJ. Vous êtes de la famille, donc c'est normal qu'on vous invite.
— Comment ça, de la famille ? s'inquiéta Harry.
Le jeune sorcier qui n'avait plus personne dans le Monde Magique pensa un instant qu'il avait raté un épisode et que peut-être la famille Lestrange était apparentée aux Potter. Un court instant il l'espéra car Walter était bien sympathique et l'avoir pour cousin même éloigné était bien mieux qu'un Dudley Dursley.
— Je n'ai plus personne dans le Monde Magique à part vous deux. Et comme toutes les familles de sorciers sont apparentées, je décrète que vous êtes maintenant de ma famille. C'est dit !
— Bonne idée, lança Rick qui avait entendu. Moi, j'ai que mon vieux et c'est pas un cadeau, je peux vous l'dire. Plus homophobe, tu meurs !
Alors que Severus s'installait dans son habituelle alcôve, Harry éteignit spontanément la bougie rose avant de rejoindre son compagnon dans le sofa. Aussitôt l'endroit se retrouva dans la pénombre à la grande joie de l'occupant principal qui trônait bras en croix sur le dossier, comme à son habitude. Les premières mesures de la bande son programmée par Walt se firent alors entendre. Harry reconnut la voix de Boy Georges et Culture Club chantant Karma Chameleon. Il regarda Severus fouiller compulsivement dans les poches de son jean noir, puis dans celles du blazer de velours côtelé marine qu'il avait abandonné sur le siège près de lui. Le paquet d'Embassy menthol apparut dans sa main et Harry remarqua qu'il était bien plat. Il ne devait plus contenir grand-chose. Les cigarettes étaient hors de prix au Royaume-Uni et fumer allait devenir un luxe qu'ils ne pourraient plus se permettre. Le jeune sorcier songea avec tristesse qu'il avait fumé son dernier paquet de Dunhill et qu'il n'avait plus les moyens d'en racheter. Severus se trouvait dans le même cas.
Harry vit son compagnon ouvrir le paquet, grimacer et en sortir un briquet blanc jetable et les deux dernières cigarettes qu'il contenait.
— Mon dernier paquet, grommela le Serpentard, et il est vide. Tiens, ajouta-t-il en tendant une cigarette à Harry, prends-la. Autant finir ce paquet en beauté.
Sans un mot, Harry tendit la main et accepta la clope. Il remercia Severus d'un signe de tête. La lueur du briquet illumina brièvement le visage aux traits anguleux du Maître des Potions. Une volute de fumée parfumée chatouilla les narines du Gryffondor et le briquet blanc lui fut tendu. Il l'accepta et alluma sa cigarette tandis que le paquet vide à présent froissé par une main nerveuse finissait son existence dans le cendrier pour le moment vide.
La dernière cigarette, songea Harry. La cigarette du condamné… car pour le jeune homme, c'était un peu le cas. Leur situation était dramatique et il ne passait pas une heure sans qu'il ne se demande comment ils allaient se sortir de ce bourbier. Il regarda Severus qui fumait les yeux clos, en écoutant la musique. Un petit groupe entra et s'installa dans un canapé. Les jeunes gens riaient et semblaient s'amuser. Visiblement, certains n'avaient aucun souci, pas comme eux. Harry les regarda quelques minutes tout en tirant sur sa cigarette. Et Rick entra dans la salle, portant un plateau contenant deux verres et deux assiettes. Il s'approcha de l'alcôve plongée dans la pénombre et déposa le contenu du plateau sur la table basse.
— Avalez ça, parce qu'on ne dînera pas avant trois heures du matin, heure de la fermeture. Nous, on a mangé juste avant votre arrivée cet après-midi, mais vous, à trois heures, vous aurez trop faim. Walt et moi, on n'a pas les mêmes horaires que tout le monde. Les Daïquiris, c'est de la part de Walt.
— C'est gentil, Rick, je te remercie, répondit Severus. Tu remercieras également Walt.
— Oui, merci beaucoup, ajouta Harry.
— Pas de problème. Famille, rappelez-vous !
Severus esquissa un petit sourire. Être adopté par Rick et Walt c'était bien plus sympa que d'avoir Tobias comme père, et pour Harry les Dursley ou Sirius Black comme seule famille.
Ils regardèrent Rick se diriger vers le petit groupe qui chahutait dans le canapé d'à côté puis prendre leurs commandes. Walt était au bar et servait les clients de ce début de soirée.
Harry écrasa son mégot dans le cendrier et attrapa le couteau et la fourchette déposés dans son assiette. Severus avait déjà commencé son grilled cheese. Autant profiter de cette soirée agréablement. Demain serait un autre jour…
Pendant que Harry et Severus révélaient le Monde Magique à Rick au Flamant Rose, à Poudlard Miss Octopus était très occupée. Avec un air très satisfait, elle avait sorti des sacs plastiques donnés par la caissière, les fameuses boites achetées au Toys R Us et les avait posées sur la table de sa cuisine. Alors que son regard passait de l'une à l'autre, admirant leur contenu par la petite fenêtre transparente, un léger sourire inquiétant apparut sur ses lèvres et son regard se fit plus dur.
Le contenu des boites fut rapidement déballé et déposé sur la table puis les emballages vides expédiés d'un mouvement de baguette au fin fond du placard de sa chambre. Une fois que les innocents jouets moldus auraient servi ses sombres desseins, ils seraient réemballés soigneusement et offerts à une amie ayant des enfants. Pas de petites économies, quoi !
Miss Octopus attrapa le premier jouet et le posa sur le sol. Elle allait voir dans quelques secondes si ses projets étaient véritablement réalisables
— Augmento maximo !
La vue de l'objet lui arracha un sourire hilare. C'était quand même particulier, ce genre de jouet. Les Moldus avaient de drôles d'idées… Même dans le Monde Magique, on ne trouvait pas de telles créatures. Et justement, l'originalité était que cette charogne en rose ne comprendrait jamais de quoi il s'agissait.
Un coup d'œil sur sa montre révéla à Miss Octopus qu'elle n'avait que quelques minutes pour se rendre à la bibliothèque et y prendre son poste. C'était parfait. Pendant que ses « nouveaux amis » chercheraient leur cible dans le château, elle serait tranquillement à son bureau à remplir des fiches de prêt de livre et invectiverait copieusement quelque Poufsouffle en train de commettre un immonde forfait au milieu de ses précieux grimoires. Comme manger du chocolat en tournant les pages ! Personne ne pourrait la soupçonner…
Deux sorts la dévêtirent de sa tenue moldue et lui firent réintégrer sa robe de sorcière favorite. Les deux autres jouets furent posés sur le sol et elle hésita un instant. C'était petit chez elle… et les jouets très agrandis n'allaient pas tenir tous les trois dans la pièce, ni dans le salon à côté. Déjà, avec un seul, elle ne pouvait plus sortir de la cuisine.
— Wingardium Leviosa !
Le jouet lévita et elle alla le déposer au milieu du tapis du salon. La sorcière l'examina encore une fois sous toutes les coutures, souleva quelques accessoires décoratifs plutôt encombrants et se pencha pour admirer les plus discrets. Baguette à la main, elle fit encore une fois le tour de l'encombrant objet. Elle allait devoir faire sortir celui-là de l'appartement si elle voulait pouvoir préparer les autres à son aise.
— Piertotum Locomotor !
Le jouet s'anima alors et la fixa de ses yeux peints et brillants. Miss Octopus fit apparaître devant lui une image en pied de Dolorès Ombrage, flottant dans une fenêtre magique.
— Cherche cette femme et chasse-la du château. Lorsqu'elle aura franchi les grilles d'une façon ou d'une autre, reviens ici. Pour votre récompense à toi et tes deux amis, je vous confierai à deux petites filles qui vont vous adorer et prendre bien soin de vous. Et je vous redonnerai votre taille normale, c'est promis.
Miss Octopus fit alors un large sourire au Petit Poney blanc, à la très longue crinière bleue et mauve avec une immense queue assortie. Un beau nœud rose et trois étoiles étaient peints sur l'une des fesses de l'équidé en plastique et un cœur rose foncé près de l'un de ses sabots avant. Les Moldus, vraiment… ils avaient de drôles d'idées de jouets.
C'était parfait… Ombrage allait adorer… ou détester. Mais après tout, qui s'en souciait ?
D'un geste de baguette, la sorcière ouvrit la porte et le poney s'élança dans le couloir. On entendit un hennissement et des bruits de sabots qu'un Amplificatum jeté à la dernière minute allait répercuter dans tout le château.
Quatre minutes encore… et les emmerdeurs allaient sortir de cours. Il ne fallait pas traîner.
Il ne fallut que deux minutes à Miss Octopus pour que les Petits Poneys suivants soient prêts, briefés et en chasse. D'abord, un poney violet, avec crinière et queue démesurées blond flashy et fleurs sur le derrière, et puis un rose, avec crins fuchsia et des cœurs peints sur l'arrière-train.
Par Merlin, ce pied insensé que ça allait être de voir Ombrage chassée du château par des petits jouets moldus à ses couleurs favorites. Allait-on en parler dans la prochaine édition de l'Histoire de Poudlard ? Ça serait drôlement bien…
Alors qu'elle s'apprêtait à sortir et refermer à clé la porte de l'appartement, Miss Octopus lança un dernier regard autour d'elle. Ses trois poulpes magiques, très intrigués, s'étaient ventousés à la vitre de leur aquarium géant qui occupait tout un pan de mur et n'avaient pas perdu une miette de la scène.
— Vous trois, n'espérez même pas que je vous achète des poulpes moldus pour jouer !
Alors que la bibliothécaire longeait le corridor et approchait de son lieu de travail, des cris se firent entendre, et puis des éclats de rire, des cavalcades de pas. Visiblement, les poneys moldus avaient beaucoup de succès…
Stoïquement, Miss Octopus entra dans la bibliothèque pour le moment déserte, huma l'agréable odeur des vieux parchemins, poussa un soupir quasiment extatique et le visage fendu d'une oreille à l'autre par un sourire qu'on ne lui voyait guère, elle alla s'installer à sa place habituelle derrière son bureau et ouvrit son registre de prêts, parée pour la suite des évènements.
Dans les couloirs du vénérable château médiéval, c'était la folie. Une frénésie inhabituelle s'était emparée des élèves d'abord subjugués et puis hilares en voyant les trois poneys aux couleurs anormales galoper en hennissant. Ils avaient envahi Poudlard, parcourant les couloirs, descendant et montant les escaliers sans effort. Une cohue intriguée tentait de les suivre. Les élèves de sang-pur avaient d'abord été pris d'effroi. Ils n'avaient jamais vu de tels animaux dans leurs livres de classe ni dans aucun des livres du célèbre magizoologiste Norbert Dragonneau.
— Hagrid a encore fait des croisements interdits, pesta Pansy Parkinson figée devant la porte du cours de sortilèges et enchantements.
— Dis pas de conneries, Parkinson, ricana en réponse Dean Thomas. Ce sont des P'tits Poneys, des jouets moldus !
— Ouais, acquiesça alors son compère Seamus Finnigan, ma p'tite sœur en a eu un à Noël avec ma grand-mère moldue. Mais il est tout petit comparé à ces engins-là !
— Ce sont des jouets moldus ? demanda Daphné Greengrass, bouche ouverte de stupeur. Mais comment ils sont arrivés là ? Encore un sang-de-bourbe qui a voulu se rendre intéressant…
— Tu connais le sort pour les rendre vivants, toi ? Moi non ! poursuivit Seamus. Je parie que c'est un coup de Dumbledore. Ça serait bien le genre, tiens !
Des premières années extasiés avaient abandonné leurs sacs de cours contre les murs et couraient en tous sens en criant « des p'tits poneys, des p'tits poneys ! ». Un élève de Poufsouffle se plaqua contre le mur pour laisser passer le poney rose et marmonna « p'tits, p'tits, y sont pas si p'tits qu'ça… »
Et c'était vrai. Les poneys agrandis et animés par Miss Octopus avaient la taille de doubles poneys moldus, et leurs crins démesurés et colorés qui flottaient ajoutaient une note totalement irréelle, même pour le Monde Magique habitué à des créatures improbables et étranges.
Bien entendu, Dolorès Ombrage et les professeurs étaient sortis rapidement de leurs bureaux, leurs salles de classe ou la salle des professeurs. Même Albus Dumbledore, prévenu par un portrait avait quitté sa tour directoriale.
— Est-ce vous qui êtes responsable de cette hystérie, Dumbledore ? glapit Dolorès Ombrage, baguette en main, fulminante et échevelée.
— Mais non, ma chère, j'ignore tout de ce qui se passe ici. D'ailleurs que se passe-t-il ? Minerva, vous êtes au courant ? Le bruit anormal m'a juste intrigué et je suis venu voir.
— Je ne sais pas, Albus… il faudrait aller voir. Les élèves sont peut-être en danger…
— Des p'tits poneys, des p'tits poneys, cria alors une jeune Poufsouffle extasiée qui passait en courant devant eux.
— DES QUOI ? hurla Ombrage en verdissant d'horreur.
Les cris et des hurlements de joie redoublèrent alors et un élève qui venait de passer devant eux, revint dans l'autre sens.
— ILS REVIENNENT, ILS REVIENNENT PAR ICI.
Les professeurs, tous pour le moment dans le couloir du premier étage, entendirent alors le bruit des sabots claquants sur le sol dallé de pierres. Dolorès Ombrage s'agita et paniqua véritablement lorsqu'elle entendit les hennissements.
— CHASSEZ-LES, CHASSEZ-LES !
— Mais pourquoi donc, chère amie ? demanda Albus angéliquement. Si ce sont juste des petits poneys, ils ont dû se perdre et entrer dans le château. Hagrid doit les chercher partout et il va les ramener d'où ils viennent.
Un hurlement de terreur absolue lui écorcha alors les oreilles et Dumbledore se retourna dans la direction regardée par la Grande Inquisitrice. Trois énormes poneys de plastiques colorés galopaient dans le couloir comme au Champ de Course. Ombrage abandonna alors toute dignité et totalement hystérique, s'enfuit en hurlant. Les élèves s'écartèrent de son passage et tous virent les équidés de plastique faire demi-tour pour la suivre alors qu'elle dévalait l'escalier menant à l'extérieur du château. Un sourcil intrigué levé, Albus examina les poneys lorsqu'ils passèrent devant lui et esquissa un sourire en lissant sa barbe.
— Vous ne faites rien, Albus ? râla la Directrice des Gryffondors. C'est le chaos, on ne peut pas laisser faire !
— Laissez, laissez, Minerva, les élèves font un peu de sport à courir comme ça partout. Ça ne leur fera pas de mal.
— Albus, vous savez que Dolorès a peur des chevaux et des équidés en général, moldus et magiques ?
— Ah bon ? répondit-il avec candeur. Je l'ignorais…
Le Professeur McGonagall lui lança un regard dubitatif et se décida à tenter de calmer ses élèves et les faire réintégrer leurs salles communes.
A la fenêtre de la bibliothèque toujours déserte, Miss Octopus regardait le spectacle. Une horde d'élèves poursuivait trois Petits Poneys géants qui eux-mêmes chassaient des terres de Poudlard, une Ombrage échevelée et hurlante.
Lorsque le calme fut revenu et Dolorès au diable vauvert, Miss Octopus réintégra son appartement et trouva sur sa table de salon un petit carton orné d'un ruban rouge et or. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle découvrit ses trois Petits Poneys de nouveau inanimés et de taille normale avec un morceau de parchemin qu'elle prit d'une main tremblante.
Il ne contenait qu'un mot.
Merci.
A.D.
1 Un peu plus de 83 euros, au jour de l'écriture du chapitre
