Bêta : Mokonalex

Assistante : Mirabelle31, en accident du travail, ce qui fait qu'on peut bosser.

Bonne lecture.


Assis à la table de la cuisine, entouré de livres et de parchemins, Harry Potter griffonnait d'une plume nerveuse. Severus déambulait dans la pièce, un livre de cours entre les mains. Il tentait d'expliquer au seul cornichon à qui il pouvait encore enseigner la théorie derrière une potion prévue au programme des ASPICs. Le jeune sorcier aux yeux verts prenait des notes, en laissant de temps en temps un soupir las franchir ses lèvres.

— Concentre-toi, Harry, s'énerva le Maître des Potions.

— Mééééé ! Ça me sert à quoi d'apprendre tout ça, puisque je ne peux pas faire la potion. On n'a pas le matériel !

Harry avait mis le doigt sur une blessure très douloureuse pour son potionniste au chômage. Depuis quinze jours, leur emploi du temps consistait à réviser les cours de l'année précédente et aussi à attaquer le programme des ASPICs et ceci dans toutes les matières. Pour la métamorphose, les sortilèges et la défense contre les forces du mal, tout se passait bien. Même les cours de soins aux créatures magiques étaient tolérables grâce à la très fournie bibliothèque du maître des lieux. Severus possédait tous les ouvrages écrits par Norbert Dragonneau ainsi que quelques-uns d'auteurs plus obscurs et anciens. Mais pour les potions, matière de prédilection du Serpentard, c'était une autre paire de manches. Pour la théorie, pas vraiment de souci, bien que ce soit un peu rédhibitoire pour le Gryffondor. Par contre, impossible par manque de matériel de mettre son nouveau savoir en application. Et ce fait rendait Severus particulièrement revêche et même agressif. Le sorcier ne pouvait plus du tout faire de potions et comme c'était la chose qui lui tenait le plus à cœur, son caractère s'en ressentait fortement. Et pour couronner le tout, aucun des deux hommes ne possédait plus une seule cigarette. Pour la détente, c'était limite…

Dobby, qui œuvrait discrètement dans la maison, avait bien remarqué ce fait et avait décidé de prendre le taureau par les cornes. Maître Rogue devenait sombre, triste, déprimé, encore plus qu'à son habitude. À Poudlard, le Directeur de Serpentard n'avait pas été connu pour son humeur joviale. Non, au contraire, tout le monde savait qu'il était solitaire et taciturne. Depuis peu, le fidèle petit Elfe avait remarqué que le niveau dans les bouteilles de Vieil Ogden diminuait beaucoup et qu'il devait en voler d'autres à Poudlard, bien plus souvent qu'il n'avait prévu de le faire au départ.

Ses maîtres étaient cafardeux et découragés. Même son Harry Potter, Monsieur, semblait moralement épuisé. Les deux hommes vivaient dans une maison délabrée, sans or, sans recevoir de visite autre que celle hebdomadaire de Dumbledore pour une tasse de thé et une petite discussion. Bien sûr, le vieux sorcier avait tenté de proposer à Severus de lui prêter chaudrons et ingrédients mais le fier serpent, vexé, avait refusé tout net, arguant qu'il refusait la charité. Se faire nourrir par Poudlard était déjà suffisamment humiliant pour lui, sans oublier la poudre de cheminette et l'abonnement au réseau payés par Albus. Severus avait l'impression d'être redevenu un ado misérable et ne supportait plus cette situation. Une fois ou deux, Harry et lui s'étaient disputés et il avait même osé dire à son jeune amant que tout était sa faute. Cette situation ne pouvait plus perdurer.

Et Dobby avait pris la décision d'agir. Après tout, il avait promis à Albus Dumbledore qu'il veillerait sur les deux sorciers exilés dans ce monde de perdition.

Ce soir-là, après que ses deux maîtres se soient couchés dans leur triste chambrette, Dobby popa dans le bureau de tabac du centre-ville de Carbone-Les-Mines. Aucune grille de fer moldue ne pouvait empêcher un Elfe de Maison d'aller et venir à sa guise. L'établissement était plongé dans la pénombre. Dobby qui ne connaissait pas la technologie moldue ne remarqua pas les diodes clignotantes rouges des caméras de surveillance dans le bureau de tabac de la place Reine Victoria, le seul de la ville. Méfiant, l'Elfe s'était quand même désillusionné afin de se promener tranquillement entre les rayons de paquets de cigarettes, de boites de cigares, les vitrines de briquets et les étagères de spiritueux moldus. Bien vite, il repéra les cigarettes qu'il avait vu ses maîtres fumer. Avec un large sourire plein de dents, Dobby conjura un panier et consciencieusement se mit à dévaster les rayons des paquets vert et argent d'Embassy Menthol et ceux rouge et or des Dunhill si précieuses au cœur de son Gryffondor favori. Même les paquets de cigarettes étaient aux couleurs de leurs maisons respectives ! Culotté, Dobby poussa même le vice jusqu'à vider un présentoir de briquets jetables. Il resta un instant à examiner à la lumière de la lune les bouteilles d'alcool moldu, mais jugea qu'un traditionnel Vieil Ogden était bien plus respectable pour des sorciers et s'abstint donc de se servir.

Severus et Harry se posèrent des questions quant à la provenance des paquets de cigarettes. En effet, Dobby les cacha et ne laissa qu'un paquet de chaque marque à des endroits improbables où ses maîtres tombaient dessus par un « pas si pur hasard » et deux briquets dans l'un des tiroirs de la cuisine.

Le secret fut vite éventé, quand même. En effet, deux jours après cette razzia en règle, Severus s'aventura en ville pour se changer les idées et on ne parlait dans les commerces et la feuille de chou locale que du curieux cambriolage du Bureau de Tabac. Il entendit deux anciens amis de Tobias raconter que le buraliste n'avait eu que des Embassy menthol, des Dunhill et des briquets de volés. Le plus curieux étant que les caméras de surveillance flambants neuves dont le pauvre commerçant n'enorgueillissait n'avaient absolument rien filmé. Pire, à un moment, on voyait un paquet de cigarettes léviter et disparaître comme par magie. Il n'avait pas fallu longtemps pour que le vieux McGregor, pilier de bar notoire, décrète que ce ne pouvait être que des fantômes et en bon Ecossais, il jurait que même les fantômes devaient pouvoir fumer.

— Au moins, quand ch's'rai mort, ch'fumerai toujours et j'irai les piquer à c'vieux brigand de Bob Prescott.

Lorsqu'à son retour, Severus avait raconté ces faits suspicieux à son compagnon, Harry avait éclaté de rire.

— C'est Dobby ! Il a vu qu'on n'avait plus de clopes et il a décidé de nous faire cette petite surprise. Il sait qu'on n'a plus d'or et donc il s'est servi. Je sais bien que c'est pas très honnête, mais je ne vais pas cracher sur ce cadeau.

La cigarette au coin des lèvres et les yeux mi-clos, avachi dans son vieux fauteuil près de la cheminée, le Serpentard n'avait rien dit. Ce commerçant avait eu pendant des décennies ou presque, la clientèle assidue de Tobias Rogue dont une grande partie des rares salaires passait dans son tiroir-caisse. A cause de ses achats d'alcool et de tabac chez Prescott, Severus et sa mère avaient manqué de tout, y compris du minimum vital. Ce n'était donc qu'un petit retour des choses et il accepta sans sourciller les « cadeaux » de Dobby.


Un matin, Severus annonça à son unique élève et accessoirement compagnon qu'ils allaient « chasser » les ingrédients de potions dans la campagne environnante, avant que le temps ne soit trop mauvais et que l'hiver n'arrive. Dans le Yorkshire, il était souvent assez précoce et l'automne particulièrement pluvieux. A cette déclaration, Harry avait montré une certaine dose d'excitation. Il allait sortir enfin de la maison et voir un peu de verdure. Ce n'était pas pour dire, mais le quartier où se trouvait l'impasse du Tisseur était absolument immonde.

Les maisons étaient quasiment toutes abandonnées, à vendre, ou même délabrées. La petite rivière archi polluée qui traversait cette partie de la ville était presque asséchée et puait comme une décharge à ciel ouvert. Le parc public ou Severus enfant avait l'habitude d'aller jouer avec Lily Evans était complètement abandonné. L'herbe était desséchée en été et un bourbier dégoûtant le reste de l'année. Les balançoires et autres attractions enfantines étaient rouillées et certaines tombaient en morceaux. Les arbres et arbustes non entretenus avaient transformé par endroit le lieu en jungle. Rien dans cette ville appauvrie par le chômage et la misère sociale ne donnait envie d'y vivre. Seul le centre-ville, consistant en une place avec une église et quelques rues avoisinantes, semblait avoir encore un peu de vie.

A Carbone-Les-Mines, pas de belles voitures, pas de belles maisons, ni beaux jardins…

De plus, le climat n'était pas terrible, le ciel souvent menaçant, la température peu clémente et selon Harry, c'était « le trou du cul du monde » ce que Severus ne réfutait pas.

Dégoûté par ses premières promenades, Harry avait rapidement cessé toute exploration. La « chasse aux ingrédients » était donc une agréable promesse de sortie, voire de partie de campagne, et qui en plus ne coûterait rien. Le jeune Gryffondor regrettait quand même d'être « légèrement indésirable » dans le Monde Magique et surtout totalement fauché. S'il avait pu, il serait allé se promener sur le Chemin de Traverse, sous un Glamour éventuellement, et aurait dépensé plein d'or. Mais il n'y avait plus d'or à gaspiller… donc retourner là-bas était totalement inutile et aurait rendu Severus envieux voire amer.

Cette décision soudaine du Maître des Potions était donc très excitante et la bienvenue. Tandis que le Serpentard allait chercher sa musette contenant son kit de prélèvement, rangé dans l'armoire de leur chambre, Harry se précipita dans la courette pour scruter le ciel et prendre la température. Il ne faisait pas très chaud et donc une veste ne serait pas inutile. Ce qui était le plus dérangeant, c'étaient ces gros nuages noirs qui approchaient rapidement et ondulaient dans le ciel grisâtre de pollution.

— Fichu bled ! songea-t-il amèrement.

Si un jour il en avait les moyens, il déménagerait de ce quartier et même de cette ville, voire du comté !

Severus réapparut, en jean noir, boots de moto, pullover anthracite et blouson de toile noire doublé de polaire.

— Va chercher tes affaires et prends une veste ou un vêtement chaud quelconque. Et change de souliers !

Harry regarda alors ses pieds et remua ses chaussures afin de décider si le changement était nécessaire. Le Maître des Potions n'avait pas tort. Ses vieilles Converse de toile rouge n'étaient sûrement pas indiquées pour arpenter la campagne anglaise sous un temps d'automne et un ciel menaçant.

— On va où, on va où ? demanda l'ancien élève, tout excité par cette sortie impromptue.

— Tu verras bien lorsqu'on y sera. Tu es familier du transplanage d'escorte, si je ne m'abuse…

— Ouais, et tu le sais que je déteste ça !

— Je sais ! Mais tu ignores où nous allons, donc tu n'as pas le choix.

— Ouais, ouais, répondit Harry, agacé, en reniflant désagréablement.

Il passa devant Severus, ouvrit la porte bibliothèque qui coulissa contre le mur et grimpa le vieil escalier branlant. Pendant qu'Harry s'équipait dans leur chambre, Severus était sorti lui aussi dans la courette et examinait le ciel de son regard d'onyx. Il tiqua un peu en voyant la couleur des nuages. Pourvu qu'il ne pleuve pas ! Il sortit sa montre à gousset de la poche de son jean et l'ouvrit d'un ongle agressif. Il n'était que 9h25, d'ici la fin de la matinée, ils auraient largement de quoi remplir leurs musettes. De plus, Harry pourrait réviser sa botanique, matière qu'ils avaient pour le moment négligée.

Severus avait bon espoir d'avoir beau temps, malgré tout, car ils se rendaient dans le Gloucestershire. Dans la Forêt de Dean, pour être précis, et ce lieu était situé à cinq comtés de là, soit plus de deux cents miles de Carbone-Les-Mines. Avec un peu de chance, ils échapperaient à l'ondée menaçante.

Harry rejoignit Severus dans la courette. Il portait un ensemble en jean bleu délavé, composé d'un pantalon et d'un simple blouson. Dessous, on pouvait voir un vieux sweat-shirt gris clair très banal. Le Maître des Potions remarqua la musette de toile kaki portée en bandoulière et s'attarda sur la vieille paire de baskets autrefois blanche qu'Harry lui avait révélé avoir appartenu à son cousin Dudley. Satisfait, il hocha la tête.

— Nous allons dans la Forêt de Dean, annonça le potionniste. C'est dans le Gloucestershire, donc assez loin d'ici.

— Loin comment ? s'inquiéta Harry car plus le lieu était éloigné, plus le transplanage durait…

— Cinq comtés, environ deux cents miles.

— Ouaaah, c'est loin ! Y a pas plus près ?

— Non. Pas pour ce que je recherche. Dans cette forêt particulière, il y a des zones magiques où nous allons pouvoir trouver de nombreux ingrédients végétaux et animaux, voire peut-être même si nous avons de la chance, minéraux.

— Bon. Ça marche ! On va refaire les stocks et tu pourras faire des potions. J'ai pensé d'ailleurs qu'on pourrait utiliser l'or que Malefoy t'a refilé quand on était à Gringotts. Il faut que tu achètes des chaudrons et tout ça, alors autant investir les sous de ton pote.

— Nous verrons. J'y songerai si nous trouvons suffisamment d'ingrédients. Nous serons partis plusieurs heures et j'ai bien l'intention d'écumer toutes les zones magiques de la Forêt de Dean. Hagrid m'a dit un jour qu'il y avait une horde de licornes là-bas, mais qu'elles se cachaient. Si nous pouvions trouver quelques crins accrochés à la végétation, cela nous serait très utile.

— Cool ! fit alors Harry avec un grand sourire ravi. J'ai pas vu de licorne depuis ma première année, où on avait été en retenue avec Hagrid dans la Forêt Interdite. Mais celle qu'on avait vue, elle était morte. Dommage…

— Tu es prêt, Harry ?

— Quand faut y aller, faut y aller ! ronchonna le Gryffondor.

— Je ne te mène pas à l'abattoir, quand même ! s'offusqua le Maître des Potions.

— Mais non, je plaisante…

Severus leva les yeux au ciel et tira sèchement Harry par le bras pour le plaquer contre son torse. Il aurait juste pu lui tenir la main, le poignet ou le bras, cela suffisait pour transplaner, mais il n'était pas question qu'il avoue, ou même montre à quiconque, qu'il appréciait particulièrement de sentir le corps fin et musclé du Sauveur contre le sien.

Les deux sorciers disparurent dans un tourbillon de fumée noire. Severus ne l'avait pas précisé mais ils allaient apparaître dans une zone magique de la forêt appelée Puzzlewood, non loin du village de Coleford. Harry chancela dès que le Serpentard le lâcha et il porta une main à sa bouche en proie à une vague soudaine de nausée. Décidément, il ne s'y habituerait jamais. Quand il était à jeun, ça passait encore, mais comme il venait de copieusement petit-déjeuner, son estomac se rebellait.

— Inspire un bon coup en fermant la bouche et ça passera, lui conseilla Severus tout en examinant les lieux autour de lui.

Harry obéit puis se calma suffisamment pour regarder où il se trouvait. La vue le laissa bouche bée.

C'était une forêt magique ? Il voulait bien le croire ! Les lieux étaient enchanteurs. Tous deux se tenaient au milieu d'un petit sentier de terre battue et jonché de feuilles rousses. Autour d'eux, il y avait d'immenses amas de grosses pierres déchiquetées comme des pièces de puzzle qui justifiaient le nom donné à ce lieu. Ces rochers étaient recouverts dans leur totalité d'une épaisse couche de mousse verte. Au milieu de ces roches poussaient des arbres aux formes étranges. Leurs branches torturées, n'ayant jamais connu de taille, se dressaient vers le ciel et le soleil d'automne qui passait à travers les feuilles encore vertes des frondaisons, donnait une lumière verdâtre irréelle et enchanteresse. Pas un souffle de vent, mais l'air était doux et chargé d'humidité. Harry remarqua que les arbres, tout comme les pierres, étaient recouverts intégralement ou presque de la même mousse vert intense.

— Ouaaaah… ne put-il s'empêcher de s'exclamer. C'est incroyablement beau ici ! On sent la magie dans le lieu !

— Les zones moldues ne sont pas mal non plus, mais il n'y a pas cette atmosphère particulière que l'on trouve ici. Allez viens, nous allons commencer par la mousse et les champignons. Ici, on trouve des Champignons Bondissants et des Poulets des Bois.

— Des… poulets ? Tu veux dire des vrais poulets qui font « cot-cot » ?

— Non. C'est le nom d'un champignon que l'on trouve ici et qui ressemble à des crêtes de poulet, d'où le nom.

— Pourquoi on n'a pas vu ça en cours avec Chourave ?

— C'est dans le programme de cette année et d'ailleurs c'est dans le livre « Mille herbes et champignons magiques de Phyllida Augirolle » que tu possèdes depuis ta première année et que tu devrais connaître par cœur, ou du moins avoir lu, ce qui n'est visiblement pas le cas.

— Oups…

— Oui, oups ! Tu devrais avoir honte ! Tu vas réviser ta botanique et tu vas me lire ce fichu livre de la première à la dernière ligne ! Et tu auras intérêt à ne pas flemmarder parce que tu auras un QCM sur le sujet !

— Oh, t'es vache, là ! protesta Harry, les mains sur les hanches dans une attitude de défi.

Severus se pencha d'ici que son grand nez touche quasiment celui de son compagnon qui loucha pour maintenir le contact visuel, et menaçant, le regard dur style Professeur Rogue devant un chaudron fondu, il murmura :

— Et tu n'as encore rien vu, Potter…

Harry frissonna devant la menace non déguisée et lui lança un regard torve.

— Tyran…

— Faignasse…

— Serpentard !

— Gryffondor sans cervelle ! File ! Avance droit devant toi et cherche les champignons !

— Méééé, heuuuu ! Chuis pas ton chien !

— Ouske, ouske, allez Médor, chasse !

Harry qui s'était avancé dans la direction indiquée se retourna, offusqué, puis se radoucit en voyant le sourire en coin et les yeux pétillants de malice du Maître des Potions.

Le jeune sorcier se prêta de bonne grâce à la cueillette des champignons aux formes amusantes, à la découpe de pans d'écorce sur les chênes rouges et blancs de la Forêt. Il ramassa une quantité importante de feuilles, fleurs, bulbes et autres rhizomes sous la direction compétente de Severus. Heureusement que les musettes pour botanistes et potionnistes étaient magiquement rendues sans fond et que tous deux connaissaient le sort pour conjurer boites et flacons divers. Ils marchèrent pendant des heures sans voir le temps passer, ni même s'en soucier. Ils changèrent d'endroits plusieurs fois, transplanant d'un bout à l'autre de la forêt. Les décors différaient sensiblement d'un lieu à l'autre, mais toujours on ressentait ce bien-être, cette plénitude qu'on trouvait seulement dans les endroits anciens chargés de magie et non troublés par les Moldus.

À un moment, ils longèrent une petite rivière ou ce qui parut plutôt à Harry être un très gros ruisseau. Là, Severus récolta quelques crustacés étranges dont Harry n'avait jamais entendu parler et il captura des insectes rampants et volants. Ils trouvèrent même des Veracrasses et un squelette de Strangulot dont les dents, les cornes et les os allaient permettre d'expérimenter un peu. Severus eut un peu de mal à obtenir d'Harry qu'il capture des noueux dont ils découvrirent accidentellement un nid. Ces adorables petites bêtes étaient semblables aux hérissons moldus dont ils ne différaient que très peu. Le jeune sorcier, horrifié, refusa de les tuer afin qu'on leur arrache leurs épines et ne resta pas assister à la scène de boucherie. Il n'accepta pas de regarder ni de parler à son compagnon pendant une bonne heure, afin de montrer sa désapprobation.

Agacé, le Serpentard le houspilla et lui demanda de cesser ses simagrées, où il ne permettrait plus que Dobby lui serve de steak ou de rôti aux repas. Harry tiqua, poussa un soupir et suivit, sans un mot, Severus dans sa quête.

Le Gryffondor demanda à un moment s'ils pouvaient visiter le côté moldu de la forêt. Ayant besoin d'orties, de marguerites, d'un peu d'angélique et de mauve notamment, Severus accepta d'un hochement sec de la tête et referma sa musette. Il tendit la main vers Harry et les transplana dès le moment où le garçon la toucha.

Vu l'heure, il était presque quatorze heures et ils n'avaient pas déjeuné, ils se contentèrent de faire le tour du Lac d'Automne. Ils ramassèrent juste ce qu'ils trouvaient autour, et restèrent quand même quelques instants plantés au milieu d'un vieux ponton de bois où les visiteurs devaient amarrer des barques, afin d'admirer la vue paisible des eaux sereines, dans lesquelles les arbres aux premières couleurs d'automne se reflétaient.

— Il est temps qu'on rentre. Nous n'avons pas vu l'heure passer, mais l'après-midi est entamé. Nous devons trier notre cueillette, la préparer, la ranger… ça va nous prendre des heures.

— Ouais, affirma Harry, et j'ai faim, j'ai envie de pisser et en plus j'ai pas vu de licornes. En fait j'ai juste aperçu un bébé sanglier il y a quelques heures.

— Il y avait des marcassins ? On en fait d'excellentes terrines. Peut-être devrions-nous revenir un autre jour pour en chasser un et le donner à cuisiner à Dobby ?

— Mais t'as pas un peu fini avec tes tueries ? Espèce de Mangemort de mes deux ! Tu vas quand même pas Avada Kedavratiser un bébé sanglier ?

Severus éclata de rire devant la mine scandalisée de son Gryffon personnel.

— Tu es sûr que le Choixpeau n'a pas tenté de t'envoyer à Poufsouffle ? demanda-t-il en tendant sa main pour le transplanage d'escorte.

— Oui, je suis sûr. Il voulait juste me mettre à Serpentard et il n'en était pas question.

— QUOI ? Tu me fais marcher !

Le petit sourire en coin d'Harry intrigua Severus qui se promit bien qu'il en aurait le cœur net après le transplanage. Aucun des rares promeneurs ne vit les deux tourbillons de brume noire disparaître dans un craquement sonore…


Les deux sorciers reprirent pied sur la terre ferme, dans la courette de leur maison de l'Impasse du Tisseur, sous une pluie battante. Severus pesta et se précipita vers la porte de la cuisine qui, gonflée d'humidité, résista à son ouverture. Harry, lui, trébucha sur une tuile tombée du toit de l'appentis récemment vidé de ses vieilleries et ordures. Il lança un juron qu'heureusement Severus, occupé à tenter d'ouvrir la porte, n'entendit pas. Puis, il courut vers les toilettes et poussa un soupir de soulagement en s'y enfermant.

Visiblement, il avait sacrément plu pendant leur absence de quelques heures. Les murs ruisselaient et les gouttières, crevées et bouchées de terre et d'herbes folles, débordaient, inondant encore un peu plus la cour où stagnait au moins trois centimètres d'eau. Pourvu que la bâche de Dobby ait tenu.

Pendant que le Gryffondor se soulageait, Severus était entré dans la maison déserte. L'odeur d'humidité le prit à la gorge, ainsi qu'un relent d'égout qui refoulait. Il posa sa musette sur la toile cirée de la vieille table de cuisine et lança un Lumos sur l'ampoule grillée du lustre. Le sorcier se dirigea vers le salon dans le but de raviver le feu certainement mourant, voire éteint, de la cheminée, mais il s'immobilisa en découvrant une flaque d'eau sur le plancher péniblement décapé par Dobby. Pire, de l'eau coulait depuis le plafond de lattes ternies.

— Merde ! La bâche !

Baguette en main afin de s'éclairer, Severus franchit la porte bibliothèque et grimpa quatre à quatre l'escalier qui grinça dangereusement. Il ouvrit au large la porte de son ancien labo dévasté et leva les yeux vers le plafond. La bâche de Dobby s'était envolée car un vent fort soufflait sur Carbone-Les-Mines. Il avait remarqué les tuiles cassées sur le béton de la courette. Un orage violent avec une bonne bourrasque avait dû avoir lieu dans la matinée et la pluie tombait encore à cette heure. Il tendit sa baguette de bouleau noir vers le trou béant d'où l'eau du ciel s'engouffrait.

IMPERVIUS !

L'eau cessa d'entrer à flot mais continua de couler doucement le long des poutres brisées. Son sortilège n'était pas assez puissant pour imperméabiliser totalement la toiture. C'était normal, c'était une maison moldue. Peut-être qu'avec l'aide d'Harry, le résultat serait satisfaisant.

Contrarié, Severus redescendit l'escalier lentement, laissant sa main glisser négligemment le long de la rampe usée. Harry était revenu des toilettes. Lui aussi avait déposé sa musette sur la table et debout dans l'encadrement de la porte menant au salon, il regardait l'eau couler du plafond et agrandir la flaque sur le sol.

Le jeune sorcier comprit immédiatement que les tentatives de réparation de Dobby avaient été vaines. Le bruit des pas de Severus dans l'escalier lui fit alors tourner la tête.

— C'est comment là-haut ? La bâche s'est barrée, pas vrai ?

— Exact. J'ai jeté un Impervius, mais ça n'a pas fait grand-chose. L'eau rentre un peu moins, mais ça coule quand même.

Le Serpentard soupira et passa une main lasse dans ses longs cheveux, puis il alla s'asseoir dans son vieux fauteuil râpé et frotta son visage entre ses mains.

— Cette maison est vraiment un enfer…

— Ecoute, je vais ranger mon blouson dans la penderie et je reviens. On relancera le sort à deux, et même on demandera à Dobby de remettre une bâche.

— Avec ce vent ? Le pauvre va s'envoler !

— Attends, il faut qu'il aille sur le toit ?

— C'est une maison moldue, Harry. Elle ne réagit pas à la magie comme, par exemple, le Square Grimmaurd où Molly lançait des Reparo à tour de bras. Ici, il faut quasiment tout faire façon moldue si on veut que ça tienne.

Le jeune Sauveur hocha la tête et retira son blouson de jean sans un mot. Leur situation ne s'arrangeait vraiment pas. L'hiver allait être terrible. Il songea même qu'ils auraient peut-être intérêt à aller squatter l'une des maisons abandonnées ou à vendre du quartier parmi celles encore dans un état correct. Harry ouvrit la porte de l'ancien labo et son regard se dirigea vers le plafond dévasté. Encore une fois, on apercevait le ciel tumultueux par le trou béant laissé par la rupture de la charpente. Le plancher avait souffert la dernière fois et le voyant ainsi détrempé, il n'osa pas entrer dans la pièce de peur que son poids ne le fasse céder. Il referma doucement la porte et fit les quelques pas qui le séparaient de leur chambre. Blouson à la main, il poussa la porte et s'immobilisa dans l'encadrement, horrifié.

Sur leur lit à baldaquin à présent totalement brisé, une énorme poutre rompue gisait, entourée de chevrons en morceaux, de vieilles tuiles et des lattes qui avaient constitué le plancher du grenier au-dessus. Là aussi, l'eau avait tout envahi, détrempant matelas et couvertures. Les oreillers éventrés laissaient échapper des plumes. Le regard d'Harry balaya en un instant toute la pièce. La porte de l'armoire pendait à demi-arrachée. Leurs deux malles étaient recouvertes de tuiles brisées. Harry hoqueta, le souffle coupé. Son regard se fixa sur le plafond. De là aussi, il voyait le ciel. La maison était en train de s'écrouler sur eux ! Une poussée d'adrénaline le fit reculer et il poussa un grand cri.

— SEVERUS ! VIENS VITE ! C'EST HORRIBLE !

En bas, le cri d'Harry avait rempli l'homme d'effroi. Qu'est-ce qu'il n'avait pas vu ? Harry s'était-il blessé ?

Indifférent aux craquements dangereusement émis par l'escalier qui bougea sous ses pas, Severus Rogue grimpa les degrés quatre à quatre.

— HARRY ? cria-t-il à mi-chemin.

— Sev… Sev… c'est… viens voir ! balbutia le jeune homme, figé dans l'encadrement de la porte.

Il sentit le bras de Severus l'attraper par la taille et le pousser légèrement.

— Par la barbe de Merlin ! NON ! Mais c'est pas possible ! Qu'est-ce qu'on a fait au ciel ?

— Sev, ça devient dangereux ici. Tu imagines si ça s'était écroulé sur nous, cette nuit ?

Il tourna son visage pâle aux yeux effrayés vers le Maître des Potions. Une lueur horrifiée passa dans le regard d'onyx.

— Albus ! Il peut peut-être faire quelque chose avec sa baguette de sureau ! C'est la plus puissante baguette du monde, et il est le plus puissant sorcier de notre pays. À nous trois, on pourra peut-être réparer ? tenta le Serpentard, la voix pleine d'espoir.

— Mais c'est vrai ! Va l'appeler par la cheminette, je vais essayer de retirer nos malles des gravats et de vider l'armoire et aussi, voir si je peux sauver quelque chose d'autre.

— Fais bien attention à toi, le plancher pourrait s'écrouler. Tu devrais appeler Dobby, il est léger et avec la magie des elfes, il pourra récupérer nos affaires encore intactes.

Laissant Harry au seuil de la pièce, l'ancien professeur dévala les marches aussi vite qu'il le put et s'agenouilla devant un âtre froid et rempli de cendres. Il n'y avait plus aucune bûche dans le panier d'osier et plus de charbon dans le seau. Le cœur battant, il conjura deux bûches et leur lança un Incendio. Puis, il versa dans les flammes naissantes le reste du pot de poudre de cheminette.

— Bureau d'Albus Dumbledore, Ecole de Magie de Poudlard, Sang de Dragon !

Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que la tête du vénérable vieil homme apparaisse dans les flammes vertes de la cheminée. Reconnaissant son interlocuteur, Albus s'étonna.

— Severus ? Bonjour, mon petit ! Que me vaut le plaisir ?

— Albus… j'ai besoin de vous… le toit s'est écroulé ce matin pendant que nous étions à la chasse aux ingrédients en Forêt de Dean, et mon Impervius n'est pas assez puissant. La chambre à coucher est détruite, Albus. Nous ne savons pas où nous allons dormir cette nuit. Je pensais qu'à nous trois, nous pourrions tenter un Reparo quelconque. Harry est là-haut, il tente de sauver nos affaires qui étaient dans la chambre.

— Par les chaussettes de Merlin ! Mes pauvres enfants ! J'arrive ! J'envoie un Messager à Minerva et j'arrive ! Courage !

La communication cessa brutalement et les flammes vertes s'éteignirent. Les bûches de bois grossier, hâtivement conjurées, s'étaient déjà consumées. Severus se releva et attendit au centre de la pièce. Son regard semblait fixé sur la flaque souillant le plancher ciré par Dobby. À intervalles réguliers, des gouttes scélérates venaient s'écraser avec un « floc » sinistre et agrandir la petite mare. Un éclair lumineux violent le tira de sa triste contemplation. Albus Dumbledore venait de transplaner, accroché à la queue de son Phénix qui flasha hors la maison aussitôt. Le Fumseck Express, comme Albus appelait ce mode de transport…

— Montrez-moi les dégâts, Severus, demanda le Directeur de Poudlard, en prenant le jeune sorcier par le bras.

L'ancien professeur hocha la tête, sans un mot, et se dirigea vers l'escalier. Sur le palier, Albus vit la porte de la chambre au large ouverte et s'approcha de l'ouverture. A genoux sur le sol, Harry lançait des Accio sur les possessions qu'il apercevait sous les gravats. Dobby, à l'autre bout de la pièce utilisait avec plus de succès, la magie des Elfes pour soulever poutres et tas d'éboulis, afin de dégager les malles de ses infortunés maîtres.

Severus l'entendit ronchonner.

— Maison moldue indigne ! Une ruine, à raser !

— Je sais, Dobby ! Tu avais raison ! glapit Harry, agacé. Mais nous n'avons pas d'endroit où aller ! Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de réparer avec un peu de magie.

— Maison moldue, insista l'obstiné petit Elfe. Magie pas bonne ici ! Lieu de perdition ! Indigne d'Harry Potter et de Severus Rogue.

— Fais de ton mieux pour récupérer les affaires de Severus et Harry, Dobby, fit la voix de Dumbledore.

— Professeur Dumbledore ! s'exclama le Gryffondor, soulagé, en se relevant aussitôt, une pile de vêtements couverts de plâtre entre les bras.

Harry chercha le regard de Severus. Le potionniste semblait las et mentalement épuisé par les évènements.

Albus fit quelques pas dans la pièce mais il fut interrompu par un avertissement du Serpentard.

— Attention, Albus ! Le plancher pourrait céder avec le poids des poutres et des gravats !

— Vous avez raison, Severus, acquiesça le vieil homme en reculant avec précaution.

Pendant quelques minutes, il examina les murs et le plafond écroulé, tout en lissant sa longue barbe d'une main distraite.

— Nous allons lancer un Impervius ensemble. Ensuite, je pense qu'il serait judicieux de déblayer ce qui est tombé pour soulager le plancher et les meubles. Severus, d'où viennent les meubles de cette chambre ?

— Du Chemin de Traverse…

— Meubles Magiques ou bien Manoir Prestige… ou… Merlin Design ?

— Merlin Design, répondit l'ancien professeur de potions.

— Mazette ! Vous n'avez pas lésiné ! Du très haut de gamme magique qui se réparera sans aucun souci. N'est-ce pas, Dobby ?

— Très beaux meubles magiques. Très faciles à entretenir et réparer pour un Elfe, Professeur Dumbledore, Monsieur !

Le large sourire affiché par Dobby rassura un peu Harry, beaucoup moins Severus. Il avait payé cette chambre une fortune en Gallions. Pour être honnête, ça lui avait coûté deux mois de salaire plus sa première prime de Directeur de Maison. Et encore, c'était l'une des moins chères du magasin… C'était Lucius Malefoy qui l'avait traîné dans cette boutique pour sorciers fortunés. Le noble étant habitué aux commerces les plus chers, il avait trouvé tout à fait normal de conduire son ami à l'endroit où lui-même, enfin plutôt Narcissa, achetait le mobilier de leur manoir. Les prix pratiqués avaient presque fait frémir le jeune sorcier d'horreur. Le vendeur leur avait assuré que leurs meubles pouvaient résister à tout et durer des siècles. Visiblement, il n'avait pas prévu qu'un toit moldu les écrase aussi facilement ! Habitué à des meubles donnés à Tobias par des voisins ou récupérés en déchetterie, Severus n'avait jamais rien possédé de neuf, ni de beau. Il n'avait pas hésité trop longtemps et s'était fait plaisir avec cette chambrée de facture plutôt sobre pour le style de la boutique. De plus, elle était parmi les moins chères…

Si cette dépense inconsidérée, qu'il avait parfois regrettée, lui permettait de sauver quelque peu les meubles – comme disent les Moldus – c'était un investissement qui allait enfin servir à quelque chose.

— Ah, ouais ? s'exclama le fléau Gryffondorien. C'est du cher ? Je me disais aussi, qu'on dormait vachement bien dans ce pieu.

— Langage, Harry !

Le dénommé, sa pile de vêtements poussiéreux dans les bras, tira la langue à son amant et quitta la pièce, afin de descendre déposer les hardes sauvées de la ruine quelque part dans la cuisine.

Pendant ce temps, Dobby avait évanoui quelques tas de gravats et récupéré les malles de ses maîtres. Magiques toutes les deux, elles n'avaient pas trop souffert à part quelques minces rayures.

Harry était remonté à l'étage et baguette en main, il attendait.

— On fait quoi, Professeur Dumbledore ?

— Sortez votre baguette, Severus, mon petit. Nous allons lancer un Impervius pour isoler la totalité du toit. Harry, le sort est Impervius Totalus. Il n'y a pas de geste. Tu pointes ta baguette vers le trou dans le plafond et tu canalises le plus de magie que tu pourras. À nous trois, l'eau devrait cesser d'entrer, ce qui nous permettra d'envisager plus sereinement la suite. Dès que l'orage aura cessé et le vent tombé, Dobby pourra aller remettre des bâches qui tiendront cette fois-ci, je pense.

— D'accord, répondit le jeune Gryffondor.

Severus hocha la tête sans un mot et sortit sa baguette de son holster de cuisse.

— A trois ! commanda Albus Dumbledore. UN ! DEUX ! TROIS ! IMPERVIUS TOTALUS !

Sous les trois sortilèges lancés simultanément, un dôme bleuté sembla entourer la masure, puis se fondre en elle. Aussitôt, l'eau cessa de pénétrer par le trou béant de la toiture. Harry, intrigué, se dirigea vers l'ancien labo et ravi, constata que là aussi, le sort avait été efficace. Plus rien ne pénétrait ! Bien sûr, le plancher était détrempé, mais Severus ou Dumbledore connaissaient certainement un sort pour assécher les lieux.

Il revint sur ses pas et leur apprit la bonne nouvelle. Severus laissa échapper un soupir de soulagement. Au moins un truc qui fonctionnait ! Il regarda Albus qui passait sa main sur le vieux papier peint moisi et le plâtre abimé.

— Je pense que nous devrions graver des runes dans chacun des murs porteurs de la maison. Elles serviraient d'ancrage pour un Reparo provisoire, le temps de trouver une solution. Disons que ça consoliderait le reste de la charpente et le haut des murs, afin que plus rien ne cède avant une réparation moldue.

— Des runes ? Vous pensez que ça marcherait ? demanda le Serpentard, plein d'espoir.

— Pas définitivement, mon petit. Non, pas définitivement, mais quelques mois assurément… Le temps de voir les choses venir.

— Ok. Ben, moi j'y connais rien aux runes, donc je vais aller en bas avec Dobby et voir si nos fringues sont intactes. On n'en a pas de trop déjà, alors autant savoir tout de suite. On va les nettoyer et les ranger dans les malles, ça sera déjà ça de pris, annonça Harry qui n'avait surtout pas envie de rester là-haut.

S'il devait être honnête, il avait été terrifié de voir qu'ils avaient échappé par miracle à la mort. Si le toit s'était effondré ne serait-ce que douze heures plus tard, Severus et lui auraient été tués, sans aucun doute. Il en tremblait encore et son cœur battait la chamade dans sa poitrine étroite. Si au moins, ils avaient un autre endroit où aller…

Les bras chargés, Harry descendit l'escalier branlant avec la ferme intention de ne plus jamais le remonter. Severus ferait comme il voudrait, mais lui dormirait dorénavant dans le salon ou même dans la cuisine ! Un sac de couchage conjuré serait bien plus sécure que la chambre du haut, même rafistolée.

Pendant que Severus et Dumbledore tentaient de sauver les meubles – au sens propre du terme – Harry déplia les diverses piles de vêtements, les secoua de leurs poussière et gravats, jeta quelques Recurvite et remit soigneusement les habits et chaussures sauvés dans les malles de leurs propriétaires respectifs. Encore heureux que les poutres n'étaient pas tombées sur elles ! Les rayures que les malles portaient à présent n'étaient dues qu'à la chute des tuiles. Merci Merlin pour ces petits bienfaits.

Dobby était retourné à l'étage pour « aider » comme il l'avait dit. Harry, passablement déprimé, se demanda sur le moment, comment l'Elfe allait bien pouvoir aider les deux autres sorciers qui devaient graver des runes dans les murs. Ah, ça allait être du joli, ça encore ! Certes le papier peint était pourri et hyper vieux, mais des runes gravées dans les murs, par-dessus… super déco !

Le Gryffondor pestait sur la déco, mais entre ça et pas de toit… le choix était vite fait !

A l'étage, les deux sorciers s'agitaient. Harry entendait leurs pas résonner sur le vieux plancher presque vermoulu, en tout cas en grand danger. Intrigué, il s'approcha de la porte bibliothèque qui, pour une fois ouverte, révélait le vieil escalier branlant. Les voix lui parvinrent plus nettement.

MURUM SOLIDARE !

De concert, Albus et Severus venaient de lancer un sort afin de consolider les murs de la maison. Harry n'était pas une flèche en latin, mais ça, il était capable de le comprendre.

TRABES LAQUEARE !

Ce sortilège-là, par contre, laissa Harry totalement perplexe. Mais qu'est-ce qu'ils pouvaient bien fabriquer là-haut ? Intrigué, le jeune Gryffondor, qui s'était pourtant juré de ne plus jamais remonter à l'étage, céda à la curiosité. Il allait grimper la première marche de l'escalier lorsqu'une odeur suspecte et franchement pestilentielle lui agressa les narines.

Le petit palier sur lequel débouchait l'escalier au rez-de-chaussée était plongé dans la pénombre. Comme toutes les ampoules de la maison étaient grillées, et qu'il n'y avait d'ailleurs plus d'électricité depuis des années, Harry n'avait jamais vu l'endroit en détail. Habituellement, une fois ouverte la porte secrète dissimulée derrière la bibliothèque, il grimpait les marches sans se poser de question ni marquer de temps d'arrêt. Mais là, l'odeur qui émanait du lieu était plus qu'étrange. D'où est-ce que ça pouvait bien provenir ?

Lumos !

La baguette allumée révéla que l'escalier qui montait à l'étage avait un frère jumeau qui, lui, descendait à un sous-sol dont le jeune sorcier n'avait jamais entendu parler, les premières marches descendantes étant dissimulées dans la pénombre la plus totale.

— C'est quoi, ce binz ? Y a un escalier ici ? Et qui descend ? Y a une cave ? Mais pourquoi Sev' ne m'a rien dit ?

La curiosité légendaire du Gryffondor le fit réagir au quart de tour. Baguette allumée en main, il commença à descendre les premiers degrés. A la quatrième marche, il dut cesser sa progression, l'escalier était cassé, mais surtout le sous-sol était totalement inondé, et vu le niveau de l'eau, c'était profond. La couleur irisée de l'eau et son odeur indiquaient que les égouts avaient débordé et envahi la cave de la maison.

— Ah ben, merde, alors ! Manquait plus qu'ça ! Non seulement y a un sous-sol, mais en plus il est plein de flotte ! Et ça pue ! SEVERUS !

Harry remonta en quelques secondes les malheureuses marches descendues et continua d'appeler son amant d'ici que le Serpentard se montre en haut de l'escalier, suivi d'Albus Dumbledore.

— Qu'est-ce qu'il y a, Harry ? On est occupés, ici !

— Il y a qu'il y a un putain d'sous-sol dans cette fichue baraque, et que tu m'avais même pas dit ! Et cette fichue cave ou je sais pas ce que c'est, eh ben, elle est remplie de flotte puante !
Alors non seulement on a plus de toit, mais en plus on a les égouts qui remontent ! GÉNIAL ! C'est le pied ! Une vraie villégiature ! Cette nuit, je dors dans l'appentis ! Ou nan, je dors dans la maison d'à côté ! Ça sera pas pire qu'ici !

Le Maître des Potions se figea en haut de l'escalier, la main crispée sur la rampe. Harry ne remarqua pas tout de suite que le Serpentard avait considérablement pâli. Derrière lui, Dumbledore s'agita.

— Un sous-sol ? Il y a un sous-sol inondé ? Ah. Oui… J'avais oublié. Ce sous-sol là…

Harry le regarda, amusé. Dumbledore était au courant et pas lui ! Alors qu'il vivait ici !

— Descendez, Severus, mon garçon, et allons un peu voir ça !

— Non.

— Comment ça, non ? pesta le Gryffondor, alors on va laisser cette flotte dégueulasse sous nos pieds ? Mais on va être envahis de rats ! Ah, mais non, mais non ! Je ne reste pas si tu me vides pas cette eau, Sev' !

— Descendez, Severus. Je veux aller voir cette eau, demanda Albus en scrutant le visage crispé de son ancien professeur.

Harry, lui, bien entendu, n'avait rien vu. Agacé de l'inertie de son amant et de son refus inattendu de descendre, il avait monté les marches et attrapé le bras du Serpentard. A présent, il l'obligeait à descendre avec lui.

— … tu comprends, faut vraiment que tu vides tout ça, et moi je connais pas le sort. Toi, tu le connais, hein ? C'est sûr que tu le connais ! Je reste pas si tu vides pas !

Severus s'immobilisa à la première marche de l'escalier de la cave. Cet escalier totalement vermoulu tournait à angle droit sous celui grimpant à l'étage et comme il n'y avait aucun éclairage sur le palier, ceux qui ne connaissaient pas l'existence du sous-sol pouvaient passer des semaines et même des mois sans deviner sa présence.

— Non, non… marmonna le sorcier aux yeux noirs. Non… non… plus jamais…

— Sev ? Qu'est-ce que tu racontes ? Sors ta baguette et vide cette putain de flotte !

Mais le Serpentard accroché à la rampe branlante et pourrie refusait de faire un pas de plus et de descendre la première marche. A présent, accroupi sur le palier, il semblait tétanisé, ce qui perturba Harry.

— Ça va pas, Severus ? Professeur Dumbledore ? Je crois que Sev' va pas bien…

Albus soupira en passant une main lasse le long de sa barbe grise retenue par un bijou en argent ouvragé.

— Oui, je vois ça. Et je dois avouer que je comprends sa réaction, même si elle me surprend un peu car ça fait si longtemps…

— Si longtemps, QUOI ? s'énerva le Gryffondor qui ne comprenait rien et commençait à s'inquiéter pour son compagnon.

— Restez-là, Severus, je vais vider cette eau. Vous n'avez pas besoin de descendre.

Dumbledore tapota gentiment une des épaules de son ancien enseignant avec une grimace apitoyée. Ce pauvre garçon avait eu bien des misères dans sa vie, si on y songeait. Pas étonnant qu'il ait donc un petit moment de faiblesse.

Le vieil homme se retourna, baguette à la main et descendit jusqu'à la quatrième marche. On ne voyait pas grand-chose du sous-sol se trouvant là, juste une grande ombre noire clapotant et qui sentait mauvais. Il tendit sa baguette vers le sol liquide et mouvant.

CELLAM AQUAE EXHAURIO !

Deux fois de plus, le vieil homme lança son sortilège avec sa puissante baguette de sureau. A chaque fois, sous les yeux ébahis et ravis d'Harry, le niveau de l'eau descendait spectaculairement. De sa baguette allumée, le jeune homme éclairait les vieux murs de briques rouges qui apparaissaient, surgissant de l'eau croupie et dévoilant des traînées grasses et pestilentielles. Par la barbe de Merlin, il allait falloir de l'huile de coude en plus de la magie pour nettoyer les dégâts. Le sol de terre battue apparût enfin. Il était recouvert d'une boue dégoûtante et collante et qui sentait aussi mauvais que l'eau. La nausée le prit et il porta le bas de son tee-shirt contre sa bouche, respirant bruyamment par le nez afin de ne pas vomir.

Le Directeur de Poudlard ne semblait pas incommodé, du moins il ne le paraissait pas, mais avec lui, il était toujours difficile de savoir. Cet homme était le sang-froid et la stoïcité incarnés !

— AREAM SICCARE ! tonna-t-il, encore une fois.

Et encore une fois, la baguette de sureau fit des merveilles. Le sol s'assécha sous leurs yeux. Dobby popa alors près d'eux et jugea les lieux d'un coup d'œil puis fronça son long nez d'une mine dégoûtée.

— Maison moldue indigne, soupira-t-il.

— Oui, oui, Dobby, on sait ! pesta le Gryffondor, et plus le temps passe, plus je me dis que tu as bien raison. Je crois qu'on serait mieux dans la baraque d'à côté.

— Maison voisine pourrie, Maître Harry Potter, Monsieur ! Toit écroulé aussi ! C'est elle qui a détruit le toit de la maison de Maître Severus en s'écroulant. Dobby a vu, Maître Harry. Dobby sait !

— Et merde, tout le quartier part en couilles !

— Langage, Harry, voyons !

— Navré, Professeur Dumbledore, s'excusa Harry à contrecœur, mais vous pouvez pas nier que franchement ça craint ici !

— Non, en effet. J'aurais vraiment mauvaise grâce à dire le contraire.

— Y a quoi ici ? C'est quoi tout ce bazar ?

Harry regardait les reliques étranges qui gisaient sur le sol de boue asséchée. On voyait des vieilles planches, des cadavres de bouteilles prises dans une gangue brune nauséabonde. Seule la forme de ces gangues était une indication sur ce qu'elles contenaient. Et puis, il vit une porte. Elle était brune, vermoulue et disjointe et portait la trace du niveau de l'eau boueuse. Vu la marque nette et épaisse, il y avait de l'eau dans cette cave depuis belle lurette et personne ne s'en était rendu compte. Il n'y avait que lorsque les égouts étaient remontés par la grille d'évacuation, qu'on apercevait vaguement dans un angle de la pièce, que l'odeur avait attiré Harry vers le lieu dont il ignorait tout.

— Y a une porte, là ! On va voir ? Comment on va descendre, y a plus d'escalier ! Ah franchement, cette baraque me sort par les trous de…

— NOOOON !

Un hurlement de terreur lui coupa la parole et l'élan car il allait sauter depuis le haut de l'escalier, en bon Gryffondor sans cervelle, oubliant que Dobby pouvait le poper plus bas.

Les deux hommes et l'Elfe de Maison se tournèrent de concert vers le sorcier abandonné quelques marches plus haut. Severus, livide, tremblait de tous ses membres en secouant sa tête brune de gauche à droite, fébrilement, avec un regard de fou.

— Non ! Non ! Non ! gémit-il de nouveau.

Harry était vraiment inquiet de voir son amant dans cet état et il vit du coin de l'œil Albus pincer les lèvres.

— Remontons, Harry, si tu le veux bien. Je crois que Severus n'est pas très bien, en effet.

— Sev ? Viens… on remonte… Allez, lève-toi.

Mais Severus Rogue ne semblait plus entendre personne. Accroché à la rampe qu'il refusait de lâcher, les genoux sous le menton, tremblant, il gémissait et marmonnait des phrases sans queue ni tête. Harry crut l'entendre dire plusieurs fois « Maman… maman… »

Si son Sev perdait la boule et appelait maintenant sa mère, ils étaient vraiment mal barrés. Les larmes aux yeux, il se tourna vers Dumbledore.

— Professeur Dumbledore…

— Je sais, Harry, je sais. Je suis étonné que ça ne soit pas arrivé plus tôt. Ses barrières mentales ont cédé. L'Occlumancie a ses limites et il les a atteintes aujourd'hui.

— Mais… je comprends pas. C'est sûr que c'est un coup dur, mais enfin, y a pas mort de sorcier. On n'a rien, on n'a pas été blessés, faut juste qu'on trouve une autre maison.

Dumbledore tenta en vain de décrocher les mains crispées de Severus de la balustre qu'il tenait à présent. Alors qu'il insistait, aidé d'Harry, le barreau de bois céda et Severus continua de le tenir comme s'il était une bouée de sauvetage.

— Ça va aller, mon petit, ça va aller, je vous le promets. Somnus ! murmura le vieil homme sans hésiter.

Le Maître des Potions s'abattit contre le mur de chaux moisie et ne bougea plus, tel une poupée de chiffon abandonnée.

— Je l'ai endormi. Nous allons ainsi pouvoir le transporter là-haut. Nous allons le conduire à Poudlard par la cheminette. Poppy l'examinera. Il a besoin d'un petit Philtre de Paix et de reprendre ses esprits.

— Mais pourquoi, il est dans cet état-là ? Je comprends pas.

— Remontons, je vais t'expliquer pendant qu'il dort.

D'un Mobilicorpus négligemment lancé, Albus fit léviter son ancien professeur et l'installa sur une civière flottant dans le salon devant la cheminée.

— Lorsqu'il était en septième année, Severus est rentré chez lui pour les vacances de Pâques. Il s'inquiétait un peu, m'avait dit Horace Slughorn, car il n'avait pas reçu de hibou de sa mère depuis plusieurs semaines, voire des mois. C'était un fait inhabituel, car ils étaient très proches. Il est donc rentré et la maison semblait déserte. Severus est alors descendu dans la cave. La porte que tu as remarquée était celle du labo de potion d'Eileen Prince, la mère de Severus. C'était, ma foi, une très brillante potionniste. Je dois avouer que j'avais songé à l'engager comme professeur de potions lorsque Horace m'avait parlé la première fois de son désir de prendre sa retraite. Mais revenons à notre affaire. C'était aussi l'odeur qui avait attiré Severus en bas. Lorsqu'il a ouvert la porte du labo, il a trouvé le cadavre de sa mère. Elle était morte depuis au moins deux mois, selon les légistomages. Etranglée… d'après eux. Crime de moldu, bien entendu. Sa baguette était brisée près d'elle. Severus s'est alors précipité à Poudlard par la cheminette, totalement paniqué. C'est moi qui l'ai réceptionné dans l'âtre de mon bureau. Pendant que Horace recueillait son témoignage, j'ai appelé le Bureau des Aurors. Vois-tu, lorsqu'un sorcier ou une sorcière décède dans le Monde Moldu, il est d'usage que les Aurors enquêtent, au cas où la mort ne serait pas naturelle et un moldu impliqué.

— C'était le cas ? demanda Harry, la gorge serrée, tout en tenant la main de Severus entre les siennes.

L'ex-professeur Rogue gisait sur la civière magique, les yeux clos et le visage enfin paisible. Dobby avait conjuré une couverture, l'en avait recouvert et « montait la garde » tout en écoutant l'histoire narrée par le Directeur de Poudlard.

— Oui. C'était le cas. Selon les éléments de l'enquête, Eileen Prince avait été étranglée par son époux, Tobias Rogue, le père de Severus, après qu'il eut brisé sa baguette pour l'empêcher de se défendre.

— C'est horrible ! Il a trouvé sa mère morte depuis deux mois ? Mais elle devait être dans un sale état ?

— Oui. Selon les Aurors, le spectacle n'était pas des plus ragoûtants, tu t'en doutes. Tobias était le suspect numéro un, bien entendu. Severus avait été clair, ça ne pouvait être que lui. Il fallait connaître les lieux, les habitudes d'Eileen, et puis sa fuite était un aveu. Car bien entendu, il avait fui et était introuvable…

— On l'a trouvé, après ?

— Bien sûr que non ! Jamais ! répondit Albus avec un haussement d'épaules. Le Magenmagot refuse que les autorités moldues viennent fourrer leur nez dans nos affaires, y compris pour aider à la résolution des crimes. Et je dois être honnête et le dire, aucun Auror, même chevronné, n'est à la hauteur d'un débutant mal noté de Scotland Yard. Ils sont d'une incompétence crasse, une fois lâchés dans le Monde Moldu. Si je te dis qu'ils n'acceptent que depuis peu la notion des empreintes digitales… et j'ai eu du mal, tu peux me croire. Il y a l'empreinte magique pour un sorcier, mais pour un moldu et bien il n'y a que les empreintes digitales et aussi cette chose appelée ADN que je ne connais pas du tout.

— C'est ça, et c'est super efficace. Hermione pourrait vous en parler en détail, si vous lui demandez. Ah… mais oui, c'est vrai. Elle est partie aussi. Et Tobias, on sait ce qu'il est devenu ?

— Aucune idée. Severus sait peut-être… mais j'en doute. Tobias était un ivrogne violent, il doit être mort depuis des années. La boisson ou alors une rixe quelconque aura eu raison de lui. En tout cas, il n'est jamais revenu ici. Les barrières magiques que Severus a mises autour de la maison l'auraient révélé. Je pensais que toute cette histoire était enterrée depuis des années, que Severus avait fait son deuil, mais je vois que le traumatisme était bien plus profond qu'il n'en avait l'air. Allons-y, Harry, ne traînons pas. Vous passerez la nuit à l'infirmerie de Poudlard et demain nous aviserons. Il y a des solutions pour tous les problèmes et ça m'étonnerait que Madame Pomfresh ne puisse remettre notre Severus sur pied rapidement.

— Y a intérêt, parce que Sev a pas le droit d'aller à Sainte-Mangouste se faire soigner. Il peut juste y aller pour bosser gratis pendant un mois. Je suis étonné qu'il ait pas été convoqué déjà, et moi avec…

Dumbledore ne répondit pas. Il soupira et tapota la joue de son ancien élève favori, puis se pencha sur le pot de poudre de cheminette et en lança une poignée dans le foyer ne contenant qu'une seule bûche apportée par Dobby quelques minutes auparavant et qui peinait à se consumer car trop humide.

— Infirmerie de Poudlard !

La maigre flamme devint verte et le duo se précipita avant qu'elle ne s'éteigne, entraînant à leur suite la civière du Maître des Potions.


— Albus ? Que faites-vous ici avec Potter ? Et Severus en plus ? demanda la maîtresse des lieux lorsqu'ils émergèrent de la cheminée monumentale de l'infirmerie.

— Severus ne va pas bien du tout. J'ai dû l'endormir pour le calmer. Il revit actuellement le traumatisme de la mort de sa mère et…

— Et que voulez-vous que j'y fasse, Albus ? l'interrompit impoliment Poppy Pomfresh, le regard peu amène.

— Et bien, lui lancer un petit sortilège de diagnostic, lui donner un Philtre de Paix par exemple ou autre qui conviendrait, mais avant l'installer dans un lit…

— Severus Rogue et Harry Potter n'ont rien à faire à Poudlard, Albus !

— Mais enfin, Poppy, vous avez soigné Severus pendant plus de deux décennies, vous n'allez pas… répliqua Dumbledore, surpris par l'attitude de son infirmière.

— Severus Rogue était alors un élève, puis un professeur ! Mon devoir était de veiller à sa santé, ce que j'ai fait, comme avec tous. Maintenant, il n'est plus mon problème et Potter non plus, donc je ne veux plus les voir ici, et je ne les soignerai pas ! Peu importe ce qu'ils auront ! Je ne gaspillerai pas un lit et des potions pour des déviants de la pire espèce qui ont été chassés de notre monde par le Ministère ! Veuillez quitter immédiatement mon infirmerie ! Ce n'est pas un hall de gare !

Alors que Dumbledore, le regard glacé et la mâchoire serrée, la regardait quitter ostensiblement les lieux, Harry hoqueta et se mit à pleurer.

— Qu'est… qu'est-ce qu'on va… va devenir ? On n'a plus de maison et Sev… Sev… il…

— Harry, mon petit… reprenons la cheminette vers mon bureau, avec Severus. Nous allons aviser posément. As-tu un ami dans le Monde Moldu qui pourrait t'accueillir ?

— Non. J'ai personne. J'ai juste Hermione, mais on peut pas… elle vient de rentrer chez elle et sa situation personnelle… Et Ron… ben vous savez…

— Oui, en effet, acquiesça le Directeur en reprenant une poignée de poudre verte. Mais il me semblait que tu m'avais confié que Severus était populaire et avait des amis. Peut-être que… l'un d'eux pourrait vous recevoir quelques jours ?

Harry ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, faisant une très bonne imitation d'un poisson boullu. Deux noms venaient de jaillir de sa mémoire ainsi que deux visages souriants. Rick et Walt !

— Oui… oui, peut-être… On a bien un couple d'amis, mais ce sont des moldus. Enfin, un moldu et un cracmol… On pourrait essayer… pour voir. Juste pour dépanner.

— Tu sais comment les joindre ?

Harry songea alors à la carte de visite que Walt lui avait remis après leur dîner ensemble et où il avait écrit le numéro de téléphone de leur appartement au-dessus du Flamant Rose.

— Oui, mais il faut un téléphone, précisa-t-il en séchant ses larmes d'un revers de main.

Alors qu'Albus jetait dans l'âtre la poudre verte qu'il tenait, Harry se retourna et regarda une dernière fois l'infirmerie où il avait passé tant de temps. Derrière la vitre de son bureau, Madame Pomfresh le regardait, méprisante, presque haineuse. Libérée des contraintes dues à son poste, elle montrait son vrai visage, celui de beaucoup de sorciers du Monde Magique britannique et ce n'était pas joli-joli.

Le jeune homme tourna lentement la tête et prit ostensiblement la main de Severus, toujours endormi sur sa civière.

— Allons-y, Professeur Dumbledore… Il faut qu'on retourne à Carbone-Les-Mines, y a pas de cabine téléphonique à Pré-Au-Lard.