Elfe bêta : Mokonalex
Note de l'auteur : On avance enfin. Et j'ai des chapitres d'avance pour cette histoire et ils sont en cours de correction.
Bonne année 2023 à tous et bonne lecture.
Harry ouvrit en grand la porte gonflée d'humidité qui donnait sur l'Impasse du Tisseur. Il ne tenta même pas de la refermer et la laissa entr'ouverte, bloquée par le seuil de pierre sur laquelle elle raclait tout le temps. Par mégarde, il marcha dans le caniveau débordant d'eau et pesta en secouant sa basket mouillée. Le jeune sorcier savait qu'il y avait une cabine téléphonique rouge en haut de la rue en direction de la place Reine Victoria. Il prit donc ses jambes à son cou et se rua sur la porte de la cabine, totalement hors d'haleine. Une fois à l'abri de l'édicule, il tapota la poche intérieure de son blouson en jean où il savait trouver la petite carte de visite que Walt lui avait donnée lors de leur dernière visite. Au fond de la poche droite de son jean, il trouva une pièce de cinquante pence qu'il s'empressa d'introduire dans la fente d'une main tremblante.
Le combiné à la main, Harry, qui avait posé la carte sur la tablette près de l'annuaire, composa le numéro de l'appartement de Rick et Walt. A la quatrième sonnerie, il entendit décrocher et la voix essoufflée de Walt lui parvint :
— Allo ? Walt à l'appareil !
— Walt ? C'est Harry…
— Harry ! Comment ça va ?
— Pas bien du tout, Walt. On est dans une merde noire. Le toit de la maison s'est écroulé ce matin, on a tout perdu et Sev a craqué. Le Professeur Dumbledore a dû l'endormir. On n'a pas d'endroit où dormir ce soir. La Médicomage de Poudlard a refusé de soigner Severus et il est interdit de séjour dans le Monde Magique, on peut pas aller à Sainte-Mangouste. On n'a personne pour nous aider, je sais pas quoi faire…
A la moitié de ses explications, Harry s'était mis à pleurer. Visiblement le haut-parleur était mis sur le téléphone de Walt car une autre voix se fit entendre.
— Harry, c'est Rick, j'ai tout entendu. Vous avez un moyen pour venir jusqu'à chez nous ? On peut pas venir vous chercher avec le bar et tout. Vous êtes dans le Yorkshire, c'est bien ça ? T'inquiète pas, on a une chambre d'amis, vous ne coucherez pas dehors. A quoi ça sert les amis, hein ?
Harry entendit Walt protester et dire « La famille, Rick ! Harry et Severus, c'est la famille ! »
— Tu as entendu Walt ? Ramène tes fesses ici le plus vite possible.
—Harry, c'est Walt. Tu sais transplaner ?
— Oui, bien sûr.
— C'est quoi ça, transplaner ? demanda alors Rick avec une voix étonnée.
— Plus tard, chéri, je t'expliquerai après. Harry, tu prends vos affaires et tu viens avec Severus, on vous attend. Le bar est fermé, tu peux transplaner dedans. Tu montes l'escalier derrière la porte marquée « Privé » si Rick n'est pas en bas. Je prépare la chambre pour vous deux. Ça va aller, ne t'en fais pas. Pas de panique, hein !
— Merci… merci…
— Mais non, pas de souci. On t'attend.
Walt raccrocha alors son téléphone et Harry ferma les yeux de soulagement, son combiné à présent muet à la main.
Il sortit de la cabine en courant après avoir récupéré la carte de visite de Rick et Walt. Des gouttes de pluie commençaient de nouveau à tomber. Pourvu que les sorts de protection du vieux Directeur tiennent le coup…
La porte de la maison était restée entrouverte et il entra en coup de vent. Severus était toujours endormi sur son brancard en lévitation et Albus Dumbledore s'était installé dans le vieux fauteuil râpé du Maître des Potions. Dobby se tenait devant le vieil homme qui lui parlait à mi-voix et l'Elfe hochait la tête lorsque le Gryffondor fit irruption dans la pièce.
— Rick et Walt acceptent de nous recevoir tous les deux, mais faut aller à Londres. Je ne sais pas si je vais pouvoir transplaner avec Severus en escorte plus nos malles. C'est loin.
— Tu m'as dit que tes amis sont Cracmol et Moldu, c'est bien ça, Harry ? demanda le vieux sorcier en se levant de son siège.
— Oui. Rick est un Moldu, Walt est un Cracmol.
— Et ce Walt… sait-il que vous êtes des sorciers ?
— Oui, Professeur, et Rick aussi.
— Bien. Ceci va nous faciliter la tâche. Je vais t'aider à transporter Severus. Dobby ? Les malles d'Harry et de Severus sont remplies ? Tu as pu sauver quelque chose ?
— Oui, Professeur Dumbledore, Monsieur. Dobby a pu récupérer les vêtements de ses maîtres, le carton de déménagement du Professeur Rogue et le balai de Maître Harry Potter, Monsieur. D'un claquement de doigts, l'Elfe fit apparaître les deux malles encore un peu poussiéreuses et Albus les miniaturisa d'un geste de la main. Harry s'en saisit alors et les glissa dans la poche de son blouson.
— Le balai de Maître Harry est rangé dans l'appentis, Maître Harry Potter, Monsieur.
— Tu n'en auras pas l'usage, Harry. Laisse-le ici aux bons soins de Dobby. Il s'occupera également d'Hedwige et de Midnight. A moins qu'ils ne désirent vous rejoindre. Ce sera comme ils le souhaiteront.
Harry se tourna alors vers la perche installée dans un coin de la cuisine et qu'il apercevait par la porte ouverte entre les deux pièces. Hedwige hulula doucement en le fixant de ses yeux ambrés. Midnight était toujours ébouriffé et paraissait fatigué et patraque. Son voyage depuis l'Écosse ne semblait pas lui avoir réussi.
— Reste avec Midnight, Hedwige. Il n'a pas l'air en forme. Il va avoir besoin de toi et de Dobby. Il reste du Miamhibou, Dobby ?
L'Elfe afficha un sourire très mystérieux et légèrement inquiétant…
— Plein de boites, Harry Potter, Monsieur. Dobby a plein de boites et aussi deux grands flacons de Réconfort'hibou.
— Tout ça, hein ? Je ne veux même pas savoir comment tu les as eues, répondit le Gryffondor qui pensait aux cartouches de cigarettes et aux briquets.
Albus pouffa en regardant l'Elfe « rougir » et se tortiller en admirant ses bottes en caoutchouc.
— Nous allons prendre le Fumseck Express ! Accroche-toi à la civière de Severus. Mais avant tout, donne-moi l'adresse de tes amis.
Harry obéit aux ordres donnés et Albus appela son oiseau légendaire.
— FUMSECK !
Un criaillement se fit entendre et une gerbe de flammes apparut. Fumseck se posa sur l'épaule de son maître.
— Harry ? Je veux que tu regardes Fumseck dans les yeux et que tu penses à l'endroit où tu souhaites te rendre. Il le trouvera.
— O… Ok… hésita le jeune sorcier aux yeux verts, un peu surpris et même perplexe.
Il pensa alors à la façade de l'immeuble, à l'enseigne particulière et à l'intérieur du bar. Fumseck poussa un petit piaillement et dans un éclair aveuglant le petit groupe disparut alors du salon triste et humide de Severus.
Ils se rematérialisèrent en plein milieu du bar fermé, entre les hautes tables roses aux tabourets renversés sur les plateaux.
— Oh ! Quel endroit charmant ! s'extasia Albus Dumbledore, un sourire ravi aux lèvres.
— Merci beaucoup, fit une voix derrière eux. Alors, c'est ça transplaner ? Walt m'a expliqué. C'est impressionnant !
— Pas tout à fait, jeune homme, répondit le Directeur, mais c'est le même principe. Je suis Albus Dumbledore, je suis juste venu aider Harry à transporter Severus.
— Je suis Rick, fit le barman en tendant une main vers le sorcier. Vous ressemblez à Merlin l'Enchanteur.
— C'est gentil de me comparer à ce sorcier extraordinaire. Vraiment gentil. Mais je ne suis qu'un humble professeur et directeur d'école, répondit le vieux sorcier en serrant la main tendue.
— Ne soyez pas si modeste, Professeur Dumbledore, protesta Harry. Vous êtes le plus grand sorcier du Monde Magique !
— Que dirait Dobby s'il t'entendait ! s'amusa le vieil homme. Je vais vous laisser à présent. Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle Dobby. Il a des ordres actuellement et un travail à effectuer mais je suis persuadé qu'il répondra à tes appels éventuels. Jeunes gens, je vous salue ! A bientôt ! FUMSECK !
Et de nouveau, Albus disparut dans un nuage de flammes laissant Rick stupéfait. Son regard se posa sur la civière en lévitation.
— Prends l'autre bout, Harry, on va le monter dans l'appartement et l'installer dans la chambre d'amis. Walt est en train de changer les draps.
— Merci, Rick. Vous nous tirez une sacrée épine du pied.
— C'est rien. Mais tu vas absolument tout nous raconter. De toute façon, Walt ne va pas te lâcher avant de tout savoir. Y a pas plus curieux que lui !
— Ok… eh ben ça a commencé quand le filleul de Sev nous a surpris dans son bureau à nous embrasser… tu te souviens ?
— Ouais, il a même été viré et son compte en banque vidé.
— Ben ensuite, figure-toi que sa maison a commencé à s'écrouler…
Cela faisait deux jours que Severus et Harry s'étaient installés dans la chambre d'amis de Rick et Walt à Londres. Le Maître des Potions semblait avoir récupéré de son épisode « pétage de plomb » comme disait Harry. Très certainement, se réveiller dans un endroit inconnu, propre, joliment décoré et sentant très bon lui avait fait un bien fou. Mais également, la bienveillance de Rick et de son conjoint, ainsi que l'affection débordante d'Harry avaient pesé lourd dans la balance.
Tandis que Walt et Harry œuvraient dans la magnifique cuisine décorée par Laura et Bernard Ashley – ils avaient parlé d'un ragoût et surtout d'un mystérieux gâteau – Rick et Sev, vautrés dans le canapé devant la télé, commentaient les nouvelles diffusées par BBC News. En bref, une scène domestique des plus paisibles et qui pour les deux bannis était de vraies vacances, physiquement et surtout moralement.
Pendant ce temps-là, à Carbone-Les-Mines, Dobby, qui avait reçu des ordres précis du Professeur Dumbledore, avait débuté sa mission.
Pour réparer la vieille masure pourrie… hem… vieille maison ruinée de Severus, on lui avait recommandé de mettre ses talents à profit. Et les talents de Dobby étaient très particuliers pour un Elfe-De-Maison.
Non seulement il avait comme tous ceux de son espèce la faculté d'apprendre extrêmement vite de nouvelles compétences, mais il était aussi un roublard et un fieffé voleur qui n'avait absolument aucun scrupule. Il fallait dire que si un Elfe voulait survivre dans un environnement tel que le Manoir Malefoy, il devait se montrer particulièrement rusé, malin, voleur et menteur.
Dobby avait analysé la situation et décidé que réparer le toit était l'urgence absolue. Il avait donc retiré et évanoui tous les gravats, tuiles cassées et poutres brisées ainsi que la poussière restante. Ensuite, les meubles de la chambre avaient été soigneusement démontés, magiquement réparés, nettoyés puis remisés dans l'appentis sous des bâches conjurées. Le labo de potions avait été vidé pareillement et récuré lui aussi. Les plafonds ruinés des deux pièces ayant été évanouis par magie, on y voyait bien mieux. La misérable charpente fatiguée était maintenant apparente ainsi que les tuiles usées et moussues.
Certes, les runes gravées par Maître Rogue et le Professeur Dumbledore permettaient aux sortilèges de protection de rester ancrés sur la maison moldue. Mais, ils ne pouvaient rien faire de plus, il fallait réparer manuellement et donc façon moldue.
Dobby était un Elfe assez bricoleur. Il aimait coudre et tricoter, cuisiner aussi… jardiner un peu. Alors manier scie et marteau, c'était amusant et intrigant. Il ne savait pas trop comment on faisait ces choses, mais il allait apprendre ! Et pour apprendre, il fallait observer des gens qui savaient faire tout ça. L'Elfe n'avait pas mis longtemps à trouver un chantier de construction d'une maison à l'autre bout de Carbone-Les-Mines.
Pendant une journée, invisible, Dobby avait scruté les gestes effectués par l'équipe de l'entreprise locale de construction. Sur le chantier, José Da Silva, maçon de son état, œuvrait, accompagné d'un apprenti âgé de seize ou dix-sept ans nommé Jack qu'il ne traitait pas très bien, à la manière d'un Elfe-De-Maison dans une demeure de sangs-purs, ce qui avait mis Dobby très en colère.
Ce José ne perdait rien pour attendre…
La charpente de la maison était déjà montée. Dobby avait popé sur cette charpente et avait examiné avec attention la façon dont les pièces de bois étaient posées et reliées entre elles.
Facile…
Il fallait juste les mêmes morceaux de bois et les outils. Les voler sur le chantier n'allait poser aucun problème.
Les tuiles avaient commencé à être posées. Un Moldu curieusement porteur d'une très longue chemise appelée qamis au Pakistan était à genoux sur les rangées de tuiles déjà posées et remontait tranquillement vers le faitage. C'était visiblement ainsi qu'on opérait : on commençait par le bord du toit et on remontait. Les tuiles étaient plates, bleutées, et visiblement pas compliquées à poser. Pendant plusieurs heures, il regarda Ali Hassan les poser une par une. Dobby examina la façon dont les tuiles s'emboitaient et sur quels éléments de bois elles se posaient. Lorsque le couvreur prit sa pause déjeuner et redescendit du toit, l'Elfe effronté descendit lui aussi et alla regarder ce que pouvait bien fabriquer le gros Moldu nommé José qui n'avait pas cessé de brailler sur le jeune toute la matinée dans une langue étrangère.
Assis sur un tas de briques, José avait sorti d'une musette kaki répugnante un énorme sandwich, un croûton de pain visiblement fait maison et un morceau de fromage trop fait qui empestait. Une canette de bière à bas prix à la main, il pérorait moitié en anglais et moitié en portugais. De temps en temps, il rotait impitoyablement, puis arrachait un morceau de son sandwich dégoulinant d'huile d'olive et d'oignons. Une impressionnante épaisseur de viande rouge et de saucisses dépassait entre les deux tranches de pain. Pas très ragoûtant de l'avis de Dobby.
Ali Hassan, lui, s'était un peu éloigné, comme si le sandwich de José lui faisait peur (eh ! Il faisait presque peur à Dobby). Assis sur un sac de ciment, il touillait une gamelle métallique contenant une sorte de soupe. La gamelle était posée sur un réchaud de camping à gaz consistant en une petite bouteille de gaz sur laquelle était posé un brûleur. Intéressant objet, selon l'Elfe curieux.
Une vieille boite métallique rouillée contenait des outils. A la peinture blanche, quelqu'un avait maladroitement écrit son nom, de travers et avec des lettres de tailles différentes « José Da Silva », la dernière syllabe « va » était d'ailleurs sous les autres par manque de place. Tsss… Le gros Moldu éructeur pouvait bien se moquer du jeune qui apprenait, mais il n'était pas très doué non plus…
Oh ! Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Un beau marteau tout neuf ? Et zou ! Pour Dobby, le joli marteau ! Et la scie aussi ! Elle n'était pas neuve, mais elle avait l'air bien aiguisée, ça servirait bien et ça ferait les pieds à ce gros cochon braillard.
Voilà qu'il pétait maintenant ! Et en plus ça le faisait rire ! Les yeux de Dobby se plissèrent et un sourire sournois s'afficha sur son visage invisible. Il claqua des doigts discrètement. La prochaine fois que le gros Moldu se mettrait à péter, il aurait une brutale crise de diarrhée aiguë et aurait la surprise de sa vie. Comment disaient les Moldus déjà ? Et aussi cette bizarre Professeur Trelawney ? Ah oui ! Elle disait « Le Karma ! C'est le Karma ! »
L'Elfe ne savait pas trop qui ou quoi était ce « Karma » mais ça lui semblait être une sorte de vengeance ou de retour de bâton. Il espérait d'ailleurs bien que ce Karma inconnu s'attaque un jour à Maîtresse Narcissa… ça ne serait que justice !
José en était à présent à sa troisième bière. Ce goret n'avait même pas ramassé les cadavres des deux autres pour les mettre à la poubelle. Il s'était contenté de leur donner un coup de pied pour les éloigner. Dobby regarda la sauce et l'huile qui avaient coulé sur le tee-shirt poussiéreux du maçon. Le type ne payait pas de mine. Il était chauve ou presque, avait une barbe de huit jours, d'épaisses mains aux ongles endeuillés et des petits yeux bruns froids et méchants. Avoir ce type comme maître serait une épreuve pour n'importe quel Elfe. Encore heureux qu'il n'ait pas de magie.
Le jeune, appelé Jack, était grand et maigre avec une tignasse blond roux épaisse et un teint pâle ayant tendance à rougir sous le soleil d'automne. Dobby l'entendit dire à Ali qu'il espérait qu'il ne fasse pas dans l'après-midi un temps de chien comme la veille. Avec du vent et de la pluie, avancer le chantier allait être difficile. Entre deux gorgées de thé brûlant, avec un accent à couper au couteau, Ali déclara que c'était la volonté d'Allah et qu'il fallait faire avec.
Dobby se demanda un instant qui était cet Allah et si c'était un Karma aussi, mais ne s'étendit pas sur le sujet. Les Moldus étaient vraiment bizarres… encore plus que Sybille Trelawney ! Et ce n'était pas peu dire !
L'Elfe fouineur dénicha une truelle et d'autres petits outils dont pour le moment il ignorait le maniement. Mais ce n'était pas grave, il allait apprendre. Et voir le gros Moldu s'énerver était très amusant. Il avait d'ailleurs dû mettre ses deux mains sur sa bouche pour ne pas hurler de rire lorsque José avait remarqué la disparition de sa scie et surtout de son marteau neuf. Bien entendu, il avait aussitôt accusé l'apprenti qui s'était défendu comme un beau diable. Et lorsqu'Ali avait pris fait et cause pour le jeune, déclarant qu'il n'avait pas bougé de sa place et que donc ce n'était pas lui, José avait été furieux.
Jack n'avait d'ailleurs rien trouvé de mieux à dire que si ça se trouvait le chantier était hanté, comme le Bureau de Tabac de Bob Prescott. Ali avait aussitôt renchéri en hochant la tête que les Djinns étaient partout et aimaient semer le trouble.
Cette déclaration donna une idée à Dobby. Il allait jouer aux fantômes et piller le chantier dans la nuit. Pourquoi aller dans un magasin chercher poutres et tuiles puisqu'il y avait déjà tout ici ? Il suffisait de tout démonter dans la nuit…
Le reste de la journée fut assez éprouvant pour les trois ouvriers. Non seulement leurs outils disparaissaient mystérieusement mais également des matériaux comme un sac de ciment, du plâtre, des clous et surtout une palette complète de tuiles venant à peine d'être déposée par le patron, ce qui fit pousser des hurlements furieux à Ali Hassan. Le malheureux commençait vraiment à croire que les Djinns avaient envahi le chantier et lui causaient les pires ennuis. A l'heure de quitter le travail, il annonça qu'il filait à la Mosquée à Manchester afin de demander conseil à son Imam. Dobby n'avait rien compris à cette déclaration, bien évidemment, et par conséquent en oublia vite le sujet. Il attendait la nuit avec impatience pour carrément aller voler l'entièreté du toit installé par Ali.
Toujours invisible, il popa à l'Impasse du Tisseur et ne mit pas plus de quelques minutes pour retirer la totalité des tuiles de la vieille maison de Severus. Il en profita pour repérer les poutres ayant besoin d'être remplacées (beaucoup…) et attaqua le démontage des pièces de bois pourri. Les poutres furent alignées dans la cour et débitées en tronçons. Elles serviraient à alimenter le foyer en fonte de la cheminée. Inutile de gâcher. Ses maîtres n'étaient pas assez riches pour ça. Lorsqu'il aurait terminé son démontage, il faudrait qu'il songe à prendre quelques minutes pour aller voler des galets d'anthracite ou même de simples boulets de charbon basique au Manoir Malefoy. Et si un joli pot tout neuf de poudre de cheminette croisait son regard par le plus grand des hasards, il ne manquerait pas non plus de l'embarquer.
Le lendemain matin, ce fut véritablement une scène d'épouvante que découvrirent les trois ouvriers du chantier de construction. Leur patron qui les accompagnait – la disparition de la palette de tuiles, hem… hem – en resta figé d'horreur.
— Le toit… où est passé ce putain de toit ? Ali… tu avais bien avancé les tuiles hier… Et là ! Y a plus rien ! Y a même plus de charpente !
Le dénommé Ali poussa un véritable cri d'horreur et de terreur ! Les Djinns avaient volé la toiture ! Et aussi la charpente posée la semaine passée par Antonio, le cousin de José ! Il n'allait pas rester une seule minute de plus en ces lieux ! Le kufi[1] de travers, il quitta le chantier en hurlant, reprit son vieux cyclomoteur Raleigh et José le regarda disparaître au bout de la route.
— Meu deus caralho. Jé croyé pas qué son vieux machin pouvé aller aussi vité…
— Les mecs, c'est hanté ! C'est hanté, je vous le dis, moi ! C'est comme chez Bob Prescott ! annonça Jack en pouffant de rire.
Le patron le rappela à l'ordre en lui donnant une bonne tape à l'arrière du crâne.
— C'est pas drôle, Jack ! Je file prévenir le Constable Anderson, il faut qu'il vienne voir ça tout de suite. C'est pas un fantôme qui a fait ça, ce sont des voleurs. Les fantômes n'ont pas besoin de tuiles ni de charpente !
— Z'ont pas besoin de fumer non plus, hein ! insista l'apprenti. Pourtant ils ont piqué plein de clopes et de briquets chez Prescott. Et même que ça a été filmé.
Le patron, vieil homme ayant dépassé l'âge de la retraite, leva les yeux au ciel, agacé. Roy Morton continuait à travailler pour tout simplement échapper à son épouse, la terrible Meghan, mégère tyrannique qui ne vivait que pour lui pourrir la vie et choyer le pasteur de leur église. Mais si maintenant, on lui pourrissait aussi le boulot, ça n'allait plus le faire ! Entre les voleurs, les fantômes et Meghan… il y avait des limites à ce qu'on pouvait faire supporter à un honnête entrepreneur.
Des fantômes ! Pff ! Il n'avait rien entendu de plus stupide depuis le jour où ce vieil ivrogne de Tobias Rogue avait raconté au pub que la magie existait, que sa femme était une sale sorcière et son fils – un pauvre gamin maltraité – un sale sorcier également. Des excuses à deux balles pour leur foutre sur la gueule, oui ! Personne ne savait ce qu'était devenu cet arsouille : il s'était enfui après avoir tué sa femme. Il y avait vraiment des gens timbrés sur Terre. Ouais… Et de sales voleurs de toitures aussi !
Roy Morton remonta dans sa camionnette et prit le même chemin qu'Ali sur sa mobylette, laissant José et Jack désemparés et un peu inquiets sur le chantier.
Dobby, qui avait travaillé d'arrache-pied toute la nuit, dormait présentement du sommeil du juste, roulé en boule dans le vieux fauteuil râpé de Severus Rogue, devant un feu ronflant dans le foyer de fonte. Merci… boulets de charbons Malefoyens.
Il rata donc la découverte de son forfait. Il ne vit pas non plus José constater que les sacs de sable avaient aussi disparu. Les fantômes, ça fait du ciment ?
A midi, tout Carbone-Les-Mines ne parlait plus que du toit de Roy Morton qui avait disparu. Ali avait tout raconté en ville. Il s'était empressé d'aller tout expliquer à son frère Abdul, tenancier de la petite épicerie sur la Place Reine Victoria, avant d'aller se réfugier dans la cuisine devant une théière pleine. Abdul le raconta bien évidemment à chaque vieille cliente qui se présenta ce matin-là. Or ces vieilles qui fréquentaient son établissement étaient les pires ragoteuses de la ville et leurs paniers d'épicerie toujours aux bras, elles se ruèrent toutes jusqu'à l'église du Révérend Mason Byrne pour lui raconter. A son arrivée au Presbytère, Meghan Morton confirma les dires d'Ali, d'Abdul et des paroissiennes de Saint-Giles. En bref, pour l'heure du déjeuner, toute la ville ne parlait plus que des fantômes voleurs. Forcément, Dobby n'ayant laissé aucune trace – il avait tout démonté avec la magie elfique – le Constable Anderson et les renforts de Manchester ne trouvèrent aucun indice d'aucune sorte. C'était à n'y rien comprendre !
En deux jours, la charpente entière de Severus Rogue fut réparée. Dobby avait fait léviter les poutres pour les positionner et elles se boulonnaient et clouaient grâce à la magie elfique car l'Elfe ne connaissait pas les outils nécessaires. Il avait bien vu, sur un autre chantier pas aussi avancé, que les charpentiers utilisaient des outillages électriques. Seulement, en voler ne servirait à rien, la maison de Severus Rogue n'était pas alimentée en énergie moldue. Bah ! Sa magie à lui pouvait parfaitement tourner les écrous et enfoncer des clous même très gros !
Dobby avait même remplacé les liteaux servant de supports aux tuiles. La nuit prochaine, il remplacerait les tuiles et la maison ne serait plus une passoire laissant passer toute l'eau du ciel ! Et il volerait aussi ces rouleaux étranges que les Moldus étalaient sous les tuiles, à l'intérieur des greniers. Dobby n'avait pas mis longtemps à comprendre que c'était de l'isolant et que ça empêcherait le froid d'entrer cet hiver. Très malin, cette invention !
S'enhardissant, l'Elfe effronté visitait à présent tous les chantiers qu'il pouvait trouver dans le comté. Il dérobait bien entendu tout ce qui lui tombait sous la main et ses maîtres auraient certainement été bien surpris de découvrir tout ce qui pouvait à présent s'entasser dans l'appentis. Dobby avait espionné les menuisiers et aussi les plombiers et électriciens. Et lorsqu'Albus Dumbledore l'appela pour lui demander des nouvelles, il popa dans le bureau directorial dans une curieuse tenue qui fit sourire largement le vénérable Directeur.
Dobby était vêtu d'une salopette en jean avec des boucles dites de charpentier à la taille. De ses boucles pendouillaient des outils dont un marteau flambant neuf – celui de José –. Il avait également aux pieds des chaussures de sécurité mises par magie à sa taille, un pull Weasley aux manches retroussées et un casque de chantier orange sur la tête.
—Eh bien, Dobby, je vois que tu es parfaitement équipé. Comment se passe ton chantier de restauration ?
— Très bien, Professeur Dumbledore, Monsieur. Dobby a appris plein de choses très utiles. Dobby a réparé le toit de la vieille-masure-qu'il-faudrait-raser-car-indigne-d'Harry-Potter-et-Severus-Rogue. Dobby a changé la charpente et toutes les tuiles. Dobby a aussi changé les gouttières et mis de l'isolant dans le grenier.
Albus leva un sourcil amusé. Visiblement l'Elfe ne manquait pas de ressources et avait de très grandes capacités. Il ne savait pas ce qu'était cet isolant mais Dobby avait l'air particulièrement enchanté par ce détail.
— Excellent travail, Dobby. Tu as prévu quoi ensuite ?
— Dobby a commencé à remplacer les planchers défoncés, Professeur Dumbledore, Monsieur.
— Merveilleux ! Je vais donc te laisser à ton chantier. Amuse-toi bien, Dobby.
— Oui, Professeur Dumbledore, Monsieur. Dobby s'amuse beaucoup. Dobby est content.
Et il popa sans attendre, pressé de retourner bricoler et comploter. Il avait repéré de grandes plaques de plâtre que les Moldus semblaient appeler « placo » et qu'ils accrochaient à des sortes de rails. Il allait regarder comment le Moldu faisait, sur ce chantier de rénovation en ville. Et alors il volerait le matériel et ferait pareil chez ses maîtres.
Dans les semaines suivantes, Dobby volerait un compteur électrique, un tableau de fusibles, du câblage, des interrupteurs et des prises. N'ayant aucune idée qu'il fallait un abonnement à British Energy, il brancherait la maison de Severus en direct sur le pylône alimentant la rue. Mais en attendant, les palettes volées de beau plancher en chêne massif s'entassaient au rez-de-chaussée, ainsi que les rails pour l'ossature du placo et les plaques de carton plâtré et du beau ! Celui avec une bonne épaisseur d'isolant ! Dobby avait l'intention de dissimuler les vieux murs lépreux gravés de runes des chambres de l'étage et donc de les doubler des plaques de plâtre volées. Une couche de peinture ou de joli papier peint et il pourrait réinstaller la chambre à coucher à sa place. Et pourquoi pas faire un coin douche et lavabo dans le labo de potions puisqu'il n'y avait pas cette commodité dans la maison ? Il avait vu un ouvrier installer dans le grenier d'une maison un cumulus pour chauffer l'eau. Il fallait juste qu'il en trouve un… Pas bien compliqué. D'ailleurs, il y avait plein de beaux magasins de bricolage et de fournitures de ce genre à Manchester… Ça serait drôlement bien de les visiter après les heures de fermeture…
Pendant que Dobby jouait les bricoleurs, Harry et Severus s'étaient installés dans une quasi-routine chez Rick et Walt. L'appartement était superbe, confortable et joliment décoré par un couple de décorateurs d'intérieur très à la mode.
— Cette déco m'a coûté un rein et la moitié du foie, ouais, confia à voix basse Rick à Severus tandis que Walt, lui, racontait à un Harry très intéressé le mal qu'il avait eu pour choisir le papier peint du salon.
Il y avait tellement de choix dans cette boutique que ça avait été l'enfer pour se mettre d'accord.
La chambre d'amis était confortable, le lit super agréable – surtout pour faire des folies de son corps – et il faisait chaud sans avoir à se préoccuper de rien. Aucune manipulation à faire pour avoir de l'eau chaude et prendre une douche. Adieu le tub, le baquet et l'Aguamenti Calefactum debout sur un marchepied ! Il suffisait d'appuyer sur un interrupteur pour avoir de la lumière. Ce n'était pas pour dire, mais le confort moldu… c'était quand même quelque chose.
Afin de participer à leur entretien, Harry et Severus donnaient un coup de main au Flamant Rose. Le Maître des Potions apprenait les recettes des cocktails les plus communs et avec Rick derrière le bar, ils servaient deux fois plus vite les clients. L'aide était donc très appréciée.
Walt et Harry s'entendaient comme larrons en foire et faisaient cuisine et ménage à deux. Ils allaient également ensemble au supermarché pour les courses. Tante Pétunia avait appris la cuisine à Harry dès son plus jeune âge, enfin les choses les plus faciles et basiques car elle n'était pas la cuisinière du siècle. Cette chipie filait à Londres chez un traiteur réputé et un pâtissier renommé dès qu'elle recevait du monde à dîner et faisait éhontément croire qu'elle avait tout cuisiné et pâtissé. Sa réputation de cordon bleu était tout simplement totalement usurpée : un vaste mensonge…
Ce soir-là, Harry, qui révisait le programme de l'année d'ASPICs, rappela à son amant qu'il faudrait bien qu'il fasse un peu de pratique pour les potions. Severus avait hoché la tête en silence et aussitôt Rick, qui avait pourtant le nez plongé dans sa comptabilité, leva la tête et montra son intérêt pour la question.
— Moi j'aimerais drôlement bien voir comment on fait des potions. Ça doit être vachement intéressant.
— Ne lance pas Severus sur le sujet, Rick, ricana Harry, la main sur la bouche pour dissimuler un quasi fou rire naissant. Il est obsédé par les potions.
— Je te ferais dire, Potter, que JE suis un Maître des Potions, répondit le soi-disant obsédé d'un ton faussement offusqué.
Walt, qui repassait une chemise blanche pour Rick à l'autre bout de la pièce, lança alors une remarque qui fit littéralement hurler de rire Harry.
— C'est toujours aussi dégueu à avaler ? Ou alors tu as trouvé le moyen de les rendre meilleures ? J'ai jamais compris pourquoi c'était aussi mauvais ! Misère, je me souviens de la fois où ma mère m'a refilé du Pouss'Os quand j'avais six ans parce que je m'étais cassé le bras en tombant d'un arbre. C'était absolument dégoûtant !
— Rêve pas, Walt, ricana Harry. C'est toujours aussi mauvais. Ils en ont rien à foutre du goût des potions. Aucun Maître des Potions ou apothicaire ne fera un effort pour leur donner un bon goût.
— Harry Potter ! Tu sais pertinemment depuis ta première année qu'il est impossible de les aromatiser sans dénaturer les potions et nuire à leurs effets.
— Ouais, tu dis ça, mais je suis sûre que si tu essayais, tu trouverais le moyen !
— Je préfèrerais avoir de quoi réaliser des potions afin de nous donner un moyen de subsistance, Harry.
— Ben, faudrait en faire des chères, ou des rares, ou alors des interdites comme l'avait suggéré Ragnok. Là, tu pourrais gagner pas mal d'or.
— Interdites ? demanda Rick intrigué, abandonnant pour de bon ses comptes. Il y a des potions interdites ? Quel genre ?
— Le genre potion de contraception, ou d'avortement, pour les plus simples, déclara Severus le visage fermé.
— La contraception est interdite ? Et l'avortement ? s'étonna Walt. Je me souviens pas de ça.
— T'étais trop petit quand t'as quitté le Monde Magique. Moi je le sais que depuis pas longtemps, parce qu'on apprend pas ça à Poudlard, crois-moi.
— Ce n'est pas dans le programme, confirma l'ancien professeur en soupirant. Et elles ne sont vendues que sous le manteau et dans l'Allée des Embrumes.
— Mais alors… comment ça se passe ? demanda Rick, surpris. Enfin… je veux dire… ça doit arriver les accidents. Tout le monde ne veut pas faire un enfant tout le temps.
Severus commença à expliquer en détail à Rick comment ça se passait pour les couples, et aussi les sorciers et sorcières voulant s'encanailler en toute discrétion. Les yeux écarquillés, la mâchoire pendante, il était muet de stupeur. Passant près de lui avec sa pile de chemises fraîchement repassées, Walt eut un petit rire, tendit la main et remonta le menton de Rick pour lui clore le bec au sens propre.
Et alors qu'il s'éloignait dans le couloir des chambres, les trois autres hommes l'entendirent marmonner qu'il aimerait bien qu'il existât une potion pour rendre leur magie aux Cracmols. Il était vrai que Walt avait raflé tous les bouquins de première année d'Harry pour les lire et avait beaucoup de regrets de n'avoir aucune magie. Poudlard aurait été une expérience qu'il aurait aimé connaître.
Le regard de Severus se figea et se fit vague. Harry le remarqua aussitôt.
— Oh… hoooo…
— Quoi ? s'inquiéta alors Rick.
— Regarde Sev. Quand il a cette tête, c'est qu'il a une idée. Et en général, ça fait mal…
Harry farfouilla dans son sac de cours, en sortit une feuille de parchemin et une plume auto-encreuse et les poussa devant Severus. Celui-ci, sans un mot, sembla se réveiller et se mit à griffonner à toute allure, à faire des graphiques, des dessins bizarres, à tracer des runes et des tableaux de calculs d'arithmancie. Enfin bref, des trucs innommables selon Harry que tout ça rebutait.
Rick tenta de lire ce que griffonnait son ami mais abandonna rapidement. Il avait l'impression de se trouver devant un génie du genre de Léonard de Vinci qui gribouillait des trucs bizarres sur des parchemins ou alors comme avait dû le faire le mystérieux auteur du Manuscrit de Voynich[2] qui bluffait les plus grands savants depuis des siècles.
Harry, Rick et Walt eurent le plus grand mal cet après-midi-là à faire Severus quitter ses parchemins pour prendre un repas. Secrètement, le Garçon-Qui-Avait-Survécu était bien content de voir que le Maître des Potions se reprenait vraiment et était en mode nouvelle création. Il ignorait le sujet des recherches, n'osant pas imaginer que Severus avait pris Walt au mot et tentait de créer une potion pour débloquer la magie des Cracmols.
Et si c'était ce qu'il fabriquait, dès qu'il en serait à vouloir faire des tentatives pratiques, il allait retomber dans la réalité et se souvenir qu'il n'avait pas le matériel pour le faire. Ouille, ouille… Il y aurait encore des moments difficiles.
Le moment tant redouté par Harry arriva bien plus vite qu'il ne l'aurait souhaité. Un matin, il remarqua que le Maître des Potions était très agité et déambulait fébrilement dans la salle à manger de Rick et Walt tout en se passant une main nerveuse dans les cheveux.
— Tout va bien, Severus ?
Un soupir et un regard douloureux furent sa réponse et Harry comprit aussitôt. L'ancien professeur avait étalé ses notes sur la table, des parchemins et des plumes. Harry reconnut même un ancien modèle éculé de carnet provenant de chez Scribenpenne. C'était le modèle le plus épais que la boutique proposait et il avait plus l'air d'un bottin moldu que d'un petit agenda de poche. Harry le connaissait car Hermione en achetait un ou deux chaque année… Rose. Avec des paillettes. Et une licorne gravée dessus. Pouah ! Le Gryffondor n'eut pas le temps d'interroger un peu plus son amant, un cri retentit alors dans l'appartement.
— Ayééééé, Harry ! Je les ai trouvées !
Walt sortit à toute vitesse du placard dans lequel il fouillait depuis un bon quart d'heure, un énorme carton entre les bras. Ce qui fit rire Harry c'est que Walt portait sur la tête une lampe frontale allumée.
— T'as pas de lumière dans ton placard ?
— Si, mais l'ampoule est grillée. Et je suis trop petit, renifla Walt un peu vexé d'avoir à l'avouer. Le placard est trop encombré, je ne peux pas y mettre une chaise ou un escabeau pour grimper dessus. Et Rick me dit toujours qu'il va le faire, mais il oublie à chaque fois.
— Tu as des ampoules neuves ?
— Ouais, dans la cuisine, répondit Walt en posant son encombrant carton sur une des chaises de la salle à manger.
— Donnes-en une à Sev', il va te la changer. Autant que son mètre quatre-vingt-six lui serve à quelque chose.
— Bonne idée. C'est pas toujours facile d'être un gnome de jardin, pesta Walt en grimaçant.
— C'est à moi que tu dis ça, Walt ? ricana Harry en ouvrant le carton pour fouiner dedans.
La boite contenait les décorations de Noël du couple. Il y avait de quoi surcharger un des sapins d'Hagrid, l'appartement et tout le bar au rez-de-chaussée. Les deux fléaux allaient bien s'éclater encore.
— Donne ton ampoule, Walt, fit Severus avec un soupir las. Tu aurais dû me le demander depuis longtemps.
— Tu es un chou ! Je t'en apporte une tout de suite !
Ce fut à ce moment-là que Rick fit son apparition dans l'appartement. Il venait de l'extérieur et était rentré par la porte de service située à l'arrière de l'immeuble. Il retira son bonnet de laine et frappa ses bottes mal déneigées sur le paillasson.
— Ça caille un max, les enfants ! On est mieux dedans que dehors, je vous l'dis ! Vous faites quoi ?
— Severus change l'ampoule du placard et nous on va décorer l'appartement et demain on fera le bar et on ira acheter un sapin. Tu as bien déposé la voiture pour sa vidange et les pneus ?
— Oui, oui. J'en viens. On va la récupérer demain soir juste avant la fermeture. Il me met les pneus d'hiver, comme ça on sera tranquilles. J'en reviens pas que j'avais oublié, dis-donc !
— Ouais, tu as oublié de faire mettre les pneus neige tout comme tu oublies de changer l'ampoule du placard depuis des mois.
— Ah ouais, désolé, Walt. J'l'f'rai d'main ! N'embête pas Sev' avec ça.
— RICHARD JOSEPH EVANS ! hurla Walt, les yeux étincelants. Tu n'abuserais pas UN PEU ?
Harry se figea, interloqué. Severus revint au galop, l'ampoule grillée dans une main. Il les regarda tous les trois alternativement. Harry, lui, choqué, faisait le poisson boullu ou la carpe, ouvrant et fermant la bouche sans émettre un son.
— Attends, Rick. Evans c'est ton nom de famille ?
— Ben ouais. Pourquoi ? Il est hyper commun, pas comme celui de Walt. Je veux bien croire que vous n'êtes pas habitués aux noms de famille des… comment tu dis, Sev', déjà ? Ah oui, des Moldus – trop marrant comme mot – mais pas de quoi être aussi choqué.
Rick avait remarqué la réaction anormale de Severus et Harry à l'annonce de son nom de famille complet. C'était vrai qu'ils n'avaient encore jamais eu l'occasion de l'apprendre, s'étant plus focalisés sur celui très sorcier de Walt.
— C'est pas ça, Rick. Mais la mère d'Harry s'appelait aussi Evans. Lily Mary Evans de Carbone-Les-Mines.
— C'est vrai. C'était ma mère et Vol… hem… L'autre débile de Mage Noir l'a tuée.
— Tu… tu… nan… vous plaisantez, hein ? Walt vous aide à me faire une farce ?
— Non, Rick, on ne te fait pas de farce, et je n'aide jamais à faire des farces, tu le sais très bien, j'aime pas ça. Explique-toi. Pourquoi tu crois qu'on te fait marcher ?
— Les mecs, répondit Rick d'une voix blanche en commençant à déboutonner son manteau qu'il avait conservé, j'avais un oncle à Carbone-Les-Mines. Il s'appelait John et sa femme Daisy, je crois. Mais je les ai jamais vus. Mon père leur causait pas. J'ai jamais trop su pourquoi. Il avait deux filles je crois, mais je ne sais pas leurs noms. Enfin, si on me l'a dit, c'est quand j'étais môme et je m'en souviens plus.
Harry, qui ignorait l'identité de ses grands-parents, ne réagit pas à la révélation de Rick, mais Severus écarquilla les yeux et devint brusquement très pâle. Sans un mot, il s'assit à la table et passa une main lasse sur son visage cireux. Le destin et Merlin avaient parfois des drôles d'amusements…
— Sev' ? T'en fais une tête ! s'inquiéta Harry les sourcils froncés.
— John et Daisy Evans vivaient dans ma rue quand j'étais enfant. Je les ai bien connus. Ils avaient en effet deux filles.
Severus fixa Harry droit dans les yeux et poursuivit :
— Elles s'appelaient Pétunia et Lily.
— QUOI ? Tu parles de Maman et de Tante Pétunia ?
— Oui.
— Attends, attends, Severus, l'interrompit Walt. Tu es en train de nous dire que la mère d'Harry est ou était la cousine germaine de Rick ?
— Je le dis.
— Oh merde ! Putain de nom de Dieu de merde ! Harry est mon cousin ? Naaaaan ! Faut qu'on fête ça tout de suite, annonça Rick hilare ! CHAMPAGNE !
Cette fois, ce fut Walt qui dut s'asseoir sous le coup de la surprise. Il regarda Severus qui ne disait rien, stoïque, tandis qu'Harry, qui ne semblait pas particulièrement réagir, regardait sans avoir l'air de le voir Rick courir partout dans l'appartement. Il dénicha les flûtes à Champagne dans le meuble de la salle à manger et descendit l'escalier du bar à toute allure, marmonnant qu'il avait une bouteille de champ' par là depuis des lustres, s'il se rappelait bien.
Harry commença à digérer les nouvelles.
— J'ai… j'ai un cousin ? Un autre cousin que Dudley ?
— Oui, chaton. Il semblerait bien. Enfin, c'est plutôt un cousin au second degré, mais un cousin quand même.
— Et c'est Rick ? Mais c'est super cool ! Je suis trop content !
Severus jeta un regard en coin à Walt. Celui-ci semblait un peu trop calme et ça cachait quelque chose.
Alors qu'Harry se saisissait d'un morceau de parchemin vierge abandonné sur la table par Severus, de la plume et de l'encrier du Maître des Potions pour griffonner une lettre rapide pour Albus Dumbledore, Severus scrutait Walt de ses yeux perçants.
— Raconte, Walt ! Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu n'es pas ravi pour Rick et Harry ?
— C'est pas ça, murmura le jeune Cracmol en baissant la tête. Avant, on était deux à ne pas avoir de famille. Moi je viens d'un orphelinat moldu et Rick n'avait que son père qui l'avait mis dehors le jour de ses dix-huit ans à cause de son orientation sexuelle. Maintenant, Rick a vraiment de la famille. Il a quelqu'un. Et moi… j'ai vraiment plus personne. Ils sont tous morts, tu m'as dit.
— Mais non, Walt, protesta Harry. Ça change rien, voyons ! Au contraire ! On est vraiment de votre famille maintenant, et pas que par choix ! On l'est aussi par le sang.
— Toi et Rick, ouais. Mais moi, je me sens tout seul.
La bouche pincée, Severus ne savait pas quoi dire à Walt. Il n'avait plus personne lui non plus, alors il comprenait bien ce que ressentait son ami.
— Eeeeh ! Qui te dit que tu n'as plus personne ? protesta Harry en levant le nez de son parchemin. Je veux dire, plus personne du tout ! Bon, tes parents et tes frangins sont morts selon Sev', mais si ça se trouve tu as encore du monde. Je sais pas… des cousins… des oncles et tantes… Tu sais pas.
Mais Severus secoua la tête en dénégation. Il regarda Rick poser les verres sur la table puis remplir de glaçons un seau en inox publicitaire offert par une marque de Champagne français.
— Walt est le dernier Lestrange. Appolonius était furieux quand il a compris que Bellatrix ne voulait pas d'enfants avec Rodolphus. Ensuite, ils étaient à Azkaban et dans des cellules séparées donc ça ne risquait pas d'arriver. Rabastan était célibataire lorsqu'il a été arrêté et emprisonné.
— Attends ! Si quelqu'un sait quelque chose, c'est le Professeur Dumbledore ! On va lui demander, il connait tout le monde. Après tout, il est hyper vieux. Il a au moins cent ans !
— Cent ans, pouffa Rick en faisant sauter le bouchon de la bouteille qu'il avait remontée. C'est pas un peu beaucoup ?
— Albus a exactement cent seize ans, confirma Severus avec un hochement de tête. Et pour info, les sorciers vivent bien plus longtemps que les Moldus. Nous allons facilement jusqu'à cent cinquante ans sans souci, voire plus. Le Professeur Griselda Marchebank de l'Académie des Examens Magiques a presque deux cents ans, à deux ou trois ans près. Il me semble qu'elle est notre doyenne d'ailleurs. Enfin… à vérifier.
— Deux cents ans ? C'est incroyable.
Rick versa le Champagne dans les verres avec un grand sourire puis remarqua la mine triste de Walt. Il avait entendu la fin de la conversation et n'était pas vraiment étonné. Walt avait toujours beaucoup souffert de son abandon et du fait de n'avoir plus personne. Il reposa la bouteille dans le seau et tendit deux flûtes pleines à Severus et Harry. Puis il s'approcha de Walt et l'obligea à se lever de son siège. Un sourcil levé, il se contenta de le prendre dans ses bras, de le plaquer contre son large torse et referma ses bras sur lui. Sans un mot, il secoua la tête pour informer les deux sorciers qu'il allait gérer ça, ou qu'il avait l'habitude… enfin bref, un truc dans le genre.
Harry en profita pour terminer sa lettre et la plia en quatre, n'ayant pas de cire à cacheter. Puis il appela « Dobby ! » et l'Elfe apparut, couvert de poussière de plâtre, dans la même tenue que vue par Dumbledore avec quand même une nuance : il portait autour du cou une vieille écharpe Serpentard très usée qu'il avait trouvée dans le grenier, accrochée à un vieux clou. Elle avait, bien entendu, appartenu à Severus autrefois et Dobby se l'était appropriée, la jugeant avec raison abandonnée à son triste sort.
— Qu'est-ce que c'est qu'ça ? sursauta Rick, les yeux écarquillés de surprise.
— C'est un Elfe-De-Maison, répondit Walt d'une voix douce étouffée par le pull porté par Rick.
— Dobby… fit Harry sans se soucier des autres hommes présents. Tu peux porter cette lettre au Professeur Dumbledore ?
— Dobby peut, Maître Harry Potter, Monsieur, affirma l'Elfe effronté en attrapant la missive que le jeune sorcier lui tendait et en la glissant dans sa salopette poussiéreuse.
— Qu'est-ce que tu peux bien fabriquer pour être couvert ainsi de plâtre, Dobby ? s'inquiéta alors Severus, un sourcil levé et un petit sourire amusé sur ses lèvres fines.
L'Elfe se tourna vers le potionniste et lui fit un énorme sourire.
— Dobby répare la maison de Maître Rogue, Maître Rogue, Monsieur.
— Tu… répares ma maison ? répéta Severus, dubitatif. Eh bien, je te souhaite bon courage.
Et le sorcier marmonna pour lui-même en portant sa flûte de champagne à sa bouche :
— Et je demande à voir…
— Dobby ! Tu répares la maison ? répéta Harry, surpris. Tu as fait quoi alors ? Parce que c'est pas pour dire, c'est un boulot énorme et on n'a pas d'or, tu le sais.
— Dobby n'a pas besoin d'or, Maître Harry. Dobby va porter la lettre.
Et il popa hors de l'appartement sans demander son reste.
— Hééé ! Mais qu'est-ce qu'il a bien voulu dire avec son « pas besoin d'or » ? s'écria Harry à présent un peu inquiet.
Severus leva les yeux vers le ciel et se pinça l'arête du nez entre le pouce et l'index.
— Rappelle-toi des cigarettes et des briquets, Harry. Dobby a l'habitude de se servir quand il veut quelque chose. Il a vidé les étagères du Bureau de Tabac de Bob Prescott et je suis presque certain qu'il vole absolument tout son bricolage de la même façon. Je ne sais pas ce qu'il fabrique avec du plâtre mais je peux t'assurer qu'il ne nous a rien coûté.
— Ouais, je vois. Je trouvais bizarre aussi qu'on ait des rideaux neufs dans la cuisine, un carreau neuf sur la porte, et des galets d'anthracite dans la cheminée. Surtout au prix qu'ils coûtent ! ricana Harry en se retenant de hurler de rire.
— Les galets d'anthracite, il les vole au Manoir Malefoy, confirma Severus. Narcissa n'achète que ceux-là et Dobby peut toujours entrer dans le Manoir. Quant aux rideaux, Albus m'a dit qu'il venait des quartiers de Dolorès Ombrage. Elle a fait un scandale quand elle a constaté leur disparition.
— Tant mieux ! Je la déteste ! assena Harry avec une mine victorieuse.
— Tu seras alors ravi, je pense, d'apprendre qu'elle se trouve actuellement à Saint-Mangouste, dans le service de psychomagie des Guérisseurs Pavlov et Prozac.
— Pas possible ! s'esclaffa le lionceau hilare. Comment ça se fait ?
— Albus m'a juste dit l'autre jour qu'elle avait été traumatisée. Je pense qu'il en sait bien plus qu'il ne veut bien le dire. Il affichait une tête un peu trop innocente et angélique, si tu vois ce que je veux dire…
— Je vois très bien.
Pendant ce temps, Rick qui tenait toujours son compagnon dans ses bras, était mort de rire.
— Prozac ? Y a un, comment t'as dit ? Guérisseur ? Qui s'appelle Prozac ? Mais c'est un nom de médicament !
— Exact, Rick. Et d'après toi, pourquoi ? s'amusa Severus.
— Ben, j'en sais rien.
— Un Guérisseur est un médecin dans le Monde Magique. Antonius Prozac est un psychomage, ce que vous appelez un psychiatre. Chez nous, c'est une sommité, tout comme son collègue Sigmund Pavlov. Prozac a créé le médicament qui porte son nom. A la base c'était une potion. Dans le Monde Moldu, il est utilisé sous une autre forme, gélules ou comprimés certainement, car à part des sirops, il n'y a pas de potions.
— Ah ben merde alors ! J'aurais jamais pensé ça. Allez, on va trinquer. Viens, Walt.
Rick alla s'asseoir et installa Walt sur ses genoux. Le dernier des Lestrange était silencieux et un peu prostré et s'accrochait présentement au pull de son conjoint. Rick semblait avoir l'habitude de ce genre de coups de cafard car il lui caressait le dos d'une main légère tout en lui embrassant régulièrement les cheveux. Alors que le cousin d'Harry nouvellement découvert allait porter un toast à la bonne nouvelle, un Patronus en forme de phénix se matérialisa dans la pièce.
— Severus, Harry, dites à vos amis que je prends le Fumseck Express dans une minute et je vous rejoins.
Le phénix n'attendit pas une réponse éventuelle et s'évapora. Rick n'avait rien remarqué, mais Walt avait vu et entendu.
— Severus ? C'était quoi ce truc ?
— Hein ? Quel truc, de quoi tu parles, mon chéri ? s'inquiéta Rick en regardant Walt.
— Un Patronus, Walt. Seuls les sorciers et les cracmols peuvent les voir. Tu ne pouvais pas, Rick. Il était porteur d'un message pour nous. Albus va arriver dans quelques secondes avec son phénix. Il a certainement des nouvelles urgentes sinon il ne se permettrait pas.
— Tu parles du type de l'autre jour ? Celui qui ressemble à Merlin l'enchanteur ?
— C'est cela.
— Super, il est cool ! Je sors une autre flûte. Tu crois qu'il resterait dîner ?
— Tu n'auras qu'à lui demander, s'amusa Severus.
Le Serpentard avait à peine terminé sa phrase que le Directeur de Poudlard apparaissait dans un éclair rouge agrémenté de fumée et d'un craquement. Fumseck criailla et repartit aussitôt dès que Dumbledore lâcha sa queue.
— Navré de vous déranger comme ça de façon imprévue, mais j'avais des petites choses à apporter à Severus et la lettre d'Harry m'a fait me presser un peu.
— Bienvenue, Professeur, le salua Rick en tendant la main vers le sorcier.
Il s'était relevé et avait donc reposé Walt sur le sol. Albus Dumbledore croisa le visage du frêle cracmol et alors qu'il allait remercier Rick, il s'interrompit.
— Oh mais ! Qui êtes-vous, jeune homme ? Vous ressemblez à une de mes anciennes élèves.
— C'est Walt, Professeur, répondit Harry. Walt est un Cracmol. Et Rick est un Moldu et c'est mon cousin.
— Je suis Dionysus Walter Lestrange, répondit Walt en tendant la main à Dumbledore.
— Oh ! Mais alors vous êtes le fils de Seraphina Evergreen ! Quelle surprise ! Je vous croyais mort ! Appolonius a dit partout à l'époque que vous étiez mort de la Dragoncelle !
Walt eut un petit rire douloureux et haussa les épaules.
— Il avait l'intention de me tuer, Professeur. Lui et Rodolphus. Rabastan et ma mère ont refusé, alors il m'a abandonné un soir à la porte d'un orphelinat moldu. J'ai pleuré et supplié. Je voulais rentrer à la maison mais il n'a même pas répondu. Il s'est retourné et il a transplané. Je n'ai plus jamais revu ma famille. Et Severus m'a dit qu'ils étaient tous morts.
— Oui, mon cher enfant, il n'y a plus personne d'autre en vie de cette famille.
— Vous êtes sûr, Professeur Dumbledore ? insista Harry.
— Asseyez-vous, Professeur, proposa Rick, et prenez un peu de Champagne avec nous. On trinquait, voyez-vous.
— Merci beaucoup. C'est charmant chez vous. Vous avez énormément de goût, fit Albus distraitement en regardant autour de lui, une fois assis avec un verre dans la main.
Walt accusait le coup. Il avait la confirmation, il était le dernier en vie des Lestrange.
— Oui, je disais donc que vous êtes bien le dernier des Lestrange, mais, il vous reste encore quelqu'un en vie.
— Quoi ? Vous êtes sûr ?
— Oh oui !
— Hé ! Mais c'est super, s'exclama Harry tout heureux de la nouvelle. Tant que c'est pas un Mangemort, hein, ça me va !
— Ah. Oui… bien sûr. Désolé Harry, mais c'est un Mangemort.
— C'était trop beau ! C'est pas Malefoy ou… ou… Voldy au moins ?
— Voyons, Harry ! Le Seigneur des Ténèbres est mort, tu le sais parfaitement et si Lucius avait été parent avec Rodolphus et Rabastan, tu crois pas que je l'aurais su depuis le temps ? ricana Severus en toisant son amant, un sourcil narquois levé.
— Voyez-vous, mes chers enfants, le Monde Magique est très petit, d'où les problèmes de consanguinité qu'il y a parfois, vous le savez.
— Ouais, leur manie du sang-pur !
ronchonna Harry.
— Tout à fait. Et donc, tous les sorciers se connaissent et sont plus ou moins apparentés. Par exemple, ton parrain Sirius est parent avec Arthur Weasley mais également avec Molly. Il l'est aussi avec ton camarade Neville.
— Oui, il me l'a dit une fois.
— Bien. Donc Walt ici présent est donc le fils de Seraphina Evergreen, ancienne élève de Serdaigle à qui j'ai enseigné à Poudlard. Seraphina avait pour père un Serdaigle nommé Lester Evergreen qui a fait une belle carrière à la Coopération Magique, je me souviens.
— Je l'ignorais, Professeur. Je ne me souviens pas de mes grands-parents, révéla Walt suspendu aux lèvres d'Albus.
Celui-ci avala une gorgée de sa flûte et poursuivit.
— Lester a épousé une Serpentard qu'il fréquentait depuis l'école. Elle s'appelait Philomena.
Albus regarda Severus avec intérêt mais celui-ci ne réagissait pas.
— Elle s'appelait Philomena Prince et elle avait un frère aîné à Serpentard également. Il s'appelait Septimus.
— En voilà un nom encore, pouffa Rick.
Mais Severus avait pâli en entendant les noms.
— Septimus Prince ? Vous êtes sûr ? insista-t-il.
— Pourquoi, Sev' ? Tu le connais ?
— Septimus Prince était mon grand-père, Harry. Il a renié ma mère et l'a chassée puis déshéritée pour avoir voulu épouser mon Moldu de père.
Le silence se fit dans la salle à manger au-dessus du Flamant Rose.
— Attends, Severus, fit Rick qui n'en croyait pas ses oreilles. Si je comprends bien, ton grand-père Septimus était… le frère de la grand-mère de Walt ?
— On le dirait bien, si Albus a raison.
— Oh, mais j'ai raison. Je les ai tous eu en classe et j'ai même été invité au mariage de Lester et Philomena ainsi qu'Horace Slughorn. On s'était bien amusés d'ailleurs…
— J'ignorais cette parenté, Albus.
— Je me doute, mon petit. Quand Harry m'a raconté dans sa lettre qu'il avait retrouvé par pur hasard un cousin germain de Lily, je n'en revenais pas. Et en arrivant, je reconnais Seraphina sur les traits de son fils et là, et bien je me suis souvenu. Encore une fois, un hasard absolument incroyable !
— Severus, tu… tu es mon cousin ?
— On le dirait. Enfin, nos mères étaient cousines, exactement comme Lily était la cousine de Rick.
— VOUS ÊTES VRAIMENT DE LA FAMILLE ! RICK ! ON A UNE VRAIE FAMILLE ! POUR DE BON !
— C'est super ! fit Harry hilare en tapant dans la main levée de Severus.
C'était incroyable, un hasard inouï, impensable.
Albus Dumbledore souriait, ravi. Seraphina Evergreen avait été une jeune fille charmante et s'amouracher d'Appolonius Lestrange n'avait pas été son idée la plus brillante. Elle n'avait pas été heureuse, ce n'était un secret pour personne. Albus avait toujours pensé que la mort de son plus jeune fils juste quelques mois avant d'entrer à Poudlard l'avait brisée et précipitée dans la tombe plus rapidement que prévu. Il comprenait à présent qu'en fait non. L'enfant n'était pas mort, il avait juste été abandonné car sans magie, mais l'épreuve avait dû être trop difficile pour la pauvre femme. De plus, voir son époux et ses fils « survivants » emprisonnés avait scellé son destin.
Septimus Prince avait été un homme cruel qui avait mené sa maisonnée à la baguette. Eileen Prince n'avait pas eu une enfance heureuse. Pour couronner le tout, l'odieux personnage n'avait rien trouvé de mieux que de vouloir marier sa fille unique à Vladimir Dolohov, frère aîné d'Antonin, un Mangemort sadique et cruel, soupçonné par les Aurors d'être également un tueur en série dans le Monde Moldu. Terrifiée, Eileen avait refusé et avait donc été chassée et reniée. Réfugiée sans un gallion vaillant dans le Monde Moldu, elle avait fait connaissance avec Tobias Rogue qui s'était arrêté pour la faire monter dans sa vieille auto alors qu'elle cheminait sous la pluie, ne sachant où aller. La pitié de Tobias, un soir d'orage, avait également scellé le destin d'Eileen. Et celui de Severus…
En regardant Walt, en larmes dans les bras de Rick, avec Harry et Severus qui les serraient tous les deux dans un câlin groupé qu'il trouva mignon, Albus se prit à songer que les sorciers n'étaient pas armés pour affronter la vie réelle, les relations amoureuses, ce genre de chose. Rien n'était encouragé et hommes et femmes magiques étaient des handicapés des sentiments, incapables de gérer leur vie sentimentale de façon logique. Enfin… pour ceux qui en avaient une.
Seraphina avait bataillé pour épouser Appolonius. Lester avait cédé. Il avait fait lui-même un mariage d'amour et n'avait pas voulu priver sa fille unique de cette expérience. Il aurait dû… Ah si le divorce avait été possible sans perdre la face et tout statut social ! Albus était persuadé que Lester et Philomena auraient tout fait pour récupérer leur fille dès les premiers mois de son union, avant même que Rodolphus ne soit conçu…
Malheureusement… dans le Monde Magique ce n'était pas envisageable.
Ce soir-là, Albus Dumbledore resta dîner avec Severus et Harry chez leurs nouveaux cousins Rick et Walt. Harry était absolument enchanté et les cadeaux d'Albus à Severus avaient laissé sans voix le Maître des Potions.
Le vieux sorcier avait fait Winky et un ou deux autres Elfes fouiller dans la Salle sur Demande choisie en mode déchèterie pendant plusieurs jours afin d'y dénicher tout ce qui pourrait servir à un potionniste : chaudrons, touilleurs, fioles, becs bunsens, paillasses carrelées, mesures, balances et poids, mortiers et pilons, cornues et éprouvettes, voire même un creuset ou deux…
Au cours de ses fouilles, Winky, Elfe décidément efficace lorsqu'elle était à jeun, avait trouvé des pièces de monnaie. Albus avait donc en sa possession une bourse contenant des gallions, des mornilles et des noises. Hagrid avait écumé la Forêt Interdite pour ramasser tous les ingrédients de potions trouvables avant que le froid et la neige ne les détruisent. Pomona Chourave, brave sorcière au grand cœur, avait offert à Albus des pousses de ses plantes favorites et des ingrédients de potions. Il avait dit que c'était pour son usage personnel et ses expériences, mais si Hagrid avait gobé la fable, Madame Chourave avait souri. Elle savait bien que Severus était, tout comme Harry, très cher au cœur du vieux sorcier. Albus n'avait pas eu d'enfants et les deux renégats lui en tenaient lieu. Le carton magiquement réduit et agrémenté d'un sortilège pour le rendre sans fond et allégé ne contenait pas tout ce qu'Albus avait espéré récupérer, mais c'était quand même beaucoup pour un potionniste qui n'avait plus rien qu'un kit de potions pour première année, Harry n'ayant jamais updaté le sien.
C'était censé être le cadeau de Noël de Severus, eh bien il l'aurait avant l'heure !
Lorsque Albus demanda à Severus sur quoi il travaillait, la réponse l'avait sidéré. Par la barbe de Merlin ! Si Severus trouvait le moyen de débloquer la magie des Cracmols, ça allait provoquer une véritable révolution. On verrait des familles ressortir des placards ou des oubliettes les Cracmols dissimulés, leur faire prendre la potion et les remettre dans la société magique. Certains reniés pourraient même être réintégrés.
Albus savait que Severus faisait ça pour Walt, pour lui redonner le statut qu'il avait perdu en quittant la demeure de ses parents contraint et forcé au jeune âge de onze ans.
Si quelqu'un pouvait réussir, c'était Severus. Harry le pousserait et l'encouragerait, faute de pouvoir l'assister, n'ayant pas les talents nécessaires. Il ne faisait aucun doute au Professeur Dumbledore que Severus par vengeance allait inonder le Monde Magique de potions interdites, controversées voire même révolutionnaires et hors de prix.
Albus avait bien hâte de voir ça.
Un éclat de rire le tira de sa rêverie. Harry riait d'une plaisanterie de Rick qui faisait le clown. Le petit groupe venait de terminer sa seconde bouteille de Champagne avec le pudding pâtissé par Walt. Severus souriait, une cigarette mentholée au coin des lèvres.
Ce soir, ils étaient heureux. Et Albus, qui se sentait un peu responsable de ce petit bonheur, les regarda avec la plus grande joie mâtinée de sérénité. Ah, si ces coincés de sorciers britanniques pouvaient les voir ! Harry et Severus étaient bien plus à leur place au Flamant Rose en famille que dans le Monde Magique rétrograde.
1 Couvre-chef sans visière porté par les hommes musulmans
2 Livre illustré anonyme rédigé dans une langue et une écriture inconnues, daté au carbone 14 de 1404 à 1438.
