Elfe Bêta : Mokonalex
Bonne lecture à tous. (J'ai encore des chapitres d'avance)
Dans la cuisine de Rick et Walt, Severus campait depuis des heures devant un chaudron posé sur la plaque de gaz allumée. Pour l'occasion, il avait revêtu sa tenue habituelle de sorcier et Rick avait adoré la chemise, le col haut avec la cravate drapée, le petit gilet et la redingote pleine de boutons. Il avait même émis le souhait d'acheter la même tenue, ce qui avait fait pouffer Walt et éclater de rire Harry. Sev' en avait été très flatté, même s'il ne l'avait pas montré.
Fascinés, Rick et Walt rodaient dans la pièce, faisant semblant de prendre un verre, une bouteille d'eau… ou de se faire une tasse de thé. Ils ne perdaient pas une miette des gestes que faisait le Maître des Potions. Sur la table de la cuisine, une quantité importante de bocaux étranges était alignée. Il y en avait des grands, des petits, des longs et des ventrus. Certains contenaient des choses bizarres et improbables. D'autres étaient remplis de trucs non identifiables que l'étiquette du pot en latin n'aidait en rien. Interrogé, Harry avoua son ignorance. Il était nul en potions malgré ses efforts. De toute façon, ce que Severus faisait là n'était absolument pas du niveau d'un élève de Poudlard, même fréquentant le cours avancé de potions.
La veille, le chaudron avait explosé, ce qui avait fait totalement paniquer Walt devant l'état de sa belle cuisine. Harry avait haussé les épaules pour le rassurer.
— T'inquiète pas, Walt. Un coup de baguette avec un Recurvite et tout sera nettoyé en une seconde.
— T'es sûr ? Nan, parce qu'on n'a pas fini de payer le crédit pour cette cuisine. Je tiens pas à devoir la refaire.
L'essai de la veille n'ayant pas été concluant, Severus remettait le couvert ce jour. Il fallait qu'il soit prudent avec les ingrédients car il n'en avait pas beaucoup en quantité ni en variété. A tel point qu'il avait émis l'hypothèse d'envoyer Harry avec une liste sur le Chemin de Traverse, mais il s'était ravisé. Ce voleur de Mullpepper et ces brigands sans foi ni loi de Slug & Jiggers allaient lui refiler n'importe quoi comme des vieux fonds de bocaux périmés au double du prix normal. Et ça il n'en était absolument pas question.
— Harry ? appela le Serpentard en tournant dix fois dans le sens contraire des aiguilles d'une montre avec son touilleur en quartz (trouvé par Winky dans le bric à brac abandonné de la Salle sur Demande).
— Tu as besoin de quelque chose, Sev' ?
— Est-ce qu'il reste du foie de dragon ? Il m'en faudrait une once et je ne vois pas le bocal sur la table.
— Bocal vide ! Je l'ai lavé hier et je l'ai rangé dans le carton magique de Dumbledore.
— Zut ! Je ne peux pas continuer. Je dois mettre le chaudron en pause.
— Ah merde ! Comment on fait ? l'interrogea le Gryffie en jetant un petit coup d'œil curieux sur la potion.
— Il faut qu'on se débrouille pour aller au Chemin de Traverse. Et non, ne me dis pas de te faire une liste, ils vont tenter de te rouler. Je dois y aller moi-même.
— Sev'… Tu es interdit de séjour là-bas.
— On pourrait se déguiser…
Harry eut un petit rictus amusé. C'était une excellente idée.
— Habille-toi en Moldu. Ils ne doivent pas faire le lien entre toi et le Professeur Rogue. Ensuite on décidera en quoi on se déguise. Pour moi j'ai déjà une petite idée.
Severus Rogue, Serpentard ultime, obligé de se déguiser en Moldu ou presque pour se rendre sur le Chemin de Traverse, c'était la honte. Pour lui, en tout cas. Harry, par contre, voyait ça comme un jeu et était très excité. Lorsque l'ancien professeur de Poudlard sortit de la chambre en jean noir, pull noir et boots de moto, mais avec sa longue cape d'hiver et son écharpe Serpentard, Harry leva les yeux au ciel depuis l'entrée de la cuisine.
— C'est pas ce que j'appelle vraiment une tenue moldue, mais ça fera l'affaire, je suppose.
Bien entendu, Rick qui venaient de remonter du bar après avoir fait le ménage de la veille devina aussitôt que quelque chose se préparait et s'enquit alors des nouvelles.
— Tu sors, Severus ? Habillé comme ça ?
— On va sur le Chemin de Traverse.
— T'as pas le droit, lui balança Walt, les bras croisés dans un air de défi. Si tu te fais gauler, tu vas finir à Azkaban, et Harry et moi on ne sera pas ravis !
— T'inquiète, Walt ! lui répondit le Gryffondor en sortant de la cuisine. J'ai pas l'intention de le laisser y aller seul.
— T'as pas peur que les gens te reconnaissent, Harry ? tenta Rick, inquiet. Sev'rus m'a bien expliqué que tu es hyper connu et célèbre là-bas. T'es en disgrâce pourtant, donc ils vont te scruter dans les lieux publics. Et ils vont aussi chercher à savoir qui est avec toi. Ils savent tous que tu es parti à cause de Severus et pourquoi.
— C'est bien pour ça que je vais me déguiser aussi. Et je t'assure qu'ils ne me reconnaitront pas ! Sev, tu devrais mettre le Glamour que tu avais l'autre fois, tu sais, quand on a mangé au Dragon Vert.
Severus hocha la tête en silence et sortit sa baguette de son holster invisible de cuisse. Il ferma les yeux et s'en donna un coup sur le crâne. Aussitôt, les trois autres hommes présents dans la pièce virent les longs cheveux noirs raccourcir et arborer une coupe moldue très classique et passe-partout. Également, le grand nez diminua de volume et changea légèrement de forme. Et lorsque le potionniste ouvrit les yeux, ils découvrirent un regard bleu très clair.
Rick en resta bouche bée. Walt afficha un large sourire amusé et se tourna vers Harry en sautillant de son habituelle manière précieuse.
— A toi, maintenant ! A toi, je veux voir !
— Ok. Mais comme j'ai pas les fringues adéquates je vais devoir tout métamorphoser. Et je vous le dis tout de suite, c'est pas ma matière de prédilection, la métamorphose.
Afin de ne pas prendre de risques avec ses derniers vêtements achetés quand il avait encore beaucoup d'or, Harry avait choisi de revêtir ses plus vieux habits. Ce n'étaient pas les vieux chiffons hérités de Dudley ou des dons de Molly (horreur et honte) mais simplement des choses des années précédentes qui avaient été beaucoup portées. En cas d'accident, elles ne lui manqueraient pas de trop.
En voyant l'air sournois de son jeune amant, Severus se pinça l'arête du nez entre le pouce et l'index, son autre bras replié sur sa poitrine dans son habituelle position de défi bien connue à Poudlard. Il était persuadé de ne pas être au bout de ses peines…
Il ne croyait pas si bien dire.
Harry transforma son banal pantalon de velours côtelé marron et son vieux pull irlandais beige en robe longue de sorcière très classique, noire, en velours ras, accompagnée d'une sur-robe sans manche fermée par un unique bouton de jais à la taille. Sa paire de baskets moldues Reebok devint une paire de grosses bottes d'hiver en cuir, avec talons haut, semblables à celles que portait Minerva McGonagall l'hiver.
Avant que quiconque n'ait pu protester sur son choix de déguisement, Harry ferma les yeux et se donna comme Severus un coup de baguette sur le crâne.
Ses cheveux changèrent de couleur. De noir corbeau, ils devinrent châtain moyen avec des reflets roux. Puis, on les vit allonger jusqu'à la moitié de son dos et se mettre à boucler. Sa mâchoire, habituellement bien carrée et masculine s'adoucit et l'angle diminua, lui donnant un visage presque ovale. Lorsqu'Harry ouvrit les yeux, ils étaient devenus bleu, mais d'une couleur plus foncée que celle de Severus. Mais ce fut le dernier changement qui obligea Rick, choqué, à s'asseoir sous la surprise. On vit la poitrine plate du jeune Sauveur se gonfler et prendre le volume de celle d'une femme bien gâtée par la nature.
Severus leva un sourcil amusé et dirigea un doigt inquisiteur vers la paire de seins qui pointait sous la robe.
— Tu t'es inspiré de Miss Granger ? Ou bien je dois m'inquiéter ?
— Nan. Pas Hermione, elle en a moins, je crois bien. J'ai pas été voir mais j'ai l'impression. Nan, je me suis inspiré de Lavande Brown. Enfin, du volume qu'on aperçoit quand elle est habillée. Ron fantasmait totalement sur sa paire de nénés, bien qu'il s'en défende, cet hypocrite. Il passait son temps à les regarder. Vous me trouvez comment ?
— On dirait une meuf avec les lunettes d'Harry Potter ! pesta Severus. Change ces maudites lunettes rondes ! Va vraiment falloir que je te fasse une potion de correction visuelle. Je ne comprends même pas comment tu n'as pas eu l'idée d'aller en demander une à Sainte-Mangouste avec tout l'or que tu avais à l'époque !
Harry, bouche bée, se tourna vers le Maître des Potions.
— On peut ? J'veux dire, ça existe ?
— Bien sûr que ça existe, espèce de cornichon ! C'est cher, mais ça existe !
— Mais personne ne m'a jamais parlé de ça !
— Je suppose qu'ils pensaient que tu voulais ressembler au crétin t'ayant engendré.
Harry lança un regard lourd à Severus et renifla de désapprobation. Il avait compris depuis longtemps qu'il ne valait mieux pas rebondir sur le sujet mais plutôt laisser tomber l'affaire… A la place, il choisit de transformer ses lunettes rondes en lunettes aux verres rectangulaires et avec une monture rose vif à branches ouvragées ce qui fit grimacer Severus.
— Vous… vous pouvez changer de sexe ? balbutia Rick, presque traumatisé.
— Non, Rick, le rassura Severus. On ne peut pas. Seuls les Métamorphomages peuvent et encore pas longtemps. Ils sont très rares en plus.
— On en connaît une ! Tonks, la cousine de mon parrain. Elle change la couleur de ses cheveux selon son humeur ou la taille et la forme de son nez pour nous faire rire à table. J'aime bien quand elle se fait un groin de cochon, c'est hyper drôle.
— Harry porte juste un Glamour comme moi. C'est une illusion, Rick. Il n'est pas vraiment une femme. Bien sûr si on touche, on le croit car l'illusion va jusque-là, mais il a toujours son service trois pièces, du moins je l'espère… ajouta le potionniste avec un regard suspicieux.
— Piti Ryry toujours dans le boxer, ricana Harry en se tapotant l'entrejambe. Tu veux vérifier ?
Severus ne répondit pas, se contentant de lever un sourcil, l'air de dire « ne continue pas sur cette lancée ou gare à toi ».
Walt trépignait, totalement extasié par ce déballage de magie.
— On peut venir avec vous ?
Harry et Severus se regardèrent un instant. Rick passerait inaperçu mais Walt était trop voyant. Il était l'archétype du gay par excellence. Il était maniéré dans toutes ses attitudes. Eux s'en fichaient royalement et n'y faisaient plus attention et Rick s'en accommodait au mieux puisqu'il était fou amoureux de son conjoint – chose évidente quand on les voyait évoluer dans l'intimité.
Ce fut Harry qui trouva la solution. Il se tourna vers Walt et n'hésita pas à le mettre en garde de la plus sévère des façons.
— Ok. Mais tu dois te transformer aussi. Je vous explique. Walt, tu es gay, et ça se voit. Ça se voit même un max, et tu le sais parfaitement. C'est ta nature et tu ne peux pas la changer. On ne peut pas te demander d'être sur tes gardes pendant des heures, de faire gaffe à ta façon de parler ou de marcher. C'est pas possible. Si tu viens avec nous en Walt, ça va mal finir, tu sais bien que l'homosexualité est interdite dans le Monde Magique. On va donc devoir te déguiser en femme comme moi.
— Ok, mais j'ai pas de magie, moi. Comment je vais faire ? Et Rick, il ne m'aimera plus en fille…
— Je m'en accommoderai pour quelques heures, Walt, surtout pour ta sécurité. Harry a raison, mon poussin, tu es voyant pour des hétéros. Moi ça me va, tu le sais, mais chez les sorciers d'après ce que Severus m'a raconté, ça va pas le faire et je refuse qu'il t'arrive quoi que ce soit. Donc, on va laisser Harry et Sev' gérer ton déguisement. Hein, les gars, vous pouvez ?
Harry hocha la tête et déclara que Severus allait s'en charger, ayant beaucoup plus d'expérience que lui.
— Approche Walt, fit-il, baguette toujours à la main. Dis-moi ce que tu veux… Des cheveux longs comme Harry ? Une autre couleur ? Des yeux comment ? Tu veux des p'tits seins ou des gros ? ajouta-t-il en ricanant tout en lançant un regard amusé vers Rick.
— Fais-lui des petits seins, Sev', exigea Rick aussitôt. Je ne suis pas fan du tout des appendices féminins, alors autant que j'en vois le moins possible sur mon Walt.
— Oooh ! Tu es trop mignon, mon amour ! gloussa Walt, ravi. Sev', fais comme Rick veut. Je m'en fiche, après tout, je me verrai pas et c'est juste pour du faux.
— Rick ? Vas-y, dis-moi comment tu veux ton Walt en fille, s'amusa Severus, baguette à la main.
— Ok. Bon… tu lui allonges un peu les cheveux, mais tu gardes la couleur et les boucles. J'aime bien les cheveux de Walt comme ils sont d'habitude. Et… tu lui gardes ses yeux noirs aussi. Ah tiens… j'avais pas vraiment fait gaffe mais vous avez un peu les mêmes yeux. C'est de famille, tu crois ?
— Possible, j'ai les yeux de ma mère, répondit Severus en haussant les épaules.
— Moi aussi, confirma Walt d'une petite voix.
— Ben alors c'est ça, conclut Harry. Commence par les cheveux qu'on voit ce que ça donne, Sev'. Mais on fait quoi pour la moustache ? On peut la cacher ? J'en suis pas sûr.
— Ah oui, c'est vrai. Tu as raison, chaton, on ne peut pas. Navré, Walt, je vais devoir te la retirer.
— Je dois aller me raser ?
— Je peux te lancer un sort d'épilation, c'est indolore.
— Ok, vas-y. Mais ça va repousser ?
— Bien sûr, comme le reste de ta barbe, le rassura le potionniste pour l'heure transformé en esthéticienne.
— D'accord.
— Depilate ! marmonna le sorcier, baguette sous le nez de Walt.
Les poils tombèrent sur le plancher ciré du salon, et Harry les fit disparaître d'un geste de baguette. Walt passa ses doigts au-dessus de sa lèvre en haussant les épaules.
— Je ne la gardais que pour avoir un peu moins l'air d'une fille. Je ne vous dis pas combien de fois on m'a pris pour l'une d'elles depuis que je suis ado. C'est gênant. Peut-être que je devrais la raser chaque matin aussi, histoire de changer un peu de look. Et comme ça, s'il faut que je me redéguise, ça sera plus facile, nan ?
— C'est comme tu veux, Walt. Bon, je continue. Les cheveux maintenant… Donc, je les laisse bruns, je change juste la longueur.
— Jusqu'aux épaules et ça ira, affirma Rick en hochant la tête, les bras toujours croisés et attentif aux changements.
Finalement, on ne modifia pas grand-chose au physique de Walt qui était déjà assez efféminé au naturel. Severus veilla juste à ce qu'aucune trace de rasage ne soit visible sur les joues de Walt. C'était vraiment la seule chose qui trahissait sa condition masculine. Il avait notamment des mains très fines, encore plus qu'Harry et de longs ongles pointus que Severus s'amusa à laquer de rouge bien pétant. Ce qui fit glousser Walt qui apprécia visiblement énormément.
— On a oublié le maquillage ! s'écria Harry.
— Désolé, mais je ne connais pas les sorts pour ça, il faudra que tu te débrouilles avec Miss Granger pour la prochaine fois. Je me suis juste souvenu du sort de manucure que Lily employait sans arrêt.
— Ok. Je demanderai à Hermione. Elle va me regarder de travers ou m'envoyer un hibou inquisiteur, c'est selon, mais bon… C'est pour la bonne cause.
Walt fut également habillé de la même façon qu'Harry, juste d'une couleur différente. Si le Gryffondor avait choisi du noir, c'était surtout pour Severus, Walt, lui, demanda du bleu marine qui semblait être une couleur qu'il affectionnait particulièrement car il en portait souvent.
Harry fit venir sa cape d'hiver d'un Accio et Severus en fit une copie pour Walt.
Lorsque ce fut au tour de Rick de se faire rhabiller, il demanda timidement s'il ne pouvait pas avoir la même tenue que celle portée par Severus lorsqu'il faisait ses potions.
— Tu peux pas, Rick, pas pour sortir, lui annonça Harry avec regret. Cette tenue, c'est la marque de Sev'. Il est le seul à les porter. On te prendrait pour lui.
— Elles sont faites sur-mesure pour moi depuis que j'ai quitté Poudlard. C'est moi qui ai dessiné le modèle et ai demandé qu'on me la réalise la première fois. Depuis, je n'ai jamais porté qu'elles. Je change les tissus selon la saison, mais pas la coupe ni la couleur.
— Ouais, et on le reconnait de loin, je peux te le dire, ricana Harry. Pas vrai, la chauve-souris des cachots ?
— La ferme, Garçon-Qui-A-Survécu-Rien-Que-Pour-Me-Pourrir-La-vie !
— Minute ! Appelle-moi, Fille-Qui-A-Survécu ! Je te prie.
— Dans tes rêves. Choisis donc plutôt un nom. Il vous faut des identités. Pendant ce temps, je m'occupe de Rick.
Rick conserva ses vêtements moldus mais se retrouva avec une robe de sorcier basique par-dessus, ce qui l'enchanta. Et il passa deux minutes au moins à se tourner et retourner devant le miroir en pied du vestiaire de l'entrée. Severus lui fit une copie de sa propre cape et le laissa l'enfiler. Harry se proposa de lui prêter son écharpe et son bonnet Gryffondor. Après tout, Rick se rasait totalement le crâne pour cause de calvitie et il ne fallait pas qu'il prenne froid. Il ne prit pas les gants d'Harry. Celui-ci avait de bien trop petites mains par rapport aux battoirs de l'armoire à glace Rick.
— Gryffondor, hein ! pesta Severus, vexé.
— Les Evans vont à Gryffondor, je te rappelle, Sev'rus ! Maman était une lionne, je suis un lion, donc Rick aussi.
— Les Lestrange vont tous à Serpentard depuis des siècles, murmura Walt. Je suis le seul qui n'y sera jamais allé.
Severus ne releva pas. Les Prince aussi allaient tous chez les serpents. Et si jamais il arrivait à ses fins et réussissait la potion de magie pour Cracmols, il ferait Albus apporter le choixpeau pour tester Walt…
— Vous avez trouvé des noms… ? MESDEMOISELLES ? demanda Severus en rangeant sa baguette dans son holster.
— Oui ! Moi je serai Rose Evans ! Et Walt, il sera Lola Lestrange. Ça vous plaît ?
— Ça passe. Allez, venez par ici, vous deux. Harry, tu vas transplaner Walt dans la zone de transplanage du Chemin de Traverse et moi je prends Rick.
— Ça marche. On vous attend.
Le transplanage d'escorte fut, sans surprise, une épreuve terrible pour Rick. Livide, il tituba ayant du mal à retrouver son équilibre, et nauséeux, il se retourna courbé en deux pour vomir dans le caniveau. Walt paniqua aussitôt.
— Ça va, mon amour ? Sev', qu'est-ce qu'il a ?
— Rien d'inhabituel, Lola, répondit le potionniste en insistant bien sur le prénom féminin. Le transplanage est une épreuve physique très dure quand on n'est pas habitué, mais pour quelqu'un sans magie, c'est encore pire.
— Mais moi je me sens bien… Comment ça se fait ? demanda Walt perplexe.
Severus le regarda fixement les yeux plissés. Harry attendait sa réponse également. Machinalement, il sortit sa baguette et lança un Evanesco pour nettoyer le caniveau de toute trace.
— Dis-moi, est-ce que ta mère ou éventuellement ton père t'ont fait transplaner avec eux quand tu étais petit ? s'enquit Severus sans se préoccuper de ce qu'Harry faisait.
— Oui, oui, bien sûr. On venait ici avec Maman quand il fallait faire les courses pour acheter des chaussures ou bien des vêtements pour nous, ou des livres ou les fournitures de Poudlard pour mes frères. Pourquoi ? Ça joue, tu crois ?
— Evidemment. Ton corps y est habitué, même si ça fait longtemps.
Puis Severus se tourna vers Rick à qui Harry tendait un Kleenex très moldu.
— Ça va mieux ? Ne t'en fais pas, ça va passer. Tu vas t'habituer. Au bout d'un moment, ça ne te fera plus rien, tu verras.
— Tant mieux, avoua Rick d'une voix faible. Parce que c'est pas pour dire, c'est l'enfer ce truc.
— Tu veux aller prendre un petit remontant au Chaudron Baveur ? lui demanda alors Harry, plein de sollicitude.
— Non, non. Je préfèrerais qu'on fasse ce pour quoi on est venus ici en premier. On verra après.
— Ok. Mais je dois vous mettre en garde, chuchota Severus en les fixant dans les yeux. Pas de mots d'amour en public et interdiction de vous donner la main. Rick, tu peux offrir ton bras à Lola, comme ça se faisait autrefois, tu vois ce que je veux dire ?
— Ouais. Ma mère tenait le bras de mon père ainsi quand on allait en ville.
— C'est ça. Si on vous demande quelque chose, vous êtes fiancés. Les couples non légitimes sans chaperons ne sont pas autorisés dans les lieux publics.
— Alors, nous aussi on est fiancés ? demanda Harry avec un sourire extasié qui fit lever les yeux au ciel à l'ancien professeur.
— Qu'est-ce que je viens de dire ? Tête de pioche ! Si c'est valable pour Rick et Lola, c'est aussi valable pour nous, Rose !
Harry se mit à rire, et ostensiblement minauda en glissant sa petite main gantée aux couleurs de sa maison au creux du bras de son compagnon. Lola fit la même chose avec Rick et ils s'avancèrent dans le Chemin de Traverse.
— Ça n'a pas changé du tout, s'étonna Walt. Ah si… il n'y avait pas ce magasin là quand j'étais môme.
— Restez sur vos gardes, on ne sait jamais. On ne va pas traîner longtemps dans le coin. C'est un monde très hostile pour les Cracmols et les Moldus.
— Pour les sorciers aussi, Severus, fit alors Harry sombrement. Si tu ne rentres pas dans le moule… ça craint.
— Exact. Bon, on va à l'apothicairerie que vous voyez là-bas au bout de la rue sur la gauche.
— Tu ne veux pas aller chez Potage avant ?
— Non, chaton, pas aujourd'hui. On a assez avec les chaudrons qu'on a pour le moment. Ils sont vieux mais encore dans des états corrects. Si vous voulez revenir ici pour faire du lèche-vitrine ou des achats, vous devrez venir en filles et éventuellement avec Miss Granger. Les petits groupes de filles n'attirent pas l'attention et surtout personne ne songerait à les importuner. Ici pas de harcèlement sexuel. C'est le seul avantage. Deux hommes ensemble attireront automatiquement la suspicion. C'est minable, mais ainsi.
— Ouais, surtout depuis qu'on a été dénoncés, Sev'.
— Oui. Albus m'a expliqué qu'il y a eu depuis quelques dérapages qu'il n'y aurait pas eu sans notre affaire. L'heure est à la suspicion. Et seulement pour les hommes.
— Je comprends pourquoi tu dis que c'est pas vivable pour nous autres ici, dit alors Rick qui se taisait depuis un moment.
Le cousin moldu d'Harry choisit de se concentrer sur le spectacle inhabituel qu'il avait sous les yeux. Les maisons étaient de style moyenâgeux et toutes bancales. A croire que les maçons et charpentiers ayant œuvré ignoraient l'usage du fil à plomb. Ou alors, ils étaient saouls… De telles réalisations au 20ème siècle n'auraient pas été tolérées dans le Monde Moldu. Et les tenues des gens ! La mode victorienne assurément. Bon, pour les hommes, certaines tenues n'étaient pas vilaines, mais les femmes franchement… il ne manquait plus que les corsets et c'était bon. Et pas d'électricité, pas d'électroménager, rien de moderne ! Rick avait l'impression d'avoir emprunté une machine à remonter le temps et d'avoir atterri cent ans auparavant. Les sorciers ne connaissaient rien de moderne mais pourtant ils avaient des baguettes qui étaient des armes aussi dangereuses que des fusils ou des révolvers pour les Moldus. Les baguettes pouvaient faire des choses superbes, ou amusantes, ou utiles… ou mortelles.
C'était déstabilisant.
Il avait vu une fois Harry sécher les cheveux de Walt avec sa baguette au lieu du sèche-cheveux électrique Revlon de la salle de bain. Epaté, il était resté regarder Harry remuer sa baguette au-dessus de la tête de Walt et avait perçu le souffle d'air chaud qui en sortait. Plus tard, il vit Severus remplir un chaudron avec de l'eau sortant de sa baguette comme d'un robinet ! Ces ustensiles faisaient tout et n'importe quoi.
Rick songeait souvent qu'il aurait bien aimé que Walt soit un sorcier. Mais si c'était pour que sa vie soit en danger ce n'était pas la peine…
La boutique de hiboux attira son attention. Il y en avait partout dans des cages, et certains étaient même accrochés dehors à la devanture. Il neigeait et faisait froid. Il n'y avait donc aucune protection animale dans ce monde ? Pas de R.S.P.C.A.[1]? Ensuite, la vitrine du magasin de Quidditch l'attira car il y avait un balai dedans et plein de gosses qui l'admiraient le nez collé à la vitre.
Rick n'en avait pas cru ses oreilles lorsque Harry lui avait expliqué que les sorciers volaient sur des balais… Non, non… pas ceux pour faire le ménage, mais des balais de course conçus pour cet usage et qui, répondant à la pensée, allaient plus vite que les voitures des Moldus. Oui, il en avait un et non pas ici avec lui. Il faudrait attendre un moment et un lieu plus propice pour une démonstration. Et là, Rick en voyait un dans cette boutique. C'était incroyable !
Mais déjà Severus poussait la porte d'un magasin. La clochette suspendue au-dessus tinta d'un son aigrelet que Rick ne se souvint avoir entendu que dans un vieux film. Tous entrèrent à sa suite, et Rick et Walt furent saisis par l'odeur étrange et écœurante du lieu. Intimidés, ils se tinrent immobiles et silencieux dans un coin, mais regardant avec curiosité tout autour d'eux tandis qu'Harry plus à l'aise levait le nez pour lire les étiquettes des fioles ou plongeait son regard dans les bacs d'ingrédients proposés.
Le Maître des Potions s'avança près de la caisse et salua le sorcier qui se tenait devant, lisant la Gazette et qu'il reconnut comme le fils Jigger. Alors que Severus, en bon habitué prenait une liasse de petits sachets en papier Kraft et un panier d'osier, Jigger l'interrompit.
— Excusez-moi, mon brave, mais vous devez remplir le registre des visiteurs.
— Pardon ? s'étonna Severus interloqué. C'est nouveau ? A ma dernière visite à Londres, je n'avais pas eu à le faire.
— Oui, c'est très récent, soupira John Jigger. Le Ministre Fudge a mis en place une série de mesures pour le maintien de la morale et de la bienséance dans le Monde Magique. Il est interdit aux groupes non apparentés d'entrer dans les commerces ou même de déambuler dans les rues, que ce soit le Chemin de Traverse ou les rues et ruelles adjacentes.
— Par Merlin ! C'est très surprenant. Et il y a une raison ? Rassurez-vous, nous sommes en famille.
— Oui, il y a une raison, voyez-vous. Le Sauveur du Monde Magique, Harry Potter vous connaissez ?
— Heuu, oui, quand même. Nous venons du Canada mais nous suivons l'actualité de la terre natale.
— Oui, fit Jigger en hochant la tête et en mettant sous le nez de Severus un énorme registre et une plume auto-encreuse. Eh bien, le Sauveur s'est avéré être un sodomite, et lui et son complice, un professeur de Poudlard, ont été chassés et punis. Pour éviter une récidive et décourager toute émulation, voyez-vous, nous devons surveiller nos concitoyens et lister nos clients. Si vous pouviez remplir… insista-t-il un peu gêné.
Severus poussa un soupir et se saisit de la plume. Harry avait entendu et était livide. Il s'était figé au milieu du magasin et Walt le tenait par le bras à la limite de la panique. Rick, les sourcils froncés, songea que c'était encore pire que ce qu'il avait imaginé.
Plume à la main, le Serpentard commença à remplir les cases. Prénom, Nom, Lien familial avec l'accompagnant… et Domicile.
Il écrivit :
Maître des Potions Sevan Prince, Canada.
Miss Lola Lestrange, sa cousine, Canada.
Miss Rose Evans, sa fiancée, Canada.
Mr Richard Evans, frère de la fiancée. Canada.
Il reposa sa plume et reprit son panier d'osier et ses petits sachets en papier.
— Est-ce que cela sera suffisant ?
— Oui, Maître Prince, c'est absolument parfait. Bienvenue dans notre modeste boutique.
Severus avait bien vu Jigger écarquiller les yeux en lisant les noms. Prince et Lestrange étaient des noms de sang-purs bien connus et la seule Evans dont on se souvenait était Lily Potter réputée née-moldue. Visiblement, au Canada, il y avait des Evans magiques également… Pas vraiment des sang-de-bourbe, finalement…
Les petits sacs en papiers se remplirent très vite. Et le panier s'alourdit légèrement. Harry vint au secours de Severus et proposa de le lui porter. John Jigger courait partout en saisissant des fioles et des bocaux pour servir les ingrédients qui n'étaient pas secs ou des plantes. Severus obtint une petite réduction en achetant deux onces de foie de dragon – par ailleurs absolument hors de prix à son humble avis. La quantité d'ingrédients achetés était astronomique pour le commun des sorciers. John Jigger encaissa ce jour-là cent-vingt-six gallions, douze noises et cinq mornilles, avec ce seul client. Et ses étagères s'étaient pas mal clairsemées. Il raccompagna ses visiteurs à la porte avec force courbettes en croisant les doigts que ce Maître des Potions canadien reste un peu plus longtemps au Royaume-Uni et surtout revienne visiter sa boutique.
Il ignorait qu'il serait bientôt exaucé.
Harry proposa de traverser la rue pour aller déguster une glace chez Fortarôme et surtout d'apprendre sous un bon Assurdiato ce qui s'était passé et qu'elles étaient les nouvelles inepties inventées par le Ministère de la Magie.
Il faisait bien trop froid pour prendre place en terrasse, et d'ailleurs il neigeait de nouveau après une accalmie de quelques heures.
Le petit groupe entra dans le salon de glace où il n'y avait qu'une femme attablée avec ses deux enfants. Comme chez Slug & Jiggers, Severus dût remplir le registre et cette fois-ci Harry vint avec lui et lut ce qu'il écrivait. Il découvrit à cette occasion que Rick passait pour son frère. C'était une excellente idée. Visiblement on fichait la paix aux gens de la même famille… Les autres devaient certainement être refoulés. Ou mentir.
Cette mesure était absolument n'importe quoi ! Un goût amer dans la bouche, Harry soupira et regarda Severus qui affichait un visage fermé. Ils rejoignirent Rick et Walt qui, assis à une table carrée, lisaient chacun un menu.
Severus écarta une chaise de la table pour faire asseoir « Rose » et prit place à côté « d'elle ». La cliente avec les enfants hocha la tête pour approuver cette marque de galanterie indiquant un sorcier de sang-pur. Le potionniste posa son cabas en carton portant le nom de l'apothicairerie sous sa chaise et s'installa. Il claqua des doigts et un Elfe vint s'enquérir de la commande. Rick n'osa pas goûter de trucs bizarres et se contenta de chocolat noir. Harry prit chocolat-fraise aux noisettes, Walt se souvint de sa glace favorite d'enfance framboise-pistache-beurre de cacahuètes qui fit tiquer Rick et Severus en prit une au cappuccino. Dès que les coupes se matérialisèrent devant eux, Harry sortit sa baguette de sa poche et lança un Assurdiato avant même que Severus ne le fasse.
— Accouche, Sev ! Qu'est-ce qu'il se passe ici, au nom de Merlin ! C'est quoi ces registres à la con ? gronda-t-il, furieux.
Severus plongea sa petite cuillère dans sa coupe de glace et ostensiblement soupira puis en porta le contenu à ses lèvres. Elle était bien bonne, ça le consolait un peu.
— Mangez avant que ça fonde. Je vais vous dire ce que je sais.
Le regard presque paniqué de Walt indiquait qu'il était abasourdi de ce que son ancien monde était devenu. Rick lui serra discrètement le genou sous la table pour le rassurer.
— Cornélius Fudge, l'incompétent qui sert en ce moment de Ministre de la Magie, a décidé que seuls les familles ou les petits groupes de personnes apparentées et voyageant ensemble pouvaient déambuler sur le Chemin de Traverse et ses rues avoisinantes. Par exemple, un couple non marié et non chaperonné ne peut pas entrer faire ses courses dans les commerces. Avant, c'était mal vu, maintenant c'est carrément interdit. Dans chaque magasin visité, nous devons indiquer nos noms, prénoms, lien de parenté et domicile. Je me suis inscrit sous le nom de Sevan Prince, Maître des Potions au Canada, accompagné de sa cousine, de sa fiancée et du frère de ladite fiancée. Tous venant également du Canada. Plus les liens sont étroits et plus on a la paix je pense, donc Rick ici tu es le frère de Rose. Visiblement, ça fonctionne, on nous a laissé entrer et acheter ou consommer sans problème.
— C'est bien ce que je craignais avoir compris, soupira Harry, dégoûté.
— Si je comprends bien, deux hommes non parents ne peuvent pas sortir dans la rue ensemble. Ou… un homme et une femme juste amis. C'est ça ? demanda Walt les sourcils froncés.
— C'est ça. Un groupe de femmes, il semblerait que ça passe. Fortarôme n'a pas demandé aux trois femmes entrées après nous de remplir son registre, si vous n'avez pas remarqué.
— C'est dégueulasse, marmonna Harry. Et c'est à cause de nous, hein ?
— Oui, chaton. Fudge ne veut pas risquer que ça se reproduise, que d'autres gays soient découverts.
— Seigneur Dieu… fit Rick d'une voix blanche. On… on se croirait dans un de ces pays musulmans où il y a la charia. On a vu ça à la télé. Ils pendaient les gays rien que pour leur orientation sexuelle.
— Avant 1972, les gays étaient exécutés ici aussi, révéla Severus. Je peux vous dire qu'il n'était même pas question qu'on soupçonne quoi que ce soit et tout le monde se tenait plus ou moins à carreau.
— Ouais, sauf mon père et mon parrain d'après ce que je sais. Mais comme ils étaient de sang-pur et hétéros, on leur a fichu la paix.
— Presque. Ton parrain a été viré de chez lui, renié et a dû s'installer chez ton père.
— Tu avais raison, Severus, quand tu nous as dit que Walt n'était en vie que parce que son vieux l'avait renié et abandonné, constata Rick, choqué.
— En effet. Ce vieux démon d'Appolonius doit se retourner dans sa tombe en ce moment. Son seul héritier survivant est le fils Cracmol qu'il a abandonné.
— Héritier ? Je ne suis pas un héritier, Severus. Ayant été renié, je n'ai le droit à rien.
— Pas vraiment, Walt. Tu n'as le droit à rien que parce que tu es un Cracmol. Pour renier un enfant, il faut avoir une bonne raison pour que la magie accepte le reniement. Un enfant Cracmol est une raison légitime car un Cracmol – de par la loi – ne peut pas hériter d'un parent sorcier. Même si Appolonius t'avait gardé dans sa demeure, tu n'aurais eu aucun droit. Sirius Black a été renié et pourtant il a hérité de ses parents, son seul frère étant décédé. Pour une seule raison, c'est un sorcier et en plus il est le dernier du nom.
— Pourquoi tu n'as pas hérité de ton grand-père Prince, alors ? demanda Harry à brûle-pourpoint.
— Ma mère est morte avant mon grand-père. Il n'avait pas d'autre héritier direct. Pour que j'hérite, il fallait que je sois un sorcier, ce qui était, et aussi qu'il rédige un testament en ce sens. Tu as entendu Ragnok le dire, il a refusé. Il a préféré que tout son or et ses biens tombent dans l'escarcelle du Trésor Magique. Je n'avais donc le droit à rien.
— C'est dégueulasse.
— C'est la dure réalité du Monde Magique, chaton.
— On est mieux dans le monde normal, conclut Rick en terminant sa boule de glace.
— Oui. C'est le constat que font beaucoup de nés-moldus. Dès leur diplôme de Poudlard obtenu, un grand nombre d'entre eux retourne dans le Monde Moldu qui offre, il est vrai, beaucoup plus de débouchés. Au Ministère, il n'y a que des sang-purs ou presque. Les autres, s'ils sont embauchés, ne peuvent aucunement espérer un avancement selon leurs mérites. Ils passeront systématiquement après. Et je parle pour les sang-mêlés. Les nés-moldus ne sont même pas embauchés.
Ce fut un quatuor très pensif qui retourna au point de transplanage. Harry et Severus, profitant que l'appartement de Rick et Walt n'avait aucune barrière de protection, transplanèrent au milieu du salon. Encore une fois, Rick se précipita pour vomir dans les toilettes et Walt demanda d'une petite voix si on pouvait lui rendre son aspect normal.
— Finite Incantatem ! marmonna Harry, baguette tendue vers son ami.
Le dernier des Lestrange courut s'enfermer dans sa chambre et lorsque Rick revint et rendit écharpe et bonnet à Harry, il ne s'étonna pas du tout de le savoir là.
— Ne vous en faites pas pour Walt, ça va aller. Il est trop sensible. Je vais aller m'occuper de lui. Je pense qu'il a besoin d'une petite sieste, ajouta Rick en faisant un clin d'œil à Severus qui comprit l'allusion.
— Excellente idée, Rick, je crois que nous avons tous besoin d'une sieste. Harry ? Finite Incantatem !
— Héééé ! Mais je suis pas fatigué, moi ! J'ai pas envie de dormir d'abord ! ronchonna le Sauveur en tapant du pied sur le plancher.
— Tu es sûr ? Je n'ai pas parlé de dormir, j'ai parlé de sieste, s'amusa Severus.
— Ah ! Une de ces siestes-là… Tout compte fait, après mûre réflexion, je pense qu'en effet une sieste serait salutaire. Je me sens… très las… tout à coup, ricana Harry en portant le dos de sa main à son front et en prenant une attitude évaporée.
— Au lit ! fit alors Severus en le soulevant du sol pour le porter comme un sac sur son épaule.
— Aaaww… quel grand romantique vous faites, Professeur Rogue…
Le cœur battant, Severus Rogue reposa son touilleur sur la paillasse de l'évier près de la plaque de cuisson à gaz où son chaudron était installé. Il avait terminé. Par Merlin, cette potion n'avait pas été simple à mettre au point. Il avait gâché pas mal d'ingrédients, ruiné trois fois la cuisine de Walt qui à chaque fois en manquait de se trouver mal… mais il avait réussi.
Normalement.
La mixture, qui avait une étrange couleur irisée oscillant entre le bleu et le vert, était stable. Il fallait maintenant attendre qu'elle refroidisse et la mettre en flacons. Severus avait utilisé un de ses plus petits chaudrons afin de ne pas trop gâcher d'ingrédients si ça échouait encore. D'après ses calculs, une demi louche était la dose suffisante pour un adulte. Si ça marchait…
Croisons les doigts.
L'appartement était silencieux. Walt et Harry faisaient les courses au Tesco du quartier et Rick faisait du rangement dans la cave après la dernière grosse livraison de la veille.
Agacé à la perspective de devoir attendre, Severus lança un sort de refroidissement rapide sur le chaudron et non la potion. C'était bien plus facile que d'attendre. Il fallait juste que le sort ne touche pas directement la potion, et donc impérativement viser le ventre métallique du chaudron ici en fonte noire.
Harry avait lavé et stérilisé tous les flacons et mini-fioles trouvés par Winky dans le foutoir de la Salle sur Demande. Le Maître des Potions en prit un sur la table et, la main légèrement tremblante, il y versa une louche de liquide magique. Le chaudron fut vite vidé et six flacons attendaient maintenant sur la table. Severus en mit un dans la poche de son pantalon et alla ranger les autres dans la chambre qu'Harry et lui occupaient, puis il retourna dans la cuisine.
Il lava son chaudron dans l'évier, ainsi que le petit matériel utilisé. Il les fit sécher d'un coup de baguette et les rangea dans le carton magique de Dumbledore, comme Harry le nommait. Les pots et flacons d'ingrédients y trouvèrent de nouveau leur place. Tout était propre. Il n'y avait aucune trace, un petit Recurvite lancé dans la pièce avait veillé aux détails.
Comment tester la potion ? Normalement il n'avait fait aucune erreur, mais il ne voulait pas en donner à Walt sans être sûr qu'elle fonctionne.
Albus. Il aurait sûrement une idée. Peut-être même qu'Argus Rusard accepterait si le vieil homme le lui demandait. Après tout, l'entièreté du staff savait que Rusard s'était inscrit à ces idioties de Vit'Magic' dont la publicité mensongère ornait chaque jour les pages de la Gazette du Sorcier et des autres publications magiques.
Mais comment joindre le vieil homme ? Pas de cheminée chez Rick et Walt qui avaient des convecteurs électriques dans toutes les pièces. Pas de hibou puisque Midnight était resté à l'impasse du Tisseur et qu'il n'aimait pas le froid. Hedwige ? On ne l'avait pas vue depuis des mois et Harry écrivait des lettres moldues à Hermione qu'il postait bien timbrées dans les boites rouges du Royal Mail. Dobby ! Lui pouvait poper à volonté à Poudlard.
Severus se résolut à écrire une lettre explicative à Albus. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas eu de nouvelles du vieil homme, au moins une semaine ! Régulièrement, le Directeur de Poudlard envoyait Fumseck avec une lettre et l'oiseau attendait que Severus ait écrit une réponse pour flasher hors de l'appartement.
La lettre terminée, Severus la plia et la glissa dans une enveloppe moldue prise dans le paquet d'Harry et il appela l'Elfe infernal.
— Dobby !
Ledit Dobby popa immédiatement avec un grand sourire. Il ne portait plus ses habits de chantier, ce qui était curieux, mais Severus ne se posa pas plus de question. L'Elfe était fantasque et on avait toujours des surprises avec lui.
— Maître Rogue a besoin de Dobby, Monsieur ?
— Dobby, est-ce que tu peux aller porter cette lettre à Albus Dumbledore à Poudlard, s'il te plaît ?
— Dobby peut, Maître Rogue, Monsieur ! Dobby va !
Et l'Elfe lui arracha carrément la missive des mains et claqua des doigts. Il disparut aussitôt et Severus soupira. Il n'avait même pas eu le temps de lui demander comment allaient son petit hibou noir et la Harfang des Neiges d'Harry.
Quinze minutes après le départ de Dobby, Fumseck flasha dans un éclair bruyant et déposa une lettre sur la table de la cuisine. Severus, qui sirotait une tasse de thé dument méritée, sursauta et reposa le mug. La lettre émanait d'Albus et lui demandait de prendre le Fumseck Express pour le rejoindre immédiatement. Le potionniste prit un stylo dans un des tiroirs et gribouilla un petit mot pour Harry au dos de la lettre et laissa le parchemin ouvert sur la table. A son retour, son compagnon saurait où il se trouvait et ne s'inquièterait pas.
— On y va, Fumseck ? demanda-t-il à l'oiseau rouge installé paisiblement sur le dossier d'une chaise.
Le phénix poussa un petit cri et s'éleva d'un coup d'ailes. Severus leva les bras et attrapa la queue du volatile. Tous deux disparurent de la belle cuisine Laura Ashley de Rick et Walt.
A Poudlard, Albus Dumbledore attendait son ancien Professeur de Potions avec impatience. Cela faisait bien une dizaine de jours qu'il n'avait pas eu de nouvelles fraîches. En effet, le vieil homme savait que le potionniste était en pleine création – et quelle création ! Si Severus arrivait à ses fins, par Merlin, il provoquerait une véritable révolution.
Rendre leur magie aux Cracmols ! Personne n'y avait songé sérieusement auparavant. On estimait que les Cracmols étaient des plaies pour leurs honorables familles de sang-pur et depuis toujours, on s'empressait de s'en débarrasser. Certains les tuaient. D'autres les abandonnaient dans le Monde Moldu comme les poubelles de la veille. D'autres encore les faisaient passer pour morts et soit les cachaient au fond de leurs manoirs, soit les déposaient dans des orphelinats. Rares étaient ceux qui gardaient leurs enfants Cracmols chez eux, continuaient à les élever et leur donnaient une éducation moldue afin qu'ils puissent un jour trouver un emploi hors du monde magique.
Appolonius Lestrange avait, lui, fait passer son fils cadet pour mort et l'avait abandonné sans un remord devant un orphelinat. Walt avait bien expliqué que son père et son frère aîné avaient souhaité le tuer…
Albus n'avait qu'un seul Cracmol sous la main. C'était son concierge Argus Rusard. Il était traditionnel à Poudlard d'offrir cette place à un Cracmol et ceci depuis les temps les plus reculés, voire même peut-être depuis les Fondateurs. Nul ne le savait. Severus avait besoin d'un volontaire pour les premiers essais cliniques. Le vieux Gryffondor était persuadé que le concierge allait accepter la proposition…
Fumseck se matérialisa dans le bureau directorial. Severus lâcha la queue du phénix qui rejoignit sa perche aussitôt, puis il tira sur sa redingote bleu nuit afin d'être bien présentable.
— Severus ! Mon petit ! Comment allez-vous ? Ça me fait plaisir de vous voir en pleine forme et dans votre habituelle tenue de sorcier. Pas que vous soyez inélégant en Moldu mais j'avoue que je suis habitué à votre look actuel.
— Je vais bien, Albus. Et j'ai terminé la potion, annonça-t-il en sortant le flacon de la poche de sa redingote et en le faisant miroiter sous le pâle soleil hivernal qui perçait à travers les vitraux de la fenêtre.
— C'est ce que j'avais cru comprendre en lisant votre lettre. Je pense qu'Argus ne fera aucune difficulté pour tester la potion. Venez, mon petit, allons le surprendre dans son bureau. Nous allons passer par la cheminette, il ne fait pas chaud dans les couloirs et vous ne portez pas de cape.
— Je n'y ai pas pensé, Albus. Je n'ai que peu l'occasion de la mettre. Il fait chaud chez Rick et Walt, comme vous le savez.
— Oui, ils sont magnifiquement logés. Un décor splendide ! Vous et Harry devez être très bien là-bas… en famille.
— Oui, j'avoue que nous découvrir tous parents a été une énorme surprise. Je pensais Lily et son odieuse sœur Pétunia les seuls descendants des Evans. Jamais Lily ne m'a parlé d'un cousin germain. Je n'ai pas l'impression qu'elle l'ait connu. Rick n'a jamais vu Lily ni Pétunia non plus. Leurs parents ne se fréquentaient pas.
— Eh oui, cela arrive dans toutes les familles, moldues et sorcières… Allons-y… j'ai hâte de savoir si votre potion fonctionne. Vous allez devenir riche, Severus.
— Ne vendez pas la peau du demiguise avant de l'avoir attrapé, Albus. J'ai pu faire une erreur.
— J'ai toute foi en vous, mon cher enfant.
Albus se baissa et prit une poignée de poudre de cheminette dans la boite posée par terre près de l'âtre. Il lança la poudre dans les flammes qui devinrent aussitôt vert émeraude.
— Bureau d'Argus Rusard, Poudlard ! annonça-t-il aux flammes tout en mettant un pied dans le feu.
Severus lui emboita aussitôt le pas et tous deux disparurent dans un « pouf » caractéristique.
Ils sortirent de la cheminée et s'époussetèrent. Argus était assis derrière son bureau et graissait, avec une burette antique et passablement rouillée, une énorme paire de menottes de plusieurs siècles qui aurait fait les délices d'un musée moldu.
— Professeur Rogue ! s'exclama le Cracmol. Vous êtes revenu ! Ça fait plaisir ! Vos Serpentards vont se tenir à carreau maintenant !
— Ravi de vous revoir, Monsieur Rusard. Et non, je ne reviens pas. Je suis juste venu rendre une petite visite à notre cher directeur.
— Oh. C'est bien dommage. Mais asseyez-vous, fit-il en tentant de débarrasser le désordre sur le bureau et sur les assises des chaises.
— Laissez, Argus, je vais m'en charger.
Et le Professeur Dumbledore sortit sa baguette de sureau de la manche où il la rangeait et lança quelques sorts dans la pièce. Le désordre se rangea tout seul et la poussière disparut.
— Argus, débuta-t-il alors. Severus ici présent a inventé une potion très intéressante. Et il a besoin d'un Cracmol pour la tester. Seriez-vous partant ?
— Une… une potion ? répéta le vieux concierge d'un air méfiant. Une potion pour quoi faire ?
— Ma nouvelle potion se nomme « Retour de magie pour Cracmols » …
Severus attendit que l'information fasse son chemin dans l'esprit du vieil homme revêche. Cela ne se fit pas attendre. Rusard pâlit, ses yeux s'écarquillèrent et sa lèvre inférieure trembla.
— Retour de… est-ce que je vais avoir de la magie ?
— Vous avez toujours eu de la magie, Argus, annonça Albus d'un ton serein. Vous avez juste un petit souci, comme une malformation de naissance, qui vous empêche d'accéder à cette magie. La potion de Severus va réparer normalement ce petit désagrément. Si elle fonctionne, vous serez un sorcier comme vous auriez toujours dû l'être.
— Je vais essayer ! Qu'est-ce que je dois faire ?
— Severus, c'est à vous !
Le potionniste hocha la tête et se leva de son inconfortable chaise. Il prit le flacon dans sa poche et le déboucha.
— Argus, vous devez tout avaler. Mais avant, avez-vous une baguette que vous pourriez essayer tout à l'heure ?
— Oui ! J'ai la baguette de Maman. Quand j'étais petit, elle me disait toujours que je l'aurais après sa mort. Alors, quand elle est décédée, je l'ai prise et je l'ai cachée.
Il ouvrit un des tiroirs de son bureau et en sortit une ancienne baguette au bois rayé et usé et la posa sur le plateau de la table.
Severus lui tendit le flacon et attendit, croisant mentalement les doigts. Une main noueuse et tremblante s'en saisit alors et porta le flacon aux lèvres du concierge. Il avala tout le contenu en trois longues gorgées et reposa le flacon en grimaçant. Albus conjura un verre à pied et le remplit alors d'eau d'un Aguamenti.
— Tenez, Argus, buvez un peu d'eau, ça vous fera passer le goût.
— Dans combien de temps je saurai, Professeur Rogue ?
— La potion devrait faire effet bientôt. Normalement vous allez ressentir une douce chaleur dans votre ventre. Lorsque la sensation disparaîtra, nous vous testerons.
Rusard hocha la tête et se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il se sentait bizarre. Il avait très chaud tout à coup et l'annonça aux deux visiteurs.
— C'est excellent, Argus, fit Dumbledore. Excellent, oui en vérité.
Au fond de lui, Severus bouillait d'impatience. Sa revanche… il la tenait. Encore quelques minutes et il saurait.
Dix minutes passèrent en silence et soudain le concierge s'exprima.
— Professeur Rogue ? La chaleur a disparu.
— Parfait. Prenez-votre baguette et voyons un peu.
Argus, d'une main hésitante, attrapa la vieille baguette de sa mère et la brandit devant lui. Des étincelles vertes et argentées en sortirent. Ses yeux s'écarquillèrent tandis qu'une douce lumière et un léger souffle l'entouraient.
— Bravo, Argus ! Vous êtes un sorcier ! annonça Dumbledore, hilare. Dites Lumos pour voir !
Le concierge obéit alors et la baguette s'illumina. Son regard s'éclaira et un grand sourire apparut sur son visage mal rasé. Des larmes de joie commencèrent à couler sur ses joues ridées.
— FUMSECK ? Apporte-moi le choixpeau ! lança Albus dans le vide.
Le phénix avait entendu, bien évidemment. Il flasha dans la pièce et laissa tomber le choixpeau demandé sur les genoux de son maître.
— Argus ? Venez par-là, nous allons voir à quelle maison vous appartenez.
— Maman était à Serpentard, marmonna-t-il.
Il ne parla pas de son père et Severus le remarqua. Il y avait très certainement une histoire du genre de celle de Walt là-dessous. Dumbledore devait la connaître…
Albus posa le choixpeau sur la tête du concierge.
— Ah ! Argus Rusard ! Enfin, je peux vous répartir… Voyons, voyons… ah oui… Envie de faire ses preuves, n'est-ce pas ? Je sais où était votre place. Mais tout n'est pas perdu, demandez à Albus de vous enseigner ce que vous auriez dû apprendre autrefois. Bienvenue chez les SERPENTARDS !
Le dernier mot fut crié comme il l'était pour les élèves. Argus Rusard s'effondra en larmes et en longs sanglots tandis qu'Albus reprenait son choixpeau.
— Merci, merci, Professeur Rogue ! Merci ! Grâce à vous… par Merlin… j'attends ce jour depuis plus de soixante-ans… Merci… bredouilla-t-il en serrant la main de Severus et en la secouant.
— C'est moi qui vous remercie, Argus, d'avoir bien voulu vous prêter à ce test. Et je suis ravi de vous accueillir à Serpentard, bien que je n'en sois plus le Directeur.
— Professeur Rogue, pour moi vous serez toujours le meilleur Directeur de Serpentard qu'on ait vu depuis très, très, longtemps. Peut-être cent ans !
Si Severus fut touché par ce vote de confiance, il ne le montra pas. Caché derrière ses barrières d'Occlumancie, il exultait. Le second flacon serait le cadeau de Noël de son cousin Walt, les autres il allait les vendre. Très chers. Ils allaient devoir banquer – comme disait Harry – pour bénéficier de sa potion. Le Maître des Potions reprit le flacon vide abandonné sur le bureau et le glissa dans sa poche.
— Argus, je vous laisse, j'ai encore du travail. Albus, remontons voulez-vous ?
Et il reprit la cheminette sans attendre et s'installa sans cérémonie dans la chaise qu'il occupait autrefois lorsqu'il passait une partie de son temps libre avec le Directeur de Poudlard.
Deux minutes plus tard, Albus sortait de la cheminette, l'air très satisfait. Il prit place dans son fauteuil sculpté et commanda du thé aux Elfes.
— Mon cher Severus, vous avez fait un heureux aujourd'hui. Je n'ai encore jamais vu Argus aussi joyeux. Il est plongé dans ses livres d'exercices Vit'Magic' et il s'entraîne. Je lui ai recommandé d'y aller progressivement et de ne pas se fatiguer. Du lait, du sucre ?
— Noir comme d'habitude, Albus.
— N'oubliez pas d'enregistrer la patente de cette nouvelle potion, Severus.
— Je ne risque pas. Je crains juste qu'ils ne l'acceptent pas, à cause de mon bannissement.
— Et bien changez de nom ! Utilisez le nom de Prince, puisque c'est celui que vous avez utilisé quand vous étiez déguisé.
— Ah ! soupira le potionniste en reposant sa tasse. Harry vous a tout raconté, je vois.
— Bien sûr. Il sait que j'aime être au courant de vos aventures, bonnes ou mauvaises.
— C'est sûr que le nom de Prince est connu dans le milieu. Il serait peut-être intéressant d'en profiter.
— Je suis certain que vous allez trouver quelque chose !
Et en effet, les semaines suivantes verraient le plus célèbre des apothicaires de l'Allée des Embrumes vendre sous le manteau et à prix d'or, les potions les plus inattendues. On s'arracherait bientôt certaines… mais pour l'heure, notre potionniste rejeté l'ignorait encore. Il ne songeait qu'aux cadeaux de Noël qu'il allait offrir à sa famille.
Pour Walt, la potion de magie. Pour Harry, une potion de guérison de sa myopie. Et pour Rick, une potion capillaire qui lui rendrait la chevelure blonde et fournie de ses dix-huit ans…
— Albus, j'ai énormément de travail entre mes potions et le bar. J'aide Rick chaque soir, tout comme Harry et l'heure tourne.
— Allez-y mon petit et tenez-moi au courant. Fumseck ? Ramène Severus chez ses amis !
Lorsque Severus rentra avec Fumseck, Rick l'attendait dans la cuisine. Il s'était fait un sandwich œuf/concombre et un mug de café au lait.
— J'ai lu ton mot, Sev'. Comment ça s'est passé ? Walt et Harry ne sont pas encore rentrés. Ils ont dit qu'ils allaient faire le plein de courses plus les courses pour le réveillon de Noël. J'ai pas pensé demander à Walt ce qu'il avait prévu d'ailleurs…
— Très bien, Rick. Très bien. Dis-moi… pourquoi tu te rases le crâne comme ça ? Ça caille dehors.
— J'ai commencé à perdre mes cheveux un peu avant mes vingt ans. J'ai eu sacrément du mal à l'accepter. Ça me fichait un max les boules, j'me souviens. Surtout que je m'y attendais pas, tu vois. Mon vieux, il avait tous ses cheveux. Pour ne pas voir ça, j'ai commencé par les couper très courts, à la tondeuse. Et comme ça m'énervait toujours et que c'était la mode, j'ai tout rasé et j'ai laissé pousser une barbichette. Ça ne dérangeait pas mon Walt, alors j'ai continué. Pourquoi tu me demandes ça ?
— Ça te dirait de récupérer tous tes cheveux ? demanda Severus avec un faux air innocent.
— Récupérer mes cheveux ? Ah ça, pour sûr ! Mais je me fais aucune illusion. Si tu savais le nombre de produits miracles que j'ai essayé ! Pour rien ! Bernique ! Que tchi !
— Je connais une potion qui pourrait peut-être marcher.
— Et je devrai me frictionner le crâne combien de fois par semaine avec ton remède-là ?
— Ah, mais ce n'est pas un produit qu'on frictionne, Rick. C'est une potion que tu devras avaler et une seule fois. Elle restaure les follicules pileux disparus. Tes cheveux repousseront normalement. Tu n'auras qu'à cesser de les raser et les laisser pousser. A ceux qui t'ont toujours connu chauve, tu pourras leur dire que tu en as marre d'avoir froid à la tête l'hiver. Et ensuite, et bien tu pourras dire que finalement, ça protège aussi du soleil et les conserver comme si de rien n'était. Personne ne saura que tu as eu un jour une calvitie.
— T'es sûr de ton coup, Sev' ?
— Je suis formel, Rick. Je vais aussi préparer une potion pour soigner la myopie d'Harry. Ça sera son cadeau de Noël. Mes finances désastreuses ne me permettent pas d'acheter quoi que ce soit cette année.
Rick hocha la tête, il comprenait très bien. Harry lui avait donné tous les détails y compris le récit du meurtre d'Eileen Prince. Severus, tout comme Walt et Harry, revenaient de loin. Fichu Monde Magique…
— Sev' ? Et… pour Walt ? Tu as prévu quoi ?
Le Serpentard eut un petit sourire mystérieux et fixa le cousin de Lily dans les yeux.
— Tu penses que ton Walt serait content d'être enfin un sorcier ?
— Bon Dieu, Sev'rus ! Ne me dis pas que tu as réussi… que ça marche !
— Ça marche, Rick. Je viens d'en donner au concierge de l'école d'Albus. Sa magie est accessible. On lui a fait essayer la baguette de sa défunte mère et elle l'a accepté aussitôt. Parce que oui, c'est la baguette qui choisit son sorcier et pas le contraire. C'est magique !
— Et comment on fera pour savoir si Walt est un sorcier ?
— Je lui ferai essayer ma baguette. S'il arrive à en tirer un sort, il faudra qu'il aille en acheter une chez Ollivander avec Harry et éventuellement Miss Granger en chaperon.
— J'irai aussi ! On se déguisera et on ira.
— Pas sûr que ce soit une bonne idée, Rick. On en reparlera, ok ?
Rick n'eut pas le temps de protester. La clé tourna dans la serrure de la porte de service, celle qui donnait sur le parking à l'arrière de l'immeuble. Un éclat de rire se fit entendre et Severus reconnut celui de son compagnon. Walt et Harry chargés comme des mulets de cabas firent leur entrée.
— Rhaaaa ! Je t'avais dit que je pouvais les rendre plus légers, Walt ! Pourquoi t'as pas voulu ?
— Parce qu'il y avait ce type bizarre qui nous regardait étrangement, tiens ! Tu l'as pas vu ? Il avait un chapeau violet très haut, un truc démodé que j'ai vu que dans les films ! Et une tenue qui ressemblait à peu à celle de Sev. Tu sais, avec la cravate victorienne que Rick adore !
Severus tiqua et les interrompit.
— Un vieux type pas très grand avec un chapeau haut-de-forme violet ? La même cravate que moi et des favoris blancs ?
— Ouais… Tu sais qui c'est ?
— Dedalus Diggle. C'est un sorcier. Alors lui et la discrétion… Il sait pourtant très bien qu'il doit s'habiller en Moldu quand il quitte le Monde Magique ! Je comprends pourquoi Minerva dit qu'il manque de jugeote !
— C'est dangereux pour nous, tu crois ? demanda alors Harry, un peu inquiet.
— Non. Il t'a juste reconnu, Harry et c'est pour ça qu'il vous a dévisagés. Tu étais dans le Monde Moldu, là où tu es censé être puisque tu es indésirable côté sorcier. Il va juste aller raconter au Chaudron Baveur qu'il t'a vu faire tes courses dans le Londres moldu avec un homme inconnu qui n'est pas moi. Eventuellement, il le racontera à Albus, c'est un de ses amis.
— Bon, ben tant qu'on risque rien. Tu viens, Walt ? Faut qu'on range tout ça au frigo et les glaces au congélateur avant que ça fonde. Vous causiez de quoi, vous deux ? Rick, te goinfre pas avant le dîner, on fait des pizzas pour le repas.
— Pizzas ? Maison ?
— Ouais… pourquoi ?
— Tu sais faire les pizzas, Harry ? insista Rick.
Il adorait les pizza et Walt n'aimait pas les faire, donc à chaque fois ils en commandaient par téléphone et se faisaient livrer au bar. Une pizza maison, c'était une aubaine !
— Je sais faire les pizzas. J'ai été obligé d'apprendre pour nourrir ce goinfre de Dudley. Et comme Tante Pétunia n'aime pas faire de choses salissantes comme tripoter de la farine, c'était à moi de m'y coller.
— Et… elles sont bonnes ?
— Oui, Sev', elles sont bonnes. Si elles ne l'avaient pas été, Dudley m'aurait fichu une volée.
Rick avait, cette année, décidé de ne pas ouvrir le bar au soir du réveillon du 24. Il avait donc affiché la nouvelle les jours précédents et lorsqu'on lui avait demandé pourquoi, il avait juste répondu qu'il voulait faire la fête en famille, comme tout le monde, et rouvrirait le 26.
La table était mise, avec le beau service de fête et la belle nappe brodée, rouge avec des sapins verts. Dans un coin du salon, près d'une des baies vitrées, le sapin de Walt et Harry trônait, illuminé et recouvert de neige conjurée et scintillante. Un plateau de saumon fumé et de toasts était déjà sur la table avec une bouteille de Vieil Ogden offerte par Albus. Ils allaient la goûter pour l'apéritif. La chaîne hifi de Rick diffusait en sourdine des chants de Noël traditionnels et de la cuisine émanait une bonne odeur : une dinde farcie aux marrons rôtissait dans le four. En accompagnement, les deux cuisiniers avaient prévu des pommes de terre, des carottes et des choux de Bruxelles. Ils avaient également préparé le matin même des Mince Pie[2] et des bonshommes en pain d'épices décorés de glaçage.
Le traditionnel Christmas Pudding venait de la pâtisserie locale, Walt ayant affirmé qu'il était délicieux et qu'il en prenait un chaque année. Tout était prêt pour le festin de réveillon. Harry n'ayant plus d'or, il n'avait rien pu acheter et en était fort attristé, mais Severus l'avait consolé en lui disant que ses cadeaux seraient de leur part à tous les deux.
— Mais j'ai rien pour toi, Sev', avait répondu le lionceau au bord des larmes.
— Tu es là, Harry. Tu ne m'as pas quitté après ma ruine et ma disgrâce. Pour moi, ça vaut tout l'or de Gringotts.
Le baiser fougueux échangé par les deux hommes avait été une promesse de bien plus, une fois qu'ils seraient seuls dans l'intimité de leur chambre, sous un bon Assurdiato et un précautionneux Collaporta.
Alors que Rick intrigué débouchait le Vieil Ogden après en avoir déchiffré l'étiquette avec des yeux comme des soucoupes… – 85° d'alcool ? Vraiment ! Pfiouuu ! C'était bien plus fort que le plus fort des Whiskies moldus – Severus apporta des paquets qu'il déposa sur la table et qu'il répartit alors dans les assiettes aux places habituellement occupées par les autres hommes.
— Des cadeaux, Sev' ? protesta son cousin Walt. On avait dit pas de cadeaux ! Vous êtes nos cadeaux cette année ! Vous avez fait de nous une vraie famille.
— Ne chipote pas, Walt. Et viens ouvrir ton paquet pendant que Rick nous sert l'apéro.
— J'apporte les cacahuètes ! entendit-on Harry annoncer depuis la cuisine.
Walt s'installa à sa place près de Rick et se saisit alors du petit paquet aux couleurs de Serpentard, les deux autres étant aux couleurs de Gryffondor. Rick esquissa un sourire et reposa la bouteille débouchée et choisit à la place d'ouvrir lui aussi son paquet. Si Severus avait tenu promesse, il aurait bientôt des cheveux, Harry n'aurait plus de lunettes et Walt serait un sorcier…
Le cri de Walt venant de lire l'étiquette de son flacon les fit tous lever la tête. Severus, stoïque, prit la bouteille de Vieil Ogden et entreprit d'en verser un doigt dans les Old Fashioned remontés du bar. Bientôt, les exclamations de joie d'Harry et de satisfaction de Rick remplirent la pièce.
— Joyeux Noël à tous ! déclara le Maître des Potions avec un léger sourire aux lèvres.
1. Abréviation de Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animal : Société royale pour la prévention de la cruauté envers les animaux.
2. Tartelettes fourrées aux raisins secs
