Elfe Bêta : Mokonalex

Note de l'auteur : J'ai encore 3 chapitres complets qui sont à la bêta pour cette histoire et un quatrième bien démarré. Je profite d'avoir un stock de morphine assez adéquat pour écrire sans trop le payer.

Bonne lecture.


Hermione avait, par hibou, organisé une rencontre entre Harry et elle au Chaudron Baveur. Elle n'en avait pas cru ses yeux lorsqu'elle avait lu le récit du jeune Sauveur de sa visite au Chemin de Traverse, habillé et grimé en fille tout comme Walt, accompagnés par Severus et Rick. Le coup du registre listant les visiteurs et leurs liens de parenté dans chaque commerce l'avait littéralement rendue folle de rage. Elle avait donc décidé d'en avoir le cœur net et aussi – surtout – renouveler son stock de livres chez Fleury et Botts. Elle était donc entrée seule par l'issue donnant sur Charing Cross Road entre une librairie et un magasin de disques. Harry, déguisé en Rose Evans, l'avait rejointe mais en transplanant dans la zone réservée à cet effet sur le Chemin de Traverse juste à côté de la brocante magique de Cranville Quincey. Personne n'avait prêté attention à cette jeune sorcière emmitouflée sous une lourde cape, encapuchonnée et le nez dissimulé sous une écharpe Gryffondor.

Hermione, assise à une table devant un énorme mug de chocolat chaud recouvert de crème fouettée et de marshmallows, réchauffait ses mains dégantées autour de son mug. Sur la table près de son petit sac emperlé, elle avait posé son bonnet de laine gris qu'Harry lui connaissait depuis des années, son écharpe Gryffondor et ses gants assortis. Elle n'avait pas retiré son duffle-coat car il ne faisait pas si chaud que ça dans le bar. La jeune sorcière ne réagit pas à l'entrée de Rose dans le pub. Elle ne leva les yeux que lorsqu'elle vit cette jeune inconnue lui faire un clin d'œil et tirer la chaise en face d'elle.

— Salut, Mione ! Il fait un froid de canard encore aujourd'hui ! Par Merlin, on est mieux dedans que dehors !

— Har… hem… Rose ! Bienvenue, ça faisait bien longtemps. Tu veux prendre quelque chose ? Ce chocolat est un bienfait de Merlin. Je te le conseille.

— Tu as raison, je crois que je vais en demander un.

Harry retira son écharpe après avoir dégagé son lourd capuchon. Hermione leva un sourcil amusé en découvrant la coiffure et l'absence de lunettes. Le jeune Sauveur, qui avait été ostensiblement boudé par Tom le Barman, la dernière fois qu'il s'était présenté sous ses véritables traits se dirigea nonchalamment vers le bar.

— S'il vous plaît, je voudrais le même chocolat chaud que mon amie là-bas, demanda-t-il en désignant d'un ongle manucuré et peint en rose vif (merci pour le sort, Severus) la table de la brunette aux cheveux touffus.

— Tout de suite, Miss. Ça fera cinq noises.

Harry déposa la piécette de bronze sur le comptoir et regarda Tom servir le chocolat en deux coups de baguette. Il le remercia d'un signe de tête et, le mug à la main, traversa la salle pour retourner s'asseoir.

Avidement, Hermione se pencha vers lui.

— Raconte ! Je veux tout savoir ! Tu ne m'as pas écrit pour me raconter depuis… avant Noël ! Tu es un monstre !

Baguette à la main, Harry lança un Assurdiato et poussa un soupir de soulagement. Personne n'entendrait ce qu'ils avaient à se dire.

Il raconta donc, et en détail cette fois-ci, sa visite à l'apothicairerie ainsi que celle chez Fortarôme et les constatations résultant de ces visites : des femmes seules ou en petit comité n'étaient pas inquiétées, mais des hommes ensemble ou un groupe mixte, ça ne le faisait pas.

— J'aurais dû continuer de lire la Gazette ! Je suis stupide ! J'aurais ainsi su depuis des mois.

— Et ? Ça aurait changé quoi, Mione ? Tu ne vis plus dans le Monde Magique, tu as quitté Poudlard. Je suppose que tu n'es venue que pour écumer le stock de Fleury et Botts ?

— Oui, et aussi te rencontrer. Tes fêtes se sont passées comment ?

— Superbement ! fit Harry avec un air rêveur sur son visage. Walt et moi on a fait un sapin. Severus l'a magiquement enneigé après. Et Walt et moi, on a cuisiné un petit festin tout ce qu'il y a de plus traditionnel pour le réveillon de Noël. C'était très bon.

— Tu as eu des cadeaux ? Raconte ?

— A part le livre que tu m'as envoyé – merci au fait – Severus m'a fait une potion pour guérir ma myopie.

— J'ai vu tout de suite que tu n'avais plus de lunettes, mais étant donné le prix démentiel de cette potion et la liste d'attente pour l'obtenir à Sainte-Mangouste, j'ai cru que tu avais simplement acheté des lentilles de contacts moldues.

— Avec quoi, Mione, répondit amèrement le Gryffondor. Je n'ai plus rien, plus un gallion. On a tout dépensé ce qu'on avait Sev et moi. Entre les courses que je paye régulièrement pour participer à notre entretien, et les ingrédients de potions de Severus et aussi les quelques vêtements d'hiver qu'on a dû remplacer, surtout pour Severus qui n'en avait aucun pour le monde moldu, et bien je peux te dire que ça nous a mis à sec.

— Le Professeur Rogue a de quoi faire des potions maintenant, Harry. Ça va s'arranger. L'or va entrer de nouveau dans son coffre.

— Ouais, mais pas dans le mien. Mon père était un véritable crétin en ce qui concernait la gestion de son coffre. Son père était fortuné et lui il n'a fait que dilapider toute sa fortune sans jamais gagner un seul gallion. Ragnok a été très clair, s'il avait vécu, il aurait été sur la paille en moins de trois ans et nous sous les ponts ! Comment peut-on être aussi stupide ?

— Des nouvelles de Sirius ? De Remus ?

— Aucune. Sirius a été très clair : il ne veut plus entendre parler de moi et m'a renié. Et ce que dit Sirius a, pour Remus, force de loi. Donc…

— Je vois. Parle-moi de Rick et Walt. Je n'en reviens pas que Rick soit le cousin de ta mère. Qui aurait pensé ça… que tu avais encore de la famille, à part les Dursley ?

— Personne. Ça a été la surprise du siècle pour nous quatre, tu peux me croire. Mais la cerise sur le gâteau a quand même été quand Dumbledore a reconnu Walt par sa ressemblance avec sa mère. Il s'est avéré que cette femme était la cousine de la mère de Severus. Impensable ! Ils se connaissaient depuis une quinzaine d'années et aucun d'eux ne savait qu'ils étaient cousins.

— Tous les sorciers sont apparentés, tu le sais. Alors je ne suis pas étonnée, fit Hermione en secouant la tête avant d'avaler une autre gorgée de chocolat chaud.

Harry l'imita. Le chocolat, onctueux à souhait, le réchauffa bien et il se sentit beaucoup plus serein et apaisé.

— Et quels cadeaux ont reçu Rick et Walt de vous deux ? Je présume que si le Professeur Rogue t'a fait une potion pour tes yeux, il a fait aussi quelque chose pour son cousin et son conjoint, non ?

— Ah oui… en effet. Pour Rick, il a fait une potion capillaire. Elle redonne aux chauves leurs cheveux d'avant. Ils repoussent normalement quoi. Rick a cessé de se raser le crâne depuis dix jours et on voit que ça repousse. Mais comme il est blond, faut vraiment bien regarder. Mais le plus beau, Mione…

— Oui ?

— Sev' a créé une potion pour Walt. Elle redonne leur magie aux Cracmols.

Un sourire amusé aux lèvres, Harry guetta la réaction de sa meilleure amie. Et elle ne se fit pas attendre…

— QUOI ? Tu me fais marcher ! s'exclama-t-elle, les yeux écarquillés de surprise.

— Pas du tout. Actuellement, le Monde Magique compte deux sorciers de plus. Walter Lestrange le cousin de Sev' et Argus Rusard, à Poudlard. Il parait que cette vieille gargouille chante les louanges de Severus du matin au soir, se balade baguette au poing dans les couloirs de Poudlard et lance des Recurvite à tour de bras !

— C'est incroyable !

— Dumbledore est venu au soir de Noël. Il a dîné avec nous. Je crois qu'il adore venir nous voir. Visiblement, il s'entend super bien avec Cousin Rick. Il a apporté une plaquette pour né-moldu à Walt et des livrets explicatifs.

— Oui, bien sûr, le livret « Vous entrez dans le Monde Magique » et aussi « Premiers pas dans le Monde des Potions » fit Hermione en balançant sa main d'une manière négligente. Tu aurais pu lui prêter les tiens.

— Je n'ai jamais eu aucun de ces bouquins, Hermione ! Je ne connaissais rien de rien en entrant à Poudlard ! Quand je l'ai dit à Dumbledore au repas du soir de Noël, il n'en revenait pas, et Sev' non plus. Il dit que c'est une grave erreur de McGonagall. En tant qu'élevé-moldu, j'aurais dû recevoir ces livrets. Comment voulais-tu que je sache quoi que ce soit à mon premier cours de potions ?

— Les réponses se trouvaient dans le livret, en effet. Tu parles que le Professeur Rogue était furieux contre toi ! Il a pensé à l'époque que tu n'avais pas ouvert le livret parce que tu n'en avais rien à battre.

— Absolument. Il était vert. Il s'est excusé après. Tout le monde était censé connaître les réponses. Les nés et élevés-moldus par les livrets et les sangs-purs et mêlés par leurs cours reçus à la maison.

— Alors pourquoi Ron ne connaissait aucune réponse non plus ? tiqua Hermione, intriguée.

— Parce que Ron est le pire fainéant que j'ai jamais vu ! Et que Molly se fiche de leur éducation comme de l'an quarante ! Ils apprennent ? C'est bien. Ils n'apprennent pas ? Ranafout' !

Harry soupira. En effet, il avait remarqué depuis longtemps. Si les aînés des enfants Weasley avaient été assez ambitieux pour bien travailler à Poudlard et obtenir des situations qu'on pouvait presque qualifier d'enviables, les deux derniers étaient des calamités. Ron ne pensait qu'à s'amuser, baffrer et faire l'imbécile avec la Brigade Inquisitoriale d'Ombrage. Ginny, selon les confidences de Severus… hem, hem… légilimancie… était une petite peste vénale qui n'avait qu'un seul but dans la vie, mettre la main sur un époux riche et dépenser son or. Si l'époux en question avait pu s'appeler Harry Potter, ça aurait été le summum ! Manque de bol… c'était raté ! Et par Merlin, le jeune Gryffondor en était soulagé.

— Où est ton chéri ? A la maison ? demanda la brunette avec un petit sourire amusé.

— Nan, il est allé à la Guilde des Potionnistes pour enregistrer sa nouvelle potion et pis là, je crois qu'il est en train de démarcher un revendeur particulier, dans l'Allée des Embrumes.

— Dans… Mais Harry, pourquoi là-bas ? Pourquoi ne pas les proposer à Slug & Jiggers ou bien Mullpepper ?

— Mione… murmura Harry en se penchant vers elle. Tu vois Severus ou un autre Maître des Potions aller proposer des potions de contraception, d'avortement et autres du style à une apothicairerie ayant pignon sur rue ?

— Heuu… nan… tu as raison. J'avais oublié ce détail. C'est vrai que si voulez gagner correctement un peu d'or, il vous faut cibler des choses… différentes.

— Ouais. Différentes… comme tu dis. Interdites est le vrai mot !

Hermione hocha la tête et, songeuse, entreprit de terminer son chocolat. Alors qu'elle essuyait avec un mouchoir la crème fouettée qu'elle s'était mise sur le nez, Harry demanda :

— Mione, j'ai besoin d'un livre de sortilèges pour filles. Un livre qui explique le maquillage, tout ça… Walt et moi, on doit parfaire nos déguisements et Sev' ne connait que le sort de manucure qui met du vernis. C'est ma mère qui lui a appris. Paraît qu'elle en mettait sans arrêt.

— Oh oui, facile ! J'en connais au moins trois. Lavande et Parvati en ont une collection et les laissent traîner partout dans le dortoir.

— Parfait. Tu as fini ton chocolat ? On peut y aller alors.

Harry se leva et enroula de nouveau son écharpe autour de son cou, puis remonta son capuchon. D'un geste discret de la main, il annula l'Assurdiato, donna le bras à Hermione et les deux sorcières se dirigèrent tranquillement vers l'arche magique menant vers le Chemin de Traverse.

Personne ne leur accorda un regard et personne ne vint les questionner, contrairement aux deux sorciers qui les suivaient avec valises et cabas.


Severus et Harry n'avaient pas transplané au même moment. Le Maître des Potions avait quitté le 278 bis Caledonian Road une bonne heure avant son compagnon qui aidait Walt à faire le ménage dans le bar. Le voyant quitter l'appartement en Sevan Prince, Rick avait poussé un soupir d'envie et à regret s'était replongé dans sa comptabilité et les « délices » de l'inventaire de fin d'année.

Le premier arrêt de Severus fut pour la Guilde des Potionnistes, dans une petite ruelle discrète située entre la Ménagerie Magique et Pirouette & Badin. La Venelle des Pendus, ainsi nommée parce que les Moldus y avaient autrefois installé un gibet avant que les sorciers ne s'emparent du lieu, était une ruelle étroite, sombre mais propre et surtout fermée par une grille de fer forgé. C'était un choix des résidents et chaque nuit la grille était verrouillée façons moldue et magique. La Guilde des Potionnistes occupait un bâtiment sans prétention au fond de la ruelle. Seule une plaque de cuivre apposée près de la porte rappelait l'usage de ce lieu.

Severus poussa la porte et, comme dans tous les lieux publics sorciers, une clochette fit entendre son pitoyable son aigrelet. A un comptoir se tenait un sorcier qui semblait s'amuser comme un rat mort si l'ennui visible sur son visage rougeaud était une indication.

— Bien le bonjour, veuillez indiquer le motif de votre visite.

— Je viens pour enregistrer une nouvelle potion.

Sans un mot, le sorcier poussa un parchemin pré-imprimé devant Severus ainsi qu'une plume et un encrier.

— Remplissez ce formulaire. Désirez-vous vendre votre recette ou la tenir secrète ?

— Secrète.

— Durée du secret ?

— Cent ans.

— Bien, Monsieur. Il faudra nous laisser la recette cachetée et magiquement verrouillée afin que nous puissions l'archiver.

— Je sais, répondit Severus en sortant de sa poche le rouleau de parchemin.

Ostensiblement, il prit son temps pour faire entrer le parchemin dans un gros cryptex[1] de cuivre, lui-même sorti d'un coffret de bois à ouverture magique, qu'il avait apporté.

Par Merlin, un tel luxe de précautions était rarissime. Le sorcier d'accueil était très impatient de lire le nom de cette nouvelle création.

Une fois le cryptex de nouveau dans sa boite, Severus la verrouilla de sa baguette. Personne ne pourrait lire cette recette avant un siècle… et encore, à condition de trouver le mot de passe… héhéhéhé…

Puis il prit la plume et commença à remplir le parchemin. A « nom du Maître des Potions », il inscrivit son alias : « Sevan Prince ». A « raison sociale », il choisit « Les potions du Prince » et pour l'adresse, il inscrivit celle de Rick et Walt.

Severus Rogue était trop connu en ce lieu. Il avait rempli autrefois ce document plusieurs fois, mais il ne toucherait dorénavant plus un seul gallion de ces potions-là. Le Ministère y avait veillé. Le président de la Guilde lui avait envoyé un hibou pour lui exprimer ses regrets et lui apprendre incidemment la nouvelle. La copie jointe de l'ordre Ministériel avait été signée par Cornélius Fudge et un certain Timeus Travers du Trésor Magique. Le même certainement qui avait suggéré au Ministre de priver Harry Potter de son or avec la vieille loi d'Hypocritus le Zélé. On voulait vraiment les détruire tous les deux après les avoir ruinés.

Dorénavant, Severus Rogue n'existerait plus pour la Guilde. Jamais plus il ne patenterait une potion, mais Sevan Prince, si. Et il allait se venger et provoquer une vraie révolution dans cette fourmilière d'hypocrites appelée Monde Magique.

Dans la case « nom de la potion », Severus inscrivit : « Retour de Magie ». C'était un peu vague et mystérieux, mais dans la case « indications pour cette potion », il marqua : « Restaure l'accès à leur magie pour les Cracmols ».

A « prix de vente d'une dose de potion/ou flacon de potion », il cocha en premier « dose » et marqua le prix exorbitant voire monstrueux de trois cent cinquante gallions[2]. Le salaire minimal magique imposé étant de cent cinquante gallions, cette potion ne serait en premier lieu accessible qu'aux plus fortunés. Une fois le prix connu, une dose de potion pourrait également servir de moyen d'échange, pour obtenir des faveurs… Eh ! Serpentard un jour, Serpentard toujours ! Severus ne reculerait devant rien pour avoir ce qu'il voulait.

Négligemment, comme indifférent, il repoussa le parchemin vers le sorcier d'accueil.

— Douze gallions, Monsieur, pour l'enregistrement.

Les pièces d'or tintèrent sur le comptoir. C'étaient les dernières pièces de Lucius Malefoy. La bourse de son ami leur avait tiré une sacrée épine du pied. Dès qu'il le pourrait, il rembourserait Lucius, avec intérêts et il n'oublierait pas son coup de pouce…

Severus sortit de la Guilde sans un mot. Il n'avait pas retiré son capuchon, donc le sorcier n'avait pas pu bien apercevoir son visage. De toute façon, c'était un Glamour.

Un petit sourire aux lèvres, il s'éloigna tranquillement. Il n'entendit pas l'exclamation de surprise du sorcier lisant son parchemin et le cri de « Maître ! Maître Hipworth ! Venez vite voir ça ! Une nouvelle potion absolument incroyable ! »

Pendant que toute la Guilde s'émerveillait de la nouvelle, Severus cheminait tranquillement sous son déguisement. Comme il était seul, aucun des Aurors présents dans les rues ou les nouveaux membres du Comité de Bienséance qui patrouillaient ne l'arrêta. Le Serpentard entra dans l'Allée des Embrumes et se fraya un chemin jusqu'à une boutique minable sans enseigne, à la vitrine encombrée et sale.

A droite de cet immeuble déclassé, il y avait un petit passage qui menait à une arrière-cour. Et dans cette cour, on pouvait trouver un vieil apothicaire. Marcus Shield vivotait dans sa petite boutique misérable, ne concoctant que les potions les plus simples comme la Pimentine ou autres du genre. La spécialité de Shield, c'étaient les poisons. Forcément, ce n'était pas une chose à afficher sur sa carte de visite ou sa devanture. Par conséquent, il fallait vraiment connaître cet endroit pour en pousser la porte.

Le vieux Shield avait souvent demandé à Severus de lui fournir des potions discutables, mais le Serpentard, alors sous contrat avec Poudlard, ne pouvait pas se le permettre sans risquer sa position. A présent, les choses avaient changé…

Un vieil homme ratatiné trottina dès que la clochette retentit. Il s'avança vers son comptoir usé et attendit que ce client inconnu exprime son désir.

— Je viens vous proposer des potions particulières, Maître Shield, fit Severus après un signe poli de la tête pour saluer le potionniste.

— Qu'entendez-vous par… particulières, mon jeune ami ? demanda Shield avec méfiance.

Severus ne se démonta pas et en silence, il sortit de la sacoche qu'il portait autour de la taille, des flacons, l'un après l'autre. Le vieil homme s'en saisit et lut les étiquettes avec un petit sourire.

Le premier flacon avait une étiquette rose : Les Potions du Prince. Potion de contraception pour sorcière. Un flacon tous les six mois et la sorcière ne pourra pas tomber enceinte pendant ce temps. Ne pas dépasser la dose prescrite. 50§

Le second flacon de forme identique avait lui une étiquette bleue : Les Potions du Prince. Potion de stérilité pour sorcier. Un flacon tous les six mois et le sorcier ne pourra pas mettre une sorcière/moldue ou cracmolle enceinte pendant ce temps. Ne pas dépasser la dose prescrite. 50§

Le troisième flacon avait une étiquette jaune : Les Potions du Prince. Potion d'avortement. Tire d'embarras sorcières et cracmolles. Ne pas dépasser un flacon par grossesse non désirée. 75§

Le quatrième flacon en avait une bleu marine : Les Potions du Prince. Magiagra pour sorcier. Permet à un sorcier de conserver une érection pendant six heures. Ne pas dépasser une cuillérée à café par jour. Danger en cas de surdosage. 50§

Le cinquième flacon avait lui une étiquette rouge : Les Potions du Prince. Potion Aphrodisiaque pour sorcière. Transforme une sorcière frigide en nymphomane. Ne pas dépasser deux flacons par semaine. Inodore et sans saveur. 50§

L'examen de ces cinq flacons arracha un sourire au vieil homme. Ces potions étaient très recherchées et très chères.

— Quels seront mes bénéfices si je vous vends vos potions ?

— Dix pour cent. Vu les prix, ça vous fera sans effort un joli tas d'or.

— Certes. Mais qu'est-ce qui me prouve que vous n'êtes pas un envoyé du Ministère sous couverture pour me créer des ennuis ?

Severus se permit un petit sourire sous son capuchon. Il savait que la lumière faiblarde dans ce lieu ne permettait pas au vieil homme de voir son visage, de toute façon.

— Maître Shield, je sais que vous élevez votre petite-fille Joséphine qui je crois est cracmolle. J'ai un petit cadeau pour vous. Afin de vous prouver ma bonne foi…

Et le Serpentard déposa sur la table un sixième flacon. Celui-là était totalement opaque. On ne pouvait pas voir la potion à l'intérieur car le flacon était couleur émeraude et en porcelaine. L'étiquette également verte portait ces indications : Les Potions du Prince. Retour de Magie. Restaure aux Cracmols l'accès à leur magie. Un flacon pour un adulte. Deux cuillérées à soupe pour un enfant. Ne pas dépasser la dose prescrite. 350§

La main du vieil homme trembla soudain et ses yeux s'écarquillèrent.

— Qui êtes-vous ? Je ne connais aucun Maître des Potions capable de créer une telle merveille. Est-ce que cette potion fonctionne vraiment ?

— Appelez Joséphine et donnez-lui une dose pour enfant. Et je vous garantis qu'elle va avoir sa lettre pour Poudlard… D'ailleurs, n'approche-t-elle pas de l'âge d'y aller ?

— Si. Elle a eu onze ans cet été. Elle aurait dû y aller cette rentrée, fit-il sombrement.

— Elle peut encore y aller. Quelques cours de rattrapage et elle s'en sortira.

Le vieil homme hocha la tête, le flacon serré dans sa main. Il alla vers un escalier branlant qui menait à l'étage et appela l'enfant à grands cris. Une fillette blonde vêtue d'une robe à la mode en 1890 descendit les degrés et s'immobilisa timidement en voyant Severus. L'enfant était habillée pauvrement, mais elle était très propre et ses souliers usés étaient cirés.

Marcus Shield avait récupéré sa fille Diana lorsque son époux l'avait mise dehors avec leur enfant, le jour où un Médicomage de Sainte-Mangouste leur avait annoncé que la fillette était cracmolle. Elle avait six ans. Depuis elles vivaient au-dessus de la boutique et tenaient le ménage du vieil homme trop pauvre pour acheter un Elfe-De-Maison.

— Phine… tu vas prendre une potion. Le Monsieur a fait une potion pour te rendre ta magie.

— C'est vrai, Grand-papa ? Je vais avoir de la magie ? Et je pourrai aller à Poudlard aussi ?

— On verra. Il faut prendre la potion, viens.

Severus conjura une mesure correspondant à deux cuillérées à soupe et la tendit à l'apothicaire.

— Ce sera plus facile. Une seule mesure pour elle. Vous pourrez redonner sa magie à un autre enfant avec le reste de la potion, si vous en connaissez un.

Marcus hocha la tête. Dans l'Allée, ce n'était pas ça qui manquait. Il versa la potion dans la mesurette et demanda à la petite fille d'ouvrir la bouche.

— Avale la potion, tout ! Phine !

— C'est pas très bon, Grand-papa !

— Les potions, c'est jamais bon, tu le sais bien. Mais ça soigne, et celle-là va soigner ta magie.

Shield lança un regard interrogatif à Severus qui hocha lentement la tête.

— Grand-papa, ça me fait tout chaud au ventre.

— Alors, c'est que ça marche, révéla Severus. Dès que tu n'auras plus chaud au ventre, Joséphine, tu seras une sorcière.

Les larmes aux yeux, Maître Shield attendit. Et lorsque sa Phine annonça qu'elle n'avait plus chaud au ventre, Severus demanda au vieil homme de lui faire tenir sa baguette un instant. Ce qu'il fit aussitôt.

— Joséphine ? Répète après moi. Lumos ! fit Severus très sûr de lui.

Lumos… répéta l'enfant sans comprendre.

Mais la baguette s'alluma et Shield poussa un cri ! Il reprit son bien des mains de la fillette.

— Phine, va dire à Maman que tu es une sorcière, que ta magie est guérie et que tu vas aller à Poudlard.

— Grand-papa ! Je peux avoir une baguette maintenant.

— Oui, petite, on va aller chez Ollivander tout à l'heure. Va mettre ta robe des dimanches et ta cape neuve.

Joséphine grimpa les escaliers quatre à quatre et disparut de leur vue.

Maître Shield sortit un mouchoir propre et bien repassé de la poche de sa robe puis le déplia et s'essuya les yeux.

— Merci de nous avoir rendu honneur et dignité, Monsieur. Je vendrai vos potions.

— Maître Shield, vous verserez l'argent obtenu dans le coffre 736 à Gringotts, après avoir prélevé votre commission, bien entendu. Je pense que vos finances vont s'améliorer très bientôt si vous faites un peu de publicité pour la potion de magie. Prenez des commandes pour cette potion. Je ne la fabrique qu'à la demande. Je vous enverrai un hibou pour prendre la liste de ce dont vous avez besoin chaque vendredi. Vous le reconnaitrez. C'est une femelle Harfang des Neiges et l'été vous verrez possiblement un mâle Huhul. Les hiboux vous livreront les potions. Attendez votre première livraison dès demain pour les potions basiques que je vous ai présentées. Je vous salue.

Et Severus quitta la boutique aussi tranquillement qu'il était venu. Il avait terminé son petit périple alors que son compagnon déguisé fouinait avec Hermione les livres d'occasion du bouquiniste après avoir exploré les nouveautés de Fleury et Botts.

A présent, la vengeance était en marche. Mais il avait une chose à faire en rentrant : appeler Dobby et s'enquérir de l'état des travaux dans sa maison. Était-elle habitable ? Si oui, il allait falloir penser à laisser Rick et Walt à leur tranquillité.

En pensant à son cousin Walt, Severus eut un petit sourire. Depuis que le choixpeau apporté par Albus l'avait réparti à Serpentard, Walt avait exigé une écharpe, un bonnet et des gants aux couleurs de cette Maison et Albus lui avait métamorphosé les noirs et gris que le cracmol portait habituellement. Severus avait dû accompagner « Lola » sa cousine chez Ollivander avec Rick dès le lendemain pour lui trouver une baguette. Walt était rentré en tenant sur son cœur une longue boite contenant une baguette claire en pommier et nerf de ventricule de dragon. Rick avait pâli en apprenant à cette occasion que les dragons existaient.

Harry, lui, jouait au professeur pour élève de 1ère année. Et ma foi, songeait le potionniste, le brigand s'en sortait très bien. Sauf pour les potions… ça… c'était inévitable.


En rentrant à l'appartement de Rick et Walt, Severus Rogue songea encore une fois qu'il allait devoir rentrer au bercail sans tarder, sous-entendu si la maison de l'Impasse du Tisseur était en état, ce qui n'était pas évident. Ni Harry ni lui n'y étaient retournés depuis leur départ précipité. Dobby semblait – selon ses dires – avoir pris les choses en main, mais c'était encore à vérifier. En attendant, il avait besoin d'Hedwige. Harry ne ferait aucune difficulté pour laisser Severus utiliser sa chouette pour ses livraisons.

— DOBBY ! appela le Maître des Potions.

Un pop se fit entendre juste derrière lui et Severus se retourna. Dobby se tenait entre lui et le canapé, dans sa tenue habituelle : celle qu'il portait à Poudlard.

— Dobby, j'ai besoin d'Hedwige ici pour faire mes livraisons de potions. Est-ce que tu pourrais me l'apporter. Je ne peux pas attendre qu'elle fasse le voyage seule en volant.

— Dobby peut, Maître Rogue. Dobby va apporter la chouette d'Harry Potter, ses affaires et aussi la petite chouette noire de Maître Rogue. Midnight ne veut pas rester tout seul, Maître. Il est encore petit et il a besoin d'une chouette adulte.

Ah. Visiblement, son Strix Huhula était vraiment très jeune. Peut-être l'était-il un peu trop lorsqu'Hagrid l'avait choisi. On connaissait le demi-géant pour son enthousiasme quant aux créatures magiques. Il avait peut-être été un peu trop enthousiaste avec Midnight justement et l'avait choisi trop jeune.

Dobby revint quelques minutes plus tard avec les deux rapaces sur ses chétives épaules. Il claqua des doigts et la perche dorée alla se positionner juste dans le coin où la semaine précédente, le sapin de Noël trônait encore. Hedwige s'envola aussitôt et s'installa pour admirer le paysage par la fenêtre, le store bateau étant relevé. Midnight piailla et sauta sur l'avant-bras de son maître pour lui mordiller les doigts. Visiblement, il était très content de le retrouver. Lorsque Severus lui gratouilla le poitrail du bout de l'index, le petit rapace ferma les yeux de plaisir et claqua son petit bec jaune à plusieurs reprises.

Severus marcha jusqu'à la perche et déposa Midnight sur le second barreau resté libre. Aussitôt, Hedwige se désintéressa de la vue extérieure et entreprit de lui lisser les plumes.

Dobby avait déjà quitté les lieux. Décidément, il était difficile de le retenir pour l'interroger ! Il faudrait vraiment transplaner vers Carbone-Les-Mines pour s'assurer que la maison était dans un état décent, assez pour être occupée. Par Merlin, il allait être difficile de se réhabituer à vivre sans confort après avoir vécu dans le bel appartement de Rick et Walt…

Dans la cuisine, sur la table, Severus trouva deux grosses boites de Miamhibou dont l'une était entamée, et un flacon débouché de Réconfort'hibou. D'un geste de baguette, il les expédia dans sa chambre et entreprit de se faire une tasse de thé.

Il trouvait étrange qu'Harry ne soit toujours pas rentré, et se demandait où pouvaient bien se trouver Rick et Walt. L'appartement était désert et le bar pas encore ouvert. Il était dix-sept heures, l'heure du thé, et personne n'était là. Il ouvrit le frigo et entreprit de préparer une assiette de sandwiches pour tout le monde. Il remplit la théière d'eau au robinet et la fit bouillir d'un coup de baguette, puis il la posa sur la table près de la boite d'Earl Grey. Il suffirait de rajouter les feuilles dès qu'ils rentreraient. D'ailleurs, ils avaient intérêt à se presser sinon ils allaient être tous en retard pour l'ouverture.

Assis dos à la porte de la cuisine, Severus n'entendit pas Harry, Rick et Walt rentrer. Le malin petit Gryffondor avait ensorcelé les chaussures de tout le monde afin qu'on n'entende pas le bruit de leurs pas.

Le Maître des Potions sursauta et laissa tomber dans son assiette vide le Daily Mirror qu'il lisait lorsque trois voix bien connues hurlèrent :

— JOYEUX ANNIVERSAIRE ! SEVERUS !

Merde ! Il avait totalement oublié. On était le 9 janvier, et il semblait qu'Harry, lui, le savait et en avait fait profiter tout le monde. Il ne manquait plus que ce vieux fou d'Albus et ils seraient au complet…

Juste au moment où il se retournait, Fumseck lâcha son Maître dans le salon/salle à manger et on entendit alors :

— Coucou tout le monde ! Je ne suis pas trop en retard ? J'ai rien raté ?

Severus se pressa l'arête du nez entre le pouce et l'index d'un air las.

° Non, Albus, vous n'avez rien raté. Pas même l'occasion de me pourrir ma soirée. Par Merlin, je déteste les anniversaires ! °


Rick venait juste de sortir les faux buis en pot sur le trottoir et Walt cherchait une bande son sympa dans son stock dans la cabine du DJ, tandis qu'Harry allumait avec sa baguette les bougies roses neuves qu'il plaçait au fur et à mesure dans les photophores.

Albus venait de partir. Rick l'avait pourtant invité à passer la soirée dans la partie « boite de nuit » mais le vieil homme avait répondu qu'il ne pouvait pas laisser ses élèves et son école sans surveillance. Severus avait alors songé que Minerva avait encore dû faire quelques boulettes et que la confiance ne régnait pas trop à Poudlard. Ou alors, c'était Poppy… on ne savait jamais. Harry lui avait raconté la façon dont ils avaient été traités à leur arrivée et son refus de même les recevoir à l'infirmerie. Elle avait montré son vrai visage, avait dit le Gryffon, et par merlin, il n'était pas beau. Habitué à la trahison depuis sa plus tendre enfance, Severus n'avait pas fait grand-cas de la nouvelle. Ce n'était pas pour ça qu'il avait l'intention de l'oublier…

Un couple d'hommes, avec un bébé dans les bras, entra dans le bar alors que Rick retirait les tabourets des tables hautes sur lesquels ils étaient posés. En voyant les nouveaux arrivants, il afficha un large sourire.

— Charles ! Keith ! Ben dis-donc, ça fait un bail ! On ne vous voyait plus ! Walt va être content de vous voir. Et c'est qui ce petit-bout ? demanda-t-il en regardant fixement le bébé.

L'enfant était visiblement un petit garçon, au vu de sa vêture : il était emmitouflé dans une combinaison pilote bleu roi et portait un bonnet à pompon vert et des moufles assorties. Il paraissait ne pas avoir plus de six ou sept mois.

— On te présent notre fils Erik. On est allé au Brésil pour l'adopter. Je ne te raconte pas la galère, j'ai bien cru qu'on n'arriverait jamais à rentrer avec lui. Mais bon, ça y est ! Il est là. Alors, ben… on fait le tour des amis pour le présenter. Tu vois… annonça avec fierté le nommé Keith.

Rick appela Walt d'une voix de stentor dont il faisait rarement usage. Mais il craignait que son compagnon ne l'entende pas d'où il se trouvait.

Harry entra dans la partie bar, suivi de Walt et de Severus.

— Ouaaaaaaah ! Charles ! Keith ! s'exclama Walt tout excité. Bande de vilains pas beaux ! Vous étiez passés où encore ?

— Ils étaient au Brésil pour adopter un petit garçon, Walt, répondit Rick en faisant une grimace à l'adresse de Severus et d'Harry.

Les deux sorciers se lancèrent un coup d'œil en silence. Et tandis que Walt, totalement extasié et même gâteux, prenait le bébé dans ses bras pour le câliner et jouer avec lui, Rick présentait Sev' et Harry à ses amis.

— Charles, Keith, je vous présente Harry et Severus. Ils sont chez nous un peu le temps que les travaux sur leur maison soient terminés. Harry est mon cousin et Sev' est le cousin de Walt. Vous connaissez ainsi toute la famille, nous n'avons qu'eux.

Tous se serrèrent la main et échangèrent des platitudes et des félicitations. Le couple de nouveaux parents accepta un expresso pour l'un, une eau minérale gazeuse pour le second : « Vous comprenez, on est sérieux maintenant. En voiture, avec le petit, pas question de picoler ! »

Tout le monde comprenait, bien entendu, et lorsque Walt dut rendre l'enfant à ses parents, Harry se mordit la lèvre. Walt fila sans demander son reste à l'intérieur de sa cabine de DJ laissant Severus, Rick et Harry seuls dans le bar.

— Fallait s'y attendre. Il me fait le coup à chaque fois, soupira Rick en ramassant le verre et la tasse de café vide.

— De quoi parles-tu ? fit Severus qui n'était pas très sûr de ce qu'il fallait penser.

— Walt veut un bébé, soupira Rick. Régulièrement, il me fait le coup.

— Ça se voit, marmonna Harry.

— Et vous ne pouvez pas adopter ?

— Sev', t'es bien mignon, mais tu sais pas le parcours du combattant que c'est l'adoption, surtout pour les gays.

— Ben non, je l'ignore. Explique un peu.

— Ça faisait neuf ans qu'ils l'attendaient, ce môme. Il a fallu plein de paperasses et de visites des services sociaux, pendant des mois, des années avant d'avoir un agrément. Avec ce papier tu peux aller à l'étranger pour adopter parce qu'ici tu peux courir. Faut être marié, et hétéro, ou être une star de la chanson ou du cinéma et là, on regarde pas trop ton pedigree. Ce bambin, il a coûté près de cent mille livres au père de Charles. C'est lui qui a raqué, il est banquier et blindé d'oseille. Il a fallu payer du monde là-bas, avocats, intermédiaires, orphelinats. Je le sais car c'est pas leur première tentative. Ils avaient essayé la Roumanie y a quelques années, et ça s'est mal passé.

— Ah bon ? Et y a eu quoi ? demanda Harry.

— Tu diras rien à Walt, hein ? Il est trop sensible.

— Nan, nan, promis, on dira rien.

— Le môme qu'on devait leur attribuer, il était soi-disant en bonne santé. Le père de Charles a fait traduire le dossier médical par un contact qu'il avait là-bas. Ben, le môme il était déficient mental très lourd et en plus il avait le sida. Ouais, et déclaré, même pas porteur sain. Nan. Il est mort trois mois après leur seule visite. Si le père de Charles n'avait pas mis les pieds dans le plat, tu imagines ? Ils l'auraient enterré à peine rentrés à Londres. C'est pas humain de prendre les gens pour des cons comme ça. Donc, le père de Charles a dit qu'il valait mieux essayer à Rio, qu'il connaissait des gens qui étaient allés et en étaient contents. On l'a pas dit à Walt ça… Et c'est à ce moment-là qu'il a commencé à me dire qu'il voulait un gamin. Comment tu veux qu'on aille à Rio ? Charles et Keith sont restés coincés des mois là-bas, à l'hôtel, et pas qu'une seule fois ! Faut des sous, beaucoup de sous. On peut pas se permettre. Si on ferme, c'est mort. La clientèle ira ailleurs et on perdra tout. Les clients vont pas attendre six ou sept mois qu'on rentre. Et j'ai pas cent mille livres sterling à jeter par les fenêtres. Surtout si en plus on tente de nous rouler… et qu'on nous refile un moribond, comme ces salauds en Roumanie.

— Vous n'avez pas pensé à la mère porteuse ? demanda encore Harry.

— Si, si, bien entendu. C'est moins cher, que quinze mille livres minimum. Mais c'est le binz aussi. Faut que l'un de nous insémine artificiellement une meuf. Ensuite, faut qu'elle nous refile le gamin et c'est pas toujours gagné. Après faut que celui qui n'est pas le père fasse une demande d'adoption, encore le binz. Franchement, je ne suis pas très chaud. On a eu deux amis qui se sont fait avoir. La meuf, elle a pas voulu donner le môme après. Ça a fini en eau de boudin, tribunal, avocats et tout le bazar. Et pour finir les juges ont dit qu'elle était la mère légale, que le père aurait juste le droit de visite. Et l'autre, le conjoint du pote, ben rien du tout. Ça a fait éclater leur couple. Ils se sont séparés après. Et la connasse, elle s'est cassée aux States avec son môme pour rejoindre un type là-bas. Le pote n'a jamais revu sa fille. Et c'était en 1986. C'est pas récent. Dans l'absolu, je serais pas contre d'avoir un môme avec Walt. Mais tant que le ciel ne nous refilera pas les bons outils pour le faire nous-même, ça sera pas la peine. Et le p'tit Jésus, comme on disait chez nous, il est trop occupé ailleurs pour exaucer nos vœux.

Rick balança son torchon par-dessus son épaule et alla derrière le bar pour laver la tasse et le verre des visiteurs. Pour lui, l'affaire était classée. Walt allait bouder pendant une heure et puis il allait se calmer. C'était toujours comme ça.

Harry lança un regard appuyé vers Severus, le prit par le bras et l'entraîna dans la salle de danse, sur leur canapé habituel.

— Sev' ? J'ai une question.

— Vas-y, mais je te vois venir avec tes gros sabots.

— Est-ce que ce serait possible de créer une potion qui puisse donner à un sorcier un utérus pour porter un enfant ?

Severus leva un sourcil amusé. Il savait qu'Harry allait lui poser la question.

— Je pense que oui. Il existe une potion pour faire repousser des membres amputés. Je suppose qu'on pourrait tenter de la modifier, oui.

Déjà des idées lui venaient… des poulpes magiques et des étoiles de mer communes avaient la capacité de se faire pousser des membres. C'était connu et le principe était utilisé dans la potion précédemment citée, qui d'ailleurs coûtait si cher que personne ne l'achetait. Mais… si on remplaçait par exemple…. Oui… par ça… ou alors… ça aussi, pourquoi pas… ? Mmmm… intéressant.

— Harry, je remonte, je dois bosser un peu sur mes potions. Faut que j'envoie Hedwige en livraison et j'ai un truc, un projet… tu vois. Dis à Rick, hein…

Harry afficha un large sourire et ses yeux étincelèrent. Il attrapa Severus par le cou et le renversa sur lui pour lui rouler le patin du siècle, comme disait cet imbécile de Dudley.

— Tu sais que je t'aime, toi ? Tu es le type le plus formidable de la Terre. File. Je donnerai un coup de main à Rick.


Athéna, la chouette chevêche d'Hermione tapa à un carreau de bonne heure, ce matin-là. Personne n'était encore levé chez Rick et Walt. Forcément, quand on se couchait à quatre heures du matin, on ne pouvait pas espérer être frais et dispo à neuf heures. La chouette tapa donc au carreau et attendit. Elle eut de la chance, Harry l'entendit en se levant pour aller aux toilettes. S'éclairant avec sa baguette pour cause de volet roulant fermé dans sa chambre, il sortit sans bruit de la pièce et jeta un coup d'œil dans le salon. Hedwige, bien réveillée, toisait l'intruse avec suffisance en gonflant ses plumes tandis que Midnight dormait la tête sous son aile. Harry, en tee-shirt et boxer, se dirigea vers la fenêtre à guillotine et remonta le battant inférieur.

— Alors, Athéna, qu'est-ce qu'Hermione m'envoie ce matin ? Un journal ? Donne ! Tu veux un Miamhibou ?

Harry lui déposa quelques croquettes sur le rebord de la fenêtre. La chouette les engloutit en trois secondes et s'envola aussitôt.

— Voyons un peu ça…

Harry se dirigea vers les toilettes et fit sa petite affaire, le journal posé sur le bord du lave-mains. En sortant, il récupéra le quotidien magique et retourna vers son lit. Allongé sous la couette épaisse, le nez dans son oreiller, Severus dormait du sommeil du juste. On ne voyait qu'une touffe de cheveux noirs apparaître. Le Gryffondor eu un petit sourire attendri en le regardant. Par les chaussettes de Merlin, qu'est-ce qu'il aimait sa chauve-souris des cachots ! Il se glissa donc sous la couette et reprit sa place encore chaude, mais il ne rallongea pas. Il resta assis, le dos contre la tête de lit métallique du lit rétro. Eclairé par sa baguette, il ouvrit le journal et découvrit les gros titres. Si Hermione lui avait déjà envoyé le journal du jour, c'est qu'il y avait une nouvelle intéressante.

En seconde page, un article avait été entouré.

Une mystérieuse potion a fait son apparition ! Selon les bruits qui courent, elle rendrait leur magie aux Cracmols.

Faut-il le croire ? La Guilde des Potionnistes nous a révélé qu'en effet une potion ayant cet effet avait été patentée récemment. Cependant, personne n'a encore réussi à savoir qui en était le créateur ni où elle était vendue. Il paraîtrait que plusieurs adultes et au moins deux enfants ayant dépassé l'âge d'entrer à Poudlard auraient acheté leurs premières baguettes. Nous avons interrogé les deux apothicaires du Chemin de Traverse et celui de Pré-Au-lard, aucun n'a été capable de répondre à nos questions. Selon Maître Mullpepper, cette potion n'existe pas et est un canular. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des résultats notre enquête. Si la potion s'avérait réelle, verrons-nous des Cracmols revenir dans notre monde ?

Plus loin, la journaliste – qui n'était pas Rita Skeeter (toujours portée manquante) mais une certaine Jenny Biscus – spéculait sur les changements successoraux que provoquerait le retour dans leurs familles d'origine des Cracmols précédemment reniés et bannis. Et comment éduquer des adultes soudainement devenus porteurs de baguettes ?

Harry se prit à songer alors que ces deux dernières questions avaient au moins le mérite d'être légitimes. Il faudrait penser à une école pour ces gens, si vraiment il en revenait beaucoup.

A midi, Severus annonça au petit groupe qui finissait son petit déjeuner qu'il envisageait un retour à la maison à Carbone-Les-Mines pour lui et Harry. La maison devait être habitable à présent, du moins autant qu'une telle masure pouvait l'être et il avait besoin de place pour un vrai labo de potions à présent que sa petite entreprise démarrait très fort. Le vieux hibou de Maître Shield ne semblait pas avoir eu de mal à trouver Severus, même sous son véritable aspect. L'oiseau était visiblement intelligent et rodé à repérer les sorciers par leur signature magique.

Le potionniste recevait donc presque tous les trois jours des demandes de renouvellement du stock, surtout pour les différentes potions de contraception et de stérilité, actuellement les plus populaires. Le bouche à oreille commençait à fonctionner pour la potion de magie. On se transmettait visiblement l'info sous le sceau du secret comme quelque chose de très honteux. Pas étonnant, personne n'aimait à se vanter d'avoir des Cracmols dans sa famille…

Les journalistes fouinaient toujours, mais les nouveaux sorciers interrogés se refusaient à tout commentaires. Jenny Biscus – nouvelle étoile montante du journalisme à sensation – n'avait pas mis longtemps à découvrir qu'un Cracmol devenu brutalement un sorcier apparaissait subitement sur les listes du Ministère de la Magie – listes d'où le nom de Severus avait été retiré en punition – et qui servaient à la fois au Trésor Magique pour exiger le paiement des impôts et aussi de recensement de la population. Eh non, les Cracmols même vivants toujours dans le Monde Magique n'avaient pas le droit d'être recensés. Ils n'étaient même pas dignes d'être des citoyens… Ce fait expliquait que la plupart vivait dans l'Allée des Embrumes s'ils n'avaient pas intégré le Monde Moldu.

A la nouvelle que leurs cousins et invités allaient les quitter, Walt avait fondu en larmes. Habitué à l'extrême sensibilité de son compagnon, Rick n'avait pas été étonné. Il avait juste tenté de le consoler en lui disant que c'était normal qu'ils souhaitent rentrer pour être à deux et surtout pouvoir travailler à l'aise. Après avoir fait un clin d'œil à Severus et Harry, il avait rappelé à Walt qu'une fois seuls, il pourrait de nouveau le sauter sur le tapis du salon, pendant les mi-temps des matchs de foot d'Arsenal et ne pas rater le début de la seconde période. Walt était devenu écrevisse et avait tapé sur l'avant-bras musclé de Rick en lui disant qu'il était un « gros vilain » et que Sev et Harry n'avaient pas besoin de savoir ça, merci beaucoup.

Harry avait éclaté de rire et répondu qu'ils n'avaient pas la télé puisque pas l'électricité mais qu'il retenait le truc pour le principe.

— Tu penses que ça pourrait le faire pendant qu'un chaudron mijote, Sev' ?

— Je ne suis pas un lapin, Harry. Et comme je ne connais aucune recette de potion qui nécessite un temps de pause ou de mijotage assez long, je ne pense pas que tu pourras obtenir les mêmes avantages que Walt.

Cette fois, ce fut Harry qui se mit à rougir copieusement, ce qui fit rire les trois autres.

Mais le ton était donné : Harry et Severus allaient rentrer chez eux. Enfin… si la maison était en état. Il fallait encore s'en assurer. Severus annonça donc qu'ils allaient se rendre à l'impasse du Tisseur dans l'après-midi. Il était temps pour eux de prendre leur vie en main sérieusement. Ils ne remercieraient jamais assez Rick et Walt, et se promettaient bien de les voir chaque week-end comme avant. Harry et Severus iraient le vendredi soir au Flamant Rose pour passer la soirée, mais également le samedi soir. On déjeunerait ou dînerait en famille, par exemple au restaurant ou invités chez les uns ou les autres. Walt envisageait d'ailleurs très sérieusement de passer son permis de transplanage pour ce faire. Harry, lui, rêvait d'une maison confortable avec tous les aménagements moldus, y compris l'électricité, la salle de bain, la télévision et le téléphone. Ça ne serait pas pour tout de suite, bien entendu, mais un jour… si tout allait bien.

Enfin, il ne fallait pas vendre la peau du demiguise avant de l'avoir attrapé ! Une chose après l'autre. Déjà… avoir un lieu où dormir, manger et faire des potions, ça ne serait déjà pas si mal. Et surtout… surtout… avec un toit qui ne laisse pas passer l'eau et qui ne leur tombe pas sur le crâne à deux heures du matin.

Après le repas, Severus prit la main d'Harry et ils transplanèrent tous les deux, laissant Walt assis sur le canapé et Rick avec Midnight sur l'épaule. Le petit hibou noir s'était pris d'affection pour le grand Moldu et adorait se faire promener ainsi jusque dans le bar où il faisait sensation parmi la clientèle.

Severus avait choisi de transplaner dans l'Impasse du Tisseur juste dans l'espace entre les deux maisons en face de la sienne, là où les anciens propriétaires et locataires rangeaient leurs poubelles. Les deux sorciers levèrent le nez vers le numéro 70 qui était normalement sous un sortilège « ne me remarquez pas » – sauf la boite aux lettres afin que le facteur la trouve.

A leur grande surprise, la toiture autrefois rouge foncé était maintenant bleutée. Les gouttières étaient neuves, y compris la descente qui déversait l'eau dans le caniveau. Les fenêtres, autrefois à guillotine et tellement abimées qu'on ne pouvait plus les ouvrir, avaient été remplacées par des fenêtres à battants portant des petits carreaux en losanges cerclés de plomb à la manière des vitraux. La porte avait été décapée et repeinte en bleu foncé laqué, couleur rappelant un peu celle des tuiles. Un heurtoir argenté en ornait dorénavant le battant.

— Ouaaaah, fit Harry, stupéfait. Il a fait un sacré bon boulot !

— Absolument. Je n'en reviens pas ! Viens, allons voir ça !

Severus traversa la rue en courant. Il voulut appuyer sur la poignée comme autrefois, mais il constata qu'il fallait à présent la tourner. Elle était ronde et assortie au heurtoir. Harry sur les talons, il poussa le battant au large et remarqua qu'elle ne raclait plus la pierre de seuil.

Les deux sorciers restèrent sur le pas de la porte comme figés.

Le vieux plancher avait disparu. De magnifiques lattes de chêne massif posées au point de Hongrie l'avaient remplacé. Les vieux murs, autrefois mal recouverts de chaux et dissimulés par un ancien papier peint beige moisi et pelé, avaient été recouverts de placo peint en blanc. Les étagères minables qui supportaient la collection de grimoires avaient été remplacées par des bibliothèques en acajou dont le bois rouge reflétait les flammes ronflant dans l'insert magique. Un lustre de cristal à huit branches et pampilles était accroché au plafond. Harry remarqua aussitôt les interrupteurs neufs ainsi que les prises de courant. Le vieux fauteuil de Severus avait été remplacé par deux Voltaires en cuir noir qui faisaient face à la cheminée. La lampe de lecture en tôle verte de Severus était toujours là mais dépoussiérée et surtout branchée à une prise. Sur le manteau de la cheminée, à la place de la vieille pendule en formica d'Eileen, il y avait un set en bronze comprenant deux chandeliers et une pendule au socle de marbre. Un long voilage blanc en dentelle garnissait la fenêtre, encadré par deux doubles rideaux en velours anthracite.

Le plafond était différent aussi. Severus remarqua que le plancher au-dessus avait aussi été remplacé et c'est ce qu'il voyait. Les poutres avaient été décapées, traitées et revernies.

La cheminée semblait avoir été ramonée car le tirage paraissait meilleur. Harry se précipita dans la cuisine. Les meubles verts étaient toujours ceux d'Eileen. Ils avaient juste été nettoyés correctement et les poignées remplacées. Le robinet de jardin, mal encastré dans le mur avait disparu et au-dessus de l'évier, à la place, il y avait un robinet à col de cygne, argenté avec un côté eau chaude et l'autre eau froide, comme chez Rick et Walt, et comme chez les Dursley.

Pris d'un doute, Harry se précipita et tourna le robinet d'eau chaude. Il passa sa main sous le jet et poussa un cri de surprise.

— Sev' ! Y a l'eau chaude !

Le potionniste hocha la tête sans rien dire. Il était trop stupéfait. La vieille gazinière moldue d'Eileen ainsi que son frigo avaient été remplacés par leurs équivalents modernes et neufs. La fenêtre au-dessus de l'évier était neuve également et assortie aux autres. Le store de bois avait disparu et un store bateau au tissu rayé vert et gris le remplaçait. La porte vitrée menant dans la cour était neuve et en PVC. Le rideau volé à Dolorès trônait bien entendu dessus.

La peinture gris pâle sur les murs était nouvelle, bien évidemment et le lustre vert opalisé inédit également. Dans un coin de la pièce, un antique carillon Westminster restauré avait été accroché au mur. Severus le reconnut aussitôt. C'était la pendule que sa grand-mère Rogue avait dans son salon quand il était petit. Elle ne fonctionnait plus et Tobias l'avait reléguée dans l'appentis, n'ayant pas trouvé à la vendre. Pourtant elle indiquait l'heure… et on entendait son tic-tac dans le silence. Et comme pour faire mentir Severus, elle sonna alors la demie. Il hocha la tête de satisfaction.

Harry fouillait partout, ouvrant les tiroirs et les placards. Il découvrit de la vaisselle, plus qu'il n'en aurait besoin de toute sa vie. Certes elle ne semblait pas assortie mais il n'en avait rien à faire.

Le Maître des Potions retourna dans le salon. Là où autrefois se trouvait la bibliothèque qui dissimulait la porte menant à l'étage, il y avait un long meuble qui prenait toute la place du sol au plafond et qui était de même facture que celui sur le mur adjacent et qui contenait tous ses livres. Au moment où il s'en approcha, un déclic se fit entendre. La partie centrale du meuble s'avança et se rangea sur le côté sans bruit. La lumière s'alluma automatiquement et les deux sorciers découvrirent un escalier de chêne massif, blond, qui montait vers le premier. A la place du trou noir masquant l'escalier cassé de la cave, il y avait une porte. Peinte en blanc, elle se confondait avec le décor. La main sur la rampe, Severus hésita. Les marches étaient recouvertes d'un tapis vert foncé maintenu sur les contre-marches par des baguettes de laiton ouvragé.

— Monte, Sev. Je veux voir ce qu'il a fait là-haut, murmura Harry, la bouche sèche.

Lentement, ils grimpèrent l'escalier. Il ne bougeait pas sous leurs pieds. Le plancher du palier avait aussi été remplacé par des lattes cette fois-ci plus fines et droites. Les murs, recouverts de placo, tout comme le plafond, étaient aussi peints en blanc. Une ampoule se balançait sur son fil au centre du plafond décoré d'une petite rosace sculptée qu'Harry devina en PVC ou autre du genre. Il en avait déjà vu dans le magasin de bricolage où Pétunia l'avait un jour traîné. Ils n'auraient qu'à y mettre un lustre un jour, Dobby n'ayant pas dû en avoir trouvé un à son goût.

Les portes étaient neuves. Severus ne reconnaissait aucune d'entre elles. A sa gauche, c'était normalement le labo de potions. Il regarda Harry, la bouche pincée. Celui-ci lui hocha juste la tête, lui indiquant de pousser la porte.

Le Maître des Potions ouvrit doucement la porte en retenant son souffle. Sa main trembla légèrement sur la poignée. Il se souvint alors de la vision d'horreur qu'il avait eue en découvrant la dévastation de l'été précédent. Il avait appris après coup qu'un violent orage accompagné de fortes rafales avait enlevé plusieurs toits dans le quartier. Et évidemment, tous ces toits appartenaient à de vieilles maisons mal entretenues comme la sienne…

La pièce qu'il découvrit à la place n'avait plus rien à voir. Le plancher était neuf, le même que celui du palier. Les murs doublés de placo avaient été recouverts de carrelage blanc jusqu'à mi-hauteur et le reste était peint en blanc comme presque toutes les autres pièces. Une grande table carrelée se tenait au centre. Dans un coin, un évier en inox avec son robinet voisinait avec un haut meuble de bois blanc vitré pour le moment vide. La pièce semblait avoir… rapetissé, c'était bien étrange. Severus se retourna et vit une porte identique à celle qu'il venait d'ouvrir. Il la poussa suivi par Harry. Il y faisait sombre et il sortit sa baguette de sa poche pour l'allumer mais le Gryffondor fut plus rapide. Il glissa sa main le long du mur et appuya sur l'interrupteur qu'il sentit sous ses doigts.

Et la lumière fut… Au plafond un large disque blanc émettait une lumière crue. Les murs blancs étaient carrelés de blanc et noir en damier. Les deux sorciers virent un lavabo blanc à colonne surmonté d'un miroir rectangulaire lumineux. A côté, il y avait des toilettes avec la chasse d'eau comme dans les habitations modernes. La cuvette était blanche avec un abattant noir. Les accessoires comme le porte-serviette et le porte-papier toilette étaient noirs également. Derrière eux, il y avait une cabine de douche en verre… Dans cette pièce, le plancher avait été vitrifié pour ne pas être abimé par l'humidité. Harry se tourna dans tous les sens, extasié.

— Sev' ! Une salle de bain ! Il nous a fait une vraie salle de bain !

Leurs regards se croisèrent et ils se ruèrent vers la dernière pièce non visitée : leur chambre à coucher.

Harry fut plus rapide et ouvrit la porte à la volée, Severus sur les talons.

— Par la barbe de Merlin… Sev', regarde ça.

— Je vois, Harry. Je vois…

La chambre avait, comme les autres pièces, eu son plancher remplacé. Dobby avait mis dans cette pièce le même parquet en point de Hongrie que dans le salon. Les murs revêtus de placo étaient cette fois peints en beige clair, ce qui faisait ressortir le bois foncé de la chambrée achetée si cher chez Merlin Design. La fenêtre était identique à toutes celles de la maison. Elle était dissimulée par un voilage de lin blanc tombant jusqu'au sol et accroché à une double barre de bois foncé vernis. Une paire de lourds doubles rideaux de velours de soie marron encadrait la croisée. Le soir, ils devaient remplacer les volets que cette pièce n'avait jamais eus, Severus ignorait pourquoi sa maison n'en avait pas, alors que celles identiques des voisins en étaient munies. Une épaisse couette recouverte d'une housse blanche en broderie anglaise ornait le lit avec deux énormes oreillers assortis. Au mur, des affiches magiques représentant des anciennes publicités pour des potions étaient encadrées et les voir fit sourire Severus. Un lustre de fer forgé à trois branches et ampoules en forme de flamme ornait le plafond et un épais tapis crème à longues mèches réchauffait le plancher. Posé contre le mur, un curieux radiateur à roulettes était branché. Harry reconnut un bain d'huile comme celui que Mrs Figg avait chez elle. Il s'approcha du lit et passa sa main sur la broderie anglaise.

— C'est magnifique, Sev'rus. Dormir dans cette pièce va être un pur bonheur. Tout comme se laver dans la salle de bain… ou bien aller faire pipi à deux heures du matin.

— Que dirais-tu de baptiser cette chambre, Harry ? suggéra le Serpentard avec un faux air innocent.

— Je dirais, cher Professeur Rogue, que c'est une excellente idée. Que diriez-vous d'étrenner ce beau tapis ? Après tout, pourquoi ça serait à Walt d'avoir les meilleurs souvenirs ? répondit le Sauveur en déboutonnant son pantalon et en le faisant glisser sur ses jambes poilues.


Assis dans la cuisine devant une tasse de thé, Severus et Harry reprenaient des forces, une assiette de tritons au gingembre posée entre eux. Le plus âgé venait de recevoir un hibou de Maître Shield et la commande était encore plus importante que la précédente. C'était formidable pour leurs finances, bien évidemment. Il allait falloir envoyer sous peu Hedwige au ravitaillement chez Slug & Jiggers, le contenu des bocaux diminuant à vue de nez. Mais un hibou inconnu frappa au carreau de la cuisine, porteur d'un rouleau de parchemin orné du fameux et redouté sceau ministériel.

— Qu'est-ce qu'ils nous veulent encore ces guignols ? pesta Harry en quittant sa chaise pour aller ouvrir la porte donnant sur la cour.

A peine libéré de son rouleau, le rapace reprit son envol et en frissonnant, le jeune sorcier se dépêcha de retourner au chaud. Le rouleau leur était adressé à tous les deux. Les maudits homophobes savaient donc qu'ils étaient ensemble. Bizarre… Ou alors, hasard ?

Severus tendit la main et Harry lui remit le parchemin sans chercher à l'ouvrir. Il se rassit, reprit un triton et porta sa tasse de thé à ses lèvres. Le sceau sauta rapidement et le parchemin fut déroulé.

— Et allez-donc ! marmonna le potionniste, furieux.

— Qu'est-ce qu'ils nous font encore comme crasse ?

— Dans une semaine, soit le lundi 26 janvier, nous devrons nous présenter à Sainte-Mangouste avec ce parchemin, tous les deux, afin d'effectuer notre mois de Travaux d'Intérêt Magique. Comme si je n'avais que ça à faire ! pesta Severus.

— Ouais, et gratis bien entendu. Les charognards !

— Harry, je vais prévenir Albus. Je dois faire le plus de potions possibles pour Shield et je vais avoir besoin d'aide. Je sais que Dobby ne connait rien aux potions, je lui ai déjà posé la question l'été dernier. Albus aura peut-être un Elfe à me prêter qui en serait capable.

— A la limite, je peux t'aider pour préparer les ingrédients, mais pas plus, tu sais bien, proposa Harry gentiment.

— Je sais, et crois-moi j'apprécie, mais tu as pris du retard sur ton programme de révision de tes ASPICs et ce mois d'exploitation ne va pas nous aider. J'appelle Albus par cheminette, ensuite faut qu'on rentre chez Rick et Walt.

— On revient ici demain pour de bon ?

— Oui, soupira Severus. On ne va pas avoir beaucoup de temps pour en profiter. Avec tout le boulot qu'on va avoir… Encore heureux que Dobby ait fait cet excellent travail.

— Il faudra lui dire, Sev', qu'il a bien bossé. Il a été viré par Narcissa Malefoy pour incompétence.

— Incompétence ? N'importe quoi ! Cet Elfe est l'un des plus efficaces que j'ai vu de toute ma vie ! Nous le lui dirons. Mais là… Albus !

Une poignée de poudre verte fut rapidement jetée dans les flammes et l'adresse donnée ainsi que le mot de passe personnel de Severus. De cette façon, le Directeur savait qui appelait et ne faisait pas semblant d'avoir raté l'appel…

— Severus ! Comment allez-vous mon petit ? Vous êtes rentré chez vous ?

— Nous visitions, Albus. Dobby a fait un travail absolument remarquable ici. Je n'en reviens pas. Cet Elfe est absolument incroyable. Il a refait la maison de la cave au grenier comme on dit.

Harry en l'entendant songea que la cave n'avait pas été visitée et que Severus avait fait comme si elle n'existait pas. Mais lui, il n'allait pas se gêner pour aller explorer ce lieu maudit. Quand il serait seul, bien entendu.

— … Ministère me fatigue ! Je dois me présenter le 26 à Sainte-Mangouste avec Harry pour notre mois d'esclavage et d'exploitation éhontée. Mon travail ici va prendre du retard. Sans compter les études d'Harry, il a un retard qui sera difficile à rattraper.

— Il vous reste encore une semaine pour stocker vos potions, mon garçon. Vous avez tout ce qu'il vous faut ?

— A ce propos, Albus, auriez-vous un Elfe compétent en potions à me prêter pour m'avancer ?

— Je veux bien vous prêter un Elfe, Severus. Mais je ne connais pas leurs capacités personnelles. Vous devriez interroger Dobby. Je pense qu'il pourra vous aider. Il doit sûrement en connaître un qui fera votre affaire.

— Merci, Albus.

— De rien, Severus, de rien. J'espère que tout va bien aller à Sainte-Mangouste et qu'ils ne vont pas s'en prendre à vous… Soyez prudents là-bas, surtout. On ne sait jamais. Ah, j'oubliais, j'ai décidé de donner des cours du soir à Argus qui est très désireux d'apprendre. Entre quinze et dix-sept heures chaque jour de la semaine. Je me demandais si Walter n'aurait pas envie de nous rejoindre pour prendre les mêmes cours ? Je lui enverrai sans problème Fumseck pour le transport. Pouvez-vous lui demander si ça l'intéresse ?

— Je vais lui demander en rentrant, mais je pense qu'il acceptera, il est très désireux d'apprendre également.

— Merveilleux ! J'attends de vos nouvelles.

— Je vous laisse, Albus, nous devons rentrer à Londres. Je verrai avec Dobby pour l'Elfe. A bientôt. Harry vous salue aussi.

La communication coupa et les flammes redevinrent vertes. Harry, qui écoutait debout près de la porte de la cuisine, montra tout le bien qu'il pensait de leur futur mois de travaux forcés.

— S'en prendre à nous ? Qu'ils essaient ! J'ai bien envie de leur pourrir la vie avant qu'ils ne nous pourrissent la nôtre ! On verra qui pourrira l'autre et sera le plus infernal !

Severus s'immobilisa et son regard fixa un point devant lui sans paraître le voir. Un petit rictus sournois se dessina et un sourcil se leva lorsqu'il tourna la tête lentement vers Harry.

— Je connais cet air-là, s'amusa le Sauveur. Toi, tu as une idée, et je sens que c'est un trèèèèès mauvais coup, pire que les Maraudeurs ou les jumeaux Weasley !

— Tu m'as donné une idée, Harry. Nous allons les pourrir, oui. Tu n'as aucune d'idée de ce qu'ils vont avoir à subir. Prends ta cape, faut qu'on rentre, je te raconterai ça. Tu vas adorer, je le sens…

Harry, qui ignorait encore toute l'affaire, lui fit un large sourire ravi. Il prit la main de Severus qui le plaqua contre sa poitrine et ils transplanèrent jusque dans le salon au-dessus du Flamant Rose. Maintenant, il fallait aussi leur annoncer qu'ils partaient un peu plus vite que prévu et faire les bagages.


— Si… si je veux aller à Poudlard pour apprendre ? Mais bien sûr que je veux y aller ! Bon sang, j'en rêve depuis que je suis tout gosse.

A la demande de Severus, Walt avait bondi. Evidemment qu'il voulait y aller. Lui demander ça, c'était comme demander à un assoiffé s'il voulait un verre d'eau.

— Ce sont des cours du soir, ou plutôt ici de l'après-midi : deux heures chaque jour entre quinze et dix-sept heures, du lundi au vendredi. Tu serais avec un autre ancien Cracmol, le vieux concierge de l'école qui a aussi été réparti à Serpentard.

— Parfait, affirma Walt en hochant la tête. Je dois apporter quoi, tu penses ?

— Ta baguette pour commencer. Ensuite, Albus vous listera ce dont vous aurez besoin et qu'il vous faudra vous procurer. Tu as déjà tous les livres de première année puisqu'Harry t'a donné les siens. Il faudra juste que tu achètes certains ouvrages qui servent pour toute la scolarité car Harry va avoir besoin des siens. Je pense ici à l'ouvrage de Phyllida Augirolle, Mille Herbes et Champignons Magiques, notamment.

— Pas de problème. Quand j'aurai la liste des fournitures, j'irai avec Harry acheter ce qui me manquera, comme parchemin, plumes et encre, je suppose.

— N'oublie pas que les cahiers moldus et les stylos à bille ou à encre ne sont pas autorisés…

— Je sais, soupira Walt. Je n'ai pas oublié.

— Parfait. On va devoir rentrer chez nous demain matin. J'ai un boulot de fou, et lundi on doit se présenter à Sainte-Mangouste, Harry et moi, pour notre mois de Travaux d'Intérêt Magique.

— Ça consiste en quoi ? demanda Rick tout-ouïe.

— Pendant un mois, on va bosser gratuitement pour le compte du Monde Magique, en punition pour être gays.

— C'est lamentable, gronda Rick, les poings serrés.

— Totalement, soupira Harry, mais le parchemin de convocation est très clair. Si on n'y va pas, ce sera Azkaban. Et les connaissant, ils seraient bien capables de nous y enfermer et de jeter la clé.

— Bon. C'est votre dernière soirée et nuit ici avant un bon moment, si je pige bien. Donc, faut en profiter ! Apéro ? Vous prenez quoi, les mecs ? Walt, poussin, je te sers un p'tit porto ou tu veux un Mojito ?


Severus savait qu'il avait oublié quelque chose. Depuis qu'Harry et lui avaient quitté l'appartement de Rick et Walt ce matin-là, il avait passé tout son temps à prendre possession de son labo de potions. Les chaudrons, les touilleurs et autres accessoires trônaient à l'abri de la poussière dans l'armoire vitrée. Les étagères blanches qui couraient le long des murs et qu'il avait à peine remarquées la veille, débordaient à présent de bocaux d'ingrédients. Un bec bunsen magique (fonctionnant sans gaz…) était posé sur la table carrelée avec un gros chaudron taille 4 plein d'eau, prêt pour la prochaine potion. Une des anciennes bibliothèques du salon rangées par Dobby dans l'appentis avait été récupérée, nettoyée et repeinte par magie pour y placer réserve de fioles, flacons vides et surtout grimoires de recettes et cahiers de notes.

Harry, il l'entendait, chantonnait – faux – dans la cuisine. Dobby avait apporté le matin même des Tupperwares magiques pleins provenant des cuisines de Poudlard et Harry était en train de les ranger par catégories dans le frigo neuf. Il avait d'ailleurs annoncé qu'il adorerait un micro-onde à présent qu'il y avait l'électricité et une cuisine fonctionnelle. Une heure après, un carton Samsung, contenant un micro-onde argent s'était matérialisé sur la table ! Dobby avait entendu le souhait et l'avait exaucé. Cet Elfe était un vrai Père Noël. Il fallait dire qu'il avait particulièrement apprécié les félicitations et remerciements des deux sorciers pour son efficacité à restaurer la maison.

Dobby ! Mais oui ! Albus lui avait dit de lui demander pour l'Elfe assistant.

— DOBBY ?

Un pop se fit entendre aussitôt et ledit Dobby apparut avec son short, son pull Weasley et ses bottes de pluie roses à pois.

— Que peut faire Dobby pour Maître Rogue, Monsieur ?

— Dobby, le Professeur Dumbledore pense que tu peux m'aider. J'ai besoin d'un Elfe connaissant les potions pour m'aider cette semaine. Il accepte de m'en prêter un mais ne connait pas leurs capacités personnelles pour en choisir un. Donc, connais-tu un Elfe de Poudlard qui correspondrait à cette description ?

— Oui, Maître Rogue. Dobby connait une Elfe qui sait ses potions, Monsieur. Mais elle n'est pas en très bonne santé. Elle est libre et ça ne lui convient pas. Elle a besoin d'être liée à un vrai maître sinon Dobby pense qu'elle ne survivra pas, Monsieur.

— Elle est vraiment capable ?

— Sa défunte Maîtresse adorait faire des potions pour son plaisir et pour sa famille, Maître Rogue, Monsieur. Et elle lui a tout appris.

— Parfait. Si elle est capable, je verrai pour la lier à notre famille, Dobby. Appelle-la !

— Dobby appelle, Maître. WINKY !


1 Gros cylindre creux à combinaison permettant de dissimuler un document à l'intérieur.

2 Soit 1750 £ ou 1983,91 € au jour de l'écriture du chapitre