Elfe Bêta : Mokonalex


Au Terrier, chez les Weasley, la vie avait tranquillement repris son cours. Les fêtes de fin d'année s'étaient relativement bien passées et Ron était retourné à Poudlard depuis longtemps, après son précédent renvoi de deux semaines.

Tout semblait donc aller pour le mieux…

Molly régentait sa tribu d'une main de fer – quand elle était présente. Arthur n'ouvrait que rarement la bouche, sauf si ce qu'il entendait lui déplaisait fortement. Bill et Charlie n'étaient pas rentrés pour Noël ni le premier de l'an, prétextant un travail de fou pour l'un et de nouveaux dragons très dangereux qu'il fallait mater pour le second. Percy retournait au bercail chaque week-end et ne parlait que de l'importance de son travail. Les jumeaux, comme les aînés, avaient prétexté être débordés avec leur magasin – ce qui n'était pas faux – et ne s'étaient pas montrés. Ron et Ginny avaient passé les vacances à la maison et les deux réveillons avaient été l'occasion d'agapes avec les deux grands-tantes : Muriel Prewett et Tessy Weasley.

Personne n'avait fait de vagues parce qu'officiellement tout le monde pensait la même chose : inutile de radoter.

Ah si, juste deux jours avant Noël, Molly avait rencontré Dedalus Diggle sur le Chemin de Traverse et ils avaient papoté comme deux vieux amis, jusqu'à ce que le nouveau Comité de Bienséance leur demande leur lien de parenté et ne mette fin à leur discussion. Ce comité avait beaucoup étonné Molly qui n'avait pas lu la Gazette du Sorcier ces dernières semaines, mais elle avait approuvé de tout cœur cette initiative.

La rouquine avait eu quand même le temps d'apprendre que Dedalus avait aperçu Harry Potter dans le Monde Moldu. L'Indésirable n°1, comme il était depuis peu surnommé officieusement, sortait d'un magasin moldu appelé supermarché avec plein de sacs de courses, et il était accompagné par un homme pas plus grand que lui et très mince. Ce n'était absolument pas Rogue qui était, lui, très grand. Molly avait raconté l'anecdote à Arthur lorsqu'il était rentré après sa journée. Elle en avait même rajouté une couche, déclarant que ce petit vaurien indécent avait certainement abandonné son complice et en avait choisi un autre.

Arthur n'avait absolument pas réagi. Il s'était contenté d'avaler le contenu de son assiette en hochant la tête et en émettant un vague grognement à intervalles réguliers, histoire d'avoir la paix. Son attitude passive avait semblé convenir à Molly, qui, une fois son sac vidé, était passée à autre chose et avait déversé son venin sur Lucius Malefoy, aperçu au Chaudron Baveur avec un épais dossier marqué Gringotts, et qui entrait dans un salon privé. Pff ! Encore en train de magouiller pour ruiner quelque brave sorcier ou sorcière. Du gibier pour Azkaban, celui-là aussi !

A Poudlard, le petit tour joué à Dolorès Ombrage par Miss Octopus, la bibliothécaire remplaçante, quelques mois auparavant, avait eu des conséquences fâcheuses. Enfin, surtout pour elle…

Traumatisée par les Petits Poneys, elle avait été retrouvée hagarde et errante sur les terres de Poudlard par les Elfes du château. Devant son état, Poppy Pomfresh avait dû faire appel au célèbre Sigmund Pavlov, psychomage et Guérisseur-En-Chef du Service de Psychomagie de Sainte-Mangouste. Après concertation avec son éminent collègue Antonius Prozac, par ailleurs grand-oncle de Luna Lovegood de Serdaigle, Pavlov avait fait admettre Ombrage dans son service où son état donnait toutes les inquiétudes. On craignait qu'elle ne se remette jamais de son aventure. Elle passait de l'apathie la plus totale à des crises de délires aigus où elle hurlait « Des p'tits poneys ! Des centaures ! » et où elle ordonnait et suppliait qu'on les tuât. Personne ne comprenait ses délires ni les raisons de ces exigences. Et si quelqu'un y pigeait quelque chose, il se gardait bien de s'en vanter…

Ce drame avait donc privé, pour un temps indéfini, Poudlard de sa Grande Inquisitrice. Dumbledore avait, à la suite du remplacement de Miss Octopus qui s'était achevé vers Noël avec le retour de Madame Pince, remercié la jeune noire de ses excellents services. Il lui avait fait un élogieux certificat et avait en plus raconté à Cornélius Fudge que cette jeune personne très compétente avait rendu un fier service à l'école. Fudge, qui avait, sans y prêter beaucoup d'attention, autorisé son embauche, avait été très satisfait des remerciements et éloges de Dumbledore quant à « son choix ». Comme s'il en avait été responsable…

Le Ministre s'était rengorgé et avait accepté les remerciements avec un air magnanime, en se demandant un moment qui était cette remplaçante et d'où elle venait. Bah ! Il était tellement occupé, il voyait tant de monde, il ne pouvait pas se rappeler de tous. Si son choix avait été parfait, tant mieux ! Une bonne chose de faite !

Toute l'école ou presque s'était réjouie du départ d'Ombrage. Un enseignant né-moldu avait été engagé pour la remplacer au cours d'Etude des Moldus et le pauvre avait eu de la misère à réparer les dégâts et à détromper les élèves n'ayant appris que des stupidités et des choses erronées. Non, les Moldus ne se battaient pas avec des arcs et des flèches, ils ne dormaient pas dans des grottes et ne mangeaient pas leurs nouveau-nés ! (Mais d'où ces bêtises pouvaient-elles bien sortir ?)

Les seuls à avoir regretté son départ furent bien évidemment les membres de sa Brigade Inquisitoriale. Privés de leur tête pensante et chef, les mini-inquisiteurs s'étaient au début calmés, ne sachant que faire. Par défaut, le plus gradé des membres devenait leur chef et c'était Drago Malefoy. Celui-ci, depuis l'affaire avec son parrain, se tenait à carreau car encore un peu sous le choc. Il n'était pas idiot et les sanctions contre Ronald Weasley – qui à ce jour couraient toujours et l'envoyaient en retenue quotidiennement – l'avaient fait réfléchir et faire profil bas, le temps que les choses se tassent un peu. Ce retrait volontaire du blondinet avait boosté Ron qui avait donc décidé que lui seul était digne d'assumer cette fonction, le temps que la Dame en Rose revienne.

Le Gryffondor s'était donc mis à faire du zèle. Seul ou le plus souvent accompagné d'Hector Chambers de Serdaigle, il patrouillait dans les couloirs, cherchant et traquant le moindre contrevenant. Tout était passé au peigne fin, que ce soient les tenues vestimentaires non réglementaires, les distances entre les personnes – du même sexe ou pas – et par Merlin, même les conversations étaient espionnées ! Rire trop fort pouvait faire valoir une punition également.

En bref, dès que Ron Weasley apparaissait dans un couloir, avec sa mine revêche, ses yeux méchants et ses robes d'occasions, tout le monde fuyait comme une envolée de moineaux. Le rouquin avait appris à sa très grande surprise que de se moquer de Rusard et de s'attaquer à lui ou ses biens n'était pas – plus – une bonne idée. Le vieux concierge que tout le monde disait Cracmol avait un jour sorti sa baguette de sa poche alors que Ron venait de décocher un coup de pied à Miss Teigne en passant et il lui avait envoyé un sérieux Maléfice Cuisant, digne des sorts de Molly dans ses grands jours. Le rouquin avait dû dormir sur le ventre pendant tout le week-end et il avait boité pendant presque cinq jours. Humilié, il avait refusé de consulter Poppy Pomfresh et Hermione n'étant plus là pour lui donner un remède quelconque, il avait dû attendre que ça guérisse tout seul.

Donc maintenant, méfiance ! Le « vieux con » n'était pas un Cracmol, finalement ! Ce grigou devait faire semblant depuis des années afin qu'on ne se méfie pas de lui. Pfff ! Ça se paierait un jour, foi de Ron.

Quelques élèves s'étaient plaints à leurs Directeurs de Maison. Minerva McGonagall, qui ne s'occupait pas de ses élèves habituellement, n'intervenait que lorsque le désordre risquait de porter atteinte à sa Maison. Quand Seamus Finnigan, nouveau Préfet des Gryffies, était venu lui dire que des premières années pleuraient et réclamaient à rentrer chez eux car terrifiés, elle avait tiqué et demandé des explications d'une voix sèche. Seamus avait donc raconté à Minerva que ces enfants nés-moldus étaient traités de monstres et d'anormaux par les deux Weasley. Ginny avait même eu l'audace de leur demander si leurs parents étaient frère et sœur, car selon elle, c'était écrit dans le cours d'Etude des Moldus.

Les bras lui en étaient tombés, comme on disait. Jamais elle n'aurait pensé que Dolorès pouvait enseigner des choses aussi terribles et Albus en avait été avisé immédiatement. Les quartiers de Dolorès avaient été inspectés après que le Professeur Hamish McCallum eut confirmé les dires des élèves. Il en rajouta même une couche en leur révélant ce qu'il avait pu constater en corrigeant leur premier devoir « les différentes habitations moldues que vous connaissez ». Il avait expliqué à Dumbledore qu'il s'attendait à ce qu'on lui parle d'immeubles de ville, de cottages campagnards, de manoirs et châteaux ainsi que d'habitations mobiles comme les caravanes et tentes de camping, ce genre de choses. A la place, on lui avait parlé de grottes, de cabanes en bois et feuilles, de trous dans la terre… Le pauvre homme avait halluciné. A croire que cette idiote n'avait jamais mis un pied en dehors de son domicile.

Les preuves avaient été trouvées sous forme de parchemins rédigés par Dolorès et les nombreux brouillons indiquaient qu'elle avait fait exprès de leur raconter n'importe quoi…

Le contrat de l'incapable en tant que professeur avait été cassé définitivement. Comme il était peu probable que son état de santé lui permette de revenir, on était tranquilles de ce côté-là.

Un budget d'urgence avait été voté pour que le pauvre Professeur McCallum puisse organiser une visite du Londres moldu avec tous les élèves inscrits à son cours quelque soit leur année. Il y en avait si peu que ça n'allait pas être bien compliqué à organiser : le train, puis le métro, la visite de rues commerçantes, d'une bibliothèque, quelques courses dans un supermarché, un repas au McDonald ou enseigne du même genre, une promenade en autobus à impériale et tout rentrerait dans l'ordre. Dumbledore lui-même vint s'entretenir avec les premières années choqués par les médisances de Ginny. Il leur expliqua qu'il ne fallait pas y faire attention et que ce n'étaient que des méchancetés et que Ginny serait punie. Albus n'était pas dupe. La chipie l'avait fait exprès car elle connaissait très bien le Monde Moldu. Arthur en était friand et y conduisait souvent sa famille. Par Merlin, il possédait même une voiture et son permis de conduire ! Quelques retenues et un sermon du Directeur calmèrent Ginny. Il ne se gêna pas pour lui rappeler ses précédentes mises en garde. Si elle continuait à semer le trouble, elle rejoindrait le Terrier comme son frère. Et si ça ne suffisait pas, elle perdrait également sa place dans l'équipe de Quidditch.

Cette menace particulière eut un effet positif sur la petite peste. Et on n'entendit plus trop parler d'elle dès ce jour-là. Molly reçut un hibou de Minerva lui expliquant l'affaire, mais curieusement aucune beuglante ne vint pour menacer la contrevenante, contrairement à autrefois quand les jumeaux faisaient les quatre cents coups. Le staff était donc sur le qui-vive en ce qui concernait les enfants d'Arthur encore présents à l'école.

Ron commit pourtant une très grave erreur. A la fin du mois de janvier, il trouva une fin d'après-midi à l'heure du dîner deux élèves de 3ème et 4ème année qui papotaient avec animation dans le Grand Escalier en se dirigeant vers la Grande Salle. Katrina et Duncan O'donnell étaient cousins germains et très proches. La fille était à Poufsouffle et le garçon à Serdaigle. Ils ne s'étaient pas croisés de la semaine et n'avaient pas eu l'occasion d'échanger quelques nouvelles. Ron n'apprécia pas du tout qu'au moment de se séparer pour prendre place à leurs tables respectives, les deux enfants aient ri et échangé une brève accolade très fraternelle. L'inquisiteur en herbe lança un violent Everte Statum sur le garçon qui vola dans le décor, heurtant la lourde table des Gryffondors devant laquelle il se trouvait. On entendit nettement le bruit des os qui craquaient lorsque son dos entra en contact avec le bois. L'enfant chuta sur le sol dallé, s'ouvrant le crâne par la même occasion. Alors que des cris d'horreur se faisaient entendre, la fillette hurla et voulut se précipiter au secours de son cousin. Elle fut arrêtée dans son élan par un Immobulus qui la figea telle une statue.

Les Préfets présents bondirent de leurs bancs pour porter secours aux jeunes élèves. Seamus Finnigan qui était le plus proche lança un Stupefix à Ron qui s'écroula sur les dalles lui aussi.

— Vicky ! Va chercher un prof, le premier que tu trouves !

Victoria Frobisher prit aussitôt ses jambes à son cou et se rua dans l'antichambre par laquelle les enseignants entraient dans la Grande Salle, tandis que la Préfète de Chourave grimpait l'escalier pour prévenir Madame Pomfresh. Filius Flitwick et Horace Slughorn furent les premiers que Vicky trouva en entrant dans la petite pièce sans fenêtre. En quelques mots, elle expliqua le problème et surtout qui était le responsable et les deux sorciers coururent aussi vite qu'ils le purent, gênés l'un par sa très petite taille, l'autre par son obésité.

Le Professeur Slughorn était, de par sa fonction, celui qui avait le plus de connaissances médicomagiques dans la pièce. Le temps que Poppy prenne sa cheminette pour arriver dans celle de l'antichambre, il faudrait quelques minutes. Le temps était précieux.

— Allons ! Ecartez-vous, les enfants ! Faites place, il faut de l'air ! Filius, occupe-toi de la petite fille, je m'occupe de Monsieur O'donnell d'ici que Poppy arrive.

Tandis que le Professeur Flitwick mettait fin au sort immobilisant Katrina, Horace avait lancé un sort de diagnostic sur le jeune Duncan. Il pesta en voyant les résultats s'afficher sur le parchemin suspendu en l'air devant lui. Poppy n'allait pas du tout aimer ça… C'était bien trop grave pour être traité à Poudlard. L'enfant devait être envoyé à Sainte-Mangouste.

Poppy Pomfresh sortit en courant de l'antichambre, sa sacoche à la main. Lorsque Hannah Abbot, préfète de Poufsouffle, avait pénétré hors d'haleine dans l'infirmerie pour lui expliquer le drame en cours, la médicomage avait aussitôt envoyé son Patronus au Directeur. Une telle agression par un élève déjà sur la sellette ne pouvait être passée sous silence. Poppy s'était ensuite ruée dans sa cheminette pour arriver plus vite dans la Grande Salle.

Elle venait à peine de sortir de l'antichambre qu'Albus surgissait de la cheminette et la suivait. Les élèves s'étaient assis à leurs places, n'osant parler, se doutant que ce qui se passait sous leurs yeux était gravissime. Lavande Brown et Parvati Patil, toutes deux au bord de la nausée, soutenaient qu'elles avaient entendu les os de Duncan O'donnell craquer lorsqu'il avait heurté leur table. Cette déclaration fut entendue par Poppy qui lisait le parchemin de diagnostic d'Horace.

— Que se passe-t-il ici ? demanda Albus en se précipitant vers le petit groupe.

Le vieil homme remarqua Katrina que Filius tentait de consoler et calmer. Ernie McMillan, un des Préfets de Poufsouffle, était allé chercher Madame Chourave, et celle-ci, ayant encore sa blouse de jardinage, ses gants et ses cache-oreilles, trottinait à sa suite, essoufflée, le visage rouge et la main sur le cœur afin de tenter de calmer ses battements. Filius confia la fillette à sa Directrice de Maison et les Poufsouffles leur firent une place à leur table. Hannah leur servit des verres d'eau et le Professeur Chourave, Katrina serrée contre elle, ne rata pas une miette de ce qui se passait à quelques mètres.

Seamus Finnigan expliqua en quelques mots toute l'affaire à Dumbledore, lui faisant remarquer que personne n'avait énervaté Ron. On préférait éviter, il était vraiment trop violent et incontrôlable.

— Albus ! appela Poppy Pomfresh.

Le vieux sorcier s'excusa auprès de Seamus et rejoignit la Médicomage. Celle-ci, baguette au point, avait lancé un autre sortilège de diagnostic plus puissant que celui d'Horace. Le résultat n'était guère encourageant. Le visage fermé, elle annonça que l'enfant avait la colonne vertébrale brisée, et pour le moment, maintenue en position par un sort spécifique. Il était impossible de bouger O'donnell sans une coquille médicomagique et donc il fallait appeler Sainte-Mangouste. Elle avait refermé la plaie à la tête et espérait qu'il n'y aurait pas non plus de séquelles de ce côté-là.

— Le dos brisé ? Par Merlin… quels sont les risques, Poppy ?

— Comme pour les Moldus, si la moelle épinière se sectionne, il perdra l'usage de ses jambes. Je ne peux pas le bouger sans un équipement adéquat.

Ce fut à ce moment-là que Minerva entra dans la Grande Salle, prévenue par le portrait de la Grosse Dame, elle-même avisée par Violette, sa grande amie dont le portrait trônait justement dans l'antichambre et qui avait tout entendu.

— Comment va-t-il ? demanda-t-elle aussitôt en regardant le garçon toujours allongé sur le sol dallé, dans la position où il était tombé.

— Pas bien, je le crains, marmonna Albus. Poppy est partie prévenir Sainte-Mangouste.

— Qui est responsable ? La Grosse Dame n'a pas su me dire.

Albus lui désigna d'un mouvement méprisant du menton le rouquin stupéfixé étalé par terre.

— Encore lui ? Je n'en peux plus de cet idiot ! Je demande son renvoi, Albus ! Il met en permanence la zizanie dans notre Maison. C'est intolérable ! Lui et la petite brigade de choc de Dolorès sont absolument incontrôlables ! J'exige des sanctions !

A la table des Serpentards, les membres de la Brigade Inquisitoriale n'en menaient pas large. Ils ne voulaient pas être associés aux méfaits de cet imbécile de belette. A voix basse, Drago Malefoy venait de leur faire la leçon.

— Les mecs, pas un mot ! Si on vous demande, vous ne cautionnez pas cette action ! Personne n'a rien à nous reprocher. Weasley est ingérable depuis un moment, il paiera tout seul pour ses conneries.

— Ouais, depuis que Potter et Rogue sont partis, il se prend pour Merlin revenu sur Terre. Moi j'aimerais bien que Madame Ombrage revienne, elle saurait quoi faire, elle, chuchota Millicent Bulstrode à son intention.

— Père m'a dit qu'elle n'allait pas bien du tout, répondit Drago après un soupir. Il pense qu'elle ne reviendra pas. Il m'a dit aussi qu'il allait en glisser un mot à Fudge pour avoir un remplaçant. Il nous faut un Grand Inquisiteur.

— Ouais, enchérit alors Pansy en regardant l'équipe d'urgence de Sainte-Mangouste entrer dans la Grande Salle. Il nous en faut un, rien que pour qu'il vienne à bout de ce crétin de rouquin. Si O'donnell meurt, la Brigade sautera.

— Et la belette finira à Azkaban ! assena Théo Nott avec un air vicieux.


« L'accident » de Duncan O'donnell fit Cornelius Fudge bouger ses fesses. Poussé par Lucius Malefoy, il nomma sur le champ Corban Yaxley comme Grand Inquisiteur. Selon le noble aux cheveux blond platine, c'était un sorcier énergique et de toute confiance, qui serait capable de faire régner l'ordre, la discipline et la bienséance à Poudlard. Ce triste évènement était la preuve qu'on ne pouvait pas laisser l'école sans Grand Inquisiteur.

Cornelius abonda sans difficulté en son sens et il signa aussitôt la nomination de Yaxley à ce poste « prestigieux » comme disait hypocritement Malefoy. Fudge s'en lavait les mains à présent, de ce qui pouvait se passer à Poudlard. C'était maintenant le boulot de Yaxley. Lui, il avait bien assez à faire avec cette nouvelle affaire dont on parlait sur le Chemin de Traverse. Le bruit courait qu'une potion pour rendre leur magie aux Cracmols venait de faire son apparition. Certains paniquaient (ceux qui n'avaient hérité que parce que leur aîné n'avait pas de magie) et d'autres voulaient des infos : où trouver la potion et combien coûtait-elle, car ils avaient un enfant sans magie et voulaient à tout prix le guérir et l'envoyer à Poudlard, même tardivement. Timeus Travers lui avait certifié que le recensement automatique avait listé de nouveaux sorciers, notamment deux enfants domiciliés Allée des Embrumes et qui venaient d'intégrer Poudlard. Six adultes étaient aussi nommés, mais on n'avait pas encore retrouvé leurs traces car ils vivaient dans le Monde Moldu. On avait interrogé les mères des deux enfants mais elles n'avaient pu donner aucun renseignement. Un sorcier inconnu avait offert aux enfants de se partager un flacon de potion. Non, elles ne savaient pas qui c'était. Et une seule fillette, celle qui avait reçu le flacon, l'avait vu et lui avait parlé. Elle ignorait son nom et n'avait pas vu son visage : le sorcier portait une cape avec un grand capuchon.

Travers émit alors l'hypothèse que Severus Rogue était peut-être responsable. La Guilde des Potionnistes, en la personne de son directeur, affirma que Rogue était très connu et que ce n'était pas lui qui s'était présenté pour enregistrer la potion. Il s'agissait d'un certain Maître Prince, totalement inconnu. John Jigger, également interrogé, affirma qu'il avait eu la clientèle d'un Maître Prince et que celui-ci venait du Canada et ne connaissait pas les usages du Monde Magique britannique. En effet, il n'avait jamais entendu parler du Comité de Bienséance, alors que les journaux ne parlaient que de ça depuis des semaines.

Lucius Malefoy demanda alors à Cornelius pourquoi il traquait ainsi ce potionniste étranger. Après tout, la potion était intéressante et même révolutionnaire. Tout était légal, enregistré et patenté, on ne pouvait rien reprocher à cet homme. Il lui suggéra de laisser tomber et de se concentrer plutôt sur le nouveau scandale de Poudlard, avant que les familles ne viennent se plaindre au Département de la Justice Magique.

Encore une fois, Fudge écouta Malefoy et laissa tomber ses investigations.

Lucius n'avait eu aucun mal à deviner qui était derrière cette potion. Un seul potionniste était capable d'un tel tour de force en si peu de temps… Severus Rogue bien sûr. Et quant à savoir qui écoulait pour lui ses potions, c'était l'enfance de l'art : Marcus Shield, évidemment ! Ce vieux fou avait tout le temps le chic pour vous dégoter les potions les plus sombres et interdites. Contre espèces sonnantes et trébuchantes, bien entendu…


Un parchemin flashé par Fumseck, le soir même de l'incident dans la Grande Salle, avait prévenu Arthur et Molly Weasley des derniers méfaits de Ron. Cette fois-ci, c'était très grave, selon ce que disait la lettre de Dumbledore. Il ne leur cachait pas que l'enfant se trouvait à Sainte-Mangouste dans un état très inquiétant et que son pronostic était engagé. La missive n'en disait pas plus. Elle ne mentionnait pas non plus l'identité de la victime, Albus expliquait juste vaguement les circonstances.

Arthur, totalement livide, reposa la lettre sur la table et se passa une main lasse sur son visage fatigué. Encore Ron… Il ne faisait décidément que des bêtises depuis un moment. Et dire qu'il se plaignait encore il y a peu des méfaits des jumeaux !

— Qu'est-ce que c'est cette fois ? pesta Molly, mécontente. Minerva n'arrête pas de se plaindre en ce moment. Elle en a après ma Ginny, ce n'est pas possible !

— Qui te parle de Ginny, Molly ? Et de quoi Minerva s'est-elle plainte récemment ?

— Mais rien… des bêtises sans intérêt.

— Et pourquoi je n'ai pas été averti ? Pourquoi je n'ai pas vu cette lettre de Minerva ?

— ÇA N'A PAS D'INTÉRÊT, JE TE DIS ! hurla la rouquine, furieuse.

— Je suis seul juge ici ! Molly ! Accio lettre de Minerva McGonagall !

Un rouleau de parchemin sortit en zigzaguant du sac à ouvrage où Molly Weasley rangeait son tricot en cours. Arthur lui lança un regard lourd devant cette pitoyable tentative pour lui dissimuler une information. Il lut et un long grognement sortit de sa gorge.

— Tu espérais me cacher ceci combien de temps ?

— Ce n'est absolument rien ! Les jumeaux ont fait pire autrefois et tu n'en faisais pas une histoire !

— Les jumeaux faisaient des blagues et des bêtises mais ceci, Molly, c'est de la pure méchanceté ! Oser demander à des premières années si leurs parents sont frères et sœurs parce qu'ils sont moldus, c'est absolument immonde ! J'ose espérer que tu as sanctionné cette petite peste !

— Pas du tout ! Elle n'a rien fait de mal ! Et après tout, qui nous dit que ce n'est pas la vérité ? C'est dans son cours d'Etude des Moldus, noir sur blanc !

— Je ne dis pas que cela n'arrive jamais, Molly ! Après tout, ça arrive bien chez les sorciers également ! Ou dois-je te rappeler que les jumeaux Amycus et Alecto Carrow, de sang-pur, ont eu ensemble des jumelles nommées Flora et Hestia Carrow et qui sont à Poudlard dans la même année que Ron ? Ce n'est pas parce qu'ils ont osé braver cet interdit que tous les Moldus ou d'ailleurs tous les sorciers sont dans ce cas, Molly ! Je présume que tu n'as pas puni Ginny, toi si prompte à expédier des beuglantes habituellement…

Molly leva le nez d'un air pincé. Elle n'avait rien à dire. Pas question de punir cette pauvre petite Ginny qui avait connu une humiliation épouvantable l'été dernier à cause de ce déviant d'Harry Potter !

— Lis ! ordonna Arthur en poussant vers elle la lettre qu'il venait de recevoir.

La rouquine se saisit prestement du parchemin et en prit connaissance. Elle afficha bien vite une mine surprise et contrariée, mais resta campée sur ses positions.

— Ron fait partie de la Brigade Inquisitoriale. Il a œuvré dans l'exercice de ses fonctions. C'est tout. S'il y a eu un blessé, c'est la faute de ce contrevenant !

— TU TE FICHES DE MOI, MOLLY ? cria Arthur, franchement ulcéré. Il a attaqué un 4ème année qui disait au revoir à sa cousine ! Où est le crime ? Même le Comité de Bienséance qui patrouille sur le Chemin de Traverse respecte les liens familiaux !

— Je ne punirai pas mes enfants pour ces peccadilles, Arthur !

— Eh bien, moi je le ferai.

— JE TE L'INTERDIS !

— Tu n'as absolument rien à m'interdire, ici, Molly. RIEN ! Je suis le chef de cette famille et il y a bien trop longtemps que tu l'oublies. Je t'ai déjà prévenue… Attention à toi… Ginny et Ron seront punis !

— JAMAIS ! fit la rouquine, venimeuse, en allant s'enfermer dans sa cuisine.

— C'est ce qu'on verra, Molly… c'est ce qu'on verra… marmonna le sorcier à lunettes, les poings serrés.


La cheminette laissa passer Arthur Weasley avec un grand « vlouff » et de puissantes flammes vertes. Albus Dumbledore quitta alors son fauteuil sculpté et s'avança main tendue pour l'accueillir.

— Je suis navré de vous recevoir en ces biens navrantes circonstances, Arthur. Venez vous asseoir. Désirez-vous boire quelque chose ?

— Non, merci, Albus. Je crois que j'ai assez avalé de thé ce soir pour remplir une piscine. Racontez-moi un peu. Pour Ron et aussi pour Ginny car Molly m'avait caché le hibou de Minerva à ce sujet. Je ne l'ai appris qu'accidentellement ce soir en rentrant.

Arthur soupira et prit place dans un des deux fauteuils de bois qu'il y avait toujours devant le bureau, pour les visiteurs ou les professeurs. Autrefois, il était habituel d'y trouver Severus Rogue qui passait là une partie de son temps libre, à la grande joie du Directeur. Le vieil homme ne le disait pas mais Severus lui manquait énormément, ainsi que leurs discussions à bâtons rompus sur les nouvelles potions, le prix des ingrédients, et leurs tentatives pour trouver de nouveaux usages pour le sang de dragon, comme l'été dernier…

Dumbledore se rassit et prit la plume abandonnée sur son sous-main afin de jouer à la lisser.

— Ce soir, alors que tous les élèves rejoignaient la Grande Salle pour le dîner, deux enfants de 3ème et 4ème année, respectivement de Poufsouffle et Serdaigle, se sont trouvés dans le Grand Escalier. Il s'agissait de Miss Katrina O'donnell et de Monsieur Duncan O'donnell, son cousin. Les enfants ont discuté un moment, ils ont même ri, d'après ce que j'ai appris, et puis se sont donné une brève accolade en se séparant dans la Grande Salle pour rejoindre les tables de leurs Maisons respectives. Ils n'en ont pas eu le temps. Ronald, en les voyant, a lancé un Everte Statum à Monsieur O'donnell afin, je suppose, de l'éloigner au maximum de sa cousine.

— Un… un Everte Statum ? balbutia Arthur, horrifié. Mais, Albus, c'est un sort extrêmement violent. Il envoie la personne ou l'objet à des dizaines de mètres. Ce n'était pas du tout justifié. Mais à quoi pensait-il donc ?

— La violence du choc a été telle que lorsque Monsieur O'donnell a été projeté sur le rebord de la table des Gryffondors, sa colonne vertébrale a été brisée. Il se trouve à Sainte-Mangouste et nous ignorons son état pour le moment. Filius a prévenu les parents et est avec eux à l'hôpital actuellement. Poppy n'est pas confiante du tout et pense que le garçon risque de perdre sa faculté de marcher.

— Vous me disiez dans votre lettre que c'était grave, oui… Et la petite fille ? Elle n'a rien, au moins ?

— Miss O'donnell a reçu un Immobulus de Ronald. Il n'y a pas de mal. Elle est juste sous le choc.

— Qu'allez-vous faire de Ron ? Il est en retenue chaque jour, il a déjà été renvoyé deux semaines. Et il ne s'améliore pas. Si j'osais, avoua Arthur dans un souffle, je vous dirais qu'il est même pire. Et ce n'est pas tout, Albus. Molly refuse de les punir, lui comme sa sœur. Elle les soutient dans ce qu'ils font et ce qu'ils disent, comme ce que Ginny a osé dire à ces enfants nés-moldus. Je crains que soutenus ainsi, ça ne finisse mal.

— J'en ai bien peur, Arthur. Selon les Préfets des diverses Maisons que j'ai interrogés tout à l'heure, Ronald est totalement incontrôlable, violent, agressif en permanence. En l'absence de Dolorès, la Brigade Inquisitoriale menée par Drago Malefoy s'est mise volontairement en stand-by. Ils ne font plus aucune action en attendant la nomination d'un nouveau Grand Inquisiteur ou le retour de Dolorès. Ron n'avait aucun « ordre de mission » pour patrouiller, traquer et malmener tous les élèves qu'il pouvait. La Brigade Inquisitoriale l'a désavoué totalement pour la mauvaise image donnée et les abus constatés. Je me suis rendu compte – trop tard, je l'avoue – qu'il instaurait un véritable climat de terreur dans la Tour de Godric et dans les couloirs du château. Ginny commençait d'ailleurs à faire comme lui. Peut-être l'encourageait-il… je l'ignore. En ce qui concerne les sanctions, elles sont inévitables. Il va être renvoyé. Le conseil de discipline se réunira ce week-end. En attendant, Ron est confiné dans son dortoir et ne peut en sortir. Il lui est interdit de communiquer avec les autres élèves ou d'aller en classe. Un Elfe veille discrètement à ce que mes ordres soient respectés.

— S'il est renvoyé, il va perdre sa baguette, et toute possibilité d'avoir un jour un honnête travail. Je préfère le retirer de l'école immédiatement. Il ne reviendra pas et ne sera plus un danger pour les autres.

— Arthur, croyez-vous que ce soit prudent ? Ron est violent. Il pourrait même devenir dangereux en vieillissant. Par Merlin, il l'est déjà !

— C'est quand même mon fils. Je lui dois de faire tout ce que je peux pour l'aider. Et s'il faut qu'il paye pour ses bêtises, il paiera. Il travaillera pour ça, pour dédommager sa victime, même si ça lui prend des années. Et ne laissez pas Ginny faire pareil. Molly ne veut rien savoir, mais… faites-lui peur. Menacez-là des pires sanctions. Je verrai ce que je pourrai faire aux prochaines vacances. Albus, d'où viennent ces drôles d'idées sur les Moldus ? Molly m'a dit que c'était dans son cours d'Etude des Moldus.

— Dolorès leur a enseigné absolument n'importe quoi… que les Moldus vivaient dans des grottes, mangeaient leurs enfants, s'entretuaient avec arcs et flèches et se mariaient entre frères et sœurs, et ce ne sont que des exemples. N'importe qui de sensé saurait que ce ne sont que des idioties, mais Ginny s'est servie de ça pour agresser des premières années. Ce n'est pas tolérable.

— Elle devient de plus en plus instable et cruelle, je le vois depuis cet été. Depuis cette lamentable affaire des fiançailles avec ce pauvre Harry.

Arthur regarda à droite et à gauche comme s'il risquait d'être entendu par des témoins.

— Vous avez des nouvelles d'Harry ? Comment va-t-il ? Et Severus ? Ils s'en sortent tous les deux ? J'ai entendu Travers du Trésor Magique se vanter à la cafétéria qu'il les avait privés d'absolument tout leur or et même des revenus des potions patentées. C'est abominable !

— Harry va bien. Severus… mieux. Ils ont vécu des moments très difficiles, je ne vous le cache pas. Ils sont actuellement hébergés par des amis moldus car ils n'ont pas d'endroit où aller, ni d'or, ni bien entendu d'emploi.

Albus ne voulait pas que quiconque puisse penser que les deux bannis s'en sortaient bien, avaient une maison, un travail, de l'or. Ce n'était pas exactement vrai car ils étaient encore dans une situation assez précaire. Il voulait qu'on les oublie, qu'on les pense loin perdus dans le Monde Moldu. Si on interrogeait Arthur sur le sujet, il n'aurait pas à mentir…

Le rouquin chauve en fut attristé et secoua la tête. Et dire que tout ça était encore la faute de Ron. Il n'arrêtait donc jamais de ruiner la vie des gens…

— Albus, je dois rentrer. Renvoyez Ron à la Maison par le Poudlard Express dès l'aube. J'enverrai Fred ou George le chercher. Il ne sera plus un risque pour les élèves ou les professeurs.

Arthur Weasley se leva, serra la main du Directeur et fonça à travers la cheminette en lançant l'adresse du Terrier.

— Plus un risque pour les élèves… peut-être, Arthur, mais… je crains qu'il n'en devienne un pour tous les autres sorciers qui croiseront sa route dorénavant, murmura Albus, une fois seul.

Il était persuadé qu'Arthur n'était pas dupe. Il voulait juste tenter de remettre son fils dans le droit chemin. Que Merlin l'aide et l'assiste… dans ce cas. Mais Albus était certain qu'ils n'en avaient pas fini avec Ron Weasley…

Il appuya sur le bouton de l'interphone magique – nouveauté reçue des administrateurs à l'occasion de Noël – correspondant au bureau de la Professeure McGonagall. Un grésillement se fit entendre puis la voix de la sous-directrice retentit dans le haut-parleur.

— Oui, Albus ?

— Minnie, Arthur Weasley vient de retirer définitivement son fils Ronald de l'école. Il prendra donc le Poudlard Express demain à l'aube pour rentrer chez lui. Veuillez l'en aviser et lui dire de faire ses malles. Et si vous en avez l'occasion, mettez Miss Weasley en garde. A la prochaine chose que nous aurons à lui reprocher, elle fera également ses paquets, et pour de bon.

— Je n'y manquerai pas, Albus. Bonne soirée. Tenez-moi au courant quand vous en saurez plus pour le jeune O'donnell. Filius n'est pas encore revenu de Sainte-Mangouste.

— Je vous tiens au courant, Minnie. Bonne nuit.


L'équipe des Guérisseurs du Service des Urgences arriva rapidement à Sainte-Mangouste par la cheminette de l'antichambre de la Grande Salle. Ils emportaient avec eux la coquille magique contenant le corps du jeune Duncan O'donnell. Ils se précipitèrent dans le couloir du rez-de-chaussée menant au Service des Accidents Matériels. Dans ce service, dirigé par l'orthomage Orville Bonham, on soignait les accidents de balai, les explosions de chaudron, les courts-circuits de baguette et tout ce qui provoquait des fractures et des amputations. D'ailleurs, les réparations des os et articulations étaient sa spécialité.

Lorsque l'équipe d'urgence arriva avec un élève de Serdaigle immobilisé dans la toute nouvelle coquille magique, ce fut le branle-bas de combat. Un dossier encore maigre et contenant les parchemins de diagnostics de Madame Pomfresh et du Professeur Slughorn fut remis à l'infirmière-en-chef du service, Bridget Monroe. Miss Monroe y jeta un coup d'œil et donna quelques ordres avant de se précipiter dans le bureau du Guérisseur.

— Mettez-le dans la salle d'examen numéro 1, je vais prévenir le Guérisseur Bonham tout de suite.

Elle ouvrit à la volée la porte capitonnée du bureau où Bonham sirotait une tasse de thé en lisant la Gazette du Sorcier.

— Guérisseur, une urgence en salle d'examen n°1. Un élève de Poudlard, quatorze ans, colonne vertébrale brisée par un Everte Statum. L'équipe des Urgences l'a mis dans la coquille magique.

Le Guérisseur reposa sa tasse et tendit la main. Miss Monroe lui donna le dossier et sortit aussitôt du bureau. Bonham prit la feuille de diagnostic de Poppy et la lut attentivement. Il referma le dossier et le glissa sous son bras puis se dirigea d'un pas rapide à l'autre extrémité du couloir vers la salle d'examen précédemment citée.

Déjà la coquille avait été ouverte et le couvercle reposait sur le sol dallé. A l'intérieur l'adolescent inconscient était calé de tous côtés car la coquille s'était moulée autour de lui.

Bonham tendit sa baguette vers le Serdaigle.

Devestio ! Bien… on va y voir un peu plus clair. Bridget, il me faut une grande bouteille de Pouss'Os. Il nous faut aussi le réveiller car il a eu un choc important à la tête. Apportez une couverture, il ne doit pas prendre froid. Et surtout dites bien à tout le personnel qu'il ne doit pas sortir de cette coquille tant que je n'en aurai pas donné l'autorisation.

En attendant que ses ordres soient suivis d'effet, le Guérisseur examina de sa baguette chaque partie du corps du garçon. Une minerve magique fut également placée sur son cou, et une sorte de corset maintint en place sa colonne vertébrale qu'un sort de l'équipe d'urgence avait déjà remise en place.

— Ils ont fait du bon boulot, pour une fois, marmonna-t-il pour lui-même. Mais est-ce que ça suffira ? Il faut que l'inflammation se réduise, le choc a été rude. Enervatum !

Duncan O'donnell cligna des paupières et tenta de tourner la tête et de se lever mais la minerve l'en empêcha ainsi que le corset.

— Qui… qui êtes-vous ? Je suis où ?

— Vous êtes à Sainte-Mangouste, mon jeune ami, Service des Accidents Matériels. Je suis le Guérisseur Bonham. Vous avez été sérieusement blessé. Avez-vous actuellement mal quelque part ?

— Non… Monsieur… juste un peu à la tête, un peu sonné quoi.

— Bien, bien… Vous avez quelques fractures, donc je vous ai immobilisé pour que vous ne bougiez pas d'ici que le Pouss'Os qu'on va vous donner agisse.

— D'accord. Mais… pourquoi j'ai des fractures ? Je me souviens que je riais avec ma cousine. On allait manger et puis… plus rien.

— Vous êtes tombé et avez heurté une table.

— Ah ? Je me rappelle pas. Dites, Guérisseur… pourquoi je sens plus du tout mes jambes ?


Il était près de minuit lorsque Filius Flitwick, Professeur de Sortilèges et Enchantements et Directeur de la Maison Serdaigle, rentra à Poudlard par la cheminette du bureau directorial.

— Filius ? Vous n'êtes pas de bonne heure, cher ami. Venez prendre un verre, vous avez une petite mine, fit Albus Dumbledore, le front soucieux. Vous avez dîné ?

— Non, je n'ai rien eu le temps de prendre. C'était un peu mouvementé là-bas, je dois vous avouer.

— Racontez-moi, demanda le vieux Directeur en sortant deux verres d'un meuble bas et une bouteille de Vieil Ogden. CROCUS ?

— Le Professeur Dumbledore a demandé Crocus, Monsieur ? demanda le vieil Elfe qui venait de poper dans la pièce, accroché à sa canne.

— Pourrais-tu nous faire porter quelques sandwiches, un encas rapide pour le Professeur Flitwick qui n'a pas pu dîner, s'il te plaît ?

— Crocus va apporter l'encas.

L'Elfe claqua des doigts et disparut aussitôt à la vue des deux sorciers. Filius avait à peine pris son verre de Whisky dans sa main qu'un plateau se matérialisait devant lui, posé sur le bureau d'Albus. Dessus, il vit un bol de soupe à la tomate et un sandwich au pain des Elfes et rosbeef saignant. Crocus connaissait vraiment les goûts des professeurs car c'était l'encas favori de Flitwick.

Le petit professeur esquissa un sourire satisfait en voyant le menu et avala une gorgée du liquide ambré servi par son Directeur.

— Alors ? Comment va le jeune Duncan, Filius ?

— Pas bien, Albus. Comme vous le savez, j'ai suivi l'équipe des Urgences jusqu'à Sainte-Mangouste. In loco parentis[1], c'est mon rôle, n'est-ce pas… Monsieur O'donnell a été conduit dans le Service des Accidents Matériels dirigé par le Guérisseur Orville Bonham. Il a été pris en charge aussitôt. Les parents sont arrivés quelques minutes plus tard, avec le frère jumeau du père. Comme d'habitude je vous dirais. Quand ils étaient élèves ici, on ne voyait pas l'un sans l'autre.

— Oui, je me souviens.

— L'enfant a repris connaissance. J'ai pu le voir quelques minutes. Il porte un corset et une minerve et il doit rester immobile dans cette curieuse coquille dans laquelle ils l'ont placé ici pour le transporter. Des sorts de soin ont été lancés et une cure de Pouss'Os a été démarrée. Mais…

— Ah. Il y a donc un mais.

— Un énorme mais, Albus. Monsieur O'donnell ne sent plus ses jambes, ni rien à partir de la taille. Le Guérisseur Bonham a été très clair, si l'hématome ne se résorbe pas correctement et sans laisser de dégâts derrière, l'enfant ne marchera plus jamais. Il sera en outre incontinent urinaire et fécal.

— Par Merlin ! C'est absolument abominable !

Albus qui se tenait debout dût se rasseoir, totalement bouleversé. Il espérait de tout cœur que Duncan se remette et puisse revenir terminer son année.

— John O'donnell et son épouse vont passer la nuit à Sainte-Mangouste avec leur fils. Ils passeront vous voir dans la journée de demain. Enfin… d'aujourd'hui, vu l'heure. Je ne vous cache pas, Albus, que les O'donnell sont sur le sentier de la guerre et vont porter plainte contre Ronald Weasley.

— Oh, je n'en suis pas étonné, mon pauvre ami. C'est inévitable. Monsieur Weasley quittera l'école à l'aube pour ne plus jamais y revenir. Son père le retire.

— Ça n'empêchera pas les sanctions du Magenmagot, Albus.

— Non. Je crains fort que si personne n'arrête Ron Weasley, il ne fasse très bientôt parler de lui encore et pas en bien. Ce garçon est une bombe à retardement. Tout ça finira mal.


Joséphine Shield était entrée à Poudlard un trimestre après la rentrée et avait été répartie à Serpentard. Reniée magiquement par son père[2], elle portait depuis le nom de sa mère et bien entendu de son grand-père. C'était un nom de sang-pur et de famille sombre, elle n'avait donc eu aucun mal à se faire accepter. Elle n'avait pas intégré seule l'école. Marcus Shield avait donné le reste de la potion Retour de Magie à la petite Fiorella Owens, meilleure amie de Phine. Fiorella avait été envoyée à Poufsouffle et elle s'y plaisait beaucoup également.

La petite Owens était la fille cadette d'Edmundus Owens, personnage bien connu des Aurors pour tremper régulièrement dans des affaires louches. On le soupçonnait également d'être le bras droit du fameux Boss, à l'identité inconnue, et qu'on savait être le tout-puissant parrain de l'Allée des Embrumes. Ce mystérieux Boss avait de larges parts – quand il ne les possédait pas carrément – dans tous les pubs de l'Allée des Embrumes. Il avait aussi une grande part de responsabilités dans tous les vols, arnaques, trafics et autres magouilles et son influence allait jusqu'au Monde Moldu, disait-on. Le Département de la Justice Magique n'avait jamais réussi à lui mettre la main dessus, ni d'ailleurs à connaître son identité. Ce type était un vrai fantôme.

L'évènement dramatique du jour, pour Poudlard, avait été l'attaque lamentable de Ron Weasley contre les cousins O'donnell. Tous les élèves ne parlaient que de ça et pire, un des Préfets avait entendu dire que Duncan était au plus mal.

Phine écrivait plusieurs fois par semaine à sa mère et à son grand-père, profitant que celui-ci lui ait offert une chouette effraie mâle nommée Ghost. Le soir du jour de l'attaque, après la fin des cours, la fillette envoya donc à sa famille un hibou, dans lequel elle expliquait, avec une abondance de détails, les évènements funestes. De son côté, Fiorella avait exactement fait la même chose, mais en empruntant un hibou de l'école. En effet, le patron de son père lui avait fait la surprise de lui offrir un chat noir - nommé Brume – pour son entrée à l'école.

Le lendemain matin, dans un appartement cossu dissimulé dans un immeuble à la façade lépreuse de l'Allée des Embrumes, Ed Owens avait montré la lettre de sa fille à son Boss. Il était furieux car les jumeaux O'donnell, père et oncle du garçon, avaient été ses meilleurs amis à Poudlard et ils s'envoyaient de temps en temps un hibou, et prenait un Whisky Pur Feu ensemble au Chaudron Baveur, ou même se donnaient rendez-vous pour assister ensemble à un match de Quidditch des Tornades de Tutshill. Intrigué par l'identité de l'inquisiteur ayant blessé Duncan O'donnell, le Boss avait demandé à un de ses hommes de se renseigner sur ce Gryffondor. Deux heures après, Mondingus Fletcher s'était présenté avec un des lieutenants du Boss et tout intimidé l'avait salué.

— Ah, Ding'… toi qui connais tout le monde, connais-tu un Gryffondor, en 7ème année à Poudlard nommé Ronald Weasley ?

— Oui, Boss. Je le connais, avait affirmé le clochard en hochant vigoureusement la tête.

— Raconte-moi donc tout ce que tu sais.

— Alors, c'est le dernier fils d'Arthur Weasley qui travaille au Ministère au Service des Détournements de l'Artisanat Moldu. La mère est Molly Prewett. Ces Weasley-là ont sept gamins, Boss. Six gars et une fille. Ron Weasley était le meilleur ami d'Harry Potter, avant… hem… sa… comment dire… disgrâce. Depuis, il lui a tourné le dos, et il est même vachement virulent.

— Je vois. Continue.

— Weasley fait partie de la Brigade Inquisitoriale de Poudlard, sous les ordres de Dolorès Ombrage, nommée Grande Inquisitrice à la rentrée d'il y a deux ans. Pour info, elle est à Sainte-Mangouste dans le service de psychomagie et d'après ce que j'ai entendu dire, elle déraille complètement, fit Ding en vissant son index droit contre sa tempe, dans un geste très explicite. J'ai entendu dire que les autres gamins de la Brigade n'aiment pas Ron Weasley car il est très impulsif et violent. Il a une grande gueule et ne réfléchit pas. Il saute dans toutes les conneries à pieds joints. Ça leur fait du tort. J'ai entendu Lucius Malefoy dire que ce gamin finirait mal. Voilà pour ce que j'en sais.

— Je te remercie, Ding. Tu peux t'en aller. Mêmes règles que d'habitude.

— Bien sûr, Boss, acquiesça Mondingus en hochant la tête vigoureusement.

Il connaissait les règles. Il fallait juste la fermer et oublier qui il avait rencontré et où. A un signe de tête de son chef, le lieutenant lança une petite bourse d'or à Ding qui l'attrapa, et se confondit en remerciements entre deux courbettes serviles. Puis il prit ses jambes à son cou, trop content de cette rentrée imprévue.

— Vous connaissez ce gamin, Boss ?

— Non. Je voulais juste savoir qui il était et qui étaient ses parents, c'est tout. Passe-moi le dossier sur le trafic d'or avec le Pérou… et ferme la porte, je veux qu'on soit tranquilles. Au fait, envoie un de nos hommes chez Shield pour acheter un exemplaire de chacune des potions du Prince dont il disposera à ce moment-là. Et je veux être tenu au courant des nouveautés que Marcus proposera venant de ce Prince.

— Ce Maître des Potions vous intéresse, Boss ?

— Ce sont surtout ses potions qui m'intéressent, Cicéron. Elles m'ont donné une idée.

— Ah oui ? De quel genre ?

— Cicéron… Nous allons ouvrir un bordel dans l'Allée des Embrumes. Ed m'a montré un flacon de potion aphrodisiaque pour sorcières et un autre de potion Magiagra qui donne une érection de six heures à un sorcier. Je veux que de la pub soit faite pour toutes les potions de ce Prince. C'est un génie. On va secouer un peu tous ces hypocrites coincés. Quand ils auront goûté au fruit interdit comme disent les Moldus, ils se précipiteront tous pour se soulager dans nos établissements.

— Ouais, mais… Boss ? Où vous allez trouver des sorcières pour remplir un bordel ?

— Partout dans l'Allée et autour. Combien de sorcières et de cracmolles crèvent de faim et mendient leur pain chaque jour ? Tu le sais, c'est nous qui gérons la Soupe Magique. Sans notre initiative de nourriture d'urgence, les trois-quarts des gamins de l'Allée seraient morts de faim depuis longtemps.

— Ce sont presque tous des Cracmols, Boss. Et la potion de magie du Prince, elle coûte un rein.

— Pas grave. On va en acheter, ricana le Boss en se frottant les mains avec satisfaction. On va commencer par en refiler à quelques adultes. Reconnaissants, ils bosseront ensuite pour moi sans discuter. De temps en temps, on rendra sa magie à un môme, et là, les parents nous seront redevables. Et en douceur en plus ! Même pas besoin de menaces ! Ils me baiseront les pieds, oui ! On s'arrangera pour envoyer les mômes à Poudlard, et on aura une nouvelle génération qui bossera pour nous avec un grand sourire en plus. Regarde Ed. Sa petite a retrouvé sa magie, il ne jure plus que par les potions de ce Prince. Si c'est moi qui la paye, ils ne jureront tous que par moi.

— Boss, vous êtes machiavélique. J'envoie Ambrosius chez Shield.


Encadré par Fred et George, tous deux furieux et le visage fermé, Ron avait été déposé comme un paquet de linge sale devant la porte du Terrier. Les jumeaux n'avaient même pas attendu que leur mère sorte de la maison, ils avaient transplané avant. Ils ne souhaitaient pas la voir et n'avaient récupéré Ron que pour faire plaisir à leur père.

George avait même en guise d'accueil balancé son poing dans la figure de son jeune frère. Fred s'était contenté d'un Maléfice Cuisant, mais au fond de lui-même avait souhaité faire bien pire.

Ron, bien entendu, s'était plaint, avait pleurniché, assuré sa mère qu'il n'avait rien fait que son devoir, et vociféré contre tous les contrevenants et autres pervers qui se permettaient des privautés indécentes à Poudlard. Molly avait compati, assuré son plus jeune fils de son soutien inconditionnel et lui avait servi un repas pantagruélique, comme s'il n'avait pas mangé depuis huit jours. Le rouquin avait passé le reste de l'après-midi vautré sur le canapé, un magazine de Quidditch entre les mains, à grignoter des biscuits au caramel et pépites de chocolat sortant du four. Il était persuadé qu'il allait se la couler tranquillement au Terrier, se lever à midi pour se mettre les pieds sous la table et se goinfrer, passer ses après-midis à voler au-dessus du verger avec son Brossdur 11… et même s'entraîner à quelques petits maléfices sympas sur ces saletés de gnomes de jardin. On verrait bien s'ils allaient revenir, avec une jambe en moins… ou les deux.

Ron ignorait que ses projets allaient sans tarder être considérablement bouleversés. Ils le furent dès qu'Arthur sortit ce soir-là de la cheminette. Le visage fermé, le père retira son chapeau pointu et sa cape et les accrocha à la patère près de la porte menant à la basse-cour.

— DEBOUT !

— Mééééé, quoi encore ? protesta Ron en levant les yeux au ciel.

Arthur sortit sa baguette de sa manche et lança un Maléfice Cuisant à son fils Ron qui gisait, avachi, contre les coussins du sofa.

— Aïe ! Bordel ! P'pa !

— Debout, j'ai dit ! Tu as fait quoi de ta journée depuis que tu es rentré ?

— Rien. Chuis resté là tranquille au chaud.

— Ça va changer dès demain.

— Pourquoi ? Je vais faire quoi ?

— Demain matin, tu iras au Ministère de la Magie et tu postuleras. Tu feras n'importe quoi, même du ménage, je m'en fiche. Tu feras également le tour des commerces du Chemin de Traverse afin de te renseigner s'ils ne cherchent pas quelqu'un. Tu as une semaine pour trouver un travail honnête. Si dans huit jours tu n'as pas un petit boulot, tu dégages, c'est la porte. Je ne nourrirai pas un fainéant doublé d'un criminel.

— Chuis pas un criminel !

— Dis ça à John O'donnell et à sa femme, Ron ! Leur fils est à Sainte-Mangouste au plus mal ! S'il perd l'usage de ses jambes, tu finiras à Azkaban ! C'est ça que tu veux ?

— MON FILS N'IRA PAS À AZKABAN ! vociféra alors Molly en entrant dans la salle à manger avec une théière fumante et un plat de gratin qui lévitait derrière elle.

— TAIS-TOI, MOLLY !

— JE NE TE PERMETS PAS !

SILENCIO !

Baguette tendue, Arthur venait de jeter un sortilège de mutisme sur son épouse. Il n'était pas du tout d'humeur à entendre ses jérémiades et ses excuses pour justifier l'attitude lamentable de Ron. Il n'était pas excusable.

— Molly, tu me fatigues. Tu vas la fermer. Ron ira chercher du travail dès demain et il a intérêt à en trouver. Je ne paierai pas les dommages et intérêts aux O'donnell pour ses conneries !

Il se retourna de nouveau vers Ron qui le regardait interloqué, peu habitué à voir son père aussi furieux. Jamais encore Molly n'avait été muselée ainsi… Il valait mieux obéir pour le moment.


A l'immense satisfaction de Molly, Ron revint à midi le lendemain avec un grand sourire.

— M'MAN ? T'ES LÀ ?

— Oui, oui, Ron, je suis là, répondit Molly en entrant dans la maison par la porte restée ouverte. Je donnais des restes aux cochons. Tu reviens tôt…

— J'avais faim. Et pis, j'ai pas besoin d'y retourner cet aprem. J'ai trouvé un boulot.

— Tu… tu as trouvé ? Haaa ! Que Merlin en soit remercié ! Alors, c'est quoi ? demanda la rouquine d'un air avide.

— Je vais travailler au Ministère. J'ai été engagé dans le Comité de Bienséance et je commence demain ! Un Elfe a déjà pris mes mesures pour mon uniforme. Je vais patrouiller sur le Chemin de Traverse et les ruelles alentours. On va traquer les contrevenants !

— Merveilleux ! Et félicitations, mon chéri. Assieds-toi, j'apporte l'entrée.

En rentrant ce soir-là, Arthur apprit la nouvelle devant une Molly empestant la suffisance et la satisfaction. Le Comité de Bienséance, hein ? Il espérait que Ron allait s'y tenir à carreau mais au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine gêne, une pointe d'angoisse. Les paroles d'Albus Dumbledore lui revenaient sans cesse en mémoire. Et si le vieil homme avait raison ? Et si Ron était véritablement dangereux ?


Octavius Gibbon était le chef du Comité de Bienséance et distribuait les ordres de mission chaque matin. Les contrôleurs, comme ils se faisaient appeler, patrouillaient deux par deux dans les rues qu'on leur assignait chaque jour. Vêtus de robes et de capes rouges, la tête coiffée de chapeaux pointus blancs leur donnant des faux airs de Ku Klux Klan moldu, on ne pouvait pas les rater.

Ils repéraient les petits groupes posant problème et devaient s'enquérir de leurs identités et des liens de famille éventuels. Et il fallait le prouver, en plus. Donc, le plus souvent, les sorciers interrogés présentaient leur papiers d'identité violets émanant du Ministère de la Magie. C'était plus embêtant pour ceux ne portant pas le même nom, comme des cousins, ou oncle/tante et neveu/nièce ou même grands-parents du côté maternel. Les contrôleurs débutants étaient mis en duo avec un contrôleur plus âgé ou aguerri. Le premier jour, Ron dut accompagner Arkie Philpott qui lui enseigna les premières ficelles.

— C'est plus facile pour moi, ce job, mon p'tit gars. Tu vois, j'suis vieux et je connais tout le monde. Y peuvent pas me mentir. Tu vois le type à cheveux gris là-bas avec un autre sorcier et une sorcière ? Celle avec le chapeau à fleurs moches…

— Ouais, j'le vois.

— Ben c'est pas la peine qu'on se fatigue. C'est deux frères, et la sorcière c'est la fille de leur sœur défunte. Y sont en règle. Tu les verras souvent tous les trois. Les gars, y z'ont peur qu'on manque de respect à leur nièce donc ils l'accompagnent partout. Lui manquer de respect… Pfff ! Par Circée, qui le voudrait ? Elle est sacrément laide, c'te fille.

Accompagné par Arkie Philpott, Ron se tint à carreau et respecta la procédure à la lettre. Cependant le troisième jour, Arkie ne vint pas. Visiblement, il y avait eu un petit dérapage à Gringotts la veille. En effet, Ragnok avait posté des vigiles à l'entrée de la banque et munis de sonde de sincérité, ils contrôlaient les intentions des clients de la banque. Le vigile qui contrôla Arkie fut un peu trop zélé et lui enfonça sa sonde dans… enfin là où normalement il était impensable d'enfoncer quelque chose. On dut expédier Arkie Philpott à Sainte-Mangouste pour lui reboucher le trou fait malencontreusement. En attendant son retour, Ron se retrouva en duo avec un autre bleu embauché deux semaines auparavant : Hunter McTavish.

Le nommé Hunter n'avait pas inventé la poudre de cheminette. Il n'était pas très malin et se reposa totalement sur Ron dès la première patrouille. C'était bien entendu une grossière erreur. Livré à lui-même, sans aucun garde-fou, Ronald Weasley ne pouvait pas manquer de commettre une grave bévue.

Alors que le duo déambulait baguettes aux poings en commentant les derniers matchs de Quidditch du week-end, un jeune sorcier d'environ dix-sept ou dix-huit ans sortit en courant du Royaume du Hibou en tenant une cage où on voyait un hibou moyen-duc au plumage cryptique installé sagement sur un barreau de bois. Le garçon affichait un large sourire en se précipitant vers deux femmes munies de paniers d'osier et qui semblaient examiner avec attention la vitrine de Potage le marchand de chaudrons. Le trio se mit à discuter vivement, les deux femmes examinant le hibou dans la cage tenue en l'air par le garçon.

Ron ne se dérangea même pas. Il n'alla pas interroger ces passants. Il n'envoya pas non plus Hunter le faire. Il se contenta de les regarder, trouva leur promiscuité et attitude suspectes et pour finir décida de les séparer par la force.

Bombarda ! fit-il en visant négligemment le garçon.

Mais la vieille femme changea au dernier moment de position et elle se prit le Maléfice dans le dos. Tandis qu'elle s'écroulait sur les pavés poussiéreux, au milieu des cris de la foule horrifiée, Hunter cria :

— T'es pas un peu malade, Weasley ?

Alors que Potage et son voisin, Maître Mullpepper l'apothicaire, sortaient de leurs boutiques pour porter secours aux victimes dont le sang commençait à rougir les pavés de la rue, on vit le vendeur du Royaume du Hibou venir relever la cage et constater la mort du rapace qu'il avait vendu deux ou trois minutes auparavant. Hunter appuya sur son badge, le transformant en artéfact de communication.

— Chef Gibbon, c'est Hunter McTavish ! On a une bavure sur les bras ! Des morts au Chemin de Traverse, des blessés, envoyez les Aurors et les secours de Sainte-Mangouste !

— Bon sang, McTavish ! Qui est responsable de ce merdier ?

— Weasley, Chef. Il a lancé un Bombarda sur un groupe sans raison et surtout sans sommation.

— Il est où… ce con ?

— Là, il pavoise, fier de lui et menace les badauds et témoins.

— Mets-le hors d'état de nuire, Hunter. On peut pas se permettre de le laisser armé. Je t'envoie les Aurors tout de suite. Les secours arrivent, p'tit. Tiens l'coup.

La communication s'interrompit. McTavish, obéissant aux ordres de son supérieur, lança un Stupefix sur Ron, suivi d'un Incarcerem qui le ligota comme un saucisson. Déjà une Brigade d'Aurors transplanait, suivie par des Médicomages en robes vertes.

— Faites reculer les témoins et prenez les identités et les témoignages. Faites de la place aux Guérisseurs !

Quinze minutes plus tard, tout était presque terminé. Kingsley Shacklebold avait arrêté Ron. Tonks et ses collègues Savage et Fiertalon avaient relevé les identités des témoins et enregistré les témoignages sur des Rapeltouts spéciaux. L'équipe de Sainte-Mangouste avait évacué un blessé grave, un blessé léger et une sorcière décédée. Le vendeur du Royaume du Hibou montra également à Tonks le cadavre du hibou encore dans sa cage, malheureuse victime appartenant au jeune homme blessé. On fit venir le légistomage Ackerley et le sorcier-funèbre Sawbridge, son acolyte habituel, pour dresser le procès-verbal, faire l'autopsie magique et l'envoi à la morgue.

— Ackerley ? Qu'est-ce que tu peux nous dire sur la victime ?

— Salut, King, Tonks… répondit le légistomage en remuant quelques parchemins. Alors, la victime est une sorcière âgée de soixante-treize ans nommée Isobella Owens née Sparks. Elle a été tuée d'un Bombarda dans le dos. Elle est morte sur le coup. Heure du décès : neuf heures et dix-sept minutes. Seconde victime, collatérale je dirais : un hibou moyen-duc mâle nommé Tiberius et appartenant à Andrew Owens, enregistré comme propriétaire légal. Il est mort du Bombarda également. Tu as quoi sur les survivants ?

— Lottie Owens née Charlotte Juniper, quarante-ans, domiciliée Allée des Embrumes, sorcière au foyer. Elle est juste secouée avec quelques hématomes et égratignures selon le Guérisseur-stagiaire Skively. C'est sa belle-mère qui a pris le gros du sort. Et on a Andrew Owens, dix-huit ans, apprenti-vendeur en chaudrons chez Potage. Il était de congés ce matin, m'a dit Potage. Il est blessé assez sérieusement mais je n'ai pas encore le rapport de Myriam Strout, elle vient juste de l'emmener à Sainte-Mangouste.

— C'est pas bon tout ça, King. Si les contrôleurs se mettent à tirer sur tout ce qui bouge, ça va pas l'faire.

— Ouais, surtout sans sommation et sans aucune raison en plus. Selon son collègue, le meurtrier n'a même pas pris le temps de leur demander leurs papiers et leur lien de famille. Il a juste lancé son Maléfice. Et par Merlin ! Un Bombarda ? Sur des gens ? J'aurai la tête de ce salopard.

— Je file, King. Ulysse a fini de mettre Madame Owens dans un sac à sorcier. On la conduit à la morgue. Si la famille demande, hein ! Tu sauras où elle est. Le p'tit gars et sa mère seront au quatrième étage, vu que c'est Strout qui les a emportés.

— C'est noté, Gérald. Passe une bonne journée.

Trente minutes plus tard, Cicéron entrait en courant dans le bureau de son Boss.

— Patron, où est Ed ? J'ai une sacrément mauvaise nouvelle !

— Sorti. C'est quoi cette nouvelle ?

— Boss, Madame Owens, la mère d'Ed, elle a été tuée sur le Chemin de Traverse par un des types du Comité de Bienséance. La femme d'Ed est blessée légèrement, mais son fils l'est gravement.

— QUOI ? Envoie du monde espionner le Département de la Justice Magique, je veux savoir tous les détails ! Je veux connaître surtout le nom du responsable ! Appelle Sainte-Mangouste aussi, prends des nouvelles de Lottie et Andrew ! J'y envoie Ed dès qu'il rentre.


Il était à peine plus de onze heures quand on frappa à la porte du petit bureau d'Arthur Weasley. Ce fut Perkins qui répondit « Entrez ! » au visiteur. L'Auror Tonks ouvrit la porte en grand et ne fit qu'un seul pas dans la pièce étant donné sa taille.

— Bonjour, Arthur, Perkins… fit-elle en les saluant d'un signe de tête rapide. Arthur ? Faut que tu viennes. J'ai pas une bonne nouvelle. J'en suis désolée.

— Un de mes enfants ? s'inquiéta le pauvre homme en pâlissant, les yeux écarquillés derrière ses lunettes.

— Oui. Ron, soupira Tonks. Alan Savage est en train d'appeler Molly.

— Qu'est-ce qu'il a encore fait ? soupira Arthur, désabusé.

La pensée qu'il fut possiblement la victime ne l'effleura même pas. Non, il était persuadé qu'au contraire, il était certainement le responsable.

— Il a tué dans le dos une vieille femme sur le Chemin de Traverse.

— Co… comment ? Par Merlin, tu es sûre, Tonks ?

— J'y étais, Arthur. J'ai interrogé les témoins. La vieille Madame Owens faisait ses courses avec sa belle-fille et son petit-fils. Ronald lui a lancé un Bombarda dans le dos sans aucune raison.

Arthur, qui venait de se lever de sa chaise sous le regard apitoyé de Perkins, se laissa retomber sans force. Ce qu'il craignait et ce qu'Albus craignait aussi venait d'arriver et seulement cinq jours après que le misérable eut quitté Poudlard. Six jours après son précédent crime !

— Je te suis, Dora… je te suis.

Il posa son chapeau pointu sur sa tête et enfila sa cape qui pendait à un clou près de la porte.

— Perkins ? Je reviens dès que je peux.

— Vas-y, Arthur, t'inquiète pas, je vais gérer les priorités ici.

Le pauvre père suivit l'Auror dans le couloir et entra dans la salle où les Aurors se tenaient et interrogeaient les suspects. Molly, en pantoufles et tablier, venait d'arriver et vociférait sur les Aurors, les accusant d'inaptitude, hurlant à qui voulait l'entendre que son fils chéri était innocent et que c'était une cabale contre lui ! Elle exigeait qu'on le libère sur le champ et voulait le ramener à la maison.

Arthur en avait plus qu'assez. Ce matin-là, son vase avait débordé comme disaient les Moldus. Les dernières gouttes ajoutées par l'Auror Tonks avaient été de trop.

SILENCIO ! cria-t-il, baguette tendue. Tu vas la fermer, Molly ! Et définitivement ! J'en ai soupé de tes simagrées ! Nous allons entendre ce que les Aurors ont à nous dire sur le drame de ce matin et sur le nouveau crime de Ron. Il sera jugé, et s'il est coupable – ce que je pense qu'il est – il ira à Azkaban.

Molly secoua la tête comme une furie, les yeux exorbités. Elle voulut se saisir de sa baguette mais Kingsley, méfiant, lui jeta un Expelliarmus salutaire. D'une voix posée, Arthur poursuivit sa diatribe.

— Dès que les auditions seront terminées, tu rentreras au Terrier et tu feras tes malles, celles de Ron et celles de Ginny. Ensuite, tu foutras le camp chez Muriel ou au diable vauvert, je m'en contrefiche ! Mais je ne veux plus te voir, Molly ! J'en ai soupé ! Je demande le divorce.

Les témoins présents écarquillèrent les yeux de surprise. Le divorce ! Waouh ! C'était… énorme. Et surtout très mal vu. Oh, on allait le lui donner sans souci. Surtout s'il avait des souvenirs précis à fournir à la Pensine ministérielle. La sorcière du Bureau des Affaires Familiales pouvait lui accorder son divorce en une heure mais les conséquences…

— Arthur, tu es sûr de toi ? C'est un peu extrême, non ? tenta Kingsley, surpris.

— Je suis plus que sûr, King. Plus que sûr. Je ne veux plus la voir. Elle me pourrit la vie depuis plus de trente ans, je jette l'éponge. Allons-y, veux-tu ? Perkins est tout seul dans le service.

L'annonce du divorce et son expulsion du Terrier appartenant à Arthur avait muselé Molly bien plus que le sortilège de mutisme. Et ce fut soumise qu'elle suivit les Aurors jusqu'à une petite salle d'interrogatoire où on avait installé Ron, désarmé et menotté à la table.


1 A la place des parents. Les professeurs sont autorisés à prendre des décisions urgentes en l'absence des parents pour le bien-être des enfants, ici dans le Monde Magique.

2 Joséphine est la fille de Terence Rowle, le frère de Thorfinn qui était un Mangemort.