Elfe bêta : Mokonalex


Harry et Severus avaient vécu une semaine bien trépidante. Déjà, le Maître des Potions avait mijoté ses mystérieuses mixtures quasiment jour et nuit, ne prenant de repos que lorsque Winky et Harry se fâchaient et l'expédiaient au lit ou l'obligeaient à prendre un repas. Hedwige, munie d'une liste conséquente, avait fait la navette entre l'Impasse du Tisseur et Slug & Jiggers. D'ailleurs, les employés de l'apothicairerie se frottaient les mains dès qu'ils voyaient la chouette blanche entrer dans la boutique par l'imposte laissée ouverte en permanence pour les rapaces. Certains lui donnaient même des Miamhibou et des proies décongelées. Le vieux Jigger avait recommandé à son fils de ne jamais parler aux journalistes de Maître Prince. En effet, les vieux Slug et Jigger soupçonnaient cet étranger d'être celui qui vendait des potions discutables par l'intermédiaire de ce brigand de Shield et surtout d'avoir créé la fameuse et si mystérieuse potion de magie dont tout le monde parlait mais que personne n'avait encore vue.

— Vous la fermez, tous ! Ce type nous achète des quantités astronomiques d'ingrédients et on a juste à envoyer la facture à Gringotts pour être payés dans l'heure. Il ne demande jamais à faire de crédit, et par Merlin, si tout le monde pouvait être comme lui, la vie serait bien plus facile ! Si Miss Skeeter se pointe ou un autre vautour de son espèce, vous ne savez rien ! Ce n'est pas la Gazette qui va nourrir nos familles et payer les impôts au Trésor Magique !

— Miss Skeeter ? Paraît qu'elle a disparu, révéla Martina Slug, petite-fille de Rufus Slug, l'associé de Jigger. Y avait un article l'autre jour à ce propos. La Gazette a lancé un appel à témoins, y aurait cinq cents gallions de récompense. Personne ne l'a vue depuis des mois. Le bruit court que la Gazette aurait engagé le fameux détective Sherlock Snoop pour la retrouver.

— Une fouine-merde en moins ! gronda Arsenius Jigger. Si on commet la moindre erreur, si on fait la moindre indiscrétion, ce Prince ira se fournir chez ce voleur de Mullpepper et ça il n'en est pas question. Et pour l'en dissuader, vous lui ferez cinq pour cent de ristourne sur ses factures dès qu'elles atteindront cent gallions ! J'ai dit ! Au boulot !


Harry n'avait pas oublié son projet de pourrir la vie des potionnistes de Sainte-Mangouste dès le lundi suivant. Il savait que Severus allait être le souffre-douleur de soi-disant Maîtres des Potions moins bons que lui et à qui il avait certainement enseigné à Poudlard. Il y aurait de la vengeance dans l'air, des insultes homophobes etc. Ils devaient s'attendre à tout. Quant à lui, il ne savait pas dans quel rôle on allait le cantonner. Il n'avait aucune expérience en quoi que ce soit dans un milieu médicomagique. A part les basses-besognes comme faire le sorcier de ménage, il ne voyait pas. Severus faisant une sieste bien méritée après trente-six heures sans dormir, Harry prit la cheminette pour se rendre à la boutique des jumeaux sur le Chemin de Traverse. Inutile de se déguiser en fille, inutile de transplaner, il avait juste besoin de voir Fred et George, pas de faire du lèche-vitrine.

Ce fut le bruit de la cheminette qui tira les deux Weasley de leur concentration. Penchés sur un parchemin, ils parlaient à voix basse.

— Salut les mecs ! lança Harry d'une voix claire.

— 'lut, Ryry, ça faisait longtemps, marmonna George. On commençait à croire que tu avais perdu l'adresse.

— Vous êtes drôles, vous ! Je suis interdit de séjour dans le Monde Magique, ou du moins trèèèès fortement indésirable, je vous le rappelle !

— Ouais, normalement. Comme si ça allait t'arrêter, hein ? ricana Fred. Allez, raconte ! Quand tu viens, tu viens comment ? Désillusionné ? Cape d'invisibilité ? Raconte !

— Nan ! Déguisé en sorcière. C'est nickel, on me fiche une paie royale. Même ces connards du fameux Comité de Bienséance ne me regardent pas.

Harry surprit alors le regard lourd que les jumeaux s'échangèrent à ce moment-là.

— Accouchez ! Il se passe quoi ? Qu'est-ce que j'ai raté ? demanda-t-il inquiet.

— Viens, on va monter à l'appart se prendre une Bièraubeurre tranquillement, annonça Fred tandis que George expliquait à Verity, leur caissière, qu'ils montaient à l'étage et ne seraient pas disponibles avant un bon moment.

Alors que Fred faisait asseoir Harry dans un canapé neuf très confortable, George fouillait dans le tiroir du buffet et en sortait une grosse enveloppe en papier kraft.

— On avait ça depuis un moment pour toi, mais on ne savait pas si on devait te l'envoyer ou pas. Envoyer un hibou dans le Monde Moldu, c'est toujours risqué quand on ne sait pas où il va atterrir. Enfin bref, c'est pour toi.

Harry découvrit dans l'enveloppe cinq cents livres sterling et un relevé de la banque Gringotts indiquant le versement de trois cents gallions dans le coffre 687. Le soupir de soulagement d'Harry ne passa pas inaperçu et les jumeaux se promirent silencieusement de tout savoir très bientôt.

Une bouteille débouchée de Bièraubeurre Barny la Roussette lui fut tendue. Harry s'en saisit et remercia ses hôtes. Un paquet de Dunhill, un briquet et un cendrier furent posés devant lui, sur la table de salon en verre ambré.

— Bois un coup, et prends une clope, Ry, lui conseilla Fred en prenant place dans un fauteuil en face de lui. On a des choses à te raconter.

— Ouais, plein de choses, renchérit George en s'asseyant sur l'accoudoir de son frère. Mais d'abord, Ry, est-ce que tu reçois la Gazette ou un autre journal du Monde Magique ?

— Nan. Tous les abonnements de Sev ont été résiliés et il n'a pas le droit d'en avoir de nouveaux. Sa cheminette a été fermée ainsi que son coffre à Gringotts. Dumbledore a pris un abonnement de cheminette pour nous, à son nom et c'est lui qui paye, ainsi que la poudre.

— Ok, donc tu ne sais rien, soupira Fred.

Harry les regarda l'un après l'autre. Il avait l'impression qu'on allait lui apprendre des trucs pas tristes encore… Pourvu que ce ne soient pas des choses qui allaient encore aggraver leur quotidien, car Sev et lui avaient donné, merci bien !

— Commençons par le plus banal, fit alors George d'un ton badin. Nos parents ont divorcé. Notre père a mis notre mère dehors avec ses malles, ainsi que celles de Ron et Ginny. Elle s'est installée chez Tante Muriel et tu te doutes, c'est pas la joie. Muriel est tellement furax qu'elle s'est battue avec Tante Tessy devant chez Madame Guipure l'autre jour. Ouais ! Elles se sont battues à coup de parapluie ! Il a fallu envoyer les Aurors pour les séparer.

Harry se mit à rire entre deux gorgées de sa boisson. Il imaginait très bien cette harpie de Muriel foncer sur la tante d'Arthur comme un Mangemort sur un Moldu.

— Minute ! Pourquoi ils ont divorcé ? Ils avaient pourtant l'air de bien s'entendre. Enfin… d'après ce que j'ai pu en voir l'an dernier.

— L'air, Ryry, mais pas la chanson. M'man a toujours été infernale, tu le sais. Toujours à vouloir régenter la vie de tout le monde même des gens qui ne sont pas de la famille.

— Oui, comme vouloir me marier à Ginny sans me demander mon avis.

— Exact. Au fait, comment ça marche avec Rogue ?

— Très bien, Fred. On s'entend à merveille. Continue, je sais que vous n'avez pas fini votre petite histoire. Molly et Arthur ont divorcé. Ensuite ?

— Ensuite, Ron a été renvoyé de Poudlard.

— Ah bon ? Pour combien de temps ?

— La première fois, deux semaines. La seconde fois, c'était définitif et c'était y a une huitaine de jours. P'pa l'a retiré de l'école avant le conseil de discipline pour qu'il puisse garder sa baguette. Grave erreur !

— Très grave erreur, renchérit George, la mine sombre.

— Qu'est-ce qu'il a fait ? soupira Harry s'attendant à tout.

— Il a blessé gravement un gamin de 4ème année qui depuis se trouve à Sainte-Mangouste. Il risque de perdre l'usage de ses jambes.

— Hou la vache !

— Ouais, un Everte Statum, comme ça… sans provocation, parce que le môme rigolait avec sa cousine, d'après ce qu'on a su. Et puis… y a quelques jours il a été embauché au Comité de Bienséance, et il y a deux jours il a tué une vieille dame en lui lançant un Bombarda dans le dos. Comme ça, sans raison.

Harry les regarda, les yeux écarquillés d'horreur. La nouvelle le glaça et il avait du mal à y croire tant c'était énorme.

— Il est…

— A Azkaban. Bill et Charlie sont au Terrier, ils sont arrivés aussitôt qu'ils ont appris la nouvelle. On a tous décidé de ne pas lui payer d'avocat. Il devra se démerder avec celui commis d'office. Depuis des mois, il était ingérable, cruel et mauvais ! On se disait que si Voldemort revenait il s'engagerait dans les Mangemorts aussitôt rien que pour blesser des gens ou en tuer. M'man lui a tellement bourré le mou, et à Ginny ! Percy aussi, mais lui, il est obsédé par le Ministère, c'est un laquais, un toutou de Fudge, et avant, d'Ombrage.

— Ron a beaucoup changé depuis la première année. On le voyait bien, Hermione et moi, et aussi Dean et Seamus. Mais jamais je n'aurais pensé qu'il aurait été aussi loin. On avait trouvé bizarre qu'il veuille s'engager dans la Brigade Inquisitoriale. C'est vraiment à partir de ce moment-là qu'il y a eu une cassure. Il était différent après, plus froid, plus intolérant. Rappelez-vous l'été dernier quand je lui avais posé des questions banales sur les relations entre filles et garçons et après entre gays. Sa réaction avait été totalement disproportionnée. Et après, quand il nous a dénoncés Sev' et moi à Ombrage… Il savait qu'il allait foutre nos vies en l'air, ça ne l'a pas arrêté une seule minute. Et il était censé être mon meilleur ami ! Un ami ne vous poignarde pas dans le dos à la première occasion, déclara Harry sombrement.

— Ry, qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui chez nous ? Tu as besoin de quelque chose ? Au fait, tu nous as pas dit tes conditions de vie. P'pa nous a racontés que le Ministère vous avait privés de tout votre or et aussi des revenus des potions de Rogue. C'est vrai ?

— Oui, George, c'est vrai. On s'est retrouvés sans un gallion ou presque. Un truc de malade… On n'avait plus rien et même plus de maison, le toit de la maison de Sev' s'étant écroulé. On n'avait plus nulle part où aller. Sev était malade et Pomfresh a refusé de le soigner ni même de le recevoir quand Dumbledore l'a amené sur une civière.

— La vache ! gronda Fred, surpris.

— On a été recueillis par nos cousins. Mon cousin Rick Evans habite Londres et il vit en couple avec le cousin de Severus, Walt. Sev et moi on a squatté leur chambre d'amis d'ici que Sev aille mieux. Mais là, on doit débuter lundi notre mois de Travaux d'Intérêt Magique à Sainte-Mangouste. Et j'ai peur que les potionnistes, et d'ailleurs tout le personnel, ne nous fassent vivre un enfer. Alors Sev a eu une idée. On va les pourrir avant.

— Génial ! Comment vous comptez faire ça ? demanda George, hilare.

— On a l'intention d'arriver en clodos, en sans-abris moldus. Sales, vêtus de haillons, puants, barbes longues, pire que les miséreux qui mendient Allée des Embrumes.

Les jumeaux éclatèrent de rire et se tapèrent dans leur main tendue.

— Vos déguisements doivent pourvoir résister à des Finite, Surgito et autres du genre. Donc… pour être crédibles, vous devez vous procurer des vieilles fringues pourries. Pour les barbes, des potions feront l'affaire, on en a, annonça George.

— Ouais, et pour la crasse, c'est pas dur. Vous vous roulez dans la boue à la prochaine averse. Faudra vous installer ostensiblement dans des cartons devant l'entrée de Pionce & Purge LTD. Tous les sorciers qui entreront à Sainte-Mangouste vous verront. Le Sauveur du Monde Magique vivant dans la rue car ruiné par le Ministère… ça va faire du bruit. Surtout si un hibou anonyme est envoyé à la Gazette pour raconter votre infortune, ricana Fred, les yeux illuminés de plaisir.

— Et quand vous vous présenterez, demandez bien si vous serez nourris à midi. S'ils refusent, dites que vous ne pourrez pas rester pour bosser gratis car vous devez mendier votre pain sinon vous allez mourir de faim. Plus il y aura de monde à entendre ça, mieux ça sera… poursuivit encore Fred sous les hurlements de rire de Georges et le sourire amusé d'Harry.

— En bref, foutez tous les deux un bordel pas possible. Si la presse se pointe, allez-y de votre petit couplet. Demandez-leur de l'or même… Pour manger ! Ou inquiétez-vous de savoir si y a un squat dans le coin pour y dormir au sec. En bref, faut leur foutre la honte. Mendiez dans les couloirs, faites les poubelles à l'étage de la Cafétéria et si possible devant témoins. Rita Skeeter semble avoir disparu, paraît-il, mais elle a une collègue qui se fait remarquer depuis un moment, elle s'appelle… Rhaaaa… comment elle s'appelle déjà, Gred ?

— Jenny Biscus, Forge.

— Sinon, on a une question, demanda soudain Fred en reprenant son sérieux. Est-ce que c'est Severus qui est derrière cette nouvelle potion dont on entend parler ?

— Une potion ? Je ne suis pas au courant, mentit Harry. On n'a plus rien pour faire des potions. Et pas d'or pour acheter le matos. Enfin… maintenant, on va pouvoir un peu, grâce à vous.

Il valait mieux pour le moment que les jumeaux ne sachent rien. S'ils étaient interrogés, ils n'auraient pas à mentir. Personne ne devait associer Severus Rogue à Sevan Prince. Ils devaient jouer leurs rôles de clodos de façon convaincante : Harry et Severus avaient quitté le Monde Magique et personne ne les y avait revus depuis leur dernière visite à Gringotts.


Les jumeaux avaient gracieusement fourni à Harry de quoi mystifier les crétins de Sainte-Mangouste, comme ils disaient. Et en découvrant le stock et les conseils d'utilisation, Severus avait d'abord baillé – le réveil était difficile – puis affiché un sourire amusé. Dobby, lui, avait totalement adoré ! Il était même extatique en apprenant les projets du duo infernal.

Sachant qu'elle devait retourner à Poudlard, sa mission étant terminée, Winky était au désespoir et Dobby avait confié à Harry qu'il craignait une rechute et qu'elle ne se remette à la Bièraubeurre, boisson terrible pour un Elfe-De-Maison. Severus avait alors dit que Winky pourrait revenir dès leur mois d'esclavage terminé. Mais il était inutile qu'elle reste dans une maison vide où il n'y avait rien à faire, surtout que Dobby suffisait pour les maigres tâches résiduelles. Harry avait donc écrit un mot à Dumbledore. Dedans il lui expliquait que Severus était enchanté des capacités de Winky en potions et souhaitait la conserver et la lier à leur famille dès leur retour. En attendant, Winky retournait à Poudlard auprès de ses congénères. Dobby avait porté la lettre à Albus aussitôt tandis qu'une Winky éplorée faisait son maigre barda.

— Sev' ? On doit garder Winky.

— Pourquoi faire ? On ne sera pas là pendant un mois.

— Tu auras besoin d'elle quand on reviendra. Dis-lui qu'elle ne rentre à Poudlard que pour un mois et qu'après tu te lieras à elle, si elle le souhaite.

— Harry… nous n'avons pas les moyens d'acheter cet Elfe à Poudlard. Un Elfe, c'est très cher !

— Sev'… Winky est comme Dobby, une Elfe libre ! A une différence : elle ne veut pas être libre.

— Elle est toujours libre[1] ? Albus ne l'a pas liée au château depuis le temps ?

— Non. Depuis la mort de ses anciens maîtres, elle est juste hébergée. Dis-lui.

Et ainsi, Severus appela Winky et lui posa les fameuses questions : Est-ce qu'elle aimait vivre avec eux, même s'ils étaient des bannis ? Aimait-elle travailler avec lui ? Se plaisait-elle dans cette maison ? Ce genre de choses. Winky avait répondu oui à toutes les questions et quand Severus lui avait demandé si elle accepterait de se lier à eux dans un mois date de leur retour, elle avait fondu en larmes et hurlé « oui ! » en baisant la main de son bienfaiteur. Harry avait donc recommandé à Winky de considérer ce mois à Poudlard comme des vacances bien méritées après son dur labeur et surtout de prendre des forces car il y aurait encore plus de potions à faire à son retour ici. En attendant, elle pouvait bien entendu rester avec eux jusqu'à leur départ le lundi, et surtout les aider pour le mauvais tour qu'ils mijotaient tous.

Apprendre la teneur de ce tour programmé avait beaucoup inspiré Dobby. Il n'avait pas fallu une heure à l'Elfe infernal pour trouver de vieux vêtements dans un état pitoyable mais curieusement propres.

— D'où ça sort tout ça, Dobby ? avait demandé Harry en découvrant les hardes improbables étalées sous ses yeux.

— Dobby a pris des sacs dans le container moldu, Maître Harry. Les Moldus déposent des sacs de vieux habits dans des grands containers. C'est marqué dessus que c'est pour le re… reclyclache…

— Le recyclage, Dobby. Oui, les vieux habits sont récupérés et je crois qu'on broie le tissu pour en faire du papier. En tout cas, tu as eu une excellente idée… on va bien s'amuser.

Vêtus de ces tenues improbables, Harry et Severus avaient organisé une bataille avec des boules de boue conjurées – la cour étant dallée – puis avec des bombes à eau. Autant dire que deux heures après, ils étaient dans un état absolument épouvantable. Les tenues avaient été retirées, mises sur des cintres et suspendues magiquement devant la cheminée afin de les faire sécher.

— Ils vont être raides comme des passe-lacets, ces habits, avait pesté Harry en les voyant. Ça va être dur de les enfiler et ensuite de les supporter.

— Bah, on s'y habituera. On s'habitue à tout. Quand j'étais gosse, je mettais n'importe quoi, ce que je trouvais… que ça soit trop petit, trop grand, ou pas pour un garçon.

— Je sais. Moi c'était trop grand et usé, et même déchiré souvent.

Dobby avait, sur ces entrefaites, apporté deux musettes en toile usées. L'une était kaki et l'autre marron. L'Elfe avait donné la verte à Severus en recommandant d'y mettre un Capacious Extremis pour les rendre sans fond. Après tout, il serait prudent de pouvoir y ranger des tas de choses utiles sans que personne ne s'en doute.

Le lundi matin arriva très vite. Harry fut le premier à avaler son flacon de potion Peau de Vagabond non encore commercialisée. Comme l'avait précisé Fred, elle n'avait pas été très bien testée – ils n'avaient pas eu l'occasion de voir Percy – et après avoir essayé la potion sur eux-mêmes, ils l'avaient mise provisoirement de côté. Avec les fêtes, tout ça, ils avaient été débordés.

Harry vit ses cheveux prendre quelques centimètres, devenir sales et hirsutes et une barbe maigre, mais assez longue malgré tout, poussa sur son visage qui devint également sale, tout comme ses mains (franchement noires) et ses ongles longs, ébréchés et pleins de terre. Avec un jean déchiré et répugnant, des boots moldues déchirées (on voyait ses orteils), un pull sale plein de trous et un vieil anorak autrefois rouge mais élimé et dégoûtant, il offrait un spectacle des plus édifiants. Severus ne put s'empêcher de rire à gorge déployée en le voyant.

— Il manque les lunettes, Harry. Tu as gardé ta vieille monture ?

— Ouais, pourquoi ?

— Tu dois les remettre. On va remplacer les verres par des verres neutres non correcteurs et les fêler. La monture, on va la casser et la recoller avec du scotch moldu ou un sparadrap.

— Excellent ! Dobby ? Tu veux bien aller prendre mes vieilles lunettes dans la table de nuit ?

— Dobby va, Maître Harry.

Pendant que l'Elfe allait chercher cet indispensable accessoire, Severus avala aussi sa potion, après l'avoir examinée à la lumière puis reniflée et en dernier lui avoir jeté un Specialis Revelio.

Le Révélasort de Scarpin permettait de connaître les composants d'une potion. Et Severus n'était pas un sorcier à qui on pouvait faire avaler une potion inconnue. Rassuré sur la composition de la mixture des jumeaux, il vida la fiole dans sa bouche.

Ses cheveux redevinrent gras, pendouillant et tristes, comme lorsqu'il n'avait pas le temps de les laver après avoir été trop longtemps penché au-dessus d'un chaudron bouillonnant. Sa barbe poussa jusqu'à atteindre sept ou huit centimètres de long sous son menton. Sa peau se couvrit de crasse tout comme ses mains et ses ongles habituellement bien manucurés. Il portait une chemise grise dégoûtante, un pull à motifs plein de trous, un pantalon qui fut autrefois noir mais était devenu gris foncé par l'usure. Ce pantalon, trop grand, tenait avec une corde et les genoux étaient déchirés. Il portait dans ses pieds des chaussures militaires éculées et du scotch marron pour colis empêchait la semelle de bailler et de dévoiler ses orteils. Comme manteau, il portait une veste de treillis camouflage déchirée.

Dobby popa, et, avec un grand sourire, lui tendit une paire de mitaines tricotées noires et pleines de trous, ainsi qu'un bonnet Serpentard éculé, trouvé dans les objets abandonnés à Poudlard. Il remit également à Harry sa vieille paire de lunettes.

— Ah ouais, c'est cool, le bonnet Serpy, s'exclama Harry. T'as pas une vieille écharpe Gryffie par-là, Dobby ?

— Dobby va aller fouiller à Poudlard, Maître Harry.

— Bon, j'ai mes vieilles lunettes, mais je connais pas les sorts pour changer les verres, alors si tu veux bien gérer ça, ça m'arrangerait, fit-il en tendant la monture noire à son compagnon.

Severus sortit sa baguette de sa poche intérieure de treillis et lança quelques sorts non formulés. Les verres disparurent d'abord. Ensuite, de nouveaux les remplacèrent et puis des fêlures apparurent sur le verre gauche et la monture se brisa au niveau d'une branche et du nez. Le dernier sort enroula du sparadrap autour des cassures. Et pour fignoler, le sparadrap était sale…

— Je suis beau comme ça, pas vrai ? s'amusa le Sauveur en les mettant sur son nez et en se tortillant devant le miroir conjuré par Severus.

— Magnifique ! Il ne manque plus que le parfum, s'amusa le Serpentard.

— Ah oui… c'est vrai, j'oubliais. Le parfum !

— Alors… nous avons le choix entre… Brise d'Anus. Il sent la Bombabouse.

— Pouah ! Non ! Pas pour moi, fit Harry, dégoûté.

— Ou alors… Senteur d'Ordures. Il sent la poubelle. C'est pas terrible mais supportable.

— Quoi d'autre ?

Petons de Trolls un soir d'été. Il pue les pieds.

Severus ouvrit le bouchon et approcha son grand nez au-dessus du flacon débouché.

— Il pue beaucoup les pieds, grimaça-t-il en refermant le flacon.

Il fouilla dans la boite, lisant les étiquettes et en sortit un autre.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Sécrétions ?

— Sécrétions ? De quoi ? s'inquiéta Harry en approchant pour lire l'étiquette.

— Sueur et Sperme. C'est écrit en dessous.

— Bordel ! Comment ils ont osé ?

— Tu te poses la question, Harry ? La réponse est : jumeaux Weasley. Ces deux mots expliquent tout.

— Y a autre chose ?

— Un dernier : Pue du bec. Je n'ai nul besoin de te dire ce qu'il imite.

— Non ! hurla de rire le Gryffondor. Je prends Secrétions. Et tu me lances le sort qui noircit les dents, s'te plaît.

— Ah oui, celui-là j'allais l'oublier, répondit Severus en reprenant sa baguette.

— Tu prends quoi comme parfum ? demanda Harry en s'aspergeant puis en se reniflant avec une grimace.

— Je vais peut-être tenter les Petons de Troll, aujourd'hui. Nous devons frapper fort !

— Pfiouu, t'es dur, là.

— Nous devons marquer les esprits, chaton ! Mets ta belle écharpe. Regarde comme Dobby t'a gâté !

Harry tourna la tête et vit Dobby qui, un large sourire plein de dents sur son visage, lui tendait une chose à peine identifiable et effrangée qui au siècle dernier avait été une écharpe Gryffondor.

— Par Merlin, où tu l'as trouvée ? C'est immonde ! La Salle sur Demande version déchèterie ?

— Non, Maître Harry Potter, Monsieur. Le panier à ouvrage du Professeur McGonagall. Le Professeur Dumbledore a tenté de lui apprendre à tricoter, autrefois…


A huit heures moins cinq le lendemain matin, la sorcière d'accueil de Sainte-Mangouste, une métisse nommée Stéphanie Harker, que Severus se souvenait avoir vue à Gryffondor quand il était élève, les vit arriver et sursauta, les yeux écarquillés.

— Vous désirez, messieurs ?

— B'jour, M'dame… marmonna Harry en lui tendant la convocation du Ministère. On a reçu ça pour qu'on se présente ici pour un mois de Travaux d'Intérêt Magique.

Avec hésitation, la sorcière prit le chiffon de parchemin – crasseux et taché – et le déroula du bout des doigts. Elle en prit rapidement connaissance et reçut le choc de sa vie en découvrant les noms sur le parchemin. Harry Potter ? Ce clochard sale et puant était Harry Potter ? Le Sauveur du Monde Magique ? Et l'autre, c'était le Professeur Rogue qui enseignait avant les potions à Poudlard ? Par la barbe de Merlin ! Une telle déchéance, c'était incroyable !

— C'est le Professeur Spleen qui se charge de ça. Je l'appelle !

La sorcière se servit d'un interphone magique, le même que le nouveau joujou qu'Albus avait reçu à Noël pour l'école. Les deux bannis l'entendirent demander que le directeur de l'hôpital vienne chercher ses nouveaux TIM.

Au moment où Miss Harker leur notifiait qu'il arrivait et d'aller attendre au fond du hall (loin à cause des odeurs peu ragoûtantes émanant des deux clochards), une horde de journalistes et de photographes entra dans le hall d'accueil. Une sorcière blonde munie d'un calepin et d'une plume à papote vert acide (les pires…) se rua sur Miss Harker.

— Nous avons été informés que les deux sodomites Harry Potter et Severus Rogue seraient là ce matin pour leurs Travaux d'Intérêt Magique. Les avez-vous vus ? Dans quels services ont-ils été envoyés ? Ont-ils émis des regrets et changé leurs odieuses façons ?

Miss Harker, sidérée du débit de paroles de cette journaliste inconnue, se contenta de lever sa main et de montrer le fond de la pièce de son index tendu. Comme un seul homme, les témoins présents se tournèrent pour découvrir ce qu'elle leur désignait. Ils restèrent quelques secondes cois en voyant le duo, sale et dépenaillé, qui les regardait, des mégots quasiment consumés au coin des lèvres.

Alors que les flashs au magnésium de Bozo, le photographe de la disparue et non-regrettée Rita Skeeter, commençaient à crépiter, le Professeur Spleen fit son apparition dans le hall. Il fut passablement surpris d'y trouver des journalistes et photographes. Il fut encore plus surpris en voyant l'aspect misérables des deux condamnés qu'il devait accueillir.

— LA PRESSE N'A RIEN À FAIRE ICI ! tonna-t-il, furieux. C'est un hôpital, pas un hall de gare !

Jenny Biscus, car c'était elle, ne se laissa pas démonter par cette rebuffade.

— Professeur Spleen ! Quelques mots pour la Gazette du Sorcier ! Qu'allez-vous faire de ces déviants ? N'avez-vous pas peur qu'ils soient porteurs de maladies moldues et qu'ils infectent les patients et visiteurs ?

— Dehors, Miss Biscus ! Je ne vous le répèterai pas ! Quant à vous, Messieurs, où est votre parchemin d'admission ?

Harry approcha et lui tendit sans un mot la lettre demandée. Le Directeur de Sainte-Mangouste remonta ses lunettes sur son nez et prit connaissance du courrier.

— Vous… vous êtes… Harry Potter ? demanda-t-il, horrifié en le détaillant des pieds à la tête et aussi en fronçant le nez. Et vous… le Professeur Rogue ? Mais… que… que vous est-il arrivé, par Salazar ?

— Ce qui nous est arrivé ? ricana Severus en jetant son mégot sur le sol et en l'écrasant avec sa chaussure abimée. Il nous est arrivé le Ministère de la Magie. Il nous est arrivé le Magenmagot. Il nous est arrivé le Trésor Magique qui nous a privé d'absolument tout notre or. Tout jusqu'au dernier gallion ! Ils m'ont aussi privé des patentes des potions que j'ai créées. Ils nous ont privés de notre logement, de mon travail ! Nous devons mendier pour manger, et nous dormons dans la rue, dans des cartons, sous des portes cochères, voire des squats quand on en trouve un.

— Ouais, d'ailleurs, si vous connaissez une adresse hein ! Parce que c'est pas pour dire mais ça caille en ce moment, et pis, il pleut. C'est pas drôle d'être sous la pluie et de ne pas avoir d'endroit où aller, se lamenta Harry en laissant échapper un long soupir.

— C'est de votre faute, vous l'avez bien mérité ! Vous êtes des déviants ! Une honte pour le Monde Magique ! entendit-on parmi les journalistes.

— Et ça vous regarde en quoi ? lança Harry avec agressivité. C'est votre problème ? Ça vous empêche de vivre, de dormir, avec qui je baise ? Vous êtes jaloux ?

— Calme-toi, chaton… tempéra Severus, un faux air serein sur le visage. Ils changeront d'avis quand le Seigneur des Ténèbres reviendra. Ils pleureront pour que tu reviennes les sauver… Là, ton orientation sexuelle n'aura curieusement plus aucune importance !

— Vous-Savez-Qui est mort, protesta Jenny Biscus. Mais vous avez peut-être des informations à ce sujet ? Vous étiez un Mangemort, avez-vous l'intention de ressusciter le Mage Noir ? Allez-vous lui livrer Potter ?

— Si vous croyez que j'ai fait exprès de séduire Harry afin de le livrer à un potentiel Mage Noir en passe d'être ressuscité, vous n'avez décidément rien entre les oreilles ! Pour une Serdaigle, ce n'est pas brillant, Miss Biscus ! Mais je ne devrais pas être étonné, avec les notes que vous aviez en potions ! Rarement vu aussi nul ! Londubat, peut-être… et encore ! Qui aurait envie de tout perdre, de voir sa vie entièrement détruite rien que pour faire semblant ? Hein ? Vous ? Je suis avec Harry par choix. C'est tout ! Vous êtes contente, c'est bien. Vous ne l'êtes pas ? Je m'en fous royalement ! Je ne suis plus un citoyen magique et je ne remettrai plus jamais les pieds dans ce monde dès que notre mois d'esclavage sera terminé. D'ailleurs, Professeur Spleen, est-ce que les repas de midi sont offerts les jours où nous seront obligés de travailler ?

— Heuu… non. Ce n'est pas prévu. Les condamnés doivent se débrouiller et payer leurs repas à la cafétéria ou apporter un encas.

— Alors nous ne pouvons pas rester, annonça Severus en secouant la tête. Il nous sera impossible de travailler un mois sans manger et en dormant dehors. Nous devons mendier pour avoir de quoi nous offrir un sandwich et une tasse de thé une fois par jour. Si nous passons nos journées ici à travailler sans être payés, nous n'aurons pas une noise pour manger. Viens, Harry, on s'en va.

— Mais… mais… si vous ne faites pas votre mois, vous serez expédiés tous deux à Azkaban ! protesta Spleen très perturbé par ces révélations.

— Pourquoi pas ? On y sera nourris deux ou trois fois par jour, et on aura une paillasse et un toit sur la tête. C'est plus que ce qu'on a depuis cet été !

— Ouais, renchérit Harry d'une voix faible. En plus, les sorts de chauffage, ils ne tiennent pas quand on a faim. On sera peut-être mieux là-bas.

— Allons, allons… je vais voir ce que je peux faire pour que vous ayez un repas. Personne ne peut vouloir désirer aller à Azkaban.

Le pauvre Spleen était vraiment choqué. Il semblait que le Monde Moldu était vraiment terrible pour des sorciers quand ils y étaient exilés. Pas étonnant qu'on parle tant de cette mystérieuse potion de magie pour les Cracmols. Si c'était ce qu'ils vivaient…

Quand il avait appris que Severus Rogue allait travailler pour lui pendant un mois, il avait tout de suite vu les avantages. Rogue était un des plus grands Maîtres des Potions d'Europe et l'avoir à sa disposition était une aubaine incroyable. Il allait pouvoir lui demander de réaliser des potions hors de la portée des potionnistes qu'il avait en ce moment au sous-sol. Oh, ils n'étaient pas mauvais, mais ils n'étaient pas du calibre de Rogue. Ils en étaient même à des années-lumière.

Les journalistes avaient écouté et noté toutes les paroles des deux déviants. Le scoop était incroyable. La Gazette et Sorcière-hebdo et les quelques autres torchons présents allaient augmenter leurs tirages sans nul doute. Et avec les photos ! On allait en vendre, du papier !

— Je suis étonné de ne pas voir Rita Skeeter dans ce troupeau, constata Harry en détaillant tous les visages devant lui. Elle a pris sa retraite ?

— Rita a disparu, pesta le photographe Bozo. Personne ne sait ce qu'elle est devenue.

— Ah bon ? C'est curieux. Tu trouves pas, Sev', que c'est bizarre ? Elle s'est peut-être enfuie avec un homme… ou pire, avec une femme !

Des protestations se firent entendre, et une ou deux insultes et menaces. Bras croisés devant sa poitrine, Severus Rogue ricana.

— Et aucun de vous, bien-entendu, n'a été capable d'enquêter. Ah, pour remuer la boue et traquer inutilement les honnêtes gens pour ruiner leurs vies, vous êtes là. Mais quand il faut avoir l'intelligence de penser à aller consulter les parchemins de naissance au Ministère pour savoir si un sorcier ou une sorcière est en vie ou mort, là il n'y a plus personne !

— Pourquoi voulez-vous qu'elle soit morte ? gronda l'homophobe le plus virulent, celui qui ne faisait que les insulter depuis son arrivée. Vous avez quelque chose à voir avec sa disparition ?

— Quelque chose à voir ? répondit Harry, stupéfait. Vous êtes débile ou quoi ? On n'a pas remis les pieds dans le Monde Magique depuis des mois ! On ne savait même pas qu'elle avait disparu, vous venez de nous l'apprendre !

— Ils sont stupides, Harry. Même pas capables d'écrire un article décent qui ne soit pas un ramassis de conneries doublées de mensonges. Professeur Spleen ? On ne va pas rester toute la journée plantés ici.

— Oui, oui… venez, je vais vous conduire à vos affectations, mais vous allez… comment dire… devoir vous changer et vous laver. Je ne peux pas vous laisser déambuler dans l'hôpital dans cet état.

— Ben, c'est qu'on a que ça, répondit Harry avec un air faussement ennuyé.

Cet étalage de misère noire perturbait terriblement le Directeur de Sainte-Mangouste qui jamais n'aurait imaginé qu'une telle descente aux enfers puisse être possible.

— Je vais vous trouver des robes par là. On doit avoir des choses. Certains patients oublient des affaires en partant, et on garde tout.

— Ah, c'est cool ! fit Harry avec un grand sourire. Et on va faire quoi comme boulot ? Sev' va faire des potions, je suppose, mais moi je sais rien faire de spécial.

— Vous serez affecté à l'entretien, Monsieur Potter. Vous passerez le balai dans les couloirs, viderez les poubelles, ce genre de choses. On vous expliquera sur place.

Le Professeur Spleen conduisit ses deux « forçats » à travers les couloirs du rez-de-chaussée et les fit prendre un escalier pour les mener au sous-sol. Là, il les mena à une salle de bain destinée au personnel. Dans le long couloir devant la porte menant aux cabines de douches, il y avait des casiers métalliques numérotés, un peu comme ceux des piscines moldues, nota Harry.

— Les casiers dont les numéros sont rouges sont déjà pris. Choisissez-en un au numéro vert. Vous pourrez y ranger vos affaires. Les douches sont là, en face. Les potions moussantes et le savon sont fournis, ainsi que les serviettes. Je vais vous trouver des robes par là. Monsieur Potter, par-dessus vous devrez porter la blouse grise des agents de ménage. Vous avez conservé votre baguette ?

— Oui, Monsieur.

— Très bien. Pour verrouiller vos casiers, il vous suffira de poser votre baguette dessus. Votre signature magique sera enregistrée et servira de clé. Et vous, Professeur Rogue, vous avez toujours votre baguette ? Ils n'ont pas osé vous en priver, quand même ?

— Ils ont essayé, Professeur Spleen, mais Albus Dumbledore les en a dissuadés. Donc je l'ai toujours. C'est le seul bien qu'il me reste d'ailleurs.

Spleen soupira. Cette situation le dépassait et le mettait fort mal à l'aise.

— Vous êtes affecté au Service des Potions, bien entendu. Il se trouve dans ce sous-sol, pas très loin. Vous porterez sur votre robe un tablier de potionniste en cuir de dragon, mais vous connaissez, bien entendu, et un chapeau pointu et des gants. Le Maître des Potions responsable de ce service est Fulbert Grunnion.

Harry remarqua la grimace de Severus et ses yeux lancés vers le plafond exprimaient tout le bien qu'il pensait de ce Grunnion.

— Je vous laisse quelques minutes. Prenez le temps de bien vous laver, je suppose que vous allez apprécier.

— Vous n'avez pas idée, répondit Harry. Merci beaucoup !

Spleen hocha la tête sans ajouter un mot et quitta la pièce. Severus et Harry se regardèrent, totalement morts de rire.

— Quelle bande de débiles ! Enfin, ce Spleen n'est pas un mauvais type, mais alors, les journalistes, quelles plaies ! ronchonna Harry en se déshabillant. Ouf, je suis bien content de les enlever, ils me grattent, t'as pas idée !

— Oh que si, et même une idée très précise ! Mais c'est l'odeur qui me dérange le plus. Je suis bien content de m'en débarrasser. Et d'avoir l'excuse d'être propre pour ne pas en remettre demain.

— Ah, mais oui, se réjouit Harry en faisant un bouchon de ses hardes pour les entasser n'importe comment dans le premier casier vide aperçu. Dis, Sev'… on fait quoi pour nos barbes ? On les rase avec nos baguettes ? Je t'avoue que je n'apprécie pas trop de t'embrasser avec tous ces poils autour.

— Idem, chaton. On se rase avec nos baguettes. Il y a des miroirs pour ça, on dira qu'on en a profité. Par contre demain matin, il faudra nous abstenir tant qu'on ne nous proposera pas les douches.

— Ils vont pas trouver ça bizarre ? On pourrait conjurer des miroirs.

— Conjurer des miroirs ? Alors qu'on est censés dormir sur les trottoirs moldus ? Impossible, Harry !

— Ah oui, c'est vrai. Tu as raison. Bon, lavons-nous.

Severus et Harry se récurèrent de fond en comble. Il fallait donner le change, n'est-ce pas. Il fallait qu'ils soient donc parfaitement propres, comme des gallions neufs ! Et rasés de frais.

En sortant des cabines, ils trouvèrent deux robes noires basiques en drap fin et des pantoufles grises ressemblant à des charentaises moldues. Chose intéressante, elles se mettaient seules à la bonne taille une fois enfilées. C'était un modèle connu d'ailleurs vendu à la boutique de l'hôpital. Ce Spleen était un brave type, mine de rien. Lorsqu'ils sortirent de la salle de bain, ils le virent déambuler dans le couloir, les mains dans le dos et l'air songeur.

— Ah ! Vous êtes prêts. Vous avez bien meilleur aspect ainsi. Ça fait d'ailleurs plaisir de pouvoir vous reconnaître. Avant… ce n'était pas vraiment le cas.

— C'est normal quand on vit dans les rues depuis des mois, Professeur Spleen. Rapidement se nourrir est un défi, se laver une impossibilité et même aller aux toilettes demande des trésors d'ingéniosité. Quant à trouver un coin assez sûr pour dormir, n'en parlons pas… révéla Severus en grimaçant.

Spleen avait presque les larmes aux yeux en l'écoutant. Severus était un génie pour faire pleurer dans les chaumières. Les deux bannis suivirent le Directeur sans plus un mot. Il s'arrêta devant une porte portant le symbole d'un chaudron d'où s'échappaient des volutes de fumée et frappa sur le panneau de bois massif.

— ENTREZ ! fit une voix un peu étouffée.

La porte s'ouvrit et le trio entra. Dans la pièce surchauffée, quatre hommes œuvraient. Chacun se tenait devant une paillasse carrelée et s'occupait d'un chaudron. Aux murs, des étagères chargées de bocaux d'ingrédients couraient. Sur des panneaux de liège, on avait épinglé des parchemins portant des commandes de potions pour tel ou tel service ou un Médicomage précis.

— Mes chers amis, je vous présente Severus Rogue, notre nouveau TIM pour le mois. Comme d'habitude, je vous laisse gérer. Professeur Rogue, vous mangerez à la cafétéria ce midi, Monsieur Potter également. Je vous enverrai un Elfe avec le badge qui vous donnera accès à ce lieu. Bonne journée à tous. Venez, Monsieur Potter, je vous conduis à la salle de repos des agents d'entretien.

La porte se referma doucement et Severus se retrouva seul dans l'antre des loups. Du moins, c'est l'impression qu'il eut en voyant la haine sur le visage des sorciers et le dégoût dans leurs yeux.

Harry se retrouva quelques minutes plus tard dans une pièce déserte. Il y avait un vestiaire avec des blouses propres et sous plastiques. Spleen lui demanda d'en choisir une à sa taille, ce qu'il fit. Il l'enfila et trouva qu'elle lui tenait agréablement chaud, car sa robe n'était pas très épaisse pour la saison, même si Sainte-Mangouste était chauffé. Un vieil homme portant la même blouse entra, poussant un chariot de ménage.

— Professeur Spleen, bien l'bonjour, marmonna-t-il, en regardant Harry sans paraître le reconnaître.

— Bonjour, Ernest. Voici votre nouveau TIM pour le mois. Vous lui montrerez le boulot, comme d'habitude, n'est-ce pas ?

— Ouais, ouais, pas d'problème… Toujours agréable d'avoir un coup d'main.

— Je vous laisse ! Travaillez bien.

Et il sortit de la pièce aussitôt et referma la porte derrière lui. Le vieil homme, prénommé visiblement Ernest, regarda aussitôt la cicatrice sur le front d'Harry, lui indiquant ainsi par ce geste qu'il savait pertinemment à qui il avait à faire.

— J'sais qui t'es, p'tit gars. T'auras pas d'souci avec moi tant que tu fais bien ton boulot. Tu vois, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, il a tué toute ma famille dans l'temps. Et toi, tu l'as tué. Et pour ça, je te remercierai jamais assez. Je me fous de ce que tu fais et avec qui. Chacun sa merde. Pigé ?

— Pigé.

— Bien. On doit aller nettoyer le Service de Psychomagie, c'est au quatrième, en face du Service de Pathologie des Sortilèges. Mais pour ça, faut qu'on recharge le chariot en potion nettoyante.

— D'accord. C'est quoi comme produit ?

— Nettoie-Tout Magique de la Mère Grattesec version pro. Fabriqué spécialement pour l'hôpital. Bien plus puissant. Et encore heureux, t'vois ? Pa'ce que celui pour tout l'monde, il est pas extra.


Si Harry semblait avoir trouvé un collègue de travail bienveillant, désireux de lui ficher une paix royale, ce n'était pas le cas de Severus. Dès que Spleen avait quitté les lieux, l'hostilité avait été si pesante et épaisse qu'on aurait pu la couper au couteau. Sans se déstabiliser, l'ex-professeur se dirigea vers l'étagère sous laquelle pendaient, accrochés à des patères métalliques, des tabliers de cuir. Au-dessus sur la planche de bois, il y avait des paires de gants et des chapeaux pointus. Sans un mot, il s'en saisit et s'en revêtit, conscient que tous les yeux étaient fixés sur lui.

Il approcha ensuite du panneau où les parchemins de commandes étaient punaisés. Chaque Maître des Potions cochait à la plume en face du nom de la potion quand il choisissait de la réaliser. Il remarqua aussitôt que les parchemins étaient datés et certains étaient là en attente depuis plusieurs jours. Alors quoi ? On trouvait déshonorant de devoir mijoter des potions trop simples ? Il remarqua aussi que certains Médicomages avaient réclamé plusieurs fois ces mêmes commandes en insistant et en écrivant « urgent » en face. Et pourtant… personne n'y avait jeté un œil. Repérant une table libre, Severus décida qu'il allait s'installer à cet endroit. Il décrocha carrément les parchemins abandonnés et alla les coller au mur hors du panneau de liège, d'un sortilège basique. Forcément, il entendit des protestations.

— Les parchemins doivent restés punaisés au panneau de liège !

— Les commandes doivent surtout être traitées en temps et en heure, surtout lorsqu'elles portent la mention « urgent » et qu'on vous les réclame plusieurs fois ! répondit-il sans se démonter. Je vois que les bases sont loin d'être acquises, ici !

Evidemment, il entendit un concert de protestation et de menaces.

— Ce n'est pas un déviant de la pire espèce qui va venir faire sa loi ici ! gronda Grunnion, furieux.

— Alors, apprenez votre métier, Monsieur Grunnion ! Je ne vois pas beaucoup de différence avec ce que vous faisiez à Poudlard ! Vous étiez médiocre, je suis prêt à parier que vous l'êtes toujours ! répondit Severus en le toisant froidement.

Il alla prendre deux chaudrons propres et les installa sur sa table, puis glissa sous chacun un bec bunsen magique.

Ledit Grunnion était au bord de l'apoplexie et du coup ne regardait plus son chaudron. La potion commençait à devenir instable. Severus le remarqua, leva un sourcil et amusé, fixa l'homophobe agressif.

— Occupez-vous donc de votre chaudron avant de le gâcher ou de le faire exploser !

Severus alla décrocher d'un mur une planche à découper en bois qui attendait, alignée avec d'autres. Il prit également un couteau d'argent dans un support et testa du pouce son tranchant.

L'air très à l'aise, il alla chercher les ingrédients nécessaires à ses deux premières potions, remplit les chaudrons d'eau avec sa baguette et alluma les becs bunsen.

— Vous ne pouvez pas faire deux potions en même temps ! protesta un des sorciers qui n'avait encore rien dit.

— Ce n'est pas parce que vous en êtes incapable que c'est le cas de tout le monde ! répondit Severus sans se démonter. J'ai l'habitude de travailler avec cinq ou six chaudrons en même temps. Deux, c'est une promenade de santé. Occupez-vous de vos fesses, Urquhart !

Urquhart était un ancien Serpentard que Severus avait eu en cours à ses débuts comme enseignant. Il n'était pas mauvais en potions, mais n'était capable que de suivre une recette. Il n'avait pas le niveau pour en modifier une afin de l'améliorer ou même créer une nouvelle potion en partant de zéro. C'était juste un exécutant décent, mais certainement pas un Maître des Potions. Pour être honnête, aucun des sorciers présents ne l'était, bien que Fulbert Grunnion s'en donne le titre.

Severus commença donc son travail. Il pila, découpa et hacha d'une main précise et à une vitesse folle les ingrédients choisis. Il ne consulta aucune recette, contrairement aux quatre autres sorciers. Aucun de ses anciens élèves ne l'avait jamais vu travailler et ils ne pouvaient s'empêcher d'être surpris de ce qu'ils voyaient. Certains comme Urquhart et son collègue Hamilton étaient admiratifs et restèrent à le regarder faire, surpris d'une telle dextérité.

Vexé, Grunnion choisit alors de s'attaquer à la raison de la présence en ces lieu de l'ancien professeur.

— Vous pouvez faire le fier, Rogue ! Mais nous, nous ne sommes pas des déviants condamnés et chassés ! Vous n'êtes qu'un sodomite ! Une honte ! Vous auriez dû être envoyé à Azkaban au lieu d'enseigner à Poudlard toutes ces années ! Vous n'êtes pas digne d'être un Maître des Potions !

— Ce que je fais de mon temps libre et avec qui ne regarde personne. J'ignorais que de préférer les hommes dans son lit pouvait empêcher de travailler décemment. Vous touillez donc vos potions avec votre bite, Grunnion ?

Si Hamilton dut se mordre l'intérieur des joues pour ne pas hurler de rire, les autres n'apprécièrent vraiment pas.

— Un pervers ! brailla un ancien Gryffondor appelé Peter Oldridge. Il a perverti et déshonoré le Sauveur !

— Ouais, ricana Severus un sourire moqueur aux lèvres, tout en touillant ses deux chaudrons en même temps et dans des directions opposées. J'ai perverti Harry Potter. Il adore être perverti et déshonoré d'ailleurs, au moins deux fois par jour et dans toutes les positions ! Fermez vos bouches et bossez ! Bande de jaloux ! Si vous ne baisez pas plus d'une fois par an, ce n'est pas mon problème !

Les quatre potionnistes étaient au bord de l'apoplexie et certains tentèrent de bafouiller et de protester mais leurs chaudrons avaient besoin de leur attention et ils durent abandonner leurs protestations sous peine de devoir tout recommencer, ce qui aurait été très humiliant.

Severus avait terminé ses chaudrons et déjà mettait tout en flacons. Les fioles furent rangées dans une boite en bois spéciale et le parchemin glissé entre les bouteilles.

— ELFE !

Un Elfe-De-Maison porteur d'un torchon aux armes de Sainte-Mangouste popa devant lui. Severus lui tendit le coffret de bois.

— Pour le Guérisseur Augustus Pye au premier étage.

— Blinky va porter les potions tout de suite, Maître.

L'Elfe avait à peine quitté la pièce que Severus lavait déjà ses chaudrons, touilleurs et accessoires, les incompétents étaient toujours sur les mêmes potions. Aucune n'avait la bonne couleur, et elles n'auraient certainement pas la puissance nécessaire ni les bons effets. Des incapables ! A se demander comment ils n'avaient pas tous eu un Troll à leurs BUSEs et à leurs ASPICs de potions !

Harry, lui, avait suivi Ernest au quatrième étage. C'était d'ailleurs le jeune sorcier qui poussait le chariot contenant les seaux, les balais mangeurs de poussière, et les serpillères auto-essoreuses. L'agent d'entretien lui avait expliqué que le ménage devait être fait manuellement car les Recurvites employés traditionnellement par les ménagères magiques étaient souvent incompatibles avec les sortilèges de soin et les rendaient instables. Afin d'éviter toute interférence néfaste, le ménage était fait à la façon moldue. Et ce n'était pas une sinécure car ils n'étaient que trois pour tout l'hôpital qui avait cinq étages et un nombre important d'ailes et de pièces. Les condamnés étaient quasiment tout le temps assignés au ménage pour soulager les sorciers d'entretien.

— Ouais, sauf quand on a des compétences particulières, affirma alors Harry. Mon compagnon a été envoyé au Service des Potions au sous-sol.

— Il va en chier, p'tit gars. Ce sont des cons, dans ce service. J'déteste y aller pour nettoyer leurs conneries quand ils font exploser un de leurs fichus chaudrons !

— Vous en faites pas, M'sieur Ernest. Il va leur rabattre leur caquet vite-fait. Je parie qu'ils tremblent déjà dans leurs chaussettes.

Le vieil Ernest éclata de rire et poussa la porte du Service de Psychomagie. Une grosse infirmière à la mine sévère les accueillit. Harry nota son nom sur son badge : Elfrida Munch.

— Madame Munch ! la salua Ernest avec un signe de tête.

— B'jour M'dame, marmonna Harry, intimidé.

— Ah, vous voilà, Ernest. Vous n'aurez pas beaucoup de travail ce matin. Nous avons juste deux chambres occupées, il y a eu des sorties.

— Très bien.

Ernest guida Harry et lui expliqua que les portes fermées étaient des chambres vides. Donc le ménage y avait été fait magiquement par le personnel soignant. Les deux portes ouvertes étaient des chambres occupées. Eh oui, ici on laissait les portes ouvertes pour mieux surveiller les patients.

— C'est le contraire des aut' Services. Partout ailleurs, les portes ouvertes ce sont des chambres vides et les fermées sont occupées. Bon, faut dire qu'ici… y a tout l'temps des cas bizarres. Comme en c'moment à la 7.

— Ah ? Y a qui ?

— T'as dû entendre causer d'elle, p'tit gars. Elle était à Poudlard, c'te saleté-là. Dolorès Ombrage, ça te parle ?

— Oh oui ! Je savais pas qu'elle était là, mentit Harry, se souvenant qu'il n'était pas censé avoir eu connaissance des évènements récents du Monde Magique.

— J'ai bossé au Ministère dans l'temps. Par Merlin, c'te bonne femme nous traitait tous comme de la merde d'hippogriffe. Ça m'console quand j'la vois allongée là. C't'une nuisance, c'te sorcière !

— Ouais… j'en sais quelque chose, marmonna Harry, sans se préoccuper de qui pouvait l'entendre.

Harry dut passer le balai mangeur de poussière dans la chambre de l'ex Grande Inquisitrice, tandis qu'Ernest passait la serpillière dans le couloir. Profitant d'être seul dans la chambre, avant de la quitter ayant terminé son ouvrage, il se retourna avec un air mauvais. Il claqua de la langue pour imiter le bruit du galop de chevaux et quitta aussitôt la pièce sans se retourner. Les hurlements de terreur d'Ombrage firent accourir Madame Munch et un des psychomages, un rondouillet sorcier dégarni à barbichette et lunettes dorées.

Harry, balai à la main, resta planté au milieu du couloir et fit un geste d'incompréhension à la mine interrogative d'Ernest.

— Elle est bizarre, cette patiente, ouais, fit-il candidement en se dirigeant vers l'autre chambre occupée.


A midi, alors que Severus sortait du labo de potions derrière les autres, il remarqua avec plaisir Harry qui l'attendait dans le couloir, vêtu d'une longue blouse grise qui devait être sa tenue de travail. Indifférents aux marques de mépris et aux insultes des soi-disant Maîtres des Potions résidents, il marcha vers Harry, le prit dans ses bras et l'embrassa sur la bouche.

— Ça s'est bien passé, chaton ?

— Ouais. Je passe le balai et la serpillère dans les chambres avec un vieux type nommé Ernest. Il est sympa.

— Ernest Jones, soupira Severus sans s'occuper des quatre sorciers aux yeux exorbités qui les regardaient. Je le connais. Je te raconterai plus tard. Allons manger. Tu as eu ton badge ?

— Oui, un Elfe me l'a apporté tout à l'heure.

— NOUS N'ALLONS PAS SUPPORTER CET ÉTALAGE INFECT D'ANORMALITÉ PENDANT UN MOIS ! hurla Fulbert Grunnion.

— Eh ben, vous n'avez qu'à ne pas regarder, répondit Harry sans se démonter.

— Petite… petite saloperie ! lança alors l'homophobe en brandissant sa baguette vers Harry.

Mais Severus fut plus rapide. Il se jeta sur Grunnion et le repoussa contre le mur, le bras coincé dans le dos. La baguette du tourmenteur tomba à terre.

— Grunnion, je vous conseille de ne plus jamais brandir votre baguette dans notre direction. Dans le cas contraire, vous pourriez découvrir pourquoi Harry Potter a été capable de vaincre un Mage Noir à quinze mois, et pourquoi j'ai été accepté chez les Mangemorts. Info : il ne prenait que les meilleurs. Vous touchez à Harry ? On ne retrouvera jamais votre cadavre ! Pigé ?

— Awww… merci de me défendre, mon amour ! Tu seras toujours mon preux chevalier !

— Aucun souci, mon chaton. Allons-y, j'ai faim !

Dans le couloir, les autres potionnistes relevèrent leur collègue tombé à terre et lui rendirent sa baguette qui avait roulé sur le carrelage du couloir.

— Tu ne devrais pas répondre à ses provocations, Fulbert, lui conseilla Hamilton. Tu sais bien qu'il est dangereux, par Merlin !

— Il me le paiera. Je vous jure qu'il me le paiera, gronda Grunnion livide et bavant de fureur.


Dans l'après-midi, Severus vit arriver le Professeur Spleen et le Guérisseur Bonham qu'il n'avait jamais vu auparavant. Spleen tenait dans ses mains un ancien grimoire relié de cuir embossé.

— Messieurs, nous avons besoin d'une potion très particulière. C'est pour le jeune O'donnell, vous êtes au courant de ce cas précis, n'est-ce pas ? Il nous faut une potion pour réduire l'hématome autour de ses vertèbres brisées. Le Pouss'Os semble donner d'excellents résultats mais le garçon ne sent toujours pas ses jambes. Selon le Guérisseur Bonham, la moëlle épinière est compressée. Nous pensons avoir trouvé une potion qui pourrait aider, dans ce grimoire. Voyez-vous-même.

Le livre antique fut posé sur une paillasse et ouvert à une certaine page. D'un doigt précis, Bonham montra la recette au chef auto-proclamé du lieu tandis que les trois autres potionnistes, penchés sur le livre, en découvraient les mystères. Severus resta dans son coin, et s'occupa de sa potion, paraissant totalement indifférent.

— Oui, oui, je peux vous la faire pour ce soir. Pas de souci, je m'en charge, on a tout ce qu'il faut.

A ce moment-là un hoquet méprisant se fit entendre, et les têtes se tournèrent vers Severus.

— Jaloux, Rogue ? ricana Grunnion, un peu trop sûr de lui.

— Cette potion ne marchera pas ! fut la réponse.

— Ben voyons, insista encore Grunnion. Môssieur est jaloux parce que ce n'est pas lui qui va la faire ! C'est tout.

— Professeur Rogue ? Pourquoi vous dites que ça ne marchera pas ? s'étonna Spleen.

— Nous avons bien étudié le dossier du patient et cette potion semble parfaite, insista Bonham, surpris.

— Faites comme vous voulez, mais vous perdez votre temps.

Et Severus leur tourna le dos et continua son chaudron de Pimentine. Les salopards avaient retiré les parchemins des panneaux de liège et lui avaient juste donné une liste de potions de première et seconde année à réaliser. Histoire de bien l'humilier…

— N'écoutez pas ce déviant incompétent, il devrait être à Azkaban ! gronda Grunnion. Je vais faire moi-même cette potion et elle sera parfaite.

Un éclat de rire provenant de l'autre bout de la pièce fut sa réponse. Severus avait très hâte au lendemain. Oui, il avait très hâte de voir que Grunnion allait se ramasser totalement. La potion ne marcherait pas. Elle n'avait jamais marché, d'ailleurs. Pour une simple et bonne raison : la recette était fausse.

A l'heure de la sortie, Harry était encore là, dans le couloir, à attendre Severus, à l'horreur des potionnistes résidents. Cependant, aucun n'osa, cette fois, faire un commentaire désobligeant. Le quatuor méprisant les regarda s'éloigner en direction de la salle de bain du personnel dans laquelle étaient alignés les casiers métalliques servant de vestiaires. Une fois dans la pièce, et planté devant son casier ouvert, Severus remarqua la mine éplorée d'Harry devant sa pile de vieux vêtements boueux. Visiblement, devoir les remettre n'était pas vraiment une idée appréciée du jeune Gryffondor.

— Chaton, tu devrais les nettoyer avec un ou deux Recurvites. Ici, on peut utiliser la magie, contrairement à dehors. Donc, nous ne sommes plus obligés de supporter des vêtements raides de saleté.

— Ouf… murmura Harry. C'est pas pour dire, mais être un clochard moldu, c'est une sacrée épreuve.

Le duo nettoya donc les vieux vêtements trouvés par Dobby. Ils poussèrent même l'audace jusqu'à réparer les lunettes d'Harry ainsi que leurs chaussures et les trous les plus énormes de leurs habits se raccommodèrent. Comme ils n'étaient pas des Elfes-De-Maison et n'avaient aucune compétence en couture, les réparations étaient grossières mais censées empêcher au moins le froid de les atteindre par ces trous. Déjà, pour donner le change, ils devaient s'installer pour la nuit, ou du moins la soirée, dans l'entrée de Pionce & Purge qui avait le bon goût d'être en forme de renfoncement. Cet espace, qui faisait bien deux mètres de profondeur, allait leur permettre d'y placer quelques cartons afin de les isoler des pavés glacés. Ils pourraient ostensiblement mendier en déposant sur le sol une sébile accompagnée d'une petite pancarte grossière « Pour manger, SVP ». Les sorciers entrant et sortant de Sainte-Mangouste n'allaient pas s'en remettre de ce coup-là…

Avant de quitter le sous-sol, Severus lança sur lui-même et sur Harry un bon sortilège de chauffage. D'accord, ils devaient mystifier la populace magique, mais pour ce faire ils n'étaient tout de même pas obligés de se geler les fesses pendant des heures.

Grunnion et ses collègues étaient fièrement allés déposer dans le Service du Guérisseur Bonham la fameuse potion demandée dans l'après-midi. Ils étaient persuadés qu'elle serait un grand succès et que le garçon serait remis dans quelques jours. Lorsqu'ils sortirent tous de l'hôpital, ils virent Harry et Severus installés dehors à l'abri du porche condamné, allongés sur des cartons dépliés et écrasés, blottis l'un contre l'autre et recouverts d'une vieille couverture élimée. A quelques centimètres d'eux, la neige qui tombait depuis l'après-midi s'entassait. Quelques Moldus avaient eu pitié d'eux et leur avaient laissés quelques pence dans la sébile. Les sorciers, les reconnaissant, s'étaient contentés de les regarder avec des yeux ronds, surpris de les trouver dans cette situation. Aucun n'avait pourtant tenté d'y remédier ou de les soulager d'une façon ou d'une autre. Pire, un des visiteurs leur avait même craché dessus en passant.

Grunnion se planta devant eux, hilare. Il éclata même de rire et donna un coup de pied dans le petit récipient, faisant rouler les quelques pièces sur le trottoir.

— Ces deux misérables pervers sont à leur place ! Dans la boue, le caniveau !

Et alors que le quatuor s'éloignait en riant aux éclats, Harry fit glisser sa baguette de sa manche jusqu'à sa paume et sans un geste lança deux sorts.

Glacio ! In Glaciem Prolapsus Est ! murmura-t-il, revanchard.

Une plaque de verglas bien épaisse et luisante apparut brutalement et Grunnion, dès qu'il y posa un pied, vola dans le décor et se retrouva allongé par terre sur le trottoir plein de neige boueuse.

Ses collègues s'empressèrent de le remettre sur pied, en faisant bien attention de ne pas glisser eux aussi.

— C'est qui, qui est dans la boue ? Hein ? ricana Harry, un large sourire sur son visage. T'as vu ça, Sev' ? Il se fiche de nous alors qu'il ne tient même pas sur ses pieds !

— J'ai vu, chaton… j'ai vu.

Les potionnistes leur lancèrent un regard lourd plein de mépris et de suffisance. Eux, ils allaient rentrer chez eux et passer la soirée et la nuit bien au chaud tandis que ces deux loosers, ces pervers déchus allaient dormir dehors dans le froid et la neige. Justice ! Justice !

Ils ignoraient qu'ils allaient bientôt déchanter et avoir l'humiliation de leur vie. Surtout Grunnion… surtout lui.

Helbert Spleen quitta l'hôpital vers vingt et une heure accompagné d'Orville Bonham, tous deux bien emmitouflés et sous des parapluies. La neige tombait avec force et les flocons tourbillonnants fouettaient les visages des rares passants, les empêchant de se tenir droit et même de voir où ils allaient. Encore heureux qu'ils habitaient le quartier ! Bonham fut le premier à apercevoir Harry et Severus alors qu'ils longeaient l'immeuble prétendument abandonné après des travaux non terminés.

— Helbert, regarde… C'est pas…

— Si. C'est eux. Quelle misère… par Salazar, quelle misère !

— S'ils restent là, ils vont mourir ! Il fait moins cinq ! protesta Bonham très choqué.

— Je ne peux rien faire, Orville. Je n'ai pas le droit de les faire dormir dans l'hôpital, ce ne sont pas des patients. J'ai même pris sur moi pour leur offrir un repas ce midi. Le seul qu'ils ont eu de la journée très certainement.

— Je croyais les Potter riches ? Fleamont avait fait fortune avec ses potions.

— Le Trésor Magique, Orville. La Guérisseuse Albertus a entendu dire qu'ils avaient ressorti la vieille loi d'Hypocritus le Zélé pour tout lui prendre. Et au Professeur Rogue aussi…

— Mirabel t'a raconté ça ? Mais comment elle le sait ?

— Son mari, Fred, il est Sorcier du Feu au Ministère. Il était de service quand ils l'ont fait. Personne au Magenmagot ne se soucie des Sorciers du Feu et des Aurors qui assistent aux débats…

— Une telle déchéance… et par amour. Ça ne donne pas envie, marmonna Bonham en frissonnant d'horreur.

Sous leur vieille couverture mitée qui commençaient à se couvrir de neige, les deux bannis gisaient, enlacés pour se tenir chaud, et les yeux clos. Le duo terrible, qui faisait semblant de dormir, entendit absolument toute la conversation. Ils sentirent aussi deux puissants sortilèges de chauffage les atteindre. Puis des pas crissants se firent entendre et s'éloignèrent…

Harry et Severus attendirent encore une trentaine de minutes puis estimèrent que ça suffisait bien. Ils étaient courbaturés et surtout avaient très faim. Pas question de passer la nuit sur un carton sous la neige, même avec des sortilèges de chauffage posés par pitié.

— Viens, Harry, on rentre.

— Pfiouu… il est temps. J'ai faim et j'ai envie de pisser. En tout cas, Spleen et ce type, ils ont été bien gentils avec leurs sorts de chauffage. Ça me change des insultes et des crachats que j'ai eus dans les couloirs avec les visiteurs.

Severus se leva et plia grossièrement la couverture qu'il fit entrer dans sa musette sans fond. Elle resservirait le lendemain soir pour la même comédie. Ils laissèrent la couche de cartons sur le sol et s'empressèrent d'aller se dissimuler derrière un abribus. La rue était déserte et ils transplanèrent directement dans le salon rénové du 70 Impasse du Tisseur. L'insert magique était allumé et il faisait bon dans la maison. L'isolation de Dobby était vraiment efficace, la différence était incroyable avec les autres hivers vécus par Severus dans la maison.

Le nouveau micro-onde d'Harry servit ce soir-là à réchauffer deux bols de soupe carottes/coriandre particulièrement appréciée à Poudlard par élèves et professeurs, suivis d'un reste de hachis parmentier. Après une bonne tasse de thé brûlant, les deux forçats de Sainte-Mangouste se ruèrent sous l'épaisse couette avec des soupirs de bien-être après avoir fermé les lourds rideaux de velours.

Severus éteignit la lampe de chevet et prit Harry dans ses bras.

— J'ai bien hâte à demain, murmura-t-il. Ils vont en faire une sacrée tête quand ils vont voir que leur fameuse potion ne marche pas.

— Et pourquoi elle va pas marcher ?

— Ils ont pris la recette dans un grimoire qui est pourri d'erreurs énormes.

Harry se mit à rire en caressant les pectoraux de son amant sous son haut de pyjama.

— T'as pas oublié le réveil ? Faut pas qu'on rate ça…

— J'ai réglé ma baguette pour six heures. Faut qu'on y soit de bonne heure. On va aller mendier dans l'hôpital et faire la poubelle de la cafétéria.

— Ah ouais… bien vu. Bonne nuit, Sev'.

— Bonne nuit, chaton.


Comme prévu, le lendemain matin, quand Severus et Harry se présentèrent aux portes de Sainte-Mangouste, il était à peine six heures trente. La sorcière d'accueil de jour n'était même pas encore arrivée et les lumières du hall étaient toujours éteintes. Harry et Severus montèrent au dernier étage. Ils regardèrent un sorcier remplir un distributeur automatique de journaux et s'en approchèrent quand l'homme quitta la pièce.

Immédiatement, ils virent que la une leur était réservée. Sur la photo qui illustrait la première page, on les voyait, tous les deux debout au milieu de la meute de journalistes. Ils étaient dans leurs vêtements sales et déchirés avec leurs barbes hirsutes. Le titre au-dessus était suffisamment explicite pour que tout le monde comprenne.

La descente en enfer des deux sodomites bannis !

Harry Potter et Severus Rogue, privés d'or, vivent dans les rues moldues et mendient pour manger !

On ne voyait pas l'article car le journal était plié, et il n'était pas question de dépenser cinq noises pour le lire surtout qu'ils n'étaient pas censés avoir une seule noise en leur possession. Harry dut se retenir pour ne pas pouffer de rire. Certains allaient tirer une de ces tronches en lisant ! Albus, déjà, qui allait se demander ce qui avait bien pu se passer en une semaine. Et Hermione ! Par Merlin ! Il avait totalement oublié d'en parler à Hermione. Bah, sa réaction serait encore plus authentique…

Il échangea un regard de complicité avec Severus et après lui avoir fait un clin d'œil, il se posta dans l'escalier, sa sébile à la main, et un « à vot' bon cœur, M'sieurs/dames » légendaire à la bouche. Severus crut mourir de rire en l'entendant et surtout en le voyant. Le petit démon avait un air bien misérable ! On lui donnerait le bon Dieu sans confession comme disait autrefois Grand-Mère Rogue…

Harry abandonna rapidement. Il comprit en quelques minutes que personne ne lui donnerait une noise. L'équipe de nuit quittait les lieux et l'équipe de jour arrivait. Ce ballet croisé de sorciers et sorcières sans aucune commisération lui tapa sur les nerfs et il rejoignit Severus qui fouillait ostensiblement dans les poubelles sous les yeux horrifiés des premiers arrivants. Le sorcier de la cafétéria n'attendit pas une minute pour les chasser, en hurlant qu'il allait appeler la sécurité et les Aurors s'ils ne dégageaient pas immédiatement.

Ce furent deux sorciers bannis hilares qui se réfugièrent dans la salle de bain du personnel.

— Habillons-nous, Sev'. Comme ça on sera prêts quand ce sera l'heure.

Ils mirent leurs robes noires et leurs pantoufles et Harry enfila par-dessus sa blouse grise indiquant sa provisoire fonction.

— On a du thé dans notre salle de repos. Tu veux venir ? On a une bonne heure à tuer avant de commencer. Je te préviens, Sev', demain je viens pas à six heures et demie, hein ! Ils nous ont vu mendier et faire les poubelles, ça va bien suffire à les occuper pour la journée.

— D'accord pour la tasse de thé. Et d'accord, demain on se pointera quinze minutes avant l'heure et basta.

— Tant mieux !


Severus fut le premier à arriver dans le labo de potions. Lorsque les quatre autres potionnistes entrèrent en babillant et riant dans la pièce carrelée, il était en tenue et déjà à pied d'œuvre avec une potion un peu complexe choisie exprès pour les enquiquiner. En voilà une que ces incompétents ne saboteraient pas. En le voyant, les autres se turent, visiblement contrariés de sa présence en ces lieux. Bien sûr, l'ancien professeur eut le droit à son quota d'insultes homophobes et de remarques dégradantes. Grunnion avait en main la Gazette du Sorcier du jour et ne manqua pas de se gausser de la soi-disant misère des bannis. Severus fit comme s'il était seul et ne releva aucune des provocations du quatuor. Lorsqu'Oldridge eut la prétention de s'approcher un peu trop près, Severus le toisa avec son air très célèbre de Terreur des Cachots et l'ancien Gryffondor battit rapidement en retraite à l'autre bout de la pièce.

Vers dix heures, Orville Bonham et Helbert Spleen entrèrent dans le labo. Vu leurs têtes déconfites, il y avait un problème.

— Messieurs, la potion d'hier pour le jeune O'donnell n'a pas fonctionné. Il n'y a même pas un soupçon d'amélioration.

— C'est pas possible ! gronda Grunnion. Je l'ai réalisée moi-même et elle était parfaite !

— Je vous avais prévenus… fit alors la voix basse de Severus Rogue, qui dos aux sorciers présents hachait menu des racines de mauve.

— Oui, vous nous aviez prévenus, avoua Bonham. Et je ne comprends pas comment vous saviez que cette potion ne marcherait pas !

— Oh, mais c'est très simple, Guérisseur, répondit Severus en posant son couteau d'argent et en se retournant vers son interlocuteur. Je le savais parce que cette potion précise n'a jamais fonctionné. JAMAIS.

— Comment est-ce possible ? demanda aussitôt le Professeur Spleen. Elle a été testée, patentée, publiée !

— Oui, mais vous n'avez pas la bonne recette.

— Comment ça ? insista Spleen.

— Ne l'écoutez pas ! pesta Grunnion. Ce sont des mensonges !

Heureusement, Spleen et Bonham ne l'écoutèrent pas, lui, et insistèrent pour connaître l'avis de Severus.

— Vous êtes entrés ici hier, porteur d'un grimoire nommé « Potions et remèdes nouveaux à l'usage des Médicomages modernes », édition 1844, si je ne fais pas erreur.

— Eh bien… c'est exact, confirma Spleen perplexe.

— La moitié des potions de ce vieux torchon est fausse. Cette édition est blindée d'erreurs et de coquilles, elle est inutilisable. C'est connu…

— MENSONGES ! brailla Oldridge sous les hochements de tête véhéments de Grunnion et l'air stupéfait d'Hamilton.

Urquhart, lui, attendait les explications. Il connaissait la réputation de Severus Rogue. Les autres le niaient bien entendu, mais Rogue était un génie et si quelqu'un savait pourquoi une potion ne marchait pas, c'était lui à coup sûr.

— Il suffit de lire les recettes pour comprendre tout de suite qu'il y a un problème. Les ingrédients sont faux, les quantités erronées et il manque des étapes de fabrication à presque toutes les recettes. Il faut être évidemment un Maître des Potions – je veux dire, un vrai ! – pour s'en rendre compte. J'oubliais qu'ici vous n'en avez pas.

Grunnion était au bord de l'apoplexie. De rougeaud son teint virait progressivement vers le pourpre.

— Professeur Rogue, existe-t-il une autre édition qui ne soit pas erronée ?

— Seule celle de 1788, publiée en France, est exacte, Guérisseur. Mais… il n'en existe plus aucun exemplaire. Le dernier, que je possédais, a été détruit dans l'inondation qui a emporté ma maison, l'été dernier.

— Alors tout est perdu, se lamenta Orville Bonham. Je vais devoir dire à ce pauvre enfant et à ses parents qu'il ne marchera certainement plus jamais.

— Je vous le déconseille. Il ne sera pas dit que je laisserai un de mes anciens élèves à ce triste sort. Cette potion est d'une simplicité ridicule. Dès que j'ai terminé mon chaudron ici, je vous la fais.

— Vous la connaissez par cœur ? balbutia Spleen, surpris.

— Eh bien oui ! Je l'ai lue, donc je suis capable de la refaire.

— MENSONGES ! répliqua Grunnion, furieux ! Il ment ! Il va empoisonner ce gamin, oui ! C'est un Mangemort !

— Jamais aucun enfant sous ma responsabilité n'a été blessé ou tué, malgré souvent leur incapacité à produire une potion décente ou à suivre les consignes. Vous devriez le savoir, Grunnion. Vous avez fait sauter assez de chaudrons à Poudlard !

— Peut-être pas blessé ou tué, mais déshonoré et abusé, certainement ! tenta Oldridge fulminant.

— Vous parlez de mon conjoint ? Il était majeur et très entreprenant… Ne lui dites pas qu'il a été abusé et déshonoré, il le prendra très mal… Et quand il est furieux, il a le maléfice rapide.

Puis se tournant de nouveau vers un Bonham tout à coup plein d'espoir, il lui déclara :

— Revenez vers midi et vous aurez votre potion. Je vous écrirai la recette correcte sur un parchemin afin que vous corrigiez ce grimoire inutile. Ça pourra peut-être vous resservir un jour. Enfin… je dis midi, mais ces incompétents sont capables de tenter de ruiner mon chaudron, histoire de me faire mentir.

— Mais non, mais non… il n'y aura pas de sabotage, Professeur Rogue. Je vais rester et vous regarder faire, annonça Spleen avec un sourire. Depuis le temps que je rêve de vous voir œuvrer… Orville ? Juste… dis à ma secrétaire où je suis, au cas où…

A midi, la potion fut prête. Bonham partit en courant avec ses précieux flacons dans leur boite de bois. Et tandis que Severus et Harry rejoignaient la cafétéria pour y déjeuner, Grunnion, lui se trouvait à la volière et postait un hibou pour le Trésor Magique…

A quinze heures, Spleen vint annoncer à Severus que le Ministère leur retirait à lui et Harry les badges leur donnant droit à un repas gratuit.

— Alors, nous ne pourrons pas revenir. C'est le seul repas que nous faisons en ce moment.

— Je sais, murmura le Directeur de Sainte-Mangouste. Je ne comprends pas comment ils ont su. Mais qui a pu leur dire ?

— Qui ? Oh… mais c'est très facile… Pas vrai, Grunnion ?

A la fin de leur seconde journée, Harry avait aussi été averti. Il avait une petite balafre sur le visage et Severus s'en inquiéta alors qu'ils remettaient leurs hardes pour partir.

— C'est rien, soupira-t-il. Un visiteur m'a vu et m'a balancé un Diffindo. Ernest a appelé la sécurité, le type a été mis dehors pour trouble à l'ordre public et embarqué par les Aurors. Et puis, une Médicomage des Urgences, la Guérisseuse Albertus, m'a soigné. Elle dit que demain tout sera parti. Il n'y aura plus de trace, elle a mis de l'Essence de Dictame.

— Nous ne terminerons pas la journée de demain. Grunnion nous a fait supprimer les repas. Je sais que c'est lui, je l'ai légilimancé. Donc, je vais annoncer officiellement au Professeur Spleen à midi que puisque nous ne pouvons même pas faire un seul repas par jour, nous partons sur le champ. Il ne faudra pas une heure pour que des Aurors soient à nos trousses et nous embarquent à Azkaban. Autant les attendre au chaud ici… Viens, Harry, on s'en va. Et cette fois-ci on rentre à la maison. On oublie les cartons dans la rue.


1. Il a oublié mais Dobby lui a déjà expliqué que Winky n'avait toujours pas retrouvé de maître.