Elfe Bêta : Mokonalex
Note de l'auteur : Il y a encore des chapitres en réserve... En attendant la suite et une nouvelle histoire complète en cours de correction, bonne lecture à tous.
Petite précision... On me demande régulièrement comment trouver la version non censurée de la fic vu que le site Fanfics en folie a fermé. Cette histoire se trouve sur Wattpad en version intégrale sous le pseudo de Crapounette Fanfics. Il est vrai que depuis un moment, je ne mets plus de scènes citronnées dans l'histoire mais il se pourrait qu'une ou deux viennent s'y glisser dans les futurs chapitres.
Aussi... pour ceux et celles qui aiment le remue-ménage... leurs aventures sont loin d'être terminées et non, ça ne s'arrange pas tant que ça pour eux, vous le verrez. Ils vont encore avoir de la misère. Je sais, je suis abominable... ^^
Harry comptait les minutes d'ici leur libération, mais seulement au fond de lui-même. Officiellement et à voix haute pour le bénéfice des deux gardiens et de ses codétenus, il poursuivait sa comédie.
— Mééééé ! Je veux pas partir, Sev' ! Pourquoi on doit partir ? On n'aura plus à manger si on s'en va !
— On pourra toujours essayer les foyers pour sans-abris que les Moldus ont, Harry. Et ils donnent des bons repas aussi. Et vois le bon côté des choses, on pourra marcher, se promener. A la limite, on transplane dans un cinéma en cachette et on verra le film.
— Ah ouais ? Et pourquoi tu n'as pas eu cette idée avant, hein ? pesta le Gryffondor.
— Parce que toi, tu l'as eue, peut-être ?
— Si on sort, promets-moi qu'on se désillusionne ce soir et qu'on dort dans un hôtel, au chaud ! On se fera du thé et on videra le mini-bar !
— Pourquoi pas… si tu y tiens vraiment, accepta Severus avec un soupir feint.
Dans le couloir, les deux gardiens avaient suivi la conversation. Depuis l'annonce de leur libération, Harry Potter n'avait fait que protester et c'était la première fois que ça arrivait. Quand Marcus était allé tout raconter à Evariste, celui-ci n'en avait pas cru ses oreilles. Mais que se passait-il donc dans le Monde Moldu pour que Potter préfère rester à Azkaban que d'y retourner. Flint en était presque traumatisé.
— Ça doit être terrible, chez les Moldus. J'en avais entendu parler quand j'étais à Poudlard. Les autres disaient que c'était un monde très dangereux et qu'il ne fallait pas y aller ou du moins pas longtemps et le moins souvent possible, avoua Marcus, en frissonnant.
— Ouais, t'as pas tort. J'y suis jamais allé, moi. J'ai jamais vu l'intérêt. Être obligé d'y vivre et sans pouvoir revenir dans notre monde, ça doit être épouvantable.
— Jamais je n'y mettrai les pieds !
Mondingus, lui, se posait des questions. Accroché au barreaux glacés de sa cellule, il écoutait la discussion de Severus et Harry.
— Harry ! Pourquoi tu rentres pas au Square Grimmaurd ? Je croyais que tu y vivais et que Lupin s'occupait de toi en l'absence de Sirius. Par Merlin, même Albus y passait ses vacances et avec Rogue en plus !
— Parce que j'ai été fichu à la porte, Ding'. Et Sirius m'a renié et déshérité. Je ne suis plus son filleul ni son héritier. Et Remus a menacé de tuer Severus. Pas question qu'on se pointe par-là, merci bien !
— Ah merde ! J'étais pas au courant de ça. Mais qu'est-ce que vous allez faire alors ?
— Je pensais qu'on devrait quitter Londres, peut-être, annonça Severus d'un air candide. Oui, essayer de trouver un endroit dans la campagne, un endroit tranquille. Au printemps, ils embaucheraient peut-être dans les fermes pour travailler dans les champs. Sinon j'avais pensé quitter le Royaume-Uni pour le continent, essayer d'aller vers le sud. Les hivers seraient moins rudes et il serait peut-être plus facile de survivre. On verra bien… Faudra bien qu'on avance, qu'on essaie de s'en sortir. A Londres, c'est quasiment impossible d'utiliser la magie. Si on se fait repérer, on se fera taper sur les doigts avec le Ministère. Entre nous, on a donné, hein !
— Ah ouais, t'as raison, Sev', renchérit alors Harry. Si on va dans la campagne, on pourra utiliser nos baguettes ! Personne ne nous verra allumer un feu, ou tuer un lapin d'un Avada, pour le faire cuire et le manger. On pourra conjurer des trucs et se lancer des sorts de chauffage sans qu'on nous voit ! C'est cool, ça ! Sev', on va partir à la campagne dès qu'on sort d'ici.
— Si tu veux, chaton. Le bateau va nous déposer à Aberdeen en sortant d'ici. Pour bien faire, faudrait qu'on transplane aussitôt vers Glasgow ou Edimbourg pour nous rapprocher de Londres dès demain. C'est qu'on est en hiver, donc il va faire très froid. On risque d'avoir des moins quinze sans souci dans les Highlands donc faut qu'on descende vite.
— Je veux pas de neige et pas de pluie !
— On fera au mieux, chaton.
L'heure passa plus vite qu'Harry ne le pensait. Ils avaient caché leurs musettes toujours désillusionnées sous leurs uniformes de prisonniers. Ainsi, ils ne perdraient pas de temps avec des manœuvres peu discrètes pour les remettre par-dessus leurs vieux vêtements. Ils s'habilleraient directement en les laissant sous leurs habits et c'est tout. Severus avait collé sa baguette sous son bras et l'avait aussi rendue invisible. Bien entendu, les deux fléaux n'avaient absolument aucune intention de marcher ou de traîner dans les Highlands de ville en ville. Non, dès qu'ils seraient relâchés, ils fileraient à Carbone-Les-Mines, prendraient une bonne douche chaude, une tasse d'Earl Grey bouillant avec des petits biscuits et se la couleraient devant la cheminée, bien au chaud. A midi, ils se cuisineraient des steaks énormes avec une grande assiette de frites. C'était ce qu'avait suggéré Harry la nuit précédente. A ce moment-là, il parlait de son premier repas de sorcier libre donc dans un mois. Finalement, le steak/frites allait être dégusté plus vite que prévu.
Albus Dumbledore, chaudement emmitouflé dans une somptueuse cape de velours chatoyant avec des caches-oreilles en fourrure, entra dans le couloir sur les coups de midi. Il ne s'était pas pressé, l'animal ! Adieu le thé et les petits biscuits, on attaquerait le steak/frites directement. Derrière lui, Tonks, Savage, Fiertalon et Dawlish – bronzé avec la trace blanche des lunettes de ski moldues – avançaient. On sentait les Aurors habitués aux lieux et surtout à la faune locale.
— Willy ! Harris ! Et bien sûr, Ding' ! La fine équipe, ricana John Dawlish. Qu'est-ce que vous fichez encore là, vous trois ? Faut vous calmer, les mecs ! C'est pas la saison pour Azkaban ! Il fait quasiment moins dix, là !
— Que veux-tu, on s'ennuyait de ce brave Evariste alors on est venus faire un p'tit coucou, s'amusa Mondingus en serrant la main de Dawlish. Alors, ces vacances au ski, c'était bien ?
— Ouais, ouais, c'était pas mal, ça détend… La sorcière et les mômes ont apprécié.
Pendant que John Dawlish racontait ses vacances à Mondingus et Harris, Marcus Flint ouvrait la grille de la cellule n°4. Harry et Severus étaient assis sur leurs paillasses, emmitouflés dans les couvertures mitées de la prison.
— Comment ça va, mes enfants ? Je suis venu en personne pour vous annoncer une bonne nouvelle. Vous n'aurez pas un mois à faire à Azkaban ni de Travaux d'Intérêt Magique. Le Magenmagot a jugé que c'était trop dangereux pour vous. Vous êtes donc libre. Et une bonne nouvelle n'attendant pas l'autre, la Loi d'Hypocritus Le Zélé a été abrogée avec effet rétroactif. Harry, le Trésor Magique t'a rendu tout ton or ce matin.
— Mon or ? Mon or ? On m'a rendu mes sous ? T'entends ça, Sev' ? On va s'acheter une maison à la campagne ! Ou… ou à la mer ! Ouais, la mer, c'est cool aussi. Et tu pourras faire des potions toute la journée !
— C'est sérieux, Albus ?
— Oui, Severus, c'est sérieux. Cornélius a cédé. Travers et Mulciber ont été trouvés morts hier, tout comme Rufus Fudge, même mode opératoire, et il est persuadé que quelqu'un veut vous venger.
— On sait qui a tué Ron, Professeur Dumbledore ? demanda avec hésitation Harry.
— Hélas non. L'enquête semble piétiner. Et je t'apprends qu'Arthur Weasley a été embauché comme professeur à Poudlard. Il va enseigner aux anciens Cracmols.
— Super ! Walt et Rick, ils savent qu'on est ici ?
— Non, Harry. Je n'ai rien dit à Walt. Je sais qu'il est très facilement impressionnable et hypersensible, j'ai eu un peu peur de sa réaction. Sans Rick, toi et Severus pour le soutenir, c'était risqué.
— Vous avez bien fait. Bon, finalement, ça ne me dérange plus de partir d'ici. On y va, Sev' ?
— On y va ! Conduisez-nous au vestiaire, Monsieur Flint.
— Oui, Professeur Rogue, tout de suite. Suivez-moi.
— Vous vous plaisez, ici, Monsieur Flint ? demanda gentiment Dumbledore. Je suis ravi que vous ayez trouvé cette place. C'est une position enviable. Vous allez faire une belle carrière. Votre mère doit être enchantée.
— Oui, Professeur Dumbledore, on est bien ici. Le travail est intéressant, répondit Marcus Flint, le rose aux joues.
— Bravo, Marcus ! J'aime que mes serpents réussissent dans la vie. Je vous félicite, ajouta Severus.
Il vit Harry se mettre un doigt au fond de la gorge et faire semblant de vomir et lui envoya une tape derrière la tête.
— Entre dans le vestiaire au lieu de faire le clown, Harry, et déshabille-toi !
— Hé ! Y a une fille ! Je me déshabille pas devant une fille, d'abord !
— Je ne suis pas une fille, je suis un Auror, répliqua Tonks avec le plus grand sérieux.
Mais elle sortit quand même pour attendre dans le couloir. Marcus prit les deux cartons contenant les affaires de Severus et Harry qu'il avait rangés sur une étagère. La première chose que Severus fit en l'ouvrant, c'est se saisir de sa baguette de bouleau noir avec un soupir de contentement. Il se lança un Devestio, puis un Vestio dans la foulée, et il réintégra en une seconde ses atours de clodo moldu.
— Fais comme moi, chaton, tu auras moins froid.
— Ah, mais ouais ! C'est pas con ! C'est pas con du tout ! Où est ma baguette ? Ah ! Elle est là… Devestio, Vestio !
Harry tapota son vieil anorak rouge éculé avec un air satisfait.
— On rentre comment ?
— En bateau. C'est le mode de transport réglementaire, répondit Kingsley. Mais avant, vous devez descendre au bureau de Brutus pour signer votre levée d'écrou.
— D'accord. Mais le bateau, c'est pas cool. Ça caille, et ça donne le mal de mer, pesta le Gryffondor survolté.
Le brigand ne rajouta pas qu'une heure de bateau en plus et son steak reculait d'autant ! Misère de misère !
Il eut froid malgré le sort de chauffage. Il eut le mal de mer, mais moins que Tonks qui passa le voyage penchée par-dessus bord à vomir ses dix derniers repas… au moins, selon elle.
Et le pire étant qu'Albus avait pris la cheminette de Brutus pour rentrer à Poudlard en passant par le Ministère où il avait soi-disant à faire en urgence. Mon œil ! Il ne voulait pas se retaper un voyage retour dans ces sinistres conditions. Le ciel était blanc et des flocons tourbillonnaient. La mer, gris sinistre, était houleuse. Et surtout, elle était glacée.
Mais le meilleur était que la comédie avait cessé. Le rideau était baissé pour de bon. Ils rentraient à la maison. Et ils avaient leur or. Enfin, une bonne nouvelle !
Les deux ex-prisonniers transplanèrent près des poubelles du voisin d'en face, comme d'habitude. Ils se précipitèrent vers la porte et Severus tourna la poignée, songeant qu'ils n'avaient même pas la clé. De toute façon, la porte n'était jamais fermée façon moldue…
En entrant, ils ressentirent avec plaisir une bouffée de chaleur les entourer, accompagnée d'une odeur de bois et de charbon brûlant dans la cheminée. Harry referma vite le battant derrière lui pour ne pas refroidir les lieux. Il n'était pas frileux de nature – Poudlard était très mal chauffé – mais Azkaban était digne d'un congélateur moldu. De telles conditions de détention étaient totalement indécentes et honteuses, mais le Monde Magique s'en fichait totalement.
— Va prendre une douche bien chaude et te changer, Sev'. J'irai après toi. Je vais voir à la cuisine ce qu'on va manger. L'heure tourne ! Il est déjà plus de treize heures !
— Tu as raison, chaton. J'ai bien hâte de remettre mes vêtements et pas ces haillons.
Le Maître des Potions grimpa l'escalier quatre à quatre pour aller s'enfermer dans la salle de bain. Avant de penser au déjeuner, Harry avait quand même quelque chose à faire.
— DOBBY ?
L'Elfe popa immédiatement, un grand sourire satisfait sur son visage gris. A la place de son short de football, il portait à présent un bas de jogging gris en molleton épais pour enfant. Où l'avait-il trouvé ? Mystère… Peut-être au même endroit que les haillons qui avaient si bien donné le change.
— Harry Potter est revenu ! Dobby est content, Maître Harry, Monsieur.
— C'est gentil, Dobby. Mais j'ai trois questions pour toi. La première : est-ce que tu es responsable de l'hécatombe qu'il y a eu ? En bref, as-tu tué tous ces sorciers ? La seconde, peux-tu nous faire chacun un gros steak bien juteux et des frites ? Et la troisième : est-ce que Winky va bien ?
— Winky va bien, elle attend que son Maître Severus l'appelle. Elle est à Poudlard. Dobby peut faire les steaks et les frites. Dobby doit juste aller vol- hem prendre les pommes de terre et la viande à Poudlard. Et Dobby ne sait pas de quoi parle Maître Harry, Monsieur, pour les sorciers. Dobby va, Harry Potter, Monsieur.
Et l'Elfe menteur comme un arracheur de dents moldu claqua des doigts et disparut. Harry trouva son départ bien précipité. Il grimpa lui aussi les escaliers et entra dans le labo de potions puis dans la salle de bain qui était chaude et humide comme une étuve.
— Sev' ? Dobby s'occupe du déjeuner, raconta-t-il tout en se déshabillant. Mais un truc me chiffonne…
— Quoi donc, Harry ? demanda le Serpentard en se retournant, les mains dans ses mèches pleines de shampooing.
— Eh ben, je lui ai demandé s'il était responsable de la mort de tous ces sorciers, et il a dit qu'il ne comprenait pas de quoi je parlais. Et ben tu vois… j'ai de très sérieux doutes. Je crois qu'il ment.
— Bien sûr qu'il ment, ricana Severus, la tête sous le pommeau de douche. C'est un Elfe libre. Il n'a donc de comptes à rendre à personne et peut mentir comme il le veut sans être tenu de se punir.
— Je vois. Donc, on va devoir faire comme si on ne se doutait de rien, c'est ça ?
— Totalement ça. Allez viens te laver, ça te fera du bien !
On était vendredi soir, et le duo de choc se préparait pour le week-end. Déjà, depuis leur retour à l'Impasse du Tisseur, ils avaient entrepris de reprendre leurs marques dans la maison. Hedwige et Midnight trônaient sur leur perche dans la cuisine. Severus avait passé son temps à faire des potions pour Shield aidé de Winky qu'il avait liée à lui, à la grande joie de l'Elfe. Harry avait un peu révisé – pas beaucoup pour être honnête –. Il avait aussi envoyé Dobby à Gringotts pour retirer trois cents gallions et cinq cents livres sterling de son coffre 687 et deux cents gallions du coffre 736 pour Severus.
Le potionniste avait aussitôt réexpédié la bourse en cuir de dragon de Lucius à son propriétaire, lestée de la même quantité d'or qu'à l'origine plus dix gallions d'intérêts, avec un petit mot sur un bout de parchemin « Merci » et un flacon de potion du Prince « Potion de stérilité pour sorcier ». Ainsi, Lucius pourrait s'éclater avec la maîtresse que Severus était sûr que le noble avait, et il ne ferait pas de petit frère ou de petite sœur involontaire à Drago.
Lorsque Hedwige était revenue du Wiltshire, Severus l'avait expédiée à Sainte-Mangouste avec un flacon de potion du Prince « Potion pour Arthrose », indications : « Restaure les articulations usées, un flacon pour la totalité des articulations du corps. Ne pas dépasser la dose prescrite. 50§ ». Ce flacon était destiné à Ernest Jones, et un morceau de parchemin indiquait juste « Merci pour Harry. Sevan Prince ».
Le potionniste songea qu'il allait devoir en proposer à Shield, tout comme sa nouvelle « Potion d'Adoption » envoyée à Shield la semaine passée. Cette potion permettait de faire passer un bâtard pour un enfant légitime avec seulement un cheveu du père désiré dedans. Le principe du Polynectar quoi… mais modifié pour avoir un effet permanent. Cette potion coûtait deux cents gallions. Autant que les frasques des gens lui profitent. Lundi, il lui renverrait quelques autres flacons, mais pour le moment le week-end commençait et c'était l'heure de la détente. Son labo était propre et bien rangé, son stock d'ingrédients renouvelé grâce à Winky qui était allée avec une liste chez Slug & Jiggers pour lui. Il avait remboursé son ami et payé ce qu'il estimait une dette à Ernest pour avoir aidé Harry. Severus avait donc l'esprit très serein.
Harry s'était occupé de leur préparer un mince bagage et ils étaient prêts pour transplaner jusque chez Rick et Walt. Ce soir, c'était détente au Flamant Rose !
Dans l'allée des Embrumes, c'était un peu le remue-ménage, surtout tout au fond de l'allée, là où les Aurors eux-mêmes n'osaient pas trop s'aventurer. Déjà, à la base, l'allée n'était pas un lieu plaisant ni engageant. Il y faisait sombre – quasiment noir plutôt – en permanence. Le sol pavé s'incurvait au milieu, formant un caniveau où l'eau s'écoulait après chaque averse en charriant les ordures abandonnées dans la rue. Les maisons de chaque côté étaient toutes lépreuses : ici pas d'or pour les réparations, la peinture et les entretiens basiques. Les enseignes des magasins s'étaient effacées pour certaines depuis plusieurs siècles. On n'identifiait les boutiques que par habitude. Il allait sans dire qu'un étranger n'y aurait pas trouvé son chemin. Plus on s'enfonçait dans l'allée et plus elle rétrécissait et devenait sombre et sinistre. Tout au fond, le dernier bâtiment qui la fermait était un vieil entrepôt. Le bas était en pierre, noire et sale de suie et de pollution urbaine, et le haut était en vieilles planches grises avec un toit gondolé de tuiles brunes et de tôles rouillées. Personne ne savait à quoi avait bien pu servir un tel endroit autrefois : il y avait bien longtemps que plus aucun sorcier vivant ne s'en souvenait.
Pourtant, les rares riverains avaient constaté une certaine agitation dans le lieu mystérieux. On y entendait jour et nuit des bruits de scies, de marteaux, de vilebrequins grinçants. De nombreux sorciers y entraient et sortaient régulièrement, porteurs de sacs pleins et autres caisses suspectes. Les gamins en haillons du quartier espionnaient, cherchant à découvrir ce qu'il s'y passait, et aussi à éventuellement récupérer une petite noise – ou deux – tombée d'une poche.
L'entrepôt était bien entendu une façade. Le Boss y avait fait démarrer d'importants travaux. On avait cloisonné l'intérieur du lieu, et à présent on y faisait la déco : papiers peints, peintures, moquettes et ameublement. Mais qu'est-ce qu'on pouvait donc bien fabriquer là-dedans ? Seuls les Lieutenants et le décorateur – un vampire regrettant fortement l'époque victorienne – étaient au courant. Pendant que l'équipe d'ouvriers, dirigée par le beau et ténébreux Sanguini, œuvrait, Cicéron, lui, s'efforçait de remplir sa mission. Chaque nuit le sorcier écumait les rues du Londres mal famé où les Moldus s'encanaillaient et où on trouvait une femme peu farouche et fort dévêtue sous chaque réverbère et dans chaque porte cochère. Ces braves dames avaient pour particularité de faire passer quelques moments agréables aux messieurs désireux contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Ledit Cicéron avait, par pur hasard quelques années auparavant, retrouvé dans le quartier chaud une sorcière née-moldue qui était allée à Poudlard en même temps que lui. Cette sorcière monnayait ses charmes, faute d'avoir pu trouver un emploi dans le Monde Magique et faute d'avoir une quelconque formation moldue. Il fallait dire que le fameux parchemin d'équivalence, donnant le droit aux sorciers diplômés de Poudlard d'entrer à l'Université n'existait pas encore. Cela ne faisait que cinq ans que cette mesure avait été mise en place par Dumbledore et Griselda Marchebank. La sorcière lui avait, devant une tasse de thé prise en terrasse, raconté ses malheurs et expliqué la difficulté du retour dans le Monde Moldu après Poudlard. Elle avait également fait dix pour cent de réduction à Cicéron pour une petite heure avec elle et le naïf sorcier avait ainsi perdu son pucelage. Il était bien temps… ceci dit.
Lorsque le Boss avait demandé à Cicéron de remplir son nouveau futur bordel, le sorcier mafieux avait tout de suite su qu'il devait s'adresser à Janet Rabnott, ou du moins à Titania de Mortecouille, son nom de « théâtre » comme elle disait. Cicéron ne l'avait pas trouvée dans Soho, quartier chaud par excellence, mais il se souvenait de l'entendre dire qu'elle souhaitait tenter sa chance vers Trafalgar Square qui était un peu plus chic.
— Tu comprends, Cic', avec les touristes qu'il y a là-bas chaque jour, il y a moyen de se faire de l'or ! avait-elle dit.
Le Lieutenant du Boss avait mis presque deux semaines pour retrouver la sorcière. Et il semblait que les affaires ne marchaient pas trop pour elle. En effet, lorsqu'il s'était montré, l'abordant comme un client, Janet Rabnott portait un magnifique cocard et une lèvre fendue.
— Eh ! Janet ! Qu'est-ce que tu deviens, ma vieille ?
— Cicéron ? Ah ben dis-donc, ça fait un bail. Tu me payes une tasse de thé ? Ça caille ici !
— Tu peux pas te lancer un sortilège de chauffage ? Et ta figure ? Qu'est-ce que tu as fait ? Tu t'es pris le Magicobus en traversant la rue ? avait-il demandé en riant.
Mais le regard de la sorcière s'était voilé et des larmes avaient perlé.
— Je n'ai plus de baguette, Cic'. C'est… c'est Gregory, mon souteneur, il me la prise et cassée, il y a déjà trois ans, et comme il me pique tout mon fric, je n'ai jamais pu retourner en acheter une autre sur le Chemin de Traverse.
— Ok, je vois. Viens, je te paye un thé, et un p'tit gâteau aussi. Ça te requinquera. Faut que je te parle. J'ai une proposition de boulot pour toi.
— Dans… dans le Monde Magique ? avait murmuré Janet, pleine d'espoir.
— Ouais. Mon Boss, il veut ouvrir un bordel dans l'Allée des Embrumes et il nous faut une Madame, comme dit notre décorateur. Une dame du métier, qui connaisse bien le boulot, qui soit capable d'embaucher des filles, de les former et de faire marcher la boutique. Alors, j'ai pensé à toi. Je te cherche depuis presque trois semaines, par Merlin ! Je suis tombé la semaine dernière sur une fille qui occupait ta place de trottoir dans Soho et je me suis résolu à lui demander où tu étais, vu que je ne te trouvais pas de moi-même. Elle m'a dit dans quel coin chercher, et me voilà.
— Tu… tu me tirerais des griffes de Gregory ? Et tu m'emmènerais acheter une baguette ?
— Sans souci. Viens… on va organiser tout ça devant une tasse de thé, bien au chaud. Et je vais te soigner aussi.
Et voilà comment la blonde et désabusée Janet Rabnott avait réintégré le Monde Magique et était devenue la froide et sculpturale Titania de Mortecouille, future tenancière du Charm'heure. Le Boss, absolument ravi de la trouvaille de Cicéron, avait prêté quelques-uns de ses hommes de main pour aller avec la donzelle née-moldue récupérer ses affaires, y compris son mobilier et son chat angora, et surtout son or, conservé par une espèce de minable qui squattait chez elle, la rossait et menaçait de tuer son familier si elle ne rapportait pas assez pour ses doses de substances illicites quotidiennes et son whisky.
En dix minutes, l'affaire avait été bâclée. Titania avait été soignée de sa dernière rossée, l'entièreté de son appartement vidé et son chat mis dans un panier. Le petit marlou avait été puni aux Doloris, oublietté et déposé devant un commissariat, saucissonné, et les poches pleines de drogues diverses. Cicéron avait fait sa fiancée, Gwendolyne Penrose, accompagner cette pauvre Miss Titania, qui avait eu bien des malheurs dans le Monde Moldu, chez Ollivander pour une nouvelle baguette et aussi chez Tissard et Brodette pour une nouvelle garde-robe chic, investissement du Boss qui avait été favorablement impressionné par la sorcière à son arrivée. Il était persuadé que cet argent placé allait lui rapporter bonbon, et il avait le nez creux pour ce genre d'affaires. Ambrosius avait été envoyé chez Shield aux nouvelles pour savoir ce que le Prince des Potions avait bien pu lui expédier de nouveau qui pourrait servir. La Potion d'Adoption fut très appréciée ainsi que la Potion pour l'Arthrose, le Boss n'étant plus de la première jeunesse. Il se déplaçait depuis longtemps avec une canne-baguette mais après la potion, elle servit juste de décor, comme celle de Lucius Malefoy. Et puis, on ne se méfiait pas d'un vieux sorcier marchant avec une canne…
La fin du mois de février approchait et le remue-ménage dans l'Allée des Embrumes avait quand même attiré un peu les Aurors qui se demandaient ce qui pouvait encore se tramer dans ce lieu de perdition. Robards pensait à un trafic de Whisky Pur Feu frelaté, vendu avec des fausses étiquettes Vieil Ogden, magouille assez récurrente, ou une tentative du Boss pour vendre des drogues moldues qui jusqu'à présent n'avaient rencontré que fort peu de succès. Entre temps, le bureau des Aurors avait dû enquêter sur la mort de Rita Skeeter. En effet, Miss Biscus avait mis la main sur le parchemin de naissance de sa collègue en graissant la patte du sorcier des archives au Service de l'Etat-Civil Magique, en suivant le conseil de Severus Rogue. Même cet idiot de Sherlock Snoop n'avait pas pensé à ça… Et elle avait découvert à sa grande horreur que la journaliste vedette était décédée depuis des mois ! Et on n'avait jamais retrouvé son corps ! Elle avait prévenu les Aurors, avait montré sa copie du parchemin pour ça, et avait pris une amende pour avoir mis son nez là où il n'avait que faire. Mais Amélia Bones avait ordonné une enquête, de toute évidence pour calmer Barnabas Cuffe, le rédacteur en chef du torchon local et aussi les quelques sorciers de la rue aimant les articles sulfureux de la peste journalistique.
Ce décès avait copieusement calmé Miss Jenny Biscus et on ne voyait plus, depuis un moment, d'articles diffamants sur Severus Rogue et Harry Potter. Le Ministère lui avait recommandé de les oublier, lui rappelant qu'ils avaient quitté le Monde Magique, n'y étaient jamais revenus et que cinq sorciers s'étant égarés à les persécuter y avaient laissé la vie. Si elle voulait être la sixième… grand bien lui fasse.
Miss Biscus étant toujours en vie, ça voulait dire que deux Elfes n'avaient pas eu un certain travail hors cadre à faire.
L'argent rentrait à flot dans le coffre de Severus maintenant. Enfin, celui d'Harry dont il lui laissait l'usage exclusif sans jamais s'en mêler. Les Potions du Prince étaient plus populaires que jamais et la classe d'Arthur à Poudlard était pleine à craquer, pas que le rouquin s'en formalise, bien au contraire. Ed Owens avait obtenu gain de cause. Maître Prince, prévenu par Shield, avait mijoté une potion pour Andrew. Cette potion, expédiée par Hedwige à la Guérisseuse Strout avec un petit mot, avait réveillé et soigné le garçon dans les vingt-quatre heures. Depuis, Ed exultait et faisait une pub infernale à ce mystérieux Maître des Potions. Myriam Strout aussi d'ailleurs… à tel point que Spleen envisageait de lui proposer la place de Chef du Labo de Potions.
Les affaires de Marcus Shield se portaient extrêmement bien. Son niveau de vie s'était largement amélioré et Diana Shield avait pu expédier à sa fille à Poudlard des robes de sorcière et deux uniformes complets neufs, provenant de chez Madame Guipure, au lieu des uniformes d'occasion achetés précédemment.
Et depuis un mois qu'ils étaient sortis d'Azkaban, Harry et Severus menaient une vie qu'ils pourraient presque qualifier de paisible. La semaine, Harry bossait ses cours et le plus sérieusement qu'il pouvait, car il ne voulait pas perdre une année : il lui fallait ses fichus ASPICs. Hermione lui avait demandé où il voulait aller l'an prochain, maintenant qu'il avait l'or pour se payer des études et il avait dévoilé son grand rêve secret. Harry James Potter voulait être archéologue. Hermione avait trouvé ça fascinant et lui avait dit que c'était absolument génial. Elle avait confié à Harry ensuite qu'elle-même ne se plaisait pas en Droit et pensait à changer d'orientation l'année suivante. Le Sauveur lui avait suggéré de venir avec lui en archéologie, que ça allait être super, vu qu'elle adorait l'Histoire. Tentée, elle avait répondu qu'elle allait y réfléchir sérieusement et en parler avec ses parents.
Severus, lui, passait son temps enfermé dans son labo de potions avec Winky. Il mijotait des chaudrons toute la journée, choisissait dans ses vieux grimoires, dont certains étaient interdits, les potions controversées qui pourraient plaire à sa clientèle interlope ou aux Médicomages désespérés de Sainte-Mangouste. Quand il voulait se détendre, il se plongeait dans l'étude pour trouver un moyen de faire les hommes être enceints. Et aussi, il lui fallait une potion qui puisse combiner deux spermatozoïdes ensemble pour créer un œuf fécondé, et ça, ce n'était pas gagné du tout ! Il fallait être honnête, donner un utérus à un homme n'était pas si compliqué que ça. Non, le plus difficile allait être de créer cet œuf et aussi de l'implanter dans ledit nouvel utérus qui n'avait pas d'accès vers l'extérieur. Ça allait être joyeux encore… il n'était pas sorti du chaudron. Pourtant l'idée vint d'Harry…
— Mais pourquoi tu cherches des complications, Sev' ? Tu n'as qu'à prendre une grosse seringue et tu l'injectes directement dans l'utérus à travers le ventre et c'est tout. Les médecins moldus font sans arrêt ce genre de choses. Je suis certain que tu pourrais aussi, si tu avais le matériel.
Severus était resté figé au moins trente secondes. Eh oui, c'était si simple qu'il n'y aurait jamais songé ! Il cherchait une solution magique alors qu'une moldue était bien plus facile. Donc le projet avançait doucement…
Chaque vendredi soir, Sev et Harry rejoignaient Rick et Walt pour le week-end. Walt progressait dans ses études : Severus surveillait ses devoirs et lui donnait des trucs pour les cours de potions donnés par Horace Slughorn. Une fois même, il emmena Harry et Walt à la chasse aux ingrédients en Forêt de Dean et les deux plus jeunes apprécièrent la sortie.
La vie s'écoulait paisible et tranquille. Le printemps allait bientôt arriver et le temps se radoucir. La vie était belle quoi…
Le Monde Magique continuait sa petite vie également. Pas de Mage Noir à l'horizon, pas de nouveau déviant révélé et ostracisé pour provoquer un nouveau scandale. Non…
Oh, ça ne voulait pas dire qu'il n'y aurait pas de scandale. Ça voulait juste dire que c'en serait un d'un nouveau genre : l'ouverture d'un bordel dans l'Allée des Embrumes !
Personne n'avait osé depuis que la prostitution avait été éradiquée dans le Monde Magique deux cents ans auparavant. Et pourtant… les sorciers allaient bientôt découvrir les délices du Charm'heure.
Le Boss avait trouvé ce nom juste pour rappeler que pendant une heure et pour dix gallions, le sorcier client du lieu aurait le droit de boire autant qu'il le voudrait et de baiser autant qu'il le souhaiterait aussi. Comme l'avait fait remarquer Ed à Cicéron :
— Le Boss est un malin, Cic', les types qui viendront, soit ils picoleront soit ils baiseront, mais il feront pas longtemps les deux. Le mec qui va arriver pour baiser, il va tirer son coup, une fois, et après il va boire. Une heure c'est vite passé, il pourra pas remettre le couvert. Y en a qui vont s'imaginer vivre une orgie de culs et de Vieil Ogden, mais ils vont tomber de haut. Et s'ils veulent rester, faudra rebanquer. Dix gallions c'est pas rien. Comment ça avance le recrutement ? Miss Titania s'en sort ?
— Ouais, très bien. Faut qu'elle fasse le tri, bien entendu. Les moches ou trop vieilles ben, ça va pas trop le faire, faut attirer les clients. Et pis certaines étaient pucelles… nan mais franchement. Le Boss dit que les vierges ça attire certains, donc il fera payer cent gallions pour une vierge et la fille aura à cette occasion soixante-quinze gallions pour sa peine. Le reste pour le Boss. Sur dix gallions payés par le client, six iront dans la poche du Boss. Faut quand même que les filles gagnent leur croûte quoi. Ah sinon, j'ai une anecdote à te raconter, Ed. Tu vas rigoler. L'autre jour on en a eu deux qui sont venues se présenter, fallait voir les dégaines. Mais Titania tu vois, elle a l'œil. Elle a tout de suite vu que c'était des mecs déguisés en filles.
— Des Aurors ? s'était exclamé Ed horrifié.
— Nan, des sortes de déviants, des travelos qu'elle a dit, Titania. Je sais pas ce que c'est mais elle était super intéressée. Le pire c'est qu'elle les a retenus. Pour quoi faire, je me le demande bien. Y a pas de déviants chez nous. Enfin, je crois pas. A part Rogue et Potter, du moins.
— Ne rêve pas, Cic' ! On en a plein, autant que les Moldus, soit dix pour cent de la population, mais personne ne le sait, ils se terrent comme des rats et avec raison. T'as vu le traitement fait à Harry Potter ? Enfin merde, c'est Harry Potter ! Et son mec c'est le type qui a sauvé les guiboles de Duncan, le fils de mon pote John. C'est pas n'importe qui non plus, celui-là ! Alors si on traite aussi mal des gens comme eux, comment ils traiteraient des pauvres bougres de l'Allée, hein ? Le Boss est contre la discrimination, comme il dit. Il dit que les déviants on doit juste les appeler des gays ou des homos, et que c'est pas une déviance mais juste une différence, comme la couleur des yeux ou des cheveux.
— Ah ouais ? Mais comment il sait ça, le Boss ?
— Aucune idée, mais il sait plein de choses. Il est vachement instruit, et sur plein de sujets. Y a longtemps que j'ai appris que lorsqu'il dit une chose, ben tu peux être sûr qu'il sait de quoi il cause.
— Tu crois, qu'il est… homo, ou jesaipasquoi qu'il dit pour les déviants, Ed ?
— Non, Cic'. Il a eu une femme et un môme autrefois quand il était jeune. Ils sont morts tous les deux y a très longtemps, au moins trente ans. De quoi, j'en sais rien, mais je sais qu'ils lui manquent. Il me l'a dit y a très longtemps, quand Andy est né…
— Ah ouais, le pauvre. Ça craint quand même. Il t'a dit quand il ouvre le Charm'heure ?
— Ouais, Cic'. Il pense au premier avril. Ça sera une bonne blague pour le Ministère ! Mouahahahahahahah !
Les espions du Ministère étaient sur les dents. Une agitation étrange régnait sur l'entièreté de l'Allée des Embrumes. Des Aurors déguisés se promenaient dans le lieu, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Déjà, les poubelles avaient été ramassées partout et les pavés nettoyés. Du coup, l'odeur était meilleure dans l'Allée, ce qui plaisait aux riverains. La boutique d'Ephraïm, le coiffeur, à l'enseigne de Magi'Coup'Tif, ne désemplissait pas de sorcières qui en ressortaient apprêtées comme des reines, mais curieusement vêtues de beaux peignoirs ornés de dentelles et de lingerie fine. Etranges tenues pour des sorcières de l'Allée des Embrumes. Des charrettes à bras contenant des caisses de bouteilles de Vieil Ogden, de Bièraubeurre Barny La Roussette – la marque la plus chère – ainsi que d'autres alcools très appréciés des sorciers, furent vues tirées par des sorciers de livraison vers le fond de l'Allée, là où normalement il n'y avait rien à voir du tout.
L'enquête des Aurors révéla que six Elfes-de-Maison avaient été achetés au Service de Placement des Elfes-de-Maison par une certaine Madame Titania De Mortecouille, une sorcière très belle et très richement vêtue. Cette dame avait beaucoup impressionné l'Auror Shingleton à qui on avait demandé de noter tout ce qu'il pourrait trouver d'étrange et d'inhabituel. Or cette belle sorcière inconnue rentrait dans cette catégorie. Six Elfes-De-Maison d'un coup, par Merlin ! Elle avait acheté un Manoir ou quoi ?
— Bon, on en est où de cette enquête sur l'agitation dans l'Allée des Embrumes ? avait demandé Amélia Bones lors d'une grande réunion avec tous les Aurors du Département de la Justice Magique.
— Les indic' sont muets comme des tombes, M'dame ! avait pesté Robards avec un air ennuyé. Les commerçants de l'Allée et même ceux du Chemin de Traverse refusent de dire quoi que ce soit. D'après ce qu'on a constaté, leurs activités se sont anormalement accrues. Tissard et Brodette, Madame Guipure et GaiChiffon ainsi que les trois chausseurs ne désemplissent pas. On a vu leurs Elfes de livraison filer vers l'Allée avec plein de paquets. Pareil chez Merlin Design, le magasin a quasiment été vidé en quelques jours. Ephraïm le coiffeur a dû embaucher et fait des heures sup'. Le Salon de Beauté de Madame Parkinson affiche complet en permanence et elle a mis une annonce pour embaucher en urgence dans Sorcière-Hebdo, selon ma femme. Ce surcroit d'activité est une aubaine pour le commerce magique mais on ne me retirera pas que c'est pas normal.
— Oui, en effet. Ça ne semble pourtant pas inquiétant, juste étrange, avait répondu Madame Bones.
— Le Boss mijote encore un truc fumant, je reconnais bien sa patte à celui-là ! Sinon, les affaires de Marcus Shield semblent bien se porter, il a fait laver sa vitrine et repeindre sa façade. Il a aussi mis une enseigne « Apothicairerie Shield ». En bref, ce vieux magouilleur se la joue « honnête commerçant ». On sait que c'est lui qui vend les Potions du Prince. Il en a un rayon dans sa boutique, mais ce ne sont que des potions classiques : des potions médicomagiques très banales et quelques-unes plus rares et chères comme la Potion pour l'Arthrose ou celle pour la Myopie. Evidemment, il affiche une pub pour la fameuse Potion « Retour de Magie pour Cracmols » qui n'est dispo que sur commande. Il fait aussi une nouvelle gamme pour bébés et enfants qui n'est pas chère du tout, comme des liniments, des purges, des baumes pour les dents qui poussent ou pour la fièvre, des crèmes de soin pour les fesses rouges, enfin bref, tout ce qu'une mère peut avoir besoin pour un bébé. Trouver ça chez Shield… ce brigand va nous faire pleurer !
— On ne va pas se plaindre qu'il se mette à vendre des choses honnêtes quand même ? avait ricané Kingsley Shacklebolt. Entre nous, je préfère le voir vendre des potions médicomagiques voire des crèmes de beauté pour sorcières plutôt que des poisons.
— C'est clair ! Quelqu'un a une idée ou a entendu quelque chose ?
— Fol Œil pense que le Boss ouvre un hôtel ou quelque chose dans le genre. Tous ces meubles luxueux vendus, ça lui fait penser qu'on garnit un immeuble avec beaucoup de chambres et de salons. Et avec un bar ! Ce qui expliquerait les livraisons de boissons, avait alors annoncé Tonks.
— Un hôtel ? s'était étonnée Amélia. Je me demande bien où. Quelqu'un a vu un immeuble être restauré ? Une enseigne apposée ?
— Non. C'est bizarre, un hôtel dans l'Allée des Embrumes, avait alors répondu Robards. Qui va aller dormir là-bas ?
Personne n'avait pu répondre à la question et ça n'expliquait pas les vêtements vendus, les chaussures sur-mesure, et les salons de coiffure et de beauté qui affichaient complet presque en permanence.
Le Département de la Justice Magique était bien loin du compte. Seul Fol Œil s'était approché de la vérité, mais retraité il n'était pas convié aux réunions. Pourtant, son avis, transmis par Tonks qui le voyait régulièrement, était encore écouté. Ils auraient bientôt la réponse à leurs nombreuses interrogations…
Le 31 mars, la Gazette du Sorcier afficherait un immense encart publicitaire en bas de la première page. Il avait dû coûter cher…
Au jour dit, une photo représentant un luxueux salon victorien, avec au fond un bar, était affichée avec ce texte surprenant.
CLUB PRIVÉ POUR MESSIEURS « LE CHARM'HEURE »
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Le Charm'heure 325 Allée des Embrumes, Londres.
Ouvert 6 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Fermeture le mardi
Cracmols admis
OUVERTURE LE PREMIER AVRIL 1998 À 14 HEURES
VENEZ NOMBREUX
Dans le Service des Aurors, on avait poussé des cris à la lecture du journal ce matin-là. Un club privé ? Le Boss ouvrait un club privé dans l'Allée des Embrumes ? Parce que ça ne pouvait être que lui ! Un investisseur lambda aurait choisi le Chemin de Traverse. Tous les Aurors et Tireurs d'élite de baguettes étaient perplexes. Ils ne s'attendaient pas à quelque chose comme ça.
— Il se met au commerce honnête maintenant ? Pas possible ! Ça cache un truc, pesta Gawain Robards, dubitatif. Après Shield, lui ?
— Messieurs, demain à l'ouverture officielle de cet établissement, vous irez voir un peu ce qu'il s'y passe et vous me ferez un rapport ! exigea Rufus Scrimgeour, le sous-directeur d'Amélia Bones.
— Tous ? Ça va coûter cher au Ministère ! Moi aussi, je dois y aller ? demanda alors Tonks. C'est marqué pour Messieurs sur le journal.
— Nan, les femmes sont dispensées bien évidemment. Encore que toi, Tonks, tu pourrais te déguiser. Fais comme tu veux.
— Je laisse ma place aux mecs, Chef. J'ai des rapports à rédiger, je vais en profiter.
Le lendemain à treize heures quarante-cinq, le fond de l'Allée des Embrumes était noir de sorciers endimanchés. On y remarquait des têtes connues comme Lucius Malefoy, Walden McNair, Ludo Verpey, deux membres des Bizarr'sisters, quatre joueurs de Quidditch dont Olivier Dubois et aussi Fred et George Weasley, Lee Jordan, Cédric Diggory, plusieurs journalistes, des Aurors en civil, des Tireurs d'élite de baguettes en civil également et la foule des anonymes. Il y avait bien une centaine de personnes devant la façade de l'ancien entrepôt.
Celui-ci avait pas mal changé ces derniers jours. Les pierres noires composant le rez-de-chaussée avaient été lessivées et un énorme numéro « 325 » en fer forgé avait été accroché sur le mur. Il faisait bien trois pieds1 de haut. Une massive porte blindée avec une sorte de judas grillagé avait été installée et au-dessus trônait une belle lanterne ouvragée de style victorien, très grosse également mais éteinte.
Une plaque de cuivre bien astiquée et brillante indiquait sobrement « Le Charm'heure » Club Privé, fermé le mardi. On était un mercredi et c'était l'anniversaire des jumeaux Weasley. Ils en avaient profité pour se payer cette sortie d'une heure et emmener avec eux leur vieux pote Lee Jordan. A l'étage, une fenêtre invisible dissimulée de la rue par un sortilège permettait de voir ce qui se passait dehors. Le rideau de dentelle s'écarta et deux hommes regardèrent dans la rue.
— Boss, y a un monde de dingue. C'est incroyable ! Et le pire c'est qu'ils ne savent même pas ce qu'ils vont trouver ici.
— Non, ils ne savent pas, du moins la majorité… Regarde, y a Lucius Malefoy là-bas… Lui, je te parie qu'il s'en doute, c'est un mec malin celui-là. Tout est prêt en bas, Cicéron ?
— Oui, Boss. Ed et Ambrosius ont réceptionné les Potions du Prince. On a reçu les Potions de Lubrification, deux caisses, et aussi des Potions Aphrodisiaques pour les filles. On va leur faire prendre ça comme un cordial. Certaines ont le trac. Ça va les mettre en condition. Titania est en train de s'en occuper. Tout est clean, les Elfes y ont veillé. Il y a même des amuse-gueules et des p'tits fours pour l'inauguration.
— Qui est au bar ?
— Phoebus Pepper jusqu'à ce soir, et pour la nuit, ça sera Octavius Rookwood. Comme on fait les trois huit, comme disent les Moldus, le troisième est Bertram Aubrey. La sous-madame prendra son service cette nuit. Elle s'est installée dans ses quartiers déjà. Titania l'a envoyée se coucher afin qu'elle soit en forme ce soir.
— Qui est à la sécurité ?
— Charlie Warrington fait le tri à l'entrée et Will Grimstone patrouille dans les salons. Si jamais une des filles actionne son alarme ou un des Elfes, c'est lui qui interviendra. Selon les besoins, on en prendra un second. Mais je pense que Titania va tenir les clients. Elle est pas manchot avec sa baguette.
— Oui, Cicéron. Nous avons une bonne équipe. Les filles ont toutes bien pris leurs Potions de Contraception, hein ? Tu as bien vérifié avec Titania ?
— Elles les ont prises, Boss, je les ai vues faire, toutes à la queue devant Titania qui leur tendait le flacon. Pas possible qu'une l'ait ratée. Y a juste les deux types bizarres, les travelos comme dit Titania, qui en ont pas besoin. Me demande pourquoi elle les a engagés, ces deux-là. Sont bizarres… maquillés comme des filles, avec des cheveux longs coiffés comme des filles, et ils ont des bas et des dentelles. Pourtant on voit que ce sont des hommes, ils ont des peignoirs largement ouverts et on voit leurs poitrines plates et même leurs queues si on regarde bien. Je pige pas, Boss.
— Laisse, Cicéron. Titania a raison. Sidney et Elias nous rapporteront de l'or, tu verras. Il faudra peut-être même qu'on en trouve un troisième dans quelque temps, quand le mot sera passé qu'on a des hommes disponibles.
— C'est vous le patron, Boss.
La pendule au-dessus de la cheminée du bureau sonna deux coups. Et aussitôt les deux sorciers virent la grosse lanterne rouge s'allumer et ils entendirent le bruit d'une énorme clé déverrouillant la lourde porte de l'entrée.
Au salon, Madame Titania et ses filles attendaient l'heure. C'était la première équipe, elle comprenait quinze filles plus Elias. Quinze autres étaient présentement couchées dans leurs dortoirs ainsi que Sidney dans la chambre qu'il partageait avec Elias. Madame avait dit qu'il y aurait plus de monde le premier jour, donc elle avait mis la moitié de l'effectif au boulot. Après, elle et la sous-madame, une sorcière d'âge mûr, replète et ressemblant à une dame patronnesse moldue, s'organiseraient pour répartir les filles dans les équipes. Titania avait pensé à sa vieille copine de trottoir quand elle avait cherché une sous-maîtresse pour le Charm'heure. Helen Simmons était dorénavant Madame Mathilda, prénom qu'elle utilisait du temps où elle tapinait. Elle s'était rangé des voitures l'âge venant et avait épousé un Cracmol comme elle, gardien d'immeuble du côté de Trafalgar Square. Son veuvage récent lui avait fait perdre logement et revenu. Titania lui avait donc proposé la place plus une Potion Retour de Magie. Forcément, Mathilda avait accepté de reprendre du service mais cette fois-ci, elle serait de l'autre côté de la barrière, plus question de monter avec un client et en plus, elle était enfin devenue une sorcière et admirait amoureusement sa baguette achetée chez un des revendeurs de l'Allée des Embrumes. Une Grégorovich qu'il avait dit, ce charmant Monsieur Barjow. Elle ne savait pas trop s'en servir encore, mais Monsieur Cicéron et Monsieur Ed lui montraient des choses ainsi que Titania quand elle avait le temps. Elle apprendrait ! Aucun souci pour ça !
— Vous êtes prêtes, les filles ? Vous savez ce que vous avez à faire. Si vous ne souhaitez pas monter avec un client particulier, faites-le picoler. N'oubliez pas que si vous plaisez, vous aurez des pourboires ou des cadeaux. Certains clients peuvent être généreux. Et si vous avez un souci, actionnez votre bracelet. Will arrivera tout de suite.
L'horloge sonna alors deux coups, et on entendit des petits cris d'appréhension.
— Ne vous inquiétez pas, je suis là. Je serai à la caisse tout l'après-midi et la soirée d'ici le changement d'équipe et l'arrivée de Madame Mathilda.
Titania se leva de son fauteuil et marcha sur l'épaisse moquette à motifs jusque dans le petit hall d'accueil où se trouvait un comptoir avec une caisse enregistreuse énorme, en cuivre bien astiqué. Derrière ce comptoir il y avait des plantes, une statue et des tableaux au mur. Pour entrer dans le salon il fallait passer un rideau de perles diamantées qui attiraient la lumière. Dans cette grande pièce où des colonnades de marbre soutenaient le plafond, il y avait des canapés et des fauteuils avec des petites tables basses pour y poser ses boissons, des plantes aussi et des lampes qui diffusaient une lumière tamisée. Un phonographe jouait de la musique classique en bruit de fond et derrière le luxueux bar en bois sculpté (Merlin Design comme tout le mobilier) un barman en chemise blanche, nœud papillon et petit gilet noir astiquait ses flûtes à champagne. Madame avait décidé qu'on attaquerait par du Champagne pour fêter l'ouverture. Les Elfes avaient installé sur le bar des plateaux de petits fours sucrés et d'amuse-gueules salés. Il y en avait pour tous les goûts. Un piano droit trônait contre le mur. Si jamais un client voulait jouer, il pourrait. Ça mettrait de l'ambiance. A droite du bar, une tenture de velours bordeaux retenue sur un côté par une embrase ornée d'un passepoil à pompons dissimulait vaguement l'escalier recouvert de moquette marron qui menait à l'étage. Les chambres destinées aux prestations des pensionnaires étaient toutes numérotées. Pour le moment, elles étaient identiques dans leur ameublement. Il n'y avait que les couleurs des murs et des tentures qui différaient, ainsi que les tableaux et les bibelots. Chaque fille disposait d'un coin avec un lavabo, un WC et un bidet, cachés derrière un paravent dans un renfoncement. Le lit était un lit victorien en bois ouvragé et capitonné de cuir, avec des draps pleins de dentelles et une profusion de coussins. Une fausse fenêtre dissimulée par voilages et rideaux, laissait passer une lumière précise en fonction de l'heure, de la saison et du temps qu'il faisait dehors. C'était joli. C'était même raffiné pour les sorciers du Monde Magique coincés dans le passé. La plupart n'avaient pas un tel luxe chez eux.
Charlie Warrington, fringuant dans sa tenue de soirée avec un badge marqué « Sécurité » sur sa poitrine, ouvrit la lourde porte au large.
— Gentlemen, bienvenue au Charm'heure !
Déjà, les premiers sorciers, intimidés et tenant leurs chapeaux à la main, entraient l'un après l'autre à la queue leu leu et sans se bousculer. Au comptoir, Madame Titania, superbement vêtue, coiffée et maquillée avait un mot charmant pour chacun d'eux.
Les dix gallions encaissés, elle leur accrochait un bracelet en caoutchouc autour du poignet. Ce bracelet portait juste la mention « Le Charm'heure » mais lorsqu'elle y apposait sa baguette un compte à rebours s'affichait et se mettait à défiler.
— Voilà, très cher, vous avez une heure pour vous amuser. C'est à gauche, passez le rideau !
Vu le nombre de sorciers dehors, le nombre de filles très inférieur à celui des clients et la place qui sans être insuffisante ne pouvait pas accueillir plus d'une trentaine de sorciers à la fois, Madame Titania annonça aux hommes attendant dehors qu'il n'y avait pour le moment plus de place et de revenir dans une petite heure.
On entendit des soupirs de déception mais personne ne songea à s'en aller.
La porte blindée fut refermée. Dans le salon, Lucius Malefoy et Walden McNair, flûte de Champagne à la main, conversaient à mi-voix tandis que les autres, intimidés, découvraient où ils avaient mis les pieds. Les filles qui étaient vautrées sur les canapés Chesterfield se levèrent et vinrent les accueillir avec des grands sourires enjôleurs. Bien entendu, elles leur proposèrent des verres qu'ils s'empressèrent d'accepter. Les premiers à monter l'escalier furent Malefoy et son acolyte McNair. Chacun d'eux avait choisi une sorcière à son goût et voulait en profiter. Fred et George étaient hilares et n'en croyaient pas leurs yeux.
— Les mecs, c'est un putain de bordel ! J'en reviens pas ! s'extasia Fred ! Et on peut picoler et baiser pendant une heure ? J'y vais ! Faites comme vous voulez !
Lee Jordan était écrevisse. Enfin, il l'aurait été si sa couleur naturelle avait permis qu'on le remarque. Il n'était pas très sûr de ce qu'il allait faire. Les filles l'intimidaient. Il n'avait jamais osé suivre les jumeaux Weasley dans le Monde Moldu. Fred, une flûte pleine à la main, fit un clin d'œil à une grande rousse aux cheveux longs et frisés prénommée Claudia. Celle-ci se leva de son fauteuil et s'accrocha à son bras comme une sangsue.
— Ça te dit qu'on monte, bébé ? osa Fred sans aucune gêne.
— Aucun problème ! On monte ! répondit la fille.
Et les deux passèrent dans l'escalier. Lee n'en croyait pas ses yeux. Ils allaient… ils allaient… par Merlin ! Un autre verre ! Un Vieil Ogden cette fois-ci !
George avait jeté son dévolu sur une belle femme noire au physique athlétique et bientôt il suivit son frère dans l'escalier.
Cédric Diggory, rouge comme une pivoine, était assis dans un fauteuil avec une demoiselle sur chaque genou.
Olivier Dubois commençait à regretter d'être venu. Ce n'était pas ce qu'il croyait que ça allait être. Et puis, il remarqua une belle créature blonde, aux cheveux longs et soigneusement ondulés. Cette personne avait des yeux de biche, une bouche rosée et des pommettes rougies. Ses bas blancs bordés de dentelles ne dissimulaient pas ses cuisses minces et… poilues. Le peignoir entrouvert dévoilait une poitrine totalement plate et lorsque cette charmante personne croisa les jambes dans l'autre sens, Olivier aperçut une paire de testicules.
Whaouuu ! Vision délectable pour lui. Il s'approcha après avoir avalé sa salive, prit la main tendu et s'inclina.
— Comment vous appelez-vous, beauté ?
— Elias, Monsieur.
— Appelez-moi Olivier. Vous êtes magnifique, vraiment… magnifique. Une coupe de Champagne ?
Dans l'ombre, Ed et Cicéron surveillaient. Les Elfes portaient les plateaux de petits fours aux messieurs qui s'étaient installés dans les sièges confortables et qui buvaient, collés par des demoiselles charmantes, bien pomponnées et très, très, peu vêtues.
Parmi les derniers à entrer dans le lieu, on trouvait Gawain Robards, au bord de l'apoplexie, et Kingsley Shacklebolt, un peu surpris.
— Par Merlin ! Un bordel ! Ah ben dis-donc, on n'aurait pas pensé à ça !
— King, c'est quoi cet endroit ? C'est quoi un bordel ?
— Ici, tu trouves des demoiselles et tu peux coucher avec elles comme tu veux. Tu en repères une, tu vas vers elle et tu lui demandes si elle veut bien monter avec toi, elles sont payées pour.
— Monter, mais… mais monter où ça ?
— Dans une chambre, idiot ! Tu vas pas la sauter devant tout le monde. Si tu veux pas baiser, tu vas au bar et tu bois. C'est tout. Tu as une heure pour faire ce que tu veux. Quand ton bracelet sonnera, faudra aller le rendre à la belle blonde à l'accueil et t'en aller. Ou alors repayer pour une heure de plus. Au choix. T'as pas écouté ses explications, hein ?
— Quand on va dire ça à Scrimgeour et à Amélia, ils vont jamais nous croire. Tu… tu vas monter ? Avec… une de ces filles ?
— Et comment ! Pour une fois qu'on est payés pour une mission agréable, mon vieux, je vais pas m'en priver. Mais d'abord, Champagne ! Allez viens, on va boire un coup.
— King, tu sais bien qu'en service on n'a pas le droit.
— Ouais, mais là, ça fait partie du service ! Amène-toi !
Au bout de trois Vieil Ogden, un client s'était installé au piano et jouait maintenant de la musique entraînante qui plaisait aux filles. Elles se mirent à faire des rondes et des farandoles entraînant les messieurs qui l'alcool aidant, se déglaçaient comme la banquise sous la canicule.
Olivier prit l'escalier en tenant Elias par la taille… Ed et Cicéron le remarquèrent.
— Par la barbe de Merlin ! Je le connais, c'est le gardien du Club de Flaquemare ! Il monte avec Elias ! chuchota Cicéron stupéfait.
— Le Boss et Miss Titania avaient raison ! Incroyable !
Les deux Lieutenants du Boss étaient cachés derrière une tapisserie et une plante verte. La tapisserie dissimulait l'entrée du bureau du Boss et son salon personnel où d'ailleurs se trouvaient Ed et Cicéron.
Ils virent Malefoy et McNair redescendre l'un après l'autre, à quelques minutes d'intervalles et trois autres sorciers monter. Fred et George passèrent la totalité de leur heure avec leur demoiselle respective. Lee n'osa rien mais quand ses amis descendirent il était fin saoul et tenait à peine debout. Olivier ne descendit que lorsque son bracelet sonna et se promit bien de revenir la semaine prochaine après le match et il espérait bien trouver Elias. Le garçon lui avait expliqué qu'ils étaient deux hommes. Et que les équipes changeaient d'horaires régulièrement pour que les clients ne trouvent pas toujours les mêmes filles.
Dès qu'un sorcier venait restituer son bracelet à Madame Titania, elle lui demandait s'il était content et lui proposait une carte de fidélité. Olivier fut le premier à l'accepter. Il demanda s'il était possible d'avoir les horaires d'Elias et Madame lui recommanda de lui envoyer un hibou, elle lui répondrait avec tous les détails.
A chaque fois que la porte s'ouvrait, un ou plusieurs sorciers sortaient et le même nombre entrait. Il fallut trois heures pour voir disparaître la foule devant la porte. Certains avaient repayé les dix gallions pour rester, tant ils s'amusaient. Au diable, les sorcières revêches qui les attendaient ou pas à la maison. C'était drôlement bien ici !
Le lendemain, la Gazette faisait ses choux-gras de l'affaire. Un des journalistes – celui qui avait insulté Severus et Harry dans le hall de Sainte-Mangouste pour la petite histoire – avait pondu un article virulent et très négatif, alors que d'autres avaient été plus modérés.
Un lieu de perdition dans l'Allée des Embrumes !
Des sorcières de mauvaise vie ont un commerce charnel avec les clients !
Nouveau scandale dans le Monde Magique !
Après les déviants, les courtisanes !
Le fameux Club Privé dont la publicité était faite dans notre journal en première page hier – le Charm'heure – est un endroit de perdition où les plus abjectes scènes ont lieu. Des sorcières quasi nues proposent leurs charmes à tous les clients qui souhaitent monter avec elles dans leurs chambres et ceci pendant une heure ! Des sorciers habituellement au-dessus de tout soupçon, des pères de famille honorables, des fils exemplaires, se sont retrouvés entraînés par des créatures lubriques et vénales ! Le Ministère doit absolument faire fermer cet établissement qui est une honte pour la morale …/
Une photo animée montrait une farandole très gaie de dames en dessous de dentelles et de messieurs avinés et bien débraillés qui les poursuivaient en riant. Rien de scabreux, vraiment, mais… les sangs-purs étaient si coincés que rien que cette image était au-delà du supportable pour eux. Cornélius avait cru en faire une attaque en découvrant la une de son journal au petit-déjeuner. Pire, la photo lui montrait deux Aurors dans la danse et son cher ami Lucius au bar avec un verre dans la main en compagnie de McNair.
C'était trop ! Des têtes allaient tomber ! Au diable le petit-déjeuner !
— Magda ! Je file au Ministère, une urgence, ne m'attend pas pour le déjeuner ! Pinky ! Mon chapeau et ma cape, vite !
Ce matin-là, Cornélius hurla tellement qu'il devint aphone pour midi et on dut appeler le Médicomage du Ministère pour lui administrer une potion. Miss Bondupois sursautait à chaque bordée de jurons de son patron et ne savait plus quoi dire aux personnes qui attendaient dans son bureau que le Ministre daigne les recevoir.
Les Aurors identifiés avaient été enguirlandés par Scrimgeour.
— Vous auriez dû rentrer immédiatement lorsque vous avez compris ce qu'il se passait dans cet endroit ! J'aurais dû m'en douter ! J'aurais dû m'en douter, par Merlin ! Le Boss, encore lui ! La prostitution est interdite, on va l'avoir cette fois-ci ! Je l'aurai !
— Chef, fit Kingsley, Tonks et moi on a regardé les Lois ce matin, et on a appelé Fol Œil pour confirmation. C'est le racolage dans la rue qui est interdit. Mais ces filles sont dans une maison privée. L'établissement en lui-même est d'une discrétion absolue. Rien ne permet de deviner l'usage qu'il en est fait quand on le regarde. En bref, nous sommes formels, rien n'interdit à Madame de Mortecouille de continuer à faire prospérer son établissement. Désolé.
— Ooooh ! Vous ! Ça vous arrange bien ! gronda le sorcier à crinière de lion, en lui balançant le journal en pleine figure ! Vous avez belle allure sur la photo à danser comme un idiot !
— La musique était bonne, Chef ! C'était un des gars des Bizarr'sisters qui jouait !
— HORS DE MA VUE ! DÉBAUCHÉ !
Mais ce fut Scrimgeour qui quitta la pièce, en boitant, sa canne à la main. Les autres Aurors se taisaient, gênés. Et puis Johnson, de la brigade de Robards, osa :
— C'était comment ? C'était bien ?
— C'était pas mal, y a une bonne ambiance. Le Vieil Ogden est du Réserve 30 ans d'âge, les petits gâteaux sont fameux et on a bien rigolé. Pas de quoi en faire un plat, conclut alors Kingsley avec un air angélique qui fit rire Tonks.
En disant cela, l'Auror noir tapotait sa carte de fidélité dans la poche de sa robe.
1. 91,44 centimètres
