Bêta : Mokonalex
Note de l'auteur : Je ne pouvais plus uploader de chapitres dans le Doc Manager ici et je ne sais pas pourquoi. Enfin, après des dizaines de tentatives ça marche ! Donc, voici la suite...
Bonne lecture.
Une plume à la main, Arthur Weasley réfléchissait, un rouleau de parchemin étalé devant lui sur la vieille table au bois usé de sa salle à manger. Il était seul dans la pièce, Bill et Charlie ayant choisi de se coucher tôt. Le cadet devait reprendre la cheminette internationale d'Heathrow à l'aube afin de retourner en Roumanie, tandis que le congé de Bill durerait encore jusqu'au surlendemain. Pour une fois, les Gobelins avaient été compréhensifs. Enfin, dans une certaine mesure car ledit congé était sans solde.
Le nouveau Professeur avait tout raconté à ses fils en rentrant du cimetière. Il n'avait cependant pas révélé à Charlie qu'il savait qu'il était gay ou du moins le soupçonnait fortement. La réaction désespérée du pauvre garçon lors du conseil de famille organisé par Molly plusieurs mois auparavant avait été un indice plus que sérieux. Il doutait d'ailleurs très fortement que quiconque se soit posé la question à ce moment-là. Mais il n'était pas idiot… et il avait compris. Hors de question que son garçon soit ostracisé ou rejeté de la même façon que Kyle, Harry Potter et Severus Rogue. Pas question qu'il perde son travail, soit chassé du Royaume-Uni Magique ou autre punition. Heureusement, en Roumanie on ne traitait pas les gays comme des pestiférés, du moins pas plus que dans le Monde Moldu. Là-bas, il serait tranquille.
Lorsqu'Arthur avait révélé les soupçons de Fergus Nutcombe sur sa non-paternité éventuelle de certains de ses enfants, les deux aînés s'étaient regardés en silence, soudain très pâles. Aucun d'eux ne souhaitait être un bâtard bien évidemment et ils espéraient que leur qualité d'aînés rendrait ce fait douteux et même impensable. Mais… tout était possible, après tout. Molly était bien assez hypocrite pour ça. Quand on voyait la Tante Muriel… hem, hem…
Ils avaient donc été tous deux d'accord pour que le patriarche Weasley écrive à Severus Rogue afin de lui demander son aide. En attendant, Charlie avait confié à son père un flacon de son sang sous sort de préservation en vue de son départ, au cas où le Maître des Potions accepterait sa requête et pour un prix pas trop élevé. Bill ferait la même chose si la réponse éventuellement positive de Severus arrivait après son retour en Egypte. Le plus difficile allait être d'obtenir du sang de Percy et de Ginny, vu qu'ils lui faisaient la tête depuis le divorce. Quant à Ron… ils ne sauraient jamais et c'était bien dommage. Pour les jumeaux, aucun souci, ils feraient le test sans protester, ils en étaient tous intimement persuadés.
Un petit hululement près de lui tira Arthur de sa rêverie. Installée sur le dossier d'une des chaises dépareillées de la pièce, sa nouvelle chouette le regardait et attendait la lettre qu'elle avait compris devoir aller bientôt poster. Molly ayant emporté avec elle son vieux hibou à demi-moribond, Arthur avait acheté au Royaume du Hibou sur le Chemin de Traverse une Hulotte femelle qu'il avait prénommée Iseult. Il poussa un petit soupir et se concentra de nouveau sur sa missive. Il plongea sa plume dans l'encrier ébréché se trouvant devant lui, rapprocha le bougeoir et bientôt on n'entendit plus que les grattements de la plume d'oie sur le parchemin. Après avoir relu deux fois, il signa et sabla son parchemin. Il le roula très serré et le cacheta. Puis il l'accrocha à la patte du rapace et lui donna ses instructions.
— Iseult, porte cette lettre à Severus Rogue. Je ne sais pas où il se trouve, je sais juste qu'il est dans le Monde Moldu. Si tu ne le trouves pas, cherche Harry Potter et donne-lui la lettre. Lui, il saura où le trouver, mais je pense qu'ils sont ensemble.
La chouette hulula. Etant magique, elle n'aurait aucun problème pour trouver le destinataire. Normalement. Elle sauta sur l'avant-bras de son maître et celui-ci se dirigea vers la porte qu'il ouvrit, dévoilant ainsi l'encre de la nuit.
Iseult prit son envol et Arthur resta un instant la regarder disparaître dans la pénombre.
Minuit sonna à la vieille pendule qui avait remplacé sur le mur l'horloge magique de Molly indiquant où se trouvaient tous les membres de la famille. Celle-ci était une pendule moldue achetée dans la brocante sur la place du village de Loutry Sainte-Chaspoule. Arthur trouvait fascinant de devoir la remonter chaque jour avec une énorme clé tâchée de rouille. Allez, il était l'heure d'aller se coucher. Dans la semaine, il devrait reprendre lui aussi le chemin de Poudlard. On lui avait accordé huit jours de vacances après les examens de première année de ses anciens Cracmols. Albus et lui avaient bien travaillé. Tout le monde s'en était honorablement sorti, mais il fallait dire que les nouveaux sorciers étaient sacrément motivés. Bien plus que bon nombre des élèves d'âge normal de Poudlard…
L'escalier grinça lorsqu'il le grimpa. Il entendit aussi les craquements du sommier de Charlie qui se retournait dans son lit et esquissa un sourire. La maison était tout le temps calme maintenant. Par Merlin, comme c'était reposant de ne plus entendre de jérémiades ou de cris !
Severus Rogue n'était pas encore couché malgré l'heure tardive. Il était presque deux heures du matin et il terminait de laver ses chaudrons. Sur la paillasse carrelée installée par Dobby au milieu de la pièce, il y avait plusieurs caisses de potions pour Marcus Shield. Au matin, Hedwige et Midnight se partageraient les envois vers l'Allée des Embrumes, du moins si le petit hibou noir était en forme car contrairement à Hedwige, il était un rapace nocturne et dormait donc habituellement le jour. Harry s'était couché vers vingt-trois heures avec un livre choisi dans la bibliothèque du salon. Le Maître des Potions était persuadé qu'il allait le trouver endormi, le livre sur la poitrine et la lampe de chevet allumée… comme souvent.
Alors qu'il déroulait sur ses avant-bras les manches de sa chemise blanche précédemment remontées, il entendit frapper à la vitre du labo de potions. Il se retourna et vit par le carreau une chouette inconnue posée sur le rebord de la fenêtre et qui le regardait, attendant qu'on lui ouvre. Il se dirigea vers elle, intrigué, et ouvrit la croisée qui n'avait aucun rideau ou store. La chouette sauta sur le rebord en bois et tendit obligeamment sa patte.
— Qui es-tu, toi ? Je ne t'ai encore jamais vue. Tu es bien jolie.
Il attrapa quelques Miamhibou dans une soucoupe posée sur l'étagère près de lui et les donna au rapace qui les engloutit alors tandis qu'on le libérait de son rouleau de parchemin. Aussitôt, la Hulotte s'envola sans attendre, pressée sans nul doute de faire un sort aux souris du quartier. Et par Merlin, ce n'était pas ça qui manquait si on considérait les rondeurs d'Hedwige et de Midnight.
Severus reconnut le sceau d'Arthur Weasley avec sa cire rouge et leva un sourcil intrigué en se demandant ce qu'il pouvait bien lui vouloir. Il décacheta la missive rapidement, la déroula et en prit aussitôt connaissance. Il ne put alors s'empêcher d'émettre un petit sifflement de surprise. Arthur se montrait vraiment disert dans ce courrier. Il annonçait carrément la couleur et expliquait qu'il se posait des questions sur la paternité de tous ses enfants. Il écrivait aussi qu'il s'était renseigné et qu'on lui avait parlé de la Potion d'Héritage du Prince mais que le prix d'un seul flacon était bien trop élevé pour lui. Alors si jamais Severus connaissait cette recette particulière, serait-il dans la capacité de lui fabriquer cette potion et surtout en quantité suffisante pour tous ses enfants et pour un prix pas trop élevé ?
Bien sûr qu'il pouvait ! Et il allait en parler dès que possible à Harry. Celui-ci n'allait pas en revenir, il en était persuadé. C'était que la démarche était fortement inhabituelle ! Il se demanda alors quels seraient les résultats. Les connaîtrait-il un jour, d'ailleurs ? C'était fort peu probable à moins d'un énorme scandale. Ou alors les jumeaux raconteraient tout à Harry. C'était aussi une possibilité. Mais que s'était-il donc passé pour qu'Arthur se pose ainsi ces questions ? Le comportement de Ron ? C'est sûr que lui… il était vraiment différent ! Mais tester un mort déjà enseveli ce n'était pas possible, donc… il n'était sûr de rien.
Parchemin en main, Severus referma rapidement la fenêtre, se dirigea vers la porte, éteignit le plafonnier et sortit sur le palier. Un rai de lumière était visible sous la porte de la chambre. Harry dormait avec la lampe oubliée ou alors il ne dormait pas. Si tel était le cas, il allait lui faire lire la lettre aussitôt et lui demander son avis. Il ouvrit la porte et entra dans la chambre. Les doubles-rideaux étaient fermés et comme prévu la lampe de chevet avait été oubliée. Harry dormait, presque en position assise étant donné les trois oreillers derrière lui et son livre ouvert gisait sur son ventre, encore entre ses deux mains. Severus posa le parchemin sur sa table de nuit, alluma sa propre lampe, se lança un Devestio et alla éteindre celle d'Harry, puis il lui retira le grimoire des mains, y glissa le marque-page publicitaire en carton abandonné précédemment sur le lit et mit le livre sur la table de nuit. Au moment où le Serpentard se glissa sous la couette, son compagnon émergea brutalement des brumes du sommeil.
— Mmm… Sev' ? L'est quelle heure ? marmonna-t-il en papillotant des yeux.
— Deux heures. J'ai terminé et tout rangé. Tu peux te rendormir, chaton.
— Ouais…
Harry ferma les yeux de nouveau, se tourna sur le côté dès que Severus fit disparaître les deux oreillers en trop, visiblement conjurés – et pas très bien – et se rendormit aussitôt. Tant pis pour la lettre, on en parlerait au petit déjeuner.
Etouffant un bâillement, Severus s'étira, tendit le bras vers sa lampe pour l'éteindre puis, après avoir glissé sa baguette sous son oreiller, il ferma les yeux et sombra presque instantanément dans un profond sommeil.
Bouche bée, Harry reposa la lettre d'Arthur Weasley sur la table, non loin de l'assiette d'œufs brouillés et de bacon qu'il venait d'engloutir.
— Ça alors ! Si je m'attendais ! Je me demande comment lui est venue l'idée qu'il pouvait ne pas être le père de tous ses enfants.
— Tu n'auras qu'à lui demander quand tu le verras, chaton. Passe-moi donc la marmelade d'orange, s'il te plaît !
Harry poussa le pot vers Severus sans piper mot, encore sous le choc de ce qu'il venait de lire.
Mais, plus il y songeait, plus il se disait que la question était pertinente. Ron, Ginny et Percy étaient très différents des autres, que ce soit en caractères ou même physiquement d'ailleurs. Par exemple, Percy était bien plus petit que ses frères et n'avait pas la chevelure du même ton de roux. D'ailleurs, il était le seul à avoir les cheveux frisés… Et il aurait bien aimé savoir pourquoi le choixpeau n'avait pas réparti l'ancien Préfet à Serpentard, car c'était sans nul doute la Maison où il aurait été le mieux placé. Harry annonça alors à son compagnon ses suspicions sur son cousin Percy. Severus haussa les épaules avec un air blasé.
— Il a fait comme tous les autres qui refusaient d'aller dans ma Maison : il a supplié le choixpeau. Il y a des familles où être réparti ailleurs que dans la Maison traditionnelle de la famille n'est pas possible sous peine de graves sanctions ou de sévices. Le choixpeau le sait et leur donne toujours une porte de sortie.
— Ouais, je sais. J'ai supplié le choixpeau pour ne pas aller à Serpentard.
— Tu m'en diras tant, ricana Severus qui ne digérait toujours pas ce détail depuis qu'il en avait eu connaissance.
— Ok, partons du principe que les inquiétudes de Monsieur Weasley sont fondées. Est-ce qu'on peut l'aider ? C'est possible de lui fournir un gros flacon qui pourrait faire le test pour tous ses enfants ?
— On peut, répondit le potionniste en levant les yeux vers le plafond comme si ce n'était pas un problème. Il suffit d'utiliser un flacon plus gros. C'est pas comme si cette potion coûtait cher à produire, en plus. Nan, je me fais juste une sacrée marge dessus, comme sur toutes les autres.
— Normal. Faut qu'ils payent, tous ces connards rétrogrades ! Tu feras le prix normal à Arthur Weasley, hein, Sev' ! Et tu mettras pas une étiquette « les potions du Prince ». Faut pas qu'il sache que tu es Sevan Prince.
— Evidemment. Je lui donnerai un flacon avec une étiquette semblable à celles que j'utilisais à Poudlard et pour l'Ordre du Phénix pendant la guerre. Il la reconnaîtra et ne se posera même pas de questions.
Une fois leur petit-déjeuner avalé, Severus et Harry, morts de curiosité il fallait le dire, se résolurent à préparer le flacon géant de Potion d'Héritage et ensuite à le livrer eux-mêmes par cheminette, histoire qu'avoir des nouvelles et les détails de l'affaire qu'Arthur avait passés sous silence. Harry voulait aussi lui montrer son parchemin prouvant qu'il était un petit-neveu de Molly, chose que tout le monde ignorait encore, à part Sev, Rick et Walt et bien sûr Albus.
— Tu crois qu'il va être à la maison, Sev ? Je ne sais pas à quelle heure il bosse.
— Les cours pour les anciens Cracmols n'ont lieu que l'après-midi. Alors oui, théoriquement il devrait encore être là. Allons-y, on verra bien.
Harry prit une poignée de poudre de cheminette dans le pot réservé à cet usage et la jeta dans les maigres flammes entretenues juste pour les communications.
— Le Terrier ! annonça-t-il avec une assurance qu'il était bien loin de ressentir.
En effet, il n'avait pas eu de nouvelles du sorcier depuis que Severus et lui étaient tombés en disgrâce. Bien sûr, les jumeaux lui avaient assuré que leur père ne leur reprochait rien, bien au contraire, mais quand même il ne pouvait pas s'empêcher d'être un peu gêné.
Une tête souriante apparut alors devant lui.
— Harry ! Quel plaisir ! Severus est avec toi ?
— Bonjour, Monsieur Weasley, je suis content de vous voir également. Et oui, Severus est à côté de moi. Il a préparé la potion que vous avez demandée dans votre lettre d'hier soir.
— Déjà ? Oh ! Eh bien… Je ne m'attendais pas à une réponse aussi… rapide. Tu… vous… vous n'êtes pas choqués par ma démarche ?
Harry lança un coup d'œil près de lui où il savait trouver Severus. Arthur remarqua son geste et esquissa un sourire.
— Prenez la cheminette et venez me rejoindre. J'allais me faire une tasse de thé. Bill est en train de faire sa malle. Il repart demain en Egypte. Charlie est déjà rentré en Roumanie mais il m'a laissé une fiole de son sang pour le test.
— Une minute, on arrive. Sev, tu veux bien prendre mon parchemin sur la table puisque tu es debout ?
— Pas de problème, chaton. Vas-y, je te suis.
Harry se releva et rajouta un peu de poudre verte dans les flammes car il en fallait un peu plus pour voyager par ce moyen. Il posa un pied dans l'âtre et disparut aussitôt. Les flammes n'eurent pas le temps de s'éteindre, Severus sortit de la cheminée d'Arthur quelques secondes après son compagnon. Il tendit la main vers le maître des lieux.
— Bonjour, Arthur. J'ai votre potion… fit-il en prenant dans sa cape d'été le gros flacon qui en déformait la poche.
— C'est combien ? Parce que celle du Prince est très chère…
— Juste dix gallions le gros flacon, M'sieur Weasley, annonça Harry avec un large sourire.
— Oh ! En effet ! J'espère qu'elle sera comme celle du Prince. Le bruit court que ses potions sont excellentes, légendaires même ! Pas que celles de Severus ne soient pas aussi bonnes…
— C'est la même recette, Arthur, s'amusa le potionniste incognito. Il n'y en a qu'une, alors je n'ai aucun mérite. Je ne sais pas qui est ce Prince mais il est clair qu'il a besoin d'or…
— Ouais, et il a bien raison ! grogna Harry. Avoir de l'or c'est bien ! C'est quand on n'en a plus qu'on s'en rend compte !
— Venez mes enfants, vous prendrez bien une tasse de thé avec moi. Severus, il va falloir m'expliquer comment on utilise précisément cette potion. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut du sang… et que c'est pour ça que le Ministère fait… comment dire… des difficultés… pour son utilisation.
— Vous voulez dire qu'elle est totalement interdite, oui ! poursuivit Harry en prenant place à la table de la salle à manger.
Severus s'installa près de lui et fit un signe de tête à Bill qui descendait l'escalier devant lui.
— P'pa ? J'ai appelé les jumeaux par la cheminette de ton bureau. Ils arrivent. Harry, Professeur, bienvenue !
— Bien, bien…
Arthur se dirigea vers la cuisine et on entendit le bruit de la bouilloire qu'on remplissait d'eau, celui de la théière qu'on garnissait de feuilles de thé et le sort pour faire bouillir l'eau en un instant.
Le « vlouf » de la cheminette fit Severus et Harry se retourner. Deux énergumènes en robes de sorciers magentas dont la couleur clashait avec le roux de leur chevelure sortirent de l'âtre en s'époussetant.
— Ryry ! Professeur Rogue ! Comment ça va, depuis l'temps ? Bill vient juste de nous appeler et de nous dire que vous étiez là et pourquoi. Donc… on vient pour le test et on a apporté quelque chose qui pourra servir.
— Quoi donc ? demanda Arthur en pénétrant dans la salle, un plateau chargé entre les mains.
— Des flacons de sang, P'pa, répondit George. On avait du sang de Perce, de Ron et de Gin' chez nous. Ouais, on en avait marre de prendre que le nôtre pour tester, et Verity tombe dans les pommes quand on lui en prend, alors… on n'ose plus. Du coup, on avait convaincu les autres de nous en donner…
Convaincu… convaincu… George en avait de bonnes ! Il se gardait bien de révéler qu'en fait ils avaient attaqué leurs frères et sœur avec des Maléfices du Saucisson pour leur prendre du sang de force, avant de les oublietter de ce crime.
Les jumeaux prirent place à la table près d'Harry et face à Bill qui faisait le service, tandis qu'Arthur s'installait à sa place habituelle au bout de la longue table.
— Comment on utilise cette potion ? demanda le chef de famille en prenant entre ses mains le gros flacon qui faisait bien un demi-litre.
— Il faut des feuilles de parchemin, Arthur, répondit Severus. Une par enfant. Je conjure les pinceaux nécessaires donc ne vous embêtez pas avec ça. On recouvre les parchemins de potion avec le pinceau ensuite on met une grosse goutte de sang au bas de la feuille et on attend. Un arbre généalogique apparait alors avec les noms des parents, des grands-parents et des arrière-grands-parents.
— J'ai fait le test, avoua Harry. Je voulais savoir d'où venait la magie de ma mère et si un de mes grands-parents aurait pu être un Cracmol.
— Et ? Ça a donné quoi ? demanda avidement Arthur en se penchant vers Harry.
— Je vous montrerai après. C'est Sev qui a la feuille. On a été très surpris. Et je peux vous dire que vous allez l'être aussi.
— Ah bon ?
— Ouais, ma mère n'était pas une née-moldue mais une sang-mêlé. Sa mère était une Cracmolle de sang pur. Je vous en parlerai après vos tests.
— Monsieur Weasley, demanda Severus à l'adresse de Bill en face de lui. Si vous pouviez nous trouver du parchemin… nous allons commencer.
Tandis que le Maître des Potions conjurait une pile de pinceaux brosses de bonne taille, Bill se retournait baguette au poing et faisait sortir d'un Accio une liasse de parchemins du tiroir du meuble se trouvant derrière lui. Il la posa sur la table et reprit la théière momentanément abandonnée afin de poursuivre le remplissage des mugs.
Tandis que Severus jouait à badigeonner copieusement les feuilles de potion, Harry demandait les flacons de sang.
— Les gars, il nous faut les flacons de sang. Donnez !
Fred en sortit un de sa poche et George deux autres. Arthur posa celui de Charlie sur la table.
— Sev, on commence par les flacons ou les porteurs de sang frais ?
— Comme ils veulent, pour moi ça ne change rien.
— Ok ! On commence par nous, alors ! annoncèrent les jumeaux en chœur.
Harry prit une des feuilles de parchemin déjà traitée par Severus et la posa devant Fred.
— Pique ton doigt avec ta baguette et pose une grosse goutte de sang tout en bas au centre, comme on a dit tout à l'heure.
— C'est pas la peine qu'on fasse le test tous les deux, nan ? On est des vrais jumeaux, George et moi. Si le test est bon pour l'un, il le sera aussi pour l'autre, non ?
— Exact, acquiesça Severus en hochant la tête.
Fred, sous le regard perçant de George, fit alors ce qu'Harry venait de lui expliquer. Il mit une grosse goutte de sang au bas de la feuille et tous attendirent en silence tout en sirotant nerveusement leurs mugs de thé English Breakfast basique.
Arthur poussa un soupir d'appréhension en découvrant que le parchemin se couvrait de noms.
Fred se mit alors à les lire à haute voix au fur et à mesure qu'ils apparaissaient.
— Frederick Gideon Weasley/George Fabian Weasley ! Eh ! Notre sang est bien identique, la magie ne peut pas nous différencier. Ensuite, on a Arthur Septimus Weasley et Molly Melania Prewett. Le reste on connait !
— P'pa, on est bien tes enfants, Fred et moi, fit alors George avec un grand soupir soulagé.
Le sourire que leur renvoya leur père leur fit chaud au cœur et même Harry et Severus ne purent s'empêcher d'être soulagés également.
— Ouais, cool, fit le Gryffondor autrefois à lunettes. Bill, tu veux le faire ?
— Je suis là pour ça, Harry.
Le grand rouquin à la longue queue de cheval et aux boucles d'oreilles en crochets de serpents se saisit d'une des feuilles de parchemin préparées par Severus et se piqua aussitôt le doigt tandis que Severus prenait sur lui de tester un des quatre flacons sous stase posés sur la table.
Ginny. Il venait de prendre le flacon de Ginevra, cette petite peste vénale… Bien. Découvrons donc la généalogie de cette idiote. Un rictus amusé savamment ravalé -soyons discret- le potionniste déposa une grosse goutte de sang extirpée du flacon par un sort.
Les premiers noms commençaient à apparaître sur la feuille de Ginny lorsque Bill poussa un énorme soupir de soulagement.
— C'est bon, P'pa ! Moi aussi je suis un Weasley. Regarde !
Il poussa sa feuille vers Arthur qui tenait déjà entre ses mains celle des jumeaux. Le patriarche remonta ses lunettes dorées sur son nez et hocha la tête, satisfait.
— C'est bien, mes enfants, c'est bien.
— Attends, P'pa ! Je vais faire le test pour Ron pendant que Bill fera celui de Charlie, hein ? Frérot ? On fait comme ça ?
— Si tu veux, George, répondit alors l'aîné.
Mais le silence de Severus et d'Harry qui regardaient tous deux le parchemin de Ginny les fit s'interrompre dans leur élan.
— Vous faisiez qui, Professeur Rogue ? tenta George avec une arrière-pensée.
— Ginevra.
— Et c'est pas bon, soupira Harry d'une voix faible.
— C'est pas une Weasley ? bredouilla Arthur, pâlissant à vue d'œil.
— Non, répondit Severus, en évitant le regard du Maître des lieux.
Arthur se saisit alors de la feuille que tenait le potionniste.
— Steve McCloud ? Steve McCloud ? Mais c'est qui celui-là ? Minute… je sais…
— Tu sais, P'pa ? Jamais entendu ce nom de famille chez les sorciers, avoua Bill.
— Parce que c'est un Moldu, Bill ! Un Moldu ! C'était le nom de l'ancien épicier sur la place de Loutry Sainte-Chaspoule ! Il a vendu son affaire il y a quelques années… et il est parti se faire pendre ailleurs, comme disent les Moldus. Je me suis toujours demandé pourquoi…
— Une petite suggestion de Molly, je présume… proposa Severus.
Elle n'aurait pas été la première à jouer à ce jeu-là. Il était connu que les sorcières et sorciers qui s'encanaillaient dans le Monde Moldu oubliettaient leurs partenaires d'un soir. Celui-là vivait bien trop près et donc elle avait dû employer une potion de suggestion ou un sort. Ce n'était pas ce qui manquait dans les grimoires interdits par le Ministère.
Mais pendant que les témoins autour de la table digéraient l'abominable nouvelle de la trahison de Molly, les parchemins de Charlie et de Ron s'étaient remplis sans que personne n'y prenne garde.
— Merde ! pesta George, les yeux écarquillés.
Fred se pencha sur la feuille tenue par son frère et siffla sa surprise.
— Alors là ! Bon, ben… George et moi on doit vous dire que pour Ron c'est pas bon non plus. C'est pas un Weasley. Du coup, ça explique bien des choses.
— Pour Charlie c'est bon, par contre, révéla Bill en tendant le parchemin à son père qui s'essuyait les yeux en silence, le parchemin de Ginny posé devant lui.
Bill tendit la main vers George, exigeant sans dire un mot de voir le parchemin de Ron. Harry avait lu le nom affiché sur la feuille et l'avait murmuré à l'oreille de son amant dont les yeux s'étaient écarquillés de surprise.
Lorsque le briseur de sorts posa son regard sur la feuille de Ron, il gronda.
— Elle… Elle a osé ? Ce n'est plus ma mère !
— Bill ! Donne-moi ce parchemin tout de suite, ordonna Arthur.
— Fred, tu devrais faire le test pour Percy. Il ne reste plus que lui, suggéra alors Harry.
— Igor Karkaroff ? Ron était le fils de… de ce monstre ? C'était un Mangemort, je m'en souviens très bien ! Mais comment a-t-elle pu ? fit Arthur, stupéfait.
— J'ai connu Igor, autrefois, révéla Severus à mi-voix. C'était un obsédé sexuel. Comme disent les Moldus, il tirait sur tout ce qui bougeait. En bref, consentantes ou pas, il fonçait. Il n'avait pas beaucoup à se forcer pour être convainquant. Il avait le chic pour ça, paraît-il. Lucius disait souvent que les Moldues ne résistaient pas à son charme slave. Mais… pas que les Moldues, visiblement.
— C'est pas bon pour Percy non plus, les interrompit Fred tandis que George se frottait le visage d'une main lasse.
— Qui ?
— Bartemius Croupton Senior, Bill.
— Et merde…
— Ouais, en bref, Bill, Charlie et nous, on est tes seuls enfants, quoi… p'pa, conclut Fred, en serrant convulsivement sa tasse de thé vide entre ses mains.
Un Accio informulé fit une bouteille entamée de Vieil Ogden leur passer tous sous le nez, suivie de quelques verres dépareillés.
— Je vous prie de m'excuser, mais j'ai besoin d'un petit remontant, marmonna Arthur en replaçant ses lunettes sur son nez.
— Ne vous excusez pas, M'sieur Weasley, on comprend. Moi-même quand j'ai vu mon parchemin, j'ai eu un choc.
— Ah ouais, et si tu nous montrais ça ? tenta Fred dans le but d'alléger l'ambiance.
— Je suis pas sûr qu'étant donné les circonstances, les nouvelles vont vous plaire, mais bon…
— Tant que notre mère n'est pas concernée, ça me va, Ry, t'inquiète pas.
— Justement, Fred… Elle l'est.
— QUOI ? Et de quelle façon ? s'horrifia George qui s'attendait à présent à tout.
— Oh pas directement ! Enfin, ce sont ses parents. Montre-leur, Sev'rus.
Le potionniste obéit alors sans un mot. Autant tout leur révéler…
Le parchemin fut tendu à Arthur qui en pris connaissance et laissa s'échapper un petit cri de surprise.
— Daisy Lucretia Prewett ? Mais je ne l'ai pas connue ! Molly ne m'en a jamais parlé !
— C'est qui celle-là ?
— La grand-mère d'Harry, Bill. Selon le parchemin, la mère de Lily Evans était une Cracmolle née d'Ignatius Prewett et Lucretia Black, donc… la sœur aînée de votre mère.
— Hein ? Lily Potter était notre cousine germaine ? Et donc… Harry est notre cousin ?
— Oui, Fred. Et personne ne le savait, bien entendu. Comme vous le savez, les grandes familles cachent leurs Cracmols.
— Je parierais que Tante Muriel a une responsabilité dans cette affaire. Je la vois bien orchestrer tout ça et ensuite effacer le nom sur la tapisserie généalogique.
— Possible, George, vu qu'elle est dans son salon, confirma Bill. Tante Muriel a forcément connu cette Daisy et comme on ne l'a jamais vue et qu'on n'a jamais vu son nom sur la tapisserie… Ça ne peut être qu'elle !
— Ça lui ressemblerait assez, un tel méfait… acquiesça Arthur en hochant la tête. Harry ? Tu peux m'appeler Oncle Arthur si tu le souhaites. Je ne suis plus marié à ta tante Molly, mais ça n'empêche pas que tu as des liens de sang avec mes quatre enfants.
Harry hocha la tête en rougissant, ému aux larmes, tandis que les jumeaux poussaient des cris de joie et lui ébouriffaient les cheveux. Severus prit le verre de Whisky Pur Feu qu'Arthur lui tendait et posa la question qui lui brûlait les lèvres.
— Vous allez faire quoi de ces informations, Arthur ?
— Molly a eu l'audace de demander une pension alimentaire pour Ginny, très récemment. Elle va devoir réviser ses espérances… Je vais aller déposer ces parchemins à Hestia Jones au Service des Affaires Familiales, et je vais demander leur reniement officiel de notre famille. Ce ne sont pas des Weasley, j'ai été sciemment abusé. Je sais aussi que la secrétaire d'Hestia est pire que Rita Skeeter, question indiscrétion. Elle déjeune chaque jour à la cafétéria avec Jenny Biscus, la nouvelle fouineuse de la Gazette. Molly va prendre le retour de bâton sur le coin du museau. C'est une sang-pur, elle ne va pas échapper à l'opprobre et à la vindicte populaire magique.
— Ouais, quand je pense à la comédie qu'elle m'a fait l'été dernier quand on était au Square Grimmaurd ! soupira Harry. Elle voyait le mal partout ! Je n'avais pas le droit de sortir, rien… Et après, elle a voulu me marier à Ginny sans me demander mon avis ! Et Ron, qu'elle avait dressé à l'intolérance et l'homophobie ! Ne lui dites pas qu'elle est ma tante, surtout ! Elle tenterait encore quelque chose pour me nuire !
— On ne dira rien, Harry, décida Arthur. Donner de l'eau au moulin de Molly ne serait pas une bonne idée, actuellement. Elle est remontée contre toi et contre Severus, d'ailleurs. Selon elle, vous êtes responsables de la mort de Ron.
— Nous n'avons rien à voir dans cette affaire, Arthur, le tranquillisa Severus. Nous avons été tous les deux interrogés sous Véritasérum par Gawain Robards et le Magenmagot a donc eu la preuve de notre innocence.
— Oui, Albus me l'a dit.
— P'pa ? Ça ne te dérange pas si j'appelle Charlie depuis ton bureau ? Je lui ai dit que je le tiendrai au courant. Il voulait surtout savoir… pour lui.
— Vas-y, Bill.
Le briseur de sorts quitta sa chaise et grimpa l'escalier. Pendant qu'il s'éloignait, il entendit son père expliquer à Severus et Harry qu'il allait demander que les bâtards de Molly changent de nom pour prendre celui de leur mère, y compris Ron qui allait être déplacé dans la sépulture des Prewett. Bill se demanda alors comment son frère allait prendre les nouvelles. Leur famille venait littéralement d'exploser ce matin-là, et tout ça parce qu'un vieil ami de leur père - qu'il avait retrouvé par hasard - avait eu des soupçons quand Arthur lui avait parlé de tous ses enfants. Eh bien, on pouvait dire que ce type avait le nez creux… ou était plus doué que Sybille Trelawney !
Arthur ne mit pas longtemps à se décider d'agir. A peine Severus et Harry avaient-ils repris la cheminette pour rentrer chez eux, suivis des jumeaux qui eux ne voulaient pas laisser Verity toute seule, il prenait lui aussi ce mode de transport magique afin de rejoindre le Ministère de la Magie où il n'avait pas remis les pieds depuis son licenciement.
Lorsqu'il sortit de l'une des cheminettes de l'Atrium en s'époussetant, il songea que d'arriver ici en visiteur de cette façon était bien plus aisé que de prendre la cabine téléphonique moldue ou pire : l'entrée des employés dans les toilettes publiques. Un sorcier d'accueil examina sa baguette, la pesa et lui demanda le but de sa visite.
— Je dois voir Hestia Jones au Service des Affaires Familiales Magiques.
Le sorcier, qu'Arthur ne connaissait pas et qui devait provisoirement remplacer le sorcier-vigile Éric Munch, hocha la tête sans rien dire et lui tendit un badge qu'il agrafa sur sa robe sans même lui jeter un coup d'œil. Puis Arthur le salua d'un signe de tête sobre et tourna les talons, ignorant volontairement les regards appuyés des sorciers et sorcières qui le reconnaissaient et chuchotaient peu discrètement. Il entra dans un des ascenseurs, en ferma la grille et annonça, avant même que la voix désincarnée ne surgisse du haut-parleur, qu'il désirait se rendre au niveau un dans le service du Ministre de la Magie.
Arthur avait toujours trouvé agaçant que la voix détaille totalement le nombre de Départements et Services qu'il y avait au niveau un. Surtout que c'était une voix monocorde artificielle qui était terriblement ennuyeuse !
Ladite voix annonça donc qu'il était arrivé à bon port, au moment même où l'ascenseur s'immobilisa dans une violente secousse qui souvent propulsait ses occupants contre la grille ou l'une des parois. Arthur poussa la porte grillagée et sortit dans le couloir. Devant lui, une porte en bois à doubles battants portait au-dessus d'elle, peinte en blanc laiteux sur le mur vert, la mention du niveau où il se trouvait. Le père des jumeaux tapota la poche intérieure de sa robe de sorcier neuve afin de sentir la liasse pliée des parchemins d'héritage.
Il avait pris sa décision et ne reviendrait pas dessus. Ni Bill, ni les jumeaux ou même Severus et Harry n'avaient tenté de le dissuader de faire la démarche qu'il s'apprêtait à entreprendre. Arthur poussa la porte et entra dans le long couloir moquetté de pourpre qui étouffa ses pas. Les murs étaient recouverts de boiseries superbes et cirées et le plafond peint en bleu foncé était orné d'orbes lumineux du plus bel effet. Sur les portes de chaque côté, une plaque de cuivre rutilante annonçait le Département et les Services se trouvant derrière elles. Ce niveau un était un véritable labyrinthe et ce couloir qui semblait banal n'en dévoilait absolument rien au visiteur ignorant ce qu'il allait y trouver. Tout au fond, on voyait la porte capitonnée de cuir acajou qui fermait ce corridor. C'était l'entrée qui menait au bureau du Ministre Cornélius Fudge et avant à celui de Miss Bondupois, sa secrétaire, qui faisait l'accueil et filtrait les entrées.
Le bureau d'Hestia se trouvait sur la gauche à la moitié du couloir. Arthur s'immobilisa devant la porte et posa sa main sur la poignée. La plaque de cuivre bien astiquée listait : « Service des Affaires Familiales Magiques, Bureau de Placement des Orphelins (ce que les Moldus auraient nommé Service des Adoptions), Service des Successions et Héritages Magiques, et pour finir, Etat-civil Magique ».
Arthur entra et se retrouva dans un autre couloir peint en bleu clair où les portes cette fois-ci portaient chacune le nom d'un service différent. Celui d'Hestia était le premier à droite lorsqu'on arrivait. Comme indiqué sur un petit écriteau peint ajouté près de la porte, Arthur sonna en poussant le gros bouton de cuivre puis entra sans plus attendre. Devant lui, un grand comptoir de bois ciré accueillait les visiteurs et Hestia Jones, une sorcière d'âge mûr, rondouillette avec de bonnes joues rouges et les cheveux blonds coupés courts se tenait derrière. Plus loin dans la pièce, il y avait plusieurs bureaux éparpillés et une seule autre sorcière en occupait un. Arthur ne la connaissait que de vue et ignorait son nom. C'était la secrétaire d'Hestia et elle passait pour une sotte de la pire espèce pour qui le secret professionnel et la discrétion étaient des concepts lui étant totalement étrangers.
— Bonjour, Hestia, fit Arthur en retirant son chapeau pointu et en inclinant la tête vers les deux femmes.
— Bonjour, Arthur. Comment vas-tu depuis la dernière fois ? soupira l'ancienne membre de l'Ordre du Phénix (ou du poulet écarlate comme disait parfois Severus). J'ai appris que tu as été renvoyé de ton poste au Ministère. Je t'avais bien dit que c'était une sanction possible pour un divorce.
— Ce n'est rien, Hestia. J'ai trouvé une bien meilleure place.
— Ah bon ? Déjà ? Mais c'est formidable ! Que fais-tu maintenant ?
— J'ai été embauché comme Professeur à Poudlard deux jours après mon renvoi du Ministère. Je travaille à mi-temps et je touche presque le double de mon ancien salaire. Pas de regrets à avoir, Hestia. Ce renvoi de mon ancien poste est finalement une bénédiction.
— Oh ! C'est génial ! Et que puis-je faire pour toi aujourd'hui ? demanda la sorcière avec un grand sourire soulagé.
Hestia aimait bien Arthur qu'elle avait connu à Poudlard et avec qui elle avait combattu dans l'Ordre du Phénix, et sa disgrâce et son renvoi avaient été pénibles pour elle. Elle avait bien tenté de le dissuader de divorcer de Molly, mais… ce qu'elle avait vu dans la Pensine de son service l'avait convaincue du bien-fondé de la démarche.
— Je viens pour un reniement magique officiel, déclara Arthur Weasley en remontant ses lunettes neuves sur son nez.
— Un… eh bien, on peut dire que tu n'es pas avare de surprises en ce moment. Et qui veux-tu renier ?
Arthur sortit la liasse de parchemin de la poche de sa robe et la déplia.
— Hestia, j'ai… sur les conseils d'un vieil ami de la famille, fait réaliser un test d'Héritage sur tous mes enfants. Vois-tu, après la débâcle récente avec Ronald, que je ne m'expliquais pas du tout, j'ai eu des soupçons. Et si… il n'avait pas été mon fils ? Mon aîné, Bill, que tu connais, a voulu que tous soient testés et nous avons eu la surprise de nos vies. Sur sept enfants que j'ai élevés, seuls quatre sont à moi. Les trois autres ne sont pas des Weasley mais des bâtards qu'on m'a imposés en les faisant passer pour mes enfants.
— Par Merlin ! s'horrifia Hestia, une main devant la bouche.
Cette nouvelle révélation lui prouvait que la précédente demande d'Arthur (le fameux divorce !) avait été parfaitement justifiée. Molly se révélait donc pire encore que ce qu'elle avait pensé.
Hestia tendit la main vers les parchemins tenus par Arthur et les prit de ses doigts tremblants. Par la barbe de Merlin, qu'allait-elle donc encore apprendre ?
— Il y a là tous les parchemins des sept enfants que j'ai élevés. Tu verras lesquels sont à moi, et surtout lesquels ne le sont pas et qui sont leurs pères respectifs. Je t'apprends également que Molly a demandé une pension alimentaire pour l'enfant mineur et que les révélations actuelles ne me permettent plus d'honorer cette… exigence.
Les yeux écarquillés, Hestia lisait chaque parchemin avec attention. Enfin, surtout le bas qui révélait les noms des géniteurs. Arthur avait empilé les parchemins par ordre de naissance. Hestia vit donc que Bill et Charlie étaient bien des Weasley, mais… elle ne put s'empêcher de pousser un petit cri étouffé en lisant celui de Percy.
— Barty ? Le vieux Barty était le père de Perceval ? Molly t'a trompé avec… Barty Croupton ? Comment est-ce possible ?
Intriguée et surtout alléchée par ces révélations croustillantes, la secrétaire d'Hestia, jeune écervelée n'ayant pas inventé l'eau chaude, s'approcha et regarda elle aussi les parchemins délaissés par Hestia. Fiona Crabbe ne ressemblait pas du tout à son cousin Vincent, élève de Serpentard dans l'année d'Harry, mais son QI n'était pas beaucoup plus élevé. Elle passa la main sur la mèche de cheveux châtains qui retombait sur son visage pour la coincer derrière son oreille et ne put s'empêcher un petit rictus amusé en découvrant le parchemin de Percy qu'Hestia avait abandonné sur le comptoir pour lire celui des jumeaux.
Arthur crut qu'elle allait s'étouffer ou s'étrangler en lisant ensuite celui de Ron.
— Igor Karkaroff ? Molly t'a trompé avec… Igor Karkaroff ? Comment est-ce même possible ? Je suis soufflée, là ! Après Croupton, un Mangemort ? Quelle horreur ! Mais c'est une dévergondée ! Mon pauvre Arthur, je comprends que tu aies insisté pour divorcer. Ceci est épouvantable.
— Et ce n'est pas fini, Hestia, marmonna l'ancien Gryffondor, il en reste encore un.
— Ginevra aussi ? Mais qui est ce McCloud ?
— L'épicier moldu du village, à l'époque.
— C'est affreux, c'est totalement épouvantable ! Qui t'a fait la Potion d'Héritage, Arthur ? Ce Prince dont tout le monde parle ?
— Non. Ses potions sont bien trop chères, je n'ai pas les moyens. J'ai demandé à Severus Rogue. Je lui ai envoyé un hibou et il m'a expédié un grand flacon quelques heures après et pour seulement quelques gallions.
— Severus, hein ? soupira Hestia. Alors, la potion était forcément bonne. Il nous a toujours fait des potions de qualité supérieure pendant la guerre, tu te souviens ?
— Oui. C'est bien pour ça que j'ai pensé à lui quand j'ai eu des doutes.
— Ok. Donc, tu veux renier les bâtards de Molly, tu le confirmes ?
— Je le confirme.
— Fiona, apportez-moi trois formulaires de reniement magique, s'il vous plaît. Ou non, deux… Ronald est décédé récemment. Ce n'est pas la peine pour lui certainement…
— Je renie aussi Ron, Hestia. Il a trop déshonoré ma famille et mon nom récemment, comme tu le sais. Alors décédé ou pas, il va devenir un Prewett comme les deux autres.
— Je te comprends. Alors trois parchemins, Fiona.
— Tout de suite, Miss Jones, répondit la secrétaire en filant farfouiller dans une armoire encombrée au fond de la pièce.
En cherchant la bonne pile de formulaires, Miss Crabbe n'avait qu'une hâte : retrouver sa copine Jenny Biscus à la Cafétéria du Ministère comme chaque jour pour le déjeuner. Par Merlin, elle en aurait des choses à lui raconter ce midi !
—Arthur, je dois garder les parchemins des reniés comme preuve. Tu en veux des copies ?
— Inutile, j'ai déjà fait des copies de tous. Tu tiens les originaux en main.
— Très bien. Remplis donc alors ces formulaires, lui demanda-t-elle en prenant la liasse des mains de Fiona Crabbe. Dès que je les aurai validés, les parchemins de naissance des enfants non légitimes de Molly seront actualisés. Etant donné qu'aucun des… géniteurs n'a reconnu ces enfants, ils porteront tous les trois le nom de Prewett. Je suppose que tu vas faire déplacer le corps de Ronald hors de ta crypte familiale… non ?
— Exact. Je vais le faire transférer dans celle des Prewett.
— Je peux m'en charger. J'enverrai une copie du formulaire de reniement une fois validé au Service des Pompes Magico-funèbres de Sainte-Mangouste. Ils s'en occuperont. Et avant que tu ne le demandes, non Molly ne pourra pas refuser, ni même le chef de sa lignée.
— Tant mieux.
Arthur était certain que la tristement célèbre Tante Muriel allait faire un foin pas possible à la nouvelle. Molly allait sans nul doute s'en prendre plein la tête voire même être déshéritée. Quoique… elle était la dernière Prewett donc ce n'était même pas sûr que Muriel ose. En tout cas, lui, il s'en lavait les mains à présent !
Ce fut donc le cœur un tout petit peu plus léger qu'il quitta le Ministère, ce matin-là. Il pensa à rentrer chez lui directement, mais songea qu'il fallait qu'il raconte tout à Fergus Nutcombe. Il se dirigea donc tranquillement vers l'Allée des Embrumes et alla actionner le heurtoir de la lourde porte blindée du 325 une fois arrivé tout au bout de ladite allée.
Ce fut Charlie Warrington qui lui ouvrit la porte.
— Bonjour, je viens voir le Boss, murmura-t-il au jeune Sorcier de Sécurité. Dites-lui qu'Arthur souhaite lui parler de toute urgence pour une affaire privée.
— Entrez, je vais le faire prévenir.
Arthur entra, chapeau à la main, et regarda Warrington dire quelques mots à une grande blonde bien élégante qui se trouvait à la caisse. Celle-ci hocha la tête et appela Cicéron avec un micro en forme de cornet acoustique, pendu sur le mur derrière elle. Un écouteur identique placé sur une de ses oreilles lui permit d'entendre la réponse du Lieutenant du Boss.
— Cicéron va venir vous chercher. Le Boss va vous recevoir immédiatement.
— Merci, Madame. Vous êtes bien aimable.
Cette dame était fort jolie, mais il préférait Madame Mathilda. Les goûts et les couleurs, comme disaient ses jumeaux…
Le rideau de perles sur sa gauche s'écarta et un jeune homme brun portant une élégante robe de sorcier marron entra.
— Bienvenue, Professeur. Suivez-moi, je vous prie. Le patron va vous recevoir tout de suite.
— Je vous suis, confirma Arthur son chapeau toujours à la main.
Il fit un signe de tête à la sorcière pour prendre congé et entra derrière Cicéron. Il vit deux demoiselles en dentelles et lingerie fine assises sur les genoux de deux sorciers aux âges un peu avancés pour ces divertissements particuliers et comprit immédiatement la nature de l'établissement que Charlie et les jumeaux avaient semblé bien apprécier. Les brigands !
Personnellement, il s'en fichait totalement. Et c'était finalement bien plus simple de venir ici plutôt que de voler les femmes des autres et de leur faire des bâtards !
Cicéron fit monter Arthur au premier étage et passer derrière une tapisserie dissimulant une porte et pour cela contourner un énorme palmier en pot. Eh bien, il fallait deviner qu'il y avait des pièces par ici ! Le patriarche Weasley n'avait pas pu s'empêcher d'admirer les lieux en montant l'escalier. C'était bien joli ici. C'était propre, confortable, bien meublé et décoré, et la température était agréable.
Au Terrier, ce n'était pas la même chose. Rien n'était assorti. Les murs étaient simplement badigeonnés de chaux ou de peinture moldue à pas cher et les meubles étaient tous dépareillés et rafistolés par magie. L'été, c'était une fournaise sans les sortilèges de rafraîchissement et l'hiver une véritable glacière que ni la vaste cheminée, ni la cuisinière magique à charbon, antique et fatiguée, n'arrivaient à chauffer. Mais… maintenant qu'il avait de meilleurs revenus et qu'il était seul dans la maison, il allait faire de sérieuses améliorations. Pour commencer, il allait le week-end prochain retirer le dernier étage de la maison : celui qui abritait encore il y a peu, l'horrible chambre sous les toits de Ron, peinte en hideux orange vif, à la demande de son occupant. L'étage du dessous serait aussi supprimé car il n'en aurait plus l'utilité. La maison perdrait un peu de son aspect délirant et bancale. Ça ne lui ferait pas de mal ! Après tout, seules quatre chambres étaient nécessaires à présent, et pas sept ! Oui, bonne idée. Il allait aussi refaire la décoration et l'ameublement de chaque pièce après ça. « Meubles Magiques » avait de jolies choses et à des prix raisonnables. Il le voyait bien sur les publicités de la Gazette du Sorcier. A la prochaine promo, il irait faire un petit tour dans ce magasin bien intriguant qu'il n'avait jamais eu l'occasion de visiter. Il faudrait bien un jour qu'il s'offre aussi un Elfe-De-Maison. Mmm… Passer un petit coup de cheminette à Rolf Dragonneau au Ministère ne serait pas une mauvaise idée. On verrait à la rentrée…
— Entrez, Professeur, le Boss vous attend. Vous prendrez une tasse de thé ? Ou un Vieil Ogden ? C'est comme vous préférez.
— Merci, jeune homme, une tasse de thé ira très bien.
— Appelez-moi Cicéron, comme tout le monde par ici.
Le Lieutenant ouvrit la porte située à gauche dans le petit salon où ils avaient pénétré. Derrière un large bureau de bois massif sombre, Fergus Nutcombe trônait, assis dans un confortable fauteuil de cuir noir aux accoudoirs de bois sculpté.
— Bonjour, Arthur ! Comment vas-tu, mon garçon ? Tu voulais me parler ? Assieds-toi. Cicéron ! Du thé, s'il te plaît !
— C'est fait, Boss, j'ai passé commande aux Elfes. Ça arrive !
— Alors, Arthur, qu'est-ce qui t'amène ?
Le Gryffondor entendit la porte se refermer doucement derrière lui. Et alors qu'il allait répondre, un Elfe popa et déposa un plateau sur le bureau, s'inclina poliment et quitta la pièce de la même façon qu'il y était entré.
— Vous aviez raison, M'sieur Nutcombe. Je veux dire, pour mes enfants, soupira Arthur, tête baissée, en se frottant le visage d'une main lasse. Je viens du Ministère, j'ai dû en renier magiquement trois sur le lot.
— Trois ? Par Merlin ! Eh bien, quelle nouvelle ! Raconte-moi ça ! Lesquels ne sont pas à toi ? Tu sais à qui ils sont ?
Tandis que le Boss faisait le service, Arthur démarra son récit.
— Les deux aînés ainsi que les jumeaux sont à moi. Percy, Ron et Ginny ne sont pas des Weasley. J'ai demandé à Severus Rogue, oui le sorcier qui vit en couple avec Harry Potter dans le Monde Moldu et qui a été chassé comme lui. J'ai demandé pour la potion. Il a accepté tout de suite et pour un prix qui me paraît modique. Dix gallions, que j'ai payés, et pour un bon demi-litre de potion !
— Ce garçon t'a fait une faveur, Arthur. Cette potion est réputée coûteuse !
— J'en suis très conscient. D'ailleurs Harry et lui sont venus ce matin de bonne heure me l'apporter par la cheminette. Ça m'a fait bien plaisir de les revoir. Je ne pouvais plus recevoir Harry depuis sa disgrâce à cause de Molly et des autres. C'est un gentil garçon, ça me peinait bien qu'il soit dans les ennuis jusqu'au cou. Je suis bien heureux que ça s'arrange pour lui. Mes garçons ont fait les tests avec eux. Les jumeaux avaient du sang des absents et même de Ron, donc on a pu tester tout le monde.
— Et c'est là que tu as appris.
— Oui. Percy est le fils de Barty Croupton senior. C'est incroyable ! Je me demande comment ça a pu arriver. Ce sorcier était toujours d'une telle rigueur, impitoyable avec les Lois, la bienséance, tout ça… Je ne comprends pas.
— Oh, si ! Ça s'appelle l'hypocrisie, Arthur ! Et notre monde pue l'hypocrisie !
— Oui, vous avez raison. Et Molly est une menteuse et une hypocrite de premier ordre. Ron est celui qui m'a le plus choqué. Il est le fils d'un Mangemort, Igor Karkaroff.
— D'un Mangemort, dis-tu ? Eh bien ! Ça explique son comportement violent… Comme on dit, les fléreurs ne font pas des croups ! Et la fille ?
— Son père est l'ancien épicier moldu du village où nous demeurons. J'ignorais totalement que Molly fréquentait les commerces locaux. Elle m'a toujours assuré qu'elle faisait tous nos achats sur le Chemin de Traverse ou à Pré-Au-Lard. Encore un mensonge…
— Evidemment. Il ne fallait pas que tu aies connaissance de quoi que ce soit.
Fergus tendit une tasse pleine à Arthur. Il avait regardé comment Arthur prenait son thé, la dernière fois, noir et sucré, et donc avait simplement ajouté une cuillérée de sucre en poudre avant de lui donner le mug.
— Merci. Tout ceci m'a conforté quant à ma décision de divorcer. J'aurais dû le faire bien avant, mais comme vous le savez, ce n'est pas une décision facile.
— Certes non. Mais tout va s'arranger maintenant, j'en suis persuadé. Tu as tes enfants, ils sont bien à toi. Tu vas pouvoir les choyer un peu plus maintenant.
— Oui. Dites-moi, M'sieur Nutcombe. Vous vous êtes remarié après la disparition de cette pauvre Madame Nutcombe ? Vous avez eu d'autres enfants ?
— Non, Arthur, répondit le Boss en soupirant. Je n'en ai jamais eu envie. Ma pauvre Sonja était une sorcière merveilleuse et j'ai été très heureux avec elle. Je ne me suis jamais résolu à la remplacer. On sait ce qu'on perd et on ne sait pas ce qu'on gagne ! Non. Je suis resté seul.
— Une sorcière ? Je croyais que votre femme était une Moldue ? Que Kyle était un sang-mêlé ? s'étonna Arthur, les yeux écarquillés.
— C'est ce qu'on laissait les gens croire, Arthur. Sonja n'était pas une sorcière puissante. Elle était à peine plus qu'une Cracmolle, je dirais. Oh, elle a été admise à l'école de Magie de Stockholm, mais elle n'y est resté qu'une année. Elle n'avait pas le niveau pour suivre. Pour la théorie, il n'y avait aucun problème. Elle s'en sortait aussi très bien en potions, en astronomie, mais… dès qu'il fallait utiliser sa baguette, là… il y avait un souci. Les autres enfants se moquaient d'elle alors Sven, mon beau-père, m'avait raconté l'avoir retirée de l'école et scolarisée chez les Moldus. C'était déjà beau qu'elle ait un peu de magie. Son frère Ulric n'en avait pas, lui, m'avait-elle dit. Et comme ça se faisait à l'époque, il avait été abandonné dans le Monde Moldu. Elle ne se souvenait que très peu de lui, car ils avaient presque dix ans d'écart. Huit ou neuf, je crois. Sonja me disait souvent qu'elle aurait aimé savoir ce qu'il était devenu. Nous n'avons jamais su. J'ignore même si c'est possible de retrouver une personne parmi tous les Moldus quand on ne sait pas où chercher, surtout quand elle n'a pas de magie pour activer les sorts de traçage. Tu comprends donc pourquoi, elle avait choisi de se faire passer pour non-magique. C'était plus facile que d'être une sorcière médiocre. Kyle était un sang-pur, pas un sang-mêlé, mais tout ça n'a plus d'importance maintenant. Ils ne sont plus là, ni l'un ni l'autre.
— Mais alors, si vous n'avez pas eu d'autres enfants. Qui va hériter de tout votre empire à votre décès, M'sieur Nutcombe ? Vos neveux ?
— Certainement pas ces petits crétins qui sont responsables de la mort de ma famille, Arthur ! gronda Fergus. Je n'ai pas oublié que ce sont eux qui ont dénoncé Kyle pour avoir embrassé ce jeune Moldu ! A cause d'eux, il a été jugé et exécuté, mon pauvre petit garçon ! Et ma pauvre Sonja, si désespérée, n'a pas pu le supporter et…
Le Boss ne termina pas sa phrase, mais Arthur avait compris.
— Non, pas eux. Personne de mon côté en tout cas. Ça fait plus de trente ans que je ne leur ai pas adressé la parole et ils ignorent où je me trouve et ce que je fais. Si je savais que le frère de mon épouse a eu des descendants, je leur laisserais le tout en héritage. Ce pauvre garçon a été chassé pour n'avoir pas eu de magie. Ça aurait pu arriver à Sonja aussi, elle n'y a échappé que par miracle. Mais j'ignore ce qu'il est devenu. Il est certainement mort à présent. Ma connaissance du Monde Moldu est bien trop limitée, je ne sais pas comment on peut y rechercher une personne. Je sais juste qu'ils ont des registres pour tout, et que tout le monde chez eux est recensé comme chez nous. A qui m'adresser ? Je ne connais personne ou presque dans ce monde. Et surtout personne en qui je pourrais avoir confiance.
Entre deux gorgées de thé brûlant, Arthur réfléchissait. Est-ce que Severus et Harry, tous deux sang-mêlés vivant dans le Monde Moldu sauraient comment faire ? Harry aurait peut-être des informations sur les façons de rechercher une personne.
— M'sieur Nutcombe… Je pense que je connais quelqu'un qui pourrait vous aider à savoir.
— Qui ?
— Harry Potter, Monsieur. Il vit chez les Moldus depuis son plus jeune âge. Il connaît leurs façons bien plus que nous et il est de toute confiance. Comment s'appelait votre beau-frère ?
— De mémoire, Ulric Sven Mortensen. Il était né à Londres quelques années après leur première guerre mondiale, mais je ne sais pas la date exacte. Mon beau-père vivait à Londres à cette époque, ses enfants y sont donc tous deux nés.
— Je vais demander à Harry s'il aurait une idée pour nous aider à trouver.
— C'est bien gentil de ta part, mon garçon. J'avoue que tu piques ma curiosité à présent. J'aimerais bien savoir si ma pauvre Sonja a eu des neveux et des nièces dont nous ignorions tout.
Au lendemain de la nouvelle du reniement magique de trois des Weasley, l'information pourtant du domaine privé faisait les gros titres de la Gazette par la grâce de la peste journalistique Jenny Biscus. Minerva, choquée, s'était précipitée chez Dumbledore en brandissant son journal avant même l'heure du petit déjeuner. Elle avait tout raconté au vieil homme qui l'avait calmée aussitôt arguant être déjà au courant.
— Arthur m'a tout raconté, Minnie. Ne montez pas sur vos sombrals.
— Mais Albus… Rendez-vous compte ! Igor Karkaroff ! Barty et… et un Moldu ! Par Merlin, comment a-t-elle osé ? Je comprends pourquoi Ronald était aussi instable et violent et pourquoi Percy était aussi… Serpentard. Il aurait dû aller dans cette Maison. Avec son ambition démesurée… Et Ginny ! Il va falloir que nous nous habituions à l'appeler Miss Prewett, l'an prochain.
— Bah, on s'y fera, voilà tout.
— Oui, mais quand même ! Le choc est rude, Albus.
— Severus vous passe le bonjour, chère amie. Lui et Harry vont très bien. Ils se refont une santé et parlent d'acheter une maison à la campagne ou à la mer.
— C'est une excellente nouvelle. Allons petit-déjeuner, voulez-vous ? Je meurs de faim, annonça la Directrice des Gryffondors.
— Je vous suis, répondit le vieil homme en quittant son siège. Allons nous ressourcer un peu ! A ce propos, Minnie, j'ai eu des nouvelles de notre bibliothécaire remplaçante, Miss Octopus, par son cousin Kingsley.
— Ah bon ? J'ignorais que Miss Octopus était la cousine de l'Auror Shacklebolt, Albus.
— Si fait, si fait ! Eh bien, elle est retournée aux Amériques et elle vient, paraît-il, de se fiancer à un sorcier colombien qui se prénomme Francisco. Selon Kingsley, ce sorcier travaille pour le Ministère de la Magie américain. Il est expert en alcools moldus et magiques. Je ne sais pas si vous savez, Minnie, mais depuis la prohibition moldue dans les années 20 là-bas, les alcools sont très surveillés par le Ministère. Certains sorciers avaient tenté de faire fortune à l'époque en vendant sous le manteau des alcools magiques aux Moldus notamment du Vieil Ogden à des prix… des prix honteusement élevés, il paraît !
— Ah bon ? Et ça marchait ? Les Moldus en achetaient ?
— Il paraît que oui. Mais comme nos alcools sont bien trop forts pour les Moldus, paraît-il qu'il y avait eu des morts. Depuis, le MACUSA surveille impitoyablement que nos alcools n'aillent pas se perdre accidentellement ou pas, chez les Moldus.
— Vous m'en direz tant ! Je suis étonnée que personne n'ai songé à faire pareil ici !
— Bah, nous l'ignorons. Kingsley ne m'en a rien dit, et je n'ai jamais entendu Alastor en parler non plus.
A la table du petit-déjeuner, à l'Impasse du Tisseur, Harry venait de finir de lire à haute-voix la lettre d'Arthur qu'il venait de recevoir par hibou, quelques minutes auparavant.
Severus Rogue reposa sa tasse de thé vide au milieu de son assiette dévastée ayant contenu œufs brouillés et bacon.
— Eh bien… on peut dire qu'Arthur est plein de surprises en ce moment. Donc… il veut savoir s'il est possible de trouver ce qu'est devenu ce… Mortensen… au milieu de millions de Moldus britanniques.
— Ouais, ricana Harry avec un sourire moqueur. On peut dire que le monde est petit, vraiment trèèèès petit. Je vais pouvoir lui écrire dans cinq minutes que j'ai trouvé son Ulric Mortensen, ainsi que ses descendants.
— De quoi parles-tu, tu n'as même pas commencé à chercher !
— Inutile, Sev'. Rappelle-toi, tu sais qui est ce type. On en a parlé avec le Professeur Dumbledore qui avait connu son père Sven. Ulric a eu une fille, Ann… qui s'est mariée avec un certain Joseph Evans et ensemble ils ont eu un fils unique que tu connais très bien. Ouais, il vit en couple avec ton cousin Walt !
— Rick ! Par Merlin ! Je n'avais pas fait le rapprochement ! Ok, ok… mais je me demande pourquoi Arthur ne nous dit pas dans cette lettre ce qu'il veut faire de cette info.
— Je pense qu'il doit connaître une personne qui cherche les descendants possibles de cet Ulric. Ce type était un Cracmol, on le sait, Albus nous l'a dit. Donc, il est fort possible que ce soit un sorcier de cette famille qui souhaite savoir ce qu'il est devenu.
— J'en doute fort, Harry, affirma Severus en posant sa serviette de table près de son assiette puis en se levant. Tu sais comme moi que les Cracmols sont des taches sur les arbres généalogiques et qu'il faut les dissimuler.
— Le pépé de Rick est mort depuis des décennies. Rick se rappelle à peine de lui, alors ouais, je me demande pourquoi Oncle Arthur veut cette info.
— Oncle Arthur, hein ? s'amusa le potionniste en se dirigeant vers le salon afin de monter à l'étage. Eh bien, appelle-le et demande-lui donc pourquoi il veut savoir ça. Je monte, j'ai des chaudrons urgents à faire pour Shield et ils ne vont pas se faire tout-seuls.
Winky était déjà là-haut à l'attendre. Severus était certain que le labo était propre, et que les chaudrons étaient déjà sur les becs bunsen à frémir, attendant qu'il vienne y jeter des ingrédients amoureusement choisis. Il soupira d'aise en montant les marches qui ne grinçaient plus, l'escalier étant neuf. Severus appréciait énormément sa nouvelle vie. Il avait du travail par-dessus la tête, il vivait dans un endroit plus que décent et confortable qui n'avait plus rien à voir avec la masure de Tobias et il était en couple et surtout très heureux, avec son compagnon, leurs deux Elfes, et Rick et Walt comme membres de la famille.
Curieux de connaître les tenants et aboutissants de cette nouvelle affaire, Harry se précipita plus qu'il ne marcha vers la cheminée dans le foyer de laquelle il jeta une poignée de poudre verte.
— LE TERRIER !
Au bout de quelques minutes, une tête décoiffée apparut et Arthur Weasley, encore en pyjama, bailla et reconnaissant son interlocuteur, lui fit un large sourire.
— Harry ! Tu as bien eu mon hibou ? Désolé, je l'ai posté tard hier soir et j'ai dit à Iseult de prendre son temps. J'espère qu'elle ne t'a pas tiré du lit.
— On était levés, Oncle Arthur. Je voudrais juste savoir ce que vous voulez faire avec l'info sur la descendance d'Ulric Mortensen. Pourquoi ce Cracmol vous intéresse-t-il donc ?
— Ce n'est pas pour moi, mon petit, c'est pour un de mes vieux amis. Il n'a pas de famille, et son épouse est décédée il y a très longtemps. Elle se nommait Sonja Mortensen et venait d'une famille d'origine suédoise bien qu'elle-même fut née à Londres. Cette dame que j'ai bien connue avait un frère cracmol qu'elle n'avait jamais revu car il avait été abandonné dans le Monde Moldu, comme c'était commun à l'époque, et même encore maintenant dans certaines familles puristes. Mon vieil ami se demandait si son beau-frère qu'il n'a pas connu avait eu une vie décente, une famille, une descendance. On se doute qu'il est mort, car sans magie il est peu probable qu'il ait survécu jusqu'à présent. Il serait centenaire !
— Oh, c'est pour ça ! Eh bien, dites à votre vieil ami que oui, Ulric est mort il y a longtemps, mais qu'il s'est marié à une Cracmolle de sang-pur qu'il a dû connaître à l'orphelinat moldu. Ensemble ils ont eu une fille, Ann, qui s'est mariée à un Moldu et ils ont eu un fils unique.
— Tu… tu as déjà trouvé tout ça ? Mais comment as-tu fait, par Merlin ?
— Je n'ai pas de mérite, Oncle Arthur. Je le savais avant. Le fils d'Ann Mortensen, c'est mon cousin, Rick Evans. Ann était la tante par alliance de ma mère. Son mari était Joseph Evans, le frère de John, mon grand-père. Donc, votre ami, si je comprends bien, il est le grand-oncle de mon cousin Rick. La famille s'agrandit !
— Oooooh ! Oooooh ! balbutia Arthur en proie à une vie émotion. Je dois prévenir mon ami tout de suite. Je te laisse… Iseult n'est pas encore rentrée, forcément, donc je dois me rendre chez lui immédiatement.
— Je préviendrai mon cousin Rick de la nouvelle au début de l'après-midi. Lui et son conjoint Walt ne seront pas disponibles avant. Ah oui, j'oubliais, Oncle Arthur, Walt est le cousin de Severus et lui et Rick sont comme nous, des déviants, comme on dit dans le Monde Magique. Ça ne va peut-être pas plaire à votre ami.
— Ça ne sera pas un problème pour lui, Harry. Son fils aujourd'hui défunt l'était aussi. Et… ne dis rien à personne, mais ici Charlie l'est aussi.
— Je ne dirai rien sur Cousin Charlie, Oncle Arthur. Motus et bouche cousue, comme disent les Moldus !
— Motus et… oooh ! Intéressant ! J'aime beaucoup. Je te laisse. Je te raconterai tout dès que j'en saurai plus.
Et la tête rousse aux lunettes de travers disparut brutalement et la communication cessa. Les flammes vertes redevinrent une minuscule petite flammèche jaune léchant paresseusement la bûche unique perdue dans le foyer de fonte vernissée.
