Subir un interrogatoire n'était jamais une expérience confortable, peu importe le nombre de fois où il vous fallait endurer la chose, et c'était vraisemblablement autant valide pour les humains que pour les anges.

Quand la personne occupée à vous tirer les vers du nez n'était autre que le Commandant de la Milice Céleste, le représentant le plus fort de votre race et pas un connu pour sa compassion envers quiconque jugé un criminel ou un traître, ça ne contribuait guère à rendre la séance plus tolérable.

Cassiel se découvrait une empathie très neuve et extrêmement désagréable envers les serviettes humides essorées au point de se déchirer quand Michel conclut qu'il en avait suffisamment appris et cessa de lui retourner la psyché sens dessus dessous avec la grâce et la finesse d'un hippopotame gavé de LSD qui voudrait tenter la danse classique – et dire que Cassiel avait volontairement offert ses souvenirs en gage de bonne foi et de rameau d'olivier offert par le camp de Gabriel, elle était décidément beaucoup trop bonne pour son propre bien (ou peut-être simplement pragmatique, Michel était atrocement fort après tout) et il se demandait de qui elle pouvait bien tenir cela.

En tout cas, nul besoin de demander de quel parent Castiel tenait sa propre gentillesse, ça sautait aux yeux.

« Alors, Gabriel cherche réellement à empêcher l'Apocalypse. »

La voix de Michel ne trahissait aucun ressenti, et sa grâce non plus. Depuis la Chute, l'Aîné des Anges tenait davantage de la statue granitique que de l'interlocuteur capable de participer à une conversation ordinaire.

« Pourquoi cela t'étonne-t-il ? » interrogea Cassiel. « Gabriel n'est pas spécialement connue pour mentir... »

Pas elle, aurait-il voulu ajouter sarcastiquement sans la pression qui se resserra autour de sa grâce, menaçant de le broyer dans un implacable étau. D'accord, pas de pique sournoise envers l'actuelle gestion des Sept Cieux qui prétendait que tout se déroulait selon le plan alors que celui-ci avait flambé depuis que les Winchester étaient entrés dans la danse.

« Elle s'acoquine avec des païens. Avec des renégats. »

Les mots sonnaient accusatoires. Cassiel refusa de se démonter en dépit de la tension vibrant dans chaque fibre, chaque plume de son être, une tension qui le réduirait en charpie s'il faisait un seul faux pas.

« Est-ce explicitement défendu par notre Père ? Aux dernières nouvelles, il n'avait pas résilié l'autorité de Gabriel, elle est toujours la Porte-Parole et autorisée à prêcher son message à qui accepte de l'écouter. »

Voilà qui poussait sans doute la tolérance un peu loin, mais Michel était désespérément pointilleux, et Gabriel suivait techniquement la lettre de la loi. Au moins ça devrait obliger le premier Archange à réfléchir.

« Elle… a l'air bien portante. »

Un instant d'hésitation, dans cette phrase. Une feuille morte qui hésitait à se poser au sol. Presque de la vulnérabilité, mais venant du Commandant de la Milice Céleste, Saint Michel Archange chargé de terrasser le Dragon quand sonnerait l'heure du Jugement Dernier ? On avait peine à y croire, ça ne lui collait pas du tout.

Mais Cassiel avait connu Michel derrière le masque de l'Archange, longtemps auparavant, si longtemps que presque plus personne ne s'en souvenait.

« Elle refuse de se laisser abattre » répondit-il, chaque miette de sa grâce frémissant de tendresse envers sa bien-aimée qui encore et toujours se relevait peu importe les coups que lui infligeait le sort.

Michel ne répondit rien à cela.