Bonjour !

Un deuxième mercredi férié pour la route ! (mais je pense fort à celleux qui bossent, courage !)

Voici donc le troisième chapitre du Tournoi avec, au programme, les premiers pas à Durmstrang... J'espère que vous aimerez !

Bonne lecture !


Réponses aux reviews anonymes :

Guest : Hello ! Merci pour ta review. Alors, non, Hermione n'a pas d'enfants :)
Momille : Oh mais merci beaucoup pour tes gentils mots, ça me fait très plaisir. J'espère que tu continueras d'apprécier ce que j'ai prévu. Merci encore !


Hermione était partie une fois en colonie de vacances. Elle avait huit ans et c'était à Lacanau, en France, sur la côte Atlantique. Elle s'y était fait des amis, elle avait appris à surfer, elle avait participé à une course d'orientation, elle avait cherché des coquillages sur la plage… Elle en gardait un excellent souvenir.

Et ce jour-là, dans le Terminal des Portoloins de Londres, il régnait le même esprit de camaraderie que lorsqu'elle avait huit ans et qu'elle attendait que leur avion décolle.

Sauf que cette fois, elle était une adulte responsable de quinze adolescents qui ne demandaient qu'une chose : que les Portoloins s'activent enfin et que leur aventure commence officiellement.

Heureusement que George était là pour l'épauler. Elle était ravie qu'il soit son binôme. Il s'était tout de suite très bien entendu avec tous les élèves et elle savait qu'elle pouvait compter sur lui pour les encadrer avec professionnalisme.

Les Portoloins qui les emmèneraient directement dans la cour de Durmstrang devaient s'activer à dix-sept heures cinquante-huit. Hermione regarda sa montre. Il ne leur restait qu'une dizaine de minutes à patienter avant que les deux tabourets aux pieds rouillés ne se mettent en fonction. Ils avaient décidé de se répartir en deux groupes pour le voyage : Hermione avec huit élèves, George avec sept.

- Je sens que ça va être une expérience incroyable, déclara George en marchant vers elle. Les gamins qu'on a sélectionnés sont vraiment sympas.

- Il y en a un ou deux qui vont tout de même nous donner du fil à retordre.

Le regard d'Hermione se posa sur Alice Harvey et Kian Hewitt, deux Serpentard dont la roublardise ne leur faisait jamais défaut. Ils n'étaient pas méchants, ils étaient même plutôt sympathiques, mais ils n'étaient pas les derniers pour les coups fourrés et les manigances. Ils étaient, d'ailleurs, en train de discuter à voix basse en pointant du doigt certains de leurs camarades.

- Hewitt m'a l'air d'être plus fort en paroles qu'en actes, supposa George, et Harvey n'hésiterait pas une seconde avant de le jeter aux lions si elle devait sauver sa peau.

- Tu crois ?

- J'en suis persuadé.

- Peut-être. En tout cas, ils font partie de ceux que nous devrons avoir à l'œil constamment. Et puis…

Hermione fut coupée par une voix qui annonça que leurs Portoloins allaient bientôt s'activer. Elle rassembla les élèves et ils se rendirent dans la salle avec les tabourets. Chaque groupe se posa devant son Portoloin et à l'heure pile, ils quittèrent le sol anglais, aspirés dans un tourbillon de couleurs avec un sifflement désagréable.

Hermione détestait cette sensation au niveau de son nombril, elle fut donc plus que soulagée lorsque ses pieds se posèrent sur un sol de pierre.

Malgré tout, cette sensation de calme fut de courte durée car une détonation retentit derrière elle. Hermione se retourna vivement, baguette en main et bras tendus pour protéger ses élèves, mais la peur qui avait tiraillé son ventre retomba comme un soufflé.

Un feu d'artifice.

Les deux tabourets avaient explosé pour laisser place à des fusées de toutes les couleurs qui illuminaient désormais le ciel. Les élèves de Poudlard, fascinés, sautillaient sur place, exprimaient leur joie dans des cris enthousiastes, tandis que ceux de Durmstrang, bien plus mesurés, se contentaient d'observer le spectacle.

Hermione, poings sur les hanches, glissa un regard vers George dont le large sourire ne laissait aucun doute quant à sa culpabilité. Il regardait son œuvre avec une telle fierté que des étoiles faisaient presque briller ses pupilles. Il dut d'ailleurs sentir qu'on l'épiait puisqu'il tourna la tête vers Hermione et son sourire s'agrandit.

- Vraiment ?

- Quoi ? releva-t-il. Il fallait bien qu'on marque le coup et qu'on fasse sensation dès notre arrivée. Il faut qu'ils comprennent qu'on n'est pas venus pour enfiler des perles.

- Tu aurais au moins pu me faire part de ton idée !

- Parce que tu aurais accepté ?

Hermione ouvrit la bouche, mais le sourcil haussé de George l'empêcha de dire quoi que ce soit. Elle n'aurait peut-être pas dit oui à une telle idée s'il la lui avait exposée… Mais bon, maintenant que c'était fait, elle n'allait pas le blâmer.

- Comment as-tu fait ? le questionna-t-elle, curieuse.

- Lee, répondit-il sur le ton de l'évidence sans quitter son œuvre des yeux. Il travaille au Département des transports magiques, donc ça été assez facile d'obtenir une dérogation pour transformer ces Portoloins.

Finalement, Hermione n'était pas si étonnée. Lee Jordan avait toujours fait les quatre cents coups avec les jumeaux, il n'y avait donc pas de raison qu'il ne soit pas complice d'une énième bêtise.

Lorsque la dernière fusée explosa, des milliers de confettis retombèrent en pluie sur le sol et les têtes. Si les élèves de Poudlard s'amusaient de la situation, ce n'était pas vraiment le cas du côté du comité d'accueil de Durmstrang.

Les élèves, la mine austère et le regard dur, ne semblaient pas apprécier la petite surprise colorée de George. Ou alors, ils parvenaient bien à dissimuler leur joie. Parmi eux, plusieurs adultes revêtaient le même masque d'impassibilité. Hermione devina qu'il s'agissait de leur corps professoral et administratif. Elle reconnut, d'ailleurs, Yasen Koslowski, le directeur de l'école. Habillé d'un long manteau de fourrure d'où ne dépassait que le bout de ses bottes, il ne semblait pas avoir été impressionné par leur arrivée haute en couleurs. Le cœur d'Hermione manqua un battement lorsqu'elle croisa le regard de l'homme à côté de Koslowski.

Elle savait, pourtant, que Malefoy était directeur adjoint de Durmstrang, puisqu'ils s'étaient croisés à plusieurs reprises lors de réunions. Pourtant, le voir faisait toujours remonter une tonne de souvenirs pas très joyeux.

Et même si elle avait essayé de se faire à l'idée, la perspective de le côtoyer pendant plusieurs mois ne l'enchantait guère.

Malgré tout, elle fit bonne figure et, accompagnée de George et suivie par les élèves, s'avança jusqu'au groupe.

- Bonsoir, dit-elle à Koslowski en tendant sa main droite. Merci de nous accueillir dans votre belle école.

Par souci de compréhension, un sortilège de traduction instantanée avait été mis en place. Le bulgare n'était pas leur langue maternelle, mais en tant qu'invités, ils se devaient de respecter la langue du pays hôte.

- Bienvenue à vous. Je suis honoré de votre présence. J'espère que vous vous plairez chez nous.

Il esquissa un semblant de sourire avant de serrer la main de George et de regarder les élèves un par un, comme s'il les jugeait à leur coupe de cheveux ou leur tenue.

Hermione tendit ensuite sa main à Malefoy en lui offrant un sourire de convenance auquel il lui répondit par un rictus hypocrite.

- Granger, la salua-t-il avec froideur.

- Malefoy, répondit-elle sur le même ton.

- Quelle entrée… charmante.

Hermione comprit rapidement qu'il n'en pensait pas un mot. George, qui venait à son tour de serrer la main de Malefoy, n'avait pas perdu de sa jovialité. Hermione admirait sa faculté à ne pas se laisser désarçonner et à continuer de vivre sans se soucier de l'approbation d'autrui.

- Bonsoir, Malefoy, le salua-t-il. J'ai pris quelques Feuxfous Fuseboum avec moi, dans mes valises, si jamais tu veux égayer un peu l'ambiance ici.

Hermione se pinça les lèvres pour ne pas rire. Malefoy, lui, sembla encaisser facilement la petite pique. En même temps, George n'avait pas tort. Non seulement la météo n'était pas favorable mais, en plus, les mines bien trop sérieuses des élèves et des enseignants ne réchauffaient pas l'ensemble. Hermione connaissait la réputation austère de cette école et elle comptait bien y apporter un peu de la joie de vivre de Poudlard durant son séjour.

L'attention de tout le monde fut aussitôt détournée par l'arrivée de la délégation de Beauxbâtons. Le carrosse bleu pastel était exactement comme dans les souvenirs d'Hermione. Les chevaux géants, environ de la taille d'un éléphant, se posèrent avec fracas contre le sol de pierre, puis ce fut au tour du carrosse d'atterrir. Un marchepied d'or se déplia à la base de celui-ci et Apolline Saint-André, la directrice, fut la première à en sortir.

Cette femme était d'une telle beauté que Hermione décela un changement dans le regard de certains élèves et professeurs de Durmstrang. Apolline avait dépassé la cinquantaine, mais seules quelques petites rides au coin de ses paupières le laissaient sous-entendre. Ses longs cheveux noirs ondulaient jusqu'à sa poitrine et ses yeux sombres, cachés derrière des lunettes, avaient toujours une étincelle légèrement provocatrice.

Sa cape dorée flottant dans son dos, elle s'avança jusqu'à eux, suivie d'une douzaine d'élèves en robes de soie bleu clair. Ils avaient l'air frigorifiés, ce qui n'était pas étonnant vu la finesse du tissu.

Apolline salua Koslowski, puis Malefoy, et enfin George et Hermione. La directrice de Beauxbâtons présenta ensuite Kenza, son accompagnatrice.

- Bien ! lança Koslowski en frappant dans ses mains. Maintenant que tout le monde est là, nous allons vous guider jusqu'à l'aile ouest du château, qui a été aménagée pour vous.

Hermione rassembla ses élèves et ils emboîtèrent le pas de Koslowski.

Le château paraissait bien plus petit que Poudlard et, si elle en croyait ce qu'elle voyait, il n'y avait que quatre étages. Le parc, en revanche, semblait immense et cela ne fit que confirmer ce que Viktor lui avait raconté à l'époque. D'après ses mots, ils ne pouvaient pas trop profiter de l'extérieur en hiver, à cause de la courte durée des journées, mais ils se rattrapaient à l'arrivée des beaux jours. Hermione avait plus que hâte de pouvoir le visiter dans son intégralité.

Une fois à l'intérieur du château, elle ne constata quasiment aucun changement de température. Les couloirs n'étaient-ils donc pas chauffés ? La pierre était omniprésente, du sol au plafond. Seules des torches accrochées aux murs éclairaient les couloirs, ce qui ne suffisait pas à réchauffer les lieux.

Hermione resserra son écharpe autour de son cou et jeta un œil à George.

- Le gars de ce tableau n'a pas l'air commode, tu ne trouves pas ?

Hermione ne put que confirmer les propos de George. L'homme sur le tableau était à cheval et portait un casque en forme de soleil. Il tenait dans sa main gauche une lance qu'il brandissait d'un air menaçant.

- C'est Khors, une divinité de la mythologie slave.

Perdue dans le regard du portrait, Hermione sursauta. Malefoy, à sa droite, les mains jointes dans son dos, reprit son explication avec une voix traînante, comme si cela lui coûtait cher de leur faire une leçon d'Histoire.

- C'est le Dieu du soleil, de la lumière et de la lune, leur apprit-il. Et c'est aussi le portrait qui garde le QG des Érudits.

- Les Érudits ? releva Hermione.

- Durmstrang est divisée en trois clans : les Érudits, les Soldats et les Sages.

Elle fronça les sourcils. Elle qui trouvait le système de répartition par maisons à Poudlard discutable était peu convaincue par cette catégorisation-là.

- Je sais à quoi tu penses, Granger, poursuivit Malefoy. Mais Durmstrang a été fondée par Nérida Vulchanova, une brillante sorcière bulgare de sang-pur élevée dans la tradition suprématiste. Il ne fallait pas t'attendre à de la justice et de l'équité.

- Un système peut être modifié si on en a envie.

- Tu as aboli la répartition par maisons, peut-être ?

Hermione se pinça les lèvres. Non, effectivement, elle ne l'avait pas fait.

Malefoy accéléra le pas, ce qui l'empêcha de répliquer quoi que ce soit. De toute façon, elle n'était pas sûre de savoir quoi répondre à cela, donc cela l'arrangeait.

La visite du château par Koslowski fut sommaire. Le directeur se contenta de glisser une ou deux informations au détour d'un couloir, mais rien d'intéressant ou d'utile. Ainsi, ils arrivèrent dans l'aile ouest plutôt rapidement et Hermione se fit la promesse de prendre le temps d'explorer seule le plus tôt possible.

- Nous y voilà, lança Koslowski. Nous avons divisé l'aile en deux, afin que chaque école ait son quartier. Nous avons créé des dortoirs, des espaces privés pour les accompagnateurs et une salle commune où les élèves pourront se retrouver. Bienvenue chez vous !

Il leur offrit un sourire dont Hermione douta de la sincérité puis il s'éclipsa, laissant les deux directrices, leurs accompagnateurs et leurs élèves avec Malefoy pour seule compagnie. Contre toute attente, ce dernier leur sourit plus poliment. Nul doute qu'il cherchait à se mettre Apolline dans la poche, puisqu'il savait que c'était inutile et perdu d'avance avec elle.

- Le dîner sera servi à dix-neuf heures dans la salle de réception qui se trouve au rez-de-chaussée, les informa-t-il. Demain matin, à huit heures trente, vous êtes conviés à une réunion dans l'amphithéâtre trois, celui qui est utilisé pour les cours théoriques des arts occultes. Il se trouve au premier étage, mais ne vous inquiétez pas, lors du dîner de ce soir, nous vous confierons un plan du château. Bonne installation, à tout à l'heure.

Malefoy s'en alla à son tour et Hermione se tourna vers ses élèves qui semblaient plus intéressés par la vue qu'ils avaient depuis les hautes fenêtres que par le discours du directeur adjoint. Ce qu'elle pouvait tout à fait comprendre.

Apolline et ses élèves se dirigèrent vers la grande porte en bois de droite, celle sur laquelle étaient peintes les armoiries de Beauxbâtons, à savoir deux baguettes d'or croisées qui lançaient chacune trois étoiles. Hermione et George conduisirent les leurs vers la porte de gauche, où se trouvait leur blason, et elle fut surprise par la froideur du lieu. Et pas qu'au niveau de la température.

La décoration était sommaire, impersonnelle. Plusieurs élèves se plaignirent de la dureté de leur matelas, de la fraîcheur de la pierre sous leurs pieds et Hermione ne pouvait pas leur donner tort.

- George ? l'appela-t-elle, un sourire mutin aux lèvres. Que dirais-tu d'apporter un peu de gaieté dans ces lieux ?

Elle sortit sa baguette de la poche de sa cape et George fit de même. Le quartier de Poudlard devint, en quelques coups de baguette maîtrisés, un cocon chaleureux où il ferait très bon vivre durant plusieurs mois.


Il n'était pas rare que Pansy fasse la fermeture du Da Vinci Club le samedi soir, ou plutôt le dimanche matin. Seulement, c'était la première fois qu'elle se retrouvait seule sur le trottoir devant le club, à presque six heures et demie. D'habitude, ses amis fêtards étaient avec elle mais aujourd'hui, ils avaient tous déserté aux alentours de quatre heures.

Cela dit, Pansy ne leur en tenait pas rigueur. Elle avait passé les deux heures avant la fermeture à danser seule avec son verre de Bellini à la main et elle avait apprécié ce moment. Ce qu'elle appréciait moins, en revanche, c'était la douleur sous ses pieds maintenant que la soirée était terminée.

Elle transplana de Sofia à Tsvetengrad, heureuse de ne pas s'être désartibulée vu son alcoolémie. Elle ôta ensuite ses escarpins et le frais des pavés sur sa voûte plantaire lui fit énormément de bien.

Au détour d'une rue, l'odeur des viennoiseries lui chatouilla les narines. Elle adorait cette boulangerie tenue par deux Français expatriés. Leur pain était délicieux, tout comme les pâtisseries et les croissants, son péché mignon.

Pansy remit ses chaussures, non sans peine, et entra dans la boutique. Simon, l'un des deux propriétaires, la reconnut et mit un croissant dans un petit sachet, sans que Pansy ait eu besoin de dire ce qu'elle voulait. Elle paya sa viennoiserie et quitta la boulangerie après l'avoir remercié.

Elle trottina aussi vite que ses pieds endoloris le lui permirent et s'installa sur un banc sous un réverbère à la douce lumière orangée. Elle ôta à nouveau ses escarpins et s'assit en tailleur juste avant de croquer dans son croissant et de laisser échapper un petit gémissement de plaisir.

Divin.

- Je ne sais pas ce qu'il a de particulier, ce croissant, mais il a l'air de faire du bien par où il passe.

Prise en flagrant délit, Pansy sursauta, une main plaquée contre sa bouche, comme si cela allait cacher sa gourmandise.

Elle était tellement prise dans sa dégustation qu'elle n'avait pas remarqué que quelqu'un s'était assis à côté d'elle. Et pourtant, ce quelqu'un n'était pas n'importe qui. George Weasley, coiffé d'un bonnet en laine beige dont dépassaient quelques mèches rousses, buvait son café avec un naturel qui la désarçonna.

- Weasley ?! Mais qu'est-ce que… Oh, c'est vrai. Tu accompagnes Granger et les morpions de Poudlard.

- Morpions…, répéta-t-il. Sympa, moi qui cherchais un nouveau surnom percutant quand je les appelle. Jusqu'à maintenant, je les appelais les mioches, mais Hermione m'a dit d'arrêter de le faire et m'a fait comprendre que c'était assez péjoratif.

- Parce que "morpion" ne l'est pas ?

- Si, mais ce n'est pas parce qu'Hermione me dit quelque chose que je suis obligé de l'écouter.

Pansy ne put retenir un rire.

Défier l'autorité avait été la spécialité des jumeaux, lorsqu'ils étaient encore à Poudlard, mais que l'autorité à laquelle il désobéissait désormais soit représentée par Hermione Granger remplissait Pansy de joie. Quoi de plus grisant que de faire tourner Granger en bourrique ?

- Je ne devrais peut-être pas être surpris de te trouver là, sachant que Malefoy vit ici, mais je ne peux pas m'empêcher de l'être un peu.

- Précise. Surpris de me trouver où ? Sur un banc à six heures du matin à dévorer un croissant comme s'il s'agissait de mon dernier repas avant une condamnation à mort ou, plus globalement, en Bulgarie ?

- Je pensais à la deuxième option, mais la première m'intrigue aussi.

- Une information après l'autre, Weasley. Nous ne nous connaissons pas assez pour que je te révèle tous les détails intimes de ma vie.

- Les détails intimes, carrément ? répéta-t-il. Je n'en demandais pas tant.

Il but une gorgée de son café et Pansy termina son croissant. Elle épousseta ses mains l'une contre l'autre pour les débarrasser des quelques miettes, puis lança un Tergeo sur ses doigts pour ôter tout résidus de gras dus à sa gourmandise.

- Je suis un oiseau de nuit qui aime faire la fermeture des clubs, lui expliqua-t-elle en même temps qu'elle jetait l'emballage de son croissant à la poubelle. Et toi, que fais-tu dehors si tôt ?

- Pour diverses raisons, j'ai fait une croix sur les grasses matinées depuis plusieurs années.

- Et quelles sont ces raisons ? demanda-t-elle.

- Nous ne nous connaissons pas assez pour que je te révèle tous les détails intimes de ma vie, Parkinson, la singea-t-il.

Pansy passa sa langue sur sa gencive supérieure avant de la claquer contre son palais, mouchée. Elle détestait être prise à son propre jeu et elle détestait que la personne en face en soit si fière. Parce que, oui, il en était fier, cela se voyait aux coins de ses lèvres qu'il peinait à ne pas étirer en un sourire.

- C'est de bonne guerre, Parkinson, ricana Weasley.

- Si tu le dis, marmonna-t-elle, vexée.

Weasley jeta son gobelet vide à la poubelle et s'adossa au banc. Les bras étendus sur le dossier, il croisa ses jambes avec nonchalance, une cheville reposant sur son genou.

La situation était inédite. Six heures et demie du matin, un banc au beau milieu de Tsvetengrad et deux adultes qui avaient passé la plus grande partie de leur vie à se détester.

Enfin, si Pansy avait été odieuse avec certains membres de sa famille, eux ne s'étaient jamais vraiment côtoyés. Elle l'avait peut-être déjà fait, mais elle n'avait aucun souvenir d'avoir déjà parlé à l'un des deux jumeaux.

Elle avait détesté son frère, l'avait dénigré et même chanté des chansons pour le rabaisser... Ne devrait-il pas la détester pour cela ?

- Tu m'as dit pourquoi tu étais assise sur ce banc, mais tu ne m'as pas dit pourquoi tu étais en Bulgarie.

- Tu l'as dit toi-même, Drago est là.

- Et tu le suis encore comme une groupie ?

Pansy encaissa difficilement la deuxième pique en moins de cinq minutes.

- Je n'ai jamais été la groupie de Drago, rectifia-t-elle, amère. J'ai peut-être été légèrement amoureuse de lui à une époque, mais je n'étais pas une groupie. Ça, je le laisse à ta petite sœur vis-à-vis de Potter.

Weasley arqua un sourcil et Pansy lui répondit par un haussement d'épaules négligeant.

- Ça c'est de bonne guerre, Weasley.

- Mais tu n'as pas répondu à ma question. Permets-moi de douter que ta présence ici soit seulement dûe à celle de Malefoy.

Pansy poussa un lourd soupir. Elle ne parlait jamais des raisons qui l'avaient motivée à fuir l'Angleterre. C'était déjà suffisamment douloureux lorsque cela restait des pensées.

Et pourtant, Weasley avait lui aussi perdu quelqu'un de cher dans cette guerre. Drago avait toujours été d'un soutien indéfectible, il était l'épaule sur laquelle elle avait pleuré tant de fois. Mais malgré tous ses efforts, il ne pourrait jamais totalement comprendre sa peine.

Le cœur de Pansy battait très vite dans sa poitrine et lorsqu'elle sentit les larmes lui picoter les yeux, elle se redressa sur le banc et glissa ses pieds dans ses escarpins qu'elle avait laissés par terre. Elle déglutit, tint son dos droit et reprit contenance. Elle ne devait pas se laisser déborder par ses émotions.

- Là, on rentre vraiment dans les détails intimes de ma vie, Weasley, et tu n'as pas besoin d'être au courant de tout.

- Au temps pour moi, s'excusa-t-il aussitôt. Je ne voulais pas te blesser.

- Je ne le suis pas, lui assura-t-elle sans en être convaincue.

Elle le remercia silencieusement de ne pas insister. Elle n'était pas sûre d'être capable d'assumer une glissade sur cette pente bien trop dangereuse. Surtout à six heures et demie du matin, avec quelques cocktails dans le nez.

- Est-ce que tu veux un deuxième croissant ? proposa-t-il en tournant la tête vers elle. Il avait l'air bon et j'ai bien envie d'y goûter.

- Euh…, bafouilla Pansy, prise de court. Non, ça ira, merci.

- C'est toi qui vois !

Il se leva et se dirigea vers la boulangerie où Pansy avait acheté sa viennoiserie. Elle ne put s'empêcher de le regarder marcher. La dernière fois qu'elle l'avait vu, Weasley n'avait même pas vingt ans, mais elle ne se souvenait pas d'une telle carrure. Il n'était pas très grand, peut-être quelques centimètres de moins que Drago qui faisait un mètre quatre-vingt. En revanche, malgré son manteau, Pansy décelait des épaules larges et une taille peu marquée, comme ce rugbyman georgien qu'elle avait rencontré quelques années plus tôt et qui restait, jusqu'à aujourd'hui, le meilleur coup de sa vie.

Pansy se surprit à rêver un peu trop, alors elle secoua la tête pour chasser les pensées qui n'avaient rien à faire là.

Weasley revint cinq minutes plus tard. Visiblement, il n'avait pas pu s'empêcher de commencer sa dégustation durant les quelques mètres qui séparaient la boulangerie du banc.

- Hum, je ne peux que comprendre le petit gémissement de plaisir de tout à l'heure, dit-il. Ce croissant est excellent !

- La meilleure boulangerie de Tsvetengrad, déclara Pansy. Bon, en même temps, ce n'est pas compliqué, il y en a que deux.

Weasley pouffa et Pansy sourit.

- Je n'aurais jamais dû y goûter. Je vais vouloir en manger tous les matins, maintenant.

- Ce qui ne devrait pas être un problème puisque tu sembles être un lève-tôt.

- Dix points pour Serpentard, lui accorda-t-il avant de croquer à nouveau dans son croissant. Je pense plutôt que je vais en faire un stock et les conserver avec un sort… Quoi que, Hermione risquerait de vouloir m'en piquer.

- Quel égoïste, ricana Pansy.

L'odeur du croissant que mangeait Weasley commença à lui titiller les narines et à faire grogner son estomac.

- Il paraît que vous avez fait une arrivée fracassante à Durmstrang ?

Weasley parut étonné une demie seconde, le temps de comprendre comment elle pouvait être au courant puisqu'elle n'était pas là.

- On ne pouvait pas arriver par Portoloin sans rien faire de plus, on serait passés pour des guignols. Et je déteste passer pour un guignol.

- Ça ne m'étonne pas, commenta Pansy. Je n'en attendais pas moins de la part de quelqu'un qui fait pousser des cornes de cerf sur la tête des gens.

Weasley tourna si vite sa tête vers elle qu'elle entendit un craquement. Il en grimaça et, à ses sourcils froncés, elle comprit qu'elle l'avait perdu.

- Je te demande pardon ? Je n'ai pas un tel souvenir.

- Parce que ce n'est pas vraiment de ta faute. Disons que ça l'est, mais indirectement.

- Explicite, je te prie.

- Quand vous avez quitté Poudlard, ton frère et toi, ça a inspiré beaucoup de monde et pas toujours de la meilleure manière. Un copain de Serpentard, par exemple, s'est retrouvé avec une affection de la peau qui lui donnait l'air d'être recouvert de corn flakes. Quant à moi, des cornes de cerf m'ont poussé sur la tête.

Weasley pinça ses lèvres, probablement pour retenir un rire. Pansy, elle, frotta son crâne à l'endroit où, quelques années plus tôt, les cornes avaient élu domicile. Si elle parvenait à rire de la situation aujourd'hui, cela n'avait pas du tout été le cas sur le moment. D'accord, elle n'était pas une jeune fille exemplaire, à l'époque, c'était même plutôt le contraire et elle méritait son surnom de petite peste, mais était-ce une raison pour la faire ressembler à un cervidé pendant des jours ?

- Moque-toi, Weasley. Mais à cause de vous, j'ai deux cicatrices sur le haut de la tête, expliqua-t-elle, un tout petit peu contrariée de devoir faire face à ce désagréable souvenir.

- D'accord, mais moi j'ai perdu une oreille à cause de Rogue, alors qui gagne ?

Pansy écarquilla les yeux et son aveu la rendit muette. Et rendre muette Pansy Parkinson était quelque chose que peu de gens avaient réussi à faire en trente-quatre ans d'existence.

Comment ça, George Weasley avait perdu une oreille à cause de Rogue ? Cette information lui paraissait lunaire, improbable. Pourtant, il avait l'air tout à fait sérieux. Pour une fois.

- Tu peux expliciter à ton tour, s'il-te-plait ? lui demanda-t-elle.

Il termina son croissant et ajusta son bonnet sur sa tête avant de se lever.

- Nous ne nous connaissons pas assez pour que je te révèle tous les détails intimes de ma vie, Parkinson, l'imita-t-il pour la deuxième fois, ce qui eut le don de l'agacer encore plus que la première.

Malheureusement, Pansy n'eut pas le temps de répliquer quoi que ce soit que le bougre avait transplané.

.

- Et il est parti ! Non mais le culot du type.

Pansy but une gorgée de Negroni et posa son verre sur la table basse avec une énergie démesurée.

Cela faisait deux jours que Weasley l'avait abandonnée sur un banc avec la moitié d'une information et Pansy ne l'avait toujours pas digéré. Elle n'avait pas pu voir Drago entre-temps donc, ce soir, il faisait les frais de son agacement.

- Et alors ?

- Et alors ?! Jamais personne ne m'a fait cet affront, Drago, tempêta-t-elle en le pointant du doigt comme si c'était lui qu'elle incriminait. Pour qui il se prend ?!

- On peut parler d'autre chose ? implora-t-il. Je n'ai pas envie de passer ma soirée à parler de George Weasley et de la manière ingrate qu'il a eu de te laisser seule.

Elle était dans le canapé, lui dans la cuisine en train de préparer une moussaka, donc Pansy profita qu'il ne la voie pas pour esquisser une grimace à son attention.

- Je te vois.

Pansy sursauta et croisa le regard de Drago dans le reflet de la télévision moldue en face d'elle.

- La sélection des champions a lieu demain, l'informa-t-il alors qu'elle se levait du canapé.

- Déjà ? s'étonna Pansy en piquant un morceau d'aubergine cuite que Drago n'avait pas utilisé pour son plat.

- Hum. Comme ça, ils auront le temps de digérer la nouvelle avant la première tâche.

- Qui est ? demanda Pansy en battant des cils.

- Ça ne prend pas avec moi, Pans', tu le sais très bien. Je n'ai pas le droit de divulguer ce genre d'informations à qui que ce soit.

- Même pas à ta meilleure amie ? La prunelle de tes yeux ? Celle qui connaît tout de toi, qui est au courant du moindre de tes secrets et qui n'hésiterait pas à les utiliser pour te faire chanter ?

Drago arqua un sourcil, peu convaincu par son argument qui n'en était pas vraiment un puisqu'elle n'aurait jamais mis sa menace à exécution.

- Même pas, non. Tu sauras en même temps que tout le monde. Tu es toujours partante pour assister aux tâches, d'ailleurs ?

- Rappelle-moi les dates ?

- Vingt-quatre novembre, vingt-quatre février et vingt-quatre avril.

- Vous ne vous êtes pas foulés, ricana-t-elle en sortant la vaisselle pour deux. Mais oui, je serai là. S'il faut fermer la boutique quelques heures, ce n'est pas un problème.

- Merci, Pans'.

Drago envoya le plat au four et Pansy sourit.

Elle savait à quel point ce Tournoi était important pour son meilleur ami et elle ne lui aurait jamais fait l'affront de manquer une tâche. Il donnait tellement de sa personne pour la réussite de cet événement qu'elle se devait d'être là pour le soutenir et lui faire honneur. Et puis, cela lui rappellerait des souvenirs de son adolescence.

Ils passèrent la soirée en tête à tête, comme souvent, à déguster l'excellente moussaka préparée par Drago et ses doigts de fée lorsqu'il s'agissait de cuisine.


Et voilà !

Alors, qu'avez-vous pensé du chapitre ? De l'arrivée des délégations ? Notamment de Poudlard, avec la petite surprise manigancée en douce par George ahah. Les premiers mots échangés entre Drago et Hermione ? Et puis la "rencontre" entre Pansy et George... Haut en couleurs ?

J'ai hâte de savoir ce que vous avez pensé de tout ça.

Du love, à mercredi !