« Il faut qu'on protège le Dr Fell du Dr Crowley, insista un des étudiants. Ne serait-ce que par respect pour son mari. »
Certains étudiants acquiescèrent vivement. D'autres parurent plus hésitants.
« Ce sont des professeurs, répliqua l'un d'eux, peu amène. Ils pourraient plomber nos notes jusqu'à la fin de notre cursus.
— Oh, le Dr Fell est beaucoup trop gentil pour faire une chose pareille.
— Mais pas le Dr Crowley. »
En retrait, Jo hésitait, ignorant si révéler ses informations ferait la moindre différence. Une main effleura son épaule et iel se retourna, fit face à une deuxième année qui lui dédia un sourire compréhensif, avant de secouer la tête.
« J'étais comme toi l'année dernière, murmura-t-elle. Fais-leur confiance, ça va aller tu verras.
— Tu les as… vus ? » questionna Jo.
Elle lui répondit d'un léger hochement de tête puis d'un immense sourire. « Oh oui, ma promo a passé un temps fou à essayer de deviner l'identité du mari du Dr Fell, jusqu'à ce qu'ils arrivent ensemble au repas de Noël. »
Jo ne put s'empêcher de sourire.
Un étudiant s'immisça sans gêne dans leur conversation, et tous les autres, qui réfléchissaient à comment accaparer le Dr Fell avant que le Dr Crowley ne le rejoigne près de la voiture, s'interrompirent. « Tu sais qui est le mari du Dr Fell ? A quoi il ressemble? Comment l'avertir pour le Dr Crowley ? Et comment tu t'appelles ? »
La seconde année hésita, l'air attristé. « Je m'appelle Eve. Je ne peux pas rester longtemps, je dois aller en cours. » Elle inspira lentement. « Le Dr Fell ne l'a pas présenté au dîner, et je n'étais pas assez proche pour lui parler. Je ne sais pas comment vous pourriez le contacter sans que le Dr Fell ou le Dr Crowley ne le sachent. Mais il est grand, mince, et il a le sens de l'humour. » Elle jeta un regard à sa montre. « Je dois filer, désolée ! » et elle détala.
Jo luttait pour ne pas glousser de rire. Elle avait dit la vérité, et pourtant…
L'étudiant sans-gêne prit la tête des opérations, rassemblant tous les volontaires disponibles autour de la voiture pour empêcher le Dr Crowley de partir. Son stratagème improvisé s'effondra pourtant quand les deux professeurs sortirent ensemble du bâtiment et se dirigèrent vers le parking côte à côte.
Jo s'appuya contre un bâtiment voisin, gardant la tête baissée tandis que l'étudiant bafouillait un discours longuement réfléchi sur l'immoralité de leurs actes. Il conclut, « Et pensez à votre mari. N'est-il pas contrarié par, euh…
— Oh, il n'a aucune objection sur le sujet. » Le Dr Fell se tourna vers le Dr Crowley avec un sourire tendre qui fit grimacer les premières années. Alors que le porte-parole autoproclamé ouvrait la bouche pour protester au nom dudit mari, le Dr Fell ajouta, « N'est-ce pas, mon cher Anthony ? »
Le sous-entendu dans ces derniers mots transforma les grimaces en expressions stupéfaites.
Le Dr Crowley parut ne rien remarquer. « C'est ridicule, mon ange. Pourquoi aurais-je des objections ? »
Les mâchoires tombèrent par terre, tant à cause du surnom que de l'absence de tranchant derrière ces mots au potentiel mordant.
« Ces jeunes gens semblent penser que tu as des raisons d'en avoir », dit le Dr Fell en indiquant d'un geste du bras la foule qui immobilisait la Bentley.
Le Dr Crowley se détourna, une main agrippée à la portière ouverte de la voiture, et eut l'air de ne réaliser qu'à l'instant la présence du groupe. « Je me demande bien pourquoi », lança-t-il avec une pointe de sarcasme. Ses lunettes sombres survolèrent les visages stupéfaits, ainsi que le nombre inhabituel d'étudiants plus âgés et de membres du personnel qui passaient par là « par pur hasard ». Un sourire discret mais amusé leur révéla qu'il comprenait parfaitement bien la situation, et il ajouta « Dégagez le chemin s'il vous plait, ou vous allez finir écrasés. » Et sur ces mots, il se glissa derrière le volant.
Pendant un long moment, il n'y eut aucune réaction. Les étudiants étaient trop choqués pour bouger. Puis, le Dr Crowley appuya sur le klaxon, et ils s'éparpillèrent.
Le Dr Fell monta à son tour dans la voiture, et on leur libéra lentement le passage, au fur et à mesure que tous digéraient la nouvelle.
