Chapitre 5

Mercredi 8 Septembre 1944

« Quelqu'un peut-il me rappeler la loi de Gamp ? » Demanda le professeur Dumbledore. Une fois assis à son bureau.

Le cours des 7e année de Poufsouffle se faisait en commun avec les Serdaigle. C'était le cours où Soraya excellait. À vrai dire, c'était même effrayant de voir tout ce qu'elle était capable de faire avec une baguette, lorsqu'elle n'avait pas le reste de la classe sur le dos. Et Evelyn comptait bien la pousser dans cette direction.

« Lève la main, Soraya… » Chuchota la noiraude. Son amie secoua la tête vivement, l'air horrifiée.

« Je… Je ne p-peux pas… » La main de son amie se posa sur son bras.

« Si, tu le peux. Je le sais… Tu me fais confiance ? »

L'égyptienne hésita, avant de croiser le regard d'Evelyn. Elle y lut toute la confiance du monde, et elle comprit que la Poufsouffle ne laisserait personne l'interrompre. Elle ignorait encore comment, mais elle le savait. Alors, elle lui fit un sourire timide, dévoilant ses canines, qui avaient toujours été plus grandes que la moyenne. Et sa main se leva, frêle, tremblante, mais ô combien résolue.

« Oh, Miss Shafiq, c'est la première fois… Allez-y, n'ayez pas peur. »

Vu le temps de réponse, il était évident que beaucoup d'élèves de Serdaigle se seraient moqués de la jeune fille, les blaireaux ne s'entretuant que sous couvert de leur salle commune. Cependant. Personne ne prononça un seul mot.

Probablement parce que personne n'en était capable, tout simplement. Evelyn avait levé la main aussi vite que possible, et l'avait rabaissé en fermant le poing. Obligeant tous les élèves qui étaient derrière elle, à subir un sort de silence. D'ailleurs, surpris, ces derniers cherchaient à s'en défaire, se lançant des regards ahuris les uns aux autres.

« Excellent, Miss Shafiq, j'accord dix points pour Poufsouffle ! » La réponse, l'amour, la nourriture, la vie, l'argent et la connaissance, avait été dite en tremblant. Mais c'était un sans-faute. Soraya avait senti en elle un regain de fierté, et Evelyn était soulagée.

Elle tiendrait sa promesse coute que coute.

Arrivé au déjeuner dans la grande salle, les deux filles profitèrent d'un repas savoureux et chaud, ce qui fit soupirer la noiraude d'aise. Le lendemain de la rentrée, elle avait dû sauter le petit déjeuner pour s'assurer d'être prête après tout le monde. Aujourd'hui encore, elle pratiquait cette torture un jour sur deux. Ses yeux étaient encadrés de très longs cils qu'elle avait recourbés avec du noir, donnant à sa figure des yeux de biche incroyable. Et bien sûr, elle avait peint ses lèvres avec un rouge sanglant.

C'était une des règles de l'église. Toujours se présenter au dernier moment, afin que tous les regards convergent jusqu'à soi. Aussi, elle avait pris sa douche en dernière, réchauffant l'eau d'un sort que lui avait appris Esmeraldas. De fait, bien sûr, elle était aussi arrivée la dernière en classe, mais tous s'étaient retournés à son arrivée, et de nombreux regards envieux s'étaient fait sentir.

« Qu'avons-nous, après, déjà ? » Demanda Evelyn en continuant de savourer son rôti.

« Po…Potion… » Balbutia son amie en mangeant.

« Oh, ça va être sympa. Le professeur est enfin rentré. Avec qui sommes-nous en commun ? »

« Euh… Ser… Ser…pentard… » La gestuelle de la Poufsouffle fut saccadée l'espace d'une nano seconde, avant qu'elle ne sourît. Mais le sourire n'avait rien de joyeux. Il était froid et calculateur.

« Encore mieux. »

Elles finirent leur déjeuner sans trop se presser, contrairement à d'habitude, Evelyn forçant son amie à prendre son temps, la rassurant et lui affirmant que personne ne les empêcherait d'assister aux cours. Chose qui pourtant était arrivée à de nombreuses reprises, quelques années plus tôt. Mais Snow ne comptait pas se laisser faire, et encore moins laisser d'autres ennuis toucher celle qui l'avait toujours aimée.

Le trajet jusqu'aux cachots se fit en silence, Soraya gardant un pied derrière son amie par crainte d'être surprise par un sort. Evelyn, elle, n'attendait probablement que ça. Baguette d'aulne dans la manche, retenue par un bracelet en argent qui la gardait contre sa peau. C'était ce qui lui permettait de lancer des sortilèges sans avoir à agiter l'instrument magique. Son poignet la contrôlait déjà, et de fait, seuls les mouvements de sa main étaient nécessaires.

Les plus idiots pouvaient donc penser qu'elle utilisait la magie sans baguette. Mais c'était un leurre, une belle initiative inventée par leur mère à toutes. Marina Debalourde était vraiment quelqu'un de particulier. Les tremblements de Soraya augmentèrent.

« Tu… Tu crois qu'on va nous… Lai… Laisser pas-passer… ? »

« Je te le promet, Soraya. » Des ricanements s'élevèrent d'une alcôve lugubre sur leur gauche.

« Tu ne devrais pas faire des promesses du genre, Pleurnicharde. Toi et la moche vous allez rapidement rentrer dans vos salles communes en chialant après vos mères. » La voix féminine, glaciale quoique confiante, fit naître de nouveaux rires autour d'elle.

« Olive Hornby et sa clique de couleuvres… Vous ne m'avez pas manqué, vous savez ? » Un groupe de quatre filles apparurent au milieu du couloir de pierre. La leader, une jolie blonde avec un nez retroussé et des taches de rousseur, avait les poings sur les hanches, tandis que ses copines, respectivement deux filles châtaines et une rousse, se gaussaient, baguettes aux poings.

« Oh, vraiment ? Tu me brises le cœur, bébé Snow. Maintenant, dégagez de là. Les potions, c'est pour les adultes, pas les petits trucs comme toi. »

« Ouais, dégagez, les bébés » Reprirent les trois autres filles.

« Non. Je suis navrée. »

« Non ? » L'interrogation dans la voix d'Olive fit sourire Evelyn.

« C'est ça. Non. C'est trop difficile comme mot ? C'est court pourtant, une syllabe. » Le visage de la blonde devint rouge de fureur.

« Je vais te… »

« Tu ne feras rien du tout. Et j'ai bien envie que tu taises. J'ai mal à la tête. » Se plaignit Evelyn, en levant la main droite et serrant le poing.

La blonde voulut répondre à cette humiliation, mais sa bouche ne laissa passer que de l'air. Elle écarquilla les yeux de stupeurs. Comment bébé Snow avait-elle put lui lancer un sort sans baguette ? C'était impossible. Paniquée, elle articula au mieux un sort en agitant la sienne, mais avant même de voir si un résultat était possible, Olive et ses copines de Serpentard furent repoussées sur la droite par une force invisible, après que Snow ait agité la main.

« Merci de nous laisser passer, c'est très aimable de votre part. » Se permit Evelyn, en tirant son amie par le bras jusqu'à la salle de cours, qui était deux couloirs plus loin.

Elle ne vit pas Tom surgir d'un recoin et la fusiller du regard à son tour. Elle venait d'humilier la maison Serpentard en quelques paroles. Plus encore, elle avait fait de la magie sans baguette et silencieuse. C'était impensable venant d'Evelyn Snow. Et le préfet en chef ne supportait pas cette situation. Il n'arrivait pas à faire coller l'image de cette nouvelle jeune femme, avec la chose minable qui pleurait à ses pieds deux ans auparavant.

Il y avait un problème.

Soudain, il réalisa autre chose. Et sa figure, déjà marquée par le dégoût, devint mortifiée. Il allait devoir la subir pendant tout le cours !

Retenant ses envies de meurtre et montrant un visage affable et poli, le jeune homme se dirigea à son tour vers la salle de classe. Le professeur Slughorn les fit rentrer, avec cet air joyeux qui agitait sa moustache et lui donnait l'air d'un morse.

« Bien, Re-bienvenue à tous pour une nouvelle année en potion. Nous souhaitons aussi un bon retour à miss Snow qui nous revient de loin. » Il leur fit signe de s'installer, avant de froncer les sourcils. « J'espère, miss, que vos notes ne pâtiront pas de cette absence, car je serais au regret de vous exclure de ma classe. » Evelyn secoua lentement la tête.

« Je m'exclurai moi-même si jamais je descendais à l'effort exceptionnel, professeur, je vous l'assure. » Le sourire ravi du bonhomme énerva Riddle. Slughorn lui, tapota gentiment dans ses mains.

« Bien, bien, c'est l'attitude que j'attends de mes élèves les plus talentueux. » Il grimaça ensuite, en constatant que la demoiselle était restée debout, tandis que tous les autres s'étaient installés devant leurs plans de travail. « Tiens, c'est vrai, nous revoici en nombre pair. Miss Snow, prenez place à coté de monsieur Riddle, voulez-vous ? Je suis certain que vous ferez un excellent binôme, tous deux ! »

Evelyn rendit son sourire au professeur, avant de venir s'installer sur la paillasse aux cotés du ténébreux, lui offrant par la suite, le même sourire hypocrite que lui.

« Snow, je n'ai pas très envie que ma moyenne descende, malgré tes dires, c'est pourquoi je propose de me charger de la potion, pendant que tu prends les notes, convenu ? » Les prunelles azuréennes croisèrent les siennes, et le foudroyèrent, cette fois. »

« À vrai dire, Tom, j'espérais grandement l'inverse… N'es-tu pas assez galant pour m'offrir ce premier caprice ? Après tout, je suis partie à cause de toi, si je dois faire mes preuves, c'est de ta faute. Non ? » Bien qu'elle ait chuchoté ses paroles pour ne pas être entendues du professeur, le timbre de sa voix portait bien assez pour que les modulations y dévoilent une véritable menace.

Le poing gauche du garçon se crispa sous la table, mais il ne répondit rien avec violence. Même si sa baguette le démangeait. Salazar, comme il désirait lui écraser la cervelle, à celle-là. Agir avec autant de confiance, lui rire au nez comme elle le faisait. Une telle audace ne resterait pas impunie, il allait devoir sévir.

Et bien plus tôt que prévu.

« Bien. Je te laisserai préparer la potion et je prendrais les notes, puisque je suis un gentleman. Mais j'espère, sincèrement, que tu ne feras pas d'erreur, dans ton travail. Ce serait malheureux, pour nos bulletins. » Lui aussi, avait insisté sur certains points dans sa menace.

La demoiselle lui tendit alors la main. Il rechigna un instant, arguant que les contacts entre leurs deux genres n'étaient pas autorisés. Mais Tom fut contraint de céder en constatant que Slughorn les observait de loin, et espérait clairement que la collaboration se passe bien.

C'est en saisissant la main d'Evelyn Snow, toute petite et fine, dans la sienne, immense, qu'une impression de danger s'imposa dans son esprit. La main était gelée, quoique particulièrement douce. Mais ce froid cherchait à remonter dans sa propre paume, et ce n'était pas très naturel. L'était-ce ? Il détestait les contacts physiques… Les esquivant toujours, il n'en savait donc rien.

Il la relâcha très rapidement, essuyant ensuite sa main avec un carré de soie discrètement. Ignorant le regard haineux que lui lançait la demoiselle.

Il l'avait lâché comme si elle était pestiférée. C'était insultant ! Se sentant bouillir, la Poufsouffle prit cependant une longue inspiration, avant d'écouter les propos de son enseignant pour oublier l'humiliation que son cœur avait ressenti malgré ses bonnes résolutions. Tom Riddle allait payer, quoi qu'il en pense. Il avait déjà commis un premier faux pas.

Ne jamais toucher une sorcière qui vous en veut. Car c'était la première chose que leur avait apprit Mme Debalourde. Le corps d'une femme est son arme. Sa voix, sa peau, son parfum. Tout pouvait devenir catalyseur d'une malédiction. Et il avait accepté sa poignée de main.

Les prochains rêves du jeune homme allait prendre une tournure particulière. Et intérieurement, Evelyn jubilait.

« Bien, qui peut me dire ce qu'est cette potion ? » La main de Tom se leva avec nonchalance, mais deux autres suivirent, féminines.

« Miss Shafiq, ça par exemple ! Je vous écoute ! » Offrit Slughorn avec bonhomie.

Crispé de se voir voler des points par une misérable beg, Tom se renfrogna, mais il ne put manquer une fois encore, le geste de son binôme avec sa main. Elle venait de fermer le poing droit dans le vide, et de sa manche, il avait aperçu un léger embout en bois. Et… Plus personne ne bavardait. Ils en étaient désormais incapables ! La garce. Il comprenait mieux. Baguette accolée à son poignet !

Evidemment qu'elle ne voulait pas écrire, l'outil magique devait la gêner. Pour autant, c'était une très bonne astuce. Mais comment parvenait-elle à la maintenir autant collée à sa peau sans que ça la gêne ? Un sort ? Il allait devoir y réfléchir. Car si ça signifiait qu'elle avait toujours sa baguette, il n'empêchait pas qu'elle pratiquait les informulés.

Au moins un, en tout cas.