Résumé: Lucius a réussi à traîner ses deux conjoints à l'opéra, première sortie publique pour Severus avant le mariage... Son retour se passe bien mieux qu'il ne l'avait craint mais Harry, lui, est assez perturbé par sa rencontre avec un vampire qui lui fait quelques avances avant que Severus n'intervienne. Parallèlement, il éprouve des envies contradictoires, dont celle d'aller plus loin dans sa relation avec Severus.
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Aujourd'hui, tout le monde se réunit chez Draco et nous fêtons les deux ans de Scorpius... Et Harry va se confier pour la première fois en dehors de Lucius et de Mark. Bonne lecture!
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Sa nuit interrompue lui avait laissé son lot de cernes mais Harry se réveilla de bonne humeur. Parce que Lucius dormait avec un bras possessif jeté en travers de son ventre, mais surtout parce qu'aujourd'hui, ils allaient chez Draco pour la petite fête d'anniversaire de Scorpius. Et pour une fois, il avait très envie de voir du monde !
Ils transplanèrent après le déjeuner. Une première fois avec Lucius, pour que Harry puisse opacifier le bureau de Draco où Severus passerait sans doute la majeure partie de la journée. Et une seconde fois pour qu'il puisse déposer son vampire dans cette pièce protégée.
Severus avait essayé d'argumenter pour ne pas venir, mais aux yeux de Lucius comme à ceux de Draco, c'était tout bonnement inenvisageable. Les enfants le réclamaient et ils n'auraient jamais compris son absence. Pour eux, vampire ou pas, Severus était leur grand-père. La solution du bureau n'était pas idéale, mais au moins, ils pourraient aller le voir quand ils le voudraient et Severus pourrait participer, même de loin, aux festivités.
D'ailleurs, quand ils apparurent dans la pièce, tout le monde l'attendait de pied ferme. Harry n'avait pas encore lâché son vampire qu'Iris sautait déjà dans les bras de son Sévie et chassait la main qui, selon elle, l'accaparait. Harry se contenta de sourire devant la jalousie de la fillette et fit grimper sur sa hanche Scorpius qui réclamait ses bras.
Tout comme Lucius, tout comme Draco et Daphnée, il resta un moment dans le petit bureau avec Severus, puis ils le laissèrent en compagnie d'Iris pour rejoindre les autres invités, éparpillés entre le salon aux porte-fenêtres grandes ouvertes sur l'extérieur, et le jardin ensoleillé.
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Pour éviter les complications supplémentaires, Draco avait organisé deux fêtes, lors des deux week-ends qui entouraient l'anniversaire de son fils : l'une pour la famille non-sorcière de Daphnée et pour les enfants que Scopius côtoyait chez sa nourrice ou au parc, et l'autre pour toute la famille et leurs amis du monde sorcier.
Cela faisait tout de même un peu de monde, mais Harry était ravi. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas revu certaines personnes, et en particulier les filles de l'équipe de quidditch de Draco, qui lui tombèrent dans les bras presque toutes ensemble. Il fut assailli d'embrassades, de câlins, de mots feutrés et pleins d'admiration – de compassion, parfois – pour être devenu le calice de Severus, mais surtout d'invitations à revenir s'entraîner avec elles et cela gonfla son cœur de joie.
Angie et Georges étaient là, bien sûr, tout comme Blaise et Alicia, que l'on n'envisageait plus l'un sans l'autre, même si rien, dans leur attitude, ne pouvait faire dire qu'ils étaient ensemble. Pansy Parkinson était présente également et Harry eut bien du mal à la reconnaître depuis toutes ces années. Il ignorait même que Draco avait encore des contacts avec elle; des contacts assez rapprochés pour l'inviter à l'anniversaire de son fils...
Il fut présenté aux sœurs Greengrass, Daphné et Astoria, l'une avec son mari et une petite fille de l'âge d'Iris, aussi blonde que pouvaient l'être les Malfoy, l'autre seule. Un peu plus loin, Théodore Nott discutait avec un autre ancien Serpentard que Harry ne reconnut pas plus que Pansy. Il fallut que Draco lui dise rapidement que Marcus Flint était devenu journaliste sportif après sa carrière professionnelle dans le quidditch pour qu'il réalise qui se trouvait devant lui.
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Une sensation d'étrangeté diffuse laissait Harry légèrement mal à l'aise. Il était surpris, et un peu dérangé aussi, de n'avoir jamais réalisé que Draco avait d'autres amis en dehors de ceux qu'il connaissait. Des personnes qui, pour lui, appartenaient à un lointain passé et qui se retrouvaient brutalement sur le devant de la scène. Des amis dont Draco ne lui avait jamais parlé, dont il ignorait allègrement ce qu'ils étaient devenus, mais qui, en revanche, devaient tout savoir de lui.
Harry se sentit brusquement mis à nu et vulnérable. Sa vie avait été détaillée dans les journaux – mise à part sa captivité, qu'il avait réussi à garder secrète –, sa relation avec Lucius était devenue publique, de même que la nature de son lien avec Severus. Encore une fois, les détails n'avaient pas été rendus publics, mais tous devaient savoir qu'il était un calice, qu'il servait à nourrir celui qui était devenu un vampire et qu'il était soumis à cette relation de sang et de morsures.
– Tout va bien ? murmura Lucius qui l'avait senti se crisper peu à peu.
– Oui, oui. C'est rien, répondit Harry sur le même ton. Je crois juste que je préfère fréquenter des anonymes plutôt que des gens que j'ai connus autrefois...
Des gens dans les regards de qui il ne pouvait s'empêcher de lire un jugement, jusqu'à ce que les premières conversations ne l'entraînent vers des sujets plutôt neutres, comme le travail qu'il avait exercé à Sainte-Mangouste, les études qu'il avait suivies après Poudlard, ou son niveau de quidditch qui, aux dires des joueuses de Draco, n'avait pas baissé depuis toutes ces années.
En soupirant de soulagement, Harry répondit poliment aux questions de Marcus et envisagea même l'idée d'un futur match amical entre anciens de l'école. Aucun ne lui parla ni de Severus, ni de leur lien, ni même de Lucius, malgré les derniers articles parus dans la presse... Draco avait dû sévèrement briefer ses amis. À moins qu'ils ne soient juste courtois et civilisés, de la même manière qu'il n'allait pas aborder leur rôle pendant la guerre. Sans le relever, il remarqua tout de même nombre de regards sur ses alliances et en particulier celle qui portait les armoiries des Malfoy.
Cela expliquait sans doute pourquoi il mit un certain temps à se détendre et dès qu'il le put, il se rapprocha de gens dont il avait plus l'habitude et auprès desquels il se sentait moins menacé. Un instant, il eut même envie de retourner voir Severus, pour rien, pour s'assurer que tout allait bien... ou pour le rassurer sur le fait qu'il allait bien. Son vampire avait dû percevoir qu'il n'était pas à l'aise, et l'espace d'une seconde, Harry se demanda s'il serait capable d'affronter la lumière extérieure pour venir s'interposer en cas de besoin. Il n'était pas certain de vouloir réellement le savoir, pas plus qu'il ne désirait provoquer cette situation pour la vérifier, mais, paradoxalement, l'éventualité que Severus en soit incapable l'inquiéta davantage que le contraire.
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– 'Ry ? L'est où Yaya ?
– Elle va arriver avec Marraine et Padma un peu plus tard, répondit Draco à son fils. D'ailleurs, elles ne devraient pas tarder.
Lâchant brusquement la chemise de Harry à laquelle il se cramponnait, Scorpius manifesta sa joie en faisant mine d'applaudir des deux mains. En souriant par automatisme, Harry releva son bras qui maintenait le dos de l'enfant et le remonta un peu sur sa hanche. C'était pourtant évident, mais il n'avait pas songé que sa fille serait présente aujourd'hui.
Il était ravi – pressé – de la revoir, il ne l'avait pas vue depuis trop longtemps, et même s'il adorait Scorpius, cela n'avait rien à voir avec l'amour qu'il ressentait pour sa fille et le bonheur de la tenir dans ses bras. Ses cheveux si fins et si doux lui manquaient, son odeur de bébé, ses mains qui s'accrochaient à ses doigts, à ses vêtements, ses sourires, ses éclats de rire soudains, ses mimiques... Mais surtout, surtout, pouvoir plonger son regard dans ses grands yeux verts sombres et se sentir comme si tout l'univers y était concentré. Ses grands yeux verts qui le faisaient se sentir le centre du monde. Sa fille. Son enfant.
Mais il y avait là tous ces gens qui ne savaient pas forcément qu'il était le père de l'enfant de Luna et Padma. Et là-bas, il y avait surtout ce vampire, son vampire, qui avait eu cette relation si étonnante avec sa fille, cette connivence, cet attachement particulier, et dont Harry ne savait aujourd'hui que faire. Severus s'en était occupé comme s'il s'agissait de sa propre fille, aussi aimant, aussi patient que lui, peut-être même plus, si protecteur et si attentif que Harry avait parfois rêvé qu'Aria le considère comme son deuxième père.
Mais aujourd'hui ? Pouvait-il avoir encore confiance en Severus ? Devait-il avoir confiance ? Pourrait-il supporter de la voir dans ses bras sans craindre qu'il ne dérape à nouveau ? Cette fois, il ne s'agissait plus de lui.
Lui, il pourrait tout supporter, même si cela devait se produire encore. Il pourrait supporter la violence, l'humiliation, la déchéance, tout. Mais pas devant sa fille. Et surtout pas envers elle. Si Severus touchait au moindre de ses cheveux, s'il avait le moindre geste, s'il représentait la moindre menace... Harry ne pourrait pas le tuer parce que cela faisait partie de ses interdits fondamentaux, mais il le laisserait crever de faim avec plaisir.
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Assis sur une marche de l'escalier qui descendait de la terrasse vers le jardin, Harry discutait tranquillement avec Minerva quand il sentit leur arrivée, un dixième de seconde avant que le sortilège d'alarme ne prévienne Draco. Aussitôt, son cœur se serra d'une joie pleine d'appréhension et d'empressement. L'idée fugace que Aria ne le reconnaisse pas lui traversa un instant l'esprit avant qu'il ne la chasse et ne se lève brusquement.
Les voix s'élevèrent dans l'entrée de la maison, puis dans le salon, des voix chaleureuses, des exclamations de bonheur en voyant la décoration, les ballons gonflables, les peluches enchantées d'un sortilège pour les faire danser, la table couverte de douceurs sucrées, puis Harry entendit un cri.
Un cri d'excitation, qu'il aurait pu reconnaître entre mille, même au milieu de la foule, suivi de babillages intenses, et soudain, elle fut là. Son sourire, bouche grande ouverte, comme pour croquer la vie, ses grands yeux verts sombres qui contenaient toute la profondeur du monde, et son cœur fut comme brisé en morceaux et reconstruit à grands renforts de bonheur pour gonfler jusqu'à exploser.
Elle était là et elle marchait. Maladroitement. Un pied malhabile devant un pied malhabile. Suspendue au doigt de Padma qui marchait à son allure si lente mais si conquérante. Aria poussa un nouveau cri de joie en le voyant et Harry tomba à genoux, les larmes aux yeux, prêt à accueillir dans ses bras grands ouverts sa fille qui marchait si fièrement vers lui.
– Elle... Elle marche ?! bredouilla-t-il d'une voix mal assurée.
Trop empressée, Aria lâcha le doigt de Padma et se jeta en avant vers lui, vacillant sur ses jambes pour deux pas approximatifs avant de finir dans ses bras. Dans un charabia incompréhensible mêlé de cris aigus, elle exprimait toute sa joie de le revoir.
– Pas toute seule, mais en la tenant d'un doigt, elle est motivée pour faire des kilomètres ! gloussa Padma.
Indifférent au monde entier, ivre d'émerveillement et d'émotion, Harry serrait sa fille contre lui. Il fut longtemps incapable de murmurer autre chose que « Mon bébé... mon bébé... » en plongeant son nez dans ses cheveux et son odeur sucrée.
Quand il se releva de longues minutes plus tard, poussé par sa fille trop pressée de repartir découvrir le monde, ses yeux rougis et humides attirèrent nombre de regards indulgents.
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Les invités paressaient au soleil, un verre ou une part de gâteau à la main, parfois les deux. La plupart avaient trouvé un siège où s'asseoir, dans le salon de jardin ou autour de la grande table sur la terrasse les autres flânaient dans le petit jardin, renvoyant une balle du pied ou d'un geste de baguette, ou regardant d'un œil distrait les enfants courir autour d'eux.
Scorpius avait soufflé ses bougies en forme de petites licornes dressées sur leurs pattes arrière, le gâteau avait été coupé, les cadeaux offerts et à présent, chacun profitait simplement du moment et de revoir de vieux amis.
En tant que parrain, Blaise avait couvert Scorpius de cadeaux – sous le regard critique de Draco – et n'avait pas oublié d'avoir une petite pensée pour ses deux filleules. Même Aria avait eu droit à un jouet qu'elle s'était empressée de mettre à la bouche avec ravissement. Puis elle s'était tournée vers le papier cadeau brillant et bruissant, et elle avait pris un plaisir immense à le réduire en petits morceaux éparpillés au milieu de la pelouse. En souriant, Harry les fit disparaître d'un geste de magie. Il n'allait pas laisser à Draco le soin de réparer les bêtises de sa fille.
Elle était là-bas, assise dans l'herbe sous le saule pleureur dont les branches tombantes formaient comme une alcôve où jouaient les enfants. Avec une patience infinie, Scorpius lui amenait tous ses nouveaux jouets et lui expliquait dans son jargon approximatif leur utilité avant qu'elle ne les secoue de manière véhémente. Non loin, Lucius et Draco les surveillaient d'un œil tout en conversant tranquillement.
Harry capta le regard de son amant et lui adressa un léger signe de tête assorti d'un sourire complice que Lucius lui rendit. Il n'avait eu droit à aucune question directe mais il sentait que la plupart des invités, et en particulier les anciens Serpentards, les observaient sans relâche. Tout le monde savait à quoi s'en tenir sur leur relation, surtout après les derniers articles qui supposaient un futur mariage entre eux, mais à leurs yeux, Lucius n'était pas n'importe qui.
Ancien Ministre, ancien bras droit de Voldemort pour beaucoup, il représentait la quintessence de l'aristocratie Sang-Pur, un homme dont la noblesse, l'élégance et l'esprit vif n'étaient jamais pris en défaut. La fierté jusqu'à l'orgueil. Un homme que l'on était plus habitué à voir en situation de pouvoir ou paradant dans des soirées mondaines qu'en famille. Avec ses petits-enfants... Avec son amant...
Tout à l'heure, Harry avait étouffé son amusement devant les regards minutieux lorsque Lucius avait glissé une main dans son dos pour lui murmurer à l'oreille. Leur familiarité était évidente, tout comme la décontraction de Lucius avec lui. Et leur connivence qui se passait de mots transpirait à travers leurs yeux.
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Là-bas, Aria s'était d'ailleurs faufilée à quatre pattes vers Lucius et s'accrochait à présent à son pantalon pour se mettre debout. Harry sourit encore plus largement. Elle était maladroite mais suffisamment obstinée pour parvenir à ses fins. Une fois juchée sur ses jambes fébriles, elle lâcha un cri réjoui alors que Lucius s'inclinait suffisamment pour assurer sa position instable d'une main sur son épaule. Aria s'agrippa aussitôt à ces doigts providentiels et jeta son pied en avant pour atteindre son nouvel objectif : lui, à l'autre bout du jardin.
Sous le sourire plus qu'amusé de Draco et malgré son peu d'empressement, Lucius fut contraint de suivre la fillette qui ne démordait pas de son but. Pour que ses doigts soient à sa hauteur, il devait se tenir voûté, à demi courbé en deux. Ses cheveux longs glissèrent sur son épaule et il les passa derrière son oreille d'un geste machinal. Il avait l'air un peu ridicule, ainsi penché à suivre l'allure incertaine d'Aria, mais si attachant... Harry ne put camoufler son regard tendre à les voir si différents, l'une minuscule et l'autre immense mais plié à sa volonté, et surtout si naturels l'un envers l'autre. Aria avait été chercher Lucius plutôt que Draco de façon spontanée, et Lucius lui tenait une conversation à laquelle Aria répondait de façon joyeuse et tout aussi spontanée. Ils étaient magnifiques.
Enfin, après trois minutes de marche épique et périlleuse, Aria ne fut plus qu'à quelques pas de lui. Harry descendit de la marche d'où il les observait en souriant pour s'accroupir dans l'herbe.
– Tu perds de ta superbe, Blondie ! pouffa-t-il à l'adresse de son amant qui progressait presque plus difficilement que sa fille à force d'être courbé.
– Ba... di ! s'exclama Aria avec un sourire à croquer.
– Attends ce soir et on verra qui perd de sa superbe le premier ! grogna Lucius avec une grimace qui se transforma en un sourire licencieux.
Harry gloussa doucement. Lucius n'avait pas eu droit à davantage que des câlins chastes ce matin et il semblait frustré et en manque de sexe. Comme souvent, à la réflexion !
– Ne l'écoute pas, ma chérie, et viens vite me voir ! fit-il en écartant les bras pour inviter sa fille à le rejoindre. Lucius a peur que tu marches sur ses précieuses chaussures.
– Ne t'inquiète pas, joli cœur, ricana l'aristocrate. Si c'est le cas, j'essuierai mes chaussures en bottant le précieux cul de ton père.
Harry lâcha un petit rire tandis qu'Aria abandonnait les doigts de Lucius pour faire deux pas toute seule et se jeter dans ses bras. Ce n'était sans doute ni l'endroit, ni le moment, mais les mots de Lucius avaient éveillé dans son esprit de délicieuses images qui chatouillaient son ventre.
Il prit Aria sur sa hanche et se redressa pour faire face à son amant. À voir ses yeux gris brillants et pleins de désir, Lucius avait en tête le même genre d'images que lui.
– Ça ne te manque pas ? interrogea-t-il, soudain sérieux.
– Harry... Pas maintenant, fit Lucius, le regard traversé par un voile d'émotion.
Ignorant toutes les personnes présentes et qui les observaient avec plus ou moins de curiosité, ils pensaient tous deux à l'antichambre, cette porte close depuis si longtemps et qui les narguait de temps à autre lorsqu'ils allaient se coucher ou à leur réveil. Depuis sa sortie du pavillon chinois, ils ne l'avaient fréquentée qu'une fois, à la demande de Harry, et le vampire avait été si bouleversé en découvrant les marques sur son poignet et son bras qu'ils n'avaient plus jamais songé ou eu envie de recommencer.
– Tu devrais aller le voir... avec Aria, ajouta doucement Lucius, comme s'il avait suivi le cours de ses pensées. Il sera heureux de la retrouver.
– Je sais, hésita Harry. Mais...
Machinalement, il rajusta la position de sa fille et resserra son bras autour de son dos pour la tenir un peu plus près de son torse. Ce n'était pas intentionnel mais son geste protecteur et possessif n'avait pas échappé au regard incisif de Lucius. Malgré lui, Harry s'en sentit troublé. Il n'avait rien décidé mais il n'avait pas envie d'y aller. Pas du tout.
Seul, éventuellement, pour tenir compagnie à Severus, mais pas avec Aria.
La main de Lucius se leva pour caresser les cheveux sombres de la fillette, et glissa dans son dos pour venir caresser plus discrètement son bras qui la maintenait.
– Harry, elle représente beaucoup pour lui...
Il se mordit les lèvres sans savoir quoi répondre et sa bouche se tordit en une grimace désolée.
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La caresse du soleil était un délice sur la peau de son visage et Aria endormie sur son torse lui tenait délicieusement chaud. Le fauteuil dans lequel il était à demi-allongé était assez bas pour qu'ils soient coupés de la légère brise par les haies du jardin de Draco. Le souffle d'air ne parvenait qu'à soulever de temps à autre une ou deux mèches de leurs cheveux.
Harry avait une main posée sur la tête de sa fille pour la protéger des rayons du soleil, et l'autre caressait, sous le tissu de son pantalon, la peau douce de ses chevilles potelées. Il aurait pu passer sa vie à cela, à la tenir ainsi contre lui, endormie et relâchée.
Plus loin, sur sa droite, et malgré les cris de Scorpius et Iris qui jouaient avec la fille d'Astoria, il percevait de façon lointaine la conversation entre Lucius et Blaise. Avec sa voix railleuse habituelle, il commentait les articles et les photos parus dans la presse lors de leur sortie à l'opéra, deux jours plus tôt. De toute évidence, la curiosité de Blaise au sujet de leur hypothétique mariage était vive, mais comme toujours et comme un parfait Serpentard, il passait par des biais détournés et des commentaires acerbes pour faire réagir Lucius. Lequel l'écoutait d'une oreille amusée mais se gardait bien de trop en dire.
Tout en gardant les yeux fermés sous la clarté éblouissante du soleil, Harry souriait de leur petit manège. De toute façon, Blaise savait déjà; il avait vu son alliance aux armoiries des Malfoy depuis plusieurs semaines et Harry lui avait officieusement confirmé l'information. Du reste, il aurait la confirmation dans la semaine puisque Lucius comptait envoyer les invitations d'ici le lendemain, puis en faire l'annonce officielle un ou deux jours plus tard.
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Amusé, Harry se demandait s'ils devaient envoyer l'invitation de Blaise à New-York ou chez Alicia quand une ombre lui cacha un instant la lumière du soleil. Il sentit quelqu'un s'asseoir dans le fauteuil à côté du sien, auréolé d'un parfum qu'il aurait reconnu entre mille.
– Je pensais justement à toi, gloussa-t-il en tournant la tête et en ouvrant les yeux sur le sourire d'Alicia. Je savais que tu portais toujours des parfums d'homme, mais maintenant on pourrait vous confondre à l'odeur !
Alicia leva les yeux au ciel devant son ironie.
– Ce matin, j'ai pris le premier qui m'est tombé sous la main !
– Je ne pensais pas Blaise installé chez toi au point d'y laisser ses affaires de toilette !
– Tu sais très bien que quand il vient en Angleterre, il dort chez moi la plupart du temps.
– La plupart du temps ? gloussa Harry. Quoi qu'il en soit, ça fait une éternité qu'il n'a pas dormi au Manoir ! Mais il avait un petit appartement à Londres, il me semble ? Un pied-à-terre où il gardait quelques affaires qu'il ne pouvait pas laisser dans une chambre d'hôtel...
Le rictus méprisant d'Alicia le fit éclater de rire et il colla sa main sur l'oreille d'Aria pour ne pas la réveiller.
– Il l'a rendu, avoua Alicia du bout des lèvres. Ses affaires sont chez sa mère ou chez moi.
Elle le fusilla du regard, tant son sourire devait être lumineux, mais Harry n'était pas le moins du monde impressionné. En revanche, son cœur débordait de joie et de jubilation à cette annonce.
– Et il reçoit son courrier chez toi ? la taquina-t-il avant de redevenir un peu plus sérieux. Je suis vraiment content pour vous deux... Mais je crois que Draco me doit un peu d'argent, du coup !
La main vive d'Alicia claqua sur son bras.
– Vous avez parié sur nous ?! siffla-t-elle, outrée.
– Doucement, tu vas réveiller Aria, pouffa Harry en faisant mine de protéger le corps endormi de sa fille.
Alicia se contenta de grogner sans répondre mais son regard en disait long sur son irritation.
– Je ne sais même pas pourquoi je suis venue te parler, fit-elle d'un air désabusé en balayant le jardin et les invités du regard.
– Parce que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus et que je te manque, sourit-il avant d'attraper sa main pour la presser doucement. Et tu me manques aussi. Vous devriez venir dîner à la maison plus souvent.
– Tu devrais venir plus souvent, fit-elle en jetant un œil à la grande table où Lucius buvait avec un sourire gourmand les compliments de Blaise sur la façon dont ils étaient habillés l'autre soir.
Il fallait dire que Severus avait porté la veste longue et cintrée qu'il avait ramenée de Colibita et que Lucius adorait, et sur les photos, ils étaient tous les trois du plus grand chic et beaux en diable, ce que Blaise n'avait pas manqué de relever avec son ironie mordante et habituelle face à l'aristocrate.
Alicia, elle, n'était proche ni de Lucius, ni de Severus, et se trouvait plutôt mal-à-l'aise au Manoir. Son insistance pour que ce soit plutôt lui qui vienne ne surprit pas Harry, et il la comprenait d'autant plus que la présence de Severus impressionnait souvent.
– Et vous, comment ça va ? fit Alicia, autant pour détourner la conversation que par réel intérêt.
– Plutôt bien, sourit Harry en caressant les cheveux de sa fille, comme si tout le bonheur du monde se trouvait là.
– Blaise spécule sur un prochain mariage...
– Le vôtre ?!
Le regard noir d'Alicia eut du mal à faire taire son gloussement. Puis, pour se faire pardonner ses taquineries, Harry murmura avec un clin d'œil complice :
– Tu peux parier contre lui que le mariage aura lieu avant la fin du mois.
Alicia salua la nouvelle d'un hochement de tête et d'un sourire appréciateur.
– Il faut que je réfléchisse à ce que je peux tirer de ce pari...
Harry lâcha un rire discret avant de tourner la tête vers Lucius qui lissait tranquillement son pantalon après avoir croisé les jambes. La perspective de ce mariage ne l'angoissait pas du tout, ni ne le préoccupait outre mesure. Harry avait obtenu de Lucius la seule chose qu'il voulait vraiment : une union en petit comité, qui ne soit pas une représentation grotesque digne d'un théâtre ou d'un opéra. Il ne se mariait pas pour le regard de la société, contrairement à Severus, mais parce que cela avait du sens pour lui et pour Lucius. Et ceux qu'ils invitaient devaient avoir cette même signification importante dans leur vie. Le reste n'était que détail.
– Et avec Severus, comment ça va ?
Sans même s'en rendre compte, Harry grimaça pensivement et prit le temps de réfléchir à ce qu'il allait dire.
– Ça va mieux... Ce n'est pas parfait, ce ne le sera jamais, mais on est capables de communiquer posément, de passer du temps ensemble; sans tensions, sans heurts, même si Luce n'est pas là pour faire tampon. On arrive à se dire les choses, parfois de façon maladroite, mais avec sincérité. On arrive même à passer des moments agréables tous les deux...
D'une main distraite, il caressait le dos de sa fille tout en songeant à ces nuits dans la Bibliothèque, au plaid que Severus laissait pour lui à portée de main, à ces morsures douces et délicates, à la musique qui flottait dans le silence tranquille de la nuit...
– J'apprécie que les choses puissent se dérouler avec douceur. Que ce ne soit pas toujours compliqué ou douloureux... C'est un calme reposant. Je ne pourrais jamais lui pardonner ce qui s'est passé mais...
– Tu ne m'as jamais dit ce qui s'était passé.
Harry pinça les lèvres et laissa son regard dériver vers le sommet des arbres et les nuages paresseux dans le ciel. Alicia ne savait pas. Qui savait, en dehors de Lucius et de Mark ? Et de Mihai...
Mais Alicia était particulière dans sa vie. Avec les autres, elle était fière, tenace, droite. Une femme solide et indépendante, qui ne dépendait de personne, enjouée et toujours partante pour faire la bringue. Mais aussi une joueuse de quidditch hors pair, une adversaire redoutable, qui ne se plaignait jamais, même pour une cheville tordue, même pour des côtes brisées par un cognard vicieux, même pour un entraînement harassant après une nuit de travail sans repos. Harry avait mis du temps à savoir que ses coéquipières la surnommaient « le Roc ». Inébranlable.
Avec lui, Alicia était différente. Elle laissait entrevoir ses failles, ses blessures et son amertume. Elle se dévoilait, comme il se dévoilait également. Il était peut-être le seul à qui elle avait avoué à demi-mots les mauvaises rencontres, les relations pas toujours consenties, la fatigue morale de ce travail qu'elle taisait à tout le monde, la solitude amèrement choisie... Il était peut-être le seul à savoir que Blaise vivait chez elle depuis des mois, qu'il lui préparait le petit-déjeuner avant de partir, qu'il lui offrait des bouquets somptueux, qu'il la serrait dans ses bras les nuits de cauchemars. Il était peut-être le seul à pouvoir la taquiner sur ce sujet, pour la simple raison qu'elle n'en parlait à personne d'autre. Il pouvait peut-être s'ouvrir un peu sur ce qu'il avait vécu...
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Un miroitement fugace dans l'air et les arabesques de ses mains illuminées de vert furent les seuls signes du sortilège de silence que Harry jeta autour d'eux avant de répondre à sa question informulée.
Il tourna la tête pour croiser le regard attentif d'Alicia puis se replongea dans la contemplation du ciel.
– Je ne sais pas expliquer les raisons de ce qui s'est passé, commença-t-il avec lenteur. Je n'arrive toujours pas à comprendre... Je ne suis pas sûr qu'il le sache, lui non plus.
Harry se tut quelques secondes, une gêne désagréable dans la gorge et l'impression tout aussi désagréable de distiller des paroles creuses et évasives qui ne voulaient pas dire grand chose.
– C'est... compliqué. Je.
Il ferma les yeux un instant, soupira puis les rouvrit en prenant son courage à deux mains – et soin de couvrir l'oreille de sa fille pour qu'elle ne perçoive rien malgré son sommeil.
– Pendant qu'on était enfermés dans le pavillon chinois, Severus s'est montré violent. À tous points de vue. Dans ses attitudes, dans ses paroles, dans ses gestes, dans ses morsures... dans le sexe. Si Mihai, le vampire qui avait séjourné au Manoir il y a quelques mois, n'était pas intervenu, je ne serais sans doute pas là aujourd'hui.
En réflexe à ses paroles, il caressa les cheveux fins d'Aria qui dormait toujours, étalée sur son torse. À côté de lui, Alicia se taisait, le laissant libre de parler comme il le souhaitait, mais il pouvait deviner ses sourcils froncés et son regard dur. Elle l'avait vu désemparé quand il cherchait une solution pour empêcher la transformation de Severus, mais elle découvrait avec écœurement ce qui s'était passé ensuite.
– En réalité, reprit Harry plus doucement, tout ça a commencé dès la morsure de Severus. Pendant toute la durée de sa transformation, il s'est montré acerbe – plus encore que d'habitude –, humiliant, presque agressif. Le fait que je le rejoigne pour devenir son calice n'a fait que lui permettre plus de choses...
Il souffla une seconde avant de poursuivre, le regard vague et perdu dans ses souvenirs.
– L'explication des vampires de Colibita à son changement de comportement, c'est que Vladimir a voulu le transformer tout en lui imposant son influence, et cette influence se serait manifestée dès la morsure. Et puis par toute la violence qui a suivi... Ce qui aurait permis à Severus de redevenir lui-même, à part le fait que Mihai soit venu s'interposer dans cette spirale infernale, c'est qu'il buvait mon sang en quantité, et que la magie contenue dans mon sang a peu à peu contrebalancé l'influence de Vladimir... Jusqu'à ce que Severus reprenne pied et qu'il ne me touche plus. Et qu'il disparaisse ensuite en Roumanie pendant deux semaines.
Harry entendit Alicia soupirer sombrement et coupa court à sa réaction d'un geste brusque de la main.
– À présent, tu sais ce qui s'est passé mais je veux plus en parler. La réalité d'aujourd'hui est bien différente. Severus est revenu avec... humilité, son comportement est exemplaire et je n'ai rien à redire. Ça a tout changé entre nous, mais aujourd'hui, je ne lui reproche rien.
– Tu lui as pardonné ? souffla Alicia en grimaçant.
– Je ne sais pas... J'ai accepté ce qui s'est passé, pas parce que c'est normal, mais parce que c'est quelque chose qui s'est produit et que je ne peux pas changer. Je ne veux plus regarder en arrière, ni ça, ni ce qu'on a perdu.
Harry regarda la jeune femme à ses côtés pendant quelques instants, détaillant son air sévère et le trait dur de sa bouche, puis il tourna les yeux vers le bleu apaisant du ciel et se remit à caresser pensivement le dos de sa fille. La douceur de ce petit corps abandonné contre lui contrastait tellement avec la gravité de leur conversation...
– Aujourd'hui, j'arrive à trouver des moments de paix avec Severus, des moments qui me feraient presque oublier, et ils sont plus précieux que ces souvenirs amers. Il fait tout ce qu'il peut pour se racheter, il accepte toutes mes conditions, il se plie à tous mes désirs... Presque trop, murmura-t-il avant de se reprendre. Mais j'ai envie que ça dure. J'ai envie de retrouver avec lui cette complicité, cette... tendresse.
Le mot sonnait comme une bombe, ou comme un parjure après la période d'horreur qu'il venait de décrire à Alicia, mais il reflétait son impression actuelle. Il voulait renouer une certaine tendresse avec Severus, pas forcément physique, mais un sentiment d'appréciation mutuelle, le plaisir de partager des moments ensemble, le désir d'une certaine douceur, de laisser derrière eux les conflits et la distance pour recréer quelque chose... un attachement. Un apaisement salutaire. Le même genre de sérénité que leur laissaient auparavant les accouplements.
– J'ai... besoin de sa présence, avoua-t-il dans un murmure. Malgré tout, il me fait du bien. J'ai besoin de ses morsures, pour me purger de mon sang et parce que c'est mon rôle, mais pas seulement... Sa présence m'apaise. Me tranquillise... J'ai besoin de passer du temps avec lui. Il n'utilise pas son charme de vampire sur moi mais quelque chose me pousse vers lui, quelque chose que je ne maîtrise pas mais qui ne me déplaît pas non plus.
– Ton rôle ?! releva Alicia avec un temps de retard.
Harry adressa un sourire fugace à l'immensité éclairée de lumière au-dessus de lui, la même lumière que Severus ne pourrait plus jamais connaître.
– Oui... Aujourd'hui, que ça me plaise ou non, je suis un calice. J'ai choisi d'être celui qui le nourrirait, mais cela va bien au-delà de ça. Il existe un lien qui nous relie l'un à l'autre, une espèce de dépendance mutuelle : il a besoin de mon sang, j'ai besoin de sa présence et de ses morsures... mais il y a aussi une sorte de communion. Je ressens sa faim, son envie de mordre, son plaisir quand il boit et sa frustration s'il doit attendre; il ressent de moi certains états d'âme, surtout quand quelque chose ne va pas, ou si je suis blessé par certaines paroles... Le lien entre nous est un échange, et plus le temps passe, plus cela se renforce, plus ça nous pousse l'un vers l'autre. Mon rôle est de le nourrir, mais cela devient un besoin de veiller sur lui, de m'assurer que tout va bien, que la lumière ne l'incommode pas, que je ne mets pas en difficulté ses instincts de protection. Tout ce qui en moi est ce calice veut se donner corps et âme au bien-être de mon vampire. Quels que soient les sentiments de ce qui est juste Harry...
Le frisson de sa fille interrompit brusquement son monologue et Harry s'aperçut que ses caresses distraites devaient lui chatouiller les pieds. Mais il n'arrivait plus à se taire. Parler lui faisait du bien, lui permettait de clarifier ses pensées et de mettre des mots dessus, d'exposer au grand jour des sentiments confus qui le rongeaient depuis quelques temps.
– Je sens cette dualité en moi... Ce que je suis avec ma vie et mon vécu, et ce que je devrais être si je me comportais avec mes instincts de calice. Je ressens ce qui me pousse vers lui et je considère ce qui m'en empêche. Mais cette dualité n'est pas confortable. Et plus je passe du temps avec lui, plus les morsures s'enchaînent, plus j'ai l'impression que sa présence a de l'influence sur moi et sur mes instincts. Parfois, je n'arrive plus à savoir d'où viennent vraiment mes désirs et mes sentiments. Quand j'ai envie qu'il me prenne dans ses bras, je ne sais pas si c'est moi qui ai envie de retrouver un peu de tendresse avec lui ou si c'est le calice qui a besoin de protection. Je ne sais pas si l'affection qui revient émane vraiment de moi, ou de l'attachement normal d'un calice envers son vampire... C'est... comme si tout était mélangé.
– Tu as besoin de prendre du recul, asséna Alicia.
Harry acquiesça vaguement aux paroles qui faisaient écho à ses propres impressions.
– Tu as encore des sentiments pour lui ?
Il haussa les sourcils puis soupira avec résignation.
– J'aimerais affirmer que non, mais en réalité je ne sais pas... Je ressens... je suis attaché à lui. Severus aura toujours une importance particulière dans ma vie; notre histoire traverse les années et il ne me sera jamais indifférent. Mais des sentiments, je ne sais pas... Pour le calice qui est en moi, oui, ils existent sans doute. Tout m'appelle vers lui : sa puissance, l'impression de sécurité qu'il me procure, le lien qui nous unit... Mais quand j'essaie de savoir ce que moi je ressens, je n'arrive pas à démêler mes sentiments. Je devrais le haïr pour ce qu'il m'a fait mais j'arrive encore à avoir de l'estime pour lui. J'apprécie toujours sa personnalité, son humour, j'apprécie les attentions qu'il a pour moi. Parfois, pendant les morsures, j'éprouve même du désir pour lui, sans savoir si c'est un effet secondaire de la morsure ou si c'est un vrai sentiment. J'ai envie de lui donner plus que ce que je lui donne actuellement, mais je ne veux pas me laisser aller, au risque d'être déçu à nouveau. Et à côté de ça, je me sens bien avec lui...
Harry se tut et le silence se faufila entre eux. Sans le quitter du regard, Alicia restait plongée dans ses pensées, assimilant tout ce qu'il venait de lui confier à l'aune de son esprit si critique. Mais il savait que quels que soient les mots qu'elle dirait, aussi durs et tranchants qu'elle en était capable, au fond, elle ne le jugeait pas. Elle pouvait s'inquiéter pour lui, craindre les répercussions de ce qu'il vivait, mais elle respecterait toujours ses décisions, sans chercher à le faire changer d'avis.
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– Je l'ai vu, tout à l'heure, finit-elle par dire.
– Severus ?! fit Harry, surpris.
– Oui. Blaise voulait aller le saluer et j'y suis allée avec lui.
Le regard d'Alicia quitta ses yeux pour aller se perdre vers la grande table, à leur droite, où Blaise discutait toujours avec Lucius et Draco. Plus loin, les anciens Serpentards étaient assis en groupe dans un salon de jardin et tout au fond, près du saule pleureur, Daphnée et Angie oscillaient doucement dans la balancelle entre deux éclats de rire.
– Il a changé physiquement, reprit Alicia, mais il est surtout... impressionnant de puissance. Et de fascination. Il dégage une sorte de magnétisme... je comprends que tu ne sois pas insensible à son influence.
– Il n'utilise pas son charme de vampire sur moi, contesta Harry. C'est encore autre chose.
En son for intérieur, il était flatté que Alica ait trouvé Severus puissant et attrayant, mais il ne voulait pas laisser croire qu'il était si malléable.
– Il ne l'a pas utilisé sur nous non plus, mais c'est inné. Même sans volonté de sa part, les vampires ont une aura attirante... Tu devrais prendre un peu de distance, suggéra-t-elle posément. Pas longtemps, quelques jours... pour faire le point sur ce que tu penses, ce que tu ressens et sur ce que tu veux. D'après ce que tu dis, en plus de sa séduction naturelle, votre lien vampire-calice fonctionne comme une espèce de synergie : plus tu passes du temps avec lui, plus votre lien se renforce et plus tu as envie de passer du temps avec lui. Extrais-toi de ce cercle vertueux pour vraiment savoir où tu en es. Ce sera peut-être violent, mais tu trouveras certainement des réponses...
– Tu as sans doute raison, soupira-t-il. Ça fait quelques jours que j'y songe, mais... il ne va pas comprendre. Et même si raisonnablement, je me dis que c'est ce qu'il faudrait faire, je n'en ai pas envie.
Harry tourna la tête et lui adressa un sourire contrit. La perspective de manquer une seule morsure lui déchirait le cœur – et pas seulement parce que c'était manquer à son rôle. Renoncer à ces moments partagés au creux de la nuit, à cette confiance qui revenait peu à peu... En réalité, c'était cela qui l'angoissait le plus : s'il prenait un peu de recul, il avait peur de revenir en arrière et de perdre tout ce qu'il avait regagné avec Severus.
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Harry commençait à être fatigué par cette journée, et pour compenser sa fatigue, il mangeait. La conversation avec Alicia avait été pesante mais paradoxalement, cela lui avait fait du bien, et pour se changer les idées, il était parti discuter avec Blaise, qui l'avait taquiné au sujet du mariage, puis avec Georges et Angie dont les enfants jouaient – pour une fois paisiblement ! – avec Minerva et Iris au fond du jardin.
Iris semblait d'ailleurs avoir abandonné les bras de Severus, mais de temps en temps, elle disparaissait pour revenir une demi-heure plus tard, ravie et souriante. Parfois, Lucius ou Draco s'absentaient également un moment pour aller tenir compagnie au vampire. Même certains Serpentards étaient allés saluer leur ancien professeur, sans doute davantage par curiosité qu'autre chose, mais Harry était certain que Severus n'avait pas passé beaucoup de temps seul aujourd'hui. Au final, il était peut-être le seul à ne pas être allé le revoir depuis leur arrivée.
Mais il n'arrivait pas à s'en sentir coupable. Pas avec Aria qui avait passé presque tout l'après-midi avec lui ou à dormir sur son torse.
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Harry enfourna une cuillerée de gâteau dans la bouche de sa fille, puis une autre, bien plus grosse, dans la sienne, tout en souriant de son air outré. Si Aria continuait ainsi, elle allait dévorer à elle seule la moitié de sa part de gâteau !
Il souriait encore quand Luna vint s'asseoir à côté d'eux tandis que Aria tendait les bras pour retourner avec sa mère. Luna la prit bien volontiers mais, au lieu de l'asseoir sur ses genoux, elle la posa debout par terre, entre leurs deux chaises auxquelles Aria se cramponna fermement. Malgré sa stabilité précaire, elle poussa une exclamation enthousiaste en s'accroupissant avant de se relever avec énergie.
– Alors, comment te sens-tu pour demain ? sourit Luna. Prêt à renouer avec les couches sales, les mains pleines de purée, les renvois disgracieux et les pleurs au milieu de la nuit ?
Son sourire était une réponse à lui tout seul, mais Harry ne put s'empêcher de défendre sa fille contre les moqueries de sa mère.
– Même avec de la purée dans les cheveux, elle est adorable. Et elle ne pleure plus la nuit depuis longtemps !
Dans le pire des cas, Aria mettrait peut-être quelques jours à se réadapter à sa chambre et à son lit, mais Harry n'était pas très inquiet. Au contraire, il avait hâte de partager à nouveau le quotidien de sa fille pendant toute la semaine. La rentrée à Poudlard avait eu lieu la semaine précédente mais l'année commençait en douceur et ses mères s'étaient débrouillées pour la garder à tour de rôle les premiers jours.
Mais dès demain, ils remettaient en place leur organisation habituelle, si ce n'était que Padma, avec l'Institut de Médicomagie, avait davantage de cours à assurer cette année. Harry allait donc garder Aria toute la journée du lundi au vendredi, puis elle retournerait voir ses mères pour le week-end. Pour les nuits, ils n'étaient pas encore fixés : Aria passerait certainement la plupart de ses nuits au Manoir, mais si la semaine s'avérait un peu trop longue pour Luna et Padma, Harry avait proposé de ramener Aria un ou deux soirs en semaine et de revenir la chercher le lendemain matin. Transplaner directement dans le château ne lui posait aucun problème et il comprenait leur besoin de passer un peu plus de temps avec Aria que seulement les week-ends.
La seule chose qui lui posait problème dans leur organisation, et pour laquelle elles ne pouvaient rien faire, c'était qu'au Manoir se trouvait aussi Severus, et Harry ne savait pas comment il allait réussir à gérer cette cohabitation-là. Il n'avait aucune inquiétude quand il s'agissait du temps qu'il passait lui-même avec son vampire, mais il n'arrivait pas à imaginer Severus et Aria ensemble. Aussitôt, son instinct de protection entrait en jeu et il se voyait prendre sa fille pour l'éloigner de son vampire. Il savait que Severus ne lui ferait rien, mais il n'arrivait pas à concevoir leur proximité. Et encore moins sans sa surveillance. Sa propre attirance envers son vampire ne parvenait pas à effacer ses craintes pour sa fille.
Heureusement, la plupart du temps, Severus serait à la Librairie. Restait les soirées et quelques repas qu'il allait falloir négocier avec diplomatie.
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– Et par rapport à ce que tu es devenu, tu n'as aucune crainte ?
Interloqué, Harry sortit de ses pensées pour dévisager Luna.
– Je ne vois pas en quoi ça pourrait interférer ou ce qu'il pourrait y avoir de différent pour elle !
– La présence de Severus, peut-être ?
À ces mots qui faisaient écho à ses propres inquiétudes, Harry laissa échapper une grimace incertaine qu'il camoufla en se penchant pour déposer son assiette et sa cuillère dans l'herbe.
– De toute évidence, il était heureux de la revoir...
Harry se redressa brusquement, les yeux ronds et le ventre noué.
– Tu es allée le voir ? Avec elle ?!
– Oui, tout à l'heure, avec Padma... Aria lui a sauté dans les bras !
– Tu n'avais pas le droit, fit Harry d'une voix étranglée.
– Je te demande pardon ?
– C'est ma fille. Tu n'avais pas le droit de... Pas sans moi ! Pas sans ma présence !
Pour ne pas risquer de voir surgir Severus, Harry tentait de maîtriser le grand vent de panique qui était né dans son ventre et qui gagnait son cœur. Il n'avait rien su. Il aurait dû être là ! Il aurait dû pouvoir protéger sa fille et la sortir des bras de Severus, il aurait dû pouvoir la défendre et l'éloigner de son vampire... Severus n'avait pas le droit de l'approcher !
– Que crains-tu que Severus lui fasse, au juste ?
Sans même s'en apercevoir, il avait posé une main protectrice sur la tête de sa fille qui s'en moquait copieusement. Loin de ses angoisses, Aria s'était assise par terre et elle était très occupée à tenter d'atteindre sa cuillère en passant son bras sous la chaise de son père.
En la voyant ramener la cuillère dans sa petite main et jubiler d'avoir atteint son but, Harry se détendit légèrement. Sa colère et son anxiété n'avaient pas lieu d'être; pas alors que Aria était si radieuse et qu'elle gazouillait avec bonheur en mettant la cuillère dans sa bouche. Il ne s'était rien passé, Aria allait bien et sa réaction était hors de propos. Mais Harry ne pouvait empêcher une angoisse sourde de se répandre dans son ventre.
La main de Luna qui attrapa son poignet gauche le fit sursauter. Elle le retourna brusquement, exposant l'endroit pourtant vierge de toute trace où Severus le mordait, puis ses yeux bleu clair remontèrent de son poignet à son cou, avant de plonger dans son regard.
– Tu te fais souffrir inutilement... Pourquoi ne cèdes-tu pas à ce que ton corps et ton esprit réclament ?
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Ils furent les derniers à partir, bien après les filles de l'équipe de Draco, bien après les Greengrass, bien après Pansy, Nott et Flint. Blaise et Alicia étaient rentrés dans leur nid douillet à la vue plongeante sur Londres, Georges et Angie avaient récupérés leurs enfants turbulents qui avaient salué avant de partir le « Professeur Lovegood » et le « Professeur Patil », et même Luna et Padma étaient rentrées pour donner son bain et son dîner à Aria.
Harry avait traîné, plus ou moins consciemment, en aidant Daphné et les elfes de maison à ranger les tables, les chaises, la vaisselle dispersée un peu partout et les verres abandonnés ça et là. Il fallait jeter des sorts de conservation sur la nourriture qui restait, puis la stocker dans la cuisine, rassembler les bouteilles vides, ramasser les serviettes et les jouets éparpillés dans l'herbe, s'étonner d'une chaussure oubliée sous le saule pleureur ou d'une cachette de bonbons découverte dans le creux de l'arbre.
En réalité, il n'avait pas très envie de se confronter à Severus même si sa présence lui manquait de plus en plus. Et il faisait encore jour, et c'était lui qui allait devoir le ramener…
Harry finit par s'y résoudre et il laissa Lucius transplaner au Manoir par ses propres moyens tandis qu'il s'agrippait au bras de Severus pour l'emmener avec lui. Il n'avait pas osé affronter son regard mais l'envie était forte de poser sa tête contre son épaule tandis qu'ils transitaient à travers les ombres. Il n'en fit rien.
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Après les multiples gâteaux et pâtisseries, Lucius n'avait pas très faim mais il l'accompagna tout de même dans la Salle à Manger, et Severus suivit le mouvement sans un mot. À vrai dire, le silence était collectif et Harry mangea rapidement, pas très à l'aise de leurs regards pensifs sur lui. Dès qu'il se sentit assez rassasié, ils quittèrent la table pour migrer dans le Petit Salon où Lucius but son cognac en le faisant lentement tourner dans son verre. Même Severus restait silencieux sur sa tasse de thé et ce silence était assez inhabituel pour être remarquable.
D'ordinaire, quand ils rentraient d'une journée avec Draco et sa famille, d'une sortie ou d'un quelconque événement, ils en parlaient le lendemain, ou pendant la soirée. Chacun racontait son anecdote avec les enfants, les mots qui avaient fait rire ou qui avaient marqué, l'instant vécu qui deviendrait un souvenir précieux... Ce soir, ils se taisaient et chacun restait plongé dans ses pensées.
Dans celles de Harry, les paroles de Luna tournaient encore, étranges et dérangeantes.
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Il était certain que Luna savait des choses qu'elle n'était pas censée savoir. Par un mystère qui n'appartenait qu'à elle, elle savait exactement de quoi elle parlait en dévoilant son poignet où Severus le mordait, en suggérant qu'il se faisait souffrir parce qu'il refusait de lui accorder autre chose...
Personne n'était censé savoir, personne n'était censé aborder le sujet si intime des morsures et Luna venait de jeter un pavé dans la mare. Allègrement. En toute simplicité.
Elle venait de lui jeter à la figure qu'il était un piètre calice. Qu'il ne remplissait pas – ou mal – son rôle. Qu'il n'était pas à la hauteur. Qu'il était ridicule de laisser cette situation perdurer alors qu'il souhaitait tout autre chose...
Il se sentait aussi mal qu'après son cauchemar où il s'était laissé mordre par d'Alagnac devant des dizaines de personnes. Il se sentait sale et coupable, et c'était n'importe quoi parce qu'il n'avait rien fait de plus aujourd'hui qu'hier ou les autres jours... À part refuser d'aller voir Severus avec sa fille.
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Harry se leva alors que Lucius n'avait même pas encore reposé son verre vide sur la table basse. Severus se leva aussitôt, prêt à l'accompagner pour sa morsure quotidienne, tandis que l'aristocrate fronçait les sourcils, surpris de cette débandade à une heure pas si tardive.
– Allez-y, je vous rejoins. Enfin...
Lucius abandonna l'idée de préciser sa pensée avec un geste évasif de la main. Les mots avaient été instinctifs, habituels, mais ne recouvraient plus aucune réalité. Il pouvait rejoindre Harry pour la nuit, ou bien Severus, mais certainement pas les deux en même temps. Ni pendant la morsure, ni pour dormir...
Severus salua son mari d'un simple signe de tête, puis il grimpa l'escalier en colimaçon, Harry à sa suite. Parvenu devant sa chambre, il ouvrit la porte et s'effaça pour laisser passer son calice, glissant un bras autour de ses reins pour le faire entrer.
Harry ferma les yeux et soupira sous ce contact brûlant dont il avait tellement besoin.
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– Est-ce que tout va bien ? demanda Severus d'une voix grave qui vibra jusqu'au bas de son dos.
Harry ouvrit brutalement les yeux. Il s'était immobilisé au milieu de la chambre pour prolonger le contact avec le bras de son vampire, espérant presque un deuxième bras autour de lui, une étreinte, autre chose... Mais Severus avait dû prendre son arrêt brutal pour de l'hésitation. Ou même de la réticence.
Il s'obligea à s'arracher à la chaleur que faisait naître en lui ce bras drapé autour de sa taille pour s'avancer jusqu'au lit et s'asseoir.
– Oui, tout va bien. Et pour toi ? La journée n'a pas été trop longue ?
Aussitôt dit, Harry pinça les lèvres pour s'obliger à se taire. Revenir sur le fait qu'il n'était pas allé voir Severus une seule fois de tout l'après-midi pour lui tenir compagnie n'était sans doute pas nécessaire.
De toute façon, le vampire semblait ne même pas avoir entendu sa réponse et il reprit en s'approchant de lui :
– Je t'ai senti plusieurs fois mal-à-l'aise cette après-midi... Pas au point de me sentir obligé d'intervenir mais ce n'était pas anodin non plus.
– Tu pourrais ? fit brusquement Harry en relevant la tête. Même si ça t'obligeait à sortir à l'extérieur ?
– Oui, je pourrais, répondit posément Severus en l'étudiant du regard. Quelles que soient les circonstances, cela reste mon rôle. Aujourd'hui ce n'était pas aussi nécessaire que ça, mais... qu'est-ce qui s'est passé ?
– Rien, lâcha Harry avant de concéder : J'ai eu une longue discussion avec Alicia.
– Je ne peux qu'imaginer de quoi vous avez parlé...
Le ton légèrement amer fit vibrer une corde de culpabilité chez Harry, tout comme l'attitude distante de Severus qui restait debout devant lui, les mains croisées derrière le dos, sans vouloir le rejoindre et s'asseoir.
– Ne t'inquiète pas, elle ne dira rien à personne. Mais Alicia est une bonne oreille...
– Je ne m'inquiète pas. Et de toute façon, tu es libre d'en parler avec qui tu veux. Aucun regret ni aucun silence ne pourront changer ce qui s'est passé.
Harry baissa les yeux et soupira en passant les paumes de ses mains sur ses cuisses.
– S'il-te-plaît, pas ce soir...
Il n'avait pas le cœur à ressasser les excuses de Severus, ni ses remords pleins de contrition, encore une fois. Il faudrait pourtant qu'un jour, ils aient à nouveau une vraie discussion sur ce qui s'était passé dans le pavillon chinois, mais pas ce soir. La journée avait été assez longue et assez intense comme ça.
– … Mords-moi et bois, murmura-t-il. Et ensuite j'irai me coucher.
Sous les mots de son calice, Severus frissonna violemment. Harry ne devait pas réaliser le potentiel érotique de ses paroles, pas plus que celui de son attitude, la tête légèrement penchée sur le côté qui dévoilait à son oreille sensible une carotide bruissante du passage du sang. Des mots presque comme un ordre « Mords-moi... »…; il dut se faire violence pour leur résister.
Severus sortit de son immobilité et vint s'asseoir à côté de son calice. Sans un mot, il prit le bras que Harry lui abandonna bien volontiers et entreprit de défaire les boutons de sa manche pour la lui remonter. D'ordinaire, Harry le faisait lui-même, mais ce soir, il semblait trop las pour s'en préoccuper. Il dégageait même une impression de fragilité, de vulnérabilité qui secoua les instincts de protection du vampire en lui et le fit frémir à nouveau.
Il porta le poignet de son calice à ses lèvres et le mordit doucement, avant de glisser spontanément un bras dans son dos.
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Gorgée de plaisir après gorgée de plaisir, Severus se demandait encore pourquoi il avait fait cela. Il avait agi sans réfléchir, comme pour prévenir une chute, comme pour retenir son calice près de lui, comme pour le protéger...
Harry n'avait pas bronché.
L'espace d'un instant, Severus avait même eu l'impression qu'il allait s'abandonner un peu plus, qu'il allait venir se lover contre lui, comme autrefois, et venir chercher un peu de tendresse, mais il n'en fit rien.
Il ne s'éloigna pas pour autant.
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Comme souvent, pour l'un comme pour l'autre, la dernière gorgée vint trop vite. À contrecœur, Severus retira ses lèvres de la peau douce et chaude de son calice, lécha une dernière fois les deux petites plaies de la morsure pour les cicatriser, et Harry soupira. Il baissa la manche de la chemise pour refermer les boutons sur le poignet, il dut retirer son bras toujours niché sur les reins de son calice, et Harry frissonna.
Severus leva les yeux vers lui mais il ne vit que quelques mèches de cheveux en bataille, un front plissé et soucieux et ses longs cils noirs qui lui faisaient des yeux de biche. Puis Harry croisa fugacement son regard, il eut un sourire triste et se leva sans un mot de plus tandis que Severus fronçait les sourcils.
– Bonne nuit, murmura Harry avant de franchir la porte.
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Cette nuit-là, Harry et Lucius firent l'amour dans l'antichambre, comme ce n'était pas arrivé depuis longtemps. Lentement, sensuellement, flottant dans les airs, suspendu dans les cordes, Harry avait l'impression de voler et de se balancer au gré du vent.
Ce n'était pas la morsure qui l'avait excité, parce que, ces derniers temps, elles ne l'excitaient plus. Elles survenaient toujours dans un contexte tendu, une atmosphère pesante qui n'étaient pas propices à la fièvre et au désir. Et il ne voulait plus de ces morsures juste pour nourrir Severus et fuir sa présence la conscience tranquille... il ne voulait plus de ces morsures vides de sens, et ce malaise entre eux...
Au contraire. Cette nuit-là, il s'abandonna dans les cordes et il jouit sous les coups de reins de Lucius en rêvant d'une vraie morsure, une morsure intense, qui le remue, qui réveille son corps, qui lui donne du plaisir, une morsure qui le possède corps et âme et qui le fasse succomber comme il avait succombé à la jouissance pendant le deuxième rituel d'union.
Il voulait donner plus que son sang à Severus.
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Merci à tous de votre lecture. N'hésitez pas à me faire part de vos impressions en commentaire ;)
La semaine prochaine, le retour d'Aria dans leur quotidien fait douter Harry et il ne sait plus sur quel pied danser...
Au plaisir
La vieille aux chats
