Résumé: Tiraillé entre ses instincts de calice et sa personnalité, Harry est parti quelques jours loin du Manoir pour tenter de faire le point. Lucius et Severus en profitent pour passer davantage de temps ensemble et surtout toutes leurs nuits, entre tendresse, aveu de leur amour inaltérable et confessions délicates...

Aujourd'hui, Harry revient! Bonne lecture! ;)

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Severus sortit de la cheminée au pas de course, presque indifférent à la lumière qui se jetait dans le bureau de son mari. Il quitta la pièce en trombe et grimpa l'escalier en colimaçon quatre à quatre, exultant de ressentir la présence de son calice si proche. S'il n'avait pas été si pressé de rentrer au Manoir, il aurait embrassé Clay qui était venu le prévenir à la Librairie. Après lui avoir arraché la tête parce que l'elfe avait attendu plus d'une heure après le retour de Harry pour venir le voir !

Parvenu devant la chambre, il prit le temps d'ouvrir la porte en silence avant de pénétrer dans la pièce à pas feutrés. Là, dans ce lit aux draps clairs, dans la pénombre des rideaux tirés sur les fenêtres, Harry dormait, alangui sur le ventre, les deux bras repliés sous son oreiller, ses cheveux sombres éparpillés sur sa nuque et sa joue. Le drap lui arrivait à peine dans le creux des reins et Severus pouvait se délecter des courbes de son corps et de ses muscles. Il dut se mordre la lèvre pour ne pas gémir de contentement. Son calice était revenu. Son calice était là, à portée de main, et avant même de comprendre ce qu'il faisait, Severus était assis au bord du lit, à quelques centimètres de la chaleur divine qui émanait de ce corps endormi, éperdu de soulagement et de satisfaction.

Il se figea tandis que Harry bougeait légèrement la tête en papillonnant des yeux.

– Je ne voulais pas te réveiller, murmura Severus. Juste... m'assurer que tu allais bien.

– Je vais bien, sourit Harry d'une voix à moitié endormie. J'avais juste besoin d'une petite sieste. Je ferai une vraie nuit ce soir.

Severus promena son regard sur les épaules et le dos de son calice. Effectivement, Harry avait l'air d'aller bien. Il était entier, sans aucune cicatrice supplémentaire, sans aucun kilo en moins. Il n'était parti que trois jours, mais cela lui semblait une éternité.

– C'est fou ce que tu as bronzé en l'espace de quelques jours...

En réalité, ne pas pouvoir caresser cette peau dont la couleur miel tranchait si bien avec le gris clair des draps était une vraie torture. Harry lui faisait toujours cet effet-là : un attrait irrésistible, viscéral, et qui n'avait rien à voir avec la faim qui le tenaillait. Severus aurait donné bien plus cher pour pouvoir le prendre dans ses bras que pour pouvoir boire tout son saoul.

– La vie au grand air, gloussa Harry. Pas toujours reposant mais un vrai bonheur.

Severus se força à sourire pour cacher sa douleur. Il comprenait son calice, mais que son bonheur ne puisse exister que loin de lui était difficile à entendre.

Harry ne l'avait pas quitté du regard et se retourna sur le côté, face à lui, avec un visage reposé et détendu.

– Je suppose que tu meurs de soif et que tu as très envie de boire...

Ses yeux rouges ne lui permettaient de toute façon pas de démentir. Avec un sourire en coin, Severus détailla lentement son calice, de la tête aux pieds, même s'il restait partiellement caché par le drap.

– Pas ici. Et pas maintenant. Je ne veux pas risquer d'en vouloir plus et de me laisser aller.

Harry rit doucement en tirant malgré tout le drap sur son torse. Il avait très bien compris son allusion et il ne le prenait pas mal. Severus s'en sentit profondément soulagé. Harry revenait en ayant l'air bien disposé à son égard, il était détendu, il riait, et il parlait même de morsure au bout de trois phrases. Il n'avait jamais espéré autant.

Brusquement, Harry repoussa le drap et se leva, complètement nu, avant de se diriger vers la salle de bains.

– Alors redescends à la Bibliothèque... Je prends une douche et je te rejoins.

Encore sous le coup de cette vision enchanteresse, Severus était resté figé, le regard rivé sur la porte close. L'image du corps nu de son calice était fixée sur sa rétine : son dos puissant orné d'arabesques pâles, la fine cicatrice qui courrait le long de sa colonne vertébrale, ses fesses rondes et musclées... Puis Harry entrouvrit à nouveau la porte de la salle de bains pour ajouter avec un sourire délicieux:

– Si tu peux me faire servir un petit-déjeuner par la même occasion... Je meurs de faim, moi aussi !

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Debout près de la fenêtre opaque, Severus jouait du bout des doigts avec le sortilège d'argent en songeant à ce qui venait de se passer. Tout avait été si rapide qu'il peinait encore à l'assimiler.

Harry était rentré. Au bout de trois jours qui lui avaient paru une éternité sur le moment, mais qui, à présent que c'était terminé, ne représentaient plus rien qu'une goutte d'eau dans un océan. Severus était soulagé. Soulagé et heureux. Son calice allait bien. Son calice était enjoué, il respirait la sérénité, il riait et Severus ne percevait dans son aura que des sentiments légers et positifs. De quoi le mettre particulièrement de bonne humeur lui aussi. Et puis il allait boire, ce qui n'était pas le moindre de ses petits plaisirs.

Il avait hâte d'en savoir plus, également. Savoir ce que Harry avait fait pendant ces trois jours, savoir où il en était de ses réflexions, savoir s'il se sentait un peu plus en accord avec sa nature de calice. Severus l'espérait. C'était important pour Harry et c'était important pour eux, pour le lien qui les unissait. Pour leur avenir.

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Severus entendit ses pas dans l'escalier en colimaçon quelques secondes avant de le voir pénétrer dans la Bibliothèque, souriant, habillé et les cheveux encore humides. Harry était beau, plus beau encore que dans ses souvenirs, faisant vibrer dans le fond de son ventre un intense sentiment de fierté et de possession. Sur son visage reposé, ou par l'échancrure de sa chemise, il pouvait voir sa peau dorée pleine de soleil, qui rehaussait le vert éclatant de ses yeux. Harry lui sourit tranquillement puis il se dirigea vers les fauteuils. Il était pieds nus, comme souvent, et ce détail acheva de faire fondre Severus, qui se fustigea aussitôt en ricanant. Comment, en étant un vampire, pouvait-il devenir aussi Poufsouffle ?!

Harry s'était affalé dans un fauteuil mais il se redressa immédiatement dès qu'il vit apparaître sur la table basse le vaste plateau rempli d'assiettes de nourriture et de coupes de fruits de son petit-déjeuner. Son estomac gronda de manière audible, ce qui lui arracha une grimace contrite. Severus sourit en venant s'asseoir dans le canapé près de lui.

– Mange d'abord... je ne suis pas pressé.

Avec un sourire ravi puis une grimace douloureuse, Harry glissa à genoux par terre, devant la table basse, assis sur ses talons et les cuisses largement écartées. Il hésita quelques secondes pour choisir ce qui lui faisait le plus envie, puis commença par faire un sort aux toasts et à la confiture, se léchant les doigts avec délectation pour ne pas en perdre une goutte. Puis, quand il eut épuisé sa ration de sucre, il engloutit la grosse part de tarte aux légumes avant de se rabattre sur les œufs et le bacon.

Severus le regardait manger le sourire aux lèvres, ravi de le voir si ravi. L'appétit de son calice faisait plaisir à voir, son aura transpirait la satisfaction et Harry semblait rayonner de bonheur.

– Mmhh, du fromage ! gloussa-t-il en piochant dans la corbeille de pain pour accompagner ses fromages français. Ça m'avait manqué ! Je n'ai mangé que des plats à base de riz et de poisson pendant trois jours.

– Moi qui te croyais perdu dans la forêt à devoir chasser pour te nourrir !

– Mais j'avais pêché ces poissons ! protesta Harry en riant, la bouche à moitié pleine.

Son calice n'en avait heureusement pas conscience, mais Severus savait bien qu'il le couvait avec un regard plein de tendresse.

– Luce n'est pas là ? interrogea Harry entre deux bouchées.

– Non, il est parti voir une exposition d'œuvres d'art à Berlin. La vente aux enchères a lieu ce soir mais il rentrera dans l'après-midi. Blaise se chargera du reste.

– Je vois que je n'ai pas manqué à grand-monde, fit Harry avec un sourire moqueur. Je rentre, personne n'est là... Luce à Berlin et toi à la Librairie !

Piqué au vif, Severus se renfrogna. Il ne pouvait décemment pas avouer que l'absence de son calice avait été une vraie torture, même si les moments passés en tête à tête avec son mari avaient été précieux. Il était parti travailler pour s'occuper l'esprit, pour ne pas penser à quel point Harry lui manquait et à quel point l'inquiétude lui rongeait les sangs. Mais la fierté et l'orgueil l'obligeaient à se taire plutôt qu'à dévoiler la vérité.

Il mit un petit moment à se rendre compte que Harry l'observait avec un regard très doux et qu'il ne faisait que le taquiner.

– Où es-tu allé, finalement ? demanda Severus, le temps de reprendre contenance.

– Au Sarawak. J'avais besoin de certains ingrédients qui ne poussent que là-bas. Autant joindre l'utile et l'agréable.

– Qu'est-ce que tu as fait pendant ces trois jours ?

– J'ai revu des gens d'autrefois... J'ai partagé des repas, j'ai pêché, j'ai été cueillir des plantes et faire quelques potions. J'ai marché dans la forêt et participé à la fête du village. C'était les secondes funérailles d'un chef que j'avais connu autrefois... Le hasard.

Harry avait renoué avec bonheur avec son ancienne vie... Le cœur de Severus se serra à l'idée qu'il puisse à nouveau repartir et disparaître. Et pas seulement parce que sa survie passait par son calice.

– Tu as dû te saigner ? demanda-t-il posément en croisant les jambes.

– Une fois... Mais je ne sais pas si c'était par réel besoin ou par crainte de me retrouver dans une situation d'inconfort. Mon sang a nourri la terre, ajouta Harry avec un petit sourire qui n'avait de signification que pour lui. C'était un juste retour des choses...

Il semblait perdu dans ses souvenirs, presque rêveur, et Severus n'avait qu'une envie : le secouer ou le prendre dans ses bras pour le faire revenir dans le présent. Et le garder avec lui.

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Harry finit par sourire en secouant la tête et se releva souplement.

– Ça fait du bien, fit-il avec un soupir satisfait. Viens. Je pense que tu as assez attendu en me regardant me goinfrer. Je finirai après...

Il vint s'asseoir dans le canapé près de lui, puis remonta sa manche et tendit son poignet sans hésitation. Severus prit dans sa main le poignet offert, fronçant les sourcils en découvrant une coupure vilainement cicatrisée là où il mordait d'habitude. Contrarié, il s'empressa de lécher et de masser avec application la cicatrice jusqu'à ce qu'elle disparaisse, tandis que Harry riait doucement.

– Tu vas faire une autre cicatrice dans quelques secondes, ce n'est pas la peine de perdre du temps à effacer celle-ci !

Severus leva les yeux au ciel devant la moquerie puis mordit tendrement son calice. Le sang jaillit dans sa bouche, rond, chaud et voluptueux. Emporté par le plaisir, il ferma les yeux pour se concentrer sur la morsure et la réaction de Harry. La pression du sang n'était pas très forte, signe que son calice était encore loin d'un engorgement. En revanche, le goût était subtilement différent, plus salé que d'habitude, plus musqué. Ce n'était pas désagréable, mais surprenant. Severus avait presque l'impression de mordre une personne différente.

Pendant de longues secondes, il but, tout à son plaisir et sa satiété, jusqu'à ce qu'il ne remarque que le cœur de Harry battait la chamade et que son souffle était bien trop rapide. Severus avala encore une ou deux gorgées, puis voyant que son calice ne se calmait pas, il s'arrêta rapidement.

– Qu'est-ce qui ne va pas ? s'alarma-t-il après un dernier coup de langue pour cicatriser la morsure.

Harry paraissait pourtant serein, complètement relâché contre le dossier du canapé, et son visage affichait un sourire amusé et satisfait.

– Rien. Tout va bien...

Circonspect, Severus dévisagea longuement son calice dont le cœur retrouvait peu à peu un rythme normal. Ses lèvres étaient légèrement gonflées, ses pommettes délicieusement colorées et la main qu'il passa dans ses cheveux lui donna un air de pure débauche. Puis Severus baissa le regard et aperçut son entrejambe gonflé par le désir. Au moins, les morsures lui faisaient toujours de l'effet !

– Tu vas devoir attendre Lucius pour satisfaire cette envie-là, ricana Severus.

Harry éclata de rire puis confia avec un sourire espiègle :

– Je n'ai plus besoin de Lucius... J'ai plutôt besoin d'un sortilège de nettoyage ou d'un boxer propre.

Severus écarquilla les yeux de surprise avant de se mordre la lèvre, furieusement gêné. Bien plus que son calice, d'ailleurs.

– Excuse-moi, je ne voulais pas...

– Ça va. C'est normal, ça faisait trois jours...

Harry sourit puis renversa la tête en arrière sur le dossier en fermant les yeux.

– Je ne vais tout de même pas me plaindre d'avoir eu un orgasme, fit-il d'une voix paresseuse.

Déconcerté, Severus fronça les sourcils. Le vampire en lui était éminemment satisfait de ce qu'il avait provoqué, mais sa part humaine ne comprenait pas ce que Harry trouvait si normal. Pourquoi le plaisir associé à la morsure lui paraissait aujourd'hui si évident, si facile, alors qu'il avait eu tant de mal à tolérer son excitation réflexe les premières fois ? Harry avait déjà éprouvé du plaisir ou du désir lors des morsures, mais jamais jusqu'à avoir un orgasme spontané. Et il acceptait cela avec une facilité et une évidence déconcertantes.

Son calice était parti trois jours et Severus avait l'impression qu'il avait fait un bond dans le temps par rapport à certains aspects de leur lien. Tandis que lui se sentait presque à la traîne en étant plus gêné que Harry par ce qui s'était produit. C'était le monde à l'envers !

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Severus n'était pas reparti à la Librairie. Son calice était rentré, ses clients pouvaient bien attendre quelques heures, ou même un jour ou deux. Avant d'y retourner, il avait besoin de se satisfaire de sa présence, de passer du temps avec lui – ou du moins, pas trop loin – et de se rassurer sur le fait qu'il n'allait pas repartir. Il parvenait à maîtriser les instincts qui le poussaient à le prendre dans ses bras, mais il n'était pas question de s'éloigner de plus de quelques mètres.

Harry ne disait rien, s'amusant presque de sa présence maladroite tandis qu'il parcourait le courrier arrivé en son absence.

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Ils déjeunèrent ensemble, Harry faisant honneur au repas gargantuesque préparé par les elfes, Severus se contentant d'une tasse de thé sans le quitter des yeux. Il se sentait rasséréné par son retour; soulagé et émerveillé par celui dont il dépendait pour exister, au-delà de la question du sang. Il répugnait à poser des mots sur ses sentiments, mais il se sentait presque effervescent, emporté par un tumulte qui naissait dans son ventre et dans son cœur, et qui lui faisait regarder son calice avec des yeux pleins d'adoration.

Le pas décidé de Lucius se fit entendre alors qu'ils étaient dans le Petit Salon. Bercé par les ronronnements d'Orion installé sur ses genoux et en pleine digestion de ses plantureux repas, Harry papillonnait des yeux depuis quelques minutes. À l'arrivée de leur amant commun, Severus le vit se redresser d'un bond, brusquement bien réveillé et souriant.

– Salut, Blondie, murmura Harry avec douceur et tendresse.

Lucius l'avait déjà pris dans ses bras, le visage niché dans ses cheveux et Severus ne dut qu'à son ouïe de vampire de l'entendre répondre tout aussi tendrement : « Bonjour, mon ange. »

Puis Lucius se recula légèrement, passa une main délicate sur le visage de son futur mari et se fendit d'un large sourire.

– Tu as l'air resplendissant !

– Je me marie dans cinq jours, il y a de quoi être resplendissant ! fit Harry en riant.

Enfin, ils s'embrassèrent, presque chastement eu égard à sa présence, mais cela n'empêcha pas Severus de se sentir vaguement jaloux.

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– Bon, je vais vous laisser, fit Harry en massant son genou puis en prenant appui sur les accoudoirs de son fauteuil pour se lever.

– Où vas-tu ? sursauta instinctivement Severus.

Le sourire en coin de Lucius fut immédiat, et même si celui de son calice était un peu plus doux, Severus se sentit ridicule.

– J'ai plein de bricoles à faire, répondit Harry sans la moindre moquerie. Je dois passer sur le Chemin de Traverse pour voir les frères Weasley et l'apothicaire, je dois passer à Poudlard pour déposer à Matthieu plein d'ingrédients que j'ai ramenés pour ses élèves, je dois récupérer Aria... mais je rentre au plus tard pour le dîner.

– Et tu as ton dernier rendez-vous chez le tailleur pour ton costume, ajouta Lucius en jetant un regard à la pendule au-dessus de la cheminée.

– Ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain, fit Harry en se penchant sur lui pour l'embrasser. Mais promis, je n'oublie pas !

Severus plissa les yeux, tellement agacé après son mari qu'il sentit à peine la main de son calice glisser sur son épaule tandis qu'il quittait la pièce. Il attendit d'être sûr que Harry avait transplané pour laisser échapper sa colère.

– Tu savais qu'il rentrerait forcément demain au plus tard pour ce rendez-vous chez le tailleur et tu ne m'as rien dit ! fulmina-t-il.

– Et j'ai bien fait ! ricana Lucius sans le moindre repentir. Tu vois, je me serais trompé de date... Mais je t'avais dit que son escapade ne durerait pas longtemps.

– Tu savais et tu m'as laissé mariner tout le week-end avec mes inquiétudes et mes angoisses de ne jamais le revoir !

Lucius se leva gracieusement, un sourire en coin rivé sur ses lèvres, et s'approcha pour l'embrasser furtivement.

– Il n'y avait pas que Harry qui avait besoin de comprendre certaines choses...

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Harry était rentré de toutes ses « bricoles à faire », Severus en était certain, mais il n'avait pas encore daigné se montrer. Il sentait sa présence sereine et tranquille dans le Manoir, la puissance subtile et délicate de sa magie... il sentait surtout le calme que son calice arrivait à faire naître dans son propre esprit. La sérénité de Harry emportait la sienne, comme la confiance de Lucius en son retour avait fini par l'apaiser quelques jours plus tôt. Alors, avec patience, Severus attendait que son calice se montre, surveillant sur la pendule l'heure du dîner qui approchait.

Il ne fut pas déçu car à peine Harry entra dans le Petit Salon avec Aria dans les bras qu'il s'arrêta près de son fauteuil, tandis que sa fille se penchait dangereusement jusqu'à glisser dans les bras que Severus tendit vers elle. Ravi, il l'installa sur ses genoux face à lui, ses larges mains autour de sa taille, avant de l'embrasser dans les cheveux.

Pa da da !

Aria battait énergiquement des mains puis s'accrocha à sa chemise tout en se contorsionnant pour se mettre debout. Harry, lui, s'était éloigné avec un sourire pour aller poser un baiser sur les lèvres de Lucius. Il n'avait pas vu sa fille depuis plus de trois jours mais il la lui laissait spontanément pour un câlin. Severus en fut profondément touché.

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Lorsque Sky vint annoncer que le dîner était servi, ils se rendirent tous les quatre dans la Salle à Manger. Comme avant que Harry ne parte à l'autre bout du monde, ce fut Severus qui donna à manger à Aria, sous le regard amusé de son père. L'un comme l'autre avaient des appétits conséquents et Harry mangeait avec le même plaisir évident que sa fille.

Quand elle eut terminé sa purée de légumes et son yaourt, Sky déposa sur la table le biberon tiède de la demoiselle qui lorgnait déjà dessus avec ravissement. Severus tourna la tête vers Harry qui attaquait sa troisième assiette de poulet rôti et de ratatouille.

– Tu veux... ?

– Vas-y. Si je lui donne son biberon, elle va vouloir me chiper mon poulet !

Severus sourit puis interrogea Lucius du regard. Même s'il avait terminé de manger, son mari refusa d'un signe de tête discret.

– Blondie a peur pour ses cheveux, gloussa Harry.

En cachant son sourire, Severus sortit Aria de sa chaise haute et l'installa contre lui pour lui donner son biberon. Il n'y avait que Harry pour appeler Lucius Blondie sans s'attirer ses foudres ou pour lui rappeler cet épisode peu glorieux où il avait lamentablement appelé à l'aide pour se défaire de la poigne du bébé sur ses mèches blondes.

Ba di ! fit Aria avant de se jeter sur sa tétine.

Il n'y avait également que Harry pour le laisser ainsi s'occuper de sa fille, en toute confiance. Severus ne s'en était rendu compte qu'après coup, mais Aria avait les cheveux encore humides en arrivant dans le Petit Salon un peu plus tôt. Si Harry n'était pas venu tout de suite avec eux en rentrant au Manoir, c'était parce qu'il lui donnait son bain.

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Après le dîner, Harry laissa sa fille jouer calmement sur le tapis du Petit Salon pendant une demi-heure avant de monter la coucher pour la nuit. Ils l'embrassèrent tour à tour puis, quand il redescendit un moment plus tard, Harry s'installa pour disputer une partie d'échecs avec Lucius. Ils n'étaient bons ni l'un, ni l'autre – l'un parce qu'il avait tendance à jouer sans trop réfléchir, et l'autre parce qu'il réfléchissait trop face à un joueur trop spontané – mais de temps en temps, l'envie les prenait et Severus admirait l'hécatombe en souriant.

Et puis, à la fin de la deuxième partie, il y eut ce petit regard entre Lucius et son calice, ce sourire en coin, ils se redressèrent l'un et l'autre, et Harry tourna son regard vers lui.

– On monte ?

– J'ai déjà bu ce matin, protesta Severus en fronçant les sourcils.

– Viens...

La main de Harry saisit la sienne le temps de le tirer hors de son fauteuil, puis glissa en le relâchant dès qu'il fut debout. Sans comprendre, et sans trop chercher à le faire, Severus le suivit dans l'escalier en colimaçon, Lucius sur ses talons.

Arrivé à l'étage, son mari le retint d'une main sur son bras pour un dernier baiser tandis que Harry avait déjà disparu dans la chambre. Les bras de Lucius enlacés autour de sa taille, Severus se retrouva plongé dans le regard gris si particulier des Malfoy. Ils s'embrassèrent doucement, presque avec dévotion. Lucius était magnifique à cet instant précis et il sentait divinement bon. Severus eut brusquement envie de nicher son visage dans son cou mais une pudeur mêlée de fierté le retint.

– Tu vas me manquer cette nuit, murmura Lucius. J'ai apprécié, en tout cas, que tu aies joué le jeu pendant ces trois jours et que tu aies passé ces nuits avec moi...

– Ce n'était pas juste une promesse, Luce... J'ai aimé ces moments.

Lucius sourit doucement, un soupçon de mélancolie au fond de son regard.

– Alors, je vais rêver au jour où tu pourras te glisser de la même manière dans notre lit pour passer la nuit avec nous...

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Sans bien savoir pourquoi, Severus était encore troublé quand il pénétra dans son ancienne chambre. Harry était debout, les mains croisées dans le dos, observant une à une les photos d'art qui ornaient les murs et qu'il devait pourtant connaître par cœur.

Severus fit le tour du lit pour aller s'asseoir à sa place habituelle et passa une main lasse sur son visage. La journée avait été riche en émotions – le week-end entier s'il remontait jusque là – et il se sentait étrangement fatigué.

– J'ai déjà bu ce matin, Harry, pourquoi...

– Parce que, comme d'habitude, tu t'es réfréné, fit Harry en se retournant avec un sourire indulgent. Et que je peux sentir que tu as encore soif. Je crois que j'ai assez mangé aujourd'hui pour pouvoir te nourrir à nouveau, et sans que tu aies besoin de faire attention !

Severus allait protester encore quand son calice s'approcha brusquement de lui, se glissant debout entre ses jambes écartées, et présenta son poignet gauche juste devant son visage. La tentation était trop forte, la proximité trop grande... Severus laissa échapper un gémissement à peine audible et mordit avant même de l'avoir décidé.

– Par contre, je ne reste pas longtemps, prévint Harry d'une voix brisée par son propre gémissement.

Perdu dans le velouté du sang qui coulait dans sa gorge, dans la chaleur qui émanait du corps de son calice bien trop près du sien, dans l'excitation qu'ils ressentaient l'un et l'autre, Severus n'avait plus conscience de grand-chose. Les sensations étaient époustouflantes. La vie glissait dans ses veines et dans ses artères. Il étanchait sa soif au don si généreux de son calice. La chaleur devenait fièvre, l'excitation devenait passion, et le corps de son calice, debout entre ses jambes, devenait le graal tant désiré.

Dans un mouvement éperdu, Severus ceintura la taille de Harry à l'aide de ses bras pour le rapprocher de lui et plaqua son visage contre son ventre. Là, il sentait sa chaleur directement contre sa peau, séparée par la mince chemise de son calice. Il percevait son odeur tiède, plus musquée à cet endroit-là, qui éveillait en lui les souvenirs précieux d'avoir un jour enfoui son visage encore plus bas, dans les poils crépus autour de son sexe. Il ressentait la fermeté de son ventre contre son nez, contre son front, la minceur de sa taille entre ses bras, le relief de sa colonne vertébrale et le creux de ses reins. Il entendait les battements de son cœur, étonnamment calmes face à son geste possessif, il entendait même les bruissements de la digestion dans son ventre. Il appréciait aussi la grosseur qui déformait son pantalon et qu'il aurait pu soulager avec ferveur. Il ne voulait plus jamais bouger.

Et pourtant, il avait dû lui faire mal. Il avait retiré ses crocs sans égards, presque violemment, il avait à peine pris le temps de cicatriser la morsure, il l'avait ceinturé sans mesurer sa force... Mais Harry n'avait même pas protesté.

Au contraire. Les mains de son calice s'étaient posées sur lui. Chaudes et enveloppantes. L'une sur sa nuque et l'autre à l'arrière de sa tête, fourrageant dans ses cheveux, comme pour le retenir contre son ventre.

Severus aurait pu en pleurer de bonheur.

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Ils restèrent ainsi une ou deux longues minutes, étrangement enlacés, et avec la même impression délicieuse d'unité que ni l'un ni l'autre ne s'avouerait jamais.

Puis Severus reprit ses esprits et se redressa à regrets, conscient de tout ce qu'il risquait de perdre s'il brusquait trop son calice.

– Excuse-moi. Je ne voulais pas... Je suis désolé.

– Ça va, fit Harry dont la main glissait doucement le long de son visage. Tout va bien.

Severus leva lentement les yeux vers ceux de son calice. Il n'y vit nulle colère, ni dégoût. Le regard émeraude était juste d'une douceur qui lui parut presque douloureuse.

– C'est fou comme boire te redonne de la vie et des couleurs, murmura Harry.

La main était sur sa joue, le pouce s'égara pour effleurer ses lèvres qui devaient être d'un beau carmin foncé, puis son calice se pencha pour déposer un baiser dans ses cheveux.

– Bonne nuit, Severus...

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Lucius avait laissé une lampe de chevet allumée pour pouvoir lire le compte-rendu de Blaise en attendant Harry. La vente aux enchères s'était terminée une heure plus tôt et le résultat lui convenait tout à fait. De toute façon, il n'en avait pas douté une seule seconde. Tout le petit monde de l'art savait que Blaise gérait ses ordres et que s'il avait décidé d'obtenir une œuvre, il y mettrait le prix, quels que soient le montant ou les acheteurs en face. Ceux qui faisaient monter les enchères le faisaient en pure perte – de temps pour eux et d'argent pour lui – mais il obtenait toujours ce qu'il voulait.

La porte de la chambre qui s'ouvrit sur Harry l'interrompit dans la liste des œuvres acquises ce soir, mais le temps qu'il lève la tête, son futur mari avait déjà disparu dans la salle de bains. Cela le fit sourire. Le petit manège de Harry avec Severus ne lui avait pas échappé mais Lucius ne voulait surtout pas s'immiscer dans leur relation. Il se contentait d'être là pour observer. Et pour récolter les fruits de l'excitation due aux morsures.

Et pour satisfaire la sienne ! Lucius abandonna le parchemin sur les draps et se leva rapidement. Il avait pourtant été amplement satisfait ce week-end avec Severus mais le sexe avec Harry était différent et il en avait diablement envie. Déjà parce qu'il pouvait le pénétrer, et surtout parce que Harry était plus spontané, plus futile. Il se soumettait avec délectation au moindre de ses désirs et il aimait ça. Faire l'amour avec Severus était assez codifié, davantage chargé de symboles et de signification, encore plus depuis qu'il était un vampire, alors qu'avec Harry, il n'y avait aucune règle. Le sexe pouvait être paresseux, léger ou bestial, il pouvait jouer avec sa magie ou bien laisser Lucius user de ses sortilèges favoris pour l'emmailloter de cordes, il pouvait tout aussi bien avoir envie de douleur pour jouir ou éclater de rire devant l'incongruité d'un bruit ou d'une position. N'importe quel plaisir était bon à prendre.

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Dans la salle de bains, Harry était déjà nu, ses vêtements jetés en tas sur un siège un peu plus loin, et il se brossait énergiquement les dents devant le miroir au-dessus de la vasque. Au vu de ce que Lucius apercevait, la morsure de Severus avait eu les effets habituels... Il esquissa un petit sourire qu'il espérait discret mais il croisa le regard de Harry dans le miroir qui détaillait ses réactions avec un air narquois.

Ils s'observèrent pendant quelques instants par le biais du miroir, aussi amusés l'un que l'autre. Lucius sentait son désir monter en flèche à la vue du corps nu et des fesses tentatrices qui lui faisaient face. Et comme il était tout aussi nu que Harry, celui-ci ne perdait pas une miette de son érection qui se déployait généreusement.

Puis Harry rompit le contact visuel, ouvrit le robinet et se pencha sur la vasque pour se rincer la bouche. Lucius en profita pour s'approcher et posa une main gourmande sur les fesses rondes et dorées de son amant.

– Tu ne peux même pas attendre que j'aie fini de me brosser les dents ? ricana Harry.

Il était penché à souhait, appuyé d'une main sur le rebord, le dos légèrement creusé pour le narguer de son postérieur. Lucius prit son érection en main pour se caresser mollement, tandis que son autre main caressait les rondeurs offertes avec impatience. Dans le sillon sombre entre les fesses, il pouvait déjà deviner l'orifice dans lequel il allait s'enfoncer dans quelques secondes et il en frémissait d'impatience.

Dans le miroir, il croisa à nouveau le regard moqueur de Harry avant d'apercevoir la mousse blanchâtre qui ornait encore le coin de sa bouche. L'idée qui lui vint fit tressauter son sexe d'un désir exacerbé et il ricana à son tour.

– Donne-moi le tube de dentifrice.

– Pourquoi faire ? fit Harry, surpris avant de se reprendre rapidement. C'est un peu fin et un peu court, tu ne crois pas ? J'aime autant que tu te serves de ce que tu as entre les jambes. Ou plutôt au niveau du ventre, vu sa position actuelle !

– Tu auras ce que tu veux, promis ! sourit Lucius. Mais je suis curieux de savoir si tu t'es déjà servi de ça... autrement.

Sans attendre de réponse, il déboucha le tube, passa deux de ses doigts sous l'eau du robinet avant d'y déposer une noisette de dentifrice. Il l'étala légèrement sur la pulpe de ses doigts puis les approcha de l'anus plissé de son amant, écartant une fesse de l'autre main pour avoir un meilleur accès.

Dans le miroir, il guettait les réactions de Harry, sa surprise, son amusement tranquille et puis le moment où la sensation commença.

– Oh putain !

Harry avait les yeux écarquillés. Son anus palpitait, se contractait de façon spasmodique et Lucius décida d'y enfoncer un peu plus ses deux doigts pour bien déposer la substance à l'intérieur.

– Oh putain ! Luce ! Qu'est-ce que... Ça brûle ! Oh Merlin !

Harry s'était redressé en prenant appui sur ses deux bras, le dos toujours creusé et les fesses tendues. Son regard stupéfait le fixait dans le miroir puis il ferma les yeux, perdu dans les sensations. Lucius dut se mordre la lèvre pour contenir son sourire lubrique et ne pas gémir du spectacle offert sous ses yeux. La vision du visage de Harry, parcouru d'un mélange de surprise, de douleur et de plaisir, lui retournait l'esprit. Ils n'avaient encore rien fait, il s'était à peine touché, mais il sentait qu'il n'allait pas durer bien longtemps ce soir. Il empoigna son sexe, étala dessus ce qui restait de mousse blanchâtre sur ses doigts en guise de lubrifiant, puis le dirigea vers les fesses qui n'attendaient que lui.

La chaleur piquante, cuisante, ne fut pas longue à venir alors qu'il amorçait quelques va-et-vient dans le fourreau serré des chairs de son amant. Les sensations étaient folles, aussi bien l'étroitesse que la brûlure, le plaisir d'être enfoui au fin fond de ce corps souple, la pression autour de son sexe...

D'une main sur son torse, presque sur sa gorge, Lucius obligea Harry à se redresser pour le contempler encore davantage dans le miroir. Ses bras étaient enroulés autour de lui pour le maintenir, ses doigts torturant ses tétons, ses ongles griffant sa peau. Harry ne gémissait pas, il ne parlait pas, il se contentait de râler. Un râle rauque, puissant, presque primitif, rythmé par ses coups de reins véhéments. Les sensations n'étaient plus que brûlure et plaisir. Un plaisir avec un goût d'interdit.

L'idée sauvage de franchir un tabou dansait dans l'esprit de Lucius. Il baisait Harry, là, debout contre un lavabo, en guettant ses réactions dans le miroir. Il baisait le calice du vampire avec qui il avait fait l'amour tout le week-end. La simple pensée que Severus pourrait être là, appuyé contre le mur, à les regarder faire avec son sourire en coin, fut le point de bascule. Un orgasme massif surgit sans prévenir, éblouissant, les faisant courber tous les deux tant Lucius était incapable de rester debout.

Harry était affalé, penché sur la vasque, la joue appuyée sur la fraîcheur de la faïence et lui, il était affalé sur son dos, avec le même sourire épuisé. À bout de souffle, Lucius prit une ou deux respirations presque douloureuses avant de se mettre à rire.

– Je suis désolé, c'était un peu court, ce soir ! Il faut croire que tu me fais trop d'effet !

– C'est parce que je t'ai manqué, gloussa Harry en se redressant péniblement. Ou alors c'est cette idée absolument tordue d'utiliser du dentifrice en guise de lubrifiant !

C'était dit en riant mais Lucius se recula légèrement et jeta un œil au sexe encore gonflé de son amant.

– Tu n'as pas...

– Oh si ! J'ai duré encore moins longtemps que toi !

– … aimé ? ricana-t-il en attrapant une serviette pour s'essuyer sommairement.

– Tu aurais pu prévenir ! gloussa Harry.

– Et l'effet de surprise, alors ?!

En souriant, Lucius jeta la serviette vers le panier de linge sale et attrapa le corps musclé de Harry entre ses bras. Avec une douceur qui contrastait avec leurs récents ébats, il l'embrassa sur les lèvres, puis dans le cou, là où Severus devait le mordre, et enfin sur la clavicule. Tendrement. Pourtant, ils avaient baisé comme des chiens, sans préliminaires, sans caresses, sans baisers. Possédés par un désir brut et sauvage qui le laissait amorphe. Et satisfait.

– Tu m'épuises, sourit-il. Ça a à peine duré cinq minutes et je n'en peux plus.

– Je suis sûr que vous avez déjà dû passer tout le week-end à vous envoyer en l'air, avec Severus ! gloussa Harry. Tu n'as plus l'âge pour ce genre de débauche !

Avec une grimace outrée, Lucius repoussa son amant avant de violemment claquer la main sur ses fesses.

– Espèce de goujat !

Harry éclata de rire et se tourna pour se diriger vers le fond de la salle de bains, tandis qu'une belle marque rouge vif à cinq doigts narguait délicieusement Lucius.

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– Est-ce que ces draps sont propres, au moins ? ricana Harry en faisant mine de renifler son oreiller.

Avant de venir se coucher, et même si la brûlure n'était plus que discrète, il avait préféré prendre une douche rapide pour éliminer tout résidu de dentifrice. Et à présent qu'il se glissait enfin dans le lit, il trouvait encore le moyen de venir le taquiner alors que Lucius somnolait déjà.

– Les draps auraient été propres même s'ils n'avaient pas été changés. Severus n'est pas venu ici.

– Ah ?! Pourquoi ça ? Ne me dis pas que vous n'avez rien fait, je ne te croirai pas ! gloussa Harry en venant se coller contre lui.

– Il n'a pas voulu venir dans ce lit, marmonna Lucius en passant un bras autour du corps tiède de son amant. Pas plus qu'il n'a voulu utiliser son ancienne chambre parce que c'est là qu'il te mord. Il trouvait ça... inconvenant. Vis à vis de toi.

Harry émit un son pensif et guère convaincu.

– Il n'a pas été trop... tendu, entre la faim et mon absence ?

– Imbuvable, tu veux dire ? Non. Moins que ce soit à quoi je m'attendais.

Lucius se réinstalla légèrement, pour que Harry puisse glisser sa jambe entre les siennes en même temps que son bras venait s'enrouler autour de sa taille.

– En réalité, ça s'est même plutôt bien passé. Ça nous a permis de passer du temps ensemble, de mettre certaines choses à plat et de nous rapprocher... Je crois que ça lui a fait du bien, à lui aussi... Il a pris un peu de recul.

– J'ai bien fait de partir, c'est ça que tu es en train de me dire ? gloussa Harry en venant pincer un de ses tétons. Vous êtes mieux quand je ne suis pas là ?!

Lucius chassa sa main en grognant.

– Ne fais pas l'imbécile. Évidemment qu'il était dans tous ses états dès qu'il pensait à toi ! Son précieux calice perdu au fin fond de la jungle sans pouvoir le protéger... ! Moi, je savais que tu allais revenir rapidement, mais lui...

– Tu l'as laissé mariner tout le week-end sans rien lui dire ?! pouffa Harry.

Lucius émit un gloussement amusé mais se contenta d'éluder la question.

– Je crois que ça lui a permis de comprendre certaines choses... Et toi ? Est-ce que t'éloigner t'a fait du bien ? Tu as trouvé ce que tu es allé chercher ?

– Assez, oui..., fit Harry en étouffant un rire. Des tas d'ingrédients qui me manquaient et d'autres que j'ai donnés à Matthieu.

En guise de punition pour son ironie, Lucius laissa glisser sa main pour aller pincer les fesses de son amant.

– Ne te fous pas de moi, grogna-t-il tandis que Harry ricanait de plus belle. Qu'est-ce que tu comptes faire pour Severus ?

– Tu verras bien, mais chaque chose en son temps. D'abord le mariage et ensuite, on verra pour le reste. Severus a toute l'éternité devant lui.

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ooOOoo

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Un rire étouffé tira Severus de sa léthargie et il sursauta en ouvrant brusquement les yeux. Dans la pénombre de la Bibliothèque, Harry se tenait accroupi près du canapé où il était allongé, les yeux brillants et un sourire amusé sur les lèvres.

– Tu étais parti bien loin pour ne m'avoir même pas entendu arriver !

Severus émit un grognement, contrarié de s'être laissé surprendre, ce qui fit glousser un peu plus son calice.

– Je croyais que les vampires ne dormaient pas !...

– Je ne dormais pas, je réfléchissais, fit-il avec une mauvaise foi évidente.

– Allongé et emmailloté dans un plaid comme dans une couette ? répondit Harry avec un sourire adorable.

Severus ne pouvait décemment pas avouer la vérité : il avait tellement apprécié ces nuits passées avec son mari que la sensation d'être allongé, glissé dans des draps tièdes et près d'un corps chaud, lui manquait terriblement. Aujourd'hui, il ne pouvait plus rejoindre personne, dans aucun lit, mais le fait de s'étendre sur le canapé, roulé dans ce plaid comme s'il s'agissait du contact d'un autre corps, l'avait plongé dans une sorte de torpeur doucereuse et confortable. Au point qu'il n'avait pas senti la présence de son calice, pas plus qu'il ne l'avait entendu descendre les escaliers.

– Il faut croire que même sans avoir besoin de dormir, je suis parfois fatigué, concéda-t-il dans un soupir.

– Tu as besoin de boire ? s'inquiéta Harry, le regard soucieux.

– Non. J'ai bien assez bu pour aujourd'hui, assura Severus. Davantage, ce serait trop.

– Trop ? C'est possible de trop boire pour un vampire ?!

Harry riait discrètement, les petites rides au coin de ses yeux plissées par un sourire éclatant. Ses yeux verts brillaient malgré la faible lumière et Severus fut brusquement subjugué. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas rendu compte à quel point son calice pouvait être magnifique et éblouissant. Là, dans la pénombre de la Bibliothèque, au beau milieu de la nuit, accroupi près de lui comme à son chevet, rieur et espiègle, Harry semblait rayonner de sa propre lumière. Sa peau dorée, son regard aussi lumineux que son sourire, l'étincelle de joie qui l'animait comme un feu follet... jusqu'aux arabesques nacrées sur ses mains, tout son être transpirait une gaieté radieuse qui le fit frissonner. Son calice avait l'air heureux et cela le bouleversa.

– Quelle heure est-il ? grogna-t-il pour cacher son trouble.

– Presque une heure du matin...

– Et qu'est-ce que tu fais encore debout ?!

– Aria s'est réveillée en pleurnichant parce qu'elle avait perdu son doudou. Et tu ne l'as même pas entendue ! se moqua gentiment Harry sans s'attarder sur son irritation passagère. J'en ai profité pour descendre manger un morceau... Lucius m'avait donné faim !

– Visiblement, il n'était pas assez en forme pour te donner sommeil ! grogna à nouveau Severus en tournant la tête sous l'aiguillon de la jalousie.

– Il était en tous cas suffisamment en forme pour ne pas attendre que je vienne me coucher ! gloussa Harry. J'ai à peine eu le temps de finir de me brosser les dents ! Ce qui m'a permis de goûter aux joies particulières du dentifrice...

– Du dentifrice ?!

Interloqué, Severus fronça les sourcils tandis que Harry affichait un sourire en coin lubrique au possible. Il se mit à rire doucement devant son incompréhension, puis, dans un geste étonnant, il se pencha pour venir murmurer à son oreille.

– En guise de lubrifiant...

Severus frissonna violemment, autant de sentir ce souffle chaud contre son oreille qu'au souvenir de sensations anciennes, et une vague de désir intense crispa son ventre et son sexe. Harry jouait avec lui, ce n'était pas possible ! Il n'avait pas besoin de murmurer ainsi, si près de son visage alors qu'ils étaient seuls et que personne ne pouvait les entendre. Puis il mit cela de côté et savoura l'amusement de son calice avant de s'imaginer ce qui s'était passé dans cette salle de bains. La seule pensée de la brûlure délicieuse que Harry avait dû ressentir, de sa surprise, et du plaisir que Lucius avait dû prendre, suffit à faire gonfler son sexe et à le faire tressauter dans son pantalon. Merlin merci !, le plaid était là, qui cachait tout ou partie de sa réaction, et Harry n'allait pas se moquer à nouveau de son excitation.

Il ricanait, cependant, jusqu'à ce que Severus, mortifié, ne se rende compte que le bruit qu'il avait perçu était un gémissement, et que ce gémissement ne provenait pas de son calice.

– Fais de beaux rêves, Severus..., gloussa Harry en se relevant avant de disparaître dans l'obscurité du couloir.

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ooOOoo

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Harry était beaucoup plus calme quand Severus le croisa quelques heures plus tard à la table du petit déjeuner et il se dit qu'il avait dû rêver. Ou du moins s'imaginer, dans sa torpeur mêlée de rêveries, tout le côté malicieux et provocateur de cette petite entrevue en pleine nuit.

Son calice était déjà installé à sa place quand Severus arriva, en train de faire la conversation avec une Aria en pleine forme dans sa chaise haute, juste à côté de lui. Harry lui avait donné un toast et sa fille le grignotait avec ravissement et avec force commentaires. Severus se servit un café et les observa en silence. Harry n'était pas un père gâteux, mièvre ou qui s'extasiait en permanence avec une voix suraiguë, et pourtant il paraissait presque plus proche et plus complice avec sa fille que n'avait pu l'être Draco avec ses propres enfants. Il lui parlait beaucoup, souvent en chuchotant, il riait beaucoup aussi, et Aria lui répondait avec enthousiasme en babillant des litanies de syllabes en –a. Leur amour crevait les yeux... mais ils étaient beaux à voir.

– Doucement, ma chérie, et tiens-toi bien, murmura Harry à l'oreille de sa fille. Je crois que nous sommes observés. Et Sev a l'air encore tout ronchon ce matin !

Un bruit de pas dans le couloir leur fit tourner la tête et empêcha Severus de grogner contre l'ironie de son calice.

– Et voilà Blondie ! gloussa Harry.

Ba di ! s'écria Aria en tapant sur sa tablette avec son toast.

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– Mark ! s'écria Harry en bondissant pour se lever.

Ils étaient passé au Petit Salon, Lucius dans son fauteuil, près de la cheminée, Severus songeur dans le sien et Harry assis par terre sur le tapis, à côté d'Aria qui mâchonnait un jouet en bavant avec application, quand le sourire et les boucles blondes du jeune homme apparurent à la porte.

– Coucou tout le monde, gloussa Mark en réceptionnant Harry dans ses bras. Comment tu vas ? Tu as l'air magnifique, ajouta-t-il après une brève étreinte qui, pour une fois, se passa de baisers.

– Je vais bien, sourit Harry. Et toi ? Je ne t'ai pas vu hier !

– J'ai passé la journée à Gringotts pour préparer la réunion de cette après-midi, grimaça Mark devant le sourire moqueur de Lucius. D'ailleurs, on a encore du boulot !

Avec une élégance toute Malfoyenne et sans même répliquer, Lucius se leva et contourna les innombrables jouets d'Aria éparpillés sur le tapis. En retenant un grognement, Severus remarqua le bras de son mari glissé autour de la taille de Mark, de la même façon qu'il avait retenu un grognement en voyant son calice dans les bras du jeune homme. Il aimait de moins en moins partager les hommes de sa vie.

– Et Mademoiselle Aria, elle va bien ? gloussa Mark tandis que Lucius l'entraînait vers son bureau. Il faudra que tu me racontes ton voyage ! Et les derniers épisodes que j'ai manqués !

– De quoi parle-t-il ? grogna Severus.

– Rien du tout, fit Harry tout sourire en attrapant sa fille pour la hisser sur sa hanche. Je descends au labo... Tu ne vas pas à la Librairie aujourd'hui ?

Severus marmonna une réponse évasive à base de « … Traduction à finir ». Son calice n'avait pas besoin de savoir qu'il avait surtout envie de s'imprégner encore de sa présence après son absence de trois jours. Sans forcément être dans la même pièce que lui... mais simplement le sentir dans le Manoir le rassurait. Et après l'espèce d'étreinte bizarre qu'il lui avait imposée la veille au soir après la morsure, Severus avait grand besoin de se rassurer sur le fait que Harry soit bien disposé à son égard.

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Il n'avait pas revu son calice de la matinée – pas plus que son mari ou Mark – mais ils se présentèrent tous dans la Salle à Manger pour le déjeuner. Sous le regard peu discret mais franchement amusé de Mark, Severus se chargea de faire manger Aria tandis que Harry dévorait avec appétit. Après l'avoir nourri deux fois la veille, son calice avait sans doute besoin de s'alimenter en conséquence mais cela l'impressionnait toujours. Et pas seulement lui, d'ailleurs !

Dès la fin du repas, sans même prendre le temps d'un thé, Lucius et Mark disparurent pour leur rendez-vous à Gringotts. Harry laissa Aria jouer un petit moment dans le Petit Salon puis il finit par lever les yeux vers lui.

– Est-ce que ça t'ennuie de garder Aria cette après-midi ? demanda-t-il doucement. Je dois repasser chez l'apothicaire et j'ai ce fichu rendez-vous chez le tailleur... Je ne pense pas en avoir pour très longtemps et puis c'est bientôt l'heure de sa sieste, elle ne te dérangera pas beaucoup. Mais si tu as besoin de travailler, je peux l'emmener avec moi.

Severus tressaillit et porta sa tasse de thé à ses lèvres pour se donner une contenance. Harry lui faisait assez confiance pour lui laisser sa fille alors qu'il s'absentait du Manoir... C'était inespéré. Quelques jours en arrière, il ne la laissait pas l'approcher et aujourd'hui, il lui demandait spontanément de jouer les baby-sitter. La volte-face était impressionnante et une reconnaissance bouleversée lui étreignit le cœur.

– Ça ne m'ennuie pas du tout, je n'avais pas l'intention de sortir... Et tu sais bien que j'ai toujours aimé m'occuper d'elle.

Un sourire doux et affectueux éclaira le visage de Harry, puis il se leva sans parvenir à cacher une grimace en prenant appui sur sa jambe gauche.

– Qu'est-ce que tu as ? gronda Severus plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu. Ce n'est pas la première fois que je te vois avoir mal à la jambe depuis ton retour.

Il n'en avait rien dit jusque là mais il l'avait remarqué. Dans un réflexe de douleur, Harry avait déjà porté la main à son genou en se relevant cette nuit, alors qu'il était resté un long moment accroupi, ou lorsqu'il devait se mettre debout depuis le sol. Sans compter qu'il semblait parfois boitiller de façon très légère.

– J'ai dû faire un faux mouvement en marchant dans la forêt, avoua Harry. C'est le genou où j'avais eu une fracture l'automne dernier. Il me fait mal de temps en temps, quand le temps est humide, mais là, j'ai dû forcer un peu trop...

Severus apprécia l'honnêteté de son calice tout en notant qu'il avait soigneusement évité de mentionner les raisons de cette fracture. Presque un an après, la captivité de Harry laissait encore des traces dans les gestes les plus simples et cette idée souleva violemment ses instincts de vampire.

– Mmh, grogna-t-il. Tu vas aller coucher ta fille et tu vas me montrer ce genou.

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Harry n'avait même pas protesté, devinant sans doute qu'il ne servait à rien d'argumenter pour l'instant. Il avait pris Aria dans ses bras pour monter l'escalier en colimaçon et Severus avait suivi, le regard dur et le visage fermé. Il lui avait fallu quelques minutes, le temps que Harry change la couche de sa fille puis la mette au lit, pour se reprendre et parvenir à esquisser un sourire au bébé tandis qu'ils sortaient de sa chambre à pas feutrés.

– Ne songe même pas à t'échapper sans me montrer ton genou, grogna Severus en attrapant son calice par le bras.

Harry gloussa discrètement puis bifurqua vers la porte de sa chambre sans quitter son sourire amusé. Severus était persuadé qu'il avait bel et bien eu l'intention de partir directement mais il n'était pas né de la dernière pluie. Il hésita cependant sur le seuil de la chambre tandis que son calice était parti s'asseoir sur le lit.

– Severus..., soupira Harry d'un air las. Tu es bien rentré hier matin pour venir voir si j'allais bien...

Severus grogna pour lui-même et s'avança jusqu'à son ancien lit.

– Luce m'a dit que tu n'avais pas voulu venir ici avec lui, pendant mon absence... Je ne t'en aurais pas voulu, tu sais. Ça a été ta chambre bien plus longtemps que ça n'a été la mienne...

Son mari avait pourtant eu les mêmes arguments mais c'était encore plus difficile à entendre de la bouche de son calice. Severus grimaça sans répondre. Jamais il n'aurait pu s'allonger dans ce lit en compagnie de Lucius, et encore moins faire l'amour avec lui. Ça paraissait juste inconcevable. Cette chambre n'était plus sa chambre. Il ne faisait plus partie de ce couple que formaient Harry et Lucius.

– Enlève ton pantalon.

– Sev !..., fit Harry en roulant des yeux.

Il se leva malgré tout et déboutonna son pantalon avant de le faire glisser le long de ses cuisses jusqu'à le retrouver sur ses chevilles. Severus l'avait aperçu nu la veille mais il retrouvait avec bonheur la peau si dorée de son calice. Un bonbon au caramel, si parfumé et si tentant qu'il avait envie de le lécher.

– Allonge-toi.

Harry grogna pour la forme puis bascula pour étendre ses jambes, les bras tendus appuyés derrière lui, tandis que Severus venait s'asseoir sur le bord du lit.

– Et depuis quand tu es médicomage ?! protesta mollement son calice.

– Je ne le suis pas mais je suis un vampire. Et je suis ton vampire. Mon sang ou ma salive ont des propriétés de guérison ou de cicatrisation bien particulières sur le commun des mortels, mais le lien entre nous fait qu'elles sont encore plus efficaces sur toi.

Tout en énonçant cette vérité qui devait n'inspirer que du dégoût à son calice, Severus avait posé sa main sur le genou légèrement rouge et enflé. La peau était chaude, plus que la normale, et Harry tressaillit en serrant les dents quand il voulut masser la base de la rotule. Il n'y avait pas que cette fracture ancienne et mal consolidée, les ligaments aussi avaient souffert lors de sa captivité, au point que son genou restait particulièrement instable. Une marche prolongée sur un sol inégal avait suffi à réveiller une douleur plus intense que son calice ne voulait bien l'avouer.

– Tu as pris des potions ? interrogea Severus. Contre la douleur ou contre l'inflammation ?

– Non, rien, répondit Harry en observant cette main immense et fraîche posée sur son genou. Je sais bien qu'en théorie, il faudrait faire disparaître les os d'un sortilège et tout reconstruire à l'aide d'une Poussos, mais jusque là, je n'avais pas si mal... Quand ma magie a consolidé la fracture, elle avait tellement à faire que certaines choses ont été un peu rapides ou même bâclées.

Il haussa les épaules puis se tut alors que Severus effleurait doucement les rondeurs osseuses de sa jambe.

– Je peux te proposer deux choses, dit-il enfin. Ou je te mords au niveau du genou; pas pour boire ton sang, mais pour y faire pénétrer mon propre sang et ma salive, ou bien je déploie mes pouvoirs de manière plus générale. Ça agira également sur ton genou, mais la sensation sera sûrement écrasante pour toi, et pas forcément confortable.

Harry grimaça, mais sa réponse fut rapide et sans hésitations.

– J'aimerais autant éviter la morsure.

Severus hocha la tête, sans savoir comment prendre la réaction de son calice. Est-ce que Harry gardait de si mauvais souvenirs des fois où il l'avait mordu ailleurs qu'au poignet ou dans le cou ? Est-ce qu'il craignait tant d'avoir mal ?... Est-ce qu'il avait encore mal, d'ailleurs, quand il le mordait chaque soir ?! Parfois il gémissait, mais cela ressemblait davantage à des gémissements de plaisir...

En revanche, il acceptait que Severus déploie ses pleins pouvoirs de vampire dans l'optique de soulager son genou... Cela supposait une confiance en lui qui le surprenait – et que Severus n'était même pas sûr de mériter – mais qui le bouleversait. Son pouce caressait doucement la peau de son calice, tandis qu'il restait songeur et hésitant.

– Sev... J'ai rendez-vous chez le tailleur, rappela doucement Harry. Vas-y.

– Ça risque d'être... assez désagréable, insista Severus. Tu es sûr de vouloir... ?

– Fais ce que tu as à faire.

Le sourire serein de son calice acheva de convaincre Severus et il commença à libérer progressivement son aura de vampire. Il ne voulait pas brusquer Harry, et au contraire l'habituer petit à petit pour qu'il soit gêné le moins possible, mais rapidement, celui-ci laissa échapper un gémissement prolongé et ses bras cédèrent, le laissant tomber de tout son long sur le lit.

Harry se mordait la lèvre, le visage crispé, les yeux clos et la tête rejetée en arrière, la nuque si arquée qu'elle n'en touchait plus les draps. Les muscles de sa cuisse étaient tendus, impressionnants de volume et de fermeté, mais Severus ne se sentait pas le droit de les caresser. Pour abréger la souffrance de son calice, il libéra d'un coup l'ensemble de ses pouvoirs, au point que l'atmosphère de la chambre lui parut, même à lui, difficilement respirable.

Sa magie pénétrait lentement dans le corps de Harry, épaisse et écrasante. Les voilages du baldaquin et les rideaux s'agitaient sans un bruit alors que le silence paraissait vibrer de manière presque tangible, agressant ses propres oreilles si sensibles. Une véritable chape de plomb s'était abattue dans la chambre, lourde et immobile, si pesante que Harry devait avoir l'impression que son cœur allait s'arrêter.

– Oh, Merlin ! gémit-il avec un bruit de hoquet sanglotant.

Severus sentait sa magie œuvrer dans l'articulation fragile de son calice et il fit ce qu'il put pour accélérer le processus. Il était concentré, focalisé, presque au bout de son effort lorsqu'il sentit la main de Harry s'enrouler brusquement autour de son poignet. Il devait être arrivé au bout de ce qu'il pouvait supporter.

Severus résista à la poigne de son calice quelques secondes de plus, le temps de parachever la guérison de son genou, puis il lâcha prise. Mais la main de Harry, loin d'écarter la sienne, l'attira au contraire vers lui, et l'obligea à se poser sur son entrejambe. Avec un gémissement éperdu qui fit frémir Severus des pieds à la tête, son calice maintenait sa main sur un sexe dur et tendu qu'il n'avait même pas remarqué jusque là, soulevant même les hanches pour augmenter la pression.

– Harry... Arrête, murmura Severus en cherchant à libérer son poignet. Tu n'es pas dans ton état normal. C'est le contact avec ma magie qui t'incite à vouloir un plaisir sexuel...

– Je me fous des raisons ! grogna Harry avant de gémir à nouveau. Bon sang, Sev ! Tu es responsable de ça, soulage-moi !

Severus ne pouvait plus détacher son regard de cette grosseur proéminente dont il sentait toute la longueur sous ses doigts. Le dilemme était cornélien, la tentation diabolique. Comment pouvait-il résister à ça : sentir sous sa main le sexe plein de désir de son calice et renoncer à lui apporter soulagement et plaisir ?! Dans son propre pantalon, sa verge gonflée palpitait du même désir et il devait faire appel à toute sa volonté pour ne pas profiter de la situation.

– Sev..., gémit encore Harry.

Il sentit les doigts de son calice se crisper sur les siens pour l'inciter à caresser, à frotter ou à serrer, n'importe quoi qui puisse soulager l'insolence de son désir. Et Severus se prit à gémir lui aussi.

Puis il céda. Par-dessus l'étoffe du boxer, ses doigts se refermèrent sur les bourses de son calice puis remontèrent le long de son érection en la pressant fermement.

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oooooo

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Deux heures plus tard, quand Harry revint de son rendez-vous chez le tailleur, Severus sortait à peine Aria de son lit après sa sieste. Déjà vive mais les yeux encore gonflés de sommeil, elle se pencha dès qu'elle vit apparaître son père dans la chambre, pressée de rejoindre ses bras. Plus déçu qu'il ne voudrait bien l'admettre, Severus la laissa glisser vers Harry qui semblait aussi serein et tranquille qu'à son habitude.

Sa fille dans ses bras, il se dirigea vers la commode et l'allongea sur le plan à langer pour lui changer sa couche.

– Alors, ma chérie, bien dormi ? sourit-il en lui chatouillant le ventre. Elle a été sage ? ajouta-t-il pour son vampire.

– Je ne l'ai pas entendue jusqu'à maintenant, répondit Severus, légèrement mal à l'aise. Et ton rendez-vous ?

– C'est bon. Le costume est prêt, fit Harry en faisant sauter les pressions du body d'une main habile. Du moins, à moi, il me va parfaitement. Le tailleur voulait encore déplacer un ou deux boutons et reprendre le pli dans le dos pour quelques millimètres, mais je lui ai dit d'arrêter de chipoter ! gloussa-t-il. Merci d'avoir gardé Aria...

Severus hocha la tête sans quitter du regard le ballet des mains de son calice qui défaisaient la couche, nettoyaient sa fille avec des gestes précis, la soulevaient par les chevilles en glissant une couche propre sous ses fesses avant de la rhabiller rapidement. Une impression d'irréalité le tenaillait douloureusement. À vrai dire, il ne savait plus à quoi s'en tenir.

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Tout à l'heure, sa magie avait fait réagir Harry et il avait fini par le masturber à travers son boxer. Avec un plaisir coupable, il avait fait courir ses doigts sur le tissu qui cachait sa verge tendue et dure comme un morceau de bois jusqu'à le sentir se crisper dans l'orgasme. Le tout n'avait duré que quelques poignées de secondes, une minute ou deux. Un gémissement étranglé, une auréole humide qui était apparue sur le coton sombre avant de s'agrandir progressivement. Quelques gouttes blanchâtres échappées sur sa peau, à la lisière de l'élastique de son boxer, que Severus aurait rêvé de lécher ou de ramasser du bout des doigts avant de les porter à sa bouche...

Puis après avoir repris son souffle, Harry s'était relevé. Dans le dressing, il avait retiré son boxer sale dont il s'était servi pour s'essuyer sommairement, puis il en avait enfilé un propre avant de remettre son pantalon. À la question de savoir comment allait son genou, il avait fait quelques flexions rapides avant de déclarer que tout allait parfaitement bien. Puis, sur un « Je me sauve. À tout à l'heure! », Harry avait disparu sans le moindre commentaire sur ce qui venait de se produire.

Et à présent qu'il était revenu, Severus se sentait toujours aussi déstabilisé, avec l'impression coupable d'avoir profité de ses pouvoirs, mais Harry n'y faisait toujours aucune référence et il ne semblait pas du tout perturbé par l'événement.

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Il n'y fit pas plus référence dans les jours qui suivirent et qui s'enchaînèrent à toute vitesse. Lucius paraissait effervescent, pris entre les préparatifs de dernière minute du mariage, des détails à ajuster et plusieurs ventes aux enchères d'importance qui se succédaient en cette fin de septembre. Il était sans cesse dans son bureau avec Mark, avec les elfes de maison pour finaliser plans de table et menus, ou bien parti avec Blaise pour organiser ses achats d'œuvres d'art. Cela ne l'empêchait pas d'être de très bonne humeur, mais il paraissait surtout débordé et fatigué.

Severus, lui, était pris dans ses propres tourments et ses interrogations sans réponse au sujet de son calice. Il ne comprenait pas pourquoi Harry s'était laissé aller aussi librement avec lui sans jamais y revenir par la suite. Et lui-même n'osait pas l'interroger, de peur de briser le silence tacite qui entourait ces « incidents ». Il y avait d'abord eu cet orgasme spontané lors de la première morsure à son retour de l'autre bout du monde, puis cette étreinte étrange que Severus lui avait imposée, le visage enfoui contre son ventre, tandis que son calice caressait ses cheveux, et enfin cette érection intempestive lorsqu'il avait déployé ses pouvoirs.

Severus n'en revenait toujours pas, d'ailleurs. Pouvoir toucher son calice était déjà étrange et inespéré, mais le toucher ... Masser, masturber, ce sexe gorgé de sang, lui offrir cette caresse si intime, tenir son plaisir entre ses doigts... et Harry qui s'était laissé faire. Qui l'avait même supplié de le soulager jusqu'à l'orgasme. Et ensuite, la vie qui reprenait comme si de rien n'était.

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Harry, lui, semblait au-dessus de tout ça, au-dessus de l'effervescence de Lucius, au-dessus des inquiétudes de Severus, il était d'un calme olympien et d'une sérénité à toute épreuve. Tendre avec sa fille, complice et rieur avec Mark, paisible et détendu avec eux... Lucius avait dit qu'il le trouvait plus posé depuis qu'il était un vampire, mais Severus aurait pu dire la même chose de son calice. Depuis quelques semaines, et encore davantage depuis son retour du Sarawak, Harry avait gagné en quiétude et en paix. Il y avait eu ces petits sursauts d'inquiétude lors du retour de sa fille ou lors de sa rencontre avec un autre vampire à l'Opéra, mais depuis, Harry semblait apaisé. Est-ce qu'il avait enfin trouvé les réponses qu'il cherchait ? Est-ce que prendre du recul lui avait enfin permis de se sentir mieux en tant que calice et de ne plus renier sa nature profonde ?... Severus n'en savait rien – et il ne voulait pas provoquer cette conversation-là – mais la sérénité de son calice était apaisante pour lui aussi.

S'ils gardaient encore leurs distances – trop à son goût –, les choses semblaient tout de même plus simples entre eux. Harry le laissait spontanément s'occuper d'Aria, lui donner à manger pendant les repas ou intervenir si elle se réveillait la nuit. Il la lui confiait s'il avait besoin de sortir ou de descendre au laboratoire, il l'incluait dans les « discussions » avec sa fille et Severus l'entendait parfois parler de lui lorsqu'il plaisantait avec elle. Et jamais en mal.

Tous les soirs, Harry se laissait mordre dans la chambre et il faisait en sorte que ce moment soit précieux. Il s'attardait, il prenait le temps de la douceur, de parler un peu... Sans jamais évoquer leur lien ou leur relation, ils échangeaient leurs impressions à propos d'Aria, de Lucius, du mariage à venir, même si Harry restait assez secret à ce sujet, ou ils parlaient de son voyage au Sarawak.

Parfois, Harry avait même des gestes... « tendres ». Une main qui s'attardait sur son épaule comme une caresse, une façon de poser sa main sur le genou de Severus pour prendre appui et se lever, des effleurements qu'aucun des deux ne fuyait lorsque Aria passait des bras de l'un à l'autre... Il y eut même une fois où Harry, au moment de s'absenter après le déjeuner, se pencha pour embrasser Lucius et, sans réfléchir, par une habitude ancienne, se pencha ensuite vers lui pour l'embrasser à son tour. Severus était resté figé tandis que son calice s'apercevait de sa méprise. Harry avait souri, haussé les épaules et le baiser avait fini dans ses cheveux sous le ricanement moqueur de Lucius.

Mais, au grand regret de Severus et malgré les incidents qui avaient eu lieu entre eux, les gestes n'allaient jamais plus loin. Les morsures excitaient toujours son calice, mais pas au point de lui déclencher un orgasme, ni au point de lui demander de l'aide pour se soulager. Seul Lucius récoltait encore et encore les fruits de cette excitation-là, ce qui laissait Severus légèrement amer et jaloux, et surtout profondément résigné.

Il y eut même un matin, au petit déjeuner, où Mark, qui prenait un café avec eux, désigna du bout du doigt des marques de cordes sur le poignet de Harry, juste à côté de lui. Le geste était discret, silencieux, à peine orné d'un sourire narquois. Harry pinça les lèvres, sans pouvoir empêcher un sourire en coin, puis ajusta les manches de sa chemise pour couvrir ses poignets. Aucune parole, aucune question ni aucune explication nécessaire... Mark savait très bien de quoi il s'agissait et sa complicité avec Harry était telle qu'il était parfaitement au courant de leurs pratiques particulières.

Severus ne s'attendait pas à la douleur qui le saisit ce matin-là. Une douleur idiote et ridicule, mais assez vive pour l'inciter à se lever et à se retirer dès qu'il le put. La proximité de son calice apaisait ses instincts de protection, mais parfois, être dans la même pièce que lui était simplement trop. Trop de tentation, trop de renoncement, trop de regrets et de jalousie. Sans compter qu'il n'avait plus eu de moments intimes avec Lucius depuis le retour de Harry et que cela aussi lui manquait cruellement.

Les trois jours de l'absence de son calice avaient été largement suffisants pour que Severus renoue avec bonheur aux plaisirs charnels avec son mari, mais aussi aux nuits passées ensemble, à la chaleur d'un corps contre le sien, à la complicité des conversations sur l'oreiller ou des séances de sexe au petit matin. Harry était revenu mais son retour avait brisé tout ça. Et depuis, il s'allongeait chaque nuit sur le canapé de la Bibliothèque – la Bibliothèque où Harry ne revenait plus –, enroulé dans un plaid pour se donner inconsciemment l'illusion d'une étreinte, et il se laissait rêvasser une heure ou deux au fil de la musique, s'imaginant ailleurs. Et pas seul.

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Merci à tous de votre lecture, de votre fidélité (malgré les bugs du site), et de vos commentaires pour certains. Je rappelle aux guests que je ne peux malheureusement pas leur répondre si elles ne sont pas loguées...

Une fin en demi-teinte, parce que Severus doute, mais ce sera incroyablement plus doux la semaine prochaine! (et celle d'après!) ;)

Au plaisir

La vieille aux chats