Résumé: De retour de son absence à l'autre bout du monde, Harry se montre bien plus à l'aise et en accord avec sa nature de calice. Malgré les doutes récurrents de Severus, il lui offre des moments passés ensemble, une complicité renouvelée et même l'autorisation de le mordre dans le cou à quelques heures de la cérémonie de mariage...

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2è partie de cette journée de mariage et on retrouve Severus, toujours troublé et bouleversé par cette morsure ^^ Bonne lecture!

( Je pars en vacances pour 15 jours; j'espère trouver du réseau pour pouvoir publier le chapitre suivant la semaine prochaine mais sans garantie 😞 )

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Severus se laissa guider par la musique pour rejoindre le salon d'apparat qui accueillait les invités du mariage avant la cérémonie. Un piano, des cordes, une mélodie agréable et légère dont il ne reconnaissait pas le compositeur. Lucius avait toujours eu des goûts un peu différents des siens et une passion particulière pour la musique classique et le piano, quand lui préférait l'opéra ou le jazz. Le blues, également, et il aurait volontiers écouté quelque chose d'un peu mélancolique à cet instant, à l'image de son humeur. Le mariage n'était plus qu'une question de minutes, et Severus éprouvait déjà une nostalgie poignante à l'idée du moment de bonheur absolu qu'il venait de passer avec Harry.

La morsure, l'étreinte pleine de tendresse, ce temps suspendu volé à une journée effervescente, le calme et la chaleur de son corps contre le sien, l'impression d'une confiance retrouvée. L'amour désespéré qui l'avait étreint lorsqu'il avait embrassé les cheveux fins, légèrement humide de sueur, sur la tempe de son calice. Un moment unique. Révolu. Et maintenant, Harry allait s'unir avec Lucius.

En parcourant le dernier couloir qui le rapprochait du bourdonnement qui couvrait la musique, Severus se demanda son calice le laisserait le mordre la prochaine fois... Harry avait apprécié la morsure mais il ne voulait pas trop espérer. La crainte de la chute et de la déception, encore une fois.

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Severus porta son regard sur l'immense miroir qui faisait face aux doubles portes du salon, grandes ouvertes sur le brouhaha des voix et des rires. Un habile moyen d'apercevoir ce qui l'attendait et de repérer quelques têtes connues, tandis qu'il était encore invisible aux yeux de tous. Il y avait beaucoup de personnes dans cette assemblée qu'il n'avait pas revues depuis qu'il était devenu un vampire et il n'était pas particulièrement impatient de cette confrontation.

Fatigué, il plissa les yeux devant la luminosité de la pièce avant de constater avec étonnement que le salon n'était éclairé que de lumières artificielles. Les lustres étaient clinquants, les lampes nombreuses, les chandeliers parsemaient le dessus des cheminées, les guéridons et les consoles, mais les grandes portes-fenêtres qui donnaient sur le jardin étaient, elles, opaques comme la nuit la plus noire et voilées de lourds rideaux. Un remerciement chaud et muet traversa son cœur à l'idée que Harry avait pensé à lui jusque dans les détails de son mariage.

Severus sursauta soudain quand deux petites silhouettes surgirent devant lui, au coin de la porte. Elles l'évitèrent de justesse puis reprirent leur course dans le couloir.

– Salut Sévie ! s'écria Minerva en agitant la main derrière elle tandis qu'elle disparaissait dans le Hall d'entrée.

Severus pénétra dans le salon d'apparat en grommelant encore des imprécations contre sa petite-fille. Minerva prenait parfois un peu trop ses aises quand elle traînait avec la fille de Georges et Angelina... et cela n'allait sans doute pas s'arranger une fois qu'elle serait elle aussi à Poudlard !

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– Severus..., fit une voix onctueuse à son oreille tandis qu'un bras s'enroulait autour de sa taille. Tu es magnifique, ce soir ! Si ce n'était pas déjà fait, je crois que je t'aurais épousé...

Surpris, Severus se tourna légèrement pour faire face au regard chaud et brillant de son mari. La main sur ses reins était pressante, intentionnelle, oublieuse des gens autour d'eux, des conventions sociales, des regards et des murmures qui ne manqueraient pas de commenter ce geste. Lucius n'était pas pourtant pas coutumier des démonstrations d'affection en public, même devant les très proches ou la famille, mais aujourd'hui, il semblait ne pas s'en soucier le moins du monde. À vrai dire, depuis qu'il n'était plus Ministre, Lucius ne se souciait plus beaucoup du regard des gens et ses attentions étaient de plus en plus fréquentes. Un regain de liberté qui n'était pas pour déplaire à Severus. Il avait trop longtemps vécu dans l'ombre et les gestes retenus pour ne pas savourer le moindre effleurement entre eux.

Tout en maintenant sa main sur ses reins, Lucius s'était légèrement reculé pour le contempler des pieds à la tête avec un regard pour le moins appréciateur.

– Je n'ai jamais vu ce costume. Tu l'as fait faire pour le mariage ?

– Évidemment ! bougonna Severus en roulant des yeux. Pour quelle autre occasion ?

– Il te va magnifiquement bien...

À vrai dire, Severus l'appréciait beaucoup lui aussi, mais il se contenta de grogner, mal-à-l'aise sous le compliment de son mari.

– C'est Monsieur André qui te l'a fait ?

– Oui. Avec quelques indications sur ce que je souhaitais, il a particulièrement bien travaillé...

– Le meilleur tailleur d'Angleterre, sans doute, commenta Lucius avec un hochement de tête satisfait. Il s'est bien gardé de m'en parler !

Severus laissa échapper un sourire en coin, ravi de la discrétion du tailleur. Quelque part, il avait souhaité faire la surprise à son mari et c'était plutôt réussi. Si le pantalon restait assez classique, quoiqu'un peu plus près du corps que ses pantalons habituels, la veste du costume, elle, ressemblait beaucoup à celle que lui avait offerte Mihai. Une sorte de jaquette en tissu un peu épais, cintrée et fermée par un seul bouton, et qui lui arrivait à mi-cuisses. La coupe mettait en valeur la finesse de sa taille par rapport à la carrure de ses épaules, les broderies et les passementeries lui donnaient un côté un peu suranné qui allait parfaitement bien avec sa nouvelle condition de vampire et surtout, la couleur violine/lie de vin s'accordait divinement à celle de ses lèvres. Le contraste avec sa peau si blanche semblait si fascinant que même Lucius avait du mal à quitter son visage des yeux.

– On dirait que tu es maquillé..., murmura-t-il avec une émotion mal dissimulée.

La main de Lucius avait quitté ses reins pour venir se poser sur sa joue du bout des doigts et son pouce vint effleurer ses lèvres presque brunes.

– … Tu es sublime.

– Harry vient de me nourrir, marmonna Severus, troublé malgré lui par la caresse délicate.

Le sourire de Lucius devint si espiègle qu'il se sentit obligé de se justifier.

– Il a préféré me faire boire avant tout ce bazar. Il voulait pouvoir profiter d'une petite coupe de champagne, ce soir, et trinquer à votre mariage...

Lucius gloussa puis s'approcha légèrement pour effleurer ses lèvres d'un baiser fugace.

– Et il a bien raison ! Le champagne de d'Alagnac est délicieux ! Dommage que tu ne puisses plus en profiter...

– D'Alagnac ? grogna Severus.

– Oui. Ton homologue que nous avions croisé à l'Opéra, tu ne te souviens pas ?

L'ironie manifeste de Lucius lui fit plisser les yeux de contrariété.

– Il nous avait envoyé, entre autres choses, une caisse de champagne, quelques jours plus tard, reprit Lucius. Pour se faire pardonner d'avoir « empiéter sur ton territoire » en discutant avec Harry, ce soir-là. Je ne t'avais pas dit ?... Et ma foi, son champagne est excellent. Je lui ai donc demandé de pourvoir au nécessaire pour le mariage... Il doit d'ailleurs tenir absolument à rentrer dans tes bonnes grâces car il m'a fait un prix presque ridicule !

Severus déglutit difficilement tandis que son mari replaçait sa main sur ses reins tout en le dévisageant avec un sourire amusé. Ils avaient oublié la petite foule des invités autour d'eux, sous les lustres dorés du salon d'apparat, oublié le mariage, les conventions sociales et la bienséance; il ne restait qu'eux deux, Harry caché quelque part dans les étages, le sentiment de possession qui le liait à son calice et que son mari savait si bien taquiner, et l'idée vague d'une menace sur leur relation.

Avec suffisance, Lucius pencha légèrement la tête sur le côté et arbora un sourire moqueur.

– Oh... Tu es jaloux... Comme c'est mignon !

Severus respira profondément pour maîtriser sa contrariété – jalousie ? – et s'efforça de retrouver la même quiétude et la même sérénité qu'en tenant son calice contre lui, entre ses bras, tout-à-l'heure, la même sensation de confiance que rien ni personne ne pouvait entamer. Harry était seul juge de la place qu'il lui accordait, et Harry venait de le laisser le mordre dans le cou.

– En tout cas, murmura Lucius à son oreille, je peux t'assurer qu'en terme de prestance et de fascination, aucun vampire ne sera jamais à ta hauteur. Harry n'est pas prêt de se détourner de toi.

– Qu'en sais-tu ? grogna Severus.

– Je le sais. Crois-moi, je le sais.

Malgré tout, il aurait préféré que Harry ne se détourne pas de lui pour d'autres raisons que son pouvoir de séduction. Mais on ne commande pas les sentiments et ils partaient de si loin...

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– Un instant, Monsieur Potter, s'il-vous-plaît !

Harry s'arrêta brusquement, surpris par la main sur son bras, par ce majordome engagé pour l'occasion que Clay avait fusillé du regard lors de son arrivée, et par cette injonction qui l'empêchait de rejoindre ses invités. Il était déjà en retard – à son propre mariage ! – et Lucius allait finir par lui en vouloir vraiment s'il tardait encore davantage.

– Monsieur Malfoy souhaitait que vous apparaissiez à son bras pour votre entrée... Pouvez-vous attendre un instant que j'aille le chercher ?

Harry leva les yeux vers le majordome, raide et droit dans sa livrée sombre et presque austère. Son visage était on ne peut plus sérieux. Il n'avait pas l'air d'être un homme à plaisanter facilement, surtout en de pareilles circonstances.

Harry gloussa puis éclata de rire en faisant un signe de tête au majordome qui s'éloigna vers le salon avec un regard circonspect. Décidément, Lucius ne lui épargnerait rien ! Lord jusqu'au bout des ongles ! Avec une inquiétude subite, il baissa les yeux sur ses mains et vérifia que ses propres ongles étaient impeccables avant d'éclater de rire à nouveau et de secouer la tête.

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– Eh bien ! s'amusa une voix reconnaissable entre mille. Tu as l'air bien gai ! Au moins, je suis certain que tu ne te maries pas à contrecœur...

– Imbécile ! gloussa Harry tandis que les bras de son futur mari se glissaient autour de sa taille.

Il attrapa Lucius par les revers de sa veste pour l'approcher un peu plus de lui et l'embrassa en souriant.

– C'est quoi cette idée saugrenue de me faire entrer à ton bras ?!

– C'est quoi cette idée saugrenue d'arriver en retard à son propre mariage ?! ricana Lucius. Ma vieille tante au deuxième degré a failli s'endormir sur son fauteuil et Lady Selwyn en est déjà à sa quatrième coupe de champagne !

Harry grimaça en se sentant à moitié coupable. Il ne pouvait décemment pas avouer que la fatigue l'avait rattrapé après sa douche et qu'il avait failli s'endormir, encore humide et allongé sur le lit. La perte de sang l'avait délicieusement épuisé... ou plutôt l'intensité de cette morsure-là et le plaisir invraisemblable qu'il avait éprouvé.

– Quelle idée d'avoir invité ces gens aussi ! marmonna-t-il pour se défendre.

Du coin de l'œil, Harry aperçut le majordome qui les fixait avec un air affolé devant l'heure et le temps qui filaient encore.

– Bienvenue dans un monde de conventions sociales, trésor !

Le regard moqueur de Lucius glissa vers son cou et deux doigts vinrent écarter doucement le col de sa chemise.

– En revanche, ceci n'est pas très conventionnel...

Sans pouvoir s'en empêcher, Harry frémit tandis que les longs doigts fins effleuraient les deux traces rouges sur sa peau. C'était presque un sacrilège de laisser quelqu'un toucher les preuves de la morsure de son vampire, mais Lucius n'était pas n'importe qui. Il était leur amant, son futur mari, et bizarrement, ce toucher-là l'excitait, même si ce n'était vraiment pas le moment !

– … Severus n'a pas résisté à l'envie de te laisser ses marques pour le mariage... C'est pour ça qu'il semblait si fier et satisfait tout à l'heure !

Harry secoua la tête pour chasser l'excitation malvenue qu'il ressentait à la caresse de Lucius et à l'idée de porter les marques de son vampire.

– Depuis le pavillon chinois, Severus ne m'a jamais mordu dans le cou... Laisse-le savourer sa fierté !

– Messieurs ! pressa le majordome.

Lucius leva un sourcil étonné – par l'interruption ? ou plus sûrement par sa révélation – puis, sans un commentaire, se détourna vers le domestique.

– Allez-y, annoncez-nous. Nous reparlerons de cela plus tard, mon chéri, ajouta-t-il un ton en-dessous. Je crois que tu as des choses à me raconter.

– Nous ne reparlerons de rien du tout, Blondie ! gloussa Harry tandis que le majordome s'avançait vers la double porte du salon d'apparat. Parce que cela ne te regarde pas !

– Mesdames et Messieurs... Veuillez s'il-vous-plaît accueillir Lord Lucius Malfoy et Lord Harry Black-Potter...

Harry glissa sa main sur le bras de son futur mari qui ne trouva rien de mieux pour se venger de son impertinence que de venir mordiller le lobe de son oreille avant de l'embrasser dans le cou, juste au-dessus des morsures de Severus. En s'avançant vers le salon où éclataient les applaudissements, il frissonna des pieds à la tête.

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Une petite main insistante s'agrippa à son pantalon tandis que Harry s'avançait vers un autre groupe de personnes à saluer. Il se pencha pour découvrir en souriant le visage réjoui de Scorpius et le prit dans ses bras pour le hisser sur sa hanche.

– Bonjour, poussin. Dis donc, tu es beau comme un prince, aujourd'hui ! Tu as même mis un nœud papillon !

– Comme papa !

– Comme papa..., acquiesça Harry en apercevant Draco, un peu plus loin, qui souriait de toutes ses dents en discutant avec Lucius.

Pour une fois, ces deux-là semblaient avoir mis de côté tous leurs griefs, le temps d'une soirée, le temps d'un mariage... On ne pouvait pas dire que le père et le fils s'entendaient mal, loin de là, mais leur relation restait souvent un peu froide, ambivalente, pleine de jugements gardés pour soi et de regards réprobateurs. L'éducation des enfants, la rancœur de ce mariage que Lucius avait refusé de toutes ses forces, leurs choix professionnels ou politiques... autant de sujets de conflit qui maintenaient toujours un fond de tension entre eux.

Mais aujourd'hui, Lucius riait de bonne grâce et Draco semblait détendu, les épaules relâchées comme rarement... Ils paraissaient heureux. L'un et l'autre, et peut-être l'un pour l'autre.

– 'As bobo, 'Ry ?

Harry sursauta avant de frissonner. Avec son regard d'ange et ses doigts curieux, Scorpius venait de frôler une des marques sur son cou.

– Non, pas bobo, poussin.

– Pas bobo ?

– Pas bobo, mais pas toucher, d'accord ?

– 'Accord...

Harry sourit devant l'innocence si conciliante de Scopius et l'embrassa dans les cheveux.

– Tu as fait un bisou à Sévie, déjà ?

Tandis que le petit garçon secouait la tête, Harry glissa un regard vers son vampire, assis dans un fauteuil de l'autre côté de la salle et en grande discussion avec Sebastiaan. Severus souriait, lui aussi, et paraissait ravi de la présence de son ami. Harry ne lui avait rien dit, préférant lui faire la surprise, et à voir la réaction de son vampire, il était ravi de son initiative.

– Allez. Va voir Sévie pendant que je dis bonjour à tout le monde, fit Harry en déposant Scorpius sur le sol.

– Sévie ! s'écria-t-il en levant les bras avant de se mettre à trottiner vers son grand-père.

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– Monsieur le Ministre, Monsieur l'Ambassadeur..., salua Harry avec amusement en s'avançant pour serrer la main de Francis Dorléans et de Håkon. Madame...

Mandy gloussa tandis qu'elle pivotait le poignet pour éviter le baisemain et lui serrer la main avec une poigne franche et naturelle.

– Monsieur Potter, s'amusa Håkon de sa voix grave et vibrante. La cérémonie n'a pas encore eu lieu mais... félicitations pour ce mariage. Et si je n'ai pas l'occasion de vous le redire, tous mes vœux de bonheur avec Lucius.

Harry sourit en hochant la tête, admiratif une fois de plus des yeux si clairs et si perçants de l'ambassadeur.

– Vous savez, quelle que soit la manière, nous serons toujours trois dans ce mariage...

Un éclat de rire attira son attention un peu plus loin et il reconnut le sourire joyeux d'Angelina en compagnie des quatre frères Weasley. Une marée de têtes rousses qui lui rappela des souvenirs anciens et moelleux.

Le regard de Harry revint vers le visage de Håkon et il vit passer un éclair de surprise dans ses yeux bleus. L'ambassadeur devait savoir plus ou moins ce qui s'était passé avec Severus depuis sa morsure. Sans compter que Lucius s'était peut-être confié à lui quand il avait envisagé sa démission ou pendant leur enfermement dans le pavillon chinois... Il était devenu assez proche de Håkon; moins que lui avec Mark mais suffisamment pour avoir des conversations privées qui ne tenaient pas que de la politique. Le revirement de situation avec Severus et sa déclaration qui l'incluait à leur vie de manière évidente devaient le surprendre. Pourtant Mark avait su certaines choses... Mark qui n'était nulle part en vue.

Du regard, Harry fouilla la foule pour apercevoir les boucles blondes du jeune homme avant de sentir une paire de bras possessifs se refermer sur son torse.

– Oh, bon sang, chéri !...

Harry ferma les yeux une seconde pour savourer l'étreinte puissante de son ami tandis qu'un large sourire s'étalait sur son visage.

– Tu es magnifique... Mais tu en as mis un temps ! J'ai cru que tu n'arriverais jamais ! Et Lucius commençait joliment à s'impatienter !

– C'est vrai ? gloussa Harry en se retournant pour faire face à Mark qui rayonnait littéralement de joie. Je me suis presque endormi après la morsure de Severus, lui murmura-t-il à l'oreille. Pourtant, Luce ne m'a pas fait de reproches...

– Il était soulagé que tu arrives enfin ! pouffa Mark. Alors, ça y est, c'est le grand jour ? La bague au doigt et pour de vrai, cette fois-ci !...

Les bras autour de la taille de son ami, Harry savourait la bouffée de bonheur et d'émotion qui enflait lentement dans son cœur. Mark n'était pas dans un meilleur état que lui, les yeux brillants, le sourire un peu crispé et tremblotant. Ils savaient tous les deux tout ce que cela signifiait, tout le chemin parcouru depuis sa captivité, tout ce qu'il avait fallu surmonter, reconquérir, malgré les viols, malgré la morsure de Severus, malgré toutes les épreuves et les disputes...

Mark se recula légèrement et attrapa ses mains dans les siennes pour contempler sa bague de fiançailles et ce doigt tordu, séquelle des tortures subies et qui ne portait pour l'instant que l'alliance de son union avec Severus. Le fantôme d'une vieille conversation, dont ils se souvenaient l'un et l'autre des mots exacts, flotta entre eux. C'est pas comme si j'allais jamais porter une alliance... Et aujourd'hui, ce serait chose faite dans quelques heures.

– Tu le mérites tellement, murmura Mark d'une voix étranglée.

La tête baissée sur leurs mains jointes, Harry se mordit les lèvres pour tenter de garder toute sa contenance. L'émotion était au bord de ses paupières. Il n'y avait bien que Mark pour réussir à le mettre à fleur de peau en quelques mots !

Brusquement, ils relevèrent la tête de concert, s'embrassèrent chastement et se jetèrent dans les bras l'un de l'autre avec une force surprenante.

– Heureusement que nous sommes mariés et que toi, Harry, tu épouses Lucius aujourd'hui, fit la voix vibrante et amusée de Håkon, sinon je pourrais m'alarmer de ce qui se passe entre vous...

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Harry avait déjà salué bon nombre de personnes dans la salle, Daphnée et Draco – qui avait grimacé au rappel qu'il allait devenir officiellement son beau-fils dans quelques heures –, les jumeaux Weasley et Bill, dont le visage marqué s'adoucissait avec l'âge, les Shafiq et les Parkinson, sous l'insistance de Lucius, Neville et Hannah, deux médecins de Sainte-Mangouste avec qui il avait travaillé, ainsi que Deirdre, Sam et quelques autres potionnistes du laboratoire.

Avec une politesse qui tenait de l'hypocrisie, il avait même serré la main de Greengrass qui l'avait dévisagé avec un sourire particulièrement faux. Sans doute lui en voulait-il encore d'avoir détourné Lucius de ses fonctions ministérielles et de sa carrière politique... Comme s'il avait pu y être pour quoi que ce soit alors qu'il était enfermé dans le pavillon chinois et à moitié mort ! Peu importe. Cet homme-là, s'il comptait pour Lucius, n'avait aucune importance pour lui.

Le sourire de Severus, tandis qu'il ironisait avec Sebastiaan sur la démarche déjà hésitante de Lady Selwyn, en avait en revanche beaucoup.

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Harry s'approcha tranquillement, jusqu'à ce que Sebastiaan ne puisse plus ignorer qu'il se dirigeait vers eux. Un léger sourire rivé sur ses lèvres, il l'observait de son regard affûté et pour une fois, presque dénué de calcul. Étonné par le brusque silence de son ami, Severus fronça les sourcils et finit par tourner la tête pour voir ce qui l'accaparait.

– Sebastiaan, salua Harry en lui serrant la main. Je suis ravi de vous voir ici ce soir.

Sebastiaan lui rendit sa poignée de main mais Harry remarqua son coup d'œil fugace sur le côté, vers Severus, et l'amusement soudain dans son regard. Il mit quelques secondes à comprendre que sa position, debout près du siège de son vampire, sa jambe au contact de sa cuisse, n'avait pas échappé au financier. Merlin ! Tout naturellement, il avait même posé sa main sur l'épaule de Severus et celui-ci venait de tressaillir imperceptiblement.

– Tout le plaisir est pour moi, fit Sebastiaan en se rasseyant sur son fauteuil. Et je vous remercie pour l'invitation, je suis venu avec grand plaisir.

– C'est toi qui est à l'origine de ça ? interrogea Severus, le regard sombre.

Harry haussa les épaules avec un sourire détaché.

– Ça me paraissait tellement évident...

Severus sembla hésiter un instant, partagé entre réticence et reconnaissance, puis il hocha la tête.

– Merci...

Harry pressa doucement son épaule avant de se détourner pour se diriger vers un autre groupe d'invités.

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– Enfin ! gloussa Matthieu tandis que Harry se glissait entre lui et Charlie, un bras autour du cou de chacun.

– Bonjour également, grogna-t-il avec un air faussement contrarié. J'ai l'impression que tout le monde me reproche la même chose ce soir !

– Franchement ! gloussa Charlie à son tour. Je ne sais pas comment te tu débrouilles, mais habiter sur place et arriver le dernier à son propre mariage ?! Tu as mis tant de temps à te pomponner ?!

– C'est ça ! Je ne trouvais plus mon fond de teint !

En riant, il glissa un baiser sur la joue de chacun d'eux, puis avec un grand sourire rivé sur les lèvres, il aperçut à l'autre bout de la salle le visage si contrasté de son vampire, entre ses cheveux noirs de jais, sa peau blanche comme de la craie et ses lèvres pourpres. Si quelqu'un avait l'air maquillé ce soir, ce n'était certainement pas lui ! Mais cette beauté-là allait si bien à Severus…

– C'est pour lui que les fenêtres sont voilées ? osa Matthieu dont le regard avait suivi le sien.

– Évidemment ! gloussa Harry. Ça a un peu changé toute l'organisation du mariage mais on s'adapte. Et comment vous allez depuis le temps ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne vous ai pas vus !

– Bien, très bien ! Et toi, tu as l'air radieux !

– Mesdames et Messieurs, clama la voix grave du majordome. Si vous voulez bien vous diriger vers la Salle à Manger, le dîner va être servi.

Un bruissement de murmures parcourut brusquement le salon d'apparat, dominé par la surprise et l'incompréhension. Harry sourit discrètement et sans ôter ses bras des épaules de Matthieu et Charlie, les entraîna tranquillement vers la porte.

– On mange déjà ? murmura le professeur de potions. Il n'y a pas de cérémonie ?!

– Il est plus de vingt heures trente ! gloussa Harry. Tu n'as pas faim ? Moi, je vais décéder si je n'avale pas quelque chose dans les cinq minutes qui viennent ! Et bien sûr, il y aura une cérémonie, mais je voulais que ça ait lieu à l'extérieur, en plein air, et à cette heure-ci, il ne fait pas encore assez nuit pour Severus...

– Tu as tout planifié en fonction de lui ?!

– J'ai fait des compromis, fit Harry en souriant.

Charlie hocha brièvement la tête avec une petite moue satisfaite qui en disait long sur ce qu'il pensait. Matthieu, en revanche, restait quasiment bouche bée, ébahi du chemin parcouru entre aujourd'hui et leurs premières retrouvailles après le retour de Severus de Colibita. Harry était alors si distant, si plein de colère et de rancune – presque de haine –, si loin du moindre compromis.

À l'époque, Harry avait même interdit à Severus de le toucher plus qu'il n'était nécessaire, alors qu'aujourd'hui, il avait tout apprécié de leur morsure de l'après-midi : la volupté du don du sang et l'orgasme incroyable qui avait suivi, bien sûr, mais aussi l'étreinte tendre et apaisée qui les avait bercés pendant un si long moment, les bras de Severus autour de lui, leurs mains entrelacées, et puis tous ces petits gestes, la façon dont son vampire avait frotté son nez dans son cou avant de le mordre, ses baisers discrets sur sa tempe, son souffle dans ses cheveux... Et Harry était prêt à faire le même compromis pour chaque morsure à venir.

– D'ailleurs, à propos de Severus, fit-il en franchissant les doubles portes pour atteindre le couloir, il faut qu'on parle d'un truc, toi et moi...

– Quoi donc ? s'empressa Matthieu avec un regard concerné et quelque peu inquiet.

Bien que Severus soit devenu un vampire, aussi farouche et indépendant que cela le suppose, Matthieu le considérait toujours avec la même affection fidèle et indéfectible. Vampire ou pas, il restait son père adoptif et son mentor.

– Eh bien..., commença Harry tout en se dirigeant vers la grande salle de bal réaménagée pour le dîner. Avec sa nouvelle condition, Severus se trouve exempté de certaines basses contingences humaines... Et doté d'une... « santé » hors du commun.

– En bref ?

– En bref, il n'a plus de migraines, fit Harry avec un petit sourire jubilatoire. Il ne peut plus en avoir.

– Il ne peut plus avoir de migraines ? répéta Matthieu avant de réaliser ce que cela signifiait.

Il tourna brusquement la tête vers lui tandis que Harry leur présentait leurs places à la table des mariés, marquées par un petit présentoir en bois et une carte à leurs noms respectifs.

– Je vous laisse quelques minutes, sourit-il. Et je compte sur toi pour m'aider à le convaincre de reprendre les potions avec nous !

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Harry laissa son rire s'éteindre tranquillement et passa un regard chaud et satisfait sur l'ensemble des convives de la table. Il était aux anges et le bonheur semblait si tangible qu'il pouvait presque le toucher du bout des doigts. Avec l'impression de se détacher quelques instants de la réalité, il songea que si on lui demandait dans quelques heures ou quelques années quel avait été le moment le plus heureux de sa vie, il répondrait peut-être celui-ci : le jour de son mariage avec Lucius, son vampire tout proche, et tous ceux qui comptaient dans sa vie réunis dans la même pièce. Un condensé de l'essentiel.

Juste à côté de lui, Mark répliqua en riant à la dernière boutade de Matthieu, et même Charlie et Håkon, coincés entre les deux garçons, se mirent à rire à leur tour. Entre le champagne et le vin, peut-être que tout le monde était déjà un peu gai... ou peut-être que l'ambiance de fête et de bonheur était joyeusement communicative.

Harry attrapa son verre et but une longue gorgée d'eau, sans cesser de sourire. Il était particulièrement satisfait de son plan de table ce soir. Hormis la présence à la table des mariés de Sebastiaan, du Ministre français et de Mandy, c'était l'assemblée habituelle d'un grand dîner au Manoir. Lucius présidait, bien entendu – comme toujours –, Harry à sa gauche et Severus à sa droite. Sur la table ronde, en face du maître des lieux, se tenait Draco, bien entouré entre Daphnée d'un côté, qui n'était pas en reste depuis le début du repas pour plaisanter avec Matthieu, et Alicia, qui faisait aujourd'hui sa première apparition officielle au bras de Blaise. Harry n'avait pas pu résister à l'envie de leur envoyer une invitation conjointe au mariage et il avait été ravi lorsque la réponse était revenue signée de leurs deux noms. Il n'avait pas encore eu le temps d'aller les taquiner comme il en mourait d'envie mais cela ne saurait tarder.

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Il se décala légèrement sur le côté tandis que le serveur posait devant lui une nouvelle assiette de nourriture et le remercia d'un sourire. Cela aussi avait dû être adapté à leur situation. Si Severus conservait devant lui une assiette désespérément vide, Harry avait déjà avalé trois entrées et une portion énorme de ce merveilleux carré d'agneau. Cette fois, c'était le plat de poisson qui lui faisait de l'œil tandis que Mark murmurait « Encore ! » en lorgnant son assiette. Harry gloussa tout en attrapant ses couverts. Mark était parmi les rares qui se permettaient encore de commenter la quantité de nourriture qu'il mangeait et ses plaisanteries à ce sujet étaient rarement chastes.

– Je suis impressionné de voir à quel point tu mets dans ta bouche et tu avales tout ce qui passe à ta portée, chuchota-t-il. Lucius n'a qu'à bien se tenir !

– Pour ma nuit de noces, j'espère avoir certaines nourritures ailleurs que dans ma bouche ! répliqua Harry sur le même ton.

De leurs sourires tendus s'échappa un brusque éclat de rire et plusieurs regards insistants se tournèrent vers eux. Harry se recomposa une attitude plus digne tout en remarquant à quel point l'autre côté de la table paraissait plus mesuré – plus âgé, aussi !

Ça avait été un choix un petit peu égoïste de vouloir Mark, Matthieu et Charlie plus près de lui, mais en réalité le choix s'était imposé de lui-même. Il n'avait pu mettre Sebastiaan qu'à côté de Severus, puis Mandy qui s'entendait bien avec son vampire, suivie de Francis Dorléans parce qu'il ne fallait pas séparer les couples et qu'il ne devait pas être trop loin de Lucius... Et pour faire la jonction avec le reste de la famille, il avait jeté son dévolu sur Blaise, assez mondain pour faire la conversation à un Ministre et aussi féru d'art que l'était Francis... La répartition était assez équilibrée et l'alchimie semblait prendre, au vu des conversations des uns avec les autres, ce dont il était ravi.

– Mange, ça va être froid, fit Lucius en pressant doucement sa main. Et si j'en juge par la couleur des lèvres de Severus, tu as besoin de remplir ton estomac plus que de coutume !

Pour dissimuler le frisson qui glissait jusque dans son ventre, Harry se pencha légèrement pour observer son vampire et ses lèvres carmins.

– Est-ce qu'il n'est pas charmant, comme ça ? gloussa-t-il à mi-voix.

Lucius se figea un instant, affichant à peine un sourire en coin face au reste de la table. Puis, sans cesser de tenir sa main posée sur la nappe immaculée, il se tourna à demi vers Harry pour lui murmurer à l'oreille.

– Il est à croquer !... Mais peut-être pas autant que toi avec ces deux marques sur ton cou. Je trouve ça... furieusement érotique !

Harry se mordit les lèvres pour réprimer un sourire lubrique.

– Tu crois que les gens s'en apercevraient si on s'éclipsait quelques minutes du dîner ? susurra Lucius.

– Tous les deux en même temps ? Oui, certainement, regretta Harry. Et de toutes façons, je revendique plus que quelques minutes de ton temps !

– Ça n'aurait été qu'un hors-d'œuvre... ou un amuse-bouche !

– Ta bouche ou la mienne ? ricana Harry.

Au même instant, Mark s'étrangla sur sa gorgée de vin tandis que Severus roulait des yeux. Autant pour la discrétion !

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ooOOoo

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Severus soupira péniblement en percevant tous les regards fixés sur lui. Tout comme Harry, il n'avait jamais aimé être le centre de l'attention et ce n'est pas aujourd'hui qu'il allait commencer, mais il n'avait pas vraiment le choix. À pas lents et mesurés, il remonta l'allée vers l'autel. Les murmures et les sourires enjoués accompagnaient sa progression, bien plus indulgents que lorsqu'il avait fait le même chemin au bras de Lucius pour son propre mariage. Il reconnut quelques visages dans la masse, croisa le regard amusé de Mandy et celui, plus curieux, de la vieille Lady Selwik qui devait bien se demander qui était cet enfant à ses côtés. Sebastiaan, lui, s'était assis au dernier rang de l'assemblée, sans doute goguenard de le voir ainsi, à demi courbé en deux pour tenir la main d'Aria. Severus grogna rien qu'à imaginer son sourire moqueur et laissa échapper un peu plus son aura pour asseoir sa supériorité sur ceux qui le dévisageaient ainsi. Il avait peut-être l'air un peu ridicule mais il restait un vampire et personne ne devait l'oublier.

Heureusement, il n'était pas le seul à se donner ainsi en spectacle. De l'autre côté de la fillette, Mark semblait aussi gêné par sa grande taille que lui. Seule Aria paraissait fière comme un paon, ses petites mains fermement cramponnées au doigt de chacun et elle avançait avec une rapidité surprenante vu la longueur de ses petites jambes.

Le temps de quelques pas supplémentaires, Severus observa son calice près de l'autel : droit, beau et fier. Avec ses éternels cheveux noirs soulevés par un souffle d'air, ses yeux verts lumineux et la magie qui courait sur sa peau. Un magnétisme sans égal qui faisait presque battre à nouveau son cœur de vampire. Et pieds nus ?!

Severus ne savait pas s'il était le seul à s'en être rendu compte mais il trouvait surprenant que Lucius tolère pareille fantaisie. Ceci dit, il lui avait semblé percevoir une sorte de glamour discret lorsque Harry était passé près de lui pour remonter l'allée quelques secondes avant eux. Mais c'était bien son genre de vouloir se marier pieds nus dans l'herbe, dehors, presque à la belle étoile, au plus près de la Terre et de la nature…

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Pendant le cocktail et le dîner, Severus avait eu le temps de surprendre murmures, chuchotements et conversations qui ne lui étaient pas destinés. Il apparaissait que Harry n'avait eu qu'une seule exigence : que la cérémonie ait lieu en plein air, sans murs autour de lui, sans toit au-dessus de la tête, sans sol de marbre, sans miroirs et sans lumières artificielles. Il avait voulu de l'air et de l'espace, l'herbe sous ses pieds et le bruit du vent dans les arbres... Et puis, pour que Severus puisse y participer sans gêne, il avait voulu la nuit, teintée des rougeoiements résiduels du soleil couchant...

Le résultat était là, inédit et féerique : des rangées de chaises sur les pelouses du Manoir, des flambeaux et des lumignons sous un ciel d'étoiles, des arches de plantes grimpantes autour de l'autel et l'odeur enivrante des roses qui parvenait jusqu'à eux.

Severus inspira profondément les parfums de la nuit en fermant les yeux une seconde. C'était tellement bon de se tenir là, dehors, de sentir l'odeur de la terre, de l'herbe fraîchement coupée, de sentir l'air sur son visage... Pour un peu, il enviait presque Harry et ses pieds nus sur la pelouse, mais cela avait une signification autrement plus importante pour son calice que pour lui. Sa magie venait de la terre, de la nature et de la forêt, de la force de vie qui naissait en chaque plante... Pour Severus, être dehors la nuit n'était qu'un moment de liberté, hautement appréciable mais qui ne changeait rien à sa condition.

Malgré tout, c'était délicieux de se trouver là ce soir, dans les jardins du Manoir, entourés de leurs proches, pour l'union de son mari et de son calice.

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Lucius avait eu raison sur beaucoup de choses au sujet de ce mariage et Severus n'en prenait vraiment conscience que maintenant – maintenant qu'il s'était montré au monde et qu'il avait grappillé des réactions et des bribes de conversation à gauche et à droite. Tout était important ce soir : sa place en tant que témoin de Lucius, le fait qu'il remontait l'allée en tenant la main d'Aria, la propre fille de son calice, le fait que Harry porte ses marques... Pendant un long moment, il avait cru que tout cela montrerait seulement que Lucius et Harry ne l'excluaient pas de leur relation, qu'ils le regardaient encore avec estime, avec considération, qu'ils ne le mettaient pas de côté... Sans doute parce que ses propres craintes, à tort ou à raison, étaient celles-là.

En réalité, le ressenti des gens était tout autre, et beaucoup plus dans son sens. Parce qu'il était un vampire, ils le considéraient en position de force, de dominance. Le fait qu'il soit le témoin de Lucius prouvait la persistance de leur lien, leur confiance réciproque, et pour eux, Severus était celui qui donnait son calice en mariage, celui qui autorisait cette union. Sans compter que Harry portait ses marques au vu et au su de tout le monde, et qu'il lui avait confié sa fille sans aucune crainte... Non seulement Lucius et Harry avaient fait en sorte de maintenir les apparences pour ce mariage, mais Severus en sortait grandi dans l'opinion des gens. Admiré, craint, mais surtout considéré comme une créature puissante et importante, et non pas avili par ce qu'il était devenu...

Que tout cela soit un calcul parfaitement réfléchi de la part de son mari ne l'étonnait pas outre mesure, mais venant de Harry, l'intention l'étonnait davantage. À moins que son calice n'ait agi, comme souvent, qu'avec son bon cœur et son sens de la justice. Severus sourit doucement. Cela non plus ne l'étonnait pas le moins du monde.

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Des rires étouffés et des murmures le tirèrent de ses réflexions. Brusquement, il s'aperçut qu'Aria ne tenait plus sa main, pas plus que celle de Mark, et qu'elle était en train de s'échapper à quatre pattes en direction de son père. Tandis qu'il se précipitait à sa poursuite, Mark étouffa un juron en français sous les rires un peu moins discrets de l'assemblée. Le temps de la rejoindre, Aria était déjà debout, accrochée au pantalon de Harry, et arborait un sourire victorieux d'avoir réussi son escapade.

Severus croisa le regard moqueur de son calice qui s'accroupissait à hauteur de sa fille. Il lui murmura quelques mots à l'oreille et l'embrassa dans les cheveux. Aria se tourna alors vers Severus et leva les mains pour qu'il la prenne dans ses bras.

– Eh bien ? Mademoiselle préfère prendre la poudre d'escampette plutôt que de jouer convenablement les demoiselles d'honneur ? murmura-t-il en la juchant sur sa hanche.

Da !

– Tu ne marchais pas assez vite à son goût ! gloussa Harry. C'est la petite séance de cette après-midi qui t'a épuisé ? Tu as besoin de boire à nouveau ?

Le ton était espiègle au possible, le regard pétillant comme un bon champagne, le sourire lumineux... Son calice était beau en diable et provocant à souhait. Severus ne put s'empêcher de sourire à son tour. Et de se souvenir à quel point cette morsure avait été prodigieuse.

– Je vais finir par croire que tu y prends goût, ricana-t-il.

– Je crois que mes réactions spontanées sont plutôt éloquentes...

– Et moi je ne me plains pas d'en récolter les fruits ! ajouta Lucius avec un air gourmand.

Severus quitta le regard hypnotique de son calice pour croiser celui de son mari. De toute évidence, Lucius avait un train de retard : il savait depuis longtemps que les morsures excitaient Harry, ce dont il profitait avec plaisir; en revanche il n'avait pas l'air de savoir qu'elles lui provoquaient parfois des orgasmes spontanés... Le silence de son calice sur ce détail – ô combien important – était significatif de cette complicité qui revenait peu à peu entre eux. Certaines choses étaient trop privées, trop intimes, pour qu'il les partage même avec Lucius.

Severus regarda à nouveau Harry qui souriait toujours avec la même intensité et il se sentit exulter d'une joie farouche et possessive. Peu importe qu'il lui faille venir devant l'autel où son calice se mariait avec un autre pour comprendre cela; savoir qu'il partageait à nouveau une forme d'intimité physique et émotionnelle avec son calice faisait rougeoyer son esprit de satisfaction.

– Hum... messieurs, intervint Mark dans un murmure. Loin de moi l'idée de vouloir déranger, mais le mage de cérémonie désespère de votre attention...

Tous quatre levèrent les yeux vers le vieil homme qui prenait son mal en patience et lui adressèrent un sourire contrit. Même le public derrière eux s'était mis à chuchoter en commentant leur brève conversation et leurs visages rayonnants. La seule qui semblait parfaitement indifférente à leur petit aparté était Aria qui jouait avec les boutons de sa chemise en babillant tranquillement.

– Tu as les alliances ? murmura Severus à Mark.

Discrètement, Mark sortit l'écrin de sa poche et le glissa dans les mains d'Aria.

– Et maintenant, tu donnes la boîte à Blondie, murmura Severus en reposant la fillette au sol.

Consciencieusement, agrippée à un de ses doigts pour garder son équilibre, Aria se déplaça de quelques pas sous les chuchotements émerveillés du public et tendit l'écrin de velours à Lucius.

Ba Di !

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oooooo

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– M'accorderez-vous cette danse, très cher ?

Harry tourna la tête vers son – désormais – mari et lui sourit avec bonheur.

– Comment pourrais-je refuser, mon amour ? gloussa-t-il en lui tendant gracieusement la main. Mais j'espère que tu feras moins de formalités ce soir pour attenter à ma vertu !

Lucius émit un rire bas en attrapant sa main et sa taille pour l'entraîner dans une valse anglaise lente et presque suave. Ils attiraient les regards, ils étaient le sujet de conversation privilégié de la soirée, on commentait leurs moindres faits et gestes, et leur complicité, mais ce soir, Harry s'en fichait. Il ne se sentait pas menacé par cette exposition aux yeux de tous, et il était même heureux de ces présences autour de lui. Certains n'étaient pas ses proches, d'autres étaient là pour les apparences et les conventions sociales, mais il avait envie de partager son bonheur avec n'importe qui.

Il y eut une danse, puis une deuxième, puis une troisième, et Lucius semblait ne plus vouloir le lâcher, pris dans un corps à corps intense et sensuel qui préfigurait d'autres étreintes. De temps à autre, il glissait une plaisanterie, un murmure à son oreille, ses lèvres sur sa peau, aussi furtives que tentatrices. Harry commençait à avoir chaud et cette fois, il aurait bien accepté une proposition pour s'éclipser quelques instants avec lui.

– Puis-je t'emprunter ton cavalier quelques instants ?

Étonné, Harry tourna la tête vers la voix féminine avant de reconnaître le visage souriant et plein d'aplomb de Mandy. Il acquiesça avec courtoisie et s'écarta légèrement de Lucius pour le laisser danser avec son ancienne secrétaire. Mais à sa grande surprise, Mandy prit sa main dans la sienne, l'enlaça sans tergiverser et l'entraîna sur la piste de danse.

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Les tables du dîner avaient été écartées pour permettre aux danseurs d'évoluer à leur aise. Les portes-fenêtres étaient restées grandes ouvertes sur la terrasse du Manoir éclairée aux flambeaux, permettant aux invités de circuler librement entre la salle de bal et la fraîcheur de la nuit. La musique virevoltait dans les airs comme la fumée des cigarettes sur le perron, et le champagne coulait à flots après le vin du dîner. De part et d'autre, les conversations s'élevaient, joyeuses, insouciantes, ponctuées d'éclats de rire.

Au fond de la salle, la table des enfants était presque déserte, certains partis avec les baby-sitters dans un salon plus calme, les autres égayés dans la salle pour danser, rejoindre leurs parents ou grappiller des miettes de gâteaux dans les assiettes. Les adolescents, eux, avaient tous disparus depuis la fin de la cérémonie, réfugiés dans un autre salon à manger des bonbons devant un film ou une série. Pour la tranquillité d'esprit de tout le monde, les elfes avaient posé un sortilège afin d'empêcher toute introduction d'alcool et chacun profitait ainsi de la soirée en toute liberté.

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Harry, lui, dansait et n'était pas encore remis de sa surprise. Comme avec Lucius, il se laissait guider sans réfléchir, ce qui semblait beaucoup amuser Mandy. Puis quand il le réalisa, il eut un geste plus raide, un pas ou deux plus hésitants, et elle éclata de rire devant ce moment de flottement avant qu'il ne parvienne à reprendre le rythme qu'elle imposait – moins élégamment que Lucius, mais avec tout de même beaucoup de naturel. Et en souriant à son tour, Harry se demanda qui menait quand elle dansait avec l'aristocrate...

– Tu ne m'en veux pas de t'avoir enlevé à ce cher Lucius ?

– Pas du tout. À vrai dire, je pensais que c'était avec lui que vous vouliez danser...

Mandy sourit, son visage à hauteur de ses yeux puisqu'ils faisaient quasiment la même taille, puis son regard dériva vers Lucius qui dansait un peu plus loin avec Daphnée.

– Ce n'est que partie remise. Je tenais d'abord à te féliciter personnellement...

– Merci, fit obligeamment Harry en hochant la tête.

– … Après tout, tu as réussi là où bien d'autres ont échoué. Ce n'est pas donné à tout le monde de conquérir l'aristocrate le plus en vue de Grande-Bretagne. Et pourtant ils ont été nombreux à essayer !

– Je ne sais pas qui a conquis l'autre ! gloussa Harry. Et Merlin merci, je n'ai pas eu beaucoup de concurrents à détrôner.

Peu à peu, Mandy avait ralenti le rythme et l'amplitude de ses pas, les laissant évoluer tranquillement sur une petite surface pour pouvoir parler plus à leur aise.

– C'est parce que tu n'as rien vu, mais Lucius a toujours été un parti intéressant, malgré ses préférences, malgré la présence de Severus à ses côtés... Certains lui ont fait du rentre-dedans jusque dans les sommets internationaux. Et certains ont eu de vrais coups de cœur... et de grosses déceptions.

Cette fois, son regard avait dérivé vers Mark, assis à une table tout près de son ambassadeur, si près que leurs cuisses se touchaient, et sans doute frustré de ne pouvoir, en public, s'asseoir directement sur ses genoux.

– Je sais, fit Harry songeur. Et Lucius a toujours pour lui une petite faiblesse et une tendresse indéniable... Mais aujourd'hui, Mark est heureux. Vraiment heureux...

Mark avait les yeux brillants, un sourire époustouflant accroché sur le visage et Håkon le couvait avec un regard plein d'amour.

– Oui. Je suis contente qu'il soit sorti de tout ça, de l'Agence, de ce boulot à la con... Mark méritait mieux que ça et il l'a enfin obtenu.

En silence, bercé par la musique calme, Harry observa le visage de la première Dame de France : une douceur presque maternelle pour celle qui n'avait jamais eu d'enfants. Mark était un peu son protégé, comme il avait longtemps été celui de Lucius, et pour cause : il avait cette personnalité généreuse, tendre et attachante qui donnait envie de l'abriter contre soi.

– Et te voilà, toi, qui as réussi à tourner la tête de Lord Malfoy et à l'enrouler autour de ton petit doigt !... Tu lui as fait – tu leur as fait, à lui et Severus – beaucoup de bien. Tu leur as donné un autre équilibre, plus riche et plus serein. Lucius a davantage changé en deux ans, que depuis quinze ans que je le connais...

– En bien, j'espère ? fit Harry avec un sourire tendu.

Il badinait pour se défendre de son émotion mais les paroles de Mandy le touchaient déraisonnablement. Ou peut-être était-ce juste le cumul de cette soirée, de ce mariage, de tous ces symboles et de tous ses proches autour de lui...

– Assez bien pour que n'importe qui s'aperçoive qu'il a un cœur ! marmonna Mandy. Ce qui, venant de lui, n'était pas évident. Aujourd'hui, les gens l'apprécient, alors qu'avant ils le craignaient. C'est presque le monde à l'envers !

Elle parlait en bougonnant, presque pour elle seule, comme on se fait des réflexions à voix haute, et Harry ne savait plus bien s'il devait répondre ou non.

– Merlin, tu lui as même donné un enfant !...

– Luce ne considère pas Aria comme...

– Bien sûr, l'interrompit brutalement Mandy. Bien sûr... Mais ton enfant vit à moitié au Manoir et il s'en occupera comme un... beau-père parfait. Même s'il s'en défend. Même s'il ne veut pas qu'on le voie. Même s'il n'avouera jamais qu'il aime s'occuper d'elle... Lucius cache tellement bien ses faiblesses.

Sur ce point-là, Harry aurait pu acquiescer mais il ne voulut pas admettre ouvertement qu'elle avait raison. Lucius cachait bien ses faiblesses, mais de son point de vue, il ne souciait pas d'Aria autant que cela. Bien moins que Severus, en tout cas.

– Je vais te laisser, je crois que ces dames veulent te parler. Merci pour cette danse, fit Mandy en s'écartant de lui et en s'inclinant légèrement.

Harry la salua d'un hochement de tête, plus décontenancé qu'il ne voulait bien l'avouer, avant de se tourner vers Luna et Padma.

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Elles se tenaient à un pas de lui, joliment apprêtées, Padma d'une tenue traditionnelle jaune safran et Luna d'une robe rouge asymétrique qui lui allait divinement bien. À vrai dire, le contraste qu'elles formaient côte à côte, des vêtements à la couleur de peau ou de cheveux, dessinait un tableau plein de vie et de chaleur. Harry sourit avant de lever la main pour caresser doucement les cheveux de sa fille dans les bras de Padma. Au vu des murmures charmés dans l'assistance, Aria avait admirablement joué son rôle pendant la cérémonie et il en avait été le premier bouleversé.

– Excuse-nous de t'interrompre, Harry, dit Luna, mais nous allons y aller. Nous tenions juste à te remercier et à te féliciter encore une fois...

– Vous partez déjà ?! s'exclama-t-il, un peu déçu. On n'en est encore qu'aux danses de salon ! Il n'est même pas minuit !

– Je sais, fit à son tour Padma. Mais Aria est fatiguée et elle a besoin de sommeil. Il est déjà très tard pour elle...

Harry observa sa fille et, effectivement, il pouvait dire qu'elle était épuisée. Rien qu'à sa façon de frotter son poing contre son nez comme elle le faisait souvent en tenant son doudou, il pouvait voir son envie de dormir. Et Merlin savait qu'elle pouvait devenir grincheuse si elle n'obtenait pas son lit dans les minutes qui suivaient.

Il grimaça de dépit, prêt à raccompagner les deux jeunes femmes sur le perron du Manoir, avant d'avoir brusquement une idée.

– Mais vous n'avez qu'à la coucher ici ! Elle a sa chambre au Manoir, après tout ! Comme ça, vous pouvez rester plus longtemps; je n'ai même pas dansé avec aucune de vous deux ! acheva-t-il sur un grand sourire.

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– Entrez ! Ne restez pas dehors, les taquina Harry en asseyant Aria sur sa table à langer.

Lentement, avec un regard intrigué, Luna et Padma pénétrèrent pour la première fois dans la chambre de leur fille. Elles n'eurent aucun commentaire sur la décoration ou quoi que ce soit, mais en déshabillant rapidement son bébé, Harry remarqua le sourire appréciateur de Padma.

Avec des gestes habiles et sûrs, il enfila un pyjama à sa fille, qu'il laissa ouvert le temps de lui changer sa couche pour la nuit. Le foulard qui lui servait de doudou étalé sur son visage, Aria se frottait les yeux et le nez avec nervosité, le corps mou comme une poupée de chiffon et visiblement ravie d'être allongée. Même sur le matelas à langer, il ne lui aurait sans doute fallu que quelques minutes pour s'endormir complètement.

Une fois prête, Harry la prit dans le creux de ses bras et embrassa son front avant de se tourner vers ses mères qui l'observaient avec un sourire attendri. Depuis sa naissance, elles ne l'avaient peut-être jamais vu s'occuper ainsi de sa fille, l'habiller, la déshabiller, lui changer sa couche... Il avait l'impression d'avoir brillamment passé un examen d'aptitude et pour un peu, il en aurait rougi.

Tour à tour, elles embrassèrent leur fille dans les cheveux en lui souhaitant une bonne nuit et Harry put enfin la poser dans son lit, refermant rapidement la gigoteuse autour du petit corps ensommeillé. Déjà Aria ne bougeait plus, les yeux fermés et la respiration paisible. Seul le léger frottement du doudou sous son nez témoignait qu'elle ne dormait pas encore mais que cela n'allait pas tarder.

En silence, ils quittèrent la chambre et Harry referma la porte derrière lui après avoir éteint la lumière.

– C'est une jolie chambre, Harry, apprécia Padma avec un sourire désarmant. Et Aria a l'air de s'y sentir très à son aise.

Gêné au possible, il grimaça un remerciement et sans savoir pourquoi, il se sentit obligé de se justifier et de préciser certains détails.

– Notre chambre est juste en face, dit-il en désignant la porte. Comme ça, je l'entends facilement... De toute façon, il y a un sortilège d'alerte dès qu'elle se met à pleurer ou dès qu'elle se lève dans son lit. Et puis, Severus, avec son ouïe de vampire, peut l'entendre depuis l'autre bout de la maison !

Il remarqua le regard amusé qu'elles échangèrent et cette fois, il se sentit vraiment rougir. Ce qui était tout bonnement ridicule au vu de ce qu'elles étaient pour lui.

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oooooo

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Harry avait dansé avec Padma, puis avec Luna, puis avec Lady Parkinson, et il avait fini par s'éclipser pour aller se chercher un verre quand il la vit seule, assise sur une chaise à une table désertée. Molly n'avait pas l'air malheureuse pour autant, toute occupée à couver son petit monde du regard, mais il se sentit obligé d'aller lui dire quelques mots.

Il l'avait déjà saluée, à son arrivée, mais il l'avait fait presque furtivement, sans s'attarder et sans... y mettre quelque chose de personnel. Sa présence même l'avait étonné, lui avait fait chaud au cœur sur le moment, puis il s'était demandé comment il allait bien pouvoir lui faire face et ce qu'il pourrait lui dire. Il l'avait invitée bien sûr, elle n'était pas là par hasard, mais ce n'était pas simple pour autant.

Leur dernière entrevue avait été... douloureuse. Il avait avoué à demi-mots sa peur, sa souffrance. Il l'avait interrogée sur le deuil de son mari... C'était juste après la morsure de Severus, quand il avait cru le perdre. Avant de songer par moments, dans l'enfer du pavillon chinois, qu'il aurait préféré que ce soit le cas. Aujourd'hui, ce n'était plus son état d'esprit, mais se confronter à ce qu'elle représentait pour lui – ça en plus de tout leur passé – restait douloureux.

Lentement, il longea les portes-fenêtres et la fraîcheur de la nuit, son verre à la main, pour aller la rejoindre. Elle avait sans doute vu sa manœuvre d'approche car elle ne s'étonna pas quand il tira une chaise pour s'asseoir près d'elle. Elle se contenta d'un bref regard, d'un sourire chaleureux puis retourna à sa contemplation des danseurs.

Il aurait été un vrai gentleman, Harry l'aurait invitée à danser, comme l'avait fait Lucius un peu plus tôt, mais il n'avait pas ce genre de rapports avec Molly. Une conversation franche et pointue leur convenait mieux, ces quelques phrases taillées au couteau qu'ils échangeaient du bout des lèvres, côte à côte, sans se regarder, parce qu'ils n'avaient jamais réussi à combler ce fossé entre eux, même s'ils restaient importants l'un à l'autre.

Il se souvint de leur première conversation à son retour, de l'orage qui roulait et de la douleur de son rejet. Puis il y avait eu une autre conversation, assis sur un banc sur le pas de sa porte, sous le feu du soleil et des questions dérangeantes... Et d'autres, ensuite. Jamais faciles, jamais tout à fait agréables, parce que le passé pesait trop lourdement entre eux.

Ce soir, il ne savait pas à quoi s'attendre et c'était peut-être le plus dérangeant. Quelque part, au fond de lui, il aurait sans doute souhaité sa bénédiction mais il anticipait plutôt des critiques et des paroles aiguisées. Pour se protéger, certainement.

– Félicitations, Harry, c'était un beau mariage... Et tu es magnifique, ce soir.

En définitive, il devait mal la connaître... Cela ressemblait plutôt à une bénédiction et malgré lui, cela lui fit chaud au cœur.

– Merci. Vous êtes très élégante aussi. Et vous avez l'air d'aller... bien.

Elle était apprêtée, en effet, et que ce soit sa tenue, son maquillage ou son état d'esprit, elle semblait plus douce et moins sèche que ces derniers temps. Plus ressemblante aux souvenirs qu'il avait d'elle autrefois.

– Je vais bien, fit-elle en hochant la tête et ce n'était pas une formule toute faite. Je vais mieux depuis que tous mes enfants sont installés...

Instinctivement, Harry serra les dents. Il ne voulait pas s'imaginer qu'il était inclus dans tous ces enfants, parce que c'était un mensonge, mais à une époque, il l'aurait été... Il se contenta de suivre son regard vers ses quatre fils présents dans la salle.

Au gré de la musique, Bill dansait avec Fleur, collés l'un contre l'autre, son visage barré par les cicatrices de Greyback qui devenaient peu à peu des rides d'expression. À la table des mariés, Charlie et Matthieu discutaient avec animation avec Severus tandis qu'à une autre table, un peu plus loin, se tenaient Fred et sa compagne, encore vaguement impressionnée par la virulence des échanges entre Georges et Angie. Des cinq enfants survivants de Molly, Harry n'avait pas invité Percy, volontairement éloigné de sa famille et le seul qu'il n'avait pas revu depuis son retour.

– … Et Fred est transformé depuis que Sarah va mieux. Et c'est encore à toi qu'on le doit.

C'était dit sans une once de reproche, sur un ton plutôt chaleureux et plein de gratitude, mais cela le mit malgré tout mal-à-l'aise.

– Je n'ai fait que lui donner la même potion qu'aux Londubat et la confier à Sainte-Mangouste. Les médicomages ont fait le reste.

La potion avait restauré son esprit endommagé par un Oubliettes désastreux et l'amour fidèle et attentionné de Fred l'avait convaincue de lui redonner une chance. Il n'y était pas pour grand-chose.

Molly tourna la tête vers lui et l'enveloppa d'un regard qui n'en pensait pas moins. Puis son visage afficha un air plus surpris et elle leva une main inquiète vers son cou.

– Oh. Ce sont…

– Non ! interdit Harry en saisissant brusquement son poignet. Je ne peux pas vous laisser... C'est très personnel.

– Je suis désolée, fit-elle confuse. C'était certainement très déplacé de ma part.

Harry frissonna en relâchant son poignet tandis qu'elle détournait le regard. Un instant, son inquiétude spontanée lui avait fait presque plaisir pour ce qu'elle signifiait d'attachement, mais il ne pouvait tolérer pareille intrusion.

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– Es-tu heureux, Harry ? fit-elle au bout d'un moment.

Elle ne le regardait plus, mais il savait qu'elle ne se contenterait pas d'une réponse évasive ou d'une demi-mesure.

– Oui, répondit-il avec toute la sincérité dont il était capable.

– Tu l'aimes ?

– Lucius ? Oui, certainement. C'est un homme qui ne se livre pas facilement, mais derrière la façade, il est merveilleux.

Il avait l'air d'une midinette à parler ainsi de son mari, mais il n'avait jamais été plus proche de la vérité.

– Et Severus, tu l'aimes encore ?

Harry inspira profondément et retint son souffle sans même y penser. La formulation, le « encore », le faisaient grimacer intérieurement. Quand il relâcha sa respiration, sa voix se fit plus sèche qu'il ne l'aurait souhaité.

– J'ai accepté de devenir son calice, est-ce que ce n'est pas une preuve suffisante ?

– Charlie a laissé entendre que ça n'avait pas été sans difficultés au début...

Cette fois, aussi pleine de sollicitude qu'elle soit ce soir, Molly allait trop loin dans sa curiosité. Ses insinuations étaient aussi dérangeantes et déplacées que son geste vers ses marques de morsure quelques instants plus tôt.

– Charlie a laissé ses inquiétudes parler par sa bouche trop facilement, répondit-il d'un ton froid. Personne ne peut comprendre le lien et les sentiments qui nous unissent, et cela ne regarde personne d'autre que nous. Severus est mon vampire, insista-t-il avec une once de possessivité. Et je ne reviendrais sur ça pour rien au monde.

À l'autre bout de la salle, Harry aperçut Severus qui l'observait avec un regard insistant. Et quand bien même il aurait tout entendu avec son ouïe particulière de vampire, il n'en renierait aucun mot.

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oooooo

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– Hey !... Mes hommages, Lord Malfoy !

Harry gloussa devant les paroles autant que devant le bras enroulé autour de ses épaules ou le souffle quelque peu alcoolisé contre son oreille. Il passa une main dans ses cheveux ébouriffés par le geste de Blaise et tourna vers lui un large sourire.

– Tu dois confondre, je ne suis pas Lord Malfoy. Mais j'accepte tes hommages.

– Tu es Lord : Black et Potter, et tu es dorénavant un Malfoy... Ce n'est qu'un léger raccourci de la réalité.

L'intonation était plus lourde qu'à l'ordinaire, plus pâteuse, et la voix presque aussi traînante que Lucius ou Draco quand ils se drapaient dans leur mépris le plus aristocratique. Et surtout, Blaise paraissait presque négligé par rapport à sa prestance habituelle. Il n'avait pas tombé la veste comme d'autres, ni même remonté légèrement ses manches sur ses avant-bras, mais sa cravate avait disparu depuis au moins la quatrième danse et les trois premiers boutons de sa chemise étaient largement ouverts sur sa peau noire comme la nuit. De toute évidence, il avait lui aussi apprécié le champagne de D'Alagnac !

– Et dire que Draco devient ton beau-fils ! ricana-t-il. Je sens que je n'ai pas fini de le taquiner avec ça !

– Je ne suis pas sûr qu'à la longue, il apprécie beaucoup cette plaisanterie, grimaça Harry. Et toi, qu'as-tu fait de ta future fiancée ?

Quelle que soit la formulation employée et malgré son alcoolémie, Blaise n'eut aucun doute sur la personne dont il parlait.

– Elle discute quidditch avec Draco et Angelina. Je me sens un peu largué... « Future fiancée » ? s'étrangla-t-il enfin.

Découvrant ses dents blanches comme de la porcelaine, Blaise éclata de rire avant de s'arrêter brusquement.

Madame Alicia Zabini..., articula-t-il avec un ton plein d'emphase. Ça sonne bien, non ?

Harry sourit et le prit par le bras pour le guider vers un salon de jardin où Blaise se laissa tomber dans un fauteuil comme une masse. Il n'était pas ivre à tituber, mais il sembla apprécier de pouvoir s'asseoir.

À quelques pas de là, la musique leur parvenait, plus moderne et plus rythmée au fur et à mesure des morceaux. Devant les portes-fenêtres, quelques personnes discutaient debout, un verre à la main, tout en prenant l'air dans la nuit encore douce.

– Tu sais, Blaise, en toute honnêteté, je pense qu'Alicia est plutôt du genre à vouloir garder son nom de jeune fille, avança-t-il doucement.

– Je sais, répondit le marchand d'art en renversant la tête en arrière sur le dossier du fauteuil. Elle n'est pas vraiment du genre mariage non plus. Ni même d'un quelconque engagement...

Il semblait brusquement dégrisé et devant sa réaction et le léger regret perceptible dans sa voix, Harry s'en voulut de sa plaisanterie. Pendant toute la soirée, Alicia et Blaise avaient paru proches, et l'alcool aidant, ils s'étaient même autorisés quelques gestes affectueux qu'il n'avait jamais vus entre eux : une main sur l'épaule ou sur la cuisse, un murmure à l'oreille, un baiser discret en dansant... mais Harry n'en savait pas plus sur la progression de leur relation.

– Elle a souvent été déçue, avança-t-il. Elle est méfiante...

– Je le suis moins qu'elle, avoua Blaise. Alors c'est moi qui fais les premiers pas...

Un elfe s'approcha d'eux avec un plateau où restait encore trois flûtes de champagne presque luminescentes dans la pénombre. Blaise en attrapa une avec un hochement de tête tandis que l'elfe se tournait vers Harry.

– Monsieur Malfoy ?

Il sourit en entendant le gloussement de Blaise.

– Un jus de goyave, s'il-te-plaît.

– Bien, Monsieur, fit l'elfe en s'inclinant rapidement.

Harry se tourna à nouveau vers Blaise.

– En tout cas, vous êtes venus ensemble, et ça m'a fait très plaisir, apprécia-t-il sincèrement.

– Attends, elle a même accepté de rester dormir ici ! gloussa Blaise. Et elle a même dansé avec Lucius !

Harry attrapa le verre que lui présentait l'elfe de maison et cacha son sourire amusé en buvant une longue gorgée de fruit et de soleil.

– Je vais pouvoir profiter de vous demain aussi, alors !

Le visage levé vers le ciel noir et piqueté d'étoiles, Blaise semblait perdu dans ses pensées tout en continuant de sourire.

– Tu verras qu'on en sera au bébé avant même de s'être mariés...

Harry s'étrangla avec sa gorgée de jus de fruit et tourna brusquement la tête pour tousser dans son poing.

– Un bébé ?! Bon sang ! Vous en parlez ?!

Blaise gloussa, joua un moment avec sa flûte de champagne puis avoua :

– On n'en parle pas vraiment, mais dans les conversations, par-ci par-là... Elle me voit avec Minerva, Iris et Scorpius, elle te voit avec Aria... Elle est moins fermée à cette idée-là qu'à la moindre notion d'engagement.

– Tu parles d'un engagement, pourtant ! Tu en prends pour toute la vie ! fit-il remarquer. Tu voudrais, toi ?

– J'adorerais, répondit Blaise immédiatement. J'ai toujours aimé les enfants...

Harry observa quelques instants le visage apaisé de son ami et prit le temps de songer à cette révélation inespérée. Un enfant... Pour l'avoir vu évoluer avec ses filleuls et sa propre fille, il imaginait sans problème Blaise avec un enfant, quel que soit son âge. Il paraissait aussi à l'aise avec un nourrisson qu'avec un enfant de cinq ou dix ans. Sa paternité, un jour, semblait tomber sous le sens. Et si, jusqu'à aujourd'hui, il avait été plutôt inconstant en amour, voire même volage, il était, dans d'autres domaines et en particulier en amitié, d'une fidélité à toute épreuve. La responsabilité d'un enfant ne lui faisait pas peur.

Venant d'Alicia, l'idée semblait en revanche plus étonnante. Elle avait été là lorsqu'un journaliste l'avait interrogé pour sa première sortie publique avec Aria, et Harry se souvenait très bien que lorsque le reporter avait insinué qu'elle était la mère de sa fille, Alicia avait répondu qu'elle ne souhaitait s'encombrer dans sa vie ni d'un homme ni d'un enfant... Sa relation avec Blaise l'avait-elle fait évoluer à ce point ?! Alicia ? qui revendiquait farouchement son indépendance, sa liberté, qui ne voulait dépendre de rien, ni de personne ?!

– On parle bien d'Alicia, là ? grimaça-t-il. Tu crois vraiment qu'elle renoncerait à sa façon de vivre pour... plonger dans les couches, les nuits sans sommeil et les biberons au petit matin, à l'heure où d'habitude, elle rentre de boîte de nuit ou de soirée ?!

– Elle sort moins, confessa Blaise. Elle envisage de changer de poste et de travailler de jour... On n'en parle pas vraiment, mais l'idée est déjà venue deux ou trois fois dans la discussion, comme une plaisanterie, une boutade... et à son regard, elle était loin d'y être hostile.

– Alors, vous en êtes là ! fit Harry, éberlué.

Blaise eut un sourire en coin, avala les dernières gorgées de sa flûte de champagne et la posa sur le sol à côté de son fauteuil.

– On n'en est nulle part, tu connais Alicia... Elle ne mettra jamais aucun mot, ni aucun nom sur ce qu'on est. Mais... je n'ai plus mis un pied à l'hôtel depuis des mois. Je vis chez elle dès que je suis en Angleterre et j'y suis bien plus souvent que je ne suis à New-York...

– Pourtant on ne te voit pas souvent au Manoir ! protesta Harry en riant.

– Certes. Mais ça changera peu à peu... Elle n'était pas très chaude à l'idée de venir dîner au Manoir de temps en temps, mais je pense qu'elle s'y fait... Comme elle se fait à ma présence, à mes costumes dans sa penderie, à aller dîner au restaurant deux ou trois fois par semaine, aux coups de fil de New-York au milieu de la nuit ou même à mes ronflements !

Harry baissa les yeux sur le scintillement délicat de son alliance, bêtement ému par ces petits détails d'une vie à deux qu'il leur souhaitait la plus longue possible.

– Non, je plaisante, je ne ronfle pas ! Enfin, sauf cette nuit, parce que j'aurai un peu bu... Du coup, si elle est encore là demain matin, c'est plutôt bon signe, non ?

Bizarrement, la voix de Blaise était un peu voilée. Tendue d'un espoir qu'il aurait voulu discret et qui ne l'était pas assez. Harry posa une main sur son bras et le pressa doucement.

Je ronfle... Parfois, précisa-t-il en grimaçant. Pas tout le temps et pas très fort, mais ils n'ont jamais rien dit. Au pire, elle te lancera un sortilège de silence ! Et je suis sûr qu'elle sera là demain matin...

Blaise gloussa devant ce qui était une pitoyable tentative de réconfort.

– Tu voudrais être le parrain si jamais on avait un enfant ?...

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Merci à tous de votre lecture et de votre présence. J'espère que ce petit mariage vous a plu :)

Je n'avais jamais trouvé le moment opportun pour raconter l'histoire de Fred, qui apparaît si sombre dans le livre 2... c'est maintenant choses faite: tombé amoureux d'une moldue, Fred lui révèle au bout de quelques temps sa condition de sorcier, à laquelle elle réagit très mal. Choqué et bouleversé, il tente de lui lancer un Oubliettes pour effacer cette révélation, mais qui a malheureusement des conséquences désastreuses et ravage sa mémoire. Rongé par la culpabilité, Fred continue à lui rendre visite et à veiller sur elle, là où elle est hospitalisée, et ce malgré le rejet de sa famille moldue. L'intervention de Harry et la potion élaborée pour les parents de Neville finit par restaurer sa mémoire. Elle réalise alors la présence continue de Fred auprès d'elle depuis tous ces mois et elle finit par lui pardonner et vivre enfin cette histoire d'amour malgré la différence de leur monde d'origine... Peut-être un futur OS en vue? ;)

On se retrouve la prochaine fois avec une nuit de noces et un lendemain tranquille ;)

Au plaisir

La vieille aux chats