Résumé: Après une morsure dans le cou et une union chargée de symboles, Harry a laissé sa nuit de noces à Severus, avant de rejoindre Lucius au petit matin, puis ses invités pour une journée tranquille...
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Un chapitre très court aujourd'hui, pour achever cette période de mariage avant de passer à la suite... Bonne lecture!
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« Un mariage en toute intimité au Manoir Malfoy »
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« Ce samedi, l'événement mondain de l'été, et peut-être même de l'année, avait lieu dans les jardins et les salons de réception du Manoir Malfoy, mais les élus furent peu nombreux à pouvoir y assister. En effet, les deux époux avaient choisi la discrétion et le calme pour un mariage tout en délicatesse.
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Ils se sont dit oui. Quelques semaines après l'annonce fracassante de leur liaison et de la morsure de M. Severus Rogue-Malfoy (voir notre rappel en page 4), M. Lucius Malfoy et M. Harry Potter se sont unis par un serment sorcier devant un mage de cérémonie, en présence de leurs plus proches parents et de leurs amis.
Habillés par le grand couturier Monsieur André, Lord Malfoy dans un costume sorcier traditionnel gris perle fil à fil très lumineux, rehaussé d'une lavallière de soie en paisley bleu clair et argent, et Lord Potter dans un ensemble gris anthracite sur une chemise bleue pâle, ils ont procédé à l'échange des alliances sous un ciel étoilé et au milieu des parterres de roses.
En effet, pour tenir compte de la nouvelle condition de M. Severus Rogue-Malfoy, transformé en vampire dans les conditions tragiques que l'on sait, et dont M. Potter est devenu le calice, la cérémonie a eu lieu en extérieur mais à la nuit tombée.
Les invités triés sur le volet se sont rassemblés au Manoir vers dix-huit heures pour un vin d'honneur où il était plutôt question d'un très bon champagne, fourni par M. D'Alagnac, vampire de son état et familier de la famille Malfoy. Les petits fours ont été suivis par un dîner somptueux dans la salle de bal transformée pour l'occasion, puis par la cérémonie proprement dite qui a déclenché aussi bien des applaudissements que des murmures émerveillés.
Sans aucun doute, la vedette de cette cérémonie, hormis les deux époux, fut la propre fille de M. Potter, chargée d'emmener les alliances aux futurs mariés. Mais la spontanéité des enfants étant ce qu'elle est, la fillette a rapidement faussé compagnie à ses chaperons, M. Severus Rogue-Malfoy et M. Mark Aubin, les deux témoins des mariés, pour s'élancer à quatre pattes dans l'allée centrale pour rejoindre son père, sous les sourires bienveillants et les murmures charmés de l'assistance.
Une fois la célébration terminée, la soirée s'est poursuivie jusqu'aux petites heures du jour dans la salle de bal et sur les terrasses du Manoir paré pour l'occasion.
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Parmi les convives, on aura remarqué à la table des mariés la présence du Ministre de la Magie français, M. Francis Dorléans, accompagné de son épouse, ainsi que de l'ambassadeur de Norvège à Paris, M. Håkon Sørensen dont l'époux était le témoin de M. Potter, tous quatre étant des intimes de la famille Malfoy. M. Blaise Zabini, collectionneur d'art, dont les galeries de Londres et New-York sont de renommée internationale dans le petit monde de la peinture et de la photographie, était également présent, accompagné de la ravissante Alicia Spinett, la joueuse de quidditch de l'équipe des Harpies de Hollyhead.
Le monde du quidditch était bien représenté ce soir-là, avec la présence de plusieurs autres joueuses des Harpies, en particulier Angelina Johnson et la jeune retraitée Katie Belle, mais surtout par M. Draco Malfoy, le célèbre entraîneur et fils de Lord Malfoy, dont il se murmure qu'il pourrait coacher l'équipe nationale la saison prochaine.
Le gratin de l'aristocratie sorcière était également en nombre avec la présence de Mme Molly Weasley et des époux Abbott, Parkinson, Selwyn et Shafiq ainsi que quelques personnalités politiques de premier plan, à commencer par Antonius Greengrass, qui avait brigué la succession de Lord Malfoy au poste de Ministre de la Magie.
Parmi les invités de M. Potter ont été aperçus le directeur de Poudlard, M. Neville Londubat, accompagné de son épouse, ainsi que plusieurs de ses professeurs : Padma Patil et Luna Lovegood (les mères de la fille de M. Potter), Charlie Weasley et Matthieu Le Bihan, qui n'est autre que le fils adoptif de M. Severus Rogue-Malfoy. Plusieurs collègues de M. Potter, médecins et potionnistes, étaient également présents puisqu'il a travaillé pour l'hôpital Sainte-Mangouste jusqu'à l'année dernière, et il y assure toujours des vacations occasionnelles ou des expertises.
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Parmi tous les malheurs qui ont frappé cette illustre famille depuis quelques mois (Rappelons la conduite héroïque de Harry Potter et de Severus Rogue-Malfoy lors des attentats du Boxing Day, mais aussi la tentative d'enlèvement du fils de Draco Malfoy, ainsi que la transformation de Severus Rogue qui a entraîné la démission fracassante du Ministre Lucius Malfoy), nous sommes ravis d'assister à un événement bien plus positif qui redonne espoir et un peu de légèreté à ces jours sombres.
Malgré l'adversité, Severus Rogue, Lucius Malfoy et Harry Potter sont apparus plus soudés que jamais et leur complicité devant l'autel a donné à chacun un sourire admiratif, et presque l'impression d'être de trop devant ce joli couple à trois. »
– Tu vois ! C'est plutôt élogieux, gloussa Harry en repoussant le journal vers le centre de la table. Je ne vois pas de quoi tu te plains !
– MacNair m'a traité de chaperon ! grogna Severus. Et D'Alagnac ? un familier de la famille Malfoy ? Vraiment ?!
Lucius gloussa à son tour derrière sa tasse de thé.
– On croirait que tu as appris l'article par cœur ! fit-il en tirant le journal vers lui pour regarder à nouveau les photos. Il fallait bien que je lui fasse un peu de publicité en remerciement du prix qu'il m'a fait...
– Moi je crois que c'est juste la jalousie qui te fait râler, sourit Harry.
– Reconnais tout de même que l'article est flatteur pour nous trois, reprit Lucius, amusé. On y parle de ta morsure tragique, de ta conduite héroïque... Pas un mot négatif pour qui que ce soit et que des compliments... On ne pouvait pas faire mieux !
Severus grogna un son dubitatif puis jeta un regard au journal.
– Je reconnais juste que les photos sont pas mal...
Elles étaient magnifiques en réalité, pleines de douceur et de connivence, et MacNair avait même fait en sorte de n'en publier aucune où les traces de morsures de Harry soient apparentes. Ceux qui étaient présents sauraient, mais le grand public resterait ignorant de cette intimité retrouvée.
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– Vous êtes prêts ?
Harry hocha la tête tandis que Severus grognait devant l'empressement de son mari tout en enfilant ses gants.
– Et tu ne me diras pas où on va ?!
– Je suis bien obligé puisque tu dois te débrouiller tout seul pour y aller !
Harry grimaça devant ce rappel brutal et indélicat de ses propres limites. Transplaner à l'autre bout du monde, seul ou à plusieurs, ne lui posait aucun problème, mais emmener Severus avec lui depuis qu'il était devenu un vampire n'était pas sans difficulté. La faute à cette magie trop dense et trop imposante pour lui. Du Manoir jusqu'à Londres ou Torquay, c'était encore faisable, mais pour aller jusqu'en Provence... il préférait s'épargner la fatigue importante et inévitable que cela lui causerait.
– Quelques jours de vacances en Provence..., déclara Lucius en pressant son petit monde vers le perron du Manoir. Ce n'est pas un voyage de noces, mais ça nous fera le plus grand bien !
– Quelques jours ?! s'exclama Severus. Mais ! Je n'ai rien préparé et...
– Clay s'est chargé de tes bagages, fit Lucius avec un hochement de tête vers l'elfe qui leur ouvrit la porte. Et je me suis chargé de mettre une affiche à la Librairie.
Severus avait beau grogner et protester, Harry, aussi bien que Lucius, avait vu la transformation de son visage à la simple mention de partir en Provence : de la joie, de la satisfaction, une certaine excitation; tout ça très modéré, bien sûr, parce qu'il s'agissait tout de même de Severus, mais ils auraient pu affirmer avec certitude qu'il était ravi.
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À peine les eut-il rejoints sur la terrasse du mas que Severus se remit à grogner et rabattit le capuchon de sa cape par-dessus sa tête.
– Oh, ça va ! gloussa Lucius en ouvrant la porte d'un sortilège. J'ai peut-être mal calculé les effets du décalage horaire... Mais je trouve que tu exagères un peu ! Le soleil est couché même s'il fait encore jour. Et ça ne va pas durer bien longtemps !
Harry se permit de sourire également tout en poussant son vampire vers l'intérieur de la maison. Severus faisait une vraie fixation sur la lumière alors même qu'il avait déjà avoué qu'il pouvait supporter bien plus qu'il ne le faisait.
– Je vais fermer les volets et ça ira pour ce soir, fit-il en pinçant les lèvres pour s'empêcher de rire. De toute façon, dans une heure il fait nuit noire ! Et pour demain, je t'arrangerai les fenêtres...
Severus grogna encore pour la forme, mais tous les deux le virent s'arrêter dans l'entrée de la maison et inspirer avec bonheur son parfum ancien de cire, de soleil et de lavande.
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Ils avaient dîné avant de partir mais chacun éprouva le besoin, avant de se coucher, de profiter un peu de la douceur de l'air, du dépaysement, de retrouver les meubles anciens et pleins de charme, le confort douillet des fauteuils et des canapés, et l'atmosphère si particulière, un peu poussiéreuse et surannée, de la maison.
Lucius se servit un cognac avant de s'installer près de son mari sur le canapé tandis que Harry revenait de la cuisine avec son champurrado et une assiette de douceurs à grignoter. Il prit un fauteuil sur le côté et les observa en souriant.
Ils se taquinaient, ou du moins Lucius taquinait Severus, sur cette histoire de lumière, sur cette propension à grogner pour un rien alors même qu'il était content d'être là, à grogner par principe... Et dans ce petit jeu mille fois recommencé, Severus tenait bon son personnage irascible alors que l'aristocrate semblait d'humeur tactile, presque lubrique. Un regard lumineux, des sourires rayonnants, une main posée sur la cuisse de son mari, puis sur le dossier du canapé, jouant dans les cheveux sur sa nuque... Harry avait presque envie de s'éclipser pour les laisser seuls, pour qu'ils puissent profiter l'un de l'autre, pour qu'ils puissent se retrouver... Sans lui.
Mais il était aussi doucement tard, et la seule intimité qui se profilait ce soir était celle de la morsure. Severus n'avait pas encore bu et Harry percevait sa faim lancinante. Pas immense, plus une envie insidieuse qu'une faim dévorante, mais il savait que Severus ne ferait jamais l'impasse sur une morsure s'il lui laissait la possibilité de boire. Cela comptait trop pour lui, à la fois pour le vampire et pour l'homme, le geste ultime qui montrait que Harry acceptait leur lien, et malheureusement pour Lucius, cela passait avant la relation que Severus entretenait avec son mari.
Pour la première fois depuis qu'il avait vraiment admis leur lien, Harry se prit à regretter l'importance et le côté un peu sacré de ces morsures... C'était un élément essentiel de leur relation, bien sûr, et il ne pouvait pas oublier à quel point il se sentait bien après les morsures, à quel point il se sentait légitime et à sa place, mais parfois, comme ce soir, il aurait aimé quelque chose de plus simple, de plus fluide, quelque chose qui n'exige pas l'absence de Lucius, et surtout qui ne supplante pas leur relation à eux. Il ne trouvait pas cela très juste et cela le mettait un peu mal-à-l'aise. Parce qu'il était le calice de Severus, il ne voulait pas passer avant Lucius, alors même qu'il n'y avait plus, entre lui et son vampire, de relations charnelles et de sentiment d'amour.
Il voulait leur laisser assez d'espace pour s'aimer et quand il réalisa cela, il se leva gracieusement en disant qu'il allait faire un petit tour dans la piscine tant qu'il faisait encore doux dehors. Le crépuscule s'assombrissait doucement, Severus pouvait même le rejoindre s'il le souhaitait, ou ils pouvaient choisir de rester tous les deux et de profiter de quelques moments tranquilles.
Il ne sut pas s'ils en profitèrent, mais ils mirent dix, peut-être quinze minutes, avant de le rejoindre dehors et lorsque Severus sortit sur la terrasse pour ensuite plonger dans la piscine, il était déjà dévêtu et son maillot de bains n'était qu'un boxer vert sombre.
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Quand ils sortirent de l'eau, une petite heure plus tard, la fraîcheur pointait à peine le bout de son nez mais la faim de Severus, elle, se faisait plus insistante. Lucius dut percevoir quelque chose dans son regard, dans son attitude et, aussi délicatement que Harry s'était retiré tout-à-l'heure pour leur laisser un peu d'espace, il déclara qu'il tombait de fatigue et qu'il montait se coucher.
Il y avait d'autres chambres dans la maison, qu'ils auraient pu investir pour leur « petite affaire », mais Harry appréciait la douceur de la nuit et le fait d'être dehors, près des murs de pierre sèche qui renvoyaient la chaleur de la journée, et Severus devait savourer cette liberté bien plus encore.
Il y avait aussi ce canapé d'extérieur, sous la tonnelle, où ils avaient fait l'amour, un jour, longtemps auparavant, sous le regard curieux et envieux de Lucius. Harry s'y installa, assis entre les cuisses froides de Severus, adossé contre son torse tout aussi frais et il jeta un sortilège de chaleur qui les fit soupirer d'aise. Et quand il se releva après la morsure, étrangement satisfait et tout aussi repu que son vampire, il lui sembla voir remuer le rideau de la fenêtre à l'étage...
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Comme toujours quand ils venaient en Provence, et c'était aussi pour cela qu'ils aimaient tant la maison, la vie était douce, baignée de chaleur, paresseuse et indolente.
Pour passer le plus de temps possible avec Severus quand il était libre de ses mouvements, Harry et Lucius s'employaient à inverser leur rythme de vie, ou du moins, à le décaler. Ils dormaient jusque tard dans la matinée, prenaient un petit-déjeuner vers midi, un déjeuner en fin d'après-midi et le dîner bien après la tombée de la nuit.
L'après-midi, Harry sortait sur la terrasse pour aller se baigner un peu ou pour aller dorer sa peau sous le soleil. Il s'allongeait sur un transat au bord de la piscine avec un livre ou juste les yeux fermés pour s'abandonner à la paresse, tout en sachant très bien que c'était l'occasion pour Lucius et Severus de se retrouver tous les deux... Tranquilles sur le canapé chacun dans un livre ou bien allongés ensemble dans un lit, il ne voulait pas savoir. Ces quelques heures appartenaient à leur tendresse, à leur intimité.
Quand il rentrait à l'intérieur pour leur tenir compagnie, ou parce que la faim le rappelait autour de la table, il savourait la pénombre fraîche de la maison, les fenêtres grandes ouvertes mais les volets fermés, et la poussière dansant dans les rayons du soleil qui s'écrasaient sur les tommettes.
Dès le soleil couché et même s'il faisait encore un peu jour – et cette fois sans râler – Severus sortait pour profiter enfin de la piscine, de la chaleur résiduelle, et chaque soir, avant ou après leur dîner, ils allaient faire un tour dans les collines, au milieu des oliviers et des chênes-liège. Quand la nuit devenait trop sombre et qu'ils finissaient par trébucher sur les cailloux des chemins, Harry déployait sa magie autour de lui, l'obscurité chatoyait de lueurs émeraudes comme une aurore boréale et ils poursuivaient leur promenade sous les étoiles et la lune scintillante.
Lucius était à chaque fois le premier à tomber de fatigue, frissonnant de froid malgré la douceur, et après un baiser à chacun, après une plaisanterie sans cesse renouvelée sur leur « petite affaire », il s'éclipsait dans la chambre en les laissant en tête à tête.
Harry savait très bien que même s'il expédiait la morsure en dix minutes, il trouverait Lucius endormi en montant, fatigué de la chaleur de la journée, du grand air, de leur rythme de vie perturbé ou de ses activités avec Severus... Alors, même si cela le peinait un peu de laisser son nouvel époux s'endormir seul, il prenait le temps de la morsure avec son vampire, un moment rien qu'à eux, dans le calme de la nuit. Un moment riche et onctueux qui devenait, une fois la faim et l'excitation apaisées, un moment de tendresse... Quelque chose de chaleureux et de douillet dans lequel il aimait se lover.
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– Tu es fou, protesta Harry. Je suis sûr qu'elle est glacée !
– Elle est un peu plus fraîche que celle de la piscine, c'est certain, gloussa Severus en retirant ses chaussettes qu'il glissa dans ses chaussures. Mais elle ne sera jamais pire que le lac de Poudlard !
Harry secoua la tête et renonça à le raisonner, comme avait déjà renoncé Lucius avant lui... Severus ne ressentait pas vraiment le froid, en tout cas pas de la même manière qu'eux, et s'il avait décidé d'aller se baigner, ils ne le feraient pas changer d'avis.
Tandis que son vampire débouclait sa ceinture pour baisser son pantalon, Harry fit quelques pas pour rejoindre Lucius qui contemplait le paysage un peu plus loin. Le ciel était de toute beauté ce soir, embrasé de lueurs orangées qui découpaient la silhouette des nuages de façon presque surnaturelle. La blancheur de la falaise de craie s'était teintée des couleurs du crépuscule et même la surface de la mer brillait de longues traînées scintillantes.
Dans la petite crique abritée des regards et cernée de végétation, ils étaient seuls au monde, en tête à tête avec la mer, l'horizon et la nuit qui tombait. Même les cigales s'étaient tues, épuisées d'avoir chanté toute la journée, et il ne restait plus que le bruit du léger ressac de l'eau et celui du sable qui crissait sous les pieds de Severus.
À présent seulement vêtu de son boxer, celui-ci s'avançait déjà dans l'eau qui lui arriva rapidement aux genoux, puis dès qu'il le put, il plongea, les mains jointes et les deux bras en avant, disparaissant à leur vue dans l'ombre mouvante de la mer.
Troublé, Harry s'approcha de Lucius et glissa son visage dans le creux de son cou tandis que ses bras s'enroulaient autour de lui.
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Ils avaient fini par s'asseoir sur le sable en attendant que Severus ait fini de nager, tout en regardant les dernières lueurs rougeoyantes s'éteindre dans le ciel. À présent, une lune pâle émergeait de l'autre côté du monde et les étoiles dessinaient des constellations qu'ils ne reconnaissaient pas.
Harry avait enlevé ses sandales lui aussi et il glissait ses pieds dans le sable, savourant sa fraîcheur et sa caresse fluide quand les grains microscopiques s'écoulaient entre ses orteils. Sur sa cuisse, la main de Lucius le caressait machinalement, un mouvement de va-et-vient du pouce presque hypnotique, aussi répétitif et infini qu'un battement de cœur.
Il était bien, là, avec son mari, dans cet endroit magnifique, dans ce moment très apaisé, mais l'éloignement de Severus le rendait vaguement inquiet. Pendant un long moment, ils l'avaient deviné, à ses bras qui fendaient la surface sombre et immobile, régulièrement, aux quelques bruits qu'il produisait en nageant... mais cela faisait un certain temps – un temps bien trop long à son goût – qu'ils ne voyaient plus rien et qu'ils ne savaient même plus dans quelle direction regarder. Lucius semblait patienter sereinement, mais Harry ne pouvait se cacher à lui-même que ses yeux fouillaient désespéramment l'obscurité à la recherche de son vampire. Bêtement, instinctivement, il pensait au pire, à ce que Severus ne revienne pas, à ce qu'il s'épuise jusqu'à perdre toute sa magie, à son corps englouti par une vague et entraîné vers le fond... Il pensait à sa mort, à sa disparition, à cette perte monstrueuse et sidérante, à l'anéantissement qu'il ressentirait si Severus venait à ne jamais revenir. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il était si inquiet, si angoissé, mais l'absence de Severus le troublait profondément. L'effrayait.
Cela devait même transpirer à travers sa magie car Lucius passa brusquement un bras autour de ses épaules pour l'attirer vers lui et l'embrasser sur la tempe.
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Après un temps encore bien trop long, Severus apparut, marchant à grandes enjambées pour franchir les derniers mètres où la profondeur d'eau était plus faible, et le soulagement déferla dans son cœur et dans son esprit. L'émotion, également. Une émotion idiote, qui serrait sa gorge et étreignait son cœur.
Dans la quasi-obscurité de la nuit, son vampire paraissait sombre et immense, sa peau scintillant de temps à autre d'une lueur irisée. Aussitôt qu'il l'avait vu, Harry avait senti ses pensées sombres s'évanouir comme neige au soleil, ne laissant plus en lui qu'un résidu de douleur inquiète devant son absence prolongée. Lucius ne pouvait pas voir son sourire ému et ses yeux embués mais il dut encore une fois percevoir quelque chose car sa main pressa son épaule avant de se retirer délicatement.
– Enfin ! marmonna Harry. On a cru que tu t'étais noyé !
Severus se contenta de renifler dédaigneusement puis il prit visiblement plaisir à les asperger de quelques gouttelettes d'eau en secouant la tête avant de se jeter un sortilège de séchage.
– Comme si c'était possible ! ricana-t-il enfin. Je te rappelle que je n'ai pas besoin de respirer... et encore moins de l'eau de mer ! Ce n'était pas la peine de t'inquiéter.
– Je n'étais pas inquiet, grogna Harry.
– Et je te rappelle aussi que je perçois une partie de tes émotions...
Harry grogna à nouveau, agacé d'être trahi par sa nature de calice, tandis que Lucius gloussait discrètement de son côté. Il se sentait un peu mal, pourtant, vaguement nauséeux d'une tristesse sourde que l'angoisse avait laissée en lui. Imperturbable, Severus se rhabillait, enfilant son pantalon puis boutonnant tranquillement sa chemise.
– Et je te rappelle que moi, je perçois quand tu as faim ! Et tu es affamé !
Il était tard en effet, et Severus avait dépassé depuis un moment l'heure de sa morsure habituelle, sans compter que nager en pleine mer lui avait coûté bien plus d'énergie que ses quelques kilomètres de natation calme dans la piscine.
– Ça attendra qu'on soit rentrés, fit Severus en s'asseyant dans le sable pour enfiler ses chaussettes et ses chaussures. J'ai faim mais je ne suis pas non plus affamé !
Harry se leva brusquement pour faire trois pas et se rasseoir entre les cuisses de son vampire.
– Non, ça n'attendra pas ! Et tu es glacé, bon sang ! Mords-moi, exigea-t-il d'une voix un peu voilée en se pressant contre le torse de Severus.
– Harry..., murmura celui-ci à son oreille. Pas maintenant. Pas avec...
– Oh si, maintenant ! geignit Harry en levant sa main pour attirer le visage de son vampire dans son cou.
Il se fichait de tout. Il se fichait que ce ne soit pas le moment, il se fichait que Lucius soit juste là, à côté d'eux, il se fichait des tabous autour de la morsure et de l'indécence que cela représentait. Lucius n'était pas n'importe qui; il était leur mari à l'un et à l'autre, il savait tout de leur lien, ils n'avaient pas de secret pour lui. Et puis de toute façon, il faisait nuit noire et il n'en verrait pas grand-chose.
Harry frissonna en sentant les bras de son vampire se refermer autour de lui. Il avait besoin de cette morsure, bien plus que Severus. Elle s'imposait à lui, à eux, pour des raisons qu'il ne voulait même pas chercher à creuser. Il avait besoin de sentir son vampire se nourrir de lui, il avait besoin de combler sa faim, ses propres inquiétudes, de raffermir leur lien, et la présence de Lucius n'était pas grand-chose face à cette exigence impérieuse.
– Faites ce que vous avez à faire, sourit l'aristocrate en se levant avant de s'éloigner de quelques pas.
Le souffle de Severus était sur son oreille, dans ses cheveux, mais il semblait encore hésitant. De sa main libre, Harry attrapa celle de son vampire et s'y cramponna. Elle était glacée, comme morte, comme était glacée la peau de son visage, son torse contre son dos et même sa respiration, et il devait le réchauffer.
– S'il-te-plaît, supplia-t-il dans un murmure presque désespéré. Mords-moi. Maintenant...
Les lèvres de Severus glissèrent le long de sa joue, puis dans son cou, trouvant en une fraction de seconde la position pour le mordre, comme si l'odeur particulière de son sang le guidait au bon endroit les yeux fermés. Et c'était peut-être le cas... Harry tremblait, le ventre contracté par un désarroi insidieux, par l'attente, par le désir fébrile de la morsure.
Et quand Severus le mordit enfin, il laissa échapper un gémissement sanglotant qui résonna à travers le silence de la nuit et finit par disparaître dans le bruissement des vagues.
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Severus but longtemps, au point qu'il allait sûrement devoir manger en rentrant, mais Harry trouva cela trop court. Malgré la morsure, malgré le sortilège de chaleur, malgré sa magie déployée autour d'eux, il avait mis du temps à se détendre, à relâcher la crispation frénétique de ses doigts sur ceux de son vampire, à s'abandonner entre ses bras... Et même encore maintenant, il n'avait pas envie de partir, ni de quitter ce cocon protecteur.
Ce soir, il n'y avait même pas eu de plaisir, rien qui soit d'ordre sexuel ou physique. Juste le soulagement intense de sentir Severus contre lui, rassasié, comblé, de l'avoir réchauffé. Le bonheur d'être là comme une évidence, d'être son calice et d'en être satisfait. Ce sentiment qu'ils étaient dorénavant indispensables l'un à l'autre et la sérénité de voir ce besoin mutuel assouvi...
Même s'il avait cessé de le mordre, le visage de Severus était toujours niché dans son cou, et de temps en temps, Harry le sentait respirer son odeur, le nez collé contre sa peau. Lui, il avait renversé la tête en arrière sur l'épaule de son vampire et son regard ne devinait qu'une nuée d'étoiles scintillantes, comme de la poudre de fée jetée dans le ciel.
Il ne voulait plus bouger. Jamais.
– Luce..., appela doucement Severus en relevant la tête.
Harry frissonna de la sensation de froid dans son cou. Ou bien de se rendre compte brutalement que Lucius avait assisté à une morsure et à toute l'intimité que cela impliquait.
– … Tu peux venir.
Mais Lucius était un peu plus loin et il leur avait tourné le dos. Malgré l'obscurité, malgré sa curiosité évidente, il avait poussé la délicatesse et la pudeur jusqu'à s'éloigner autant qu'il le pouvait et le temps nécessaire à ce qu'ils aillent mieux l'un et l'autre. Sans savoir pourquoi il réagissait aussi fortement, Harry en fut bouleversé. Il avait eu besoin de cette morsure et Severus avait fait ce qu'il fallait pour le rassurer, et Lucius avait fait ce qu'il avait pu pour ne pas s'immiscer.
À présent, guidé par les volutes émeraudes de sa magie, il revenait vers eux, tranquille et discret, et Harry savait qu'il n'y aurait dans son attitude ni jugement, ni curiosité malsaine, ni moquerie. Juste la satisfaction bienveillante de les voir sereins et apaisés.
Lucius s'approcha encore et vint s'accroupir à côté d'eux. Sa main se posa sur l'épaule de Severus et glissa le long de son bras jusqu'à effleurer leurs mains toujours entrelacées.
– Est-ce que vous allez bien ?
Et Lucius poussait la bienveillance jusqu'à cette question, jusqu'à s'inquiéter pour eux, et Harry sentit ses yeux picoter brusquement.
– Oui, tout va bien, murmura Severus de sa voix qui vibrait près de son oreille.
Harry papillonna des yeux sans parvenir à chasser l'humidité qui troublait les étoiles. Seigneur ! Il voulait rester dans l'étreinte de son vampire et il voulait les bras de Lucius autour de lui. Il voulait que le temps s'arrête, il voulait des morsures sous les étoiles, sous la caresse du vent, dans le creux délicat de la nuit, il voulait de l'amour et de la tendresse, il voulait que ce moment dure toute la vie, toute l'éternité, il voulait ne jamais les quitter et ne jamais les perdre. Un élan d'amour brutal traversa son cœur et il émit un son étranglé à la limite du sanglot.
– Harry ? murmura Severus en resserrant ses bras autour de lui et en replongeant son visage dans son cou.
Le geste de son vampire le fit frémir et lui tira un hoquet sanglotant tandis qu'une larme s'échappait du bord de ses paupières.
– C'est rien. Ça va passer, répondit-il d'une voix qui lui parut gémissante. Une bête émotion...
La main de Lucius se leva pour venir effacer la larme qui roulait sur sa joue.
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Un long moment plus tard, ils transplanèrent pour rentrer parce que Harry se sentait incapable de faire le chemin du retour et il exigea la présence de son vampire avec eux au moment de se coucher.
Cette nuit-là, il pleura beaucoup, sans savoir pourquoi, niché entre leurs quatre bras, pris par le besoin irrépressible de se vider de ses émotions. Ou plutôt, il savait pourquoi, mais c'était tellement étrange qu'il ne savait plus quoi faire ni penser : il avait failli leur dire qu'il les aimait. Tous les deux. Et avec désarroi, il se rendait compte que, malgré tout ce qui avait pu se passer dans le pavillon chinois, il avait pardonné à Severus.
Il n'était pas simplement passé outre; il lui avait pardonné.
Et cette nuit-là, quand Lucius se fut enfin endormi de fatigue, Severus le mordit à nouveau, sans même boire, jusqu'à ce que Harry s'endorme à son tour, enfin rasséréné.
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Au final, ils avaient passé toute la semaine en Provence et ils n'étaient rentrés que le samedi soir, après la tombée de la nuit, accueillis par le sourire presque maternel de Sky et par un Orion si contrarié de leur absence qu'il cracha tant et plus sur Severus avant de leur tourner le dos pour s'éloigner dignement dans le couloir. Harry en sourit, au contraire de son vampire qui n'appréciait toujours pas de voir son chat s'être détourné de lui depuis sa transformation. Il tenta d'apaiser sa contrariété par un geste tendre mais Severus se détourna à son tour pour aller s'enfermer dans son bureau.
– Tu sais bien qu'il est toujours grognon quand on rentre de voyage, fit Lucius en le prenant par le bras. Il faut lui laisser le temps de se réhabituer... Viens, allons boire un verre avant le dîner.
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Il se laissa entraîner et ils finirent dans la Salle de Billard où Lucius se fit servir un verre de vin tandis que Harry frappait quelques billes dont le claquement sec fendait le silence. Ils n'avaient pas reparlé de ce qui s'était passé la veille, et il n'y tenait pas particulièrement, mais il sentait bien que Lucius, sans faire preuve d'indiscrétion, le surveillait du coin de l'œil. Leur présence dans cette pièce plutôt que dans le Petit Salon n'était certainement pas anodine non plus.
Harry ne savait toujours pas ce qui lui avait pris; il avait eu peur, viscéralement, fondamentalement. D'une façon tout à fait irraisonnée sans doute, mais qu'il ne pouvait pas contrôler. Et le soulagement intense de voir Severus revenir, cette délivrance de toutes ses inquiétudes, cette libération, l'impression absurde de n'être en sécurité que s'ils étaient tous les trois, avait conduit à cette émotion sortie de nulle part et qui avait balayé toutes ses pudeurs.
Il s'était rendu compte qu'il tenait à Severus bien plus qu'il ne l'imaginait, bien plus que le simple fait d'être indispensable l'un à l'autre. Ses sentiments ne tenaient plus du besoin, mais du don; il aimait Severus avec générosité et pas seulement parce que le calice en lui nécessitait un peu d'attention.
Pour autant, il ne ressentait aucun désir charnel, aucune envie d'une proximité plus grande que d'être simplement dans ses bras pendant la morsure et un peu après, aucune envie de sexe qui n'aille plus loin que le simple soulagement de son excitation pendant que son vampire buvait son sang. C'était très paradoxal et pourtant très net. Il aurait pu tolérer que Severus le masturbe pendant la morsure mais pas les caresses de ses mains ailleurs sur son corps. Il envisageait encore moins l'idée-même de faire l'amour avec son vampire, ou ne serait-ce que l'embrasser.
Ses sentiments pour Severus étaient très purs, très éthérés, mais hormis l'excitation brève de la morsure, cela ne se traduisait pas par un désir sexuel. Il avait l'impression d'aimer Severus un peu comme il aimait Mark : un grand élan de tendresse et de bienveillance, avec l'envie, parfois, de soulager l'autre jusque dans son excitation.
La nuit dernière, Severus était resté longtemps dans le lit avec eux, même après qu'il se soit endormi, mais il n'avait pas eu un geste déplacé, il n'avait même pas été nu. Il était resté habillé, par-dessus les draps, le tenant juste entre ses bras et tout contre lui jusqu'à ce qu'il s'endorme. Et s'il avait été excité par la deuxième morsure pendant que Lucius dormait, Harry n'en avait rien perçu. Comme toujours, Severus était resté irréprochable.
Les seuls moments où il s'était parfois permis des gestes qui dépassaient leurs limites habituelles : cette étreinte étrange le visage enfoui contre son ventre dans la Bibliothèque, ou bien cette fois où il avait embrassé le creux de sa main... avaient été des instants de pure vulnérabilité. Des instants où la carapace d'indifférence, de distance, de Severus avait craqué – comme Harry avait lui-même craqué la veille au soir – et où il avait dévoilé à son corps défendant son besoin de davantage de contacts et de tendresse. Et Harry en avait été profondément bouleversé à chaque fois.
Il aimait le vampire. Il aimait sa puissance, son assurance, cette impression de force inaltérable et inébranlable, il aimait aussi son acidité, son esprit aiguisé, vif et retors... Mais l'humanité de Severus le brisait à chaque fois.
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La main sur son bras le fit sursauter et le sourire doux de Lucius capta enfin son regard.
– Harry... ça fait trois fois que je t'appelle et tu n'entends rien. Je croyais que tu essayais d'hypnotiser cette bille à force de la regarder, mais en fait, c'est elle qui t'a hypnotisé !... Le dîner est servi. Viens...
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Merci à tous de votre lecture et de votre présence. J'espère que ce petit chapitre vous a plu et n'hésitez pas à le commenter :)
Je sais qu'il était un peu court, mais il marque la fin de cette période de retrouvailles difficiles entre Harry et Severus qui se clôture malgré tout d'une jolie manière, avec un mariage et le retour d'une certaine complicité.
En réalité, l'histoire aurait pu - aurait dû, peut-être ? - se terminer ici... Mais je n'ai pas résisté à la passion coupable, bien que laborieuse, de poursuivre l'écriture pour essayer de clore la plupart des arcs ouverts au fil des livres. Une nouvelle partie s'ouvre donc, sans doute plus lente et plus... incertaine. En l'état actuel de l'avancement, je vais poursuivre la parution avec un chapitre par semaine, sauf vacances ou imprévu, mais vous allez finir inexorablement par me rattraper. Je me garderai alors une avance de deux/trois chapitres, parce qu'il m'arrive souvent de revenir en arrière pour corriger quelques bricoles, et il se peut que vous en veniez à attendre la publication au fil de mon inspiration... Pour l'instant, j'en suis au chapitre 40, ce qui fait que nous nous rejoindrions en fin d'année, bien que j'espère avoir avancé d'ici là. Vous pouvez bien entendu continuer à me faire part de vos réflexions, de vos envies ou de vos questionnements, et je vous en remercie... c'est parfois source d'inspiration pour la suite ou pour préciser certains détails ;)
La semaine prochaine, on recommencera avec quelques confidences de part et d'autre...
Au plaisir
La vieille aux chats
