Résumé: Entourés de tous leurs proches, Harry et Lucius se sont mariés au Manoir. Ce fut aussi l'occasion d'apaiser sa relation avec Severus, de multiplier les gestes symboliques envers lui et d'apprécier réellement leur relation. Au cours d'un petit séjour en Provence, Harry comprend qu'il a fini par lui pardonner ses erreurs et qu'il éprouve envers lui un sentiment d'attachement aussi profond et sincère que ce qu'il éprouve pour Mark.
On poursuit donc, pour ceux qui n'ont pas envie d'en rester là ;) Bonne lecture!
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Les jours s'écoulèrent comme un ruisseau tranquille, serpentant dans la douceur de leur vie et de leurs habitudes délicieusement routinières. Un calme immuable, des moments apaisés, une quiétude reposante...
Lucius passait son temps entre œuvres d'art et œuvres de charité. Quelques galas ou autres mécénats où ils l'accompagnaient le temps d'une soirée, et des ventes aux enchères où il se rendait en compagnie de Blaise pour parfaire sa collection et préparer l'inauguration de la nouvelle aile de sa fondation. La date était retenue pour les premiers jours de décembre et les appels de cheminette de James Lincoln, le directeur de la fondation, étaient quasi-quotidiens – bien plus nombreux, en tout état de cause, que les appels du Ministère pour un entretien ou un avis sur un dossier de politique extérieure.
Cette mise à distance de la politique n'était pour déplaire à personne; même Lucius semblait bien plus serein depuis que les tractations internes et les déclarations mesquines et manipulatrices des uns et des autres ne le concernaient plus. Il gardait malgré tout un œil lointain sur la situation internationale, mais il s'intéressait surtout aux informations de fond, pas aux agitations futiles qui étaient censées donner l'illusion de gouverner.
La présence de Mark au Manoir était redevenue quotidienne, elle aussi, excepté les week-ends. Il gérait les affaires de Lucius de manière simple et efficace, avec bien plus de pragmatisme et bien moins de stress qu'au début, ce qui lui laissait également bien plus de temps libre à passer avec Harry. Régulièrement, à la fin de la journée, Håkon venait le rejoindre et ils dînaient tous ensemble avant de partager un verre et quelques billes dans la Salle de Billard.
Si Håkon restait assez distant avec Harry, respectant cette amitié particulière qui le liait à son compagnon – ou bien le fait qu'il soit le calice d'un vampire –, il s'entendait en revanche très bien avec Lucius et Severus, et il partageait avec celui-ci une curiosité insatiable pour les runes et certains savoirs anciens. Il avait même ramené de sa Norvège natale et des possessions de sa famille une quantité de livres centenaires qui occupaient avec ravissement les nuits interminables de Severus. Et il n'était pas rare, après dîner, de les voir disparaître un moment vers la Bibliothèque, le temps que l'ambassadeur ne traduise quelques pages de riksmål ou de landsmål qui posaient problème au vampire.
Mark et son Chaton n'étaient pas les seuls à venir plus régulièrement au Manoir... C'était aussi le cas de Blaise et d'Alicia, pour le plus grand bonheur de Harry, mais aussi de Matthieu et Charlie. Il était devenu rare qu'une semaine passe sans que l'un ou l'autre de ces trois couples ne passe une soirée au Manoir, quand ce n'était pas tout le monde en même temps. Quelquefois, ils recevaient même à dîner d'autres relations de Lucius, les Nott, les Parkinson ou des membres des vieilles familles de l'aristocratie sorcière. Quant à Draco, il venait avec Daphnée et les enfants au moins tous les dimanches pour le déjeuner et passer l'après-midi. Et quand il n'avait pas Aria avec lui, Harry essayait de s'arranger avec Luna et Padma pour qu'elles viennent aussi afin que sa fille passe régulièrement du temps avec ses « cousins ».
Ses relations avec Luna s'étaient d'ailleurs nettement réchauffées depuis la naissance d'Aria; à force de se côtoyer et de s'émerveiller tous les deux sur les progrès de leur bébé, leur amitié ancienne avait repris le pas sur les tensions dues à ses manipulations et au mensonge autour de Charlie. Et parfois, lorsqu'ils étaient tous les trois avec Draco, ils avaient l'impression de se retrouver de nouveau en huitième année et leur connivence était gaie et légère.
Aria, elle, grandissait joyeusement. Elle marchait à présent toute seule et sans aide, même si son équilibre paraissait parfois précaire, et elle montait tout aussi facilement sur les canapés et les fauteuils. Elle dormait toujours comme une marmotte et elle mangeait d'aussi bon appétit que lui, son sourire s'ornant de quelques dents qu'il valait mieux ne pas aller chatouiller sous peine de morsure... Mais en guise de morsure, Harry préférerait toujours celles de son vampire !
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Leur relation à eux était douce et fluide, pleine d'une sérénité tranquille qui lui faisait penser aux accouplements qu'ils partageaient durant leur union, avant la transformation de Severus. Juste le besoin de se tenir l'un contre l'autre et de se sentir connectés, en lien... Et puis l'intense satisfaction de pouvoir nourrir Severus aussi souvent qu'il avait faim. Parfois, lors d'un moment de fatigue, de doute ou de lassitude, que ce soit de l'un ou de l'autre, ils partageaient même de simples morsures, sans boire, une étreinte et les crocs de Severus plantés dans sa chair comme une affirmation ultime, et qui leur permettaient de resserrer leur lien. Une façon de se rassurer mutuellement, même si ni lui, ni son vampire, ne voudrait jamais mettre ce mot-là sur ce comportement.
En réalité, ils s'entendaient parfaitement bien, chacun sachant les limites de l'autre, et bien qu'il n'y ait plus d'amour passionnel entre eux, ils s'appréciaient d'une autre façon, au point de plaisanter, de se taquiner à loisir, jusque sur des sujets presque tabous comme la morsure ou le plaisir que Harry tirait parfois de son don de sang. Leur complicité revenue faisait sourire leur entourage, en particulier Lucius, mais personne ne se serait risqué à les interroger sur la nature exacte de leur relation. Tout le monde savait que quelque chose avait changé depuis que Harry était devenu le calice de Severus, tout le monde avait compris que les débuts s'étaient mal passés et qu'ils s'étaient presque détestés à un moment donné, mais aujourd'hui, la curiosité s'effaçait derrière la paix retrouvée, et c'était aussi bien comme ça.
Seul Lucius savait quasiment tout, aussi bien l'amour disparu, les nuits solitaires de Severus, que la façon dont Harry cherchait la morsure au moment de l'orgasme. Lui seul savait que les gestes de tendresse entre eux n'étaient réservés qu'à des moments très particuliers et qu'ils ne feraient plus jamais l'amour tous les trois. Lui seul regrettait ce qui avait été et ne serait jamais plus...
Harry et Severus paraissaient satisfaits de la situation actuelle; ils avaient trouvé une autre forme de relation qui leur convenait, un lien particulier de créature à créature qui semblait même plus puissant que tout autre chose… Lui, il regrettait de ne pouvoir les aimer que séparément, chacun leur tour, de ne pouvoir passer des moments intimes qu'avec l'un puis avec l'autre, de ne plus être trois mais quelque chose comme une addition fluctuante au gré des jours. Il s'était tellement battu, il avait tellement patienté et pris sur lui pour parvenir à former un couple à trois que la situation actuelle lui paraîtrait toujours comme un retour en arrière. Une fausse route. Un presque échec... De son point de vue, ils avaient perdu au change.
Pourtant, s'ils les prenaient séparément, Harry et Severus paraissaient plus équilibrés aujourd'hui qu'avant la transformation de son mari. Severus avait acquis une envergure considérable; sa puissance imposait le calme, dominait les assemblées d'une façon évidente et incontestable. Il était plus sûr de lui, d'un caractère bien plus homogène et il ne se laissait plus aller ni à des accès de colère, ni à des moments d'agacement ou de rancœur, caché au fond de son bureau. Il lui suffisait à peine d'un regard ou d'un raclement de gorge pour faire taire une dispute entre les enfants, une réflexion désobligeante ou une moquerie déplacée envers son calice. Il avait retrouvé l'autorité naturelle qu'il avait envers ses élèves du temps où il était professeur, mais sans le côté austère, voire sadique qu'il avait à l'époque. Il s'agissait plus d'une emprise, d'un ascendant naturel qu'il avait sur les autres et que Lucius appréciait particulièrement. Et qu'il adorait pousser à bout lorsqu'ils étaient dans l'intimité.
Harry, lui, était plus calme et plus serein également. Le lien du caliciat avait vidé de sa substance ou supplanté le sortilège qui l'unissait auparavant à Severus et dans lequel il avait eu tant de mal à trouver sa place. Il avait pourtant souhaité cette union, mais la relation inégalitaire qu'elle avait mise en place, cette possibilité pour Severus de le contrôler, de le dominer d'une certaine façon, avait été bien plus dommageable que ce qui les unissait aujourd'hui. Harry était toujours resté insatisfait, pris entre des envies contraires d'appartenance et de liberté, des ambivalences qu'il n'arrivait pas à résoudre, ni à supporter.
Aujourd'hui, la situation était toute à l'inverse. Il n'avait pas choisi le lien du caliciat – ou plutôt, il l'avait choisi tellement à contrecœur que c'était un choix par défaut –, mais après des débuts difficiles, il s'en accommodait bien mieux. Peut-être le fait que Severus et lui soient interdépendants dans cette symbiose, placés sur un pied d'égalité... Peut-être le fait que Harry avait mûri dans ses attentes et dans ce désir d'union... Peut-être parce qu'il avait enfin dépassé toutes les conséquences de sa captivité et des violences qu'il avait subies... Lucius avait toujours trouvé que cette union entre les deux hommes de sa vie avait été trop précoce, trop précipitée, mais il n'avait pas vraiment eu son mot à dire. Sans doute aussi qu'ils en avaient eu besoin à ce moment-là, pour se rassurer, Harry sur le fait qu'il allait bien, et Severus sur le fait que Harry n'allait pas disparaître à nouveau de sa vie...
Ce qui était fait, était fait, ils ne pouvaient pas revenir dessus mais avec son regard légèrement extérieur, Lucius trouvait que le lien du caliciat leur allait bien mieux que leur lien d'union précédent. Et cela se ressentait dans la vie du Manoir : plus de disputes, plus de portes qui claquent et de silences pesants, plus de repas manqués sous prétexte de ne pas avoir faim... Aujourd'hui, il s'agissait davantage de sourires complices, de rires, de taquineries et Harry n'aurait manqué un repas pour rien au monde ! Severus, lui, ne mangeait plus, mais à la couleur si carmin de ses lèvres, à la façon dont il irradiait la puissance et la magie, Lucius savait que les morsures étaient quotidiennes. Depuis son retour de Colibita, Harry n'avait jamais refusé de le faire boire et même s'il ne le dirait jamais ainsi, Lucius savait qu'il adorait ces moments en compagnie de son vampire. Leur « petite affaire » ne le concernait pas mais il en restait le témoin indirect et fasciné.
À dire vrai, depuis la morsure sur la plage et sous le couvert de l'obscurité en Provence, ils étaient peu à peu plus libres sur le sujet. Dans leurs plaisanteries mais aussi dans ce qu'ils en montraient. Quand ils n'avaient pas prévu de sortir ou de recevoir du monde, Harry arborait parfois les marques de la morsure que Severus lui laissait sciemment, comme une petite provocation ou un rappel de leur lien; ils ne fermaient pas toujours la porte de leur chambre, ou bien la morsure avait lieu dans d'autres pièces où Lucius était davantage susceptible de les surprendre... Il sentait peu à peu que sa présence était tellement évidente, tellement fondamentale dans leur vie qu'ils éprouvaient moins le besoin de se cacher. Ou bien qu'il était inclus dans cette espèce de tabou qui entourait les morsures, qu'il en était partie prenante...
Il savait aussi qu'il arrivait que Harry ressente du plaisir lors des morsures, tout comme Severus... Un orgasme particulier qui le faisait arriver dans la chambre avec une grimace d'inconfort due à ses sous-vêtements poisseux et froids. Ces soirs-là, Harry se déshabillait en riant sous son ironie, puis il sautait dans la douche avant de venir se coucher avec lui. Ils ne faisaient pas l'amour, se contentaient d'un câlin plein de tendresse et Harry s'endormait rapidement, le sourire aux lèvres, épuisé et satisfait. Lucius aimait ces moments autant que si c'était lui qui avait fait jouir son jeune mari; le fait que Severus et Harry éprouvent un réel plaisir pendant les morsures le rassurait toujours sur la chaleur de leur lien.
Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de regretter la distance que cela avait mis entre eux. Chaque soir, au moment de se coucher, il éprouvait une sorte de nostalgie, de mélancolie, en songeant aux nuits qu'ils passaient auparavant tous les trois, à Harry couché entre leurs deux corps, lové contre Severus, puis contre lui dès que Severus s'endormait, aux câlins du matin avec Aria qui crapahutait sur les montagnes russes que formaient leurs corps enlacés sous la couette, aux douches ensemble et rarement chastes, aux moments dans l'antichambre où ils partageaient une forme de communion physique et mentale qui n'existerait plus jamais. Ils partageaient encore du temps tous les trois, des repas, des conversations, des sorties... mais cette complicité de l'intimité n'existerait plus et il en était profondément désolé.
Pour autant, Lucius devait se satisfaire de ce qu'il avait et il lui fallait juste se souvenir de ses angoisses quelques mois auparavant, quand Severus venait juste d'être mordu et qu'il avait craint de les perdre tous les deux, pour arriver à relativiser leur situation. Il avait auprès de lui les deux hommes qu'il aimait, « vivants », en bonne santé et qui s'entendaient relativement bien. Les détails de ce qu'il avait perdu ou de ce qui avait changé n'étaient que des poussières anecdotiques et négligeables à l'aune de ce qui aurait pu être bien pire.
Parfois, il se prenait à les regarder quand ils se taquinaient, leurs visages illuminés de sourires, aussi beaux l'un que l'autre, bien que très différemment, aussi puissants l'un que l'autre, bien que très différemment là aussi, et il se trouvait heureux. Il ne regrettait pas la transformation de Severus et de Harry, au vu de ce qu'ils étaient devenus, et leur vie aujourd'hui lui paraissait paradoxalement plus sereine et plus apaisée que depuis bien longtemps. Alors, il se laissait porter par le courant, délicieusement, sans réfléchir, avec pour seule envie de savourer chaque jour l'un après l'autre, de grappiller chaque rire, chaque clin d'œil, chaque rayon de soleil qui illuminait cet automne gris et froid. Et de fait... il n'avait pas vraiment l'impression que l'hiver arrivait.
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– Déjà fini ? sourit Harry en voyant la longue silhouette de Mark se profiler par la porte restée ouverte.
– Enfin fini ! gloussa le jeune homme en étirant son dos fourbu, les bras loin au-dessus de sa tête. Est-ce que tu sous-entendrais que je n'en fais pas assez ?!
Harry secoua doucement la tête tandis qu'Aria, assise par terre juste à côté de lui, saluait l'arrivée de Mark d'un cri enthousiaste.
– Loin de moi cette idée, et tu le sais bien...
Personne n'aurait pu dire que Mark n'en faisait pas assez. Il avait repris en main toute la gestion de l'empire Malfoy, et pendant que Lucius s'amusait à dépenser son argent en œuvres d'art et en subventions diverses et variées, Mark s'échinait à garder un œil et à régir judicieusement les entreprises, les investissements et toute la fortune de la famille. Et Harry savait très bien, par les livres et les magazines aperçus chez lui et par quelques indiscrétions lâchées par Håkon, que même sur son temps libre, Mark continuait à s'intéresser à la finance internationale, à se renseigner sur la pertinence de certains placements ou sur la viabilité des sociétés auxquelles il voulait s'associer.
– On est vendredi, fit Mark sans se formaliser. Et je décrète que je suis enfin en week-end ! J'en ai plein le dos !
– Un petit massage ? ricana Harry.
– Ce ne serait pas de refus !
Mark soupira pour la forme mais il affichait un petit air satisfait en venant s'accroupir auprès d'eux. Aria agita dans sa direction le cube de tissu qu'elle tenait entre les mains, faisant résonner le grelot qu'il contenait, tandis que dans le miroir posé au sol contre le mur, Axaya se fendit d'une grimace en guise de salut qui la fit éclater de rire. Mark grimaça en réponse et les deux enfants se mirent à rire ensemble; celui d'Axaya restait muet mais la joie se lisait jusqu'en haut de son visage.
Harry lui sourit tendrement avant de se laisser entraîner par la bonne humeur communicative de sa fille.
– Vous exagérez, tous les deux ! Elle va savoir faire des grimaces avant même de commencer à parler !
– Da !
– Et je vous prierais de ne pas l'exciter juste avant sa sieste !
Mark gloussa sous la remontrance légère et attrapa le jouet qu'Aria convoitait un peu plus loin pour le lui donner. Dans le miroir, Axaya, accroupi dans la clairière près de la maison sur pilotis, reprenait avec une patience infinie ses pyramides de cailloux équilibristes. Il n'aimait rien tant que de les renverser ensuite en lançant une grosse pierre pour faire rire Aria aux éclats.
– Håkon vient dîner ce soir ? reprit Harry en couvant son petit monde d'un regard affectueux.
– Oui... Tu avais quelque chose de prévu cette après-midi ou tu veux qu'on fasse un truc ?
Harry tourna la tête vers la fenêtre et soupira en devinant la pluie morne et inlassable qui tombait dans la grisaille extérieure.
– Je serais bien allé me promener avec Aria mais à mon avis, ce n'est pas pour aujourd'hui... Je crois que je vais la mettre à la sieste et ça va être canapé, plaid, série télé et champurrado !
– Et téléfilm de Noël ! s'exclama Mark avec un sourire réjoui.
– Je ne suis pas désespéré à ce point-là ! fit Harry en éclatant de rire. Mais je t'accorde un truc bien guimauve si tu veux !
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Bien évidemment, Mark passa l'après-midi avec lui et la séance télé-canapé se transforma d'abord, dès que Aria fut couchée, en un petit tour à la piscine. Depuis le début des pluies et des premiers frimas de l'automne, la rotonde était devenue un véritable hammam dans lequel il faisait bon se réfugier et se réchauffer. À l'aide de quelques sortilèges, Harry avait drastiquement augmenté la température de la salle – et de l'eau – pour en faire un petit univers subtropical, au point qu'il était plus qu'agréable de s'y dévêtir et d'y paresser sur une chaise longue. Severus n'étant plus sensible aux différences de température, il ne pouvait même pas râler contre cette petite étuve.
Ils barbotèrent un moment dans la piscine comme dans un bain, se chamaillant comme des gosses puis se prélassant simplement dans l'eau chaude. Une fois la peau de leurs doigts bien fripée, ils finirent par en sortir et avant qu'ils ne puissent même avoir froid, Harry les sécha à l'aide de la magie. Il s'absenta ensuite quelques instants pour traverser le couloir vers son laboratoire et en revint avec un pot de l'onguent que Severus avait si souvent apprécié. Avant. Aujourd'hui, il n'avait plus besoin de lui que pour le nourrir et malgré tout, cela le rendait un peu mélancolique.
Allongé sur un transat, Mark se décala pour lui laisser une petite place pour s'asseoir et le laissa explorer sa peau de ses mains fraîches. Harry parcourut lentement les muscles des épaules et du dos, assouplissant les tensions et les contractures d'une position trop longtemps maintenue... C'était étrange de sentir sous ses doigts cette peau si lisse, si pure, alors que Severus – et même Lucius, bien que de façon moindre – ne comptait plus ses cicatrices... La plupart étaient très discrètes, à peine un fin trait nacré sur la pâleur de la peau, mais elles étaient nombreuses, stigmates de vies tumultueuses qui avaient connu deux guerres et de multiples combats. Mark, lui, était vierge de ce genre d'histoire; ses cicatrices étaient plus invisibles, davantage d'ordre moral que physique, mais cette douceur sous ses doigts laissait Harry songeur.
Il songeait à son mari, à son vampire, à leur vie, et il ne pouvait regretter aucun écueil qui les avait menés jusqu'à aujourd'hui. Aussi dur et douloureux que ce soit, chaque difficulté, chaque grain de sable les avaient construits, comme Mark s'était construit sur son passé familial amer, sur son « travail » à l'Agence, sur tous les hommes qu'il avait connus, avant d'aboutir à son Chaton et son mariage d'amour. Quelque chose comme une juste récompense, et l'idée le fit sourire tandis que ses mains glissaient sur la peau soyeuse.
– Tu sais que je pourrais m'endormir, là ? gloussa Mark d'une voix paresseuse.
– Là ou devant la télé, tu finiras bien par faire ta petite sieste, ricana Harry. J'aurais dû te coucher en même temps qu'Aria !
Mark se contenta de sourire, le visage tourné sur le côté et posé sur ses bras croisés.
– Vous viendrez à l'inauguration de Lucius ?
– Vous inaugurez Lucius ?! ironisa Mark. C'est vrai que dans son genre, c'est un monument d'un certain âge !
– Hey ! protesta Harry en lui pinçant la taille. Ne parle pas comme ça de mon nouveau mari !
– Laisse mes bourrelets tranquilles ! pouffa Mark en gigotant contre lui. C'est quand ?
– Début décembre, le six ou le sept, je crois...
Mark ouvrit les yeux en réfléchissant avant d'esquisser une grimace dépitée.
– Hum, je ne crois pas... Il me semble que c'est le week-end où on doit monter en Norvège pour le traitement de Chaton...
Instantanément et bien malgré lui, Harry se raidit tandis que ses mains s'immobilisaient une seconde avant de reprendre leur lent massage. Le mot « traitement » résonnait avec force dans son esprit et il était bien certain que Mark ne lui avait strictement jamais parlé de quoi que ce soit se rapportant à une quelconque maladie de Håkon.
– Il est souffrant ? fit-il d'une voix qu'il voulait légère et qu'il trouva bien trop blanche à son goût.
Mark laissa filer un silence, comme s'il se préparait à un aveu trop longtemps différé.
– Håkon suit un traitement expérimental pour... Est-ce que tu l'as déjà vu se baigner, même par quarante degrés, même quand Lucius est lui-même dans l'eau ?
Surpris, Harry mit quelques secondes à rassembler ses souvenirs et à en extraire une réponse.
– Non...
– Et tu ne t'es jamais demandé pourquoi il s'était retrouvé dans cette Commission Européenne sur les vampires, et pourquoi il continue alors que Lucius a jeté l'éponge ?
– Ce n'est pas de sa faute ! protesta Harry. Après tout ce qui nous est arrivé, Luce a...
– Je sais, je sais, fit Mark en fermant douloureusement les yeux. Et personne ne peut le blâmer... Mais le fait est que... Håkon a ses propres raisons de mener ce combat. Et de ne pas en démordre.
Harry se rendit compte que ses mains ne bougeaient plus, figées sur les reins de son ami, et que l'heure n'était plus aux caresses, ni à la douceur. De toute évidence, Mark avait besoin de vider son sac d'un secret trop bien gardé.
– C'est-à-dire ?
– Quand il était jeune... Håkon a été victime d'une attaque de vampire. Rien de méchant en soi; il a été mordu mais pas assez pour en mourir ou en être transformé. Une simple perte de sang que quelques bons repas ont rapidement compensée.
– Alors quoi ?
– Je... J'ai beau lui dire qu'il n'a pas à en avoir honte ou quoi que ce soit, c'est trop ancré en lui pour qu'il arrive à passer au-dessus... En fait, il faisait du camping, un été, avec quelques amis. Le vampire s'en est pris à lui quand il s'est éloigné du groupe pour aller pisser. Son cri a alerté les autres... Et le seul moyen qu'ils ont trouvé de faire fuir le vampire a été de brandir des bûches enflammées sorties du feu.
Harry resta figé et silencieux, laissant au jeune homme l'espace et le temps de finir son histoire, mais il ne pouvait empêcher son ventre de se nouer d'une douleur partagée.
– … Les vêtements de Håkon ont pris feu aussi bien que ceux du vampire. Et dans la panique, personne n'a songé aux gestes ou aux sortilèges les plus simples... Au bout du compte, il en a gardé une importante cicatrice de brûlure dans le dos, dont il a une honte absolue.
– Mais il n'a pas à en avoir honte ! Il...
– Je le sais ! fit Mark d'une voix plus dure. Je le sais mais c'est ainsi, il n'arrive pas à se défaire de ce sentiment. Tu ne le verras jamais en maillot de bains ou torse nu. Même avec moi, il se montre le moins possible, il ferme la porte de la salle de bains d'un sortilège quand il prend sa douche ou quand il se déshabille, il porte toujours un pyjama pour dormir... Pendant des mois, même après notre mariage, il refusait de se déshabiller complètement quand on faisait l'amour; il gardait toujours un haut de pyjama ou un tee-shirt... quelque chose pour couvrir son dos. Ça ne fait pas si longtemps qu'il ose un peu plus, parce qu'à force de lui en parler, de le pousser à consulter un médecin, de le toucher là, il a fini par comprendre que je m'en foutais, que ça ne changeait rien pour moi...
Mark soupira et ferma les yeux.
– Je crois que c'est pour ça aussi qu'il est resté longtemps célibataire, en passant de temps en temps par l'Agence... Il refusait de se montrer à qui que ce soit, et les garçons de l'Agence, eux, étaient là sans poser de questions. Le fait qu'il reste à moitié habillé était vu comme une lubie, un caprice et personne ne se serait avisé de faire une réflexion sous peine de ne plus travailler... Et Håkon restait plutôt très charmant et très prévenant, comparé aux autres hommes.
Harry était bien d'accord sur ce point : Håkon était un très bel homme. Rien que la couleur bleu glacée de ses yeux et le timbre si grave et si vibrant de sa voix, sans parler de sa galanterie naturelle, suffisaient à attirer l'attention de n'importe qui – et à faire chavirer le cœur de bon nombre d'hommes. Mais il ne pouvait absolument pas cautionner ce que sous-entendait Mark derrière ses paroles amères et qui confinait avec un vieux sentiment d'insécurité et d'illégitimité.
– Hey ! Ne va surtout pas croire ou t'imaginer que Håkon n'est avec toi que parce qu'il te prend pour un garçon facile ou qui accepterait n'importe quoi pour une situation ! Vous vous êtes peut-être rencontrés par le biais de l'Agence, mais je suis persuadé qu'il est profondément amoureux de toi ! Il n'est pas idiot et il n'est pas aveugle. Il sait bien que tu l'aimes et que tes sentiments sont bien réels. Et lui, il t'aime tout autant et il te respecte bien au-delà de ce que tu imagines. Bon sang ! Il a même été jusqu'à réfréner ses envies de sexe pour ne pas que tu te fasses de fausses idées !
Mark se redressa brusquement sur sa chaise longue, délogeant Harry qui s'assit sur le transat voisin. Son regard, sous ses sourcils froncés, était dur et inquisiteur.
– Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?!
– Une vieille conversation qu'on avait eue lui et moi en juin, quand on était venus en week-end chez vous... Visiblement, à cause de ton passage à l'Agence, il craignait que tu le croies intéressé seulement par le sexe ou par ton corps alors, il essayait maladroitement de te montrer qu'il s'intéressait à tout de toi, sauf à ça… Quitte à ronger son frein dans son coin.
Mark écarquilla les yeux en secouant la tête.
– C'est le monde à l'envers !
– Bref, fit Harry. Il t'aime profondément et je t'interdis de penser qu'il est avec toi seulement par facilité ! Quant à cette histoire de brûlure, c'est quoi ce traitement en Norvège ?
Mark haussa les épaules, l'air légèrement désabusé.
– Un traitement expérimental sur la régénération de la peau... Pour essayer d'atténuer les cicatrices et les assouplir.
– Ça consiste en quoi ? insista Harry dont l'esprit tournait déjà à plein régime. Une potion, un sortilège ?
– Les deux, je crois.
– Et dans la potion, qu'est-ce qu'il y a comme ingrédients ? Ils sont partis sur quelle base de recherche ?
– Harry ! Je n'y connais strictement rien en potions ! Et je ne t'ai pas parlé de ça pour que tu en fasses ton nouveau cheval de bataille !
Mark se leva, attrapa son pull et entreprit de se rhabiller. Il semblait tendu à présent, regrettant déjà ses confidences et les conséquences de ce qu'il venait d'avouer.
– Pourquoi tu me l'as dit, alors ? fit Harry en riant et en se levant à son tour. Tu me connais. Tu sais que je vais forcément vouloir faire quelque chose...
Il laissa Mark sortir la tête de son pull et l'ajuster sur son torse, puis il s'approcha doucement tout en cherchant son regard troublé qui l'évitait et il le prit dans ses bras. Aussitôt, comme submergé par l'émotion et le soulagement, Mark lui rendit une étreinte un peu désespérée, nichant son visage contre son cou.
– Je n'aime pas avoir de secrets pour toi, fit-il d'une voix étranglée. Même si c'est davantage celui de Håkon que le mien... Et puis cette histoire me pèse...
– Tu sais que tu peux tout me dire, sourit Harry en lui caressant tendrement le dos. D'habitude, c'est toujours moi qui suis là à pleurnicher sur mes états d'âme, tu peux bien le faire aussi de temps en temps...
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Il l'avait promis et ils en avaient sans doute besoin : en remontant de la piscine, ils s'enfermèrent dans la pénombre de la salle de cinéma pour regarder « Quatre mariages et un enterrement ». Une comédie romantique douce-amère, un des films préférés de Harry – qui se garderait bien de l'avouer – qui les fit éclater de rire puis pleurer à chaudes larmes au moment des funérailles de Gareth.
Ils s'arrêtèrent là, sur ces mots pleins d'une poésie douloureuse et sur ces images pleines d'émotion. Mark, lové contre lui, entre ses bras, ne s'arrêtait plus de pleurer, vidant une tristesse et une douleur trop longtemps retenues, une montagne de doutes, d'incertitudes et d'insécurité.
– Chuuutt, murmura Harry en caressant les boucles blondes sur son torse. Tout va bien... Håkon est fou de toi, il ne te laissera jamais tomber... Et je ne te promets rien mais je vais regarder ce que je peux élaborer comme potion ou comme onguent...
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– Eh bien ! Un peu plus et nous allions commencer à dîner sans toi ! fit Lucius en apercevant le premier Severus qui pénétrait enfin dans la Salle à Manger.
Ils étaient déjà tous installés autour de la table, chacun à sa place devenue habituelle avec le temps. Håkon et Mark se levèrent pour serrer brièvement la main de Severus tandis que Lucius, grand seigneur, attendait son rituel baiser assis sur sa chaise comme sur un trône.
– C'est vrai qu'il vous fallait attendre mon avis éclairé sur ce que vous allez goûter, ricana Severus en parcourant des yeux les plats qu'il ne mangeait plus. De toute façon, mon dîner à moi a lieu un peu plus tard...
Tout en se penchant pour embrasser Lucius, il glissa un regard de pure convoitise vers son calice et son sourire, lorsqu'il se redressa, dévoilait des canines un peu plus pointues qu'à l'ordinaire. Harry se contenta de glousser en le saluant d'un hochement de tête puis se préoccupa de remplir généreusement son assiette.
– Et ton « dîner » allait défaillir s'il ne remplissait pas rapidement son estomac ! répliqua Lucius.
Le reproche voilé fit grimacer Severus et il s'assit à sa place avec un visage plus sérieux.
– Désolé... Un client qui m'a retenu à la Librairie et qui voulait absolument que je vienne chez lui expertiser des livres...
Tandis que Lucius effaçait l'incident d'un geste de la main, Harry leva le regard vers son vampire. Derrière les sourcils froncés, il le trouva sombre et soucieux, et l'air plus fatigué que d'habitude alors que sa faim n'était même pas immense. Ce soir, il prendrait le temps de le laisser boire tout son soûl...
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La soirée se poursuivit tranquillement, après le dîner, par un digestif dans la Salle de Billard auprès d'un feu ronflant dans la cheminée. Severus était assis si près du foyer que Harry se demandait comment il faisait pour supporter pareille chaleur, même en étant un vampire. Cela avait quelque chose d'inhumain et de profondément troublant, et quelque part, il n'aimait pas se rappeler que son vampire n'était plus tout à fait un homme...
Et puis son regard dériva vers Mark lové contre son Chaton, le bras tendre posé sur ses épaules... et l'image de Håkon transformé en torche humaine pour échapper à un vampire s'imposa à son esprit et lui noua violemment le ventre. Severus sursauta aussitôt et glissa vers lui un regard alerte et presque inquiet. Harry s'en aperçut, lui sourit puis secoua discrètement la tête. Mais la morsure et le sentiment de confort, de sécurité qu'elle lui procurait à chaque fois, lui tardaient. Les confidences de Mark, s'il avait été heureux de pouvoir les accueillir et le rassurer comme il l'avait pu, l'avaient malgré tout ébranlé.
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Rapidement après le départ de leurs invités et tandis que Lucius grimpait dans sa chambre, Harry et Severus s'isolèrent pour leur tête-à-tête quotidien.
– Tu mettrais un peu de musique ? suggéra-t-il à son vampire.
Il était fatigué mais il avait envie d'un moment doux et confortable, même si cela devait prendre un peu plus de temps, et il avait choisi la Bibliothèque dans ce dessein.
Severus lui jeta un regard surpris puis se dirigea vers la petite chaîne hifi nichée dans le recoin d'une étagère chargée de livres.
– Bien sûr... Qu'est-ce que tu veux écouter ?
– Ce que tu veux... De la musique. Quelque chose de tranquille...
Severus hésita un instant, appuya sur quelques boutons puis une musique douce et soyeuse s'enroula dans la Bibliothèque. Ce devait être du jazz, mais un peu lent, feutré, voluptueux et qui s'accordait parfaitement à l'atmosphère tamisée de la pièce. Harry apprécia d'un sourire satisfait.
Il frissonna et se frotta les bras en attendant que Severus revienne et s'installe dans le canapé, à demi-allongé et adossé sur les coussins placés contre l'accoudoir. Et quand ce fut fait, il ne fut pas long à s'installer à son tour entre les jambes de son vampire. Avant de s'appuyer contre lui, il déploya le plaid qui restait toujours dans la Bibliothèque et le drapa consciencieusement sur eux avant de glisser ses bras dessous.
– Tu as froid ? Tu veux que je fasse un feu ?
– Non, avec ça, ça va aller. Je suis juste un peu fatigué... Et puis la morsure va vite me réchauffer !
– Hum... Je ne sais pas si tu le mérites, minauda Severus en enroulant ses deux bras autour de son ventre.
Harry frissonna encore en sentant le visage de son vampire venir se nicher dans son cou, mais cette fois, ce n'était pas de froid. L'anticipation de la morsure le rendait impatient, nécessiteux, et il bascula la tête sur le côté et en arrière pour s'offrir le mieux possible à Severus. Un nez froid parcourait sa peau, retraçait le chemin de sa carotide, dessinait l'angle de sa mâchoire, mais son vampire ne semblait pas décidé à le mordre.
– Qu'est-ce qui s'est passé tout à l'heure dans la salle de billard, murmura-t-il doucement, pour que je sente d'un seul coup une bouffée d'angoisse venant de toi ?
– Rien... Mark m'a fait une confidence cette après-midi, quelque chose à propos de Håkon qui m'a un peu remué... Et en les voyant tous les deux, j'y ai repensé, c'est tout.
À présent, c'était les lèvres de Severus qui parcouraient la peau de son cou, douces puis exigeantes, puis à peine un effleurement, et Harry ferma les yeux sous la sensation.
– Rien d'autre, tu es sûr ?
– Non, rien d'autre, assura-t-il en frémissant sous un baiser là où battait son artère.
– J'ai trouvé Mark assez émotif lui aussi, ce soir... Assez fusionnel avec Håkon...
– Oui, souffla Harry en se cramponnant aux bras de son vampire. Il était particulièrement ému cette après-midi; il gardait ça pour lui depuis trop longtemps... On a un peu pleurniché dans les bras l'un de l'autre...
Cette fois, ce furent les crocs de Severus qui égratignèrent sa peau et il ne put s'empêcher de gémir, mais la morsure, elle, ne venait toujours pas. C'était le nouveau petit jeu de Severus : s'amuser dans son cou avant la morsure, le frôler, le faire languir jusqu'à ce qu'il le supplie de le mordre. Le plaisir de l'attente, avait-il dit un jour... Et Merlin savait qu'il aimait ces moments frissonnants et impatients, et qu'il avait très bien compris que son vampire s'en servait pour lui tirer les vers du nez, mais là, il n'en pouvait plus.
– Je suppose que tu ne me diras pas de quoi il s'agissait, murmura Severus en passant sa langue sur la peau égratignée.
– Non ! gémit Harry. Bon sang, mords-moi Sev ou je te jure que tu ne boiras pas ce soir !
Il entendit Severus glousser tout contre son oreille puis il sentit ses crocs s'appuyer doucement sur sa carotide. Pas assez fortement pour percer la peau mais la pression dans son artère était telle que le sang commença à perler à la surface, faiblement, puis en grosses gouttes autour desquelles s'arrondit la bouche de Severus, puis les canines s'enfoncèrent sans résistance dans son cou et Harry poussa un gémissement sanglotant devant tant de plaisir.
Severus buvait doucement, voluptueusement, savourant gorgée après gorgée tout en relâchant un souffle tiède qui se glissait sous son pull, mais pour Harry, les doigts entrelacés et cramponnés à ceux de son vampire, le plaisir ne voulait pas redescendre. Une érection douloureuse pulsait dans son pantalon au même rythme que son cœur, mais l'apogée, le paroxysme, l'orgasme, refusait de le délivrer. En désespoir de cause, il agrippa la main de son vampire et la fit glisser vers son entrejambe.
Tandis que Severus gloussait à nouveau contre sa gorge, Harry déboutonna à la va-vite son pantalon et entraîna la main sur la bosse qui déformait vigoureusement son boxer. La froideur de la peau du vampire lui fit déjà un bien fou mais c'était à peine suffisant. Heureusement, Severus ne se fit pas prier davantage et commença à masser puissamment son érection. Pris entre deux plaisirs aussi intenses l'un que l'autre, Harry se mit à gémir comme un perdu et il ne lui fallut que quelques secondes de ce traitement pour exploser dans son sous-vêtement.
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Il se remettait lentement de ce plaisir époustouflant tandis que Severus continuait à boire à petites gorgées. Il avait retiré ses canines de son cou et se contentait de jouer avec le sang qui coulait des deux petites plaies, ses lèvres fermement appliquées sur sa peau pour ne pas en perdre une goutte. Sa langue passait et repassait sur les orifices, et cette caresse suave, associée à la langueur qui habitait son corps, laissait Harry dans un état de léthargie voluptueuse.
Enfin – trop tôt certainement, parce qu'il se serait bien endormi là, entre les bras de son vampire –, Severus fit cicatriser les plaies d'un dernier coup de langue et releva la tête. Le froid soudain dans son cou était désagréable et Harry déploya sa magie autour d'eux pour les réchauffer, et se nettoyer par la même occasion, ce qui fit ricaner doucement le vampire.
– À une époque, je t'ai connu durer un peu plus longtemps que ça !
– Oh, ça va hein ! Si tu ne t'amusais pas à me faire languir pendant des heures ! grogna Harry en se carrant dans la tiédeur confortable de sa position.
Maintenant qu'il avait bu à sa faim et plus encore, les mains de Severus sur son ventre étaient presque chaudes et son visage, appuyé contre ses cheveux, l'était tout autant. C'était doux, confortable, et la musique qui dansait dans la Bibliothèque – et qu'il n'avait plus perçue pendant tout le temps de la morsure – épousait à merveille cette sensation de cocon douillet qu'il ressentait.
– Je sais que tu adores ça, ricana Severus.
Et Harry savait que son vampire adorait cela tout autant que lui, cette espèce d'intimité sensuelle de la morsure et qui s'arrêtait dès qu'il avait fini de boire. Les gestes qui existaient après, même s'ils pouvaient encore être intimes, ne portaient plus la même excitation, le même désir. Il s'agissait de tendresse, du besoin de Severus de s'imprégner de lui, de respirer son odeur le nez enfoui dans ses cheveux, jusqu'à se tenir dans les bras l'un de l'autre mais de façon tout à fait chaste.
Harry se contenta de grogner sans répliquer, peu désireux de piquer la fierté de Severus et d'interrompre ce moment agréable.
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– Tu as bu assez ? fit-il au bout d'un moment à savourer la musique feutrée. Tu avais l'air fatigué, ce soir...
– Fatigué peut-être, mais pas affamé, répondit Severus, la voix légèrement étouffée par ses cheveux. Les exigences des clients ont le don de m'agacer, en ce moment. Si ça continue, je vais finir par ne garder que mes clients de longue date...
Harry sourit discrètement et sans un bruit devant cette plainte récurrente chez son vampire, qui était devenue un véritable art de vivre, de la même façon qu'il râlait sur ses élèves autrefois... La Librairie n'était qu'une simple occupation pour Severus, mais il exigeait de ses clients la même passion et la même érudition pointue que lui, sous peine de maugréer sur leur médiocrité. L'excellence sinon rien, comme toujours.
– Dis-moi..., se lança Harry sur un coup de tête. L'hôpital m'a appelé en me demandant de travailler sur les potions de régénération cutanée... Qu'est-ce que tu utiliserais comme base pour une potion ou un onguent ?
Il avait bien sa petite idée déjà, mais il était curieux de ce que Severus aurait choisi.
– Régénération cutanée ?... Quelque chose qui tourne autour du ventricule de dragon, sans doute. Avec d'autres ingrédients qui jouent sur l'apparence ou la mémoire du corps, comme les chrysopes ou la sauge...
– Le ventricule de dragon ? releva Harry, songeur. Plus que le sang de dragon ?
– Oui. Pour avoir quelque chose de plus pur... Le sang contient trop d'impuretés, des métaux, des polluants... Le ventricule de dragon sert le plus souvent pour les baguettes, mais c'est en réalité un excellent ingrédient de potion.
– Mmmhh...
Sans quitter le confort douillet du plaid et des bras de son vampire, Harry se réinstalla légèrement et se mit à réfléchir. L'idée de Severus était intéressante, passionnante même, et ne contredisait en rien sa propre idée de départ. Il était déjà curieux de savoir comment réagirait le ventricule de dragon avec du sang d'axolotl, mais l'espèce devenait rare en milieu naturel et difficile à trouver. En revanche, les petites turritopsis nutricula que l'on trouvait en mer des Caraïbes avaient sensiblement les mêmes propriétés et feraient un excellent substitut. Un petit voyage à la recherche d'ingrédients était sans doute à envisager dans les prochains jours et il en était déjà tout excité.
Severus, lui, semblait loin de ces considérations et resserra ses bras autour de son ventre tout en enfouissant son nez dans ses cheveux.
– Rien à voir avec la brûlure de Håkon, bien entendu...
Harry sursauta et se retourna brusquement, saisi par le froid et la suspicion.
– Comment tu es au courant de ça ?! Tu nous as écoutés ?!
– Je n'étais pas là, j'étais à la Librairie, fit Severus d'un ton apaisant. Mais je suis au courant, oui...
Son cœur battant la chamade, Harry n'arrivait pas à se départir de cette idée d'avoir trahi la confiance de Mark et il en était terriblement mal à l'aise.
– Assieds-toi et calme-toi, reprit Severus. Tu te souviens de cette capacité qu'ont les vampires de percevoir certaines images, la première fois qu'ils touchent quelqu'un. C'est de cette façon que Mihai avait su pour ta captivité... Il se trouve qu'après ma transformation, j'ai logiquement hérité de cette capacité, et même si je connaissais déjà les gens, la première fois que je leur serrais la main ou que je les touchais, le même phénomène se produisait. Ajouté à cela mes compétences en légilimencie, j'arrive à percevoir beaucoup de choses et même à guider ma perception dans les souvenirs des gens... Compte tenu de ce qui lui est arrivé, Håkon devait inconsciemment appréhender de me revoir et quand ça a été le cas, la première chose qu'il avait en tête était cet incident avec ce vampire... et cette brûlure sur son dos.
À mesure des explications de Severus, Harry s'était relâché et rassis entre ses jambes, tout en restant face à lui malgré la fraîcheur de l'air. D'un geste, il réinstalla le plaid entre eux, mais son dos restait à découvert et il frissonna de froid et du contrecoup de son émotion brutale.
L'explication de Severus était plausible, et même logique, et il s'en voulut de l'avoir soupçonné d'emblée et sans raisons. En réalité, Severus savait depuis longtemps; il venait juste d'associer la mention des confidences de Mark et ses questions au sujet d'une potion de régénération cutanée dans un raisonnement imparable... Harry soupira, agacé contre lui-même.
– Excuse-moi...
– Aucune importance, assura Severus en le tirant par le bras pour le réinstaller contre lui. Je suppose que ça va devenir ton nouveau passe-temps...
– C'est possible, oui, gloussa Harry en se laissant aller contre son vampire.
Severus le prit entre ses bras et pencha la tête pour nicher son visage dans son cou.
– N'en fais pas trop quand même. Je ne tiens pas à te voir t'épuiser à la tâche...
En douceur, il le mordit et sans même boire, retira tout aussitôt ses crocs. Harry vibra sous le plaisir fugace et le coup de langue pour arrêter le saignement. Cette morsure-là visait davantage à le rassurer, à lui prouver la sincérité et le dévouement de son vampire.
– … Et si tu as besoin de moi pour surveiller une potion la nuit ou autre chose, tu sais où me trouver.
– Merci, sourit Harry en portant la main à son cou où persistaient les deux petits orifices de la morsure.
– Tu ferais bien de rejoindre Luce, maintenant... Il se languissait un peu de pouvoir passer la nuit avec toi. Le pantalon que tu portes n'était pas fait pour refroidir ses appétits !
Harry gloussa à nouveau puis grimaça.
– Je crois bien qu'il va rester frustré ce soir ! J'ai déjà eu ma dose et je suis trop fatigué pour remettre ça. Va le rejoindre, toi... Il sera content et puis moi, j'ai matière à réfléchir.
– Tu viens de dire que tu étais fatigué ! répliqua Severus d'une voix plus sévère. Il n'est pas question que tu restes debout toute la nuit à t'acharner sur une potion !
– Je vais aller dormir dans mon « bureau », assura Harry en retirant le plaid pour se lever. J'y serai tout aussi bien et ça m'aidera à réfléchir... Allez, va rejoindre Lucius, tu en meurs d'envie.
Au regard qui venait de rougeoyer dans la pénombre, à son air alléché, à la brusque tension dans le corps de son vampire, il pouvait affirmer que Severus en avait diablement envie mais il rechignait toujours à lui voler ainsi sa place. Et puis le désir fut le plus fort, ses résistances cédèrent et il maugréa à son encontre :
– Tu me promets de dormir ?
– Tu sais très bien que même si je ne dors que trois heures, fit Harry en reboutonnant son pantalon, avec la magie de la forêt, ce sera comme si j'avais fait une nuit complète ! Je vais juste prendre un peu de lecture pour m'aider à m'endormir...
En riant, il s'échappa vers les rayonnages de botanique et de potions de la Bibliothèque tandis que Severus se levait à son tour en ronchonnant.
– Allez, dépêche-toi ! Luce va finir par s'endormir sans toi !
– Ça ne m'empêchera pas de le réveiller, grogna-t-il en se figeant un instant sur le seuil pour contempler son calice. Bonne nuit...
– C'est ça ! gloussa Harry à genoux par terre devant les rangées de livres. Et profite bien, hein !
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– C'est ça, saute sur tonton Draco ! ricana Harry en voyant sa fille se dandiner pour rejoindre les deux plus jeunes Malfoy qui chahutaient avec leur père sur le tapis de la salle de jeux.
– Yaya ! s'écria Scorpius, ravi de voir des renforts arriver.
Allongé sur le dos, ébouriffé à souhait, Draco subissait les assauts de ses enfants partis à l'ascension de son corps. Iris était déjà assise à califourchon en train de sautiller sur son ventre et Scorpius, debout sur sa cuisse, gardait un équilibre précaire en se cramponnant à l'épaule de sa sœur.
– Salazar ! C'est que vous pesez votre poids, les monstres ! souffla Draco, la respiration courte.
Et puis ce qui devait arriver arriva, et Scorpius, déséquilibré par l'arrivée massive d'Aria, glissa sans pouvoir se retenir. Harry déploya sa magie pour éviter la chute des enfants mais le mal était déjà fait et Draco se plia brusquement en deux, les mains sur son entrejambe.
– Oh putain !
– Langage, Draco !
Et malgré toute sa compassion, Harry ne put s'empêcher de rire en voyant son ami rouler sur le côté en se mordant la lèvre.
– Heureusement que vous n'en voulez pas un quatrième !
– C'est pas une raison pour m'émasculer, bon sang ! Même sans vouloir procréer, ça peut encore servir !
Tout en récupérant les enfants qui s'agglutinaient encore sur leur père et « oncle », Harry continua à glousser. Draco semblait peiner à s'en remettre, mais il exagérait sans doute un peu sa douleur. Ou alors, il était particulièrement sensible de cet endroit-là. Lui, il n'était pas contre ces plaisirs un peu particuliers de temps en temps, mais en réalité, cela faisait bien longtemps qu'il n'y avait pas goûté. Si Lucius était en forme en rentrant de sa soirée...
Attrapant un coffret de rangement, Harry sortit quelques animaux miniatures pour lancer tout le monde sur un jeu plus calme, sous le regard à la fois moqueur et blasé de Minerva. Ce n'était sans doute pas le meilleur moment, juste avant le coucher, de chahuter comme ça avec les enfants.
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Une fois la marmaille calmée, débarbouillée, couchée et probablement endormie, sauf Minerva qui avait le droit de lire un peu au lit, ils purent enfin se poser tranquillement dans le Petit Salon avec un verre de whisky pour Draco et un champurrado pour lui. Et une petite assiette de scones et de confiture. Et quelques shortbreads qui auraient vraisemblablement disparu avant le retour de Lucius...
Draco avait souri en voyant qu'il se faisait servir des mignardises à grignoter mais il n'avait rien dit. Tout comme il n'avait jamais fait aucune réflexion sur le fait qu'il ne buvait plus une goutte d'alcool. Tous ses proches étaient maintenant rompus à ces nouvelles habitudes et Harry trouvait cela profondément reposant. Il n'avait plus à se justifier, à réfréner son appétit et rester sur sa faim, à supporter les moqueries ou les réflexions... Les seules paroles que certains se permettaient parfois n'étaient que des plaisanteries bienveillantes, sans jugement, sans réelle dérision. C'était confortable...
Et puis il était content de cette petite soirée en tête-à-tête avec Draco; « entre pères » avait rit Daphnée en enfilant son manteau et ses escarpins avant de partir. Cela faisait du bien de se retrouver, avec les enfants, puis seuls; ils avaient si peu souvent l'occasion d'une conversation privée, sans témoins, sans « Papa ! » impromptu, sans bobo à soigner, sans le regard toujours un peu moqueur de Lucius ou de Severus...
Ce soir, les deux hommes étaient partis à Paris à l'avant-première d'un film français sur un grand couturier de mode, et Lucius, qui avait repris ses sorties régulières avec Daphnée, l'avait invitée à se joindre à eux. Draco s'était dévoué pour s'occuper des enfants, et Harry, qui avait accepté de garder exceptionnellement sa fille un samedi soir pour laisser ses mères dîner au restaurant, s'était senti coupable de l'abandonner aux bons soins de Draco... Il était resté, et ma foi, il était satisfait de se trouver là avec lui, au coin du feu, avec une grande tasse de chocolat chaud dans les mains et le plaisir d'être ensemble...
– Tes bijoux de famille vont mieux ? gloussa Harry en se penchant pour cacher son sourire derrière un shortbread.
– Moque-toi ! Je voudrais bien t'y voir avec quinze kilos de bébé qui tombent directement où il ne faut pas !
Tout en grognant, Draco remua nerveusement son bassin, comme s'il craignait encore une douleur résiduelle.
– C'est dommage que vous ne vouliez pas d'un quatrième, fit Harry songeur. Ça manque d'un tout petit dans cette maison...
– Ah non merci ! Moi j'ai assez donné, et la naissance de Scorpius a été bien assez périlleuse comme ça. Mais je t'en prie, dévoue-toi ! Tu n'as encore qu'un seul enfant alors que j'en ai trois !
Harry eut une moue dubitative puis avala une gorgée de son champurrado.
– Aria est trop petite..., dit-il en secouant doucement la tête.
– Je constate que tu n'as pas dit non, répliqua immédiatement Draco.
Le ton était sans appel, le clouant presque au pied du mur, et il était trop tard pour tenter de se justifier autrement. Harry haussa les épaules, un sourire blasé sur les lèvres. Il n'avait jamais vraiment réfléchi à la question, mais le jour du mariage, lorsque Blaise lui avait dit que l'idée commençait à trotter dans ses propres conversations avec Alicia, il s'était dit que c'était envisageable...
Aria allait avoir un an bientôt, elle dormait sans problème, elle marchait et elle était assez facile à vivre... La demande ne viendrait pas de lui, mais si Luna et Padma évoquaient l'idée de faire un deuxième enfant, il savait déjà qu'il ne dirait pas non… si ses « conjoints » étaient d'accord, mais il ne doutait pas beaucoup de cela.
En réalité, s'il creusait tout au fond de ses désirs coupables et de ses sentiments, il mourrait d'envie de revoir Severus avec un nourrisson dans les bras, et cette simple idée le fit sourire avec satisfaction.
– En parlant de ta fille, reprit Draco sans voir ce sourire qui aurait pu passer pour un aveu. J'ai invité Luna et Padma à venir dîner à la maison vendredi prochain... Tu viendrais ? Il y aura sans doute Blaise, aussi.
– Et Alicia ? gloussa-t-il.
– Évidemment.
Draco leva les yeux au ciel en disant cela, comme s'il était devenu impensable de les voir l'un sans l'autre, et Harry était bien du même avis.
– Ça me plairait, oui ! Je dois venir avec ou sans eux ?
Draco savait très bien qui était le « eux » en question et Harry le vit grimacer d'un air gêné.
– Tu sais, c'est pas un repas de famille. Juste un truc entre nous, vite fait, sans prétentions...
Harry pinça les lèvres pour s'empêcher de sourire devant l'attitude embarrassée de Draco. Le sujet revenait régulièrement, à chaque fois que Draco avait envie de faire une petite soirée chez lui, entre amis, sans forcément supporter – ou subir – la présence de son père. L'ambiance et la liberté des uns et des autres n'étaient pas les mêmes si Lucius était présent...
Au final, Harry savait bien que lui-même n'était pas systématiquement invité, parce que Draco ne voulait pas le mettre en porte-à-faux vis à vis de ses « conjoints », mais la question restait épineuse à chaque fois. La différence d'âge, le fait que son mari soit le propre père de Draco, et depuis peu, le fait que Severus soit devenu un vampire... le vampire dont il était devenu le calice, qui plus est... Il était souvent le seul à venir en « célibataire ».
– Je vois. Pas de soucis. Ça leur laissera l'occasion de se rapprocher et de passer du bon temps – et même la nuit – ensemble !
Draco fronça aussitôt les sourcils.
– Pourquoi ? C'était tendu entre eux ? Ils étaient fâchés ?
Harry eut un temps d'arrêt devant cette méprise complète de la réalité de leur situation. Ceci dit, c'était compréhensible; pour des raisons évidentes, il ne parlait jamais vraiment avec Draco de la relation qu'il entretenait avec son père et avec Severus...
– Pas du tout. C'est plutôt... ma présence qui les empêche parfois de faire ce dont ils ont envie. Depuis la transformation de Severus, lui et moi... ça reste compliqué. Ça a brisé quelque chose entre nous. Et du coup, ton père en pâtit un peu.
– Mais je croyais que vous vous entendiez mieux ?! Vous jouez la comédie devant tout le monde ou quoi ?!
Draco paraissait offusqué, presque en colère de ce qu'il prenait pour un mensonge et Harry en fut désolé. Il y avait eu tellement de hauts et de bas dans sa relation avec Severus que la situation actuelle apparaissait juste comme un aléa passager. En réalité, elle était bien plus complexe que cela, et surtout elle ne regardait personne, mais maintenant qu'il s'était embourbé dans cette discussion, il était bien obligé de rassurer Draco et de lui faire comprendre ce qu'il en était.
– Severus et moi, on s'entend très bien... Que ce soit pour discuter, pour plaisanter, il n'y a aucun problème. Même notre relation de vampire et de calice se passe très bien. Je l'estime beaucoup et j'ai confiance en lui. Mais... il n'y a plus d'intimité entre nous et il n'y en aura plus. Il ne fréquente plus notre chambre ou du moins pas quand je suis là. Alors je suppose que ton père trouvera une agréable contrepartie à mon absence vendredi...
Draco restait silencieux sans qu'il puisse dire s'il était choqué, abasourdi ou contrarié... Les trois à la fois, peut-être.
Jamais Harry n'avait encore posé des mots si explicites, si... concrets sur ce qu'ils étaient devenus. Il ne l'avait pas dit clairement mais l'absence d'amour entre Severus et lui transparaissait en filigrane dans ses paroles. Il avait parlé d'estime, de confiance, mais en creux se dessinait la fin de leur relation sentimentale. Et même pour lui, ce n'était pas agréable à entendre.
Peut-être parce que ce n'était pas tout à fait vrai... Il existait des sentiments qui le liaient à son vampire : un attachement intense, une attention permanente et bienveillante envers lui, une affection fidèle, et même un certain degré de tendresse, mais cela n'avait rien à voir avec l'amour passionnel qui les unissait auparavant. Et tout ce qui était charnel, physique, n'existait plus entre eux.
Excepté pendant la morsure. Ce moment presque sacré contenait toute l'essence de leur lien et toute leur intimité. Un moment attendu et espéré chaque jour. Précieux. Symbolique. Un moment qui compensait largement la sexualité ou l'amour qu'ils avaient perdus. En réalité, ils existaient encore mais d'une autre manière, et cette relation si particulière d'un vampire et de son calice était une chose qu'il chérissait par-dessus tout.
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– Tu ne me diras jamais ce qui s'est vraiment passé dans le pavillon chinois, n'est-ce pas.
Ce n'était même pas une question... Mais Draco, resté sur le fil de leur discussion, avait bien conscience que le changement dans leur relation était parti de là.
– Non, fit doucement Harry pour atténuer la dureté de ses propos. Parce que ça ne regarde personne d'autre que Severus et moi. Seul ton père est au courant; c'était inévitable et pourtant c'est déjà une personne de trop...
Lucius. Et Mihai. Et c'était sans doute la principale raison pour laquelle il n'avait pas très envie d'accompagner un jour Severus à Colibita.
Et Charlie avait sans doute deviné beaucoup de choses. Mais Charlie resterait discret.
Et Clay...
Beaucoup trop de monde, en fait et Harry grimaça. Mais l'heure n'était plus aux regrets à présent.
– Mais tu sais, Draco... Même si ça peut paraître étrange aux yeux des autres, la situation nous convient. La relation entre Severus et moi a changé mais on en est satisfaits...
– Satisfaits ?! grommela Draco en s'étranglant d'indignation.
Il ne put en dire davantage, brusquement interrompu par le bruit des voix et le rire de Daphnée qui égayait le couloir.
– Donc, si je résume bien, disait Lucius d'un ton moqueur. Tu as trouvé l'acteur principal fade et inexpressif, tu n'as pas aimé le personnage de Jacques, la mise en scène était trop plate et les dialogues pas à la hauteur... Et c'est censé être une critique positive de ta part...
Avec bonheur, Daphnée riait encore tandis que le visage renfrogné de Severus apparaissait dans l'encadrement de la porte.
– Mmhh, grogna-t-il. Le film n'était pas... si mal. Les costumes étaient bien.
– Encore heureux ! s'exclama Lucius en riant. Puisqu'ils ont repris ceux qu'il a dessinés au cours de sa carrière ! Il n'a pas été mondialement célèbre pour rien !
Severus grogna encore et s'affala dans un fauteuil en défaisant le bouton qui maintenait sa veste fermée. Harry le regarda en gloussant discrètement tandis que Lucius se penchait sur lui pour l'embrasser rapidement et que Daphnée faisait de même avec Draco.
– Le film était si mauvais que ça ?
– Pas du tout ! fit Lucius en s'asseyant à côté de lui sur le canapé. Mais tu connais la facilité avec laquelle Severus fait des compliments, quel que soit le sujet !
– Oh oui, je le sais bien ! gloussa Harry. Il n'y a qu'une seule chose qui trouve toujours grâce à ses yeux !
Severus avait lancé un regard noir à son mari mais à présent un sourcil dubitatif se haussait lentement.
– … Un certain goût sucré et métallique, avança Harry avec un air amusé.
Personne ne put manquer le sourire gourmand de Severus, ni l'éclair rougeoyant qui traversa fugacement son regard. Et sa présence dans la pièce parut soudain bien plus imposante et... licencieuse.
– Un dernier verre, Daphnée ? proposa Lucius tandis que Draco observait la scène d'un air déconcerté.
– Non merci. Je vais monter me coucher. Je suis fatiguée et je crois que j'ai bu bien assez de champagne pour ce soir ! sourit-elle.
Au final, les uns et les autres prirent tous rapidement congé du vampire et montèrent se coucher avec, sans se l'avouer, des pensées lubriques plein la tête.
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– Satisfaits ?! Tu te fous de moi ?! Comment pouvez-vous être satisfaits de ce que vous êtes en sachant ce que vous avez été ?!
Harry se redressa brusquement, hagard et blessé... avant de s'agiter dans la couette entortillée autour de ses jambes pour se libérer. Son cœur palpitait dans sa poitrine à une vitesse folle et une sensation de froid l'envahit à mesure qu'il prenait conscience de la fraîcheur de la chambre et de la sueur qui baignait son corps.
Ces mots-là, Draco ne les avait pas dits. Harry les avait seulement rêvés, même si, au vu de sa réaction mitigée, Draco les avait peut-être pensés en partie. Ce n'était qu'un rêve – inconfortable, glauque et sordide – mais un rêve. Qui lui laissait une sensation poisseuse sur la peau et crispée dans le ventre, mais un rêve... Il se frotta le visage de ses mains, espérant chasser les dernières traces de sommeil autant que les souvenirs de ce mal-être, puis se leva rapidement.
Après un sortilège de propreté et un petit tour aux toilettes, il sortit de la salle de bains pour se trouver à nouveau dans la chambre obscure. Lucius dormait encore, paisible, pas le moins du monde dérangé par son réveil nocturne. Harry hésitait à se recoucher; il était à présent bien réveillé et il n'avait pas très envie de se laisser envahir par des pensées issues de ses cauchemars en essayant de retrouver le sommeil. Il attrapa un kimono, l'enfila rapidement et sortit de la chambre. Peu importe qu'il fasse encore nuit noire; manger, lire un livre, regarder un film ou une série... n'importe quoi qui puisse occuper son esprit jusqu'à ce que les sensations désagréables de ce rêve ne soient plus qu'un lointain souvenir.
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Il avait bien eu l'intention de faire tout cela à la fois : feuilleter un livre de potions tout en grignotant devant une série, mais la musique douce et envoûtante qui s'échappait de la Bibliothèque – et peut-être la présence de son vampire – l'attira comme un aimant.
Severus était là, tranquillement installé dans le canapé, les jambes croisées, lisant un livre à la faible lueur des flammes de la cheminée. Il faisait délicieusement chaud dans la pièce et Harry soupira d'aise en s'avançant.
– Fais-moi une place...
Severus leva les yeux vers lui et haussa légèrement un sourcil. Harry avait la moitié du canapé pour s'asseoir s'il le souhaitait mais le vampire savait bien ce qu'il voulait dire par là. Refermant les pages de son livre sur son index, il se tourna à demi, allongeant une jambe sur le canapé pour qu'il puisse s'installer entre ses cuisses. Et c'est ce qu'il fit en fermant les yeux de contentement au moment de s'appuyer contre son vampire.
– Tu devrais être en train de dormir...
– Sûrement.
Les bras de Severus s'étaient refermés autour de son ventre, légèrement possessifs, comme si c'était leur place naturelle et légitime, et il sentait le poids du livre sur sa hanche et le haut de sa cuisse. Harry pencha la tête pour se caler confortablement contre son vampire et remua légèrement son bassin. Le mouvement aurait pu paraître suggestif ou affriolant mais il ne s'agissait pas du tout de cela; il venait plutôt s'enfoncer dans le coussin, se nicher entre les cuisses de Severus comme pour une morsure, chercher un peu de confort et de réconfort. Et son vampire ne s'y trompait pas, qui tendit le bras pour abandonner le livre sur la table basse et venir le serrer contre lui.
– Mords-moi...
– J'ai déjà bu tout à l'heure, Harry...
Et c'était désespérément vrai... Severus avait bu en fin d'après-midi, avant de partir pour Paris avec Lucius et Daphnée. Ils ne savaient pas à quelle heure ils allaient rentrer, Harry n'était même pas sûr d'être encore debout à leur retour... ils avaient préféré prendre les devants.
Et puis de temps en temps, cela leur arrivait de décaler un peu la morsure. Quand ils étaient de sortie le soir, quand Harry pensait qu'il allait peut-être découcher ou passer la nuit à danser... une petite morsure rapide, intense, extatique. Severus appelait ça un « quickie » et la première fois que Harry l'avait entendu employer ce terme, il avait éclaté de rire et n'avait plus pu s'arrêter pendant cinq minutes.
La plupart du temps, les « quickies » avaient lieu dans le bureau de Severus ou dans la Bibliothèque, debout, Harry collé contre la porte ou contre un mur. Les seules fois où son vampire le mordait de face, appuyé de tout son long contre son corps... Son regard rougeoyant, incendiaire. Son nez qui furetait dans son cou et puis les crocs rapidement enfoncés dans sa chair. Le plaisir foudroyant. Et quand il n'était pas immédiat, le fait de sentir Severus boire vite et fort, le frottement instinctif de leurs corps, la main de son vampire qui s'égarait sur la protubérance de son pantalon... Harry n'en sortait jamais indemne. Pas plus que Severus, d'ailleurs.
Cela ne durait pas bien longtemps, une poignée de secondes affolantes qui s'interrompaient rapidement, parce que l'intensité de la morsure et de l'orgasme laissait Harry les jambes chancelantes et prêt à s'affaler. Severus le rattrapait entre ses bras, leur lançait un sortilège de propreté et les emmenait vers un canapé où ils s'asseyaient quelques minutes pour se remettre de leurs émotions.
En réalité, cela portait bien son nom : un petit coup rapide, aussi intense qu'il était bref, et qui tenait plus d'une ivresse renversante que du « nourrissage » de son vampire. Lucius n'avait pas tout à fait tort quand il suggérait que la morsure était une forme d'acte sexuel entre eux et ces quickies en étaient l'exemple parfait. Il n'y avait ni baisers – hormis les lèvres de Severus dans son cou –, ni réelles caresses – hormis sa main sur sa nuque pour le maintenir, ou sur l'entrejambe de son pantalon –, ni pénétration – hormis ses crocs dans sa chair –, mais la symbolique – et le plaisir – étaient les mêmes.
Malgré tout, Harry préférait les morsures calmes et apaisées, il aimait mieux s'installer à son aise, prendre son temps, savourer ce moment sacré entre son vampire et lui. Discuter un peu, mettre de la musique, se détendre dans les bras l'un de l'autre, même si l'orgasme n'était pas systématique. À choisir, il préférait même ne pas avoir d'orgasme mais passer un moment réellement agréable avec Severus... Mais quand ils n'avaient pas le temps, un petit quickie était toujours bon à prendre ! Si ce n'était que son vampire n'y buvait pas toujours à sa faim, ce qui avait été le cas aujourd'hui.
– Je sens que tu as encore soif... Mords-moi, s'il-te-plaît...
Il l'avait dit tranquillement, comme une simple demande, sans supplier... Comme s'il fallait rattraper un peu de ce moment précieux, prendre le temps qu'ils n'avaient pas pris tout à l'heure. Savourer l'apaisement de la morsure et chasser loin les souvenirs de son cauchemar. Et Severus dut en comprendre quelque chose car il ne chercha pas à jouer avec lui et le mordit doucement pour boire tout aussi doucement, à toutes petites gorgées.
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Harry soupira de satisfaction quand Severus se redressa pour enfouir son visage dans ses cheveux. Il n'y avait eu ni jouissance, ni affolement de tous ses sens, mais son vampire n'avait plus faim, ils étaient confortables, baignés par la chaleur du feu et par une musique mélodieuse et il se sentait divinement bien. Mieux qu'avec tous les quickies du monde.
Ils restèrent un long moment ainsi, sans bouger, le souffle de Severus dans ses cheveux et ses mains chaudes posées sur son ventre. Son torse légèrement soulevé à chacune de ses respirations. Et de temps à autre, Harry sentait le pied de son vampire battre le rythme lent de la contrebasse et cela le faisait sourire.
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Et puis au fil des minutes et avant de s'endormir complètement, parce que le moment s'y prêtait bien et parce qu'il voulait éclaircir les doutes que sa conversation avec Draco avait fait naître dans son esprit, Harry se résigna à briser le silence tranquille.
– Sev... on peut parler sérieusement ?
Il perçut l'infime sursaut de surprise de son vampire et son souffle bloqué une fraction de seconde avant qu'il ne se reprenne et réponde :
– Bien sûr.
Harry hésita un instant, des mots pleins la tête sans savoir comment les ordonner ou comment leur donner un sens clair.
– Est-ce que... Est-ce que tu es satisfait de notre situation actuelle ?
– Qu'est-ce que tu veux dire par là ? fit Severus après un mouvement de la tête qui avait emmené son souffle sur son oreille.
– Je veux dire, toi et moi... en dehors de Lucius. Je sais bien que notre situation n'est pas idéale. En tant que vampire, tu attends sûrement davantage de moi; je suppose que tous tes instincts et tes désirs ne sont pas comblés, mais... est-ce que malgré tout notre relation telle qu'elle est aujourd'hui te convient ? Est-ce que tu en es satisfait ou est-ce que tu t'en contentes ? J'imagine que tu ne bois pas aussi souvent que tu en as envie, par exemple... Le fait que nous n'ayons pas de contacts physiques, que nous n'ayons pas de relation sexuelle... Est-ce que... c'est un sacrifice pour toi ou est-ce que la situation te suffit ?
Harry avait senti Severus se tendre pendant qu'il parlait, ses bras se crisper légèrement sur son ventre et son visage venir se coller contre son oreille, puis il s'était détendu et l'avait laissé finir de parler sans l'interrompre.
– Harry... je ne sais pas si tu te rends bien compte, murmura-t-il. Je bois tous les jours; nous avons des contacts physiques réguliers, il me semble que je te tiens dans mes bras en ce moment-même et la morsure s'accompagne régulièrement d'orgasmes, aussi bien pour toi que pour moi... Ce n'est certes pas une relation sexuelle classique, il n'y a pas de pénétration comme cela a pu exister dans le passé, mais il n'y en a pas non plus quand je fais l'amour avec Luce et je ne me sens pas lésé pour autant...
C'était vrai pour lui; sans doute moins pour Lucius qui restait vaguement insatisfait de cet aspect-là, mais Severus ne jugea pas opportun de le mentionner.
– Tu sais... quand je suis revenu de Colibita, j'étais tellement loin d'espérer autant... Je suis devenu un vampire et... personne ne s'est détourné de moi. Ni toi, ni Lucius... Ni Draco ou Matthieu, ni les enfants, ni Aria. Ni Sebastiaan, compléta-t-il en ricanant. Malgré ce que je peux avoir d'inhumain, de dangereux et de dérangeant, aucun d'entre vous n'a refusé de me voir ou de m'approcher. Même toi. Malgré tes appréhensions plus que légitimes, tu as accepté de me nourrir dès le premier jour... Tu n'imagines même pas ce que ça représentait...
Severus se tut un instant pour plonger son nez dans ses cheveux. Dans sa façon de parler légèrement hachée, dans le trouble à peine perceptible de sa voix, Harry devinait les émotions douloureuses qui l'avaient habité plusieurs mois plus tôt.
– Bon sang, j'étais presque revenu avec l'idée de faire mes bagages, souffla Severus.
Harry pressa doucement ses mains sur les bras de son vampire.
– Sans les lettres de Luce, je ne serais peut-être jamais revenu... Par lâcheté, sans doute, mais surtout parce que je ne pouvais même pas concevoir un millième de ce que j'ai aujourd'hui. Il était le seul à y croire...
Severus ferma les yeux et soupira. Il se serait laissé mourir de faim... Ou bien il aurait plongé dans un des bains d'argent des fondations du château de Colibita...
– Mais tu es revenu...
– Je suis revenu et je ne le regrette pas une seconde. Et crois-moi si je te dis que je suis parfaitement heureux de notre relation. Je sais que je peux râler parfois, être désagréable ou taciturne... mais vraiment, je suis plus qu'heureux de ce que nous sommes.
Harry sourit doucement dans l'obscurité de la pièce seulement troublée par la lueur dansante des flammes. Les paroles de Severus respiraient la sincérité, la vérité, et il se sentait profondément rasséréné.
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– Pourquoi ces questions ? murmura le vampire après un long silence bercé par la musique.
– Une conversation ce soir avec Draco... Je sais que ça ne le regarde pas mais j'ai dû lui expliquer que nous n'avions plus d'intimité, toi et moi. Et sa réaction était... pleine d'incompréhension. Il ne concevait pas que l'on puisse être satisfaits de notre relation après ce que nous avions été. Alors, je voulais m'assurer que pour toi aussi, c'était le cas... que tu étais pleinement satisfait et non pas que tu te contentais de ce que tu avais...
– Nous avons une intimité, même si elle est différente de ce que les gens conçoivent habituellement...
Le nez de Severus joua un instant dans ses cheveux.
– Pour répondre complètement à tes interrogations, le vampire en moi argumenterait que nous pourrions nous permettre plus de choses, que la morsure a bien plus d'envergure que le simple nourrissage ou un vague réconfort de temps en temps, et surtout qu'il est naturel de faire l'amour avec son calice... Mais je ne suis pas qu'un vampire, et mon côté humain... après ce qui s'est passé entre nous dans le pavillon chinois... disons que la situation me va parfaitement et que je craindrais plutôt d'en changer.
Harry fronça les sourcils.
– Tu crois que tu pourrais recommencer ?
– Non, répondit immédiatement Severus. Parce que la situation n'a rien à voir. Ma transformation est derrière moi et il n'y a plus l'influence de Vladimir... Mais je ne serai jamais tranquille et détendu vis à vis de ça; je resterai toujours anxieux de perdre le contrôle et je préfère largement ne pas tenter le diable. Je sais que je ne pourrais plus recommencer parce que je suis conscient de jusqu'où je suis allé et que je m'arrêterai forcément avant, mais je n'ai plus complètement confiance en cette partie de moi...
Harry entrelaça ses doigts avec ceux de son vampire pour le rassurer sur sa propre confiance. Il comprenait, ou plutôt il ressentait, ce que voulait dire Severus.
– Tu sais Harry, je regrette infiniment ce qui s'est passé dans le pavillon chinois. Je ne parviendrai jamais à comprendre comment j'ai pu agir ainsi, au-delà de toute morale, au-delà de tout sentiment, de toute considération... Je ne parviens même pas à comprendre que c'est moi qui aies pu faire ça... Pourtant, j'ai commis des horreurs dans ma vie... quand j'étais Mangemort, quand nous étions en guerre, parce que je n'avais pas d'autre choix que d'obéir ou de mourir, et que ma position d'espion était plus importante que mes états-d'âme... mais j'ai toujours su que c'était des horreurs. J'avais conscience de la réalité des faits. Là... c'est comme si je n'avais plus eu conscience de rien, comme si je n'arrivais plus à distinguer le bien du mal, comme s'il n'y avait plus de frontière entre le moral et l'immoral... Ça avait beau être toi, il n'y avait plus de limite à... l'inconcevable.
Les bras de Severus se resserrèrent sur son ventre et son souffle sur sa nuque se transforma presque en un baiser.
– Et même avant tout cela, je regrette bon nombre de choses qui se sont passées entre nous, des disputes sans fondement, des paroles qui n'avaient pas lieu d'être, un certain... égoïsme sans doute. J'ai manqué de patience, d'empathie, de compréhension. J'ai abusé de ma position dans notre union bon nombre de fois, et quelque part, notre relation n'était peut-être pas très saine... Aujourd'hui... Lucius dit que je suis plus équilibré, et c'est sans doute vrai. Devenir un vampire m'a changé, comme devenir un calice t'a changé toi aussi, mais ça n'a rien de mauvais, bien au contraire. Je me sens plus apaisé, plus complet... Plus en paix avec moi-même, et aussi avec toi. Et notre relation, quelle qu'elle soit, me satisfait complètement parce que je la trouve bien plus saine et harmonieuse.
Harry se mordit légèrement la lèvre, bien content que son vampire ne puisse pas lire son émotion sur son visage. Il souffla un bon coup, espérant chasser la boule qui avait enflé dans sa gorge et qui l'empêchait de déglutir correctement, mais la gêne ne voulait pas disparaître et il préféra garder le silence, se contentant de caresser doucement du pouce la main de son vampire. Il avait besoin de quelques instants pour se reprendre.
Severus aussi, sans doute, dont il sentait le front posé à l'arrière de son crâne et le souffle qui écartait légèrement ses cheveux. C'était la première fois qu'il posait ainsi les choses entre eux, des mots, des excuses, des explications... une espèce de mise à plat de ses sentiments, de son ressenti, de là où il en était, et Harry était heureux de cet espace de parole. Une façon d'expurger le passé, quelque part. Il avait pardonné à son vampire, parce qu'il avait bien ressenti que le Severus d'aujourd'hui n'était plus celui d'hier, mais cette transparence entre eux était nécessaire. Au moins une fois.
– On ne parlera plus de ce qui s'est passé dans le pavillon chinois, murmura Harry, parce qu'il n'y a plus rien à en dire. C'est du passé et ce passé est derrière nous; je ne veux pas m'attarder sur des regrets. Aujourd'hui, je chéris la relation que nous avons et j'en suis, comme toi, complètement satisfait. Je ne veux pas plus et je ne veux pas moins. Je veux des morsures, de la confiance et de la tendresse, je veux te nourrir et savoir si tu vas bien, je veux être là pour toi et que tu sois là pour moi, et je veux que tu continues à faire partie de ma vie.
– Je ne veux pas davantage, Harry. Je veux juste que ça dure, calmement, tranquillement, infiniment...
Harry sourit à nouveau et prit une grande inspiration avant de soupirer. Mais ce n'était pas un soupir de lassitude, bien au contraire; c'était comme vouloir respirer le bonheur et la quiétude à pleins poumons et l'emmagasiner tout au fond de lui pour les jours gris, c'était un soupir de contentement, de satisfaction, la certitude tranquille et apaisante de se sentir sur la même longueur d'ondes, d'avoir les mêmes attentes et les mêmes désirs, d'en être au même point. Une espèce d'alchimie symbiotique qui ferait peut-être hausser les sourcils et s'interroger autour d'eux, mais qui ne regardait qu'eux et qui les rendait heureux.
– Je voudrais juste..., fit Harry dans un sursaut.
– Oui ?
– … J'ai peur que Luce ne finisse par se sentir un peu à l'écart. Je ne veux pas qu'il ait l'impression d'être lésé par notre lien, alors... si parfois tu veux venir te coucher avec nous, ou nous rejoindre le matin, simplement pour... un moment, sans qu'il n'y ait d'ambiguïté... Je sais que vous avez envie de davantage de moments ensemble... je peux même vous laisser seuls plus souvent, si vous le souhaitez.
Severus sourit doucement dans les cheveux de son calice. La proposition était maladroite mais touchante, et sincère... Pas d'ambiguïté, c'est-à-dire rien d'équivoque vis-à-vis de Harry mais des moments à partager à trois, comme avant, quelque chose qui satisfasse un peu les regrets de Lucius... Pourquoi pas. L'idée était si délicieuse qu'il sentit des frissons parcourir son ventre.
– J'essaie de faire en sorte que Lucius ne se sente pas lésé, mais... merci.
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oooooo
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Severus se tenait devant la porte, attentif. Sa magie ne percevait pas de sortilège de silence, mais son oreille aux aguets, elle, entendait parfaitement bien deux respirations lentes et paisibles. Aucune chance de les trouver en plein ébat. Lui n'aurait rien eu contre ce petit spectacle impromptu mais Harry lui en aurait voulu que sa fille soit témoin de ce genre de scène.
– Surtout, pas un bruit ! murmura le vampire à l'oreille d'Aria. Tu ne cries pas mais tu peux te faufiler pour aller faire un bisou à ton papa et à Luce !
Le visage du bébé s'éclaira d'un grand sourire tandis qu'elle s'agrippait à sa chemise pour se tenir tout en tendant l'autre bras vers la porte.
– Et si tu leur sautes un peu dessus, personne ne t'en tiendra rigueur...
Severus ouvrit la porte et pénétra lentement dans la chambre, étouffant ses pas sur le moelleux des tapis. Dans ses bras, Aria se penchait dangereusement pour descendre et rejoindre son père.
Les rideaux étaient tirés mais une pâle lumière d'automne filtrait suffisamment à travers pour qu'il puisse parfaitement distinguer les deux corps alanguis de son mari et de son calice. De toute évidence, ils dormaient encore, Harry sur le flanc, les deux mains nichées sous sa tête, et de l'autre côté du lit, Lucius allongé sur le ventre, le visage tourné vers le jeune homme, et au milieu de son dos, ses cheveux tressés qu'il n'avait pas dénoués avant de se coucher et dont quelques mèches folles s'étaient échappées au cours de la nuit.
Silencieuse comme il le lui avait demandé, Aria agita ses bras avec impatience en les apercevant. En douceur, Severus la posa sur la couette, au pied du lit, et il ne fallut que quelques secondes au bébé pour grimper jusqu'aux oreillers et se jeter la bouche grande ouverte sur la joue de son père pour l'embrasser.
Harry avait dû sentir le mouvement sur le lit et émerger rapidement de son demi-sommeil car il n'eut aucun sursaut de surprise; il se contentait de sourire largement, les yeux encore fermés, tout en attrapant sa fille pour la coller contre lui et la serrer dans ses bras. Puis il la bascula sur le dos et se pencha sur elle pour la couvrir de baisers.
– Et comment es-tu sortie de ton lit, petit monstre ? gloussa-t-il tandis qu'elle éclatait de rire sous les chatouilles de ses doigt.
Tout en souriant de les voir faire, Severus fit quelques pas pour aller s'asseoir au bord du lit, du côté de Lucius qui émergeait lentement de son sommeil lui aussi. Entre les deux hommes, Aria essayait désespérément de rouler sur elle-même pour échapper aux mains de son père, aussi malhabile et opiniâtre qu'un bébé de son âge, tout en riant d'un rire si contagieux que tous les trois étaient délicieusement charmés et émerveillés.
Puis son calice leva lentement son regard vers lui, et Severus y lut tout un tas de sentiments et d'émotions qui l'attendrirent à son tour et il préféra baisser les yeux vers le bébé que Lucius venait de prendre contre lui pour la « protéger » de son père.
L'instant avait été fugace, éphémère, mais chacun avait pensé aux confessions de la nuit, aux inquiétudes maintenant résolues, à la sérénité de leur lien et à ce qu'ils s'étaient dit au sujet de l'aristocrate.
Et parce qu'il était venu aussi un peu pour ça, Severus se pencha vers Lucius pour embrasser son épaule. Et devant le sourire renouvelé de son calice et de son mari, il s'allongea contre lui, la tête sur son bras replié, et il glissa sa main sous la couette pour aller caresser son dos.
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Merci à tous d'être encore là! ^^ Vous êtes peu nombreux à vous exprimer mais ceux qui le font ont l'air de valider la poursuite de l'histoire... ;)
La semaine prochaine, on ira dîner chez Draco, et la vie poursuivra son cours tranquille au Manoir, entre nos trois personnages préférés.
Souhaitez-moi de bonnes vacances et surtout du soleil, je suis repartie à l'étranger: Pays de Galles, cette année! Qui sait, si le pays m'inspire, je trouverais peut-être une petite histoire comme La maison au bord du monde à écrire en revenant ;)
Au plaisir
La vieille aux chats
