Résumé: Severus a fait part de ses craintes au sujet de Vladimir à son mari. Une lettre de Mihai, mourant, l'incite à se rendre à Colibita en compagnie de son calice. Harry vient d'y passer sa première nuit après s'être endormi dans les bras de son vampire.

Un long chapitre aujourd'hui pour profiter de Mihai et du tête à tête entre Harry et Severus ;) Bonne lecture!

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Harry se retourna et frissonna dans des draps devenus trop froid et il finit par ouvrir les yeux. Il faisait encore nuit noire mais Severus n'était plus dans le lit. Il le savait, il l'avait prévenu, mais cette désertion était malgré tout… déplaisante. Désagréable.

Pour une fois, il aurait voulu profiter d'une nuit complète avec son vampire, pouvoir le trouver à côté de lui à chaque fois qu'il se réveillait, qu'il se retournait dans un demi-sommeil et pouvoir se lover contre lui… Mais Severus n'allait pas s'obliger à rester toute la nuit à ses côtés pour satisfaire son caprice alors qu'il ne dormait pas. Et il avait ses propres obligations à assurer.

Un instant, Harry se demanda où et avec qui il était. Avec ce conseil des Anciens ? Avec Mihai qui s'était peut-être « réveillé » ? Avec d'autres… ? Son esprit pernicieux et sa jalousie lui soufflèrent « avec un autre calice », mais il chassa cette idée avec force. Severus l'aimait trop pour aller voir quelqu'un d'autre.

Vaguement ankylosé, il se leva et partit uriner dans la salle de bains avant de faire un tour dans le salon. Les chaussures et la cape de Severus n'étaient plus là, il avait quitté les appartements… Par les rideaux de la baie vitrée restés grands ouverts, la nuit dans le creux de la vallée était plus sombre que jamais, la plupart des lumières de la ville désormais éteintes, mais au loin, la pleine lune jetait une lueur blanche et mouvante à la surface du lac et le spectacle était fascinant de beauté.

Harry resta un moment subjugué avant de se mettre à frissonner. Il avait froid et il était encore fatigué. Plus vite il dormirait, plus vite Severus serait de retour auprès de lui. Il retourna dans la chambre, jeta un sortilège de chaleur sur le lit et se rallongea entre les draps avec délectation.

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Quand Harry ouvrit à nouveau les yeux, la lumière entrait à flots en provenance du salon et il sut instantanément que Severus n'était pas revenu. Ni dans le lit, ni dans les appartements, et cette pensée le contraria un peu. Et puis brusquement, il se demanda comment il aurait réagi s'il s'était réveillé aux côtés de Severus avec l'érection matinale qui était la sienne ! Il gloussa en se redressant. Il aurait été embarrassé, certainement, et Severus aurait ricané… Mais peut-être qu'avec une petite morsure dans la chaleur douillette du lit, l'orgasme libérateur serait venu spontanément… Pour lui comme pour Severus…

Harry plissa le nez et secoua la tête avant de s'étirer. Il ne servait à rien de penser à ça. L'image était jolie, elle faisait envie et il aurait aimé, pour une fois, se réveiller auprès de son vampire… mais Severus n'était pas là.

Il se leva, prit une douche rapide et s'habilla chaudement. La température semblait plus fraîche encore que la veille, mais c'était peut-être aussi parce qu'il avait faim. Et sans attendre le retour de son vampire – mais en fermant les rideaux parce qu'il l'espérait tout de même –, il sonna le valet d'étage et se fit apporter un copieux petit-déjeuner.

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Il avait fini de manger et il savourait une dernière tasse de thé quand la poignée de la porte des appartements se baissa brusquement. Harry sursauta, le cœur battant à tout rompre, et se redressa d'un bond. La silhouette sombre et drapée de noir de Severus s'encadra rapidement dans l'entrée mais au milieu de la surprise, de la petite frayeur et de la joie de le revoir, se mêla un sentiment de possessivité fougueuse qui lui donna presque envie de lui sauter dessus. Severus était parti depuis trop longtemps. Severus était à lui. Et il voulait le revendiquer.

Harry s'approcha en quelques pas, habité d'une sorte de tension qui le tenait noué, légèrement ramassé sur lui-même comme lorsqu'il chassait autrefois. Dans le fond de son ventre remuait quelque chose d'ardent, de rugueux, de sauvage, un instinct presque animal qui voulait appartenir à Severus, là, tout de suite, qui voulait des marques, qui voulait une morsure, qui voulait imprégner son odeur là où d'autres avaient mis la leur, qui voulait nourrir de son sang celui qui avait passé trop de temps ailleurs.

Cette proximité avec son plus pur instinct de calice le fit sourire, mais ce sourire devait avoir un air machiavélique, carnassier ou brutal car Severus haussa les sourcils avec un regard véritablement surpris.

Le choc avec le torse de son vampire fut rude. Et plus rude encore le choc du dos de Severus avec le mur.

Le regard levé vers les yeux brusquement rougeoyants, Harry se demanda une seconde si le calice en lui avait davantage envie d'une morsure ou d'embrasser sauvagement son vampire. Un peu des deux, sans doute. N'importe quoi qui puisse renforcer leur lien…

Mais Severus, même s'il avait à présent ce petit sourire amusé qui montrait à quel point il appréciait cette confrontation, n'était pas du genre à se laisser malmener sans réagir.

Lentement, comme pour guetter ses craintes ou sa réticence, son vampire le prit par les épaules et le fit pivoter jusqu'à ce qu'il se retrouve plaqué, maintenu contre le mur, son grand corps épousant le sien, les yeux aussi brillants l'un que l'autre. Un instant suspendu affolant de désir et de possession, et ses mains agrippèrent violemment la chemise sur le torse de Severus.

En penchant la tête sur le côté, Harry ferma les yeux, le souffle court et le cœur battant la chamade. Son vampire ne l'avait pas encore mordu qu'il était dur dans son pantalon, la sueur perlait dans le creux de ses reins et il suppliait intérieurement Severus de se coller un peu plus contre lui. Il gémit de cette envie de se frotter l'un contre l'autre. Il frissonna de sentir son visage s'approcher du sien. Et de ne pas savoir où il voulait que ses lèvres se posent.

Severus prenait son temps. Il voulait le faire languir, certainement. Et puis brusquement, quand Harry ne s'y attendait plus et qu'il allait supplier pour une morsure, il posa ses lèvres sur la peau de son cou et aspira violemment le sang de sa carotide. Et ce fut comme… une éclosion. Une fleur qui s'ouvrait sur sa gorge pour s'épanouir dans la bouche de son vampire, des myriades de gouttes de sang comme des pétales voluptueux, rouges incarnat, le velouté d'une vie qui allait courir dans les veines de Severus, une corolle soyeuse comme du velours et aussi puissante que le renouveau du printemps…

Et puis Severus le mordit, enfonçant ses crocs dans un geste de possession âpre et exigeant, une revendication de son corps, de son sang, une volonté de le marquer, de lui laisser une trace, une odeur, un symbole de son appartenance. Harry gémit éperdument. Les bras de son vampire étaient autour de lui, de ses épaules, une main dans ses cheveux, son corps le plaquait contre le mur et son bassin se pressait contre le sien. Douloureusement.

Merlin. Il n'en pouvait plus. Le désir enflammait ses sens, son esprit, flamboyait dans son bas-ventre. Ses mains étaient cramponnées à la chemise de son vampire mais ce n'était pas assez. Il passa un bras autour de la taille de Severus pour le rapprocher encore de lui et son autre main glissa entre eux. Il avait besoin de se toucher, de laisser jaillir le plaisir. Mais entre leurs deux corps fusionnels, ce fut son vampire qu'il toucha, un sexe dur, immense, tendu sous le tissu du pantalon et qu'il pressa violemment.

Et brusquement Severus retira ses crocs, tira ses cheveux pour lui faire pencher la tête sur la gauche et le mordit de l'autre côté du cou. Et le plaisir fut si foudroyant que Harry se serait effondré s'il n'avait pas été coincé entre le mur et le corps de son vampire.

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– Salazar ! Heureusement que je suis déjà mort sinon tu finirais par me tuer, souffla Severus.

Le front frais de son vampire contre le sien lui faisait un bien fou mais Harry peinait à avoir les idées claires. Il était épuisé, essoufflé, poisseux de sperme dans son boxer et il rejeta la tête en arrière contre le mur en ricanant.

– C'est toi qui vas me tuer. C'est quoi cette nouveauté de me mordre de l'autre côté ?

– Tu n'as pas l'habitude alors c'est plus sensible. Tu avais visiblement besoin de finir rapidement.

Harry secoua la tête en souriant. Il n'avait pas supplié, il en était certain. Ou presque. Mais certains gémissements étaient à eux seuls des suppliques, et il était sûr que Severus non plus n'était pas resté silencieux.

Il reprenait lentement son souffle tandis que son vampire passait sa main dans ses cheveux avec douceur.

– Je ne t'ai pas fait mal ? Je suis désolé…

– Ça va. Je survivrai à cette morsure un peu brutale, ricana-t-il. J'espère que tu n'as pas laissé de traces partout.

– Dans ton cou ou dans tes sous-vêtements ?

Avec un air très satisfait de lui-même, Severus se pencha à nouveau vers son cou, suça goulûment sa peau comme un adolescent qui veut laisser sa marque, avant de tout effacer d'un coup de langue quand Harry commença à protester.

– Merlin ! Et où étais-tu passé toute la nuit ?!

– C'est parce que je rentre seulement maintenant que tu étais si énervé ? ricana Severus. Ou parce que tu n'as eu personne pour évacuer ta frustration matinale ?

Harry grogna pour toute réponse et bouscula légèrement son vampire pour s'éloigner de l'inconfort du mur dans son dos. Aussitôt, Severus se radoucit et le reprit délicatement contre lui.

– J'étais avec le conseil des Anciens. Toute la nuit… Et j'ai brièvement revu Mihai.

– Mihai ?! Mais… Il va encore être épuisé pour la journée !

Il ne voulait pas sous-entendre que Severus venait de le priver d'un moment avec le vampire, mais c'était plus fort que lui. Le reproche était patent dans sa voix et Severus en sourit sans s'en formaliser.

– Ne t'inquiète pas, tu pourras le voir aujourd'hui. Et sans doute plus longtemps qu'hier… À ce propos, je dois te parler. Mais je voudrais d'abord prendre une douche et me changer.

Il aurait pu plaisanter sur ce besoin de prendre une douche après ce qu'ils venaient de faire, mais Harry n'avait pas le cœur à ça. Les mots de Severus l'avaient brusquement refroidi et il fronça les sourcils avec un air inquiet.

– Pas de panique, tout va bien… Laisse-moi juste cinq minutes.

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Harry traînait paresseusement dans le canapé en attendant son vampire quand quelques coups rapides retentirent à la porte des appartements. Il jeta un coup d'œil inutile vers la chambre : au bruit de l'eau qui coulait, il savait que Severus était toujours sous la douche; il n'y avait plus que lui pour aller ouvrir… À contrecœur, il referma son livre, se leva et se dirigea vers la porte. Ce n'était sans doute qu'un message…

– Seigneur R…

L'homme devant lui s'interrompit brusquement, visiblement surpris de le trouver là et mal-à-l'aise de s'être adressé de cette façon à la mauvaise personne. Car son attitude avait quelque chose de bizarre, de déplacé, le regard avait été trop appuyé, l'intonation de la voix trop… langoureuse ? Et cette posture, savamment étudiée et vite redressée… un déhanché qui tentait de souligner la finesse de la taille et la rondeur des fesses… Mark, quand il minaudait pour plaisanter ou faire rire Lucius.

Harry en aurait bien ricané à un autre moment mais pas cette fois. Cette fois, il se sentait plutôt incertain, vaguement menacé, et une espèce de jalousie inquiète avait ressurgi dans le creux de son ventre.

Face à lui, le visage de l'homme avait perdu son sourire pour se figer en une grimace amère et pleine de mépris.

– Ainsi, c'est toi… Le fameux calice qui a refusé de le nourrir cet été… Celui qui a préféré le laisser crever de faim, se tordre de douleur, agoniser à petits feux. Comment as-tu pu faire ça à ton vampire ?! Comment as-tu pu le priver de son seul moyen de survie ? Quelle cruauté faut-il pour vouloir le voir dépérir, se décharner peu à peu et puis le chasser de chez lui… ? Lui… Avec sa droiture, son respect pour la vie et son degré d'exigence envers lui-même !… Quel genre de calice es-tu pour vouloir l'humilier et le torturer de la sorte ?!

Cinglé par les paroles, Harry recula d'un pas, ce qui permit à l'homme de se faufiler à l'intérieur des appartements. Il aurait voulu répondre, il aurait voulu dire que ce n'était pas ce qui s'était passé, qu'il n'avait jamais refusé de nourrir Severus, enfin si, mais pas à ce moment-là, que c'était Severus qui était parti, qu'il n'avait jamais voulu ça mais que Severus non plus n'avait pas été exemplaire, que tout était bien plus compliqué, mais il ne pouvait rien dire et l'homme, après un rapide coup d'œil vers la chambre vide, poursuivait déjà :

– Pourquoi es-tu devenu son calice si tu ne voulais pas de lui ? Pourquoi avoir accepté de te donner à lui, si c'était pour refuser de le nourrir ensuite ?… Pour le faire souffrir ?! Je l'ai vu, moi, cet été… Je l'ai vu décliner, jour après jour, la faim au ventre, les yeux écarlates; j'ai vu sa souffrance et son supplice; je l'ai vu maigrir, errer dans le Palais et dans la ville, nuit après nuit, aller traîner dans les sous-sols, près des bains d'argent et avoir envie d'y plonger… Combien de fois ai-je dû aller le chercher là-bas et lui parler pour le convaincre de remonter ? Combien de fois lui ai-je proposé de boire de mon sang pour soulager sa faim et sa douleur ? Mais non… lui, il ne voulait pas te trahir, il voulait te rester fidèle, jusqu'au bout, malgré la faim et le désespoir. Même si tu ne voulais plus de lui. Même s'il devait en mourir !… Tu ne le mérites pas !

Ces mots, jetés avec dédain, Harry les prit de plein fouet, comme s'il avait été percuté par un train. Et sa culpabilité, qui n'était jamais bien loin ces temps-ci, ressurgit avec une force décuplée. Celle de ne pas être un bon calice, celle de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire ce qu'il fallait… En quelques secondes de paroles fielleuses sorties de nulle part, il avait oublié les étreintes, les moments tendres, les morsures pleines de sens et de plénitude, il avait oublié le plaisir qu'ils s'étaient donnés quelques minutes plus tôt; il ne restait plus que le froid, le vide, la solitude et la peur de perdre son vampire.

– Sais-tu que comme tu ne voulais pas de lui, Severus a longtemps hésité à me prendre pour calice… ? Il est assez puissant pour en avoir deux… Moi, je l'aurais sauvé. Je l'aurais nourri. Je l'aurais aimé ! Avec fierté et avec dévotion. Pas comme toi, qui est incapable de respecter ton engagement et qui préfère le laisser crever ! Quel genre d'être abject es-tu…

L'homme parlait vite, et bas, et Harry n'entendait plus rien, secouant la tête pour chasser ces paroles pleines de venin et de poison… Des paroles exagérées sans doute, mais qui faisaient si bien écho à ses craintes les plus profondément enfouies, à ses insécurités et à sa culpabilité.

– Harry, qu'est-ce que… Andréas ?! Qu'est-ce que tu fiches ici ?!

Drapé d'une serviette de bain autour de la taille, encore ruisselant d'eau, Severus apparut, sans doute alerté par ce qu'il percevait de ses émotions et Harry souffla enfin. La simple présence de son vampire près de lui, le fait qu'il ait senti son désarroi, qu'il soit venu, lui prouvait son attachement et il se sentit tout de suite mieux. Assez bien pour se souvenir seulement maintenant des confessions échangées la veille au soir et de l'aveu de Severus qu'il n'avait jamais cessé de l'aimer… Et plus puissant qu'un Patronus, ce souvenir chassa les paroles vénéneuses du domestique.

Lequel domestique était à présent bouche bée, sans doute parce que Severus avait drastiquement changé d'apparence depuis l'été dernier et qu'il était beau à tomber par terre, mais aussi parce que le vampire était à présent ivre de colère et qu'il écrasait toute la pièce de son aura et de sa présence.

– Qu'est-ce que tu viens de proférer comme mensonges et comme bassesses ?! Espèce de sale petit crétin arrogant et jaloux !

Dressé entre eux comme un rempart, immense et tumultueux de fureur, Severus libérait assez de puissance pour obliger l'homme à reculer jusqu'à tomber dans un fauteuil, puis à se recroqueviller sur lui-même.

– Bon sang, Andréas ! Comment peux-tu parler à mon calice de cette façon ?! Je t'ai épargné le jour où tu as voulu me provoquer une soif de sang mais ma patience a des limites ! Est-ce que tu tiens vraiment à ce que j'aille en référer à ton vampire ?! Sais-tu comment ça se termine quand deux calices sont en conflit ?!… ce sont leurs vampires qui règlent ça entre eux ! Et même si tu le nourris maintenant, je crois que je ne ferai qu'une bouchée de ce vieux Titus ! Est-ce que tu tiens vraiment à le perdre ?!

– Non, non, s'il-vous-plaît ! Seigneur Rogue ! S'il-vous-plaît ! Ne dites rien à Titus…

Le bras levé comme pour se protéger, l'homme était presque sur le point de pleurer, effrayé et tétanisé par la puissance de Severus. Même en étant en partie protégé parce qu'il était son calice, Harry trouvait lui aussi l'aura de son vampire étouffante et il s'approcha pour poser sa main sur son bras.

Aussitôt, le contact tira Severus hors de sa colère et il tourna vers lui un visage inquiet. Harry lui sourit doucement mais c'est à Andréas qu'il s'adressa :

– Vous devriez partir…

Tremblant de tous ses membres, les yeux humides, l'homme s'extirpa péniblement du fauteuil et recula vers la porte.

– Seigneur Rogue, supplia-t-il. S'il-vous-plaît…

– Sors d'ici ! gronda Severus.

Dans son mouvement pour désigner la porte d'un grand geste du bras, la serviette nouée autour de ses reins eut le malheur de se détacher et brusquement, le ridicule de la situation sauta aux yeux de Harry. Severus était là, au beau milieu de la pièce, nu dans toute sa splendeur et sa fureur; le regard du domestique qui glissait lentement le long de ce corps qui ne lui appartiendrait jamais s'écarquilla soudain, et Harry explosa de rire.

Il savait très bien à quoi pensait cet Andréas : que s'il était devenu le calice de Severus, il lui aurait fallu avoir un rapport sexuel avec cet engin-là et que l'idée était proprement effrayante !

Les larmes aux yeux tellement il riait, il posa sa main dans le dos de l'homme et le poussa gentiment vers la porte.

– Partez, maintenant, gloussa-t-il. Et faites-vous oublier.

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– Est-ce que ça va ? fit Severus une fois qu'il fut un peu calmé.

– Oui, ça va, acquiesça Harry en reposant le verre d'eau qu'il venait de boire. Va donc t'habiller au lieu de narguer tout le monde en traînant à poil dans le salon !

Severus faillit prendre un air outré avant de comprendre qu'il plaisantait et de se radoucir. Tranquillement, Harry le prit par la main et l'entraîna vers la chambre où il s'assit sur le lit pendant que Severus enfilait un boxer et un pantalon.

– Raconte-moi…

– Je suis désolé, bougonna Severus. Je ne pensais pas qu'il allait débarquer là et t'accuser de tous les maux de la Terre…

– Qui est-ce ? demanda Harry en effaçant l'incident d'un geste de la main.

– Andréas… je ne sais même pas son nom… Il est le Messager du Palais. Un poste honorifique parmi le personnel du Palais, mais un pauvre bougre, en mal d'affection et de reconnaissance…

Penché en avant, les coudes sur les genoux, Harry regardait son vampire s'habiller, faire disparaître ce corps magnifique derrière des couches de tissus précieux et élégants. Severus avait toujours été beau, mais depuis qu'il était devenu un vampire, il dégageait un magnétisme impressionnant et Harry en était toujours subjugué.

Il n'avait pas si souvent que ça l'occasion de voir son vampire nu, et un petit frisson lui avait échappé à lui aussi, tout à l'heure, en redécouvrant ce sexe qu'il avait si souvent sucé ou enfoncé dans son propre corps. Ce sexe qui avait joui presque dans sa main quelques instants plus tôt…

– Pendant longtemps, poursuivait Severus tandis que Harry s'arrachait péniblement à sa contemplation, Andréas a eu des vues sur Mihai, quand il fréquentait les maisons communautaires, et Mihai a beaucoup « joué » avec lui. Andréas aurait voulu devenir son calice, sans doute parce que c'est quelqu'un qui manque d'affection, d'amour, et qu'il avait envie de se sentir important dans le regard d'un autre, d'être choyé et protégé… Mais Mihai n'a jamais voulu de lui, ni aucun autre vampire. Quand je suis arrivé ici, après le pavillon chinois, disons que… Andréas s'est amouraché de moi. Il savait que j'avais un calice mais il voyait bien que je ne buvais pas et que j'avais faim. Il a essayé… un certain nombre de fois de me convaincre de le prendre pour calice.

– Et cette soif de sang, c'est quoi ? fit Harry tandis que Severus boutonnait sa chemise.

– C'est une réaction instinctive causée par la vue ou l'odeur du sang chez un vampire qui n'est pas nourri, quelle qu'en soit la raison d'ailleurs. Ça exacerbe sa faim, au point de parfois provoquer des situations dangereuses, des pertes de contrôle… Tu te doutes bien que ce genre de comportement est strictement interdit ici, à Colibita, et qu'il est passible de sanctions très lourdes. Un jour, cet été, Andréas s'est entaillé le poignet et il a fait couler son sang devant moi…

– J'avais failli faire sensiblement la même chose dans le pavillon chinois…

Severus grimaça au souvenir de ce jour où il avait arraché, par une magie réflexe, un couteau des mains de Harry.

– Parce que tu n'étais pas loin de l'engorgement et que tu avais besoin que je te morde… Même si tu refusais encore de refaire le rituel.

Harry hocha la tête avec une moue compréhensive puis releva le regard avant de demander très doucement :

– Et ce qu'il a dit au sujet des bains d'argent ?

– J'y ai passé du temps parce que la substance me fascine, comme il m'arrive de jouer avec le sortilège d'argent sur la fenêtre de la Bibliothèque au Manoir, mais ça s'arrête là. Andréas a voulu te provoquer… et il n'y a pas si mal réussi.

Harry éluda d'un geste. Il ne voulait pas épiloguer et polémiquer avec son vampire, mais il n'en pensait pas moins. Et il l'avait très bien entendu, la veille, dire qu'il avait songé aux bains d'argent, et pas pour jouer avec !

– Est-ce que tu es sûr que ça va ? insista Severus en venant s'asseoir à côté de lui. J'ai senti dans le lien qu'Andréas t'avait blessé. Je ne veux pas que tu croies un traître mot…

– J'ai été surpris, surtout, le coupa Harry. Je ne m'attendais pas à ce que ma première rencontre avec un autre calice se passe ainsi…

Il voulait surtout très vite oublier à quel point la culpabilité avait ressurgi rapidement quand Andréas avait parlé de Severus mourant de faim, quand il l'avait accusé de l'avoir volontairement fait souffrir, quand il avait sous-entendu qu'il ne remplissait pas son rôle, qu'il était un mauvais calice et qu'il ne méritait pas Severus…

Les mots avaient douloureusement fait écho en lui. Peut-être parce qu'il le pensait au fond de lui. Peut-être justement parce qu'ils provenaient d'un autre calice… et que ce n'était pas comme ça qu'il avait rêvé ses pairs.

– Et qu'est-ce que tu voulais me dire au sujet de Mihai ? fit-il pour effacer l'irruption désastreuse d'Andréas.

Aussitôt, le sourire de son vampire s'éclaira, son regard plongea dans le sien, intense et pénétrant, et il prit sa main dans la sienne.

– Je voudrais que tu me rendes un service…

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Severus s'avança lentement dans la chambre tandis que le valet personnel de Mihai refermait la porte derrière lui. Vaste et sombre, drapée dans des couleurs chaudes de rouges et de bruns, la pièce regorgeait de canapés, de tentures, de tissus précieux, de coussins et donnait une impression immédiate de luxure…

Vite chassée par l'image décharnée qu'offrait Mihai au fond de son lit.

Quelques braises mourantes dans la cheminée qui lui faisait face éclairaient à peine la chambre, mais leurs lueurs suffisaient à deviner les joues creusées, le regard voilé d'épuisement et les cheveux épars et filandreux.

– Severus… Tu as insisté pour me voir ?

Severus s'approcha du lit où le vampire était allongé, à demi assis contre quelques coussins et recouvert d'un édredon carmin qui le faisait sans doute paraître encore plus pâle qu'il ne l'était en réalité. Avec un sourire confiant, il s'assit dans le fauteuil tiré près du lit et tendit à Mihai le coffret de bois qu'il avait emmené avec lui.

– Qu'est-ce que c'est ?

– Ouvre…

Fronçant les sourcils malgré sa faiblesse, Mihai souleva le couvercle du coffret. Il resta un instant immobile, presque confus, puis il prit entre ses doigts un des deux petits flacons qu'il contenait et le souleva à hauteur de ses yeux. À l'intérieur remua un liquide rubis, épais, qui nappait de velours les parois de verre du récipient. Il voulut le porter à son nez pour en sentir l'odeur mais la fiole était scellée d'un bouchon de cire et le cachet apposé était celui des Malfoy, la lettre M stylisée et encadrée de deux dragons, le même symbole que portait Severus sur l'alliance de sa main droite, depuis son mariage avec Lucius.

– C'est bien ce que tu penses, révéla Severus devant le regard brusquement incisif du vampire.

– Pourquoi ?

Severus se permit un sourire presque arrogant. Mihai avait bien compris ce dont il s'agissait et il voulait des réponses…

– Je ne peux pas te laisser le mordre, parce qu'il est mon calice, mais cela te fera le plus grand bien…

– Pourquoi ?! répéta Mihai avec un brin d'agacement.

– Harry l'a fait parce que je le lui ai demandé… et sans la moindre hésitation. Quant à moi… j'ai besoin que tu me rendes un service.

Le regard dur, Mihai reposa délicatement la fiole dans le coffret et le referma, posant ses mains dessus comme pour protéger un bien précieux.

La clef était là : deux petits flacons du sang de Harry pour qu'il vive et contre un service. La tentation et l'exigence.

– Explique-toi.

Severus sourit à nouveau. Le refus n'était pas immédiat; l'appât était assez tentant pour que Mihai accepte au moins d'entendre ses raisons…

Il s'expliqua, et quand il eut fini, il se leva sans attendre, laissant le coffret entre les mains du vampire comme un piège doux et délicat, et il s'éloigna vers la porte.

– Je te laisse réfléchir et choisir… Dans tous les cas, Harry tient à te voir aujourd'hui.

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oooooo

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– Donc, vous n'avez pas de baguette magique ? poursuivit le vampire.

– Alors que même Severus en a une, fit remarquer un autre.

– Non, je n'en ai pas, confirma Harry avec un léger sourire. J'en ai eu une, plus jeune, bien sûr… Mais cela fait des années que je n'en ai plus besoin pour faire de la magie.

– Et vous n'utilisez pas non plus de sorts ou d'incantations… ?

– Non.

– Comment cela procède-t-il ?

Harry buta un instant sur la formulation, rendue maladroite par le sortilège de traduction qui leur permettait de communiquer et se permit un instant de réflexion en laissant son regard s'attarder sur la vaste pièce.

Il n'était pas venu ici lorsque Severus lui avait fait visiter le Palais, sans doute parce que cette pièce n'était pas une pièce d'apparat ou de réception, mais davantage un lieu privé… un lieu de vie. Une salle immense, ornée de deux imposantes cheminées à chaque extrémité, et meublée de plusieurs salons, de canapés où lire et se détendre, de secrétaires, de petites tables de jeux, d'une grande bibliothèque et d'un coin boudoir où se trouvaient deux femmes et plusieurs enfants qui jouaient sur un tapis. Une pièce où vampires, humains et calices semblaient se retrouver pour boire un café ou un thé, jouer aux cartes, discuter cinq minutes devant la chaleur de la cheminée ou confortablement installés dans une méridienne ou une ottomane.

Eux étaient assis dans une succession de canapés et de fauteuils qui formaient un vaste ovale autour d'une longue table basse, dont seuls la moitié des sièges étaient occupés. Severus se tenait dans un sofa à peine plus loin, en biais sur sa droite, et il ne le quittait pas des yeux; sans doute attentif au moindre signe de gêne ou d'inconfort face à la situation.

Mais Harry ne se sentait pas – plus – mal à l'aise. Malgré la présence de nombreux vampires dans la salle, au moins une quinzaine, il ne se sentait ni menacé ni oppressé. La plupart vaquaient à leurs occupations ou discutaient sans se préoccuper d'eux, glissant tout au plus un regard curieux ou surpris sur leur petit groupe. Et les quelques Anciens avec qui il échangeait et qui menaient la « conversation » semblaient plutôt bienveillants, intrigués par sa magie et avides de comprendre.

Ils étaient principalement deux à l'interroger : Nicolæ, un vampire qui paraissait empreint de sagesse et d'un calme olympien – et dont il avait bien compris, à leur façon de se saluer, que Severus était proche –, et un certain Mircea qui semblait vieux comme le monde mais dont le regard brillait de curiosité en l'examinant des pieds à la tête. Les autres Anciens se contentaient d'écouter, de hocher la tête ou de faire un commentaire ou deux au fil de la conversation.

– Je ne sais pas comment l'expliquer, hésita Harry. En réalité, la magie est là, presque tangible, fit-il en faisant apparaître dans sa paume une petite volute de magie vert émeraude qui illumina les arabesques de ses mains de la même couleur. Il me suffit de vouloir quelque chose, ou bien de l'imaginer, et la magie le fait… Spontanément, cela prend parfois la même apparence, cela a le même effet qu'un sortilège, parce que j'ai longtemps pratiqué la magie de cette façon et que c'est encore un réflexe, mais en réalité… c'est juste de la magie.

– Pouvez-vous, par exemple, faire venir un livre de cette bibliothèque ? demanda Mircea en observant ses mains qui brillaient doucement.

La volute de magie s'étira tranquillement dans les airs avant de disparaître, pour réapparaître près des rayonnages de livres anciens, semblant les effleurer tour à tour comme si elle prenait son temps pour choisir, puis elle enveloppa un ouvrage et sembla le tirer hors de l'étagère. Lentement, le livre vola à travers la pièce, enrobé de la volute verte et suivi par de nombreux regards, puis se posa en douceur sur la table basse devant eux. La magie tourna la page de couverture puis fit défiler les pages par dizaines avant de laisser l'ouvrage ouvert sur le début d'un chapitre et l'illustration qui correspondait sur la page de gauche.

– Auparavant, expliqua encore Harry, je me serais servi d'un sortilège d'attraction en visant un objet ou un livre en particulier, mais aujourd'hui, sans baguette et sans sortilège, la magie agit comme… un moyen, et à la fois comme une entité presque matérielle… C'est un prolongement de moi-même, aussi simple que de lever le bras ou de bouger la main...

Mais Mircea semblait ne plus l'écouter et il s'était levé de son fauteuil pour aller observer la double page sur laquelle le livre s'était ouvert avant de le refermer pour regarder la couverture. Et de façon surprenante, il se mit à rire gaiement.

– Et vous avez sciemment choisi ce livre ?

– Non, reconnut Harry. Elle en a pris un qui l'attirait, je suppose…

Mircea prit le livre pour le montrer à Nicolæ qui esquissa un sourire en coin avant de jeter un regard amusé à Severus qui, lui, fronçait les sourcils sans comprendre.

– C'est un livre ancien mais il est très connu ici, fit Mircea en se rasseyant dans son fauteuil. Ce que vous appelleriez… un roman à l'eau de rose. Des débuts difficiles qui se transforment en une belle et tendre histoire d'amour entre un vampire et son calice… Je vous le conseille ! acheva-t-il avec un petit rire.

Tout en se mordant la langue pour s'empêcher de réagir et de rougir, Harry vit du coin de l'œil Severus fusiller les deux vampires d'un regard noir avant de soupirer d'agacement.

– Ainsi donc, reprit Nicolæ avec un peu plus de sérieux, votre magie est capable dans une certaine mesure, de faire des choses de son propre chef ?

– Oui, répondit Harry après un instant d'hésitation. Il est arrivé qu'elle modifie ma destination lorsque je transplane, par exemple. Ou bien de me déplacer pendant mon sommeil pour me mettre dans un endroit plus confortable, ou en cas de danger si je suis inconscient…

Il vit Severus serrer les dents au souvenir qu'il évoquait à demi-mots mais la magie lui avait littéralement sauvé la vie en l'emmenant à Sainte-Mangouste lorsqu'il était prisonnier de Vladimir. Les vampires présents, eux, ne devinaient sans doute pas l'entière portée de ses mots; à moins qu'ils n'aient perçu cela de lui lorsqu'il leur avait serré la main pour la première fois…

Ceci dit, ces souvenirs anciens étaient désormais loin dans son esprit, contrairement à ceux qui concernaient son propre vampire et leurs nombreuses morsures des derniers jours. Et avec un sourire réjoui, Harry se demanda s'ils avaient vus leur dernière étreinte, juste avant la visite d'Andréas, quand Severus avait joui juste sous sa main…

– … La magie est parfois aussi un peu… malicieuse, ajouta-t-il en ricanant. Elle ne supporte pas que je dorme habillé, par exemple… Quel que soit l'endroit où je dors.

Les deux vampires sourirent de concert tandis que Severus levait les yeux au ciel devant la confidence.

Étrangement, Harry ne se sentait pas du tout troublé ou mal à l'aise devant les deux vampires. Il percevait au contraire leur bienveillance, leur amusement, et presque leur… affection, sans qu'à aucun moment, ce ne soit lié à leur charme de vampire.

Et à se trouver ainsi au milieu de cette petite assemblée qui mêlait nombre de vampires de tous âges et de tous caractères, il s'apercevait qu'il ressentait de mieux en mieux leurs différences, la puissance de l'un par rapport à celle de l'autre, leur importance dans la hiérarchie implicite de Colibita, leur froideur ou leur sympathie…

Ainsi, il savait que Nicolæ était sans doute le vampire le plus respecté du conseil des Anciens et qu'il avait dans ce Palais un rôle crucial, bien qu'il ne soit ni Gouverneur, ni Gouverneur par intérim; il savait ceux qui avaient été des sorciers dans leur vie antérieure et ceux qui ne l'étaient pas; il savait, parmi les humains, ceux qui étaient des calices et ceux qui étaient de simples donneurs; il savait que ce vampire là-bas, qui leur jetait de temps à autre un regard intrigué, était sans doute le plus puissant de ceux présents dans la salle…

Et par comparaison, il savait que Severus était loin au-dessus de tout ça et il en ressentait une fierté possessive qui ronronnait dans son ventre. Si sa magie vampirique, compte tenu de son jeune âge, était encore d'une puissance moyenne et presque immature, le fait qu'il ait conservé intégralement sa magie de sorcier faisait de lui le vampire le plus imposant des lieux. Et c'était délectable. Pas étonnant qu'Andréas ait cherché à devenir son calice et à se mettre sous sa protection…

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– Et cette magie que vous possédez… peut-elle pénétrer un corps, un organisme vivant ?

Harry esquissa aussitôt un petit sourire en coin tout en jetant un coup d'œil à son vampire qui paraissait plutôt renfrogné. Elle pouvait, oui, et faire des choses délicieuses, et donner du plaisir… Il n'avait jamais essayé depuis que Severus était devenu un vampire, mais brusquement, la curiosité le tarauda.

– C'est possible, oui, répondit-il en libérant doucement sa magie autour de lui. De cette façon, je peux bloquer un sortilège ou bien soigner, dans une certaine mesure… Si la personne se laisse faire, la magie peut aussi pénétrer l'esprit pour parcourir les souvenirs, ou bien apaiser une migraine par exemple… J'y ai souvent eu recours sur Severus avant sa transformation…

Lentement, sa magie dérivait vers son vampire tandis que Harry restait songeur. Il hésitait… La tentation d'effleurer Severus et de voir sa réaction était grande, mais il n'osait pas. Pas devant cette assemblée qui les observait, pas alors que cela pouvait déboucher sur quelque chose de trop intime entre eux...

– Si votre magie peut agir à l'intérieur du corps humain, peut-elle tuer de cette façon ? fit Mircea d'un ton beaucoup plus sérieux que ne l'était l'état d'esprit de Harry. Peut-elle faire cesser de battre un cœur ? Influer sur les organes au point de mettre la vie en danger ?

Harry sursauta devant ces accusations presque violentes et si éloignées de ses considérations plutôt frivoles. Severus, lui, adressa un regard glacial à l'Ancien.

– Non ! Bien sûr que non, se défendit précipitamment Harry. Ma magie… ma magie est faite pour soigner, pour guérir, pour apaiser… Je serais incapable de tuer de cette façon. Même pour me défendre lors d'un combat, je ne peux pas lancer de sortilèges d'attaque sans devoir les subir également… Tuer quelqu'un me tuerait aussi certainement !

Nicolæ leva une main apaisante pour couper court aussi bien à ses dénégations qu'aux questions de Mircea. Par courtoisie, mais sans doute également parce que Severus semblait sur le point de tuer quelqu'un tellement il semblait furieux.

Ils auraient été seuls, Harry serait bien allé s'asseoir à côté de lui pour… le tranquilliser, lui faire comprendre qu'il n'était pas contrarié ou agacé, pour partager quelque chose… Avec la distance qui était la leur devant le conseil des Anciens, il se contenta de l'effleurer doucement de sa magie, comme une caresse, furtive, paisible, sereine…

Aussitôt, il vit Severus se redresser, frissonner et lui adresser un regard intense. Presque brûlant malgré la noirceur de ses yeux.

– Si vous pouvez pénétrer le corps d'un humain avec votre magie, reprenait Nicolæ, pouvez-vous le faire également avec un vampire ? Depuis la transformation de Severus, avez-vous déjà essayé de…

Le vampire n'eut pas le loisir de finir sa phrase, ni Harry celui de lui répondre car ils furent interrompus par l'arrivée impromptue d'un homme arborant la livrée du Palais.

Severus fut le premier à détourner le regard et il fronça les sourcils avec un air méfiant sur le visage dès qu'il reconnut Andréas. À son tour, Harry s'arracha à regrets à la contemplation de son vampire et tourna la tête, et bientôt, tous regardaient le Messager qui venait de s'inviter dans leur conversation.

– Le Seigneur Evanescu demande à voir Monsieur Potter en personne.

Instantanément, Harry se mit à sourire, heureux que Mihai soit réveillé et encore davantage qu'il demande à le voir.

– … Seul, précisa Andréas en voyant Severus poser la main sur l'accoudoir de son canapé pour se lever.

Le regard de Severus se fit plus méfiant encore, et son aura de vampire se chargea d'une menace latente et sombre.

– Prends garde à tes actions et tes paroles, asséna-t-il d'un ton lourd.

Mais contrairement à ce que semblaient penser certains Anciens, la mise en garde s'adressait à Andréas et non pas à son calice, et celui-ci se leva avec un sourire rassurant vers son vampire.

Harry savait que les paroles du Messager pouvaient s'avérer éprouvantes et pernicieuses, mais après l'accrochage qui avait eu lieu quelques heures plus tôt, il était certain qu'il ne tenterait plus rien à son encontre. Quelque part, Andréas avait reconnu sa défaite, il lui devait même la clémence de Severus, et il n'allait certainement pas encourir à nouveau sa colère, au risque de perdre son propre vampire.

En passant, Harry glissa une main caressante sur l'épaule de Severus et quitta la salle en compagnie du Messager.

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– Je vous présente mes excuses pour ce qui s'est passé ce matin, murmura Andréas dès qu'ils eurent quitté la pièce. Je ne sais rien de qui vous êtes, de ce qu'est votre relation et je n'avais pas à vous incriminer de la sorte…

Harry s'arrêta net, plus surpris qu'il ne voulait bien l'admettre, et adressa un sourire fugace au Messager. Il devait lui reconnaître le courage de ces excuses en bonne et due forme, en dépit de l'humiliation que cela représentait pour lui : malgré son murmure, Andréas devait bien se douter que l'ensemble des vampires présents dans la salle avaient entendu ses paroles, et en particulier Severus.

– Effectivement, vous ne savez rien, fit-il doucement avec un geste évasif. Et cela ne vous donnait pas le droit d'agir comme vous l'avez fait… Pour ma part, c'est une affaire close, mais je n'apprécierai pas de vous voir tourner à nouveau autour de Severus.

Malgré la douceur de sa voix, le ton était ferme et le léger relâchement de son aura venait appuyer ses paroles.

– Ne vous inquiétez pas, répondit Andréas en se permettant même un petit sourire devant ce qui ressemblait sans doute trop à de la jalousie. Je sais où est ma place.

– Je suis heureux de l'entendre, affirma Harry en reprenant son chemin.

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La fébrilité lui tenaillait le ventre tandis qu'il se tenait devant la porte des appartements de Mihai. Une inquiétude pleine d'espoir, une expectative douloureuse et craintive à la fois… La peur d'être déçu, cette volonté de ne pas y croire encore, tout en le souhaitant de toutes ses forces…

Étrangement, il aurait voulu la présence de Severus, là, juste à côté de lui, pour le soutenir dans cette attente éprouvante dans l'antichambre. Son regard chaleureux et sa disponibilité attentionnée… tout en sachant qu'il n'aurait pas voulu de lui pendant cette entrevue avec Mihai et que ce n'était pas juste pour Severus.

Harry sourit tristement devant ses désirs si contradictoires envers son vampire et frappa d'une main légère à la porte.

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La première chose qui le surprit lorsque la porte s'ouvrit sur le valet personnel du Gouverneur, ce ne fut pas la chaleur dans la pièce, ni la musique baroque qui s'élevait doucement, ni même la silhouette assise dans un fauteuil… ce fut la lumière.

Une lueur diffuse, un pâle soleil d'hiver qui filtrait à travers un ciel gris et des rideaux sombres, une clarté hésitante mais tenace… Et qui changeait tout. Qui écrasait l'obscurité, la pénombre et ses inquiétudes noires. Qui dissipait cette ambiance funeste de déchéance, de maladie et de mort. Une lumière qui, au contraire, rayonnait de vie. La joie gonfla dans son cœur, l'espoir, le soulagement… et l'émotion.

Sans même savoir comment, Harry avait traversé la pièce, les yeux brillants et humides, la gorge serrée, et il tenait dans ses bras un homme, un vampire, peu importe, mais un homme debout. Une étreinte éperdue, bouleversée, avec contre lui un corps tiède aux cheveux noirs presque bleutés, des lèvres carmins qui effleuraient si délicatement la peau de son cou, et quand il se recula un instant parce qu'il n'en croyait pas ses yeux, un regard sombre et ténébreux, aussi chaud et envoûtant que celui de Severus, un regard qui n'avait plus rien de rougeoyant, un visage gracieux, souriant, amusé même, et qui se trouvait brusquement si près du sien…

Un instant, ils restèrent immobiles, les yeux dans les yeux, incapables d'interrompre ce moment inespéré et si précieux, incapables de prendre de la distance et de s'éloigner l'un de l'autre…

Et puis Harry resserra l'étreinte de ses bras pour rapprocher ce corps du sien et il soupira de soulagement en fermant les yeux, son visage glissant dans le cou frais et parfumé du vampire.

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Harry était encore un peu fébrile et excité tandis qu'il traversait les couloirs en compagnie de Mihai vers la grande salle où il se trouvait un peu plus tôt. Pourtant, ils avaient pris le temps de parler un long moment, posément, de laisser redescendre l'émotion – surtout la sienne –, de savourer ce bonheur si particulier de se retrouver tous les deux sans inquiétudes et sans perspective sinistre…

Mais à présent, il était impatient. Impatient de rejoindre son vampire, impatient de voir sa réaction et quelque part au fond de son cœur, il éprouvait une certaine fierté de savoir que Mihai était enfin redevenu le vampire élégant, précieux et puissant que tous connaissaient, grâce à lui. Une pensée si vaniteuse qu'elle lui tira un sourire en coin au moment où ils entraient dans la salle.

Le léger bourdonnement des conversations, des rires et des bruissements de vie se tut brusquement et tous les regards convergèrent vers eux, immobiles sur le seuil. Harry chercha son vampire des yeux, surpris de ne pas le trouver à la même place que tout à l'heure, et bientôt davantage surpris encore du silence qui s'épaississait de seconde en seconde.

Il mit quelques instants à le comprendre mais en réalité, le silence s'était fait plus pesant parce que la moitié des personnes présentes dans la salle avaient disparu depuis leur apparition. Les femmes avaient ramassé les enfants et s'étaient volatilisées par une porte dérobée, le groupe de calices qui plaisantait dans un coin s'était éclipsé discrètement et plusieurs vampires avaient « transplané » dans la même seconde. Et ceux qui restaient les regardaient d'un air sombre et méfiant.

Harry fronça les sourcils, étonné de ces visages fermés, et aperçut enfin Severus qui venait de tourner la tête vers eux. Soudain, le silence devint encore plus épais, dense, et l'air vibra de la puissance des auras de tous ces vampires réunis. Quelque chose de si compact et intense qu'il eut presque l'impression d'un bourdonnement à l'intérieur de sa tête.

Harry déploya sa magie en réflexe, Severus se leva et se dirigea vers eux avec un grand sourire et tout fut brusquement terminé. Campés l'un en face de l'autre, aussi radieux l'un que l'autre, Severus et Mihai venaient de s'attraper mutuellement par l'avant-bras droit pour se saluer, avant de partager une étreinte presque fraternelle qui avait fait retomber la pression dans la pièce en l'espace d'un battement de cœur.

Dans les quelques instants de confusion qui suivirent, les autres vampires encore présents les rejoignirent pour saluer à leur tour Mihai – et le féliciter ? –, tandis que Severus glissait un bras autour de sa taille pour l'entraîner un peu à l'écart.

– Est-ce que tout va bien ? lui demanda-t-il avec un regard pénétrant.

– Bien sûr que tout va bien.

Plus que ses mots, la conviction était dans le ton de sa voix, dans son large sourire, dans ses yeux brillants de joie et Severus semblait rayonner lui aussi de satisfaction. Mihai était enfin revenu dans le monde des « vivants ».

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Ils passèrent encore un long moment à échanger avec Mihai, Nicolæ, Mircea et les Anciens tandis que les allées et venues des autres membres du Palais dans la salle reprenaient au gré d'un café, d'une partie de cartes ou d'une conversation. Puis l'appel du ventre commença à se faire sentir et Harry finit par aller murmurer à l'oreille de son vampire qu'il regagnait leurs appartements pour aller se nourrir.

Évidemment, aucun vampire n'avait rien perdu de cet aparté et les sourires amusés affleurèrent sur leurs visages.

– Reste, si tu veux, ajouta Harry en pressant doucement l'épaule de Severus.

– Non, je vais venir avec toi…

– Je dois aller m'entretenir avec le Gouverneur, mais quand tu auras fini de déjeuner, venez prendre le thé dans mes appartements, proposa Mihai avec un regard pétillant qui fit s'élargir un peu plus les sourires alentour.

Harry échangea un regard avec son vampire et ils acquiescèrent de concert.

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Harry s'essuya les lèvres avec sa serviette de table puis la posa à côté du vaste plateau couverts de plats définitivement vides. Machinalement, il passa sa main sur son ventre mais cela ne suffisait pas à atténuer la légère rondeur qui tendait le tissu de son pull et de son pantalon. Dans quelques heures, et après un bon thé avec Mihai, tout cela aurait disparu au profit de sa production de sang… mais pour le moment, il se sentait délicieusement repu.

Il ferma les yeux une seconde en soupirant et les rouvrit sur le regard amusé de son vampire. Harry leva les yeux au ciel devant la moquerie insidieuse et se renversa contre le dossier de sa chaise avec un bonheur sans nom. Il hésitait à rejoindre Severus qui lisait tranquillement dans le canapé mais il fallait d'abord trouver le courage de s'arracher de là où il était. Ceci dit, la perspective de ce canapé moelleux, de ces coussins accueillants et de la proximité de son vampire était bien alléchante.

– Allez viens, fit Severus en se levant brusquement. Allons rejoindre ton vampire préféré pour le thé.

– C'est toi, mon vampire préféré, se défendit Harry avec une grimace. Mihai n'arrive qu'en deuxième position.

Bon sang, ça sonnait aussi mièvre que le roman à l'eau de rose que sa magie avait choisi tout à l'heure, mais au fond, c'était aussi diablement sincère. Et sincèrement, il aurait préféré s'asseoir à côté de son vampire, ou mieux entre ses cuisses, appuyé contre son torse, avec un bon livre – peut-être même ce roman à l'eau de rose, pour voir –, et se laisser bercer par la lecture jusqu'à s'assoupir tranquillement… mais ils étaient attendus.

Severus se contenta d'un sourire ironique tout en attrapant ses gants et en s'emmitouflant dans sa cape d'hiver. Une façon de détourner son attention sur ses gestes, de camoufler l'éclat plus dense de son regard, mais rien qu'à la très légère modification de son aura, Harry percevait sa fierté, et aussi, un tout petit peu, son émotion devant l'affirmation de sa préséance. Severus était si attachant dans ses réactions à ces toutes petites choses…

– Et j'aurais besoin d'un café, plutôt, si je ne veux pas piquer du nez après ce repas, maugréa Harry en se levant à contrecœur.

Severus dissimula son sourire et passa furtivement une main dans son dos pour le guider vers la porte des appartements mais Harry s'arrêta net en se tournant à demi vers lui.

– Que crois-tu qu'ils se soient dits avec le Gouverneur par intérim ? Tu crois que le fait que Mihai aille « mieux » va poser des problèmes ?

– Je ne pense pas, affirma Severus d'un ton convaincu. Pour ce que j'en ai discuté avec lui, Mihai n'avait pas l'intention de prétendre à nouveau à la charge de Gouverneur. Il préfère se désister au profit du Gouverneur par intérim… Il a eu le temps de le voir à l'œuvre pendant plusieurs mois et il lui fait confiance.

Harry resta pensif quelques secondes; si ce n'était pas un conflit latent pour le pouvoir, pourquoi tous les vampires avaient paru si alarmés, presque menaçants, en voyant Mihai arriver dans la grande salle tout à l'heure ? Quelque chose lui échappait… Mais quand il posa la question à Severus, celui-ci se mit à ricaner en le poussant doucement vers la porte.

– Tout le monde ici sait que tu es mon calice… Et tout d'un coup, Mihai, qui n'a pas bu depuis des mois, te convoque et vous réapparaissez bras-dessus bras-dessous, lui en pleine forme et transpirant ta magie par tous les pores de sa peau… Que crois-tu que les autres aient pensé ?!

– Oh ! fit Harry en devinant les idées sulfureuses qui avaient dû traverser l'esprit des vampires et des calices qui avaient assisté à la scène.

Ici, les calices étaient sacrés. Que Mihai ait bu du sang – son sang – alors qu'il appartenait à un autre était considéré comme une agression inqualifiable. Quand bien même il aurait été consentant…

– Ils peuvent vraiment sentir qui est le calice qui lui a donné son sang ?

– En règle générale, non. Mais ta magie est trop particulière pour qu'on ne la remarque pas.

À la seconde où ils étaient apparus, tout le monde avait su que Mihai avait bu son sang. Tout le monde avait cru qu'il l'avait mordu…

– Ils ont tous craint un conflit entre toi et Mihai, conclut Harry.

– Oui, fit Severus en ouvrant la porte. Même si tu l'avais fait de ton plein gré, j'étais en droit de réclamer vengeance. C'est une des rares choses pour laquelle ils sont encore passéistes : pour la question du sang, la volonté du vampire prédomine celle du calice… Pour eux, la relation entre un vampire et un calice est tellement sacralisée qu'elle ne peut être qu'exclusive. Pas question de « prêter » un calice, de nourrir un autre vampire, etc.

Harry fronça les sourcils et s'arrêta dans le couloir le temps que Severus ferme la porte derrière eux.

– Pourtant, Andréas t'a proposé de devenir ton deuxième calice…

– C'est effectivement possible mais ça ne se fait pas ici, expliqua Severus tandis qu'ils parcouraient les couloirs sombres. En théorie, je pourrais même avoir autant de calices que j'en ai envie… Il suffit de faire le rituel avec chacun d'eux.

Severus avait dit cela avec un petit sourire narquois qui ne visait qu'à taquiner sa jalousie et sa possessivité et cela marchait plutôt bien. Harry grimaça de dépit et répliqua aussitôt :

– Donc je suppose qu'il est aussi possible d'être le calice de plusieurs vampires si je fais le rituel avec chacun d'eux…

Une lueur dangereuse s'alluma dans le regard de Severus, vite interrompue par le valet de Mihai qui leur ouvrit la porte vers les appartements privés du vampire.

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Mihai n'était pas encore revenu lorsqu'ils s'installèrent dans le salon mais il arriva quelques minutes plus tard, souriant, léger et avec ce regard pétillant qui lui allait si bien. Le thé fut délicieux, tout autant que sa compagnie. Un mélange de conversation mondaine et d'espièglerie qui faisait rire Harry aux éclats, et qui, tout au fond, l'émouvait délicatement.

Malgré tout, il sentait Severus légèrement en retrait. Sa joie à le revoir en si bonne forme était évidente, mais il était aussi plus taciturne qu'à son habitude et les plaisanteries parfois un peu trop badines de Mihai semblaient le faire grincer des dents intérieurement. Était-ce cette petite phrase lâchée juste avant de pénétrer dans les appartements de Mihai qui lui était restée en travers de la gorge ? Après coup, Harry lui avait trouvée un arrière-goût de menace qui n'était pas du tout son intention première. Il n'avait fait que réagir à l'ironie de son vampire destinée à taquiner sa jalousie, peut-être maladroitement, mais au fond, il s'agissait d'une vraie question qu'il se posait.

Est-ce qu'il était possible pour un calice de nourrir plusieurs vampires… ? Il songeait à Mihai, bien entendu, à qui il venait de donner deux petits flacons de son sang à la demande de Severus, mais aussi, de manière plus lointaine à Lucius…

Lucius avait plus de vingt ans de plus que lui. Il était encore loin de la vieillesse, mais Harry n'imaginait absolument pas le voir vieillir, blanchir, se décrépir, pendant que lui serait préservé par son âge et son statut de calice. Et il imaginait encore plus mal Severus perdre son compagnon de toujours sans lever le petit doigt pour le garder à ses côtés. À ses yeux, la transformation de Lucius paraissait inéluctable et il se serait bien vu devenir le calice de ses deux vampires. L'idée d'eux trois enfin réunis dans un lit et qui le mordraient de chaque côté du cou avait quelque chose d'excitant qui enflammait son ventre.

S'imaginer devenir le calice de Mihai était en revanche plus compliqué. Autant Harry n'avait aucun problème à envisager l'aspect physique d'un rituel d'union avec le vampire – il était assez voluptueux et audacieux pour que ce soit diablement attirant –, autant la simple idée qu'il puisse le mordre – et encore davantage dans le cou – le mettait mal à l'aise. Comme un parjure vis à vis de Severus, comme franchir une limite taboue… Donner son sang était une chose, une morsure en était une autre.

Mais Severus semblait resté sur cette impression qu'il voulait devenir le calice d'un autre vampire et Harry n'en était pas très heureux. Les mots étaient sortis de sa bouche plus vite qu'il ne les avait pensés et cela gâchait un peu ces retrouvailles tant attendues avec Mihai. Une dissension entre eux qui restait en arrière-plan, suspendue dans l'air, et dont ils allaient devoir reparler parce qu'il ne voulait rien qui puisse venir se mettre entre lui et son vampire. Aucun malentendu, aucune distance, aucun non-dit alors que leur relation lui paraissait aussi belle et harmonieuse que possible.

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Aussi quand Mihai proposa de leur faire visiter la ville, et en particulier les maisons communautaires, Harry ne bouda pas son enthousiasme. Severus fut bien évidemment plus réticent et il grogna devant la lumière insidieuse qui se faufilait sous son capuchon, mais c'était l'occasion d'un peu moins de formalité, de se rapprocher de lui, de se pendre à son bras de temps en temps, naturellement, spontanément, d'oser un geste ou deux… Une façon pour Harry de chercher son pardon et de manifester sa tendresse, et qui détendit peu à peu son vampire. Et si le sourire malicieux de Mihai, qui ne perdait rien de son petit manège, ne l'avait pas suivi de partout, il se serait peut-être même permis davantage.

Avec le début de la soirée et le froid sibérien qui s'infiltrait sous leurs vêtements, ils retournèrent vers le Palais et le dîner de gala qui les attendait. Ils passèrent par leurs appartements où Harry se changea pour enfiler la tenue plus apprêtée que lui avait choisie Lucius avant son départ. En souriant, il songeait à Severus et Mihai qui patientaient dans le salon, rêvant sans doute tous les deux à son sang, à son corps et à la façon dont ils aimeraient l'un et l'autre l'allonger sur ce lit pour lui faire subir des attouchements délicieux… Ou bien il se faisait des idées et il était juste en manque de sexe et de Lucius.

Le dîner en lui-même fut moins formel qu'il ne l'avait cru, mais malgré tout un peu long. Heureusement, Harry était assis entre Severus et Mihai, quelque part sur la gauche du Gouverneur par Intérim qui présidait la soirée, et leur compagnie était délectable. Severus semblait enfin complètement détendu – rassuré peut-être – et lorsque Harry se permettait parfois une réponse un peu trop audacieuse ou ambiguë vis à vis de Mihai, il glissait préventivement sa main sur la cuisse de son vampire, sous la table, pour bien lui montrer qu'il ne s'agissait que de plaisanter.

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Sur la longue table en forme de U où étaient répartis la quarantaine de convives, les plats se succédaient, abondants, délicieux, garnissant les assiettes des quelques humains et des calices présents parmi les invités. Parmi les vampires, certains grignotaient de petites quantités de nourriture mais la plupart se contentaient de thé, de café, parfois de potages, ou d'autres boissons non fermentées. Après les paroles formelles du nouveau Gouverneur en début de repas, le tout formait une assemblée assez joyeuse et bon enfant où les rires n'étaient pas rares.

Mais le « repas » durait maintenant depuis plusieurs heures, il était tard, même pour lui – sans doute plus de minuit – et Harry sentait la faim de Severus devenir de plus en plus vive et obsédante, au point que cela le mettait mal à l'aise lui aussi. Il lui tardait la fin de cette soirée, ou au moins la migration vers une autre pièce plus décontractée pour pouvoir s'esquiver en douce avec son vampire.

Comme à d'autres moments pendant le repas, sa main était posée sur la cuisse de Severus, aussi naturellement qu'autrefois, et brusquement, la main de son vampire vint se poser sur la sienne, enveloppante et caressante. Surpris, Harry tourna la tête pour tomber dans un regard rougeoyant de faim et de désir qui alluma un petit brasier dans son propre ventre. Oh, bon sang. Il avait envie d'une morsure, là, maintenant, de nourrir son vampire jusqu'à plus soif et plus encore, de s'abandonner entre ses bras et de ne plus penser à rien qu'au plaisir de sa présence et de la morsure.

Mais comment pouvait-on quitter poliment une assemblée comme celle-là ?!

Harry se mordit la lèvre et rongea son frein en silence. Malgré son appétit démesuré, il avait fini de manger depuis un moment mais il ne voyait pas comment s'éclipser sans devoir se justifier, dire quelques mots, remercier pour le repas, ce genre de choses… Et la main de Severus toujours sur sa main et sa faim enivrante ne l'aidaient pas à réfléchir. Il se pencha pour murmurer discrètement à l'oreille de Mihai quand il s'aperçut que le vampire avait amorcé le même geste vers lui.

– Vous feriez bien de quitter la table tous les deux et de faire ce que vous avez à faire, ricana-t-il. Tout le monde sent dans son aura que Severus a faim et ton envie de le nourrir transpire à travers ta magie de façon insolente.

– Quoi ? Mais…

– Harry ! Tu dégages tellement de phéromones et de concupiscence que les couples présents vont se sauter dessus dans les minutes qui viennent !

Harry lui jeta un regard sombre qui ne fit que le faire ricaner un peu plus. Mihai exagérait de toute évidence. Pour un peu, il aurait eu envie de libérer sa magie pour lui montrer ce que ça pouvait donner quand il voulait vraiment attiser le désir par ce biais, mais Severus n'aurait pas apprécié.

Ceci dit, il lui tardait de plus en plus de partir et de se retrouver seul avec son vampire. De pouvoir lui parler sans prendre garde à ses paroles, de pouvoir l'approcher sans prendre garde à ses gestes, et de pouvoir le nourrir sans prendre garde aux regards.

– Mais… Est-ce que ce ne serait pas mal vu si nous étions les premiers à partir ? Et comment…

– Partez simplement, l'interrompit Mihai dans un murmure moqueur. Je me charge de vous excuser officiellement mais tout le monde a bien compris ce qu'il en est !

Avant de changer d'avis, Harry agrippa la main de Severus posée sur la sienne et se leva brusquement. D'un simple signe de tête, il salua le nouveau Gouverneur et tous ceux dont les regards s'étaient tournés vers eux et en entraînant Severus à sa suite, il s'échappa littéralement.

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D'un pas décidé, Harry remontait le labyrinthe de couloirs vers leurs appartements. Merlin ! Ils s'étaient enfuis comme des adolescents qui crèvent d'envie d'aller se bécoter dans un coin ! Mais tant pis… il était trop tard pour les remords et il avait mieux à faire que de regretter son comportement.

Cela dit, Severus n'avait même pas protesté et à présent, il le suivait docilement, sa main toujours dans la sienne. Harry aurait même pu parier sur un petit sourire en coin sur les lèvres de son vampire, mais il ne voulait surtout pas tourner la tête pour le vérifier sous peine de se figer au milieu d'un couloir et de faire en sorte que Severus le morde immédiatement.

Le besoin d'une morsure devenait viscéral, flamboyant, et les sensations tumultueuses qui dansaient dans son ventre lui donnaient l'impression de bouillir de l'intérieur. Il ne pouvait plus attendre.

Et brusquement, la délivrance fut là. Une porte qui s'ouvrit sous sa magie, un claquement sec, des gestes désordonnés, confus, effervescents, un mur, un bouton de sa chemise qui vola quand il voulut écarter son col pour laisser de la place à Severus et les crocs de son vampire qui effleuraient sa peau.

Harry poussa un gémissement désespéré quand il comprit que Severus le faisait encore languir. Il glissa sa main sur sa nuque, dans ses cheveux, pour presser son visage contre son cou. Son autre bras enserrait ses reins, le plaquant contre lui avec une force affolée. Le désir, le besoin, couraient dans son ventre et dans son corps. Il n'était plus que fièvre et sang, bouillonnement et excitation… trouble et désir.

En un battement de cœur échevelé, la magie les transporta sur le lit, allongés l'un sur l'autre, et en un autre battement de cœur éperdu, elle les déshabilla. Oh, bon sang ! Severus était sur lui, sa peau froide, et le poids de son corps… Et le poids de son corps était un tel bonheur ! Harry renversa la tête en arrière, presque enfouie au milieu des oreillers et il gémit plaintivement. À un moment donné, Severus l'avait mordu, il ne savait même plus quand, et le bruit de sa déglutition, le léger mouvement de ses lèvres sur sa peau, comme un baiser, étaient un plaisir incroyable et si insuffisant en même temps.

Les yeux fermés, le corps fourmillant de sensations, ses mains caressaient tout ce qui était à leur portée : le dos de Severus, ses reins, ses épaules si larges et qui l'avaient tant fait fantasmer, sa nuque pour le presser toujours plus dans son cou, et ses fesses, rondes et fermes, et Severus grogna. Harry gloussa avant de gémir à nouveau sous le plaisir de la morsure et sous les mains de son vampire, dans ses cheveux, dans son dos, qui le tenaient si serré contre lui. À quel moment aurait-il voulu partir ?! Il était dans un lit, nu, avec son vampire qui buvait son sang et qui se frottait contre lui… Oh, bon sang ! Severus se frottait contre lui et Harry se rendit brusquement compte qu'il n'était pas en reste. Merlin ! Il avait même écarté les jambes ! Il geignit, légèrement honteux, mais c'était beaucoup trop bon pour arrêter. Ils étaient durs tous les deux, leurs sexes frottant l'un contre l'autre, à donner des coups de reins anarchiques et frénétiques. Harry écarta un peu plus les cuisses et pressa les fesses de son vampire pour augmenter le contact entre eux. Seigneur ! Il ne s'en fallait que de quelques centimètres pour que Severus soit en lui, et l'idée était presque tentante, tant le plaisir se refusait à atteindre son paroxysme.

Harry tourna un peu plus la tête pour offrir son cou, le dos cambré, le corps arc-bouté à la recherche de sensations, de douleur même, de n'importe quoi qui puisse le soulager. Puisqu'il ne tenait plus, il releva complètement les jambes, les crochetant autour des hanches de Severus, et il glissa sa main entre leurs corps réunis pour attraper leurs sexes. Il n'atteignit que celui de son vampire mais c'était déjà renversant. Hier, il ne l'avait touché qu'à travers des couches de tissu, mais là… c'était de la chair contre de la chair, du plaisir en puissance dans le creux de sa paume.

Le sexe de Severus était frais et brûlant à la fois, si massif, si épais que sa main en était pleine, et il le serra et le masturba comme si sa vie en dépendait, et à l'instant même, sa vie dépendait du plaisir qui montait inexorablement dans son corps, dans son ventre, dans ses reins… Son sexe frottait contre le bas-ventre de Severus qui baisait sa main comme s'il s'agissait de son cul et c'était divin.

À bout de souffle, il se demanda s'il était possible de mourir de plaisir. Si son cœur pourrait supporter deux minutes de plus de ce traitement. Si ça valait le coup de continuer à respirer. Si la vie pouvait lui apporter plus de plaisir et plus de bonheur que ça : lui et son vampire nus dans un lit, une morsure et du sexe… Et puis la jouissance le prit et ce fut encore définitivement meilleur. Il poussa un gémissement sanglotant et infini, tandis que Severus poussait un grondement rauque avant de se laisser à son tour emporter par l'orgasme.

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Les yeux fermés et le souffle court, Harry souriait bêtement. Comme on sourit aux anges, à la vie, au bonheur, à la satiété. Avec cet air repu, satisfait et épuisé qui suit le sexe. Le poids du corps de Severus l'empêchait un peu de respirer mais c'était bon de le sentir là. Harry avait même enlacé ses bras autour de sa taille pour le serrer contre lui et Severus ne semblait pas vouloir bouger de là où il était. Appuyé sur ses coudes et légèrement redressé, il se contentait de caresser ses cheveux et son visage du bout des doigts, délicatement, délicieusement…

Puis des lèvres se posèrent une seconde sur les siennes en un chaste baiser et Harry ouvrit brusquement les yeux.

– Désolé, s'empressa de dire Severus. Je ne voulais pas… je n'avais pas l'intention de…

Il s'était redressé un peu plus, insistant pour quitter l'étreinte de ses bras, mais Harry se contenta de rire doucement en le laissant malgré tout s'écarter.

– Ça va !… Après ce qu'on vient de faire, je pense que je vais m'en remettre !

– Je…

Pour une rare fois, Severus semblait un peu décontenancé, déboussolé, et il se souleva lentement, la tête basse, le regard rivé sur leurs ventres, leurs sexes encore gonflés et rouges, et le sperme qui les maculait. Harry suivit son regard et se redressa brusquement sur ses coudes, inquiet.

– Merde ! Pourquoi y a du sang ?! J'ai…

– Ce n'est pas toi, c'est moi, l'interrompit Severus, la voix étrangement tendue.

Son sperme à lui était de sa couleur habituelle, blanchâtre et laiteuse mais en haut de son ventre traînaient aussi quelques gouttes épaisses, un peu plus claires que du sang.

– Comment ça ?! Je… Oh. C'est… normal ?

– Oui…, hésita Severus. En temps normal, la production de sperme n'existe plus dans le corps d'un vampire. Mais dans certaines circonstances, cette fonction peut… réapparaître. En se basant sur la seule substance qui me fait vivre : le sang.

– Et donc, il y a des petits spermatozoïdes, là-dedans ? gloussa Harry.

Severus roula des yeux sous sa tentative d'alléger l'ambiance puis il se rallongea sur le flanc à côté de lui avant de faire venir sa baguette d'un Accio informulé. Mais avant qu'il n'ait eu le temps de les nettoyer d'un sortilège, Harry ramassa sur son doigt les quelques gouttes de sang et les porta à ses lèvres. Et Merlin !… Le regard de Severus était soudain devenu brûlant !

Lentement, hésitant à provoquer un peu plus son vampire, il suça son index avec insolence avant de se mettre à rire doucement.

– Tu sais quoi ? Tu as un goût sucré !

– Harry…, fit Severus d'un ton à la fois plein de regrets et de désarroi.

– Oh, ça va… Ne sois pas si coincé ! Tu viens de boire jusqu'à plus soif et on vient d'avoir un orgasme mémorable. Il n'y a rien à regretter.

– Harry…

– Chut. Tais-toi.

Sans lui laisser le temps de répondre plus avant, Harry le poussa d'une main jusqu'à ce que Severus bascule sur le dos et il se lova contre lui, la tête dans le creux de son épaule et un bras en travers de son ventre. Et après un instant d'hésitation, il glissa aussi sa jambe entre les cuisses de son vampire et ferma les yeux.

Harry sentait que Severus voulait parler de ce qu'ils venaient de faire, mais lui il voulait dormir. Ou plutôt, il avait besoin de dormir. De se reposer, de mettre quelques heures de distance entre leurs actes et leurs paroles, de laisser son esprit digérer ce qui venait de se passer : une morsure mais aussi une partie de sexe enfiévrée, même s'il n'y avait pas eu de pénétration; de la douceur et un baiser surprenant; Severus qui éjaculait du sang et qui laissait transparaître bien trop de douleur et de culpabilité; et cette petite phrase sur le fait d'être le calice d'un autre vampire, échappée de ses lèvres et que Harry regrettait de tout son cœur. Trop de choses en trop peu de temps.

Et surtout il voulait savourer ce moment. Cette quiétude, cette sérénité. Cette impression de complétude. Lui et son vampire. Le calme après la morsure et le plaisir.

– Tu te poses trop de questions, murmura-t-il en sentant Severus sur le point de protester à nouveau. J'ai adoré ce qui vient de se passer et je ne le regrette pas le moins du monde. J'aime te donner mon sang. J'aime quand tu me mords, j'aime ta douceur, j'aime ta force, j'aime ton désir… et j'ai toujours aimé me faire plaquer contre un mur ! Arrête d'avoir peur.

Severus voulut protester mais Harry l'arrêta de ses doigts sur ses lèvres et d'un baiser sur son torse.

– On parlera demain si tu veux mais au fond, il n'y a rien à débattre. Je suis bien avec toi, tu n'as même pas idée…

Severus soupira puis embrassa doucement ses doigts avant de le serrer un peu plus contre lui.

– Reste avec moi cette nuit, murmura Harry d'une voix déjà ensommeillée.

– Je dois aller voir Nicolæ… On n'a pas eu beaucoup le temps de se parler, depuis qu'on est là.

– Alors, reviens avant que je me réveille.

Un coin de ses lèvres se releva à la demande si touchante de son calice, puis Severus ferma les yeux en savourant avec bonheur sa présence contre lui.

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oooooo

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Encore dans un demi-sommeil et l'esprit perdu dans les brumes de ses rêves, Harry sourit avant même d'ouvrir les yeux. Il était allongé sur le côté, la main glissée sous son oreiller, dans un lit tiède et frais à la fois, aussi confortable qu'il était possible de l'être, et Severus était là.

Il avait dû s'absenter dans la nuit car Harry l'avait cherché à un moment sans le trouver, mais à présent qu'il se réveillait paresseusement au petit matin, Severus était là, allongé contre lui, collé contre son dos. Un bras ceinturait fermement sa taille et de temps en temps, le visage de son vampire s'approchait légèrement, son nez furetait dans ses cheveux et Severus respirait profondément comme pour se gorger de son odeur.

Harry sourit un peu plus. Que Severus soit là… qu'il soit revenu, jusque dans son lit, pour être là au moment où il se réveillerait… Il se sentait fondamentalement heureux. Un mélange de gratitude et de paix, de satisfaction et de légèreté, qui faisait papillonner son cœur. Il était même nu ! À l'exception d'un boxer, malgré tout, mais le reste de son corps ne portait pas de vêtements et Harry pouvait savourer sa peau fraîche et douce contre la sienne. Il posa son bras sur le bras possessif qui entourait son ventre et entrelaça leurs doigts. Il ne manquait plus qu'une petite morsure pour rendre ce réveil absolument parfait.

En se dandinant dans le lit, Harry se recula un peu pour être plus au contact de son vampire, pour mettre son cou à portée de son visage, et il inclina même légèrement la tête. Severus avait bien compris ses intentions car le bout de son nez tout froid vint se promener sur sa peau. Il embrassa le creux de son cou et de sa clavicule mais il ne semblait pas décidé à le mordre, au point que Harry se mit à grogner de frustration. Severus l'embrassa à nouveau, juste là où il le mordait d'habitude, en poussant un soupir qui frissonna sur sa peau.

– J'ai promis d'être là ce matin, murmura-t-il. Pas de te mordre…

Harry geignit piteusement devant ce besoin qui se refusait à lui.

– … Tu es juste frustré et tu as besoin de t'envoyer en l'air avec Lucius.

Encore plongé dans cet esprit lubrique et sensuel qui suit le sommeil, Harry sentit son ventre se crisper de désir à la simple mention de faire l'amour avec son mari. Oh oui. Une pénétration. Sentir un sexe tout au fond de lui, aller et venir dans son ventre et jouir sous des coups de reins véhéments ou dans une bouche indécente.

– … Je voudrais qu'on rentre ce soir, murmura encore Severus dans son cou. Et Mihai a promis de t'accorder tout le temps que tu voudrais aujourd'hui…

Harry fronça les sourcils, partagé entre l'envie de revoir Lucius, la joie de passer la journée avec le vampire, et cette frustration insidieuse de se dire que ce serait la fin de ces moments très intimes avec Severus. Et que c'était peut-être l'intention-même de Severus : remettre une certaine distance entre eux; fuir ces moments qui n'étaient plus tout à fait une morsure mais qui tendaient vers autre chose et que ni l'un ni l'autre ne savait trop comment interpréter. Au fond, Harry, lui, s'en fichait… mais Severus semblait plus réservé. Ou plus prudent.

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oooooo

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Repu au fond d'un canapé soyeux des appartements de Mihai, Harry soupira de contentement. Le vampire avait fait venir cette espèce de gâteau aux pommes roumain pour accompagner le thé, délicieux mais dont il avait oublié l'existence des années durant, et il s'était gavé comme une oie. Merlin, il allait vraiment finir par donner du diabète à Severus !

Lequel Severus les avait d'ailleurs abandonnés pour la journée. Il n'était resté avec eux qu'un bref moment ce matin, puis il s'était excusé avant le déjeuner pour aller voir Nicolæ. Severus avait-il vraiment tant de choses à dire au vieux vampire, ou bien tenait-il à les laisser seuls, Harry n'en savait rien, mais étant donné qu'ils devaient rentrer en Angleterre le soir-même, il se contentait de profiter de sa journée avec Mihai.

Sans scrupules et avec une facilité déconcertante, ils avaient passé des heures à discuter, à évoquer des souvenirs anciens, des bribes de leurs vies passées, des anecdotes de voyage… Mihai avait tant de choses à raconter ! Un foisonnement de souvenirs, d'idées, de plaisanteries et Harry avait passé son temps entre rire et émerveillement.

Au fil des heures, ils avaient oscillé dans les appartements de Mihai, de la table de la salle à manger à une causeuse devant la cheminée, puis vers un salon pour prendre le thé… Au fil des heures également, la conversation s'était faite plus intime, plus feutrée, plus personnelle aussi. Et devant l'imminence de leur retour au Manoir, certaines questions, certaines interrogations brûlaient les lèvres de Harry. Malgré leur caractère privé ou indiscret – et surtout tout ce qu'il pouvait en conclure –, Mihai était le plus à même d'y répondre mais ce n'était pas facile pour autant. Et malgré tout, Harry avait besoin de ces réponses pour y voir plus clair et pour démêler l'écheveau de ses pensées et de son ressenti vis à vis de Severus.

Il reposa lentement sa tasse de thé et, sans plus réfléchir, jeta un pavé dans la mare :

– Mihai… combien de calices un vampire peut-il avoir ?

– Dans l'absolu ou dans la réalité ? fit Mihai avec ce petit sourire horripilant qui disait qu'on atteignait enfin le fond des choses.

– Les deux.

– Dans l'absolu, il n'y a pas de limite. Il suffit de faire le rituel avec chacun d'eux et ils deviennent calice. Dans la réalité des faits, c'est bien différent. Avoir plusieurs calices permet au vampire de se nourrir abondamment et selon ses envies, mais comme ils « partagent » un vampire, l'équilibre de la production de sang est plus difficile à atteindre pour les calices. Le risque d'engorgement est beaucoup plus important. Et d'un autre côté, les « devoirs » du vampire : la protection de son calice, le fait de veiller sur lui, s'appliquent à chacun d'entre eux, ce qui peut vite devenir compliqué… Sans parler des conflits éventuels entre les calices, des préférences avouées ou non, des jalousies… qu'il incombe au vampire de gérer.

Mihai ricana brièvement.

– Bien sûr, certains vampires sans morale n'ont pas ces scrupules et font n'importe quoi avec leurs calices, mais dans nos sociétés civilisées, historiquement, les vampires n'ont jamais eu plus de deux ou trois calices. Un plus jeune pour ménager un calice vieillissant; parfois un calice homme et un calice femme pour ceux qui aiment goûter à tous les plaisirs… Mais ici, à Colibita, la polygamie est très mal vue.

– Et combien de vampires un calice peut-il nourrir ? lâcha Harry avant de se reprendre pour préciser sa question. Je veux dire… ce n'est pas seulement une question de nourrissage… Est-ce qu'un calice peut être le calice de plusieurs vampires ?

Mihai se figea un instant, puis il croisa les jambes et son pied se mit à battre dans l'air nerveusement. Étonné, Harry resta fixé sur ce mouvement fébrile et presque anxieux. De façon surprenante, cette réponse-là semblait coûter davantage au vampire.

– C'est beaucoup plus compliqué, répondit Mihai pourtant assez rapidement. Autant quand un vampire prend plusieurs calices, aucun n'a vraiment les moyens de protester contre cet état de fait, autant quand il s'agit de l'inverse, les risques de conflit sont importants. Les liens entre un vampire et son calice conduisent le calice – mais pas forcément le vampire – à rechercher naturellement une certaine exclusivité. En règle générale, il n'est pas fréquent que le calice souhaite s'attacher à un autre vampire. D'autant que le vampire, lui, reste assez possessif. Voir son calice s'intéresser à un autre mènerait certainement à des conflits de pouvoir et de possession avec son concurrent.

Discrètement, Harry sourit devant la gêne croissante de Mihai. Il comprenait parfaitement ce que le vampire essayait de lui dire à demi-mots et il était parvenu à la même conclusion quelques heures plus tôt : il ne pouvait pas – plus – devenir son calice.

Il aurait pu… quelques mois plus tôt, quand Mihai avait séjourné au Manoir et que lui n'était pas encore devenu le calice de Severus. Donner son sang, se laisser mordre, envisager un rapport sexuel… Mihai était si enjôleur et fascinant. Mais aujourd'hui, c'était inenvisageable. Il avait pu prélever assez facilement – sans doute aussi parce que Severus l'y avait autorisé – deux fioles de son sang pour le nourrir de façon indirecte, mais une morsure semblait impossible. Il sentait bien que toute sa nature de calice se révoltait contre cette idée.

– Je sais bien, et avec regrets, que je ne deviendrais jamais votre calice, avoua Harry en le regardant franchement. Sauf à ce que Severus meure un jour, et je dois dire que je ne le souhaite pas le moins du monde… Il vous faudra en trouver un autre, mais je pensais surtout à Luce…

– Oh… Si Severus envisageait de le transformer un jour pour ne pas le perdre, je suppose, suggéra Mihai en paraissant d'un coup plus détendu. C'est un des cas où cela pourrait fonctionner assez facilement. Ta production de sang s'ajusterait aisément tant que tu te nourris bien et le fait que Lucius et Severus soient déjà liés par des sentiments et une histoire commune leur permettrait de « te partager » sans problème. Mais en raison de sa puissance, je pense que Severus garderait malgré tout la préséance sur Lucius. Et je ne suis pas sûr que Lucius accepterait cela très facilement…

Harry gloussa en imaginant son mari aux prises avec la « supériorité » de Severus… Nul doute que cela déclencherait quelques étincelles ! Mais si Severus avait changé depuis qu'il était devenu un vampire, Lucius avait évolué également. Et de façon surprenante. Il reconnaissait la puissance de Severus, il avait appris à se montrer moins véhément et autoritaire, et pour les avoir surpris en train de s'envoyer en l'air, Harry savait qu'il tolérait même des gestes inhabituels et particulièrement dominateurs de la part du vampire.

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Tout en songeant – rêvant – à ce que pourrait être sa vie avec ses deux vampires, Harry se réinstalla confortablement au fond du canapé. Mihai l'observait avec ce petit sourire continuel aux lèvres qui faisait si bien partie de lui et qu'il trouvait toujours délicieux. Une nonchalance naturelle et pourtant raffinée, cette préciosité délicate et veloutée de ses gestes, cette manière d'être, sensuelle, ronde, voluptueuse… Tout en lui était attirant et pourtant interdit. C'en était presque frustrant.

– J'avais une autre interrogation, commença Harry pour chasser ses pensées taboues. Est-ce que… le lien constitué par le caliciat influe sur les émotions ou les sentiments qui existent entre un vampire et son calice ? Est-ce qu'au fil du temps, cela les rend plus proches, plus connectés, plus… affectueux ?

– Tu veux savoir si le lien peut les rendre amoureux ? ironisa Mihai en haussant un sourcil comme aurait pu le faire Lucius.

En serrant les dents pour ne pas laisser échapper le moindre signe de son embarras, Harry hocha brièvement la tête.

– Quelque chose comme ça… Je pensais à Andréas et à son vampire, ajouta-t-il pour dissiper tout malentendu. D'après ce que j'ai compris, ils n'étaient rien l'un pour l'autre au départ; Andréas rêvait juste de devenir un calice et Titus avait perdu le sien. Est-ce qu'avec le temps et la force du lien, ils vont finir par développer des sentiments l'un pour l'autre ? Une sorte d'amour… ?

Malgré ces précisions, le sourire de Mihai le narguait dans toute sa splendeur et Harry fut brusquement persuadé qu'il lisait en lui comme dans un livre ouvert, bien conscient de son trouble face à ses sentiments embrouillés pour Severus.

– Le lien ne crée pas quelque chose qui n'existe pas, répondit-il avec un sourire jubilatoire. À travers le don, le rituel qui l'entoure et tous les autres moments qu'ils vont passer ensemble, ils vont petit à petit développer un respect mutuel, de la reconnaissance, une certaine forme de tendresse et de douceur… Mais il n'y aura rien de plus que de l'affection entre eux. Une amitié solide, si tu préfères… Le lien ne crée pas de l'amour ex nihilo.

Le vampire prit le temps de se réinstaller dans son fauteuil, comme pour ménager ses effets, et ses lèvres carmins s'étirèrent à nouveau en un sourire narquois.

– En revanche… Si les sentiments existent entre un vampire et son calice, le lien et les morsures répétées ne vont faire qu'attiser le désir de proximité entre eux. Et le désir sexuel…

Sans pouvoir s'en empêcher, Harry rougit brusquement tandis que Mihai laissait échapper un petit rire victorieux.

– Ça suffit de vous moquer de moi ! protesta-t-il sans grande conviction. Ce n'est pas très charitable.

– Loin de moi l'idée de me moquer, dit Mihai avec un visage brusquement plus sérieux. Au contraire, je trouve ça plutôt charmant. Et je suis vraiment heureux que Severus et toi, vous ayez réussi à dépasser ce que vous avez vécu dans le pavillon chinois, même si tout doit encore être assez confus pour l'instant. Je crois que ce séjour ici vous a fait beaucoup de bien… En passant beaucoup plus de temps ensemble que d'ordinaire, loin de la présence de Lucius, cela vous a permis d'aller plus vite dans votre cheminement. De parler davantage, de vous faire confiance, de vous laisser aller… et de vous rapprocher sur le plan physique d'une façon que vous n'auriez pas pu faire au Manoir, avec Lucius à vos côtés. Ne réfléchis pas trop, Harry… Laisse-toi porter par tes envies; ton inconscient sait bien jusqu'où tu as envie d'aller.

– Je crois que c'est Severus qui réfléchit trop en ce moment, gloussa Harry. En tout cas, plus que moi !

– Il est sur la réserve, acquiesça Mihai avec un sourire désolé. Il a peur de tout gâcher…

– Je sais. Et je le comprends…

La dernière fois qu'ils avaient vraiment parlé de leur relation, Severus avait avoué qu'il préférait en rester là où ils en étaient, qu'il craignait les changements qui pourraient les amener plus loin ou ailleurs, parce qu'au fond, il n'avait plus tout à fait confiance en lui-même et qu'il craindrait toujours un peu de perdre le contrôle.

Severus resterait réticent à aller plus loin, mais Harry savait bien où le guidaient son cœur et ses rêves… Au fil du temps et des morsures, se toucher devenait évident, tout comme leurs orgasmes mémorables ou être nus dans un lit, enlacés; cela paraissait naturel…

Un baiser ne paraissait presque plus incongru ou choquant… Et son corps criait le besoin d'une jouissance plus profonde.

Simple effet du manque, selon Severus; mais pour lui, l'envie était plus puissante que ça.

Pour un peu, et malgré son désir invraisemblable de revoir Lucius, Harry aurait souhaité prolonger leur séjour à Colibita. Quelques heures, quelques jours supplémentaires pour pouvoir éclaircir leur situation, pour pouvoir se parler, pour aller au bout de ce qu'ils avaient envie de partager… Retourner au Manoir lui faisait diablement envie, mais il craignait que cette interruption dans le tête à tête avec son vampire ne vienne tout remettre en cause. Entre le tabou et le regard de Lucius, sa présence… Severus n'oserait jamais ces morsures endiablées, possessives, farouches, il n'oserait plus ces corps à corps dénudés à se frotter contre lui, ni ces étreintes avant de s'endormir. Un tel retour en arrière que cela le fit grimacer dans le silence feutré des appartements de Mihai.

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Brusquement, Mihai se leva et se dirigea vers la bibliothèque sombre et garnie de livres qui trônait au fond de la pièce. Il le vit parcourir du regard les rayonnages, s'accroupir puis se relever, et lorsqu'il revint vers lui, il tenait dans sa main trois ouvrages qu'il lui tendit gracieusement.

– Le responsable des Bibliothèques du Palais m'a dit que tu avais déjà emprunté quelques livres sur le sujet, mais ceux-ci sont peut-être plus proches de ce que tu cherches à savoir…

Harry passa rapidement en revue les titres des ouvrages entre ses mains : Du don de sang au don de soi : Étude des relations calice-vampire ; À fleur de sang : les liens du caliciat sous tous les angles ; Sang, sens et sentiments : le calice et son vampire.

Harry ne pouvait pas nier que cela avait l'air plus ciblé que les ouvrages généraux sur le caliciat qu'il avait parcourus la veille. Il n'en était plus à décortiquer les différentes façons de nouer le lien ou d'équilibrer sa production de sang… tout cela était devenu obsolète. En revanche, il était encore plein d'interrogations sur les morsures qui ne servaient pas à nourrir son vampire, sur le désir exacerbé qu'elles faisaient parfois naître en lui, sur la légitimité de son plaisir et sur le naturel de son ressenti. Cette envie d'être toujours plus proche de Severus… de partager avec lui plus de tendresse, plus de douceur… plus d'intimité.

– Ces livres-ci sont davantage du point de vue du calice, précisa Mihai. Mais il en existe d'autres du point de vue du vampire, si tu veux essayer de comprendre ce qu'il ressent…

– Je vais déjà parcourir ça, fit Harry. Mais…

– Ce sont des livres de ma bibliothèque personnelle, sourit Mihai. Tu peux les emmener avec toi.

Le responsable des Bibliothèques du Palais avait, lui, bien insisté pour récupérer ses précieux ouvrages avant leur départ et Harry les avait rendus quelques heures plus tôt.

– Je ne sais pas quand je pourrais vous les ramener, dit-il avant de pousser sa chance un peu plus loin. Il vous faudra venir les chercher…

Un sourire délicieux orna rapidement les lèvres rouges sang du vampire. L'inciter à venir les chercher jusqu'en Angleterre, c'était aussi le pousser vers l'avenir, se projeter vers une promesse de se revoir, dans les jardins du Manoir et peut-être avec Aria…

– Je viendrai.

C'était une affirmation; un futur et pas un conditionnel et Harry frissonna d'une joie jubilatoire sous le regard brûlant du vampire.

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Pour fuir son trouble, il se pencha vers la table basse et se servit une nouvelle tasse de thé qu'il réchauffa légèrement à l'aide de sa magie. Un long moment, Mihai se perdit dans la contemplation silencieuse des arabesques vertes qui illuminaient ses mains. Puis il leva le bras et un petit coffret de bois que Harry reconnut aussitôt apparut devant eux. Mihai l'ouvrit sur ses genoux : des deux flacons en verre, l'un était vide, mais l'autre était quasiment plein.

– Vous n'avez pas tout bu ? s'étonna Harry.

– Non, avoua Mihai avec un sourire indécent. J'ai tendance à déguster les choses précieuses…

Harry sourit en retour tandis que le vampire sortait le flacon de sang avant de le tendre dans sa direction pour trinquer.

– À notre prochaine rencontre ?

– Avec plaisir, affirma-t-il alors que sa tasse de thé tintait légèrement contre la fiole.

Mihai ôta le bouchon puis porta la fiole à ses lèvres. Il n'en but qu'une infime gorgée qui fit à peine descendre le niveau dans le flacon, mais brusquement ses yeux brillèrent de plaisir et il frissonna de tout son long.

Harry sourit en baissant le regard pour boire sa tasse de thé. L'instant était proprement incroyable, indécent et sulfureux. Il venait de trinquer avec un vampire qui buvait son propre sang sous ses yeux et qui venait presque d'en avoir un orgasme. La luxure et le désir qui s'échappaient de son aura lui tournaient la tête et il avait diablement chaud. Heureusement que Severus n'était pas là, sinon il n'aurait pas pu se retenir de lui sauter dessus !

Harry resta silencieux quelques instants, laissant Mihai savourer son plaisir tandis que l'intensité du moment redescendait lentement, puis d'un Accio informulé, il fit venir à lui le flacon vide. L'enchaînement de ses gestes fut rapide, précis, et bientôt, de son poignet entaillé par un sortilège, son sang coula doucement à l'intérieur du flacon.

Le regard rougeoyant de désir, Mihai fixait ses mains avec une fascination sans limites. Le liquide carmin pulsait à petits jets tranquilles dans la fiole, nappant ses parois d'un velours soyeux de toute beauté. Harry ne tremblait pas, il n'avait même pas peur de la réaction du vampire, alors même qu'il faisait couler son sang devant lui… Au contraire, il se sentait parfaitement serein, en accord avec ce qu'il était, et presque fier de pouvoir lui faire ce cadeau inattendu.

Bientôt, le flacon fut rempli. Harry arrêta son saignement en comprimant son artère et le déposa sur la table basse. Il se redressait à peine que Mihai se précipita vers lui, accroupi par terre au niveau de ses genoux, et il prit son poignet dans sa main pour le porter à sa bouche.

Harry sourit en sentant la langue du vampire se promener doucement sur sa plaie. Il y eut bien une ou deux gorgées discrètes et délicates, mais rapidement, Mihai releva la tête en laissant sa peau comme neuve. Dans son regard brillait quelque chose comme de la reconnaissance et de la ferveur.

– Je ne voudrais pas que Severus me rende responsable d'une quelconque cicatrice…

– Dites plutôt que vous craignez sa réaction s'il devine que je vous ai redonné du sang, gloussa Harry.

– C'est vrai. Je ne veux pas entrer en conflit avec Severus, avoua Mihai. Mais je sais aussi que tu m'as donné ces flacons de sang à sa demande; j'imagine qu'il ne sera pas opposé à un petit supplément…

Un peu troublé, Harry se contenta de sourire devant sa plaisanterie. Avoir Mihai à ses genoux, si humble et si attentionné, n'était pas anodin. Le vampire aurait pu en profiter pour le mordre, pour boire tout son soûl, pour abuser de la situation, mais il n'en avait rien fait. Le respect avant tout, et d'une manière exemplaire… comme Severus aujourd'hui.

– Tu sais, je l'envie… Je l'envie profondément, avoua Mihai la tête basse, en caressant doucement du pouce la peau de son poignet. J'aurais adoré pouvoir te mordre à nouveau, comme je l'avais fait ce jour-là au Manoir… Et même plus intimement. J'aurais adoré pouvoir faire de toi mon calice… Et parfois j'en viens à me détester d'avoir fait le deuil de Tobias si facilement…

Harry se mordit la lèvre devant la douleur et la culpabilité qui transparaissaient dans la voix du vampire.

– … Tu es si vivant, si fascinant… Et ta magie est une telle caresse… Ton sang un tel délice…

Difficilement, Harry tentait de résister à l'envie de glisser sa main dans les cheveux noirs bleutés qui reposaient presque sur ses genoux. Ne pouvoir se permettre aucun geste était un tel déchirement.

– Je suis désolé, murmura-t-il.

Mihai se tut un long moment, toujours accroupi à ses pieds, sans le regarder, les mains caressant tendrement son poignet.

– Tu sais, il y a peut-être un moyen… Si Severus « t'autorisait » à devenir mon calice… comme il t'a autorisé à me donner ton sang, comme il a symboliquement autorisé les morsures devant Lucius…

Harry grimaça un sourire triste. En parlant des morsures avec Mihai, celui-ci lui avait rappelé qu'il n'avait, en réalité, aucun moyen de refuser une morsure ou un rapport sexuel à son vampire. Tout reposait sur le respect et le bon vouloir de Severus… Et de la même manière, le jour où Lucius avait surpris leur morsure à Paris, lors de leur visite chez Mark et Håkon, c'était les mots de son vampire, son acceptation et son autorisation tacite qui lui avaient permis de surmonter sa culpabilité de calice.

Et c'était à sa demande que Harry avait pu prélever son sang pour le donner à Mihai… mais de là à lui demander « l'autorisation » de devenir son calice ! Alors que leur propre relation restait encore si ambiguë et confuse…

Tout ça était trop précipité, trop embrouillé dans son esprit, et il était profondément dérouté par la complexité de leur situation. Il avait besoin de recul et pour la première fois depuis leur arrivée, Harry eut envie de rentrer au Manoir et de pouvoir parler de tout cela avec Lucius ou avec Mark, d'avoir un avis différent, extérieur, et de prendre de la distance.

– Mais tout ça, ce sont des chimères, reprit Mihai d'un ton plus amer. Je n'en parlerai certainement jamais à Severus et tu ne le feras pas non plus. Vous avez besoin de calme et de sérénité pour vous trouver tous les deux, pour parfaire votre couple et votre harmonie. La seule chose qui compte, c'est le chemin que vous suivez.

– Je ne sais pas de quoi l'avenir est fait, mais si j'ai appris une chose, c'est que rien n'est jamais figé, répondit doucement Harry. Il faut laisser le temps faire son œuvre, vous le savez mieux que quiconque… Vous viendrez chercher ces livres dans quelques semaines et d'ici là… l'eau aura coulé sous les ponts.

Sans un mot et le visage grave, Mihai embrassa délicatement le creux de sa main, puis se releva et posa tout aussi délicatement ses lèvres sur les siennes. Le baiser dura une seconde, deux secondes, quelques battements de cœurs sourds et profonds qui résonnèrent dans son corps… Enfin, le vampire se redressa pour planter son regard dans le sien.

– Prends soin de toi et de Severus… Et à bientôt.

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Merci de votre lecture! J'espère que le chapitre vous a plu et si c'est le cas (ou même l'inverse! ^^), n'hésitez pas à commenter!

La semaine prochaine, le retour à la réalité et les retrouvailles avec Lucius ;)

Au plaisir

La vieille aux chats