Résumé: Au cours d'une mise au point après leur retour de Colibita, Harry a fait part de ses attentes à Severus, et en particulier qu'il comptait bien retrouver une intimité sexuelle complète avec son vampire. Severus se montre fuyant mais petit à petit, l'idée fait son chemin et devient moins effrayante. Lorsqu'il confie un portoloin d'urgence à son calice (une alliance ensorcelée par les gobelins), le moment prend des allures de demande en mariage...
.
Vous avez dû vous en apercevoir, le site et l'application FFnet connaissent de sérieux soucis depuis mi-septembre, qui ne sont toujours pas résolus à ce jour, malgré de nombreux mails, messages ou commentaires d'utilisateurs via le compte Twitter... C'est assez usant, que l'on soit auteur ou simple lecteur, et j'avoue que j'ai parfois un peu l'impression de publier dans le vide... J'espère que ces soucis avec le site ne vous détourneront pas de cette histoire
Après trois chapitres relativement courts, voici un peu plus de matière à lire. Bonne lecture!
.
.
La semaine s'ouvrit sur un jour gris, au ciel blanc et bas, et si l'on perdait encore un ou deux degrés dans ce froid glacial, il n'aurait pas été surprenant de voir la neige tomber mollement et à gros flocons. Bien au chaud derrière la fenêtre de la chambre de sa fille, Harry espérait secrètement voir les jardins blanchir avant la fin de la journée. Aria n'avait jamais vu, ni touché de la neige, et il attendait avec une joie presque enfantine de pouvoir partager cette expérience avec elle.
Il posa le sac à langer sur la commode, rangea rapidement les quelques affaires qu'il contenait puis appela doucement sa fille qui jouait sur le tapis avec une grosse balle de tissu chatoyant. En s'appuyant sur une main, Aria se leva avec une facilité qui le déconcertait toujours, et le rejoignit rapidement en marchant.
– On descend ? proposa-t-il en lui tendant deux doigts pour qu'elle s'accroche à sa main.
Aria les attrapa avec un gloussement de satisfaction et se dirigea droit vers la porte.
Malgré les jours qui défilaient de façon vertigineuse, malgré les mois, Harry ne se lassait pas de voir sa fille grandir et évoluer, de son enthousiasme permanent, de sa bonne humeur et de sa présence dans sa vie. L'émerveillement perpétuel qu'il ressentait lui procurait un sentiment de bonheur et de complétude indicibles. La voir marcher restait extraordinaire, tout comme la voir balbutier ses premières syllabes; bientôt, ce serait des mots, des phrases, bientôt elle courrait, elle sauterait, elle taperait dans un ballon, Lucius lui apprendrait à monter à cheval, Severus à lire et il ne se sentait pas prêt à ce que tout aille si vite…
En gloussant devant ses inquiétudes de père soucieux de ne pas manquer le moindre événement, Harry ouvrit la porte et la referma derrière eux tandis qu'Aria trottinait gaiement dans le couloir de l'étage en le tirant par la main. Il s'était fait la promesse de savourer chaque moment passé avec sa fille et il entendait bien la tenir !
.
Mark arrivait à peine par la cheminée du bureau de Lucius quand ils entrèrent pour le saluer. Il était pourtant plus de huit heures trente, mais à voir les cernes sous les yeux du jeune homme, le réveil avait été difficile. Ou la nuit courte… Mais son sourire était aussi large que d'habitude et après une courte étreinte avec Harry, il prit Aria dans ses bras pour un câlin et un bisou rituels.
Mark ne s'étant pas encore mis au travail et la pile de courrier à traiter paraissant relativement mince, il ne fut pas très difficile de le convaincre, avant de s'y attaquer, de venir prendre un café ailleurs. Guidés par Aria qui ouvrait fièrement la marche et suivis par le pas indolent d'Orion, ils se dirigèrent vers la véranda pour profiter le plus possible de la faible lumière du jour.
– Alors ? Vas-tu m'expliquer pourquoi tu as une mine aussi fatiguée ? sourit Harry.
À demi tourné vers lui, Mark souriait également en observant Orion fuir devant la main curieuse d'Aria pour sauter sur un canapé.
– On est rentrés tard de Norvège hier soir… Hakøn a absolument voulu jeter un œil aux dossiers qui traînaient sur son bureau, ce qui fait qu'on s'est couchés encore plus tard. Et évidemment, comme après chaque traitement, il a mal dormi…
– Il n'a pas pris une potion de sommeil ?
– Non, ils lui déconseillent d'en prendre dans les jours qui suivent, expliqua Mark. Pour ne pas interférer avec celles qu'ils lui donnent.
Avec un léger pincement au cœur, Harry lui offrit un sourire plein de compassion. Il se souvenait parfaitement que le couple devait passer le week-end en Norvège pour le traitement expérimental sur la brûlure de l'ambassadeur. C'était même la raison pour laquelle ils n'avaient pas été présents à l'inauguration, mais le rappel de cette blessure douloureusement symbolique le peinait pour son ami.
– Et ça a donné des résultats ?
Mark se contenta de hausser les épaules avec un air dubitatif bien vite caché derrière un sourire de façade et Harry n'osa pas insister. Ses recherches avançaient doucement et il avait bon espoir d'obtenir des résultats satisfaisants dans quelques semaines ou quelques mois, mais il ne voulait pas trop s'avancer et en parler à Mark tant qu'il n'était pas satisfait.
Tout en surveillant Aria, ils discutèrent de choses et d'autres pendant quelques minutes et puis finalement, ce fut Mark qui revint sur le sujet et qui l'interrogea directement.
– Et toi, où tu en es de tes expériences sur une potion de réparation cutanée ?
– Tu veux venir voir ? proposa Harry.
.
Aria gigota pour descendre de ses bras dès qu'ils atteignirent le bas de l'escalier en colimaçon et à peine posée par terre, elle se dirigea avec un cri de joie vers le rideau de magie de la rotonde.
– Plus tard, ma puce, fit Harry en la rappelant doucement.
Sans protester, Aria les rejoignit et les suivit à l'intérieur du laboratoire. Ici, toutes les tables de travail, et tous les bocaux et flacons d'ingrédients étaient protégés d'un sortilège ou suffisamment en hauteur pour qu'elle n'ait accès à rien de dangereux. En la laissant se promener dans la vaste pièce à sa guise, Harry s'approcha avec Mark d'un établi où reposaient plusieurs petits chaudrons recouverts d'un sort de stase et qui vieillissaient lentement à l'air libre.
Succinctement, Harry expliqua ses idées, ses essais, ses progrès ou ses déceptions. De son propre aveu, Mark avait toujours été une calamité en potions, au point d'abandonner la matière dès qu'il l'avait pu, et les détails techniques ne lui parlaient pas beaucoup.
– Et tu testes tout ça sur quoi ?
– Au départ, sur de la peau de cochon, mais sur un tissu mort, les résultats ne sont pas merveilleux… Alors, je teste sur moi !
– Mais enfin, Harry ! Tu es fou ?!
– Eh bien quoi ? fit-il en riant. J'ai assez de cicatrices sur le corps pour avoir de quoi faire des essais !
Et pour preuve de sa bonne foi, Harry retira rapidement son pull et déboutonna sa chemise, avant de déboucler sa ceinture pour descendre légèrement son pantalon, au ras de son pubis. Là, sur son ventre, la couture faite par Evans un peu plus d'un an auparavant partageait toujours son abdomen en deux, mais elle était plus visible à certains endroits qu'à d'autres.
– Chaudron numéro un, fit Harry en indiquant les premiers centimètres de la cicatrice, toujours rouges et un peu gonflés. Chaudron numéro deux, ajouta-t-il en désignant une zone presque identique. Et chaudron numéro trois…
Cette fois, la peau était presque lisse, la cicatrice bien plus fine et d'une blancheur nacrée qui ne ressortait que parce que le reste de sa peau était dorée comme du miel. Sur une peau blanche comme celle de Lucius, nul doute qu'elle aurait été presque invisible.
– Ce n'est pas non plus une cicatrice de brûlure, précisa Harry malgré sa fierté, mais le résultat est encourageant.
– C'est bluffant, oui ! murmura Mark en posant un genou à terre pour mettre son regard à hauteur de sa cicatrice.
Avec une délicatesse bouleversante, ses doigts retraçaient lentement la ligne verticale qui parcourait son ventre jusqu'à la zone la plus basse où apparaissaient les premiers poils frisottés de son bas-ventre.
– Hum ! Je ne vous connaîtrais pas si bien tous les deux, j'aurais tout de même des doutes sur ce que vous faites !
La voix sépulcrale de Severus les fit sursauter et ils frissonnèrent sous la puissance de son aura. D'un regard amusé et vaguement coupable, Harry considéra leur position : sa chemise grande ouverte sur son torse nu, Mark à moitié à genoux devant lui, la main suspendue dans un geste vers son bas-ventre, son visage décomposé d'avoir été surpris et qui le fit éclater de rire…
Harry remonta rapidement son pantalon et referma sa chemise d'une seule main tandis que Mark se redressait, rouge de confusion.
– Ça va, ça va… Mark a déjà vu des choses bien plus compromettantes entre nous !
Il se souvenait en particulier d'une fois où le jeune homme les avait surpris en train de s'envoyer en l'air dans la Bibliothèque, et Severus dut y penser aussi car son visage grimaça un rictus moqueur. Il allait même répliquer de façon narquoise mais les mots moururent dans sa gorge quand Aria vint fermement s'accrocher à son pantalon, geignant et sautillant pour qu'il la prenne dans ses bras.
– Pa Da !
Sur un borborygme informe qui ressemblait à « Je vais bosser. J'ai du boulot », Mark s'échappa du laboratoire et disparut dans l'escalier en colimaçon, mais Harry s'en aperçut à peine. Il était subjugué par la vision de sa fille grimpée sur la hanche et dans les bras de Severus, par son aura ténébreuse, par l'immense sentiment d'amour qu'il ressentit brusquement pour son vampire et par une sensation dansante qui pétillait dans son ventre.
La fébrilité d'avoir été surpris, la petite pointe de jalousie de Severus, leurs regards qui, au contraire, se confrontaient et s'affirmaient leur appartenance l'un à l'autre… Abandonnant toute pudeur et toute velléité de garder sa chemise fermée, Harry s'approcha de son vampire avec l'envie de se coller contre lui et aucune bonne raison de ne pas y céder.
– Embrasse-moi, exigea-t-il.
Severus ne se fit pas prier, et tandis que ses lèvres épousaient les siennes et que sa langue répondait à son invitation, une main aventureuse vint caresser doucement son ventre découvert.
.
oooooo
.
Au final, il ne neigea pas cette semaine-là mais Harry n'y accorda aucune importance. Il était bien trop concentré sur sa fille, sur les jeux et les moments passés avec elle dans la piscine de la rotonde, sur ses conversations pleines de rires avec Lucius et Mark, et sur les morsures de son vampire.
Cette fois-là, dans le laboratoire, il ne s'était rien passé de plus qu'un baiser un peu sulfureux et une main baladeuse, mais Severus savait que la présence d'Aria les empêcherait d'aller trop loin. Et le reste de leurs contacts étaient calqués sur le même schéma…
Lors de leur morsure rituelle du soir, Severus restait sobre dans ses gestes; il était tendre mais il se gardait bien de la moindre caresse qui puisse prêter à confusion. Ils ne s'étaient plus retrouvés nus l'un sur l'autre, dans un lit ou ailleurs, ils ne s'étaient plus procurés de ces orgasmes ravageurs qui manquaient terriblement à Harry… Mais en revanche, les petits gestes discrets ou au détour d'une porte se multipliaient, et cela le rendait fou.
Quand il savait Lucius présent dans la pièce d'à côté, ou bien Mark ou Aria, Severus se permettait de le toucher davantage, une caresse en passant, un baiser, ou même une main audacieuse sur ses fesses, juste pour le plaisir de le voir sursauter et frémir de désir. La plupart du temps, il se contentait de répondre à ses avances, quand Harry le collait un peu trop près d'un mur, mais parfois – de plus en plus souvent –, le geste était spontané. Un bras enroulé autour de sa taille pour l'attirer contre le torse de son vampire et un baiser furtif dans son cou. Une main qui glissait de ses fesses vers son entrejambe quand il était penché sur la table de billard. Parfois une main plongée quelques secondes dans son pantalon sous couvert de l'obscurité de la salle de cinéma.
Des gestes bien conscients, qui n'avaient plus rien de suggestifs ou d'ébauche, des provocations bien dosées auxquelles Harry réagissait comme une pile électrique. Aussitôt droit, dressé, bondissant d'une réaction instinctive qui l'éloignait malgré lui de la main de son vampire – et il le regrettait aussitôt –, qui le faisait frémir et vibrer de désir… Et dès qu'il voulait se rapprocher à nouveau de Severus, regagner le contact de cette main ou la caresse, le vampire le narguait d'un sourire en coin et le regardait stoïquement.
C'était sans doute pour Severus une façon de se réapproprier tous ces petits gestes sans aller trop loin, une façon de réapprendre à poser ses mains sur lui, à le toucher, à susciter de nouveau son désir, mais sans se sentir menacé par la perspective d'un rapport sexuel ou physique plus complet… Mais ça rendait Harry dingue de frustration et Lucius en faisait souvent les frais, y compris en plein milieu de la journée. Ce qui ne semblait pas le déranger le moins du monde, malgré la présence quotidienne de Mark et fréquente d'Aria. Les siestes de sa fille avaient bon dos !...
.
Au bout de la semaine eut lieu l'inauguration de la nouvelle aile du musée de Lucius, côté moldu cette fois. Harry y fit, tout comme Severus, une brève apparition qui lui valut de nouveau les flashs des journalistes et les regards des curieux. Leur union n'était pas reconnue, ni même publique, dans le monde moldu, mais il passait pour le nouvel amant de Lucius, tandis que Severus était l'ancien compagnon, avec qui l'aristocrate avait gardé de bonnes relations, mais qui paraissait un peu malade ou légèrement excentrique avec son accoutrement gothique, ses gants, son fond de teint trop pâle et ses lèvres maquillées. Peu importe. Les bêtises des journalistes les faisaient sourire plus qu'autre chose et rien ne les empêchait de se comporter comme ils en avaient l'habitude.
Une fois encore, l'inauguration fut un succès. Une foule d'artistes, de personnalités en tout genre et de politiques se pressaient devant les toiles et les sculptures, ou devant le buffet. Les critiques étaient élogieuses. Blaise, maître en son royaume, paradait auprès des connaisseurs et des collectionneurs qui s'étaient précipités au vernissage. Dans le monde moldu, son expertise dans le monde de l'art et ses galeries étaient peut-être encore plus reconnues que dans le monde sorcier et d'un mot et d'un sourire, il négociait déjà des contacts et de futurs achats.
Lucius, lui, s'il connaissait moins de personnalités dans ce monde-là, semblait malgré tout ravi et sa joie faisait plaisir à voir. Il avait toujours cet air un peu fier et hautain qu'il arborait en public, mais ici il n'avait aucune carrière politique, ni aucune position sociale à défendre; il n'était qu'un homme d'affaires richissime, amateur d'art éclairé et mécène à ses heures, et quelque part, ce statut le rendait plus libre. Sans compter la reconnaissance du public, qui appréciait toujours que ces œuvres soient exposées à tous dans le musée, libres d'accès et non pas enfermées dans une collection privée et cachées aux yeux du plus grand nombre.
Les articles de presse dans les jours qui suivirent, même si Severus râla à nouveau de leur exposition publique, étaient tous élogieux et flatteurs. Et les photos d'eux étaient si belles que Harry regretta de ne pouvoir les conserver et les faire agrandir pour les mettre dans la chambre de sa fille.
.
.
Le lendemain de l'inauguration eut lieu l'anniversaire d'Aria. Elle était née en réalité un an et deux jours plus tôt mais Luna et Padma avaient souhaité faire une petite fête en son honneur le dimanche, réunir tous leurs proches, et Harry avait vivement approuvé cette idée.
Pour plus de commodité, et parce que maintenant l'endroit leur appartenait, ils se réunirent tous Square Grimmaurd et il était particulièrement heureux que la maison trouve enfin une utilité et une ambiance plus joyeuse que les souvenirs qu'il en avait.
Elles n'avaient pas changé la disposition des pièces, ni même les meubles qu'il y avait laissés, mais il découvrait ici et là des objets, de petites touches de couleur ou de décoration qui signaient leurs goûts et qui lui plaisaient beaucoup. Et puis elles avaient installé pour l'occasion des sortilèges lumineux en forme de licorne ou d'hypogriffe, des banderoles parme et jaune clair, et toute une ribambelle de ballons aux couleurs poudrées qui formaient une arche à travers la vaste pièce de vie. Un buffet dans un coin, une pile démesurée de cadeaux dans un autre, et au milieu de ce salon qui n'avait jamais contenu tant de monde, tous ceux qui comptaient dans la vie d'Aria.
Ses mères, bien sûr, et toute la famille de Padma en tenue traditionnelle, leurs amis les plus proches, mais aussi Neville, que Harry avait salué avec plaisir, et la plupart des professeurs de Poudlard ou de l'Institut de Médicomagie. En qualité de parrains, Blaise et Draco se trouvaient là également, avec Alicia et Daphnée et les enfants, en grande conversation avec Charlie et Matthieu qui rassuraient sans doute Minerva sur sa prochaine rentrée à Poudlard.
Et puis, bien entendu, il y avait ses conjoints, que Harry contemplait de loin, assis sur la première marche de l'escalier. Un aristocrate grand et mince, aux cheveux d'or et au sourire fier, et un vampire beau en diable et au sourire non moins fier, parce qu'en dépit de tout et de tout ce monde, Aria était venue vers lui pour demander à grimper dans ses bras.
À présent, Severus était assis dans un fauteuil, Lucius debout à ses côtés, et Aria, dressée sur les cuisses du vampire, sautillait en se cramponnant à sa chemise. Penchée vers eux, la mère de Padma, que Harry n'avait vue que lors de la naissance de sa fille, complétait, avec son regard doux et bienveillant, cette image familiale presque religieuse autour de son enfant. Du bout des doigts, elle caressait la joue d'Aria qui répondait par des cris enthousiastes mais ne semblait pas prête à se détacher de Severus.
– Ils sont beaux, fit Luna que Harry n'avait même pas vue s'asseoir à côté de lui. Pourquoi tu ne vas pas les rejoindre ?
– Je me fabrique des souvenirs...
Ils restèrent silencieux un moment, à contempler ce tableau vivant, et il ne pouvait s'empêcher de sourire, ému, heureux, fier… attendri… et sans doute profondément amoureux, mais il n'était pas encore prêt à l'avouer.
– Quand je pense qu'elle a déjà un an, songea Harry à voix haute.
– Oui… ça passe bien trop vite. Déjà elle marche et elle commence à dire quelques mots alors qu'hier encore, elle commençait tout juste à sourire et à jaser…
– Et demain, elle parlera tellement qu'on aura envie qu'elle se taise ! gloussa Harry.
Luna acquiesça en souriant et se pencha légèrement en avant pour poser les coudes sur ses genoux. Son regard, aussi attendri que le sien, ne quittait pas sa fille, sa belle-mère et les deux conjoints de Harry.
– Je regrette tellement de n'avoir pas été là les premiers jours, les premières semaines, murmura-t-il. Je l'ai vue juste après sa naissance mais j'ai manqué ça… les premiers regards, les sourires aux anges…
– Tu as fait ce que tu as pu, répondit Luna. Ce n'était pas une période facile pour toi… Personne ne t'en veut pour ça, et certainement pas elle. Ce qui compte, c'est que tu sois là aujourd'hui et depuis des mois…
Harry esquissa un sourire un peu grimaçant.
– Je crois que je ne vous ai jamais vraiment remerciées d'avoir été aussi patientes avec moi… D'avoir accepté mes incertitudes et mes hésitations. De m'avoir laissé le temps de mûrir. Alors… merci.
– On aurait pu faire mieux, grimaça à son tour Luna. Mais c'était aussi une période compliquée pour nous : Padma était épuisée malgré le soutien de sa mère, Aria ne dormait jamais et les cours continuaient, avec les Gryffondor, les Serdaigle et les Poufsouffle à gérer… On aurait dû prendre le temps de t'impliquer davantage, ou un peu plus en douceur, mais on était sous l'eau.
– Je l'étais aussi, avoua Harry. Les premières fois, les premières nuits… Sans lui, je ne sais pas si j'aurais tenu le coup.
Là-bas, son vampire glissait discrètement un baiser dans les cheveux d'Aria avant de la reposer par terre pour qu'elle aille jouer avec ses « cousins » qui la réclamaient.
– J'étais tellement fatigué, je doutais tellement de moi-même..., reprit Harry en murmurant. S'il n'avait pas pris le relais certaines nuits, s'il ne m'avait pas envoyé dormir quelques heures, je crois que j'aurais craqué. J'allais tellement mal et parfois, c'était vraiment trop à gérer…
– Et aujourd'hui, tu as l'air d'aller tellement mieux, fit remarquer Luna en tournant un visage souriant vers lui.
Pour un peu, la remarque l'aurait fait rougir mais il se contenta de sourire avec sans doute un air un peu stupide et c'était un aveu délicieux.
– Oui… Ça a été une année horrible, entre ma captivité, les attentats, la tentative d'enlèvement de Scorpius, la transformation de Severus… Mais au milieu de tout ça, il y a aussi eu Aria, et mon mariage avec Lucius, et puis… malgré toutes les épreuves, et il nous reste encore des choses à améliorer, je crois que Severus et moi n'avons jamais été aussi proches…
– Ça se voit. Il te couve des yeux comme la huitième merveille du monde !
Harry gloussa en jetant un coup d'œil peu discret vers son vampire qui était effectivement en train de le regarder, et qui haussa un sourcil curieux à son adresse.
– Ne ricane pas, tu fais pareil ! ironisa Luna.
Cette fois, Harry se mit à rire franchement, parce qu'il savait toute la vérité de ces propos. Il savait à quel point il guettait les regards, les sourires en coin, les petites attentions de son vampire, à quel point le moindre geste comptait et à quel point il attendait sa morsure chaque soir comme le point culminant de sa journée, un instant d'éternité et de tendresse, un moment sacré. Il savait aussi à quel point Severus était important pour lui, et à quel point les sentiments chaviraient parfois son ventre et emportaient son cœur, et à quel point le désir refaisait surface entre eux, de la plus euphorisante des manières.
Mais tout ça était son petit jardin secret et il n'en parlait qu'à Lucius.
.
.
Ce soir-là, quand ils rentrèrent au Manoir après que Aria eut ouvert sa multitude de cadeaux et qu'elle fut passée dans les bras de tout le monde, quand ils furent repus de gâteaux, de sourires et de bisous mouillés, quand vint enfin le temps de se quitter pour mieux se retrouver dans quelques heures ou quelques jours, Harry repartit avec des images de sa fille et de ses conjoints, ensemble, toutes plus belles les unes que les autres.
Il dîna pour une fois légèrement, tandis que Lucius se contentait d'une part de tarte et d'un thé, et que Severus se contentait de les regarder en attendant l'heure de son propre repas. Une fois dans le Petit Salon, Harry reprit le livre qu'il avait commencé et qu'il n'arrivait pas à finir. Ou pour être plus proche de la vérité, qu'il faisait volontairement traîner en longueur…
Sur les trois livres que lui avait prêtés Mihai, il en était déjà au dernier, et autant il avait dévoré les deux premiers, autant pour celui-là, il prenait le temps de savourer chaque chapitre, chaque phrase. Le fond du sujet : les relations entre calices et vampires, était pourtant plutôt sérieux, mais ces livres étaient des puits de connaissance, et surtout ils le faisaient doucement rêver sur ce que pourrait devenir à terme leur relation.
Bien loin du tout premier manuel du calice que lui avait fait parvenir Mihai à sa sortie du pavillon chinois, ces livres-là abordaient tous les thèmes sans aucun tabou : les morsures, les sentiments, les disputes, le sexe, la notion du temps et de la vieillesse passés ensemble, la jalousie et la possession… Il y trouvait bon nombre de réponses et de confirmations de ses impressions : que le lien ne pouvait pas créer artificiellement des sentiments, que le désir sexuel était inhérent à une relation forte entre les partenaires, que le calice était la personne la plus réactive à l'aura de son vampire mais peut-être la moins influençable… Que tout ce qu'il ressentait était normal et même souhaité par la plupart des calices, et mine de rien, cette impression de normalité le rassurait.
Et puis, entre les lignes, ou parfois clairement écrit noir sur blanc, il lisait ce vers quoi il tendait : former un véritable couple avec son vampire – à trois dans leur cas –, partager une relation de sang, de sexe et de sentiments, et il s'apercevait avec bonheur qu'il ne leur manquait plus qu'un élément sur les trois… Et encore, ils étaient en bonne voie d'y parvenir.
Avant d'attaquer le dernier livre de Mihai, il avait même dévoré le fameux roman à l'eau de rose que sa magie avait choisi quand les Anciens de Colibita lui avaient demandé une démonstration d'un sortilège d'attraction. Un roman qu'il avait adoré, malgré ses pages un peu trop sucrées et sirupeuses. Son côté romantique à lui avait craqué devant cette histoire qui ressemblait tellement à la sienne : une femme, devenue calice pour de mauvaises raisons, par pitié, par culpabilité, auprès d'un vampire trop autoritaire, dominant et égoïste… Mais au fil des pages et des morsures, au fil des sentiments et de l'attirance mutuelle qu'ils s'avouaient peu à peu, au fil des confidences et du besoin l'un de l'autre, émergeait un amour sincère, sensuel et passionné, qui l'avait fait vibrer comme une adolescente.
Il y avait lu des choses étonnantes, et dans lesquelles il se reconnaissait si bien, sur le désir de la morsure, sur la vulnérabilité émotionnelle du vampire face à son calice, sur la façon dont la magie du sorcier pouvait réagir avec celle du vampire…
… Sur son désir, et il se l'avouait depuis peu, de refaire le rituel.
.
.
Ce fut sans doute au deuxième ou au troisième bâillement de Lucius que Severus se leva pour venir embrasser son mari et lui murmurer quelques mots, mais Harry était si absorbé par sa lecture qu'il ne le réalisa qu'au moment où son vampire quitta la pièce pour aller l'attendre ailleurs. Severus avait deviné que Lucius était fatigué, qu'ils allaient sans doute bientôt monter se coucher, et il se tenait à sa disposition pour la morsure, maintenant, dans deux heures, quand l'envie lui prendrait…
Harry hésita un instant mais il était fatigué lui aussi, il était relativement tard et il n'allait certainement pas redescendre s'il montait maintenant avec Lucius. Il referma lentement son livre, le posa sur la table basse et s'approcha de son mari pour lui glisser un baiser rapide.
– Je t'attends ? murmura Lucius.
Il ne s'agissait pas de l'attendre pour monter se coucher mais de savoir s'il l'attendait pour dormir – ou plus si affinités –, de savoir si la morsure allait durer longtemps… et l'épuiser d'une façon… charnelle.
Harry hésita encore; ces choses-là étaient parfois imprévisibles, mais Severus était plutôt sage et réservé en ce moment.
– Oui…
.
.
Severus l'attendait dans la Bibliothèque, calé dans la longueur du canapé, avec simplement les jambes à ouvrir pour qu'il puisse s'installer entre elles et contre lui, ce que Harry fit en un tour de main.
– Pourquoi tu ne viens pas te coucher avec nous ?
Il savait que Severus y était réticent, pas tant pour la morsure devant Lucius mais parce qu'il craignait que tout ça ne les entraîne trop loin. Un lit, trois corps et une morsure… bien trop de risques de dérapages pour le moment. Dans quelques semaines, dans quelques mois, Merlin seul savait où ils en seraient, mais Severus ne voulait pas se laisser submerger par le désir.
– Parce que je te veux pour moi tout seul.
Devant son mouvement de crispation à ces mots qui excluaient Lucius, Severus enroula ses bras autour de lui et nicha son visage dans son cou.
– Moi aussi, j'ai besoin de petits moments où tu n'appartiens qu'à moi…
Les dents de Severus égratignèrent sa peau qu'il lécha aussitôt pour effacer ses traces.
– … Où je peux te toucher à ma guise. Où tu ne crains pas le regard de Luce sur nous.
Harry sourit en se pelotonnant un peu plus contre son vampire. Severus avait raison et cela faisait partie des choses sur lesquelles il devait travailler et encore évoluer : il ne voulait plus avoir honte ou appréhender aucun geste devant Lucius. Et sans même parler de sexe, les petites caresses que se permettait parfois Severus devant leur mari le mettaient encore trop souvent mal-à-l'aise.
– Et puis j'ai trop envie de toi et de lui pour ne pas craindre de perdre le contrôle.
– Vis à vis de Luce aussi ? s'étonna Harry.
Il savait que Severus craignait d'aller trop loin avec lui parce qu'il avait peur de refaire les mêmes erreurs, les mêmes excès que dans le pavillon chinois, mais il ignorait qu'il ressentait la même chose vis à vis de Lucius. Il avait certes été surpris par leur virulence la fois où il les avait vus faire l'amour, mais pas au point que son vampire ait des raisons d'en être effrayé.
– Oui…, avoua Severus à mi-voix. Il a tendance à me provoquer quand on est tous les deux… Il joue avec le feu et je ne veux pas qu'il se brûle.
.
.
Severus n'avait pas voulu répondre à ses questions, ni s'expliquer davantage; il s'était contenté de le faire taire en le mordant, puis de le renvoyer doucement vers Lucius. Il avait bu longtemps, mais très lentement, en le câlinant comme un trésor, et quand il était aussi doux et aussi tendre, Harry se demandait bien comment son vampire pourrait, ne serait-ce qu'une seconde, perdre le contrôle.
Là-haut, Lucius l'attendait, comme il l'avait promis, malgré tout à demi somnolent, et ils firent l'amour allongés sur le côté, Lucius derrière lui; très doucement, langoureusement, presque sans remuer, jusqu'à ce qu'un plaisir émerveillé les prenne l'un après l'autre.
.
Malgré la fatigue de la journée, du don de sang et du sexe, Harry n'arrivait pas à s'endormir, et il sentait bien que Lucius n'y arrivait pas non plus.
– Qu'est-ce qui te tracasse ?
– J'allais te demander la même chose, gloussa Harry avant de se décider rapidement à commencer le premier. Severus m'a dit une chose étrange tout à l'heure…
– Qu'il t'aimait ?
– Non ! répondit-il avec un sourire. Il m'a dit qu'il ne voulait pas monter se coucher avec nous parce qu'il craignait de se laisser aller à ses désirs et de perdre le contrôle.
– Ne t'inquiète pas. Un jour, il finira par te faire l'amour puisque tu en meurs d'envie…
Dans la voix de son mari, Harry décela une pointe d'amertume et d'aigreur dont il n'était pas coutumier et qui le surprit.
– Visiblement, il craint aussi de perdre le contrôle avec toi, précisa-t-il.
Dans son dos, Lucius grogna et garda le silence jusqu'à ce que Harry l'incite à parler en pressant sa main posée sur son ventre.
– Severus me fatigue avec ses états d'âme. Il refuse presque de me toucher ou de se retrouver seul avec moi.
– Nous en sommes réduits au même état de frustration ? gloussa Harry.
– Oh, mais crois-moi, ça ne va pas durer longtemps, cette situation ! marmonna Lucius d'un ton définitif. La vôtre est différente parce que vous regagnez peu à peu ce que vous aviez perdu et parce qu'il y a beaucoup d'enjeux, mais moi je ne vais pas tolérer longtemps que Severus me fuie de cette façon !
Harry ignorait qu'il subsistait des tensions de cet ordre entre les deux hommes et cela l'ennuyait plus qu'il n'aurait su le dire. Ils étaient tous les deux si secrets, si discrets sur leur relation, ils s'appliquaient si bien à maintenir les apparences que même en vivant avec eux, il était complètement passé à côté de ça.
– Tu sais… Parfois, j'ai envie… Je me dis que je devrais faire le premier pas et le plaquer contre un mur pour obtenir ce que je veux, fit-il en souriant. Quand j'en ai assez d'attendre qu'il se décide, je me dis que je vais le provoquer un peu !
– Méfie-toi ! le coupa brutalement Lucius. Si tu le pousses trop loin, s'il se sent ne serait-ce qu'un peu hors de sa zone de confort, Severus risque de se fermer comme une huître et vous allez revenir des semaines en arrière.
Harry grimaça puis se retourna pour faire face à son mari, bien au chaud sous la couette et dans l'obscurité de la chambre.
– Mais c'est long… Parfois je regrette tellement le peu que j'ai obtenu de lui à Colibita… Je sais que ça viendra mais la patience n'est pas mon fort. Et toi, tu vas tenir le coup ? ajouta-t-il en gloussant.
– Ne te fais pas de souci pour moi, répondit Lucius d'une voix bien plus assurée et souriante. Moi je peux me permettre plus de choses et Severus n'aura pas grand choix !
.
oooooo
.
Malgré ses questions, Severus ne revint pas sur cette petite phrase possessive qui avait surpris Harry mais qui l'avait aussi chaviré de bonheur, pas plus que Lucius ne revint sur leur situation à tous les deux et la distance que le vampire lui imposait. Comme toujours, les choses sortiraient au détour d'une autre conversation, un autre jour, ou bien il ne saurait qu'après coup que la tension entre eux s'était résolue spontanément…
Pour l'instant, Harry était plus préoccupé par les fêtes de Noël qui approchaient à grands pas et par les cadeaux à prévoir pour sa fille, ses conjoints, toute leur famille et pour ses amis les plus proches. Cette année, ils avaient décidé de faire des cadeaux en leur nom à tous les trois pour Blaise, Draco ou ses enfants, mais il restait malgré tout un certain de personnes comme Mark ou Aria pour qui Harry devait aller faire ses emplettes entre deux entraînements. Car en réalité, ce qui occupait la majeure partie de son temps et de ses pensées ces jours-ci, était les séances intensives de quidditch que Meaghan MacCormack leur faisait subir quotidiennement. Les matchs devaient avoir lieu le week-end prochain et il était impensable d'être ridicules ou même moyens.
Les entraînements duraient trois à quatre heures par jour, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il neige, dans le froid glacial de cette fin décembre, sous une maigre lumière d'hiver ou bien à la nuit tombée, pour s'habituer à jouer ensemble quelles que soient les conditions. Severus, s'il avait accepté de lui garder Aria au Manoir ou à la Librairie les heures où Harry s'absentait, pestait en revanche de le voir revenir frigorifié, la goutte au nez et tremblant de froid. Lucius, lui, s'empressait plutôt de lui proposer de se réchauffer sous une douche bien chaude – ensemble, bien sûr –, mais Severus s'inquiétait toujours de sa santé comme une mère poule. Ou comme un vampire anxieux pour son calice.
À dire vrai, depuis plusieurs jours, Severus était un peu sur les nerfs. Tiraillé entre son besoin de le savoir en sécurité au Manoir et les nombreuses sorties de son calice, mais surtout profondément contrarié par les récents articles parus dans les journaux. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus de commentaires élogieux dans les grands quotidiens, mais de minces entrefilets publiés dans des journaux à scandale. Quelques lignes aux insinuations scabreuses, des photos anciennes de Lucius avec d'autres hommes, des rumeurs qui ressurgissaient, sorties d'on ne savait où… Des sous-entendus sur la folie inéluctable des Malfoy, leur goût douteux pour le pouvoir et ce à quoi ils étaient prêts pour y parvenir…
Harry s'était étranglé de rage lorsqu'il était tombé sur l'entrefilet que Severus montrait à son mari. Des allusions aussi mensongères, alors que Lucius avait préféré quitter le pouvoir pour être à leurs côtés dans les difficultés et ne pas être accusé de conflit d'intérêts… ! C'était écœurant et… innommable ! Mais son indignation ne servait à rien, et s'il avait vu Lucius traiter ces articles par le mépris, il savait qu'il n'y était pas indifférent.
Malgré tout, l'aristocrate ne dérogeait pas à son credo de toujours : « Exemplaire et sans commentaire », et il entendait bien que tout le clan Malfoy se tienne à la même rigueur mais cela n'empêchait pas Harry, et surtout Severus, de bouillonner en silence.
.
Ce soir-là, Harry rentra en fin d'après-midi, les doigts gourds et le nez rouge, les yeux brillants d'avoir volé dans un air glacial, et il avait encore si froid que ses mains brûlaient littéralement du contraste de température lorsqu'il s'approcha du feu dans le Petit Salon. Ce fut quand il éternua trois ou quatre fois d'affilée que Severus se mit à râler :
– Demain, tu n'iras pas à l'entraînement ! Elle aura l'air maline, MacCormack, si tous ses joueurs sont malades pour le match !
Il était assis dans un fauteuil avec Aria sur les genoux, en train de lui lire un livre pour enfant avant que son retour ne vienne interrompre leur tête à tête presque maternel, et la situation avait quelque chose de si décalé que Harry éclata de rire. Il avait l'impression de se trouver dans une vieille série américaine face à une femme au foyer qui s'occupe de ses enfants et qui se plaint du retour tardif de son mari.
Mais Severus ne goûtait visiblement pas la moquerie et son regard réprobateur devint bientôt quelque peu agacé.
– Je lui dirai demain que tu n'es pas d'accord et que tu protestes énergiquement ! gloussa Harry en se penchant pour embrasser sa fille.
Il glissa ensuite un baiser sur les lèvres de son vampire qui resta figé de surprise tandis que Lucius, derrière eux, ricanait bassement.
– Laisse-le râler et viens donc prendre un bain avec moi pour te réchauffer ! Je dois me préparer pour ce soir…
Lucius avait rendez-vous avec Daphnée pour passer la soirée au théâtre et il tenait comme d'habitude à apparaître sous son meilleur jour. Cela ne ferait pas taire les rumeurs, d'autant plus qu'il serait en tête à tête avec sa belle-fille, mais il n'était pas question de paraître négligé.
Et quelque part, Harry était heureux de passer cette soirée seul avec son vampire et il comptait bien en profiter pour le bousculer un peu.
.
Là-haut, dans la salle de bains, Harry se déshabilla maladroitement, les doigts encore engourdis par les heures passées dans le froid, et il geignit au moment de se glisser dans l'eau.
– Bon sang, c'est bouillant !
– Je t'assure que c'est juste comme il faut, corrigea Lucius déjà adossé contre le fond de la baignoire et un bras posé sur chaque rebord. Tu es juste glacé jusqu'aux os…
Harry avait plutôt l'impression de cuire en y plongeant orteil par orteil mais à force de patience et de soupirs affolés, il parvint enfin à s'installer confortablement entre les cuisses de Lucius et contre son torse. Il renversa la tête en arrière sur l'épaule de son mari et c'était aussi bon qu'une étreinte sur le canapé de la Bibliothèque avant une morsure.
– Il a râlé comme ça tout l'après-midi ?
– Du moment où tu es parti jusqu'au moment où il a senti que tu étais rentré, sourit Lucius en embrassant sa tempe. Sauf pour s'adresser à Aria, bien entendu…
Harry ferma les yeux, à la fois amusé par l'attitude de son vampire et désolé pour son mari qui subissait à sa place cette humeur irritable. Mais il savait aussi qu'il ne servait à rien de s'excuser; tout cela était inhérent à leur relation et chacun faisait du mieux qu'il pouvait. Il valait mieux rire de cette situation que de s'en formaliser.
– Il a peur pour toi…
– Et toi, tu as peur pour moi ?
– Je suis plus tranquille quand je te sais au Manoir ou à Poudlard, admit Lucius. De la même façon que je suis plus tranquille quand je sais Severus ici la nuit, plutôt que parti je ne sais où… Je ne serai rassuré que lorsque je serai certain que toute cette situation sera derrière nous de manière définitive.
Lucius parlait de Vladimir, bien sûr… De son silence presque plus inquiétant que des menaces, de cette incertitude fatigante et démoralisante…
– Tu as des informations récentes ?
– Non. J'ai parlé brièvement à Håkon cette après-midi, pour des courriers et quelques bricoles, mais il ne sait rien de plus.
Harry agita doucement ses pieds dans l'eau, en espérant un courant frais jusqu'à lui qui n'arriva pas. Lucius ne parlait pas souvent de la Commission sur les vampires dont il avait pris la tête jusqu'à sa démission, mais Harry devinait que, sans en assumer la responsabilité complète, son mari aidait toujours Håkon de temps en temps.
– Et ce portoloin d'urgence ? sourit-il pour changer de sujet. Tu ne m'as jamais dit ce que c'était. Severus a dit que tu ne pouvais même pas l'enlever…
– Un piercing ! ricana Lucius. Je crois qu'il y a des endroits que tu n'as pas été voir depuis trop longtemps.
Harry gloussa, se souleva légèrement dans l'eau pour glisser sa main entre eux et empoigna franchement le sexe de son mari.
– Je ne sens rien !
– Tu devrais insister et chercher un peu mieux. Et plus longtemps !
– C'est plus en profondeur ? pouffa Harry en plongeant sa main du sexe vaguement épaissi vers les testicules et le périnée de Lucius.
– Pas cette profondeur-là ! ricana Lucius avec un mouvement de hanches pour se dégager.
Les bras de l'aristocrate se resserrèrent vivement autour de son torse et en penchant la tête, il vint mordiller son cou pour se venger. Harry frissonna violemment malgré la chaleur de l'eau et un gémissement étranglé lui échappa.
– Imbécile ! souffla-t-il quand il eut un peu repris ses esprits.
– Je ne te permets pas ! sourit Lucius en s'attaquant cette fois au lobe de son oreille.
Harry soupira à nouveau un long gémissement, les sens et l'esprit affolés de ces tous petits gestes qui lui faisaient tant d'effet. Et Lucius le savait bien, qui s'acharnait de ses dents et de sa langue à lui tirer le plus de geignements possibles.
– J'ai envie de toi, murmura-t-il à son oreille. Tu sais très bien que ça me fait toujours craquer, quand tu gémis avec autant d'indécence…
Harry se mordit la lèvre pour ne pas gémir encore, mais c'était peine perdue. Les mains de Lucius qui parcouraient son torse en de longues caresses s'attaquèrent bientôt à ses tétons, en les pinçant, en les faisant rouler entre ses doigts, et rapidement, ce fut une main qui glissa vers son ventre, vers son sexe et il avait déjà abandonné toute velléité de protestation.
Il se décala à nouveau dans l'eau, provoquant quelques remous qui menaçaient de déborder, et sa propre main retrouva le sexe à demi durci de l'aristocrate. Harry gémissait déjà de ce plaisir qu'il savait imminent et qu'il espérait avec impatience.
Entre ses doigts ou entre ceux de Lucius glissaient les fourreaux de chair de leurs sexes. L'eau rendait les gestes plus malhabiles, plus maladroits, moins confortables, mais c'était mieux que rien et les sensations étaient là malgré tout. Le plaisir électrique du frottement au bon endroit, la tension d'une érection qui prenait toujours plus d'ampleur, l'envie qui enflait, gonflait, montait, pressante et prélude au plaisir.
– Et si tu venais t'asseoir… ? proposa Lucius d'un ton suave.
Ils lancèrent un sortilège de lubrification sans doute en même temps et Harry se souleva juste assez pour mettre ses fesses à portée du sexe qu'il guidait en leur sein. C'était long et c'était bon. Et bientôt, il se contenta juste de flotter allongé dans l'eau, accroché de ses deux mains aux rebords de la baignoire, tandis que Lucius allait et venait dans son corps, tandis que l'eau gémissait de clapots indécents, tandis que des vagues de plaisir passaient par-dessus bord.
.
– Tu n'étais pas censé te préparer ? gloussa Harry quand l'eau redevint calme et apaisée.
Il avait la tête en arrière sur le torse de son mari, les yeux clos et un sourire satisfait sur les lèvres. Et sans même voir son visage, il savait que Lucius devait arborer peu ou prou la même expression.
– Ça fait partie de la préparation. Le sexe c'est bon pour le teint !
– Et tu vas être tellement fatigué que tu vas t'endormir pendant la pièce de théâtre ! s'amusa Harry.
– Et toi, tu vas t'endormir dans les bras de Severus dès qu'il t'aura mordu !
Harry gloussa puis sourit pour lui-même. C'était probable qu'il s'endorme dans les bras de Severus… c'était même quelque chose qui lui faisait prodigieusement envie.
Mais Lucius, pour couper court à ses songes, le mordilla à nouveau dans le cou en le faisant sursauter.
– Parfois…, commença-t-il, j'aimerais être un vampire juste pour pouvoir te mordre vraiment et te voir réagir sous la morsure…
Des images toutes plus licencieuses les unes que les autres lui traversèrent l'esprit durant quelques secondes, puis Harry redevint brusquement plus sérieux.
– Tu y as déjà pensé vraiment ?
– À quoi ?
– À devenir un vampire ? Pour ne pas le perdre… Pour rester avec lui…
Il n'avait aucun besoin de préciser qu'il parlait de Severus; l'évidence s'imposait d'elle-même.
– Et te perdre, toi ?
– Tu ne me perdrais pas, assura Harry en souriant. Je vous rejoindrais… quand je ne pourrais plus vous nourrir.
Et cette pensée était si lumineuse, si essentielle, qu'une vague effervescente pétilla brusquement dans son ventre.
– Tu pourrais nous nourrir tous les deux ?
La voix de son mari portait une trace d'étonnement qui surprit Harry.
– Oui, affirma-t-il. Mihai m'a assuré que ce serait possible, aussi bien sur la quantité de sang que sur la cohabitation entre vous deux…
La main de Lucius caressait pensivement son bras, sans même y prêter attention. Plongé dans ses pensées et envisageant peut-être ce genre de situation pour la première fois.
– Et si tu nous « rejoignais », comment ferions-nous pour boire ?
– On trouverait un quatrième… Un « mignon » qui nous nourrirait tous les trois. On n'aurait même pas besoin de boire aussi souvent que le fait Severus… Tu n'as jamais réfléchi à ce que serait notre avenir… ?
Lucius resta silencieux quelques instants, incertain, puis il finit par remuer en déclenchant des remous dans la baignoire.
– L'avenir est quelque chose auquel j'essaie de ne pas penser pour l'instant. Tout ça, ce sont de jolis rêves mais maintenant l'eau est froide, grogna-t-il. Allez, ouste ! Pousse-toi que je puisse sortir de là.
.
.
Harry sortait à peine de la salle de bains, encore nu comme un ver, quand Severus poussa la porte de la chambre. Il tenait dans ses bras Aria qui gesticula dans tous les sens en le voyant.
– Elle te réclamait, fit le vampire pour se justifier de son intrusion.
Aria cria une suite de syllabes joyeuses avant de se pencher pour atteindre le lit sur lequel Severus s'assit et la déposa doucement. Harry s'approcha pour embrasser sa fille qui commença à s'agripper à lui, mais il lui fit lâcher prise en la chatouillant.
– Attends au moins que je m'habille !
– Ou tu pourrais rester comme ça, suggéra Severus. Elle, elle s'en fout et moi je profite de la vue…
La chaleur du regard de son vampire le fit presque frissonner mais Harry se contenta de rire gaiement.
– Tu pourrais en profiter plus souvent, si tu le voulais vraiment !
Le rire léger de Lucius, qui achevait d'enfiler un pantalon, émergea du fond du dressing. Et pour enfoncer le clou de ses paroles, Harry s'y dirigea en remuant allègrement les fesses. Il perçut l'aura de son vampire enfler brusquement – volontairement ou non, il n'en savait rien –, mais Aria était présente et Severus se maîtrisa en quelques secondes.
.
Au dîner, Lucius se contenta de grignoter rapidement un morceau de tarte et un thé. Harry, lui, avait diablement faim après leur petite sauterie et il était toujours en train de manger quand son mari vint l'embrasser avant de partir. Trônant dans sa chaise haute à côté de Severus, Aria dévorait elle aussi son repas, ravie d'avoir l'attention du vampire pour elle toute seule.
Après le dîner, Harry donna le dernier biberon à sa fille dans le Petit Salon, sous le regard songeur de son vampire. L'absence de Lucius avait quelque chose d'irréel, d'étonnant, parce que se retrouver là, tous les deux avec Aria, en tête à tête après le dîner, était une situation un peu étrange. Ils avaient connu des soirées semblables lorsque Lucius était encore Ministre, mais Severus n'était alors pas encore un vampire et leur relation se dégradait de mois en mois.
Aujourd'hui, l'inverse exact se produisait : bien que Severus soit un vampire, leur relation s'améliorait de semaine en semaine, leur vie de famille était presque idyllique, Lucius était tout à eux, tout le temps, et puis de temps en temps, comme ce soir, une petite soirée à deux se profilait, une fois qu'Aria serait couchée, et cela avait un côté doux et piquant à la fois. Un moment intime; presque un moment de couple… ce qu'ils n'étaient plus mais que Harry aspirait à redevenir.
.
Mais pour l'heure, il avait encore à l'esprit cette conversation étrange dans le bain avec son mari, en particulier sa réaction mitigée, et il voulait éclaircir la question avec son vampire.
– Est-ce que… tu as déjà évoqué l'avenir avec Lucius ? fit-il en redressant sa fille qui venait de terminer son biberon. Le fait de le transformer ? Qu'il devienne un vampire à son tour… ?
Severus releva vers lui un regard surpris de ce sujet sorti de nulle part.
– Pas vraiment… C'est un domaine sur lequel Luce se montre assez distant. Voire frileux.
– Pourquoi ?
– J'imagine qu'il n'a pas très envie de voir mourir son fils… Ni ses petits-enfants… Ni ses arrière-petits-enfants le jour où il en aura…
Le regard de Severus dériva légèrement et Harry contempla à son tour sa fille qui s'endormait doucement dans ses bras. Sa fille. À peine un bébé aujourd'hui, qui grandirait lentement, qui vieillirait un jour, et s'il rejoignait ses amants en tant que vampire, il la verrait aussi s'éteindre, comme ses enfants si elle en aurait, comme Draco, comme Matthieu, comme Mark, comme tous ses amis… L'éternité, c'était être ensemble, mais aussi survivre à tous leurs proches.
– Je comprends…, murmura-t-il, avant d'être pris d'un regain d'espoir. Mais ça signifie aussi être toujours là pour eux. Pouvoir veiller sur eux durant toute leur vie…
– Je te laisse avancer cet argument-là pour convaincre Luce, fit Severus d'un ton dubitatif. Mais c'est clairement un sujet sur lequel il n'est pas encore mûr.
Harry caressa pensivement le dos de sa fille.
– C'est ce que j'ai cru comprendre… Il ne savait même pas qu'un calice pouvait nourrir deux vampires.
– Harry, intervint aussitôt Severus. Ce n'est pas aussi simple que…
– Oh si, c'est aussi simple que ça ! le coupa-t-il sereinement. Permets-moi de m'être un peu renseigné sur le sujet et d'en avoir abondamment parlé avec Mihai, sans compter toute la lecture qu'il m'a fournie ! C'est aussi simple que ça en a l'air. Je n'ai pas dit que c'était d'actualité mais le jour où on y viendra, il faudra juste que tu acceptes de me partager un peu… C'est peut-être ça le plus dur, finalement…, acheva-t-il avec un petit sourire moqueur.
– Je te partage déjà avec Lucius et tu l'as même épousé, protesta Severus.
– Mais tu ne partages pas mon sang…
Cette fois, son vampire se contenta de grogner pour toute réponse et Harry sut qu'il avait touché le point sensible. Mais il lui avait aussi fait miroiter de jolies possibilités parce que le partager, c'était aussi pouvoir le mordre tous les deux en même temps, retrouver une certaine forme de sensualité tous les trois et s'unir de bien des façons.
.
.
Le silence s'installa entre eux et peu de temps après, Harry monta coucher Aria qui dormait profondément dans ses bras. Il lui changea rapidement sa couche avant de la mettre dans son petit lit, mais son esprit, lui, était déjà ailleurs. Il rêvait de Lucius en tant que vampire, de la particularité qu'aurait son aura et de la façon dont elle résonnerait en lui… Il imaginait ses deux vampires le mordre en même temps, de chaque côté de son cou, l'un par derrière, l'autre par devant… et dans toutes les positions possibles. Il rêvassait même à des morsures ailleurs, sur ses poignets immobilisés dans son dos, au pli de l'aine, avec leurs visages si proches de son sexe… aux chevilles aussi, parce que d'un seul coup, il trouvait ça diablement sexy d'envisager la langue d'un de ses vampires remonter lentement le long de son pied pour aller le mordre un peu plus haut en le regardant droit dans les yeux… Il imaginait le plaisir de leur donner son sang, et les orgasmes encore plus merveilleux qu'il vivrait avec eux. Il rêvait de leur force, de leur puissance, de pouvoir se donner à eux tout entier. De les sentir en lui, tous les deux en même temps, comme ils le faisaient avant…
Et il était si fébrile en redescendant pour rejoindre son unique vampire – pour l'instant –, si perdu dans ses pensées licencieuses, qu'il sursauta presque en découvrant le Petit Salon seulement éclairé par la lumière du feu. Et le fauteuil de Severus vide.
Harry ouvrit rapidement le bureau de son vampire, tout aussi vide, mais il perçut sa présence par la porte entrebâillée de la Bibliothèque et il en soupira presque de soulagement. Ce soir, il n'était pas question que Severus lui échappe. Il voulait profiter de lui, il voulait sa morsure, il voulait du plaisir, et s'il pouvait même obtenir quelques uns de ces gestes qui le faisaient tant rêver, une ébauche de ces corps à corps qui lui manquaient tellement… La simple perspective d'un toucher un peu plus intime qu'une banale étreinte faisait déjà palpiter son cœur et le désir dans son ventre.
Il poussa la porte et fit un pas pour pénétrer dans la Bibliothèque. Severus se tenait là, debout, lui tournant le dos, perdu dans la contemplation de l'obscurité sur les jardins. À quelques centimètres devant son visage, Harry devinait le reflet chatoyant du sortilège d'argent posé sur la fenêtre. Severus ne le touchait pas, ne semblait même pas s'en apercevoir, mais il savait très bien à quel point son vampire aimait ce contact piquant, vivant, plaisir et douleur à la fois. Il était associé à de mauvais souvenirs mais il pouvait être tellement plus que cela…
Harry s'approcha doucement, bien conscient que Severus devait percevoir les battements échevelés de son cœur et le sentiment d'excitation qui dominait son esprit. Il ne bougeait pas pour autant et Harry se sentit autorisé à le rejoindre et surtout à le toucher. Frissonnant de désir, il posa ses deux mains sur le creux de ses reins, bien à plat, juste au-dessus de ses fesses, et les fit lentement glisser le long du bas de son dos avant de les écarter pour s'arrondir autour de sa taille, pour se faufiler sur son ventre, pour remonter le long de son torse. Severus ne bronchait pas, comme s'il était ailleurs…
Il fallut que Harry se plaque complètement contre son corps, son bas-ventre contre les fesses de son vampire, pour que Severus, légèrement déstabilisé par le mouvement, ne pousse un léger grognement en se rattrapant de ses mains sur la fenêtre et le sortilège d'argent. Aussitôt, un petit grésillement se fit entendre tandis que le corps de Severus se tendait. Dans le lien, Harry perçut la faim brusque de son vampire, qui n'était pas seulement une faim de sang, et son aura ténébreuse, épaisse de douleur, de luxure et de plaisir, envahit la pièce.
Harry frissonna et étouffa un gémissement étranglé. Le sang pulsait soudain dans son sexe durci, son cœur battait fort, son corps se hérissait sous le contact de cette aura. La pression qu'il ressentait dans son bas-ventre était intenable, presque douloureuse. Il avait envie de toucher son vampire, envie de jouir, envie de se toucher, envie de le faire jouir. Et cette fois, l'envie était plus physique que la simple envie d'une morsure.
– Harry… arrête, murmura Severus en se redressant et en retirant ses mains du sortilège d'argent.
Mais la protestation molle de son vampire ne suffisait plus à l'arrêter, d'autant que Harry percevait le désir qui vibrait dans son aura et l'érection qui enflait sous sa main. Il se faufila devant Severus pour lui faire face et, avec une force qu'il ne soupçonnait même pas, il le repoussa contre le coin de la table de travail, juste derrière eux.
Déséquilibré, Severus resta immobile une seconde de trop, les fesses collées contre la table, les mains agrippées sur les bords; la seconde qui permit à Harry de dégrafer rapidement la ceinture et le pantalon de son vampire, de les ouvrir et d'en extraire un membre épais, lourd et tendu. D'un coup, il tomba à genoux et engloutit ce sexe dans sa bouche. Il ferma les yeux, assailli de bonheur et de plaisir, sans même entendre le gémissement rauque et sombre que poussa le vampire.
Merlin. Ce sexe lui avait tellement manqué !… Sa fermeté, cette largeur qui emplissait sa bouche, qui écartelait ses lèvres, qui envahissait sa gorge… Le goût de Severus était lui légèrement différent et les quelques gouttes que Harry perçut sur sa langue avaient cette saveur incomparable et métallique du sang, mais c'était bon. Et pouvoir sucer ce sexe tandis que ses mains partaient à l'aventure sur le ventre et les hanches de son vampire était un plaisir qu'il n'avait pas connu depuis trop longtemps.
Sans pouvoir se retenir, Severus grondait son plaisir et sa main se hasarda même à fourrager dans ses cheveux. Les yeux clos et le sourire aux lèvres, Harry eut envie de ronronner sous la caresse mais il était trop occupé à sucer avec délectation le sexe de son vampire. Comprimé dans son pantalon, son propre sexe était dur au point d'en être douloureux et il mourrait d'envie de se toucher – ou mieux : que Severus le touche. Il était ailleurs, dans un monde fantasmagorique de désir, de feu, de sexe et de sang. Des envies folles lui parcouraient la tête : se faire baiser par son vampire, le mordre, le faire jouir tout au fond de sa bouche, de sa gorge, être rempli corps et âme de sa présence…
Mais d'un seul coup, deux mains puissantes le prirent sous les aisselles et le relevèrent sans effort, arrachant de ses lèvres le sexe massif et luisant de salive. Severus le fixait droit dans les yeux et son regard rougeoyait comme deux braises incandescentes.
– Je veux te mordre.
– Je veux jouir…
.
Severus avait repris le contrôle et l'avait plaqué contre la fenêtre, avant de plaquer son corps imposant contre lui. Dans son dos, Harry sentait la fraîcheur de la vitre et le léger flottement du sortilège d'argent qui rayonnait à travers son corps vers son vampire. La sensation était déroutante, électrique, même pour lui, et pour Severus, elle devait être bien plus intense, parcourant son organisme d'une douleur insidieuse et délicieuse à la fois.
Le vampire pesait de tout son poids contre lui, comme s'il voulait augmenter le contact avec le sortilège, il maintenait ses poignets immobiles à hauteur de sa tête, plaqués contre la vitre, sa hanche collée contre son aine l'empêchait de bouger ou de se frotter contre lui, sa force était phénoménale, comme son aura, comme sa puissance… Harry aurait supplié pour pouvoir se frotter et jouir enfin…
Et il supplia, finalement, quand Severus le mordit, parce que l'orgasme ne vint pas, et parce qu'il ne pouvait ni se toucher, ni se frotter.
– S'il-te-plaît ! S'il-te-plaît. S'il-te-plaît…
Insensible à ses prières, Severus prit son temps pour boire, savourant son sang auquel le sortilège donnait une saveur encore plus piquante qu'à l'ordinaire. Et quand il retira ses crocs, sa langue, ses lèvres, Harry n'était plus qu'une petite chose pantelante, avec une voix éraillée par les suppliques, avec un sexe douloureux d'être trop gorgé de sang, avec des poignets endoloris et un corps tremblant et troublé des sensations du sortilège d'argent.
Severus l'embrassa alors, un baiser doux et délicat, au goût de sang et de pardon, mais qui ne calmait pas son besoin de jouir pour autant.
– S'il-te-plaît… je veux jouir...
Et parce qu'il n'en pouvait plus d'attendre et de supplier, Harry prit sa magie à bras-le-corps et fit transplaner son vampire avec lui jusque sur le lit de leur chambre. Leurs vêtements disparurent dans un craquement de tissu et enfin, ils furent nus l'un sur l'autre…
Dans un geste réflexe, Harry releva aussitôt les jambes en les écartant, suppliant intérieurement pour que son vampire accède à ses rêves, pour qu'il lui fasse enfin l'amour.
– S'il-te-plaît…
Pendant quelques secondes, Severus le regarda avec hésitation et incertitude. Puis Harry lut clairement dans ses yeux le renoncement. Il allait supplier encore mais son vampire le prit de court en glissant le long de son corps jusqu'à approcher ses lèvres au goût de sang de son sexe douloureux de désir.
Merlin.
Ce n'était pas une pénétration mais si Severus acceptait de le sucer… Harry ferma les yeux quand la bouche de son vampire s'arrondit autour de son sexe, et il se mordit la lèvre quand une main vint fureter entre ses fesses.
.
oooooo
.
Severus entendit les pas de Lucius dans le Manoir bien avant que la porte de la chambre ne s'ouvre. La longue silhouette élégante de son mari s'encadra dans la lumière du couloir, ses cheveux brillèrent un instant, puis la porte se referma sur le froissement discret du tapis sous ses pieds. Lucius se déshabilla rapidement dans le dressing puis gagna la salle de bains pour se brosser les dents, avant de venir se glisser dans le lit à ses côtés.
Severus sourit en ressentant la tiédeur du corps de son mari qui s'allongeait contre lui. Il n'était sensible – de façon vulnérable – ni au froid ni au chaud, mais il savait toujours apprécier le parfum piquant de l'air frais de l'hiver ou bien la chaleur accueillante d'un corps qui venait se blottir sous une couette ou contre lui. Enfin… se blottir était un bien grand mot s'agissant de Lucius. Harry se blottissait – et c'était bien la raison pour laquelle Severus n'avait pas quitté le lit depuis que son calice s'était endormi – Lucius, éventuellement, se collait… Mais il n'allait pas râler après les rares moments qu'il passait avec son mari.
– Il dort ? murmura Lucius avec un sourire dans la voix.
– Comme un loir…
– Alors, cette petite soirée en tête à tête ? gloussa l'aristocrate en glissant une main caressante sur son ventre.
Severus se contenta d'un grognement qui laissait transparaître son propre sourire. Il ne pouvait pas décemment pas expliquer ce qui s'était passé ce soir avec Harry, et à dire vrai, il n'était pas sûr de le vouloir… Certaines choses entre son calice et lui restaient du domaine du privé et la reconquête de la sexualité en faisait partie. Il en avait bien parlé une fois ou deux à son mari, dans des moments de trop grand doute, mais dans la mesure du possible, il préférait garder cela pour lui. D'autant qu'il goûtait peu les réflexions parfois trop directes de Lucius.
– Ça avait l'air bien, vu ton sourire, reprit l'aristocrate. Vous en avez enfin profité pour vous envoyer en l'air tranquillement ?
Ce genre de réflexions… Et cette fois, Severus grogna son mécontentement.
– Oh, ne me dis pas qu'il ne s'est encore rien passé ! fit Lucius d'une voix dépitée. Harry en meurt d'envie depuis des semaines et tu passes ton temps à le frustrer !
– Je… Il ne s'est pas rien passé ! protesta Severus.
Et Harry ne pourrait décemment pas dire qu'il avait été frustré ce soir ! Au début, éventuellement… mais pas lorsqu'il avait joui dans sa bouche avec ses deux doigts qui caressaient sa prostate.
Severus ferma les yeux et se mordit la lèvre pour essayer de chasser ces images de son esprit. Il ne savait pas comment gérer ce qui s'était passé ce soir. Harry lui avait donné du plaisir – et Merlin ! c'était un tel délice de retrouver sa bouche voluptueuse –, et il avait donné du plaisir à son calice en retour, d'une façon qu'il n'aurait même pas imaginée possible.
Tout s'était bien passé, à aucun moment Severus n'avait perdu le contrôle de lui-même ou quoi que ce soit de semblable, mais il savait déjà qu'il allait mettre des jours, des semaines, à accepter ces gestes trop intimes – sexuels – entre eux.
– Oh… Et vous êtes allés jusqu'où ? insista Lucius avec une voix réjouie.
Aussi loin qu'ils le pouvaient, de toute évidence. Il n'y avait pas eu de pénétration autre que ses doigts et pourtant Harry aurait bien voulu, mais Severus était loin d'y être prêt. Déjà ça, ça lui paraissait extrême. Et après coup, presque impensable.
– Ça ne te regarde pas, grogna-t-il. Et ta soirée, c'était comment ?
– J'ai connu des spectacles plus intéressants, gloussa Lucius. Et visiblement, ce qui s'est passé ici ce soir devait l'être bien davantage !
Severus se laissa aller à sourire sous la légèreté moqueuse de son mari. Lucius avait toujours cette façon de savoir le prendre, de ramener un peu de dérision là où il ne voyait que noirceur et écueils, de rendre les choses plus frivoles et moins sombres, de lui faire voir la lumière au bout du chemin et non pas l'obscurité du tunnel où il se trouvait.
– Crois-moi, si j'avais su…, fit Lucius en riant doucement. Je regrette de ne pas être resté pour assister à votre petit spectacle !
– Toujours ton côté voyeur !
– À défaut de participer…
Dans la pénombre de la chambre, Severus se permit de sourire largement. C'était le rêve de Harry, ça : refaire l'amour tous les trois, maintenant ou quand Lucius serait à son tour devenu un vampire… mêler le sexe et les morsures, le don de soi et le don de sang… Un rêve doré et sulfureux qui excitait prodigieusement son côté vampire et faisait rougeoyer son esprit.
Sous les draps, Severus glissa une main vers le corps endormi de son calice et caressa doucement son ventre et le relief plus accentué de l'os de son bassin. Le plaisir ce soir avait été incroyable…
– Tu arrives un peu tard pour participer à notre spectacle, ricana-t-il. Mais si tu y tiens tellement, je peux te donner un petit rôle dans la prochaine représentation…
Tout en parlant, Severus avait attrapé la main de son mari pour la placer sur son membre déjà bien tendu, et aussitôt, Lucius gloussa tout en fourrageant de ses longs doigts fins sur son sexe et vers ses testicules.
– Tout dépend du rôle que tu me donnes…
Sous la main qui le masturbait doucement, Severus se crispa et sa voix devint presque suppliante :
– Suce-moi…
… Parce que la fellation de son calice, tout à l'heure, avait réveillé ses envies mais avait aussi avorté bien trop vite. Déjà parce que Severus avait joui à peine Harry l'avait pris dans sa bouche, et également parce qu'il n'avait pas voulu qu'il aille trop loin dans sa façon de le toucher.
Mais Lucius, c'était autre chose. Ils pouvaient se toucher sans craintes et sa bouche était un monde de délices…
– Et s'il se réveille ? Tu es bien conscient qu'en nous voyant faire, il te sautera dessus ?!
– Il dort, assura Severus. Et je serai sage et silencieux.
– Hum… Je suis curieux de voir ça, ricana Lucius en glissant vers le bas du lit.
Et l'esprit de Severus flamboya brusquement, parce que dans les sous-entendus, Lucius lui promettait monts et merveilles et il allait le torturer jusqu'à ce qu'il craque et qu'il réveille son calice par ses gémissements, et que Severus ne pouvait pas se permettre ça.
.
.
Merci de votre lecture et de votre fidélité! J'espère que ce rapprochement inespéré entre Harry et Severus, malgré ce léger renoncement sur la fin, vous aura plu ;)
La semaine prochaine auront lieu les matchs de quidditch pour lesquels Harry s'entraîne depuis quelques temps...
Au plaisir
La vieille aux chats
