Et sur ce marché, Candice peinait justement à s'intéresser aux étalages. La blonde suivait son fils qui s'attelait à l'inspection des produits proposés. Certes, les deux avaient une bonne tête de touriste mais il était inconcevable pour le plus jeune de se faire arnaquer par les locaux, surtout sur la qualité des produits proposés.
« Ça t'en penses quoi ? demanda-t-il en tenant une grappe de tomates.
Perdue dans ses pensées, la blonde regardait derrière elle sans prêter attention à la remarque de Jules.
OH ! Maman ?!
- Hein ? bafouilla-t-elle perplexe.
- Ça t'en penses quoi ? répéta-t-il agacé.
- Ah oui ! C'est bien ça oui… »
Jules souffla avant de signaler au marchand l'acceptation du deal. Il lui tendit un billet et récupéra son petit sachet en fixant sa mère avec fermeté. Mais au lieu de l'interpeller, il suivit son regard qui scrutait avec minutie la place centrale du village. Cette dernière était noire de monde, se remplissant au fur et à mesure de leurs pas. L'incompréhension du jeune Renoir demeurait… Il continua sa marche sans enthousiasme lorsqu'il heurta un réunionnais, prospectus en main.
« Rendez-vous 11h sur la place centrale ! » s'écriait l'homme aux cheveux grisonnants. Jules fulmina et s'empara du papier, se rendant vite compte du réel motif de leur venue.
« Nan mais t'es sérieuse ? s'époumonna-t-il.
- Quoi ?
- J'aurais dû me douter que y avait un loup ! Genre toi qui insistes pour aller au marché ?! Nan mais j'hallucine ! pesta le garçon.
- Ah nan mais je savais pas…
- Bien sûr !
- JULES ! cria-t-elle alors qu'il semblait quitter le marché rapidement. »
Elle souffla, tiraillée entre sa curiosité et sa raison. La première lui disait de pousser les recherches et la deuxième, lui donnait l'alerte de rentrer dans l'immédiat si elle voulait éviter une 3e guerre mondiale, surtout qu'Antoine n'était plus qu'à quelques pas de la vérité. Intrigué depuis qu'il avait ouvert les yeux en début de matinée, le policier venait de monter les escaliers, prêt à réinvestir leur chambre. Il poussa la porte avant d'entrer dans la pièce qui renfermait désormais le secret de leur nuit câline de la veille. Les images le frappèrent, comme un rappel de sa non-résistance. Il ferma les yeux, intériorisant sa crédulité et contourna le lit avant de s'emparer des magazines qui recouvraient la table de nuit. Il en ouvrit un, lut quelques lignes, puis fit de même avec un second, puis un troisième, avant de lâcher un rire jaune. Et voilà, Antoine Dumas s'était encore fait avoir… Les magazines cognèrent subitement le sol, laissant un flic enragé redescendre les escaliers. Il rejoignit les enfants sans un mot avant d'hurler le prénom d'un des jumeaux.
« Quoi ? demanda Martin en passant une tête en haut des escaliers.
- Il est où ton papier pour le bateau ?
- Sur la table basse, dans le salon.
Antoine acquiesça avant de s'emparer du prospectus et d'y jeter un œil.
- Ok… marmonna-t-il pour lui-même. Vous savez quoi les enfants ? Cet aprèm' ce sera bateau !
- Ouaaaaaissss ! s'écria Suzanne enjouée.
- Mais et maman ? demanda Emma
- Ta mère a décidé de faire ses vacances de son côté ! Et bien nous aussi… se contenta-t-il de répondre en lui montrant le magazine. »
. . . . .
Alpaguée par toutes ces mines déplorées, Candice joua la carte de la solidarité et s'immisça finalement dans le cortège. En même temps, la blonde était désormais toute seule sur ce grand marché et ne voulait en aucun cas affronter sa famille. Le troupeau d'individus descendit tranquillement la grande rue du centre-ville, débarquant sur une jolie petite place aux semblants de sérénité. Rapidement, d'autres locaux les rejoignirent, agrandissant davantage ce défilé qui avançait d'une vitesse ralentie. Candice ouvrait les oreilles, tentant de dénicher le moindre indice qui pouvait la mener sur la bonne piste. Hélas, seul le silence régnait, symbole d'une intériorisation de tous ces vœux religieux qui ne souhaitaient qu'une seule chose : retrouver Joseph sain et sauf. Le centre-ville s'éloigna rapidement et au loin se dessinait l'horizon maritime. Le cortège approchait alors du rivage et s'apprêtait à traverser les grandes villas adjacentes au jardin de l'hôtel. Soudain, le calme disparut, remplacé par des éclats de voix juvéniles. Candice crut reconnaître Maya attraper fermement les bras d'un jeune garçon.
« Arrête ! hurlait la femme du disparu.
- Mais tu vois pas que ça sert à rien toutes ces conneries ?! C'est pas ça qui va sauver papa !
- Ah oui ?! Et c'est quoi alors ?! HEIN ?! s'emporta-t-elle.
- Tu le cherches même pas… souffla-t-il avant de quitter les lieux à vitesse grand V. »
Maya reprit ses esprits, réajustant son foulard sur ses cheveux, avant de réembrancher la cadence. Et cette fois, ils traversaient le jardin, prêts à débarquer sur la plage. Certains vacanciers les observaient depuis leurs terrasses, la moue perplexe, parfois compatissante. D'autres semblaient plutôt occupés par l'apéro du moment, et leurs rires montraient toute leur indifférence vis-à-vis de la situation. Ah ce que les gens pouvaient être égoïstes ! pensait-elle sans oser le verbaliser…. Mais cette fois, ce fut des plaintes d'un jeune couple qui l'alpaguèrent. Étonnées, Candice les fixa avec insistance, alors qu'eux s'engonçaient dans une conversation houleuse…
« Mais t'as vu l'odeur ? Ça me donne un mal de crâne, on peut pas se reposer…
- Mais ça va partir…
- On est arrivés hier ! Et ça sent toujours autant la javel…. Alors je veux bien qu'ils nettoient hein, mais la santé des touristes ?! Ils y pensent ?!
- Roooh… Mais t'as fini oui ?!
- Écoute, si tu veux passer tes vacances dehors parce qu'on peut pas supporter l'odeur à l'intérieur, c'est ton problème ! fulmina l'homme, en claquant le portail de leur terrasse. »
L'enquêtrice s'immobilisa, fouettée par les images de l'avant-veille, lorsque les deux employées évoquaient un nettoyage corsé d'une villa de l'hôtel pour effacer des traces. Et si cette pulsion ménagère avait un lien avec la disparition de Joseph ? Et si le corps de l'homme avait été retrouvé dans cette villa mais que personne ne l'avait signalé ? Toutes les théories les plus loufoques résonnaient désormais en elle, la priant de s'activer dans des recherches acharnées. Perturbée, elle réenclencha sa marche, se faufilant à nouveau à travers cette masse humaine qui débarquait désormais sur la plage. Et pas de chance pour elle, sa famille semblait avoir investi le sable brûlant de ce même endroit…
Depuis les transats, Antoine fixait la marée humaine qui stagnait à sa gauche. Faussement amusé, il jeta un regard à sa belle-fille qui hocha la tête à son tour, montrant la compréhension de cette communication silencieuse. Faut dire que retrouver une jolie blonde vêtue de rose dans cette tâche noire semblait tâche aisée. Enfin, sauf si la blonde s'était décidée à se dissimuler parmi les religieux. Mais la discrétion n'étant pas son maître mot, Antoine ne tarda pas à percevoir une touffe blonde à l'arrière du cortège.
« T'es sûr de toi ? demanda gentiment Emma à son beau-père qui venait de se lever de son transat.
- Ça va pas être beau à voir mais ouais… confirma-t-il en réajustant ses lunettes son nez. »
Emma grimaça, fixant le commissaire qui s'éloignait désormais en direction de Candice qui faisait mine de ne pas l'avoir vu. La blonde se retourna vivement, espérant se camoufler derrière des vieilles femmes imposantes. Ces trois-là s'éloignèrent à leur tour, laissant désormais une femme au regard désolé fixer l'horizon sans conviction.
« Oh ! Bonjour mon amour… minauda-t-elle en s'approchant de lui.
- T'étais où ?
- Euh… Au marché ! Bah oui, il fallait bien acheter les légumes pour ce midi et…
- Et ils sont où ? demanda-t-il en observant ses mains vides.
- Ah… Euh…
- Tu me prends vraiment pour un con en fait… laissa-t-il sortir sarcastique.
- Mais non je… Ok, je suis tombée sur cette réunion à côté du marché et d'accord j'ai pas pu m'en empêcher mais, c'est du hasard je te promets !
- Du hasard ? répéta-t-il en éclatant de rire. Alors pourquoi ce hasard était écrit sur les magazines que t'avais sur la table de nuit ?!
- Nan mais… Écoute Antoine, je sens vraiment qu'il y a quelque chose de bizarre avec cette histoire et… Je suis sûre qu'on peut l'aider… T'imagines si on arrive à le retrouver ?! On peut bien venir en aide à cette famille non ?!
- Mais arrête de te croire toujours au-dessus des autres comme ça, Candice ! Ok, t'as du talent, mais mêle toi de tes affaires et occupe-toi de TA famille, au lieu de toujours aller voir ailleurs !
- C'est juste que je sens un truc pas net… Quand on est allés récupérer Suzanne à la réception le soir de notre arrivée, j'ai surpris la gérante paniquée et… elle remerciait une employée d'avoir tout nettoyé, pour pas laisser de traces…
- Et donc ?
- Bah… Avoue que c'est bizarre non ?
- Tu sais ce qui devient bizarre en fait ? C'est que ma propre femme décide de gâcher chacune de nos vacances…
- Mais dis pas n'importe quoi… Je…
- Tout va bien ? intervint Maya en approchant doucement.
- Très bien oui, on débattait sur l'activité à faire cet après-midi, mentit Antoine en enfouissant les mains dans ses poches.
- D'accord… Je voulais juste vous remercier d'avoir participé à la procession, ce matin.
- Avec plaisir… répondit Candice d'un air timide. Euh d'ailleurs, j'ai cru apercevoir votre fils…
- Oui… Gabriel est en colère depuis que son père a disparu et c'est un peu compliqué de le gérer…
- Il a l'air contre tout ce que vous entreprenez, je me trompe ?
- Il dit que pour lui, ça le ramènera pas… Et puis il déteste Fanny, alors dès qu'il a appris qu'elle était à l'origine de la procession, il a pas supporté…
- Il la déteste ? s'étonna-t-elle alors qu'Antoine levait les yeux au ciel.
- Hum… Il dit qu'elle est fausse… Alors que sans elle, je serai au fond du trou !
- Je comprends…
- En attendant, on offre l'apéritif… Si vous voulez vous joindre à nous, vous êtes les bienvenus.
- Merci…
- À tout à l'heure alors ? demanda Maya en commençant à s'éloigner.
- Oui ! acquiesça Candice avant de reposer les yeux sur Antoine.
- Vas-y si tu veux, moi j'ai d'autres choses à faire… grommela-t-il en tournant les talons.
- Antoine… »
