Bonjour,
Pour information, cette fanfiction comptera 31 chapitres. Je sais que vous avez hâte que Harry et Drago se retrouvent, je vous comprends. Il m'aurait toutefois parut trop facile, trop absurde et même ridicule qu'ils se revoient dès la sortie de Drago et qu'ils retombent dans les bras l'un de l'autre directement alors qu'ils ont été séparés pendant onze ans. Il y a donc quelques choses à régler avant qu'ils se retrouvent. Merci de votre patience et de votre soutien !
Andromeda mourut en février, peu de temps après la dernière visite de Harry. Cela ne surprit personne mais la mort prend tout de même toujours au dépourvu. Elle avait tenu longtemps malgré sa maladie, bien plus qu'elle l'espérait. Les progrès des guérisseurs de Ste Mangouste y étaient pour quelque chose. Malgré cela, elle n'avait pas guéri et le mal l'avait rattrapée. Elle était morte à cinquante-neuf ans, elle n'avait jamais atteint les soixante. Elle avait vécu plus longtemps que sa mère et c'était sans doute sa seule victoire. Harry se sentit vraiment triste, comme quand il avait perdu Abelforth. Même s'il n'avait jamais été très proche d'Andromeda, elle avait toujours été là pour veiller sur Teddy et sur lui, comme une figure maternelle rassurante. C'était encore un adulte que Harry perdait.
A son enterrement, il n'y eut pas beaucoup de monde mais ceux qui étaient là la pleurèrent sincèrement. Elle n'avait plus de contact avec sa famille proche, il n'y eut donc que des amis mais c'était peut-être le plus important. Tous les résistants qui s'étaient battu contre Voldemort pour sauver des Nés-Moldus étaient là pour lui rendre hommage ainsi que tous les membres de l'Ordre du Phénix encore en vie. On savait qu'elle avait œuvré pour le bien et on savait qu'on perdait une femme forte qui avait choisi la lumière au lieu de suivre ses sœurs dans les ténèbres. Agatha et Elliott pleurèrent, debout l'une à côté de l'autre. Serena ne pleura pas mais dans son chagrin, elle avait les yeux sombres et durs. Leo Black pleura aussi, parce qu'Andromeda et lui avaient partagé des moments difficiles qu'il n'oublierait jamais. Elle avait été là quand il avait appris le destin atroce de Philip, elle avait pleuré pour lui. Il pouvait bien pleurer pour elle. Edith Bones et Iris Morgan étaient là aussi, avec leur fille. Oliver Fudge. Minerva McGonagall, Ron et Hermione, les Weasley.
Et puis bien sûr, il y avait Teddy. Teddy ne pleura pas quand on enterra sa grand-mère, il resta immobile et fixa le trou jusqu'à ce qu'on le rebouche. Ses cheveux avaient leur couleur naturelle, comme s'il aurait été inconvenant de se cacher derrière un quelconque artifice. Son visage pâle et fin n'avait jamais autant ressemblé à celui de Remus Lupin. Harry resta près de lui pendant l'enterrement, à court de mots. Il ne pouvait que compatir à la peine de Teddy et il voyait les efforts manifestes que le jeune garçon faisait pour tenter de la contrôler et de la cacher. Il savait que ça ne servait à rien et il le dit à Teddy.
- Je ne suis pas triste, dit froidement Teddy. Elle était malade depuis longtemps, je savais qu'elle allait mourir.
- D'accord. Quand tu auras envie d'en parler, je serai là.
- Je n'ai pas envie d'en parler.
Ils se réunirent tous à La Tête de Sanglier, pour boire et manger et partager leur douleur. Teddy disparut dans sa chambre et Harry ne le suivit pas. Il pouvait respecter son besoin d'être seul. Devant l'immense cheminée crépitante de la taverne, ils se réchauffèrent et échangèrent des anecdotes sur Andromeda. Ginny s'était assise près de Harry et avait posé une main réconfortante sur son bras. A leurs pieds, Albus et Katerina mangeaient tout ce qui passait à leur portée. Leo Black prit sur ses genoux la fille d'Iris et Edith, qui était aussi la sienne, et raconta des histoires de la Résistance, des histoires qui vantaient le courage d'Andromeda. Ce fut un moment triste et paisible, comme les enterrements peuvent l'être parfois. Il y avait de la chaleur et de l'amour.
Teddy vrilla complètement à partir de là. Il se mit à faire n'importe quoi à l'école, à se montrer insolent et désagréable envers tout le monde. Il ne travaillait pas, il passait son temps à faire des conneries avec ses amis. Harry reçut des lettres l'informant de retenues, encore et encore. Quand il en parlait avec Teddy, ce dernier s'enfermait dans sa chambre et refusait de l'écouter. En fait, Harry n'arrivait plus à lui parler. Il ne savait pas quoi faire. Il se voyait en Teddy, il se revoyait à son âge, plein de colère et de chagrin, agressant Dumbledore qui lui cachait des choses, Ron et Hermione qui tentaient de l'aider. Il pouvait comprendre la tristesse de Teddy et il ne savait pas comment la diminuer, d'autant que Teddy ne semblait pas vouloir de son affection ou de son réconfort. Même Albus se mit à pleurer un jour à cause d'une méchanceté que Teddy avait dite, ce qui n'était jamais arrivé avant.
Harry essaya d'en parler avec Ginny, un dimanche soir où elle vint chercher ses enfants.
- Peut-être que je devrais lui proposer d'aller passer le week-end chez un ami ou de rester à Poudlard. Il est malheureux ici, je ne sais plus quoi faire. Ça lui changerait les idées d'aller ailleurs.
- Laisse-lui du temps, conseilla Ginny.
Cela ne s'arrangea pas. Harry prit un verre avec Hugh Bennett, quelques semaines plus tard. Ils parlèrent de Teddy et de son comportement. Ils se voyaient beaucoup moins depuis plusieurs mois déjà. Hugh était coincé à Poudlard pendant la semaine et le weekend, il répugnait à venir alors que Teddy était là.
- Je n'ai pas vraiment envie de jouer au beau-père avec tes enfants, ce n'est pas vraiment mon truc, avait-il avoué.
Ils s'étaient éloignés. Pour autant, Hugh aimait bien Harry et en tant que directeur de Poufsouffle, il s'inquiétait pour Teddy. Bien sûr, il savait pour sa grand-mère et il était désolé. Mais Teddy n'écoutait rien en classe, il avait toujours l'esprit ailleurs. Il parlait mal à tout le monde, il s'était même battu dans le couloir l'autre jour. Et il avait répondu avec hargne et insolence à la directrice, d'une façon que Harry n'aurait jamais osé imaginer. Teddy aurait crié quelque chose comme « Je m'en fous de ce que vous me dites ! »
Harry estima que c'était trop et le samedi matin suivant, il coinça Teddy dans la cuisine avec la ferme intention de lui parler.
- J'ai discuté de toi avec le professeur Bennett, dit Harry. Nous sommes très inquiets pour toi. Tu continues à…
- Vous avez discuté de moi avant ou après avoir baisé ? ricana Teddy.
Harry le fixa, bouche bée, puis rougit et sentit la colère grimper en lui. Jamais Teddy ne lui avait parlé de cette manière. Il jeta un coup d'œil à Albus qui s'était figé, assis à la table.
- Ne parle pas comme ça devant Albus, où est-ce que tu te crois ?
- Oh pardon, je ne voulais pas choquer le pauvre petit Albus…
Il y avait du mépris dans la phrase, de la haine presque. Albus fixa Teddy avec tristesse.
- C'est de pire en pire Teddy ! Je t'ai dit cent fois que si ça n'allait pas, je pouvais t'écouter, que je ferais au mieux pour t'aider. Mais je ne peux pas t'aider si tu te comportes comme un crétin avec tout le monde. Tu as répondu au professeur McGonagall, tu t'es montré irrespectueux. Je ne veux plus jamais entendre ça !
- Sinon quoi ? rétorqua Teddy.
- Sinon il y aura des sanctions. Je ne permettrai pas que tu…
- Tu n'as pas le droit, cracha Teddy d'un ton hargneux.
- Je vais me gên…
- Tu n'es pas mon père ! hurla Teddy. Je m'en fous que tu permettes ou pas ! Tu n'es pas mon père !
- Je suis ton parrain, c'est la même chose, j'ai tout à fait le droit de…
- Non, ce n'est pas la même chose ! Moi je ne veux pas d'un parrain, je n'en ai pas besoin ! Tu n'es même pas de ma famille !
- Teddy, tu…
- Non, non, dégage, ne me touche pas ! Je n'ai pas besoin de toi, laisse-moi !
Harry retira sa main comme s'il s'était brûlé et Teddy s'enfuit dans les escaliers. Ils entendirent la porte claquer, en bas, signe que Teddy était sorti. Harry hésita à le poursuivre mais il ne pouvait pas laisser les enfants tout seuls.
- Pourquoi vous criez ? demanda Katerina en sortant des toilettes.
Harry détourna la tête, choqué, blessé et accablé. Il s'assit à la table de la cuisine et se prit la tête entre les mains.
- Je suis désolé Albus, je ne voulais pas que tu entendes tout ça. Je ne sais pas pourquoi Teddy réagit de cette manière.
Il y eut un silence pesant puis Albus regarda son père et dit :
- Il est triste parce que tu n'es pas son père.
- Je sais mais je suis son parrain, je fais ce que je…
- Il est triste parce que tu n'es pas son père et qu'il aimerait bien que tu le sois, compléta Albus.
Harry releva la tête pour regarder Albus avec étonnement.
- C'est lui qui te l'a dit ?
- Il a dit que j'avais de la chance parce que tu étais mon père. Des choses comme ça.
- D'accord.
Harry se leva et écrivit rapidement un message à Nox qui arriva peu de temps après. Normalement, l'auberge ouvrait plus tard mais Nox et Harry étaient plus que des collègues à présent, ils étaient amis et il arrivait à Nox de garder les enfants ou d'aider Harry quand il y avait un problème. Harry lui résuma la dispute avec Teddy et annonça qu'il allait le chercher. Nox hocha la tête.
- Oui, vas-y, c'est important.
Harry sortit dans le matin froid de mars et enroula son écharpe autour de son cou. Est-ce que Teddy avait pris un manteau au moins ? Harry regarda les rues désertes de Pré-au-Lard et réfléchit. Où Teddy pouvait-il aller dans un moment pareil ? Il pensa sérieusement à emmener Vega et à lui faire renifler une affaire de Teddy pour qu'il le retrouve mais le chien n'était pas un pisteur. Harry déglutit péniblement et se mit en marche avec détermination. Il sortit du village, suivit le chemin et aperçut la Cabane Hurlante un peu plus bas. Il enjamba la clôture qui tenait éloignés les curieux et courut jusqu'à la maison délabrée.
- Teddy ! appela Harry.
Il ouvrit la porte, traversa le hall lugubre et entra dans ce qui était autrefois le salon. Teddy était là, recroquevillé sur un canapé défoncé, lacéré autrefois par les griffes de son père. Harry s'approcha et s'accroupit face à lui. Il hésita puis attrapa doucement la cheville de Teddy, à travers son jean.
- Teddy, dit doucement Harry.
L'enfant ne le regarda pas. Il ne semblait plus y avoir de colère et de haine en lui, juste de la tristesse.
- Je vois bien que ça ne va pas, je voudrais t'aider. Dis-moi ce qu'il y a.
- Pourquoi ? renifla Teddy. Tu t'en fiches de toute façon.
- Non, pourquoi est-ce que tu dis ça ?
- Je sais bien que je vis chez toi uniquement parce que grand-mère était malade. Tu ne voulais pas de moi ! Je te dérange, pas vrai ? C'est à cause de moi que ton copain ne vient plus.
Harry écarquilla les yeux.
- Quoi ? Non Teddy, tu te trompes, ça n'a rien à voir. Tu ne me déranges pas du tout. Au contraire, j'aime passer du temps avec toi !
- Tu mens ! Je t'ai entendu l'autre soir. Tu as dit à Ginny que tu voulais m'envoyer ailleurs !
- Non, je n'ai pas…
- Si, tu l'as dit ! Tu as dit que ce serait mieux que je reste à Poudlard ou que j'aille chez un ami.
- Je disais ça simplement parce que je pensais que ça te ferait peut-être du bien d'aller chez un ami, c'est tout. Ça ne veut pas dire que je ne veux pas…
- Je ne veux pas aller ailleurs.
Il pleura pour de bon et Harry en ressentit un déchirement très net dans la poitrine. Teddy avait posé son front sur ses genoux qu'il entourait de ses bras, comme un enfant essayant de se protéger des coups.
- Je ne veux pas aller ailleurs, je veux rester avec toi. C'est avec toi que je veux être.
- Bien sûr, je n'ai jamais…
- Même si je sais que je ne suis pas ton fils et que tu m'aimes moins qu'Albus, je veux quand même rester.
- Teddy, Teddy, arrête ! Regarde-moi.
Teddy s'essuya le nez sur sa manche et regarda Harry. Il y avait de la douleur dans ses yeux, de la haine aussi, finalement. Pendant un instant, il ressembla à Bellatrix.
- Je sais que tu aimeras toujours plus Albus parce que c'est ton fils. Et je le déteste ! Toi aussi je te déteste quand je pense à ça.
Harry ne sut pas quoi dire pendant une seconde parce qu'il ne put s'empêcher de penser que c'était vrai. Oui, Albus avait été son bébé, il l'avait vu naitre et il l'avait tenu dans ses bras. Il avait aimé Albus bien plus fort qu'il avait aimé Teddy. C'était moins vrai aujourd'hui, parce qu'il avait vécu avec Teddy pendant plusieurs années et qu'ils étaient devenus plus proches. Ça ne changeait toutefois pas le fait qu'Albus était son fils et que Teddy ne l'était pas. Teddy dut le sentir car il se mit à crier à nouveau.
- Tu ne m'aimes pas, je le sais bien. Tu t'occupes de moi parce que tu es obligé, c'est tout. Grand-mère est morte et plus personne ne m'aime !
Harry resserra sa prise sur la cheville de Teddy.
- Je t'ai aimé en premier, dit-il doucement. Bien avant qu'Albus naisse. Tu fais partie de ma vie depuis plus longtemps, tu es le premier enfant que j'ai aimé et dont je me suis occupé.
- Oui mais…
- Tu es venu vivre avec moi parce que ta grand-mère était malade c'est vrai mais ça ne m'a jamais dérangé. Teddy, je suis allé changer le règlement de Poudlard pour te garder avec moi !
Une lueur s'alluma dans le regard de Teddy et Harry comprit qu'il savait tout cela, au fond de lui, mais qu'il avait besoin de l'entendre. Les sous-entendus et l'implicite ne suffisaient jamais pour un enfant. Surtout pour un enfant qui venait de perdre le seul membre de la famille qui lui restait.
- Teddy, écoute, je sais que je ne suis pas ton père parce que tu ne viens pas de moi mais ces choses-là ne font pas tout. C'est à nous de décider ce que nous sommes. Quand tu es venu habiter avec moi et que je me suis occupé de toi tous les jours, je l'ai fait comme je l'aurais fait avec Albus. Je t'ai préparé tes petits-déjeuners, je t'ai lu des histoires, je t'ai mis au lit, je t'ai appris tout ce que je savais sur le potager, les abeilles et les poules, je t'ai embrassé et je t'ai consolé quand tu étais malade. Et quand je faisais tout ça, je n'ai jamais pensé que je le faisais parce que j'étais ton parrain et que j'y étais obligé. Je l'ai fait parce que tu étais mon enfant et que je t'aimais. Est-ce que tu comprends ?
Teddy fixa Harry sans répondre, les bras toujours autour des genoux.
- J'avais beaucoup d'affection pour ton père, tu le sais. Je ne voulais pas donner l'impression de prendre sa place ou te forcer à quelque chose qui…
- Tu t'es occupé de moi mille fois plus que mon père, coupa Teddy. Je ne le connais pas, je ne sais pas qui il est.
- Je sais. Je sais que tu souffres parce que tes parents sont morts avant que tu puisses les connaitre. Tu sais que j'ai vécu la même chose et que je te comprends. Et je sais que tu viens de perdre ta grand-mère et que tu as l'impression d'être seul au monde. Je sais que tu as peur de me perdre, peur que je ne veuille plus de toi. Mais ça n'arrivera pas Teddy, ça n'arrivera jamais.
Le menton de Teddy se mit à trembler et des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. Il les essuya maladroitement avec sa manche.
- Je voudrais que tu sois mon père, bégaya Teddy au milieu de ses larmes. Parfois, je voudrais que Remus Lupin n'existe pas et que ce soit simplement toi et je me déteste quand je pense ça. Je sais que c'était un héros et qu'il est mort en se battant contre Voldemort, je sais qu'il n'a pas fait exprès de mourir. Mais il est mort et je ne me souviens pas de lui. Il ne sert à rien. Alors j'aurais préféré que ce soit toi, que tu sois vraiment mon père et que tu m'aimes comme Albus.
- Je t'aime comme Albus, assura Harry. Si tu me laisses faire, je t'aimerai de toutes mes forces. Mais je ne peux pas te le montrer si tu t'enfuis comme ça.
- Je ne veux pas que tu m'envoies ailleurs. Je veux rester avec toi.
- Je ne t'enverrai nulle part.
- Même si je fais des bêtises, je veux rester avec toi.
- Oui.
Teddy renifla et s'essuya une nouvelle fois le visage.
- Teddy, c'est toi et moi maintenant, d'accord ? Nous pouvons être ce que nous voulons. Si ton père m'a choisi pour être ton parrain, c'est surement qu'il m'aimait et qu'il avait confiance en moi. Alors je pense qu'il ne t'en voudrait pas et qu'il ne serait pas fâché que tu aies envie d'être mon fils.
- D'accord, murmura Teddy d'une voix fragile.
Harry lâcha la cheville de Teddy et leva les bras vers lui, lentement, avec hésitation, comme s'il voulait le prendre dans ses bras mais n'osait pas trop. Teddy passa brutalement ses mains autour du cou de Harry et le serra de toutes ses forces, rassuré, triste, heureux, honteux, tout ça à la fois. Il avait toutefois retenu l'essentiel : Harry l'aimait et il avait le droit, dans son cœur, de l'aimer comme son père.
Ils rentrèrent à la maison où les autres les attendaient avec inquiétude. Tout le monde vit que Teddy avait pleuré mais personne ne dit rien. Teddy caressa les cheveux d'Albus et l'embrassa sur la joue. Il murmura un « Je suis désolé » qui suffit à rendre le sourire à Albus et grimpa les escaliers pour aller se doucher, se moucher et se reprendre. Le soir, quand Harry vint lui dire bonne nuit, Teddy hésita.
- Bonne nuit papa, répondit-il.
Harry eut un tressaillement imperceptible et sourit, un peu mal à l'aise. Teddy aussi.
- Je voulais essayer. Je ne sais pas si j'y arriverai finalement. Peut-être que je peux continuer à t'appeler Harry.
- Tu peux m'appeler comme tu veux, ça ne changera rien aux faits.
Après cela, Teddy se remit à sourire et les choses s'apaisèrent.
OoOoOoO
Drago était retourné voir Franck et cela avait rassemblé beaucoup de choses en lui qui menaçaient de se briser. Franck l'avait serré contre lui et avait dit « Salut petit » et Drago s'était senti moins fracassé. Ensuite, il avait raconté à Franck tout ce qu'il avait fait depuis sa sortie. Il lui dit pour les dahlias sur la tombe de Gabriela et Franck le remercia. Il lui raconta sa visite à Evelyn Long. Franck écouta, curieux et étonné. Drago avait le chic de vivre des choses qui surprenaient Franck et le laissaient sans voix. Drago était reparti d'Azkaban moins abattu. L'amitié était décidément moins destructrice que l'amour. Il n'avait même plus vraiment envie de mourir.
Petronilla y était assurément pour quelque chose. Drago aimait vivre à ses côtés, c'était une expérience nouvelle pour lui. A vrai dire, il n'avait jamais connu ça. Il avait vécu aux côtés de Franck mais cela avait été différent. Déjà parce qu'il était coincé dans une cellule avec Franck et qu'il manquait un peu de liberté à leur relation. Avec Petronilla, Drago pouvait faire ce qu'il voulait. Et puis avec Franck, il y avait eu d'autres sentiments il y avait eu du désir et de l'amour. Ils avaient couché ensemble, ils avaient arrêté, Drago avait eu mal. Avec Petronilla, il n'y avait rien de tout cela. Il n'y avait aucun désir et aucun amour. Il n'y avait que de l'amitié. Et c'était pur, pur, pur, beau et tendre, facile et paisible.
Elle disait « Tu peux rester autant que tu veux, je serai là pour toi » et elle ne disait pas ça parce qu'elle espérait du sexe ou des sentiments en retour, elle le disait simplement parce qu'elle le pensait. Il s'asseyait sur le canapé à côté d'elle et elle posait ses pieds sur lui, sans la moindre gêne. Elle était tactile et Drago aimait cela, il aimait quand elle le touchait. Elle ne le touchait pas avec agressivité, possessivité ou perversion comme Kyle l'avait fait. Elle ne le touchait pas pour le blesser. Elle ne le touchait pas parce qu'elle désirait quelque chose de lui. Son contact n'était que douceur, respect et affection. Il aimait ça. Affalés sur les canapés, au milieu des coussins et des couvertures, ils discutaient de tout, de la vie, des souffrances, des joies et des espoirs. Ce fut de cette façon qu'ils écrivirent leurs nouvelles chansons. Elles parlaient du manque, parce que Jimmy manquait à Drago. Elles parlaient d'amitié, de force et de courage. Elles parlaient de peinture et de musique, de paix et de joie.
Drago l'accompagna dans les studios, là où elle enregistrait ses chansons. Il put enfin participer à tout le processus de création, du début à la fin. Il aimait l'écouter chanter, il aimait faire partie de ça. Quand le photographe personnel de Petronilla tomba malade et que le shooting photo pour Sorcière Hebdo faillit être annulé, elle lui demanda de la prendre en photo. Il ne savait pas spécialement y faire mais elle savait poser. Elle avait viré son ancien photographe après le scandale avec Sebastian Luke et elle ne supportait pas que ce soit les journalistes qui la prennent en photo, surtout quand elle se déshabillait un peu. Le regard de Drago sur elle, en revanche, il ne la dérangeait pas. Il n'était pas menaçant, il n'était pas sale et dégradant, il ne voulait rien d'elle. Elle aimait son regard.
Il y avait aussi des jours où Petronilla n'était plus une étoile brillante mais une étoile terne et éteinte. Elle avait du mal à se lever, du mal à se déshabiller pour se laver, du mal à vivre. Elle avait l'impression qu'elle ne valait rien, qu'elle était laide, qu'elle ne savait pas chanter. Elle n'était qu'une serpillère sur laquelle on s'était essuyé, elle n'avait pas été assez forte pour repousser Luke et se battre, elle se détestait. Et Drago savait exactement ce qu'elle ressentait parce qu'il vivait des jours similaires. Ça arrivait sans prévenir, un souvenir, une odeur, un mot, qui les ramenaient en arrière et les anéantissaient quelques temps. Ils se couchaient ensemble dans le lit de Drago, pour ne pas être seuls et ils restaient là. C'était une amitié comme Drago n'en avait jamais vécu.
Franck et Petronilla insistèrent tellement que Drago finit par aller voir Clia Klein à Ste Mangouste. Il découvrit le nouvel étage qu'on lui avait confié et il fut impressionné par sa réussite. Une Cracmol responsable d'une section entière à Ste Mangouste, c'était une nouveauté. Clia eut l'air heureuse de le voir.
- C'était vous les dahlias sur la tombe de Gabriela ? Demanda-t-elle.
Elle avait l'air touchée. Se remettre à parler avec Clia fit du bien à Drago, d'autant que c'était différent maintenant. Ils étaient seuls, dans son bureau, il n'y avait pas les détenus et leurs visiteurs autour d'eux. Ils pouvaient prendre leur temps, Drago pouvait se départir de sa méfiance et de ses réticences. Il se sentait un peu moins abattu et malheureux.
Il écrivait souvent à Franck et il continuait à aller à Azkaban. Ses rencontres avec Jimmy étaient de plus en plus difficiles même si Drago essayait de se le cacher. Il y eut des fois où Jimmy planait tellement à cause des Oubliettes qu'il mit du temps à reconnaitre Drago et qu'il fut impossible d'avoir une discussion cohérente avec lui. Drago se demandait s'il était comme Jimmy, si Petronilla le voyait quand il prenait de la poudre d'Oubliettes et s'il avait l'air aussi absent. Drago souffrait de ne rien pouvoir faire pour Jimmy. Il savait que son départ ne l'avait pas aidé et il se sentait coupable. Même si Petronilla et Franck lui répétaient que ce n'était pas sa faute et que Jimmy avait surtout besoin de soins, Drago se sentait quand même coupable.
Il prit des leçons de piano avec l'ancien professeur de Petronilla qui était maintenant âgé mais s'ennuyait chez lui et avait accepté avec plaisir. Ce fut difficile, bien plus que Drago l'aurait cru. Il avait du mal à retenir les notes, du mal à retenir les gestes avec ses doigts. Il se sentait nul et incapable, il eut mille fois envie d'arrêter. Il n'arrivait pas à se concentrer durant toute la séance, il oubliait ce qu'il avait appris au début. Cela l'énervait.
- Je suis complètement nul, dit-il à Petronilla, exaspéré.
Elle ne le regarda pas dans les yeux quand elle lui répondit.
- Peut-être que la drogue que tu prends ne t'aide pas non plus.
- Je ne… ça n'a rien à voir.
Ils n'en parlèrent plus. Drago ne voulait pas affronter cette vérité-là. Puisqu'il n'arrivait pas à jouer du piano, il se concentra sur ce qu'il savait faire et reprit les activités physiques. Il pouvait transplaner à la campagne et aller courir. Il pouvait faire des pompes dans sa chambre, il avait de la place. Il pouvait lire et écrire. Il n'allait pas beaucoup en ville, la foule l'effrayait toujours, il préférait le calme de la maison de Petronilla. Il reçut des nouvelles d'Agatha pour des appartements mais ils n'étaient pas terribles. Il avait l'impression de vivre dans l'attente de quelque chose même s'il ne savait pas exactement quoi. Il attendait que Jimmy sorte, peut-être. Il attendait que quelque chose arrive.
Il rencontra certains amis de Petronilla et il en fuit d'autres. Quand elle fit une fête, un soir, il resta enfermé dans sa suite, peu désireux de se mêler à tous ces gens qu'il ne connaissait pas. En revanche, il fit la connaissance de Tina Johnson, qui était l'une des plus proches amies de Petronilla. Tina était la grande sœur d'Angelina Johnson, dont Drago se souvenait vaguement pour avoir joué au Quidditch dans l'équipe de Gryffondor. Tina était la capitaine des Harpies de Holyhead depuis déjà trois ans et elle finirait certainement sa carrière de cette manière. Elle avait de longues tresses afro qui lui tombaient dans le dos, un sourire engageant et une assurance qui déstabilisait Drago. Elle savait qu'elle était la meilleure gardienne du championnat et elle n'essayait pas de prétendre le contraire.
Tina et Petronilla avaient une relation particulière qui surprit Drago parce qu'il ne savait pas que c'était possible. A vrai dire, son éducation limitée et conservatrice ne l'avait pas préparé à grand-chose du monde réel. Tina et Petronilla étaient devenues amis en bonne partie parce qu'elles savaient toutes les deux que l'amour n'était pas fait pour elles et ne les intéressait pas. Elles n'étaient pas amoureuses, elles n'en ressentaient pas le besoin et elles étaient heureuses comme ça. Les histoires d'amour des autres leur semblaient délirantes, malsaines, ridicules et souvent pathétiques. Merlin les préserve d'un tel malheur ! Elles aimaient faire l'amour ensemble, parce que ça fonctionnait bien. Elles n'étaient pas en couple, elles n'étaient pas de simples amantes, elles n'étaient pas de simples amies. Elles étaient ce qu'elles étaient et à dire vrai, c'était très reposant et sain à regarder. Elles n'essayaient pas de se changer, de se posséder, de s'enchainer. Drago les enviait presque mais il n'était pas comme elles. Il voulait Jimmy, il voulait le changer, le rendre heureux, le posséder et le garder avec lui.
Un autre jour, Drago rencontra Leo Black. Il avait vraiment hésité à rester caché dans sa chambre puis il avait cédé à la curiosité. Il lisait son journal depuis longtemps, il l'avait entendu souvent à la radio, il avait été reconnaissant et jaloux du soutien que Black avait apporté à Petronilla au sujet des viols de Luke. Il avait envie de le rencontrer. Il resta donc dans le salon quand Black sonna à la porte et le regarda entrer avec nervosité. Il regarda ses cheveux longs et bouclés, ses lunettes, son sourire charmant et ses yeux sombres. Il regarda sa chemise qui sortait négligemment de son pantalon et se demanda si c'était fait exprès, si Black savait que c'était élégant sur lui alors que ça aurait fait débraillé sur quelqu'un d'autre. Leo Black devait savoir que Drago serait là car il n'eut pas l'air surpris et il lui tendit la main sans hésiter, une expression neutre sur le visage.
Drago se souvenait de Leo Black, il l'avait côtoyé un an à Poudlard. A l'époque, il n'était qu'un gamin de première année et Black était un jeune homme qui préparait ses ASPICS. Drago savait bien quelles étaient les opinions de Black mais il n'avait jamais osé se foutre de lui, il n'était pas téméraire à ce point. Black était trop âgé pour un morveux comme Drago. Drago l'avait donc méprisé de loin, comme la plupart des Serpentard. Black rentrait toujours au dortoir au dernier moment, avant le couvre-feu, sans doute pour éviter les remarques désagréables des autres. Il y échappait rarement et Drago aimait rester dans la salle commune avec Crabbe et Goyle pour assister aux disputes des grands. Ils employaient des mots et parlaient de choses qui fascinaient Drago.
- Alors, encore en train de baiser ton Sang de Bourbe ? demandaient les garçons de septième année. Elle doit être sacrément bonne ta chienne moldue pour que tu trahisses ton sang de cette manière.
- Il est sacrément bon ouais, disait Black, il fait des pipes incroyables mais tu ne sais pas ce que c'est, des pipes, hein Clayton ? Personne ne te touche toi, personne ne veut de ta queue, pauvre Clayton !
- Ta gueule ! Je préfèrerais mourir que de laisser un Sang de Bourbe me toucher !
- Eh bah vas-y, crève Clayton, ça me fera des vacances !
Généralement, ça se terminait quand Paulina Teale, préfète en chef, disait à Clayton de la fermer. Ou alors, c'était Dorian Wild, qui défendait Leo et se liguait avec lui contre les autres. Tout le monde savait que Dorian était gay et se mourait d'amour pour Leo mais il était tellement riche qu'on n'osait pas trop le faire chier. C'était sans doute grâce à la présence de Dorian dans son dortoir que Leo survivait. A l'époque, Drago trouvait ça drôle. Aujourd'hui, plus du tout.
Il repensa à tout cela pendant que Leo et Petronilla échangeaient quelques nouvelles. Il apprit au passage que sa tante était morte. Il ne l'avait jamais rencontrée et il ne la connaitrait donc jamais. Puis Leo se tourna vers lui et l'assura qu'il était content de le rencontrer. Il n'avait appris que récemment que Drago avait écrit pour Petronilla, il ne savait pas, il avait été étonné.
- Tu écris de jolies chansons, conclut-il.
- Merci.
Leo était doué pour éviter de dire ce qu'il ne fallait pas mais Drago n'était pas dupe. Il était le directeur du Sorcier Libre, il savait parfaitement ce qui était arrivé à Drago, ce qui en avait découlé et où il en était aujourd'hui. Il devait bien savoir que Drago était sorti d'Azkaban un mois plus tôt. Il n'en parla pas et fit comme s'il ne rencontrait que le parolier de Petronilla Le Fay. Ils réussirent à faire à peu près semblant jusqu'à ce que Petronilla dise :
- Je trouve quand même ça dommage de ne pas révéler que c'est toi qui écris. Et même, tu sais ce que j'en pense, ça me plairait que tu travailles plus clairement pour moi, que tu sois mon manager et que tu m'accompagnes aux cérémonies.
Drago aurait aimé faire cela aussi, même s'il en avait peur. S'exposer au public le terrifiait complètement. Il ne gardait pas de bons souvenirs des journaux. Leo Black tiqua un peu.
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, dit-il l'air gêné.
- Vraiment ?
- Je dis ça pour ton image. Tu ne peux pas associer ton nom à… à un… criminel qui a fait de la prison.
Drago fixa Leo sans rien dire et ce dernier évita son regard.
- Il est sorti, rétorqua Petronilla. Sa dette a été payée. Il a le droit de vivre maintenant.
- Oui mais qu'il soit sorti ou non ne change rien au fait qu'il a tué quelqu'un.
- Ça ne te dérange pas vraiment quand tu interroges Harry Potter, fit froidement remarquer Drago.
Leo Black se tourna vers lui, surpris.
- Comment ça ?
- Il a bien tué quelqu'un, non ? Et pourtant, on parle de lui et être associé à son nom ne pose pas de problème.
- Ce n'est pas la même chose.
- Pourquoi ? Parce qu'il était l'Elu alors que je n'étais que Drago Malefoy ?
- Non, parce que c'était la guerre. Voldemort menaçait de détruire notre monde et il fallait que quelqu'un l'arrête.
Drago oublia l'existence de Petronilla pendant quelques secondes et se concentra sur Leo Black. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas parlé de Kyle à quelqu'un en dehors de Clia. Longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de dire ce qu'il pensait et ce qu'il ressentait. Il aurait aimé le dire à l'époque, il aurait aimé que Black soit là avec son journal révolutionnaire et lui donne la parole comme il l'avait fait avec Petronilla. Il avait donc envie – besoin – de lui dire aujourd'hui ce qu'il pensait depuis longtemps.
- Comme c'est pratique, siffla Drago. C'était la guerre et donc on pouvait tuer sans conséquence. On pouvait tuer et devenir des héros, comme Potter, comme ton groupe de résistants.
- Mon groupe de résistants n'était pas là pour…
- Ton groupe de résistants a tué des gens, qu'est-ce que tu crois ? Tu étais à la Gazette, toi, tu t'occupais des faux papiers et des listes mais les autres, ceux qui aidaient les Nés-Moldus à fuir, que crois-tu ? Ta mère…
Leo Black tressaillit et son visage se ferma.
- Quoi ma mère ? Demanda-t-il.
- J'ai passé onze ans à Azkaban avec tous les anciens Mangemorts et les anciens rafleurs encore en vie, j'ai entendu des histoires. Ta mère, ma tante et Agatha Greengrass, elles n'étaient pas là pour plaisanter.
Leo hésita, comme s'il envisageait sérieusement de nier et de rejeter l'histoire.
- Quelles histoires ? dit-il finalement.
- Comme une fois où ta mère, Andromeda et Agatha ont conduit des Nés-Moldus à un Portoloin sur la côte, pour fuir en France. Des rafleurs avaient fini par découvrir que c'était ici qu'elles emmenaient les Nés-Moldus et ils les ont attendues en embuscade. Ils ont attaqué mais la famille a réussi à prendre le Portoloin et à partir. Serena Black, Andromeda et Agatha sont restées combattre les rafleurs. Elles les ont massacrés, pour ne laisser aucune trace. Il y en a un qui a survécu et qui a réussi à s'échapper. C'est lui qui m'a raconté l'histoire. Alors ne me dis pas que je ne suis pas fréquentable parce que j'ai tué quelqu'un.
Leo semblait un peu choqué par ce qu'il venait d'entendre. De toute évidence, sa mère ne lui avait jamais raconté ce passage-là. Il se reprit tout de même rapidement.
- Comme je le disais, c'était la guerre et…
- Crois-tu que je n'étais pas en guerre, moi ? demanda Drago. Quand il m'attachait sur son lit ou m'enfermait avec un Détraqueur, j'étais en guerre aussi. Une guerre entre lui et moi.
- Oui mais… Dans ton histoire, ma mère et ses amies ont été attaquées. Elles se sont défendues, c'était de la légitime défense. Toi tu as tué Long alors qu'il était chez lui et qu'il ne te faisait rien. Ce n'est pas tout à fait la même chose, tu vois bien que…
- C'est faux, rétorqua Drago. Il ne me faisait rien parce qu'il était chez lui ? Tu crois que ça fonctionne comme ça ? Tu crois que tout s'arrêtait quand il remettait son pantalon et qu'il me détachait ? Kyle Long m'attaquait constamment, à chaque fois que je fermais les yeux, à chaque fois que je rêvais, à chaque fois que je me déshabillais, à chaque fois que j'y pensais. Ma guerre ne s'arrêtait pas quand Kyle était chez lui ! Alors je l'ai tué parce que, comment tu as dit déjà ? Il menaçait de me détruire moi et qu'il fallait que je l'arrête.
Petronilla avait pâli sur le canapé et fixait le sol sans rien dire. Leo Black avait légèrement écarquillé les yeux et contemplait Drago, bouche bée.
- Je… bégaya-t-il.
Il ferma les yeux et se passa une main sur le visage en soulevant ses lunettes.
- Fuck, murmura-t-il. Je ne sais pas quoi répondre. Je crois que tu m'as convaincu, je ne sais pas quoi répondre à ça.
- C'est rare que tu ne saches pas quoi répondre, dit Petronilla.
- Oui.
Black détailla Drago et se râcla la gorge.
- D'accord, admit-il. Mais notre société est ainsi faite : tuer un ennemi pendant une guerre est autorisé et acceptable. Tuer quelqu'un de son propre chef pour se venger en temps de paix ne l'est pas. Je suis d'accord que tu aurais mérité une peine moins lourde, je suis d'accord pour dire que tu n'es pas plus monstrueux ou plus inhumain que Harry Potter ou ma mère ou ne je sais qui. Mais ce n'est pas moi qui fais les règles.
- Tu en dictes et en dénonces beaucoup tout de même, fit remarquer Drago.
- Et ? Tu veux que j'écrive un article sur toi pour te réhabiliter aux yeux de notre communauté ?
Drago n'hésita pas longtemps.
- Non, souffla-t-il. Si possible, j'aimerais que les journaux ne parlent plus jamais de moi. C'était douloureux la dernière fois.
- Alors qu'est-ce que tu veux ?
- Rien. J'ai vu comment ton journal a défendu Petronilla à l'époque. J'aurais aimé que tu fasses la même pour moi, c'est tout. C'est trop tard maintenant.
Leo Black ouvrit la bouche, prêt à dire quelque chose mais il se retint. Il hocha la tête, l'air impuissant et un peu triste. Drago n'était pas stupide, il savait que Black avait raison. Il savait que la société ne pourrait jamais totalement lui pardonner ce qu'il avait fait et que Petronilla ne pourrait jamais s'afficher décemment en public avec lui. Il était un meurtrier et rien ne changerait jamais ça.
Maintenant que Drago avait dit ce qu'il avait à dire, il se détendit et le reste de l'après-midi se passa bien. Quand Black s'en alla, Drago s'empressa de montrer dans sa chambre pour aller prendre un peu d'Oubliettes. Cette rencontre l'avait quand même plus angoissé qu'il y paraissait.
OoOoOoO
Harry essuyait les verres en jetant un coup d'œil aux trois clients assis dans le coin de la grande salle. Il ne les connaissait pas, ils étaient de passage en Ecosse. Ils discutaient tranquillement, leur bière à la main. C'était calme et peu bruyant. Harry tourna la tête quand Nox entra par la petite porte qui donnait sur la cour et le rejoignit au comptoir.
- Qu'est-ce qu'ils font ? demanda Harry d'une voix bourrue.
- Rien, ils jouent.
Harry regarda Nox avec suspicion.
- Ils sont encore en train de nourrir ce chat, pas vrai ?
Nox se mordit la lèvre mais ne répondit rien.
- Il va venir constamment chez nous s'ils continuent ! On ne sait même pas à qui il est !
Nox haussa les épaules, l'air indifférent.
- Il est mignon ce chat. S'il est seul, c'est bien de le nourrir.
Harry sortit dans la cour pour retrouver les enfants. Ils étaient tous accroupis autour d'un petit chat gris qui mangeait avidement la tranche de jambon qu'on lui avait donnée. Quand ils virent Harry s'approcher, Albus se redressa d'un bond sur ses jambes et regarda son père avec appréhension.
- Il avait vraiment l'air d'avoir très faim, se défendit-il.
Harry soupira. Teddy tendit la main pour caresser le chat qui avait terminé et se léchait les pattes.
- Je pense qu'il a été abandonné.
- Tu n'en sais rien, rétorqua Harry d'un ton morne. Il faut aller vérifier.
Ils partirent en expédition sous le regard amusé de Nox qui assura pouvoir gérer la taverne sans Harry pendant une heure. Harry cédait toujours à ses enfants. Teddy prit le chat dans ses bras et ils allèrent frapper aux portes de Pré-au-Lard pour demander si quelqu'un le reconnaissait. Apparemment, personne ne connaissait ce chat. Quand ils eurent fait le tour des maisons du centre du village et des maisons un peu plus éloignées, Harry rendit les armes. Il n'avait rien contre ce chat, au fond, il s'en fichait. Si ça faisait plaisir aux enfants, ils pouvaient bien le garder.
- Il est à nous alors ? demanda Katerina, de l'espoir plein les yeux.
- Oui, céda Harry. On peut dire qu'il est à nous.
Elle poussa des cris de joie et les deux garçons sourirent.
- Il faut lui trouver un nom, dit Harry.
Teddy éclata de rire et donna un coup de coude à Albus.
- Tu te souviens quand tu étais petit et que tu avais décidé d'appeler la vache May parce qu'on était en mai ? C'était simple et efficace.
- J'étais petit, dit Albus.
- Nous sommes dimanche, le chat peut s'appeler Sunday, plaisanta Teddy.
Albus haussa les épaules, l'air de dire que ça ne le dérangeait pas. Katerina hocha sérieusement la tête.
- Sunday c'est bien.
- Je disais ça pour rire, se récria Teddy.
- Sunday, c'est bien, trancha Harry.
Ils ramenèrent donc Sunday à la maison et tout le monde fut ravi. Nox se moqua gentiment de Harry.
- Je ne vois pas pourquoi tu fais toujours le ronchon alors qu'en vrai, tu es d'accord avec ce qu'ils font.
- Je ne fais pas le ronchon, qu'est-ce que tu racontes ?
Nox rit.
- Si…
Il savait ce que Nox voulait dire et il ne répondit pas. Il avait bien conscience de ne pas déborder de joie de vivre, bien conscience de ne pas souvent rire et plaisanter. C'était ainsi, il n'y pouvait rien. Il voyait bien qu'Albus lui ressemblait, avec son air sérieux et ses longs silences. C'était un enfant qui aimait être seul et qui aimait se taire. Harry se sentait coupable de lui apprendre ça, coupable de ne pas le rendre plus joyeux, plus souriant, plus enthousiaste. Ginny disait qu'Albus n'était pas malheureux, que ce n'était pas un défaut d'être solitaire et introverti. Qu'il avait le temps de grandir et de devenir ce qu'il devait être. Harry était heureux et soulagé de voir qu'Albus semblait toujours content de venir vivre chez lui. Il oubliait parfois qu'il était un père aux compétences discutables, il se disait que l'important, c'était qu'ils soient ensemble et qu'ils s'aiment. Il aimait les jours où Teddy était à Poudlard et où Katerina rentrait dormir chez Ginny. Il pouvait avoir Albus pour lui tout seul. Ils ne parlaient pas beaucoup, ils restaient devant la cheminée, ils jouaient aux cartes, Albus dessinait, Harry le regardait. Ils étaient simplement l'un avec l'autre. Il aimait aussi les weekends où Albus et Katerina étaient chez leur mère et où il se retrouvait seul avec Teddy. Il pouvait s'assurer que l'enfant se sentait aimé et désiré, qu'il se sentait à sa place et qu'il avait un foyer.
Harry tourna la tête en entendant la porte principale s'ouvrir. Les trois voyageurs étaient partis et ils avaient été remplacés par quatre autres personnes, des sorciers vivant dans la campagne environnante qui aimaient bien se retrouver au milieu d'autres sorciers de temps en temps. Harry sourit à Leo Black quand il le reconnut, un sourire sincère mais faiblard. Leo portait sa fille sur ses épaules et la déposa sur le sol en passant la porte. Elle avait l'air ravie. Ils se saluèrent et Harry regarda Olivia.
- Nous avons un chat, dit-il d'un ton morne. Ils sont en haut, en train de lui faire visiter la maison.
Leo emmena sa fille à l'étage et l'y laissa avec les autres. Il redescendit voir Harry, l'air satisfait.
- Elle va vouloir un chat maintenant. Déjà que David me tanne pour avoir un chien…
Harry haussa les épaules, il adorait son chien, il ne pouvait que comprendre David. Il prit des nouvelles de Serena puis de David et Olivia. Tout le monde allait bien. David Morton était le compagnon de Leo Black depuis maintenant plusieurs années. Il l'avait grandement aidé à surmonter la perte de Philip Morrison et Leo semblait bien plus heureux depuis qu'ils étaient ensemble. Olivia, elle, était un peu plus jeune que Katerina. Ginny avait raconté à Harry qu'Edith Bones leur avait annoncé sa grossesse, un jour et qu'ils avaient tous été un peu surpris. Surtout quand ils avaient appris que Leo était le père. Ils s'étaient mis d'accord tous les quatre, Leo, David, Edith et Iris. Olivia était leur fille. Ils se partageaient officiellement la garde comme des parents séparés mais ils n'étaient pas des parents séparés. Edith était la meilleure amie de Leo et Iris était sa sœur. Ils s'aimaient, ils se respectaient et ils s'entendaient bien. C'était facile de transplaner le soir pour embrasser Olivia, même quand ce n'était pas leur semaine de garde. C'était facile de passer des dimanches ensemble. C'était facile de maintenir un climat calme et apaisé. Harry les admirait un peu. Leo élevait sa fille avec l'idée qu'elle avait de la chance, plus que les autres, même si certains jaloux essaieraient de lui dire le contraire : elle avait quatre parents, ce qui signifiait qu'elle aurait toujours deux fois plus d'amour que les autres. Il fallait chérir cela. Harry était d'accord. On n'avait jamais trop d'amour.
Ils discutèrent un peu des enfants, de leurs amis, du journal puis Leo joua avec son verre et jeta un coup d'œil hésitant à Harry.
- J'ai rencontré Drago Malefoy, dit-il. Est-ce tu veux que je te raconte ?
Harry haussa les épaules d'un air indifférent et évita le regard attentif de Nox qui s'était posé sur lui.
- Qu'est-ce qu'i raconter ? Grogna-t-il.
- Je l'ai vu deux fois depuis qu'il est sorti, avoua Leo. Il loge chez une amie en ce moment mais Agatha lui a trouvé un appartement à Londres.
Harry se demanda quelle amie pouvait bien avoir Drago, une amie que Leo connaissait en plus de ça. Il trouva assez vite, même si ça lui paraissait invraisemblable. Il ne posa aucune question cependant. Il ne voulait pas donner l'impression qu'il s'y intéressait. D'ailleurs, ça ne l'intéressait pas.
- Je crois que c'est vraiment dur pour lui d'être sorti de prison. Il a du mal à se réhabituer à la vie extérieure. Il retourne souvent à Azkaban. Apparemment, il a des gens à qui il tient là-bas. Et c'est normal je suppose, il y a quand même passé onze ans.
- Mmh…
- Je pense qu'il fait ce qu'il peut pour aller mieux mais je ne suis pas sûr qu'il s'y prenne de la bonne façon.
- C'est-à-dire ? demanda Harry d'un ton exaspéré.
- Il va voir Clia Klein à Ste Mangouste et ça c'est bien. Mais je pense aussi qu'il se drogue et ça, c'est moins bien. J'ai déjà entendu parler de la drogue que les gardiens laissent circuler à Azkaban pour rendre les prisonniers plus calmes et dociles mais c'est très dur d'avoir de vraies informations là-dessus. Les gardiens et les détenus ne sont pas très bavards…
Harry baissa la tête vers le comptoir. Il se souvenait de cette drogue, Drago lui en avait parlé autrefois. Il avait oublié son nom. En revanche, il se souvenait de Franck, le camarade de cellule de Drago. À l'époque, Drago disait qu'il ne toucherait jamais à cette drogue parce que Franck lui avait dit que ça abîmait le cerveau. De toute évidence, il n'avait pas tenu. Harry ne pouvait pas l'en blâmer. S'il s'était retrouvé à Azkaban, peut-être qu'il aurait voulu oublier lui aussi. Il faillit hausser les épaules d'un air las quand il se rappela le début de la tirade de Leo. Il leva les yeux vers lui.
- Drago va voir Clia Klein ? C'est une Cracmol transgenre, ce n'est pas… Je veux dire, je ne pensais pas que…
Il savait qui était Clia Klein, bien sûr, les journaux en avaient beaucoup parlé. Leo aussi. Il avait bataillé pour que la société entende ce qu'elle avait à dire.
- Apparemment, ils se connaissent depuis longtemps, dit Leo.
Harry resta bouche-bée.
- Drago a changé, je ne pense vraiment pas qu'il ait encore le moindre préjugé envers qui que ce soit.
Harry baissa la tête. Il le savait bien, Drago n'avait déjà plus beaucoup de préjugés à l'encontre des Moldus ou des Nés-Moldus à l'époque où ils étaient ensemble. C'était réconfortant de voir que ça n'avait pas changé. « Où ils étaient ensemble » pensa Harry avec cynisme. Il avait du mal à y croire aujourd'hui, c'était délirant. C'était comme parler d'une autre vie, la vie de quelqu'un d'autre.
- Il a changé physiquement aussi, continua Leo. De toute évidence, il a fait du sport à Azkaban.
- Quoi ?
- Ouais, il est vraiment bien foutu maintenant. Tu sais, pas de manière exagérée comme les mecs qui vont à la salle tous les jours et qui prennent des trucs, mais bien. C'est joli. Et il a un grand tatouage sur tout le bras, là.
Leo mima.
- Je l'ai vu quand il a remonté sa chemise l'autre jour. Il m'a dit qu'il en avait un grand dans le dos, un dragon. Mais celui-là, je ne l'ai pas vu.
Harry fixa Leo, immobile. Puis il crut comprendre ce que Leo était en train de faire et il se renfrogna.
- Tu te fous de moi, c'est ça ?
- Non.
Et Leo avait l'air sérieux, beaucoup trop sérieux. Harry détourna le visage et regarda par la fenêtre. Il essaya d'imaginer Drago comme Leo l'avait décrit, n'y arriva pas, trouva tout cela absurde. Il se renfrogna encore plus et posa la main à plat sur le comptoir.
- C'est l'heure de fermer, annonça-t-il. Nox, tu peux rentrer chez toi, merci pour aujourd'hui.
Ils fermaient plus tôt le dimanche. En vérité, la présence de Nox n'était pas vraiment obligatoire mais Harry savait que ça lui faisait plaisir de venir et de passer son dimanche avec eux. Nox aida Harry à ranger ce qui trainait et s'en alla. Leo et Harry montèrent à l'étage pour retrouver les enfants qui cherchaient désespérément le chat qui avait dû se planquer quelque part. Leo accepta un autre verre et ils ne parlèrent plus de Drago Malefoy.
Harry ne pensa plus à Drago, il avait ses propres problèmes et sa propre vie. Le printemps revenait, il avait des choses à faire. Les arbres fruitiers avaient survécu au froid et Harry espérait qu'il y aurait une jolie récolte. Ses confitures à la cerise et à la poire s'étaient bien vendues au marché de Pré-au-Lard. Il avait les carottes et les navets à ramasser dans son potager. Une fois, il l'avait fait avec la magie, pour aller plus vite. Albus et Teddy avaient été dépités. Ils aimaient le faire eux-mêmes, c'était ça qui était drôle. Harry était d'accord. Il mettait un vieux jean troué, un vieux pull et il s'asseyait dans son potager pour récolter ses légumes. Il se demandait parfois ce que penseraient son père ou Sirius à le voir ici, en vrai paysan. Plus le temps passait, plus il réalisait qu'il se fichait de ce que son père ou Sirius penserait. Il les avait à peine connus.
Un lundi, Ginny apparut dans la cheminée avec Albus. Ils avaient l'air tendu tous les deux et un peu déprimé. Harry s'étonna de ne pas voir Katerina.
- Mikhaïl est là, dit Ginny.
De toute évidence, elle n'avait pas envie d'en parler. Elle embrassa Albus sur la joue et lui caressa les cheveux.
- Amuse-toi bien avec papa mon chéri. Je viendrai surement demain avec Kate, si tu veux bien Harry.
Elle s'en alla et Harry resta seul avec son fils. Albus s'assit sur le tapis quand Sunday s'approcha. Le chat se lova sur les genoux d'Albus et se mit à ronronner doucement. Couché près de la cheminée, Vega observait la scène avec méfiance.
- Ce matin, il s'est passé quelque chose ? demanda Harry.
- Kate voulait venir ici. Elle ne voulait pas rester avec Mikhaïl. Elle sait que c'est son papa mais elle ne le reconnait pas vraiment.
Harry hocha la tête. La dernière fois que Mikhaïl était venu, il s'en souvenait, c'était durant les vacances de Noël. Ça remontait à trois mois. Il ne fit aucune remarque, il n'avait rien à dire. Ce n'était pas à Albus qu'il devait dire ce qu'il pensait. Le petit garçon se détendit, heureux tout de même de se retrouver seul avec son père. Ils allèrent regarder les ruches, tout se passait bien. Harry hésitait à récolter le miel un peu plus tôt. Albus dit qu'il devait l'attendre, il voulait le faire avec lui.
- Bien sûr, promit Harry.
Ils allèrent se promener dans la campagne autour de Pré-au-Lard, comme d'habitude. Vega courait devant eux avant de les rejoindre et de repartir à nouveau. Albus lui lançait des bouts de bois qu'il trouvait par terre. Harry regardait le ciel nuageux au-dessus d'eux, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. Il savait que certaines personnes s'étaient inquiétées pour lui, quand il avait hérité de la Tête de Sanglier avec la ferme intention de rester là. Il savait ce qu'on pensait, qu'il avait abandonné un poste important au Ministère pour venir s'enterrer dans la campagne, dans une auberge miteuse, avec des poules et des vaches. S'il n'avait pas démissionné, il serait certainement devenu Président Sorcier du Magenmagot un jour, plus encore. Il aurait pris le poste de Kyle Long, sans aucun doute. Il savait que ça se serait terminé comme ça et il savait que c'était ce que les gens du Ministère attendaient de lui. Ça aurait plu à tout le monde que Harry Potter dirige le pays. Pas de chance, Harry n'avait jamais aimé faire plaisir au Ministère.
Il savait que les journaux ne parlaient plus de lui et qu'on l'avait quasiment oublié. C'était ce qu'il avait désiré. Finalement, il ne regrettait rien de ce qu'il avait choisi. Il était bien ici, il était presque heureux. Ou du moins, il était en paix avec ses démons et ses souffrances. Ils étaient plus silencieux ici.
Ginny vint voir Harry dans la semaine, un soir après son travail. Albus et Katerina dormaient à l'étage et ils restèrent en bas, dans la grande salle. Ils s'assirent près de la cheminée pendant que Nox gérait le service. C'était leur fonctionnement : quand Harry avait ses enfants, Nox faisait les fermetures. Quand il était seul, c'était lui qui fermait. Ginny avait l'air malheureuse et, plus encore, en colère.
- Elle le reconnait à peine, elle ne sait même pas vraiment qui il est ! Il se pointe tous les trois mois, tous les six mois… Nous nous sommes disputés lundi, je lui ai dit que ce n'était plus la peine qu'il revienne. De toute façon, il a eu un fils avec sa nouvelle femme, il ne s'intéresse qu'à lui. Il se fiche de Katerina, il ne vient que quand il se souvient d'elle. Mais je ne sais pas si j'ai le droit de faire ça. Il est quand même son père, je ne peux pas l'empêcher de venir.
Harry ne savait pas quoi dire, ce n'était pas à lui de donner des conseils ou des avis. Cette histoire ne le concernait pas et de toute façon, il n'avait aucune idée de ce que Ginny devait faire. Il se contenta de l'écouter et de lui remplir son verre de temps en temps.
- J'ai vraiment fait de mauvais choix, dit Ginny d'un air dégoûté. Pas… pas avec toi, je ne regrette pas d'avoir eu Albus avec toi. Je sais que ça a été dur entre nous et que ça s'est mal fini mais je suis contente que mon fils soit le tien. Tu es un homme bien, Harry, je le sais et tu fais du mieux que tu peux. Mais Mikhaïl… Je n'aurais jamais dû faire un enfant avec lui, c'était une erreur.
- Tu ne pouvais pas savoir qu'il vous abandonnerait, dit Harry d'une voix morne.
Ginny rit avec amertume.
- C'est ce qu'on essaie de se faire croire mais ce n'est pas vrai. Je n'ai pas envie de jouer les victimes comme toutes ces femmes qui font des enfants avec des hommes mauvais et qui font semblant de s'étonner après. Mikhaïl a toujours été égoïste et centré sur lui-même, mettant sa carrière et ses désirs avant le reste. Je le savais bien. Mais j'étais trop amoureuse de lui, j'ai été aveugle, je n'ai pas voulu voir. J'ai cru qu'il changerait quand nous aurions un enfant, que ça l'obligerait à s'intéresser à quelqu'un d'autre que lui. Je suis vraiment stupide, je fais encore et toujours les mêmes erreurs. Je ne t'ai pas changé toi, je ne l'ai pas changé lui. On ne change pas les gens.
- Non, admit Harry.
- Pendant longtemps tu n'as pas voulu de moi et quand tu l'as fait, j'étais si heureuse que je n'ai pas voulu voir la vérité. Je sais que tu es sorti avec moi après…
Elle déglutit difficilement.
- Après Malefoy… parce que tu voulais l'oublier et passer à autre chose. Je ne dis pas que tu ne m'aimais pas vraiment mais… J'aurais dû voir que tu ne voulais pas la même chose que moi. Là aussi je me suis aveuglée. Et après, il y a eu Mikhaïl et il était tellement l'opposé de toi, j'avais tellement besoin de me sentir désirée et importante que je n'ai pas réfléchi non plus.
Harry n'essaya pas de la contredire, il savait qu'elle avait raison. Ginny inspira profondément.
- Il faut vraiment que j'apprenne à prendre du recul et à rester rationnelle. Il faut surtout que j'apprenne à voir les choses telles qu'elles sont et à m'écouter.
- Ce n'est pas si facile.
- Non… Mais…
Ginny sourit doucement et ses joues reprirent quelques couleurs. Elle ne semblait plus en colère, elle semblait même heureuse.
- Je crois qu'il y a un homme qui… qui est différent. Je le connais depuis longtemps, je sais comment il est. Je sais qu'il est généreux, courageux et fiable. Je sais que je lui plais mais qu'il est capable de respecter ce que je veux. Je n'ai pas envie de le changer, j'ai envie qu'il reste exactement tel qu'il est. Je crois que je vais essayer avec lui.
- Oh, dit Harry, surpris. C'est bien alors. Qui est-ce ?
- Oliver, Oliver Fudge, mon collègue.
- Oh, répéta Harry. Quand j'entends Leo en parler, ou même toi, il donne l'impression d'être un chic type.
- Il l'est, assura Ginny en souriant. Le fait qu'il soit plus âgé, c'est bien aussi. Il est plus apaisé sur beaucoup de points. Il dit qu'il n'a pas envie d'avoir un enfant à quarante ans et qu'il se contenterait d'aimer les miens.
Ginny leva vivement les yeux vers Harry.
- Enfin, je veux dire… Il sait bien que tu es le père d'Albus, ce n'est pas…
- C'est bon Ginny, j'ai compris. Invite-moi à dîner un soir, ça me ferait plaisir de le rencontrer.
- D'accord.
Elle eut l'air soulagée. Elle lui raconta qu'ils se voyaient depuis quelques semaines déjà et qu'ils n'avaient plus vraiment une relation de collègues. Elle dit qu'Oliver l'aimait depuis longtemps mais qu'il avait respecté qu'elle soit avec Harry, puis avec Mikhaïl et qu'elle ne veuille pas de lui. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait mis tellement de temps à le voir pour ce qu'il était. Elle n'était sans doute pas prête à ce moment-là. Harry l'écouta parler, aimablement, sans ressentir la moindre jalousie. Il n'avait plus ni amour ni désir pour elle, c'était parti depuis longtemps. Ils étaient amis, d'une certaine manière. C'était bien comme ça. Il se demanda s'il enviait l'histoire d'amour de Ginny, si cela lui plairait, à lui, de tomber amoureux à nouveau. Il n'en savait rien. Il n'en était pas sûr.
Quand Ginny arriva au bout de son récit, Harry la regarda sérieusement.
- J'ai quelque chose à dire, moi aussi.
- Oui ?
- Hier soir, quand j'ai couché Katerina, elle m'a dit « Bonne nuit papa ». Je pense qu'elle voulait faire comme Albus. Je n'ai pas su quoi répondre, je ne sais pas quoi faire de ça.
Ginny baissa la tête, embarrassée.
- Ce n'est pas la première fois qu'elle le dit, avoua-t-elle. Quand on se prépare pour venir chez toi, elle dit qu'on va « chez papa ». C'est ce qu'elle a dit à mes parents l'autre jour, ils n'ont pas compris tout de suite qu'elle parlait de toi. C'est ma faute, je dis à Albus qu'il va chez papa, elle répète, c'est normal. Je…
Elle hésita et le regarda dans les yeux.
- Moi, ça ne me gêne pas qu'elle le dise. Tu t'occupes bien plus d'elle que son trou du cul de père biologique. Mais tu n'es pas obligé, tu en fais déjà bien assez. Si tu veux, je lui dirai de ne pas dire ça, je ferai bien la distinction entre toi et son père.
- Non, coupa Harry. Ce n'est pas la peine, ça ne me dérange pas non plus. Je peux être ce qu'elle veut.
Harry sourit, l'air désabusé.
- J'ai eu la même conversation avec Teddy l'autre jour. J'aurais aimé ça. J'aurais aimé que mon oncle Vernon soit gentil avec moi et me dise que je pouvais le considérer comme mon père. Avec Sirius, je ne sais pas, j'étais trop grand pour le voir de cette manière mais j'aurais quand même aimé que… Bref, tu le sais déjà. C'est important qu'elle sache que Mikhaïl est son père mais elle peut m'appeler comme elle veut. Je peux… je l'aime beaucoup.
- Eh bien, sourit Ginny. Je crois que je ne t'avais pas entendu parler autant depuis deux ans.
- N'importe quoi.
- Non, non… Harry tu sais, je trouve que ça te va bien de faire ça, de recueillir les gens seuls qui ont besoin d'amour. Teddy, Nox, ma fille… Ils sont heureux avec toi, ils ont quelque chose qui leur manquait. Tu te fiches de ce qu'ils sont, qu'ils soient de ton sang ou pas et tu les aimes. Je sais que tu aurais aimé avoir ça et c'est bien que tu le donnes à d'autres. Tu es un homme bien, Harry.
Elle posa sa main sur son bras et il leva les yeux vers elle. Son cœur se réchauffa un peu, elle l'avait touché. C'était peut-être le plus beau compliment qu'on lui ait fait. Il n'avait jamais demandé à être un héros, un survivant, un élu. Être un homme bien, c'était suffisant.
