Chapitre 3 : You're still the oxygen I breathe
Hermione ouvrit les yeux, légèrement éblouie par un rayon de soleil filtrant par les rideaux. Elle eut un bref instant de panique, qui passa dès qu'elle reconnut les lieux. Elle était dans sa chambre, dans son lit et les bruits qu'elle percevait à l'étage du dessous laissaient penser que Severus et Cassandre étaient debout depuis un bon moment.
Un coup d'œil au réveil placé sur la table de nuit lui apprit qu'il était près de onze heures et elle se laissa retomber sur ses oreillers en soupirant, à la fois de bien-être et de frustration.
Ce n'était pas inhabituel qu'elle se lève si tard après un retour de mission. Au contraire, elle rentrait très souvent épuisée de ces expéditions dans le monde sorcier et son corps éprouvait alors un besoin impérieux de se reposer.
Cependant, elle avait promis à Cassandre d'être présente à son réveil.
Elle savait que Severus avait volontairement omis de la réveiller, connaissant très bien son besoin de reprendre des forces pour l'avoir expérimenté lui-même à de nombreuses reprises. Et elle ne pouvait vraiment pas lui en vouloir, puisqu'elle faisait de même pour lui.
Elle devait vraiment apprendre à lâcher prise.
Mais ce n'était clairement pas à l'ordre du jour. Pas tant que le monde sorcier ne serait pas hors de danger. Pas tant qu'elle n'aurait pas partagé ses récentes découvertes avec son mari.
Elle fut tirée de ses réflexions par une masse orange qui grimpa sur le lit pour venir se frotter vigoureusement à elle.
- Eh ! Salut mon tout beau, souffla-t-elle en plongeant son visage dans le pelage fourni de son vieux demi-fléreur. Je t'ai manqué à ce que je vois.
Pattenrond marqua son approbation par un ronronnement sourd, mais prit tout de même le pli de lui mordre le doigt un poil trop fort, soulignant son mécontentement face à l'absence prolongée de sa maîtresse.
- Je sais, je suis partie plus longtemps que la dernière fois, continua-t-elle tout en le gratouillant derrière les oreilles. Mais c'est fini maintenant, j'ai trouvé ce que je cherchais, murmura-t-elle aux oreilles du chat.
Pattenrond miaula de contentement à cette réponse et se lova plus confortablement sur les genoux d'Hermione, réclamant son quota de câlins, dont il avait si injustement été privé ces derniers mois.
Le repos félin fut cependant de courte durée, puisque quelques minutes plus tard, une mini tornade aux cheveux noirs faisait irruption dans la chambre.
- Mamaaaan !
Cassandre sauta sur le lit parental et rampa jusqu'à Hermione, dérangeant Pattenrond qui lui lança un regard outré.
- Oh bonjour Pattou ! s'exclama la fillette en saisissant le chat pour un câlin.
Le demi-fléreur jeta un regard suppliant à sa maîtresse, qui pouffa de rire avant d'intervenir, plus sérieusement.
- Cassandre, chérie, sois plus délicate avec Pattenrond. Tu sais qu'il n'aime pas quand on le brusque.
Cassandre jeta un œil au chat dans ses bras, puis le reposa délicatement sur le lit et lui caressa la tête.
- Désolée Pattou.
Le dénommé Pattou fit mine d'être vexé par l'utilisation de ce surnom indigne de sa personne, mais hocha néanmoins la tête à l'attention de sa petite maîtresse et s'éloigna pour se rouler en boule sur l'oreiller d'Hermione, gardant ainsi un œil sur toute la pièce.
- Bon maintenant que Pattou a eu ses câlins, est-ce que je peux avoir les miens ? souffla Hermione en tendant les bras vers sa fille.
Cassandre sourit et vint se blottir dans les bras de sa mère qui resserra son étreinte, posant son nez dans la chevelure de l'enfant pour en humer ce parfum si particulier.
Hermione inspira un grand coup pour chasser les larmes traîtresses qui cherchaient à se faire un chemin sur son visage. Les presque deux mois sans voir sa fille lui avaient semblé durer une éternité.
Cette mission avait été éprouvante par bien des aspects, mais elle en avait maintenant l'habitude, puisqu'elle faisait ça depuis des années. Par contre, ses absences avaient pris un autre tournant depuis la naissance de Cassandre.
Elle n'avait aucun souci à laisser leur fille à Severus, puisqu'il s'occupait autant de la petite qu'elle. Mais elle avait maintenant cette boule au ventre qui ne la quittait plus et qui lui faisait craindre pour sa vie.
C'était un sentiment diablement humain qui lui rappelait à chaque instant qu'elle était mère et qu'il était hors de question que sa fille grandisse sans elle.
Elle était sûre que ce sentiment dominait également Severus durant ses propres absences, même s'il n'en montrait rien.
Heureusement c'était en principe, la dernière fois qu'elle se séparait d'elle aussi longtemps.
Un reniflement sarcastique la ramena à l'instant présent.
- J'aurai dû savoir qu'envoyer Cassandre te chercher pour le petit déjeuner ne mènerait à rien. Cela fait vingt minutes que je vous attends, ajouta le sombre sorcier appuyé contre l'encadrement de la porte en lançant un regard agacé à sa fille, qui eut un petit sourire contrit, mais espiègle.
- Pardon papa.
Hermione leva les yeux au ciel.
- Severus, toi et moi savons parfaitement que le petit déjeuner est certainement préservé sous un sort de stase et de chaleur, alors cesse donc d'être aussi grincheux et viens ici, fit-elle en tapotant l'espace à côté d'elle.
Severus haussa un sourcil, mais s'approcha néanmoins du lit pour s'y asseoir.
Se redressant, Hermione posa une main sur sa joue et l'embrassa chastement.
- Bonjour Monsieur Grognon, souffla-t-elle tandis que Cassandre pouffait dans ses bras, et merci de m'avoir laissée dormir pendant que tu t'occupais de tout.
Severus soupira et se pinça l'arête du nez. Merlin, où était donc passée son autorité de Directeur de Serpentard et de Professeur honni de tous ses élèves. Sa femme et sa fille avaient vraiment le don de le rendre aussi inoffensif qu'un Boursouflet.
- Eh bien vous serez heureuses d'apprendre que Monsieur Grognon avait anticipé ce fiasco total dit-il en faisant un geste de baguette vers la porte de la chambre, qui s'ouvrit pour laisser entrer un plateau flottant, garni de toasts, d'œufs brouillés, de bacon, de pancakes, de thé et de jus d'orange.
- Ouaiiiiiis ! Petit déjeuner au lit ! s'exclama Cassandre, en sautant de joie pendant que les oreilles de Pattenrond se dressaient et qu'il ouvrait un œil avide à l'entente de ces mots.
Severus lança un regard entendu à Hermione, qui sourit face à ce tableau qui lui avait tant manqué. Le monde sorcier pouvait bien attendre une journée de plus après tout.
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Plus tard ce soir-là, après qu'ils aient passé la journée au salon avec Cassandre, Severus et Hermione s'étaient attablés dans la cuisine, une tasse de thé à la main, afin que la jeune femme lui raconte enfin sa mission.
Fouillant dans son petit sac en perles qu'elle ne quittait jamais, Hermione en sortit un grimoire à l'allure austère et dont la couverture laissait penser qu'il était encore plus vieux qu'il n'en avait l'air.
Elle le posa sur la table et le fit glisser vers Severus, qui le plaça face à lui pour en lire le titre :
- Le Malleus Maleficarum ? Il redressa la tête pour la regarder. Qu'est-ce que tu fais avec ce ramassis de conneries écrit par deux moldus sexistes et imbus de leur personne, destiné à justifier leur haine des femmes ?
Hermione eut un petit rictus face à la remarque de Severus.
- Bien, je vois que tes connaissances en matière de culture moldue et de féminisme sont intactes.
- Hermione…
- Mon cher mari, il est de notoriété publique que la patience n'est pas l'une de tes vertus, mais laisse-moi t'expliquer tout cela dans l'ordre, s'il te plaît.
Piqué, Severus se renfrogna et se laissa aller jusque dans le fond de sa chaise, croisant ses bras sur son torse et fixant sa femme afin de lui signifier de lui offrir les explications qu'il attendait.
Lui lançant un regard entendu, Hermione continua :
- C'est effectivement un exemplaire du Malleus Maleficarum, mais ce n'est pas n'importe lequel. Il s'agit en fait du tout premier exemplaire édité.
Severus roula des yeux, ennuyé.
- Bien qu'il soit sans doute d'une valeur pécuniaire inestimable – et c'est bien là la seule, si tu veux mon avis - cela ne me dit toujours pas ce qu'il fait en ta possession.
Ne prêtant pas attention à la remarque sarcastique de son mari, Hermione poursuivit ses explications.
- Tu sais qu'avant de partir pour cette dernière mission, j'ai effectué des recherches sur un rituel de magie ancienne, qui n'aurait été utilisé que peu de fois dans l'histoire de la Magie et dont la puissance dépasse largement les pouvoirs que nous avons aujourd'hui.
Un rituel qui daterait de l'époque romaine et dont on aurait notamment attribué la création à Merlin lui-même. Personnellement je doute fortement de cette théorie, même si je pense que son créateur a dû être un contemporain de Merlin et Morgane. Peut-être un de leurs élèves pour ce que j'en sais…
- Hermione…
- Bref, en compilant diverses sources d'informations, j'en ai finalement retrouvé la trace en France.
Severus s'était redressé sur sa chaise, maintenant pleinement attentif. Il l'observait par-dessus sa tasse de thé, les sourcils froncés par la concentration.
- Continue.
- Ces sources parlaient toutes de la nécessité de le dissimuler, car il avait par le passé causé de nombreux dégâts aux diverses populations magiques qui y ont été confrontées. C'est là qu'intervient le Malleus Maleficarum. Car quel meilleur endroit pour cacher un rituel d'une puissance magique inégalable qu'un livre destiné à la chasse aux sorcières ?
Concentré, Severus se contenta d'acquiescer à cette dernière remarque.
- Après la mise à l'Index du livre, un sorcier a donc récupéré cet exemplaire et y a consigné le rituel. Sa famille en a ensuite eu la garde et le livre s'est transmis de génération en génération, jusqu'à ce que peu à peu le secret se perde et ne devienne plus qu'une légende familiale un peu excentrique.
À la mort du dernier héritier, en raison de sa valeur historique importante et des dettes contractées par son propriétaire, la bibliothèque complète de la famille a été évaluée par un huissier et confiée à la Bibliothèque Nationale de France. C'est là que je l'ai retrouvé.
L'ébauche d'un sourire se dessina sur les lèvres du sombre potionniste, attirant un froncement de sourcils de la part de sa femme. D'un signe de tête elle lui enjoignit de s'exprimer.
- Tu es en train de me dire que toi, Hermione Granger, tu as volé un livre dans une bibliothèque ?
Il avait dit cela d'un ton moqueur, celui qu'il utilisait en classe des années auparavant lorsqu'il épinglait les plus mauvais élèves de sa classe de potion.
Hermione renifla face à la moquerie.
- Très drôle, Severus.
- Tu avoueras que ça l'est tout de même un peu.
- Oui eh bien figure-toi que ce n'était pas vraiment une partie de plaisir. J'ai mis des jours à ruser, ne serait-ce que pour pouvoir le consulter et l'examiner à ma guise, à base de différents sorts complexes, afin de m'assurer que c'était le bon exemplaire et que j'allais y trouver ce que je cherchais. Ensuite il a fallu que je réalise une copie parfaite de l'ouvrage pour le laisser sur place, afin de n'éveiller aucun soupçon de la part des conservateurs moldus de la bibliothèque.
- Tu aurais tout simplement pu te désillusionner et le voler, lâcha-t-il pragmatique.
- Et attirer l'attention sur le vol mystérieux d'un livre sur la chasse aux sorcières, ayant eu lieu dans la plus grande et la plus sécurisée des bibliothèques de France ? Même si ce sort a disparu de la plupart des mémoires, il n'en reste pas moins qu'un tel vol aurait paru suspect. Quelqu'un avec un minimum de jugeote aurait facilement pu en tirer les conclusions qui s'imposent. Et nous n'avons pas le luxe de nous permettre ce genre de contretemps.
- Un point pour toi.
- Et ça se dit espion.
Severus lui lança un regard noir et se renfrogna.
- Je viens de te faire un compliment, je te signale.
- Après avoir douté de mes capacités quelques instants avant.
- Je te l'accorde.
Bien sûr, il n'allait pas s'excuser. C'était typique. Foutu Serpentard.
Soupirant de lassitude face à l'attitude de l'homme à côté d'elle, Hermione reprit :
- Cela m'a également pris pas mal de temps pour trouver l'emplacement exact de ce sortilège, ce qui fait que j'ai eu le déplaisir d'avoir à lire plusieurs fois cette abomination sexiste. Une fois cela fait, il m'a encore fallu trouver comment le faire apparaître. Ce livre était protégé par une série de sorts anciens et complexes qu'il m'a fallu examiner attentivement. Je ne pouvais pas me permettre de voir le texte s'effacer au moindre sort inapproprié.
- Certes.
- Cependant, une fois ce problème résolu, un autre s'est évidemment présenté.
Pendant qu'elle parlait, Hermione avait attiré le livre à elle pour le feuilleter jusqu'à une page précise. Agitant doucement sa baguette au-dessus de celle-ci, tout en psalmodiant une série d'enchantements que Severus peina à reconnaître, elle révéla une tout autre page par-dessus la précédente.
Elle lui passa ensuite le livre et il arqua un sourcil :
- Du gaélique ?
Severus était à présent penché sur le texte pour l'étudier attentivement, ayant même fait apparaître sur son nez, les lunettes de lecture qu'il utilisait à présent en soirée pour reposer sa vue.
- Oui, acquiesça Hermione, mais pas seulement. C'est plutôt un savant mélange de gaélique, de latin et d'écriture oghamique. Une chose est sûre, les personnes qui ont réalisé cette transcription ne voulaient vraiment pas que ce sort soit de nouveau utilisé. Et autant te dire que même avec mes propres connaissances, ce texte est intraduisible. Et je savais que cela dépassait également tes propres connaissances linguistiques.
- En effet, je serais bien incapable de traduire cette chose, quelle qu'elle soit.
- J'ai donc été obligée de faire appel à une aide extérieure.
À ces mots, Severus se redressa sur sa chaise et fixa sa femme d'un air méfiant.
- Rassure-toi, j'ai été extrêmement prudente. Comme j'étais en France, je me suis rappelée que la dernière fois que je l'avais vue, Fleur m'avait dit que sa sœur Gabrielle avait entamé des études de lettres anciennes. Je me suis donc rendue au domaine de la famille Delacour.
Severus était maintenant véritablement choqué, ce qui se traduisait chez lui par un regard noir, extrêmement perçant qui aurait fait fondre en larmes n'importe quel élève de première année. Sa voix était également aussi froide qu'un soir d'hiver.
- Sous ta véritable apparence ?
- Pas au début, mais j'ai tout de même dû la leur montrer et leur révéler la vérité afin de gagner leur confiance. Sans ça, ils se seraient méfiés dès que je leur aurais montré le grimoire et qui sait ce qui se serait alors passé.
- Hermione…
La voix de Severus n'était maintenant plus qu'un mince filet grondant et menaçant.
- Je leur ai dit que je ne resterais que le temps nécessaire à la traduction du rituel et qu'avant mon départ je leur ôterais leurs souvenirs du grimoire et de moi-même, pour les protéger.
Le visage de Severus visage était blanc à présent, mais elle voyait ses pupilles flamboyer d'une colère contenue. Elle continua néanmoins son explication :
- Gabrielle est parvenue à traduire la page en un peu moins d'une semaine. Puis, j'ai récolté leurs souvenirs à tous les trois, que j'ai placés dans ces flacons afin de pouvoir les leur rendre en temps voulu, dit-elle en les sortant de son sac. J'ai ensuite repris l'apparence que j'arborais en arrivant, je les ai tous soumis au sortilège de l'Oubliette, et je suis repartie. Après cela, j'ai entrepris de rentrer, en faisant évidemment plusieurs haltes sur le chemin afin de brouiller les pistes, au cas où j'aurais été suivie.
Severus la regardait à présent froidement, ses pupilles dilatées par la colère fixées aux siennes, tandis qu'elle sentait gronder en lui sa magie. La puissance de l'homme frémissait autour d'elle, comme une panthère aux aguets, faisant se dresser les poils sur ses bras.
La réaction qu'elle redoutait ne se fit pas attendre.
- Tu as été totalement imprudente ! Tu te rappelles que tu es morte n'est-ce pas ? MORTE ! Tu sais au moins ce que cela signifie ? Tu te rappelles le temps et l'énergie que nous avons pris à élaborer ce subterfuge ? explosa-t-il.
- Bien mieux que toi, il me semble ! s'exclama-t-elle en retour. Rappelle-moi qui a dû se laisser enfermer dans un cercueil pour parfaire le scénario ? Qui a dû rester stoïque pendant que ses amis la pleuraient ?
- Justement ! Imagine que quelque chose ait mal tourné durant ton séjour français ! Cette fois-ci tu aurais pu te retrouver véritablement dans un cercueil et il n'y aurait eu personne pour te pleurer, puisque personne ne l'aurait su ! Tu as pensé à moi ? Tu as pensé à ta FILLE ?
Il la dominait maintenant de toute sa hauteur, dardant sur elles ses orbes noirs, pendant que les lumières de la pièce se mettaient à clignoter, signe qu'il n'était plus totalement maître de ses émotions.
Nullement terrifiée par la colère de son compagnon, mais plutôt galvanisée par celle-ci, Hermione se redressa face à lui, soutenant froidement son regard.
- Qu'est-ce que tu crois ? Bien sûr que j'y ai pensé ! J'ai crevé de trouille pendant tout le temps où j'étais là-bas, à espérer que j'avais fait le bon choix et que personne ne me trahirait ! Bordel, j'ai à peine dormi durant ces cinq jours, ma baguette toujours à la main, sursautant au moindre bruit suspect !
Elle fit un pas vers lui, pointant un doigt accusateur sur son torse.
- De plus je te rappelle que je suis peut-être ta femme et la mère de ta fille, mais je suis aussi et surtout une espionne et une combattante aguerrie, que tu as toi-même contribué à former ! Et lorsque je suis en mission, je suis avant tout ces deux personnes, car c'est une question de survie !
Severus s'était légèrement reculé devant la fureur de sa femme, qui continua sur sa lancée, des étincelles de magie commençant à crépiter dans ses cheveux, les faisant frisoter.
- Maintenant tu vas m'écouter très attentivement Severus Snape : quel qu'ait été ton degré d'inquiétude durant ces derniers mois, je ne te permets pas de mettre en doute mes capacités, ni de me reprocher mes choix stratégiques et encore moins de me culpabiliser sur ceux-ci en mentionnant notre fille !
Severus fixait maintenant la femme face à lui avec un regard plus calme et même quelque peu… contrit ? Oh bien sûr, personne d'autre qu'Hermione n'aurait pu percevoir cette lueur dans ses yeux, mais il savait qu'elle l'avait vue.
Il n'en menait pas large face à son discours, tout simplement parce qu'en analysant ses paroles, il comprit qu'elle avait raison.
L'entendre lui raconter sa mission l'avait fait frissonner. Savoir qu'elle avait pris autant de risques, s'ajoutait au souvenir des cicatrices présentes dans son dos. Même s'il savait sa femme parfaitement capable de se défendre dans des circonstances bien pires, cela le rendait pleinement conscient d'un fait certain : elle n'était pas invincible.
Merlin ! Cette femme était littéralement le centre de son univers depuis presque six ans, mais c'était comme s'il n'en prenait conscience que maintenant.
Comme si elle avait suivi le fil de ses pensées - ce qui était probablement le cas - Hermione s'approcha de lui et posa tendrement sa main sur sa joue, lui faisant reprendre pied avec la réalité. Il ferma les yeux à ce contact.
- Tu es calmé à présent ?
- Je pense, soupira-t-il en passant une main sur son visage fatigué.
Il posa ensuite son regard sur Hermione, plongeant profondément dans ses prunelles ambrées pour lui ouvrir son esprit, afin de lui partager silencieusement ce qu'il ne pouvait pas exprimer avec des mots. La vague de sensations qui l'atteignit était familière et réconfortante, semblable à une flambée dans la cheminée, bien que rehaussée de ce sentiment d'impuissance silencieuse qu'elle avait lu dans ses yeux quelques instants plus tôt.
En retour, elle lui renvoya ses propres sentiments, doux et chauds, avec tout de même une pointe d'agacement qu'il accueillit avec un rictus crispé.
- Excuse-moi de m'être emporté comme cela. J'ai été idiot.
Il fit un pas vers elle et ouvrit ses bras, dans une invitation explicite à se faire pardonner. Souriant légèrement, Hermione se coula dans ses bras, pendant qu'il les resserrait autour d'elle, alors que tout son corps, crispé jusque-là, se détendait progressivement.
- Oui eh bien, que ça ne devienne pas une habitude souffla-t-elle contre son torse. Je déteste le Severus idiot.
Il eut un rire étouffé, pendant qu'il posait un léger baiser sur sa tignasse maintenant totalement ébouriffée.
- Je ne l'aime pas beaucoup non plus.
Elle profita de la quiétude de cet instant, avant de doucement se détacher de son étreinte tout en restant dans le cercle de ses bras, pour lever la tête vers lui.
- Les risques que j'ai pris étaient calculés.
Il hocha la tête.
- Je sais.
- Je ne l'aurais pas fait si ça n'avait pas été d'une importance capitale.
- C'est évident.
D'un accord tacite, ils rejoignirent la table de la cuisine pour s'y asseoir côte à côte, laissant lentement retomber toute la colère et la crispation des dernières minutes.
D'un mouvement de baguette, Severus fit apparaître une nouvelle tasse de thé devant eux et d'un signe de tête, encouragea Hermione à reprendre ses explications.
Elle tourna sa chaise pour se positionner un peu plus face à lui et reprit :
- Sans ce coup de poker, on en serait toujours au même point, à tourner en rond et à seulement se contenter de limiter la casse en évacuant les différentes cibles des Mangemorts, comme on le fait depuis toutes ces années. Alors qu'aujourd'hui grâce à cela, nous avons une véritable chance de vaincre. Regarde.
Elle sortit un parchemin de son sac et le poussa vers lui. Severus s'en empara pour en entamer la lecture, ses yeux volant d'un bout à l'autre de la page pendant que sa bouche murmurait pour lui-même.
Quand il eut terminé, il laissa retomber le parchemin devant lui et la fixa.
- Je suppose que tu as tout vérifié une bonne douzaine de fois.
- Tu supposes bien.
- Donc tu es sûre de toi ?
Elle roula des yeux face à son insistance.
- Si tu me poses encore une fois cette question Severus, je te promets que je te stupéfixie.
Le sorcier posa sur elle son regard noir au fond duquel brillait une étincelle d'admiration.
- Hermione, je pense que tu viens de sauver le Monde Magique.
Un petit sourire satisfait vint fleurir sur les lèvres de la sorcière.
- Je sais.
