Hey !
J'imagine qu'avec le chapitre précédent, tout le monde attendait la suite avec impatience.
La voici !
Pudding s'était arrêtée sur un îlot rocheux suffisamment élevé éviter la houle mais elle ne tiendrait pas ici bien longtemps. King lui avait annoncé une heure ou deux, il devait absolument se dépêcher. Le vent était tellement puissant que Rabiyan ne pouvait plus voler correctement. A présent, le tapis lui servait de manteau mais il ne la protégeait pas de la pluie qui lui fouettait le visage.
Elle se sentait idiote à présent. Elle avait foncé à la poursuite du lunaria sans réfléchir et maintenant il allait perdre du temps à la chercher au lieu d'aller arrêter Katakuri. Elle se consolait en se répétant que si elle n'avait pas quitté les eaux de Totto Land, elle n'aurait sûrement jamais pu le joindre à temps, ni s'assurer qu'il avait toujours eu l'intention de revenir.
Elle grelottait de plus en plus quand une gigantesque créature ailée de la taille d'un manoir tomba du ciel, juste devant elle. Elle tomba à la renverse et hurla, persuadée de voir sa dernière heure arriver. Le monstre non identifié allait l'avaler et elle pouvait dire adieu à ses rêves. L'animal replia ses ailes sous ses aisselles et se tourna vers elle, son immense bec près à la gober. Elle se protégea la tête comme un dernier réflexe de survie, persuadée qu'il allait la déchiqueter, puis elle remarqua sa crinière blanche et le tatouage autour de son œil perçant.
— Calme toi, c'est moi.
/
La pauvre Pudding eut besoin d'un moment avant de comprendre que l'énorme ptéranodon qui la toisait n'avait pas l'intention de la manger.
— King ?! Hurla-t-elle, à la fois d'effroi et à la fois pour couvrir le bruit de la tempête. Tu aurais pu me prévenir que tu étais un zoan ! Qu'est-ce que tu es au juste ?
— On verra ça plus tard, grimpe.
Il lui tendit la patte pour qu'elle l'escalade et monde sur son dos. Elle hésita un instant puis se rappela qu'ils n'avaient pas de temps à perdre. Elle s'accrocha maladroitement à ce qui ressemblait à un coude et il la poussa d'un coup d'épaule. Elle tomba sur son dos.
— Agrippe toi, ordonna-t-il tout en se rapprochant du bord de l'îlot.
— Comment tu as fait pour me retrouver aussi vite ?
— Mes yeux sont efficaces sous cette forme. Maintenant prépare toi, et ferme les yeux.
— Pourquoi ?
— A cause de la vitesse.
Elle se mit à plat ventre sur son cou. Il sentit qu'elle s'accrochait de toutes ses forces à ses vêtements et se calait bien solidement en serrant les jambes. Elle avait l'habitude de voler mais il espérait qu'il ne la perdrait pas en route.
— Tu vas réussir à retrouver le chemin ?
— Sans problèmes. Accroche toi.
Il décolla immédiatement, s'éleva dans le ciel et plana sans difficultés. Il prenait de la vitesse de seconde en seconde. Le vent était avec lui pour le moment et avec de la chance, il serait très vite à Totto Land. Mais il avait besoin de plus d'informations, Pudding ne lui avait pas donné beaucoup de précisions et il avait eu le temps de se faire un sang d'encre. Il voulait laisser le temps à la jeune fille de s'habituer à sa vitesse avant de l'interroger. Mais pour le moment, elle était occupée à lui donner de grandes claques sur l'arrière du crâne. Il ne sentait pas grand chose, sa peau était trop épaisse pour que ça lui fasse le moindre mal, mais le message était parfaitement clair.
— Arrête de me frapper, tu risques de tomber.
— C'est tout. Ce que tu. Mérites ! Cria-t-elle entre chaque baffe.
Il ne pouvait pas lui en vouloir d'être en colère. S'il avait su que son départ déclencherait une catastrophe, il y aurait réfléchi à deux fois. Mais il n'arrivait toujours pas à croire que Katakuri était devenu fou et avait attaqué son propre frère à cause de lui, il avait besoin de comprendre.
— Explique moi ce qu'il se passe plutôt, demanda-t-il à Pudding. Qu'est-ce que ça veut dire Katakuri fait une crise ?
Elle garda le silence une minute avant de répondre. Elle avait cessé de le frapper, King la soupçonnait de chercher les bons mots.
— Je ne sais pas comment t'expliquer, dit-elle. Il est fou de rage, il n'est plus en état de raisonner ou de nous reconnaître. Et il ne s'arrêtera pas tant qu'on ne lui aura pas donné ce qu'il veut. Notre mère aussi... Elle faisait des crises régulièrement, dès qu'elle était contrariée ou bouleversée. Ça lui arrivait au moins une fois par mois, mais il suffisait qu'on lui donne à manger et ça passait.
— A manger ?
— Oui, ses crises étaient liées à ses troubles alimentaires. Elle voulait toujours quelque chose de très précis, et parfois ce n'était pas évident à trouver, mais dès qu'elle mangeait ce qu'elle voulait, elle se calmait.
Elle fit une pause.
— Je n'aurais jamais imaginé que Katakuri souffrirait du même mal, dit-elle dans un souffle. Il nous l'avait bien caché. Et maintenant, on ne peut rien faire pour l'arrêter.
King se sentait de plus en plus mal. Il avait déclenché cette crise malgré lui. Mais maintenant qu'il y pensait plus sérieusement, il n'était pas surpris. Il avait toujours tenu Katakuri pour un champion du sang-froid. Depuis leur première rencontre, il avait toujours fait preuve d'un sérieux exemplaire et il ne l'avait jamais vu s'emporter ou se mettre vraiment en colère. Il avait élevé la voix ou avait ronchonné, mais jamais il n'avait perdu le contrôle. Il aurait dû se douter — il était bien placé pour le savoir — que Katakuri n'était qu'une bombe sur le point d'exploser.
Quelqu'un comme lui, qui passait sa vie le nez dans le boulot et qui se préoccupait beaucoup trop du regard d'autrui... Ce n'était qu'une question de temps avant que toutes ses frustrations ne prennent le dessus sur lui. La disparition soudaine de King était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Il aurait dû le comprendre.
Il se rappela alors ce que Katakuri lui avait dit, le soir de la Tea Party ; qu'il était celui de la famille qui ressemblait le plus à leur mère. C'était donc de ça qu'il parlait.
— Le problème, c'est que personne ne sait comment stopper sa crise à lui parce qu'il ne nous dit rien, reprit Pudding, Mais moi je pense que c'est toi qui peut le faire. C'est ton absence qui a causé ça alors à toi de t'en occuper ! Répare tes propres dégâts !
Il ne dit rien. Il méritait de se faire engueuler. Il était toujours incapable d'imaginer Katakuri hors de lui au point de ne plus pouvoir communiquer. Il avait peur de ce qu'il allait trouver à son retour.
— Et si tu te trompes ? Dit-il à Pudding. Si ma présence ne suffit pas ?
Elle le frappa de nouveau.
— N'essaye même pas de te défiler ! C'est la seule solution alors dépêche toi de rentrer !
— Je ne dis pas que c'est pas ma faute, je dis juste que je sais ce que c'est de faire une crise de rage. Il faut envisager que ça ne se passe pas comme on l'espère.
Il ne termina pas sa phrase et elle resserra sa prise sur sa nuque.
— Je sais que j'ai raison, gémit-elle. Je l'ai vu sur son visage quand il m'a demandé où tu étais. Il était désespéré.
King imagina Katakuri le chercher partout avant de réaliser qu'il l'avait laissé sans dire un mot et il se sentit encore plus mal. Tout ce qui lui avait semblé terriblement important i peine quelques heures était devenu ridicule. Il avait toujours besoin de retourner à Wano, il avait une page à tourner, mais sa loyauté était devenue absurde. Il avait donné la priorité à son bienfaiteur décédé et avait négligé l'homme qui l'avait traité comme personne d'autre avant lui et qui était bien vivant.
C'était impardonnable.
Il était encore trop secoué pour que ses pensées se mettent en ordre toutes seules. Mais il savait que Pudding disait la vérité. Si ces "crises" devaient être calmées par un manque urgent, alors il n'avait plus qu'à accélérer.
— Qu'est-ce qu'il a détruit exactement ? Demanda-t-il à nouveau, sans la laisser voir son tourment intérieur.
— A l'heure qu'il est, je pense que Sweet City n'existe plus. Smoothie et Cracker doivent l'empêcher de quitter l'île. J'espère qu'ils vont y arriver.
Si Oven était tombé au champ d'honneur, King n'avait que peu d'espoir pour les autres. C'était ce qui l'inquiétait le plus, qu'est-ce qui se passerait quand Katakuri reprendrait ses esprits et réaliserait qu'il avait massacré son propre frère ? Il ne devait pas le laisser approcher les autres. Sinon, il ne s'en remettrait jamais.
Pudding remua sur son dos et la nervosité de King le força à s'agacer.
— Arrête de gigoter, je ne veux pas avoir à te repêcher si tu tombes !
— Mon escargophone sonne ! Précisa-t-elle.
King fit de son mieux pour se concentrer sur le son de sa voix. Son ouïe n'était pas au mieux sous cette forme et en pleine tempête. Et il s'en voulait toujours de ne pas avoir décroché son propre escargophone plus tôt, il était hors de question qu'il rate encore des informations précieuses. Pudding répondit à l'appel et King entendit la voix de Brûlée. Il ne réussit pas à entendre les premiers échanges mais Pudding essayait de la rassurer.
— Tout va bien ! Je l'ai trouvé, nous sommes en route ! ... Le plus vite possible !
La voix de Brûlée lui parvint au bout de quelques secondes. D'après ce qu'il entendait, elle n'était pas loin de la crise elle aussi.
— ... de le ramener, que je puisse lui tordre le cou en personne !
— C'est Pudding ? Demanda une autre voix, plus grave et plus autoritaire, que King identifia comme étant celle de Daifuku. Idiote ! Qu'est-ce qui t'as pris de partir à l'aveuglette ? Tu crois qu'on a pas assez de problèmes comme ça ?
Pudding se recroquevilla contre la nuque de King et il devina qu'elle avait peur de lui.
— Quelle est la situation ? Demanda-t-il pour venir à la rescousse.
Daifuku hésita un instant avant de répondre. Il devait rechigner à parler à celui qui avait mit son frère dans tout ses états mais il avait aussi besoin de toute l'aide possible.
— Katakuri est toujours sur Whole Cake. Oven et moi avons échoué à l'éloigner Sweet City. Il est toujours en train de la détruire, j'ai arrêté d'estimer les dégâts. Dans quelques minutes, il n'y aura plus rien et il changera de coin.
Un sanglot de Brûlée se fit entendre et Pudding se précipita sur le combiné.
— Et Oven ! Est-ce que... ?
— Ca va, répondit Daifuku.
King soupira de soulagement et Pudding l'imita. Katakuri n'avait pas tué son frère. King savait qu'il n'aurait jamais pu se remettre d'avoir fait une chose pareille.
— Il est toujours dans les vapes mais sa vie n'est pas en danger. Il s'en sort avec un bras et des côtes cassées. Mais si Katakuri est capable de faire ça, ça veut dire qu'aucun d'entre nous ne peut l'arrêter. Alors Pudding, tu vas revenir dans le monde des miroirs et attendre avec nous qu'il s'écroule d'épuisement. Tant qu'il ne quitte pas l'île, ça devrait aller. Les bateaux sont postés tout autour de Whole Cake et prêts à faire feu si besoin.
— On ne peut pas lui tirer dessus ! Se scandalisa Brûlée.
— T'as une meilleure idée ? Il s'est transformé en machine à tuer, tu voudrais qu'il s'en prenne encore l'un d'entre nous ? Lui ne le voudrait pas.
— Inutile d'en arriver là, je vais m'en charger, annonça King.
Ils se turent tous pendant quelques secondes. King sentait leur désapprobation même en étant à des kilomètres de là où il se trouvait. Seule Pudding ne doutait pas de lui mais elle attendait patiemment qu'il argumente.
— Je crois que tu ne te rends pas compte de la situation, second de Kaido, grommela Daifuku. Notre frère est déjà un génie du combat quand il est dans son état normal...
— Je sais.
— ... Et maintenant il n'est plus qu'une bête guidée par son instinct de destruction. Il est aussi puissant que notre mère. Tu vas te faire massacrer.
— La seule bête ici, c'est moi, gronda King en réponse, la voix transformée par sa forme de ptéranodon. Je suis de taille à l'affronter.
Pudding lui fit confiance et s'imposa dans la conversation, après tout, elle était celle qui était venue le chercher.
— Faisons lui confiance ! Ce n'est pas comme si on avait le choix. Je suis sûre que son arrivée va calmer Katakuri. Et on les a déjà vus se battre Brûlée, tu sais comme moi que ça peut bien se passer.
— C'était un entraînement, objecta la grande soeur. Mais tu as raison, on ne croule pas sous les options. Alors magnez-vous.
/
Quand King arriva au-dessus de Totto Land, il repéra immédiatement l'île principale de Whole Cake. Elle était en flammes et brillait comme une pierre précieuse sous le ciel noir et menaçant. Une flotte entière était déployée aux alentours, prête à agir si Katakuri s'approchait un peu trop près des côtes et décidait d'utiliser son pouvoir pour traverser l'océan.
Il plongea rapidement vers le sol, ignorant le petit cri surpris de Pudding qui n'arrivait pas à s'habituer à sa vitesse. Il devait faire vite, il fallait que tout ça s'arrête avant que toute la famille Charlotte retire toute son affection à leur frère aîné. Il se posa avec souplesse sur le sol, repliant ses bras sous son corps et attendit que Pudding descende avant de reprendre forme humaine. Il valait mieux approcher Katakuri avec un visage familier.
Pudding étouffa un cri en voyant l'état dans lequel se trouvait la ville qu'elle connaissait si bien. L'assaut de Chapeau de Paille l'avait endommagée mais c'était bien Katakuri qui l'avait réduite à néant.
— File maintenant, dit King à Pudding. Retourne auprès de tes frères et sœurs et laisse moi faire.
— Je peux peut-être aider. Si je m'approche assez près de lui et que j'utilise mon pouvoir peut-être que je pourrais le ramener à la raison ?
L'idée n'était pas mauvaise mais il savait que Katakuri ne lui pardonnerait pas d'entraîner sa cadette dans cette histoire. Et il voulait assumer la responsabilité de ses actes, puisqu'il l'avait mis dans cet état c'était son problème.
— Non, je vais me débrouiller. Toi va-t-en avant de prendre un mauvais coup.
Comme elle n'insista pas, il comprit qu'elle n'avait pas tellement envie de se frotter à un Katakuri enragé. Elle grimpa sur son tapis volant et décolla du sol, sans pour autant le laisser seul.
— Sois prudent, ne le sous estime pas.
— C'est moi que tu sous estimes, répliqua-t-il. Et je croyais que tu étais sûre que ma présence serait suffisante ?
— Je sais mais... On ne sait jamais.
Il devina qu'elle n'avait pas imaginé que l'île serait aussi dévastée.
— J'ai l'habitude de m'occuper de Kaido quand il est complètement bourré. Ton frère me paraît facile en comparaison.
Il lui adressa un sourire pour la rassurer mais elle semblait toujours sincèrement inquiète pour sa sécurité.
— Sauve toi, dit-il d'une voix plus ferme.
Elle obéit et s'envola dans le ciel à toute vitesse malgré la que King n'avait plus que Katakuri à s'occuper, il s'avança dans les décombres.
Katakuri n'était pas visible mais grâce aux informations de Daifuku, il savait qu'il n'était pas loin. Il n'avait qu'à suivre le bruit sourd des explosions pour le retrouver. Son angoisse augmentait à chaque pas, il avait fanfaronné devant Pudding mais il avait peur de ce qu'il allait voir. Les ravages autour de lui prouvaient que le pauvre Katakuri avait véritablement perdu l'esprit. Tout était en miettes et les corps des malheureux qui n'avaient pas pu échapper à sa colère jonchaient le sol.
Ce genre de dégâts lui rappelaient quelque chose : lui-même. Plus jeune, il avait déjà été furieux au point de tout détruire autour de lui et de calmer les démons qui le hantait. Katakuri, à qui sa mère avait légué sa folie, n'avait fait que se lâcher à son tour. Et des décennies de rage accumulée ne s'estompaient pas facilement. Il n'était pas sûr que le dialogue suffirait. Il n'avait plus qu'à espérer que Pudding avait raison.
Il le trouva enfin, près de la baie où on leur avait annoncé la mort des deux empereurs. Il n'eut aucun mal à reconnaître sa silhouette massive qui s'extirpait des gravats d'un immeuble. Cette vision lui serra le cœur et lui fit bien plus mal que ce qu'il avait d'abord imaginé. Katakuri, pâle et tout crocs dehors, n'était plus que l'incarnation d'une force brute destinée à détruire. Son visage calme avait laissé place à une expression de fureur meurtrière. Toute bienveillance avait disparu de son être. Mais ce qui lui faisait le plus mal, c'était de voir les blessures qu'il s'était infligées lui même. Son flanc droit laissait apparaître une blessure béante et ensanglantée dont il ne semblait même pas ressentir la douleur. Il n'avait plus aucune conscience du danger. Son visage aussi avait été malmené, à force de foncer tête baissée dans la mêlée, et d'autres traces de coups étaient visibles sur ses bras. Oven s'était sans doute défendu.
King avait malheureusement trop l'habitude d'assister à ça pour ne pas avoir envie de hurler. Il avait passé toute sa vie à souffrir de son impuissance, forcé de regarder Kaido se noyer dans sa dépression et se détruire à petit feu. Et ça recommençait. Avant Katakuri, il n'avait jamais eu d'estime pour qui que ce soit d'autre que son bienfaiteur et qu'est-ce qu'il avait fait ? Dans toute sa bêtise, il l'avait laissé seul. Pourtant il savait que Katakuri était dans un état vulnérable avant son départ. Il l'avait bien caché mais il n'aurait pas dû se laisser avoir. Il aurait dû être présent pour lui, comme il l'avait toujours été pour Kaido.
Il ne supportait pas l'idée d'avoir laissé tout ça arriver. Ça aurait du être son rôle d'empêcher ce désastre et cette souffrance.
Mais il n'était pas encore trop tard, il pouvait encore arranger les choses et cette fois il ne le laisserait pas se faire plus de mal. Plus jamais il ne subirait le spectacle de la personne la plus importante de sa vie en pleine autodestruction. Il savait où placer sa loyauté désormais.
Il s'approcha doucement, pour ne pas surprendre Katakuri, et attendit d'être dans son champ de vision avant de l'appeler. La fumée et la pluie rendait tout cela difficile mais il parvint à le rejoindre rapidement et s'arrêta à une distance raisonnable — au cas où Pudding se trompait et que sa présence n'était pas suffisante pour le calmer.
— Katakuri ! Appela-t-il, avec moins d'assurance que ce qu'il avait espéré.
L'intéressé réagit à l'appel de son nom, mais plus par instinct que parce qu'il se sentait concerné. Son expression farouche ne changea pas. Il riva ses yeux vides sur lui et lui répondit par une explosion de haki royal qui frappa King avec autant de violence que si il l'avait giflé.
Il avait l'habitude, il lui en fallait plus pour flancher. Mais la façon dont il avait relâché sa puissance n'augurait rien de bon. Il réagissait comme un animal pris au piège et le déconseillait instinctivement d'approcher sans quoi il devrait assumer les conséquences de son audace. Mais King n'avait pas le choix, il devait atteindre son esprit. Il fit encore quelques pas sans avoir la moindre idée des mots qu'il devait choisir.
— Je n'ai jamais eu l'intention de m'en aller ! Dit-il avec maladresse, incertain de l'effet que ses mots pouvaient avoir sur Katakuri.
Katakuri ne réagit pas tout de suite. Mais quand il se recroquevilla, King comprit que sa tentative avait échoué. Il amorça un mouvement pour esquiver l'attaque à venir mais il ne fut pas assez rapide. Propulsé par son pouvoir Katakuri lui rentra dedans avant qu'il ne puisse cligner des yeux et lui asséna un coup violent avec son avant-bras. La violence du choc le surprit et lui coupa le souffle pendant quelques secondes, le temps de rebondir plusieurs fois sur le sol derrière lui et de terminer sa chute dans les gravats d'un bâtiment fraîchement démoli.
/
— Oh non ! S'exclama Pudding d'une voix désespérée, depuis son tapis volant.
Elle aurait dû écouter King et s'en aller mais elle en avait été incapable.
Elle avait voulu voir comment cette rencontre allait se dérouler et maintenant elle avait envie de pleurer. Il avait frappé King sans hésiter une seconde et l'avait projeté au loin. Si même sa présence ne faisait aucun effet à son frère enragé, les choses allaient très mal se terminer. Inquiète pour King, elle guida son tapis jusqu'à lui, priant pour que Katakuri ne s'aperçoive pas de sa présence.
Elle fut brièvement soulagé de le voir se relever sans mal et secouer la tête pour chasser les cheveux et les graviers qui gênaient sa vision. Il n'avait pas une égratignure mais il ne pouvait pas ne pas avoir été surpris par cette attaque. Il leva la tête et vit Pudding, il ne lui laissa pas le temps de lui demander comment il allait.
— Qu'est-ce que tu fais encore là toi ? Dégage tout de suite !
— Il t'a frappé, glapit-elle, en proie à la peur.
— Il cogne dur mais j'ai connu pire, grogna-t-il. Laisse moi m'en occuper !
— Tu ne pourras pas le ramener à la raison, réalisa-t-elle soudain. Laisse moi te guider jusqu'à un miroir ! Il ne va pas s'arrêter !
— Je sais. Mais il est hors de question que je m'en aille.
Elle comprenait son choix mais elle n'avait aucune envie de les voir s'entre-tuer. C'était le pire dénouement possible ! Elle insista.
— Il va te massacrer, comment tu crois qu'il se sentira quand il reprendra ses esprits et verra ce qu'il t'a fait ? Ne fais pas ça !
King ne l'écouta pas et se transforma aussitôt en énorme ptéranodon. Il tourna son énorme tête menaçante vers elle et lui rappela qu'il n'était pas n'importe qui.
— Si tu crois que je suis si facile à tuer, tu fais une grosse erreur, gronda-t-il de sa voix animale.
— Mais...
— Je peux encaisser.
Il ne la laissa pas terminer et fonça pour stopper Katakuri — qui ne l'avait pas oublié et qui se précipita déjà sur lui. Il bondit sur son torse et le plaqua au sol avant qu'il ne s'aperçoive de la présence de Pudding.
Elle regarda les deux géants se débattre, complètement stupéfaite par leur force. Katakuri, furieux d'avoir été renversé, s'accrochait au bec de King et luttait pour se relever en hurlant. Les ailes gigantesques de King battaient l'air avec force et le maintenait cloué au sol, les griffes plantées dans sa chair.
— Tire toi de là ! Rugit King à son attention, sans lâcher Katakuri des yeux.
Il avait raison, il n'y avait que lui pour faire face à une force de la nature comme Katakuri. Elle fila dans le ciel, pour ne pas gêner leur combat et se contenta de son rôle de spectatrice. Elle aurait voulu faire plus mais la suite des évènements appartenait à King.
Son escargophone sonna de nouveau et la voix de Daifuku éclata :
— Où es-tu ?! Smoothie me dit que King est revenu et qu'il affronte Katakuri !
— Je suis juste au-dessus d'eux.
— Reviens immédiatement !
— Non, objecta-t-elle courageusement.
— Tu vas prendre un mauvais coup c'est tout ce que tu vas réussir à faire, tu ne dois pas te trouver dans le champ de vision de Katakuri !
— J'ai confiance en King.
Daifuku n'insista pas et après un bref silence, il lui donna un nouvel ordre.
— Alors trouve un miroir, qu'on puisse voir ce qu'il se passe en direct.
/
Pudding envolée, King se concentra sur Katakuri qui se débattait sous ses serres. Une sensation de déjà vu le parcourut. Il savait qu'il ne pourrait pas le retenir indéfiniment. Pas comme ça. Il reprit sa forme humaine et lui attrapa les poings qui menaçaient de lui arracher les membres pour les maintenir au sol.
— Calme toi, grogna-t-il, sans grand espoir d'être entendu.
Mais Katakuri, guidé par son seul instinct, ne lui laissait aucun moment de répit. Il était trop hors de lui pour utiliser sa capacité de clairvoyance mais il maîtrisait parfaitement son pouvoir. De longs tentacules blancs faits de mochi apparurent et s'enroulèrent autour des bras et du cou de King, le forçant à lâcher ses poignets.
Il était incroyablement résistant mais, même pour lui, avoir l'équivalent d'un python géant autour de sa gorge allait le conduire à une mort certaine. Il devait réfléchir vite avant que son cerveau se retrouve privé d'oxygène. Son propre instinct de survie vint à sa rescousse et nimba tout son corps de flammes brûlantes. Le mochi craquela et se ratatina aussitôt, libérant King. Il se dégagea à toute vitesse. Le poing de Katakuri l'atteignit à l'épaule et le déséquilibra un peu mais il tint bon.
King observa son adversaire. Il ne paraissait pas affaibli mais il avait perdu énormément de sang et son torse nu était maintenant brûlé. Il devait le mettre K.O. avant qu'il ne s'inflige de nouvelles blessures plus graves. Mais il n'avait aucune idée de comment s'y prendre. Katakuri n'était plus en état de mettre au point une stratégie mais il était vif, l'approcher de trop près était périlleux.
Katakuri ne le laissa pas réfléchir plus longtemps et bondit en avant, ses multiples bras de mochi parés à frapper. King se transforma et voulut prendre son envol mais il se retrouva cloué au sol. Katakuri avait utilisé l'éveil et le sol était devenu collant. Il lui avait déjà fait ce coup là, ses flammes lui permirent de se dégager mais cette seule seconde de retard suffit pour qu'il prenne un violent coup à la tête. Le choc l'étourdit et l'empêcha de riposter. Heureusement, sa tête caparaçonné de ptéranodon le protégeait assez pour lui permettre de ne pas perdre connaissance.
Mais Katakuri ne s'arrêtait pas de cogner et il ne pouvait pas rester là, à prendre coup sur coup. Il aurait voulu éviter d'en arriver là, mais il n'avait pas le choix : il planta son bec tranchant dans la plaie béante qui trouait le ventre de Katakuri. La douleur le força à reculer et King parvint à se dégager. Il s'envola assez haut au-dessus de lui pour avoir le temps de réfléchir mais encore une fois, Katakuri ne le laissa pas se reposer. Une myriade de bras mochis s'élevèrent dans le ciel pour le saisir au vol. Il était assez rapide pour les éviter mais il allait bien falloir qu'il trouve une solution avant d'être épuisé.
/
— Il va se faire tuer, annonça Daifuku, catégorique.
— Non ! Sûrement pas, protesta Pudding. Il tient le coup.
— Il ne va pas tenir indéfiniment.
— Katakuri non plus !
— C'est pour ça qu'ils doivent intervenir. On a plus le choix et on l'aurait fait si ça avait été Mama. Je vais donner l'ordre.
Pudding serra les dents. Elle ne savait plus qui avait raison.
/
King remarqua qu'un des navires qui encerclaient l'île changeait de position. Il se déplaçait afin que Katakuri — maintenu partiellement immobile par la présence de King — soit dans son champ de tir.
Il avait du mal à y croire, ils allaient le bombarder ? Déjà ? Ils ne pouvaient pas, Katakuri était dans un état bien pire que ce qu'ils imaginaient ! Un coup de canon bien placé pouvait l'achever. Il ne pouvait pas les laisser faire. Il plongea de nouveau au sol et se posa en face de Katakuri, dans la ligne de mire des canons. Son ami se jeta de nouveau sur lui mais s'arrêta en voyant que King s'était transformé en torche humaine.
Il avait déjà fait ça plusieurs fois, c'était le moment de le refaire. Il espérait simplement que Katakuri aurait la présence d'esprit d'esquiver. Il fit appel à sa propre rage et s'enflamma tout entier, brûlant la totalité du paysage autour de lui. Il manipula le feu de façon à ce qu'un gigantesque mur de flammes se dresse entre la côte et Katakuri. L'incendie se propagea tout autour d'eux et les enferma tous les deux, détruisant tout ce qu'il pouvait bien rester de Sweet City et les cachant aux yeux de ceux qui menaçaient de faire feu sur leur frère.
King se fit la réflexion qu'à son réveil, Katakuri culpabiliserait sûrement moins de ce qui était arrivé à la ville maintenant que c'était lui le principal responsable de son annihilation.
/
— L'enfoiré, grogna Daifuku. Pourquoi il a fait ça ?
— Sûrement pour piéger Katakuri.
Pudding n'en était pas si sûre mais elle ne dit rien. Elle se contentait d'observer la scène, priant pour que les choses tournent bien.
Le mur de flammes de King était gigantesque. Elle pouvait sentir sa chaleur brûlante même à sa hauteur. Elle s'éleva un peu plus haut encore pour protéger son tapis volant des braises.
/
Katakuri ne se formalisa pas des flammes, il recentra toute son attention sur King et reprit l'assaut. King était plus préparé cette fois, il esquiva cette attaque du mieux qu'il put dans le but de le laisser s'épuiser. Mais il ne faiblissait toujours pas, en dépit de ses affreuses blessures, il était déterminé à le tuer.
Il commençait à se demander si sa présence était vraiment la solution ; après tout, cette colère était dirigée contre lui. Et il la méritait. Il avait laissé Katakuri croire qu'il l'avait abandonné. C'était sa faute. Peut-être que sa mort était la seule chose qui pouvait apaiser Katakuri. Il l'avait trop déçu.
Mais il refusait de croire à cette possibilité. Katakuri n'était pas comme sa mère. Il était victime de ses années passées à refouler la moindre émotion, rien d'autre. Il ne voulait pas le tuer, pas plus qu'il ne voulait détruire son pays ou son frère jumeau.
Il y avait forcément un moyen de le calmer.
King prit un nouveau coup de poing droit dans l'œil. S'il n'avait pas été un lunaria, il aurait été au tapis depuis longtemps. Il faisait de son mieux pour parer les attaques — son agilité de zoan le sauvait — mais il se refusait à rendre les coups. Katakuri ne s'en rendait pas compte mais il était très amoché, c'était un miracle qu'il tienne encore debout. Parfois il le repoussait d'un coup de pied pour mettre de la distance entre eux et gagner du temps. La troisième fois, il lui frappa la mâchoire et cassa une de ses dents. Mais il ne retrouvait toujours pas ses esprits.
Un nouveau coup de tonnerre retentit et la pluie s'accentua. Un éclair attira l'attention de King pendant une seconde et il aperçut Pudding, qui volait encore dans les parages en décrivant des cercles au-dessus des flammes. Il s'agaça tout en continuant de repousser les attaques violentes de son adversaire. Il lui avait dit de dégager, qu'est-ce qu'elle faisait encore là ? Elle n'avait plus rien à lui apprendre.
Tout à coup, les informations qu'elle lui avait donné en venant le chercher défilèrent dans sa tête. Peut-être qu'il avait manqué quelque chose d'important dans son discours ?
Une idée lui vint alors. Une idée incroyablement stupide qui risquait de lui coûter la vie mais un souvenir imprécis de sa toute première rencontre avec Katakuri acheva de le convaincre qu'il fallait essayer. Il devait le forcer à se rappeler. Et peut-être qu'en réalité, ça devait bel et bien passer par le goût, pour lui comme pour sa mère.
Brusquement, il coinça le bras de Katakuri sous son aisselle, se retourna et le balança par dessus son épaule avec un cri de rage, pour qu'il s'écrase encore au sol. Après ça il s'éloigna, le temps de reprendre ses esprits. Il n'avait plus qu'à espérer que ça marche.
Il prit une grande inspiration et laissa les flammes de son dos s'éteindre doucement.
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Pudding comprit que King avait un plan en le voyant se positionner en retrait et ne plus bouger.
— Qu'est-ce qu'il fait ? Murmura-t-elle.
Katakuri se releva sans mal mais il était clair pour tout le monde derrière le miroir qu'il était couvert de son propre sang.
— Ça suffit, il faut vraiment qu'il s'arrête supplia Brûlée. Il va se tuer.
— Si King n'avait pas dressé un mur de flammes...
— Il a une idée, les rassura Pudding.
Son troisième œil ne perdait rien de la scène et elle en voyait plus que ses frères et sœurs qui eux était gênés par les gouttes de pluie sur le miroir. Le visage déterminé de King l'intriguait. Il était en meilleur état que Katakuri mais elle voyait bien qu'il ne voulait pas passer à l'offensive. A ce rythme là, son frère l'aurait à l'usure avant de sombrer à son tour.
Elle pria encore une fois pour que les choses tournent bien.
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Katakuri se remettait debout comme si de rien était mais le sang coulait toujours de sa plaie. Il fallait en finir, tout de suite.
King ne bougeait plus. Il attendait qu'il charge. Il l'encouragea à se dépêcher.
— Allez, viens ! Lui hurla-t-il en ouvrant les bras.
Il serra les dents en anticipant la douleur. Il devait à tout prix garder ses flammes éteintes.
Katakuri poussa un nouveau cri de rage et se rua sur lui. King se raidit, réfléchissant à la meilleure façon de s'exposer. Finalement, quand Katakuri fut assez proche de lui, il fit un pas en avant pour échapper à ses poings et le forcer à se rabattre sur sa meilleure arme. Katakuri ouvrit grand sa mâchoire prodigieuse, les crocs prêts à mordre.
King ferma les yeux. Il attendait l'arrivée de la douleur avec bravoure. Il avait enduré bien pire. Qu'est-ce qu'une morsure comparée aux tortures abjectes que le gouvernement lui avait infligées ? Une seule morsure pour sauver celui qu'il aimait, en mourir ou y survivre peu importe. Du moment qu'il le ramenait.
La mâchoire se referma violemment sur son épaule exposée et les dents de Katakuri s'enfoncèrent dans sa chair avec une aisance spectaculaire. King sentit son sang couler et se répandre sur ses vêtements. Sa peau se déchira petit à petit, Katakuri était en train de lui broyer le bras et la douleur — familière mais foudroyante — le poussa presque à s'évanouir. Mais il ne bougea pas d'un pouce, il attendit.
Un cri lointain, probablement celui de Pudding, parvint à ses oreilles. Il se concentra dessus pour lutter contre l'ignoble souffrance de son muscle qui menaçait d'être arraché à son squelette d'une seconde à l'autre. Mais ça n'arriva pas.
Le temps se figea, la douleur et Katakuri aussi. Il continuait de le mordre mais il ne bougeait plus. Son corps était raide et immobile. King, presque assommé, parvint tout de même à articuler un son.
— C'est moi, dit-il simplement, soulagé d'avoir eu raison.
Il sentit la mâchoire de Katakuri se desserrer et ses crocs relâcher son épaule en lambeaux. Il se mit soudain à trembler et son corps tomba presque, alourdi par ses propres blessures. King le retint doucement de sa main valide, en espérant ne pas le brusquer.
Un son plaintif s'échappa de la bouche de Katakuri.
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— C'est moi.
Ces mots prononcés d'une voix faible manquèrent de le faire tomber. Ses sens lui revinrent par vague, les uns après les autres et le goût du sang frais dans sa bouche lui parut soudain si odieux qu'il ne fut pas loin de vomir. Il avait déjà senti ce goût, une fois, dans des conditions similaires. Est-ce qu'il avait rêvé tout ce temps ? Que s'était-il passé ?
Il se posait la question mais il savait. Il leva les yeux, terrifié par ce qu'il savait qu'il allait voir.
Il n'y avait plus que des ruines et des flammes dévastatrices autour de lui. Il savait où il était mais il ne pouvait pas y croire. Pourtant, la dernière chose dont il se rappelait... Non il n'y avait pas de doute. Un gémissement étranglé lui échappa alors qu'il reprenait ses esprits.
Il avait fait une crise. Et commis un nouveau massacre. Il essaya de chasser cette pensée, de se convaincre que ce n'était que son imagination. Mais sa douleur et le sang sur sa langue ne le laissèrent pas échapper à la réalité. Qu'est-ce qu'il avait fait ?
— C'est moi, répéta King en plaçant sa main avec douceur sur son dos. Je suis là.
Les souvenirs affluèrent dans la tête de Katakuri. Il se rappela sa terreur de tantôt, après avoir comprit que King était parti — il n'était pas parti ? — puis sa déception, sa tristesse. Après ça, c'était le trou noir. Quelques vagues images lui revinrent en mémoire. Quelques mots. Des supplications, le visage de Oven...
Non, il n'avait pas pu faire ça. Il refusait d'y croire. Mais tout autour de lui confirmait sa culpabilité. Il ne restait plus rien après son passage. Et qui sait à qui il avait pu faire du mal en plus du pauvre King qui continuait de saigner abondamment sous son menton.
— Qu'est-ce que j'ai fait ?
Il voulut se détacher de lui pour ne plus lui faire le moindre mal mais King ne le lâcha pas. Il le caressa gentiment, sans bouger.
— Je suis désolé, dit-il dans un sanglot. Je suis désolé...
Cette fois King le prit franchement dans ses bras. Il avait du mal à bouger l'épaule mais il l'enlaça avec délicatesse.
— C'est de ma faute, dit-il. Mais c'est fini maintenant.
Katakuri voulait se laisser mourir contre lui mais il se dégagea de son étreinte pour mieux voir ce qu'il lui avait fait subir. La chemise du pauvre King, son cher King, était recouverte de sang et son visage contusionné témoignait de ce qu'il s'était passé. King tenta de le rattraper mais il fit encore un pas en arrière et, en portant la main à sa bouche, compris ce qu'il avait fait. Il avait encore son sang partout sur le visage.
— Non, gémit-il. Je n'ai pas pu faire ça. Je ne voulais pas...
— Je sais, le rassura King en se rapprochant encore. Pudding m'a expliqué.
Pour la première fois, Katakuri releva les yeux et croisa le regard de King. Il n'était pas moins abattu que lui et il voyait qu'il était submergé par une vague d'émotions puissantes. La tristesse, l'angoisse mais plus que tout : le soulagement.
— Je n'ai jamais eu l'intention de t'abandonner, dit-il soudain, d'une voix qu'il ne lui avait encore jamais entendue. Si j'avais su que... Je suis désolé.
Trop chamboulé pour réagir calmement, Katakuri fut incapable de retenir ses larmes. Entre la catastrophe qu'il avait causée, sa douleur, sa certitude d'avoir blessé des êtres aimés, c'était beaucoup trop. Pourtant, cette simple affirmation de la part de King suffit à lui ôter la douleur qui lui écrasait le cœur et qui lui avait fait perdre la tête.
King amorça un nouveau geste pour le serrer contre lui et cette fois Katakuri ne lutta pas. Au contraire. Il se laissa tomber dans ses bras et — ignorant la pluie et leur douleur à tous les deux — l'écrasa de toutes ses forces. King ne broncha pas. Il lui rendit la pareille et cala sa tête dans son cou. Tous les deux se bercèrent pendant de longues minutes, profitant chacun d'avoir retrouvé l'autre.
Katakuri éprouvait toujours de la colère mais pour le moment il ne voulait rien d'autre que ça : la confirmation que King était bien devant lui.
— Je suis désolé, murmura-t-il encore alors que les flammes réapparaissaient lentement dans son dos.
Comment pouvait-il lui en vouloir.
— Ne fais plus jamais ça, supplia Katakuri, en le serrant plus fort.
King se dégagea de ses bras et Katakuri craignit une seconde qu'il ne s'échappe à nouveau, qu'il ne lui tourne le dos et lui exprime son dégoût d'avoir été si maltraité. A la place, King prit son visage dans ses mains et passa son pouce sur la pommette de Katakuri. Il y avait encore une lueur dans ses yeux. Toujours cette même lueur que celle qu'il avait déjà vue à plusieurs reprises ; d'abord le soir de la Tea Party et aussi la veille, quand il l'avait remercié, et qu'il avait confondue avec du regret. Katakuri eut du mal à soutenir son regard mais il y lisait une tendresse infinie qui lui fit comprendre à quel point il s'était trompé sur son interprétation.
King approcha doucement son visage du sien et l'embrassa.
Ses lèvres chaudes se posèrent sur celles de Katakuri, qui ne réalisa pas tout de suite ce qu'il se passait. Puis la chaleur et l'affection transmise par ce baiser eut raison de lui. Il ferma les yeux et se laissa transporter par ce geste simple et sincère. Il y avait là toute la vérité dont il avait besoin pour chasser sa peine. Ses forces le quittèrent peu à peu, l'énergie qui lui restait se concentra sur le contact inédit et merveilleux d'une bouche aimée sur la sienne, pour la première fois. Il pouvait mourir là, maintenant, il mourrait heureux.
Quand King s'arrêta, il lui caressa le visage du bout du nez et colla son front au sien. Les jambes épuisées de Katakuri chancelèrent. Il s'effondra et King le rattrapa in extremis. Il l'entoura encore de ses bras et ajouta, d'une voix basse :
— Je te ramène.
Katakuri blottit sa tête contre son torse, soudain envahi par une profonde envie de dormir. Il sentait King remuer avec difficulté mais lui ne bougeait pas. Il s'accrocha à son cou pour ne pas tomber et lui fit confiance.
Une autre voix les appela soudain et il se crispa. Il n'était pas prêt à faire face à qui que ce soit d'autre. Il sentit King lever la tête, lui ne se donna pas cette peine. Il préférait se faire oublier.
— Est-ce que ça va ? Demanda Pudding, la voix pleine d'espoir.
— Ça va, répondit King, vraisemblablement rassuré.
Sa petite sœur poussa un soupir heureux. Il était incapable de la regarder, il n'osait pas. Pas après ce qu'il avait fait. Heureusement, King le comprit et coupa court à toute conversation.
— Je retourne sur Komugi, toi va t'occuper des autres. La voie est libre.
— Qu'est-ce que tu comptes faire ?
— Dormir.
— Euh, et les flammes ? Demanda Pudding, légèrement anxieuse.
— Laisse la pluie faire son œuvre.
Le corps du lunaria remua de façon étrange sous l'étreinte de Katakuri et il entendit Pudding pousser une exclamation de surprise. Il comprit qu'il s'était transformé.
— Je n'aime vraiment pas ta tête comme ça, dit-elle.
— Personne ne s'approche de lui jusqu'à nouvel ordre, dit King en ignorant complètement la remarque de sa sœur.
— Je ne sais pas si mes frères vont t'écouter.
— Peu importe, transmets.
Il écarta les bras et Katakuri devina au son qu'il avait déployé ses ailes de ptéranodon. Il s'accrocha un peu plus fermement et ils s'envolèrent ensemble en direction de sa maison.
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Katakuri resta silencieux pendant tout le vol. King se demanda s'il s'était endormi mais il n'osa pas le déranger. Il avait hâte d'arriver à destination. Son épaule le faisait souffrir et il n'avait pas menti à Pudding, l'un comme l'autre avait besoin de dormir. Il fut soulagé d'apercevoir le palais de Katakuri : intact et calme, comme ils l'avaient laissé derrière eux et comme si rien ne s'était passé.
— Où est ta chambre ? Demanda King avec douceur, inquiet à l'idée qu'il se soit évanoui.
— Le balcon juste sous le donut, répondit Katakuri, d'une voix faible.
King plana jusqu'à l'endroit indiqué et reprit sa forme humaine juste avant d'atterrir, tenant Katakuri contre lui pour l'empêcher de tomber. Ils posèrent le pied en même temps sur les dalles du balcon et poussèrent un grognement de douleur à l'unisson. Ils étaient vraiment salement amochés. En d'autres circonstances ce combat aurait été passionnant mais aucun des deux ne voulait plus en parler pour le moment.
Un peu gêné d'avoir été reconduit à sa chambre comme une princesse, Katakuri marmonna qu'il pouvait marcher et quand il reposa ses yeux sur l'épaule de King, il retrouva son caractère habituel.
— Tu dois faire soigner ça au plus vite.
— Toi aussi, répondit King en désignant son ventre lacéré. Tu as perdu beaucoup plus de sang que moi.
Katakuri obtempéra, il n'avait pas la force d'argumenter. Il ouvrit la fenêtre et entra dans sa chambre en traînant les pieds, épuisé par sa crise. King le suivit, intrigué par ce qu'il allait trouver dans cette pièce. Il n'était jamais entré dans la chambre de Katakuri et il restait encore un peu de force en lui pour éprouver de la curiosité. Il posa le pied sur le sol et s'enfonça légèrement dans une matière douce et molletonnée qui faisait office de sol. Amusé — et pas surpris — il entra et referma la fenêtre derrière lui.
Un "plof" sonore retentit et il devina que Katakuri s'était écroulé sur son lit. Il voulait le rejoindre mais il se perdit dans la contemplation de la pièce. Il faisait trop sombre pour que King analyse correctement les couleurs mais le plafond était immense et recouvert d'une fresque peinte affichant diverses créatures fantastiques et personnages héroïques, épées en main. King esquissa un sourire.
Il s'avança dans l'appartement et un rapide tour d'horizon lui permit d'apercevoir une mappemonde géante, une bibliothèque personnelle et un fauteuil rembourré des plus confortables, une porte fermée qui devait donner sur une salle de bain et, là où Katakuri avait filé, un coin encadré par deux rideaux rose au tissu épais. King s'engouffra à sa suite mais n'y trouva qu'une immense pile d'oreillers — eux aussi gigantesques. Il devina où il était passé et s'approcha tout doucement, sur les genoux, malgré les hurlements de son corps qui le suppliait d'arrêter de faire n'importe quoi.
Il souleva un oreiller au hasard et trouva Katakuri caché dessous, comme un gosse. Il ne se moqua pas, il comprenait son besoin de disparaître. Il se demanda soudain si sa présence était souhaitée. Il l'avait mis trop en colère, peut-être qu'il préférait ne pas l'avoir sous les yeux en ce moment.
King préférerait rester, il ne voulait pas répéter les erreurs qu'il avait commises avec Kaido et pensait qu'il devait rester pour prendre soin de lui, mais il respecterait le choix de Katakuri.
— Tu veux que je m'en aille ?
— Non.
— Je peux venir ?
Katakuri, gêné, hocha la tête.
King s'avança dans la pénombre, jusqu'à lui, en se faufilant à travers la montagne d'oreillers qui servait de nid à Katakuri. Il avait des commentaires à faire mais il avait le sentiment que ce n'était pas le moment de le taquiner ou de faire de l'humour. Et il devait bien avouer que tout ça avait l'air incroyablement confortable. Il culpabilisa un instant de venir souiller sa chambre avec son sang. Il ôta sa chemise sale, essuya les dernières traces de sang sur son épaule — heureusement qu'il était d'une bonne constitution, il ne saignait déjà plus — et la balança de l'autre côté des rideaux. Il la ramasserait plus tard.
Katakuri s'écarta légèrement pour lui laisser une place et s'inquiéta de nouveau de sa blessure.
— Tu es sûr que ça va ? Dit-il en le voyant grimacer de douleur.
— J'ai connu pire que ça. Inquiète toi plutôt pour toi, pour une fois.
Katakuri n'insista pas, il se pelotonna contre ses oreillers et regarda King s'installer près de lui, sans dire un mot. Il avait l'air si fatigué, King se maudit de l'avoir mis dans un état pareil. Il s'allongea et après une brève hésitation, ils se rapprochèrent. King s'allongea sur le côté, protégeant son épaule meurtrie et posa sa main sur Katakuri. Il avait peur qu'il ne repousse son geste mais se fut tout le contraire. Katakuri vint se réfugier contre lui.
C'était la première fois qu'ils se retrouvaient peau contre peau. King avait du mal à le réaliser, mais il était trop fatigué pour en faire tout un plat. Il ferma les yeux et profita de la chaleur qui se dégageait de Katakuri.
— Pourquoi tu as fait ça ? Demanda Katakuri d'une voix calme mais sèche.
King ressentit toute la honte de sa décision. Il essaya vaguement d'expliquer ses raisons, se rendant compte à quel point il avait été stupide. Il eut envie de s'enterrer vivant en lui parlant du mot qu'il avait laissé. Tout cela semblait tellement ridicule...
— Tu aurais dû me prévenir, dit Katakuri d'une voix laconique.
— Je ne voulais pas te réveiller.
Là encore, il réalisa sa bêtise. Il n'aurait pas été étonné que Katakuri le gifle et le foute dehors. Mais il ne fit rien. Il garda sa tête calée contre sa gorge, réchauffant la peau de King de son souffle. Mais tout d'un coup il se redressa, le regard terrorisé.
— Oven ! S'exclama-t-il en se prenant la tête dans les mains. Qu'est-ce que j'ai fait à Oven !
King le rattrapa et l'encouragea à se rallonger.
— Il va bien, ne t'en fais pas. Il s'en remettra.
— Je m'étais juré de ne plus jamais perdre le contrôle, se désola-t-il en plongeant la tête dans ses mains.
King ne savait pas quoi dire. Il le laissa tranquille une seconde, navré de ne rien pouvoir faire pour le soulager.
Quand Katakuri se redressa, il jeta un regard perdu à King puis, après quelques secondes à l'observer, il lui attrapa le visage à son tour, soudain déterminé. King surpris n'osa pas bouger et se plongea dans ses yeux roses.
— Je veux que tu le saches, commença-t-il. Je t'aime.
Le visage de King devint immédiatement brûlant dans les mains de Katakuri.
— A l'instant où je t'ai eu en face de moi, je suis tombé amoureux. De toi et seulement de toi. Depuis, tu n'as fait que me donner des raisons de t'aimer encore plus fort. Tu es le seul à m'avoir regardé sans dédain ou dégoût, tu es le seul à m'avoir traité comme ton égal, avec respect. Je pensais que je ne connaîtrais jamais ça avec qui que ce soit et puis tu es arrivé.
Il annonçait ça avec un calme et une franchise incroyable, sans trembler, sans s'arrêter.
- Tu hantes mes pensées, il ne se passe pas une minute sans que je pense à toi. Et j'en ai marre d'être raisonnable. Je n'ai plus rien à m'interdire. Je t'aime et je voudrais que tu restes avec moi.
Sa voix se brisa à la fin de sa déclaration quand il le supplia en collant son front au sien.
— Je t'en prie, reste avec moi.
/
King faillit s'effondrer à son tour. Rien ne l'avait préparé à un aveu pareil.
Quelque chose au fond de lui avait toujours douté de la réciprocité des sentiments de Katakuri à son égard, persuadé qu'il ne le méritait pas ou qu'il n'était pas assez bien pour lui. Il savait qu'il y avait quelque chose entre eux, mais il ne pensait pas que ce serait égal à ses sentiments à lui. Alors l'entendre de sa bouche, avec une telle sincérité, le plongea dans un état de vulnérabilité absolue.
Il ne parvint même pas à répondre tout de suite. Il lui avait coupé le souffle et les mots refusaient de sortir de sa bouche. Mais comme il ne pouvait pas le laisser comme ça, sans réponse, il le serra de toutes ses forces et l'entoura amoureusement de ses ailes. Comme pour le cacher au reste du monde et le garder juste pour lui, là où personne ne pourrait jamais les atteindre.
Ils s'embrassèrent une nouvelle fois, plus profondément et plus intensément. Tous les deux décidés à ne plus jamais se lâcher. Leurs baisers étaient maladroits et hasardeux, traduisant leur inexpérience mutuelle, mais aucun ne s'en formalisait. Ils avaient vécus des années sans être touchés et sans recevoir la moindre affection. Chacune de leurs caresses comblait le vide abyssal d'amour qu'avait été leurs vies.
Quand King fut de nouveau en état de parler — et que Katakuri lui laissait un moment pour respirer — il répondit enfin à sa demande par un nouveau serment.
— Je refuse de vivre sans toi.
Et, alors qu'ils se blottissaient dans les bras l'un de l'autre, il laissa échapper un timide et pratiquement inaudible "je t'aime aussi" qui scella enfin leur idylle qui ne demandait qu'à s'épanouir.
Épuisé par leur combat de tantôt et par leurs sentiments enfin exprimées, ils s'endormirent ensemble, lovés dans les bras l'un de l'autre et indifférents à la douleur de leurs blessures.
Enfin...
Ils ont fini par y arriver !
Maintenant on les laisse dormir et que personne ne vienne plus jamais les déranger.
Je pourrais arrêter la fic là je crois. Mais je vais pas le faire, il y a encore beaucoup de choses à raconter ! Il est temps d'attaquer la dernière partie et de voir ce que ça peut donner maintenant qu'ils ont enfin réussi à s'embrasser.
Je vous aurais fait attendre QUARANTE chapitre. J'espère avoir été à la hauteur de l'attente !
A dans deux semaines !
