Mes petits chats,
Je suis navrée pour cette publication un peu différée et vous présente mes excuses. J'étais en congé en début de semaine, je n'ai pas réussi à maintenir un rythme de correction normal.
Cette neuvième partie est la suite directe de celle postée la semaine dernière, la soirée de Saint-Valentin se poursuit.
Chère Marry, je te remercie pour ton commentaire. Peu importe le moment où ils sont postés, ils sont toujours très appréciés :) Je comprends ta réserve concernant le Bucky un peu volubile de mon histoire. J'apprécie aussi l'homme à la beauté froide des films mais je souhaitais mettre dans cette histoire un contrepoint joyeux aux amours un peu mélancoliques de Thor et Loki. Maintenant que leur mariage est passé, le récit va commencer à se recentrer sur eux. Pas d'inquiétude :)
Je vous souhaite à tous une bonne lecture,
ChatonLakmé
Asgard Luxury Cruises
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Neuvième partie
Arrivé au port de Puerto Limón, Thor saute sur le quai. Il se fraye un chemin parmi la foule des vacanciers et des couples enlacés, s'éloigne de l'aéroport accolé à la marina en remontant vers la plage de Los Baños.
L'entrée du Select est gardé par un vigile aux épaules plus larges que les siennes et au cou tatoué. Thor passe devant lui en lui montrant son bracelet de client VIP aux couleurs de Asgard Luxury Cruises. La compagnie a noué un partenariat avec ce club très haut de gamme de Puerto Limón ; son statut le dispense de payer l'entrée à près de cent dollars mais pas ses consommations.
À l'intérieur, l'endroit est bondé.
Thor joue des épaules pour avancer, la tête levée pour tenter d'apercevoir Clint.
Le bar est gigantesque, en acajou massif orné du logo du club en marqueterie de bois précieux, avec un mur de bouteilles multicolores et de plantes vertes derrière lui. La vaste salle est meublée de confortables sofas crème, de fauteuils en feuilles de palme et de suspensions décorées de coquillages locaux qui pendent aux poutres de la charpente. Le club est ouvert sur la plage et y déploie une gigantesque terrasse. Un DJ monté sur une estrade anime la soirée et les clients se déhanchent sur le sable.
Les serveuses et entraîneuses, toutes jolies femmes, lui sourient d'un air engageant tandis qu'elles portent des magnums de champagne et des bouteilles de vins rares hors de prix aux tables. Thor se contente de leur répondre poliment. Il ne voit pas Clint, nulle part.
Le blond se hasarde jusqu'à la piste de danse sur la plage, sans plus de succès. Il évite de justesse un verre d'alcool sur son beau costume en lin et repousse une brune incendiaire qui tente de se pendre à son cou pour lui voler un baiser. Non merci, pas ce soir ni jamais.
Il s'éloigne, arpente le club et fouille les recoins un peu sombres.
Finalement, après de longues minutes et des corps transpirants qui se collent à lui, Thor l'aperçoit.
La tête et les épaules basses, Clint est assis à l'extrémité du comptoir en acajou devant un verre au contenu trop coloré pour être honnête. Figure de l'affliction et pas du tout de l'amusement décomplexé et sensuel. Il sent sa poitrine se pincer. Thor s'y attendait, Clint n'est pas un homme léger mais un homme blessé. Bien sûr qu'il n'allait pas découcher avec une jeune femme de vingt ans pour tenter de soigner son cœur brisé. Le blond le rejoint rapidement. Le jeune homme fait peine à voir dans cette ambiance festive et amoureuse.
— « Clint. »
Son ami lève lourdement la tête et lui adresse une grimace en guise de sourire. Il tire le tabouret à côté du sien.
— « Le mariage de l'amour absolu et éternel est fini ? »
— « Oui. Steve et Bucky doivent être arrivés dans leur chambre d'hôtel. »
— « C'est trop d'informations mon pote », grimace exagérément Clint. « … Est-ce que c'était bien ? »
— « La cérémonie était très belle et ils sont vraiment… très amoureux. »
— « Et leurs vœux ? Ils sont du genre à se promettre l'éternité en se regardant les yeux dans les yeux sans rougir. Ils le faisaient déjà sans même articuler le moindre mot à Georges Town. Tu te souviens ? Natasha imaginait leurs dialogues quand ils ne faisaient pas attention à nous. »
Thor s'esclaffe. Ça avait été très amusant.
— « Leurs vœux étaient très bien aussi. Bucky a un peu fait pleurer Steve puis Steve l'a aussi fait pleurer un peu. C'était assez parfait », détaille affectueusement le blond.
— « Bien entendu. » Clint passe une main dans ses cheveux courts, un regard en coin. « Et toi ? Est-ce qu'il t'arrive parfois de ne pas être entièrement à ton avantage ? »
— « Le costume en lin est élégant mais pas trop distingué », proteste Thor.
Le blond roule des yeux et ricane.
— « Le costume aide un peu mais je pensais plutôt à… tout ça », dit-il en désignant son visage d'un geste un peu vague. « Tu es sexy, très sexy. J'aime les femmes depuis toujours mais je peux t'assurer que si je te croisais dans la rue, je me retournerai sur ton passage. »
— « … Tu as trop bu Clint. »
— « Juste deux verres et je n'ai même pas encore terminé le dernier. »
Thor prend son verre et le renifle légèrement. Juste deux cocktails mais furieusement chargés. L'odeur du guaro, cet alcool local très fort produit à partir de canne à sucre, fait picoter son nez.
Clint le récupère avant de boire une longue gorgée.
— « Est-ce que tu m'accompagnes ? Le cocktail est moins effrayant que la couleur ne le laisse paraître. C'est même assez bon et ça brûle agréablement la gorge. »
Le blond s'empare de la carte qui vient comme par magie d'apparaître devant lui, déposé par un barman zélé. Elle est longue comme une enquête d'investigation du Washington Post et remplie de cocktails dont il n'a jamais entendu parler. Tous trop sucrés ou trop alcoolisés. Thor a déjà bu deux verres de champagne, il opte pour un modeste verre de sangria maison. Quand sa boisson arrive, Clint trinque exagérément avec lui avant de retomber dans un mutisme sombre. Le blond sirote son verre en étudiant les étiquettes des bouteilles dans la cave réfrigérée en face de lui. Est-ce que c'est vraiment une bouteille de Romanée Conti Grand Cru à cinq mille dollars en bas à droite ?
— « … Je ne m'amuse pas autant que je le pensais », souffle le blond après un long silence.
— « Je sais Clint. »
— « L'alcool est bon pourtant et les filles sont belles. Tu as vu l'entraîneuse qui a une orchidée derrière l'oreille ? C'est la meilleure de toutes les employées du Select. Elle m'a fait payé quatre cents dollars pour une bouteille de champagne sans que je ne comprenne comment. »
— « … Tu m'as dit que tu n'avais bu que deux cocktails », dit Thor en fronçant les sourcils.
— « C'est le cas, je déteste le champagne. Je l'ai offerte à la table de jeunes, là-bas. »
Clint montre des fauteuils plus loin sur sa gauche, occupés par un groupe un peu bruyant. Thor hausse un sourcil. Ils ont probablement apprécié le champagne français mais ils sont déjà passés au guaro. Le blond esquisse un rictus.
— « J'ai été trop gentil, j'aurai dû repartir avec et la revendre à Miami. »
— « C'est illégal et tu es un homme honnête Clint. »
— « Tu le crois vraiment ? Tu n'as pas idée de combien je rumine des choses laides depuis que je me suis assis ici. »
Le jeune homme boit une longue gorgée de son cocktail, les sourcils douloureusement froncés. Thor pose son verre sur le comptoir, il effleure le bord perlé de sucre d'un doigt avant de le lécher. Clint essuie une goutte de condensation tombée sur le verre du comptoir.
— « … Est-ce que tu veux en parler ? », propose gentiment Thor.
— « Je te remercie mais on ne peut pas vraiment dire que nous sommes les meilleurs amis du monde. Nous avons fait connaissance il y a seulement huit jours. »
— « On entend souvent dire qu'il est plus facile de parler à un presque inconnu qu'à une personne qui nous connaît bien. »
— « Parce qu'il n'y a de jugement, je suppose ? Ni d'a priori ? »
— « Quelque chose comme ça. » Thor hausse les épaules. « Ce n'est qu'une proposition mais je sais que garder pour soi tout ce que l'on ressent n'aide pas vraiment à guérir. »
— « Il me faudrait une caisse entière de guaro pour me sentir mieux. Je n'ai pas été très agréable ces derniers jours, pas vrai ? », grimace le blond.
— « C'est ce qui arrive quand on rumine. »
Clint lui donne un vigoureux coup de genou et Thor ricane en se frottant la jambe. Mince, il frappe fort malgré son haleine un peu chargée.
— « Je sais que Mariana vous a appelé Bruce et toi parce qu'elle a appris que tu étais parti en croisière dans les Caraïbes. Je sais aussi qu'elle a dit des choses horribles à Natasha et à son frère, je suppose qu'elle a aussi été assez cruelle avec toi », dit doucement le blond.
— « … Ouais. Tu sais qu'elle veut la garde exclusive de Cameron et Hope ? Merde, est-ce que quelqu'un d'autre à part moi voit qu'elle se sert de nos enfants comme d'un objet de chantage ? Qui peut sérieusement penser qu'elle est la meilleure personne pour s'occuper d'eux ? », grimace Clint.
Thor acquiesce lentement. Il ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de leur divorce mais détaillés de la sorte, ça ressemble effectivement à une horrible manœuvre. Les coudes sur le comptoir, son voisin enfonce son visage dans ses mains.
— « Bordel, ils me manquent tellement… », gémit-il douloureusement. « Hope m'appelle presque tous les soirs pour me demander de lui raconter une histoire pour qu'elle s'endorme sans cauchemars et Cameron a pleuré parce qu'il a eu une mauvaise note à un devoir d'espagnol. Normalement, c'est moi qui le fait travailler. Ce sont mes gosses et je les aime, Thor. »
— « Je sais. … Il n'y a vraiment aucun moyen pour que les choses s'arrangent ? »
— « Est-ce que tu te remettrais avec Aidan s'il revenait vers toi en disant qu'il a fait une erreur ? Après t'avoir largué et avoir tenté de t'escroquer de cette croisière à plusieurs milliers de dollars ? »
Thor lui jette un regard noir.
— « C'est un peu exagéré, il ne m'a pas vraiment escroqué… »
— « D'accord, il a tenté de te voler cette croisière à plusieurs milliers dollars », ricane Clint. « Est-ce que tu lui donnerais une seconde chance ? »
Le blond ne le regarde pas, il garde les yeux bien fixés sur le mur de bouteilles pour ne croiser ceux de son voisin. Est-ce qu'il le ferait ? Aidan lui a fait beaucoup de mal mais ils n'ont pas réellement discuté du pourquoi du comment et – Thor esquisse un sourire narquois. À qui va-t-il faire croire ça ? Il déteste la malhonnêteté, il abhorre l'infidélité, il hait le mensonge. Il n'a ressenti que de la colère envers son ex quand ils ont partagé ce café au Lauderdale Cafe. De la colère et de la déception. Aidan se révélait petit et mesquin, presque d'une cruauté d'adolescent quand il se moquait de lui. Ça non plus, Thor ne le supporte pas.
Il soupire et passe une main dans sa nuque.
— « Non Je ne peux plus l'aimer ni vivre avec lui, je n'ai plus confiance », admet-il.
— « Je ressens la même chose pour Mariana. On avait des difficultés mais je pensais qu'on pouvait en parler. Un matin, à la table du petit-déjeuner, elle a déposé devant moi la demande du divorce en disant qu'elle ne pouvait pas en supporter plus. »
— « Supporter quoi ? »
— « Si seulement je le savais. Mariana est un peu capricieuse parfois mais elle n'est pas une mauvaise personne une fois qu'on la connaît. » Clint pince les lèvres. « … C'est généralement le cas excepté quand elle parle de Natasha mais c'est peut-être de ma faute… »
Thor hausse un sourcil. Il croyait que c'était une histoire de vengeance de femme à femme, un coup très mesquin porté à toute la perfection apparente de son amie. Il ne comprend très bien ce que Clint vient faire entre elles. Ou plutôt, il s'en doute, mais il trouverait indiscret de s'y attarder. C'est la vie de Clint et comme l'a dit le blond, ils se connaissent depuis seulement huit jours.
Le jeune homme enfonce légèrement sa tête entre ses épaules, l'air gêné.
— « … Entre Mariana et moi, ça a été le coup de foudre. Nous nous sommes mariés un an après notre rencontre et je suppose que nous sommes un peu tombés dans la routine avec les années mais j'avais une immense tendresse pour elle. … Quand Bruce nous a présenté Natasha avant leur mariage je suis un peu tombé amoureux d'elle », confesse-t-il d'une petite voix. « Ça n'a pas duré longtemps, c'était juste un petit pincement dans le ventre quand je la voyais et elle était si belle lors de la cérémonie. … Ne lui en parle pas, s'il te plaît. »
— « Jamais, je te le promets. »
Thor lui sourit gentiment. C'est inutile, il pense que son amie le sait déjà et c'est ce qu'il supputait également. Un homme ne sourit pas comme ça quand il parle d'une autre femme que la sienne s'il n'a pas de sentiments pour elle. Clint le remercie d'un sourire maladroit.
— « ll ne s'est jamais rien passé entre nous mais je ne peux pas m'empêcher de prendre sa défense quand Mariana lui mène la vie dure. Quand elle la blesse sur son désir d'avoir des enfants, ça me met dans une rage folle. Je ne lui ai jamais été infidèle, j'ai toujours été respectueux et pourtant, elle a brisé tout ce que nous avons construit sans nous laisser la moindre chance de réparer les choses », poursuit le blond en crispant les doigts sur son verre.
— « … Est-ce que tu en avais vraiment envie ? Quand on n'a plus de sentiments pour une personne, il est difficile de faire semblant. »
— « Je pensais plutôt au fait qu'on arrive à négocier un divorce à l'amiable. Certains de nos amis se sont séparés et rien ne s'est passé au mal. Mariana est juste très mal conseillée. »
— « Par son avocat ? »
— « Non, par une de ses amies du club de pilate », grimace Clint. « Melissa a divorcé de son mari après avoir découvert qu'il la trompait avec une collègue de bureau. Il gagne trois cent mille dollars par an, elle a obtenu des dommages et intérêts considérables et leur superbe maison. Depuis, elle prêche la bonne parole de sa nouvelle vie de femme riche et célibataire et elle pense être devenue une conseillère conjugale en matière de divorce. Melissa a convaincu Mariana de demander une pension de mille dollars par mois pour chacun de nos enfants et une indemnité pour lui permettre de mener un certain train de vie. C'est ridicule, je n'ai même pas autant d'argent, mais si nous ne trouvons pas d'arrangement, elle dit qu'elle veillera à ce que je ne voie pas Cameron et Hope parce que je suis un mauvais père. J'en mourais Thor. »
La voix de Clint est un croassement étranglé, douloureux et plein de sanglots. Ça serre sa poitrine alors il rapproche son tabouret du sien, faisant racler bruyamment les pieds sur le parquet.
— « Ne dis pas des choses pareilles. Votre divorce n'est pas encore prononcé, rien n'est encore joué. »
— « Ouais… »
Clint frotte ses yeux d'un revers de main et le blond tourne pudiquement la tête pour lui laisser un peu d'intimité. Il rit légèrement, le ton est encore un peu grinçant.
— « Tu es vraiment bon pour faire parler les gens, Thor. »
Le jeune homme lui donne un coup de coude dans les côtes et Clint sourit un peu plus franchement. Il termine son cocktail et appelle le barman d'un geste pour un commander un autre.
— « Est-ce que tu as aussi quelqu'un à qui parler ? », demande-t-il alors qu'il pose son verre devant lui.
— « Pour parler de quoi ? »
— « Oh, je t'en prie. D'Aidan, de votre rupture, de la manière dont les choses se sont passées entre vous à la fin… Je me souviens que quand on a embarqué à Miami, tu n'avais pas l'air beaucoup plus vaillant que moi. »
— « C'est moi qui t'ai inspiré la création du club des cœurs brisés ? », demande Thor avec un rictus.
— « Peut-être. Je me demandais comment un type comme toi avait pu être plaqué par un jeune homme à peine sorti de l'université. »
— « Aidan a trente ans… »
— « Tu vois très bien ce que je veux dire. »
Clint roule des yeux tandis que Thor cherche rapidement un sujet pour changer de conversation. Il peut être une oreille attentive pour son ami mais il n'a pas envie d'être l'objet d'une discussion sérieuse à cœur ouvert. Le blond n'a parlé à personne de ce qu'il ressent réellement au sujet de son infortune, à ce maelström d'émotions qui lui fait encore mal quand il songe à Aidan et à l'Autre. Son histoire n'a rien d'aussi dramatique que celle de Clint, il ne s'agit que de lui et de son ex. Pas de famille, pas d'enfant, pas de maison achetée ensemble à crédit, pas même de chien ou de chat dont ils devraient se partager la garde. C'est juste eux, avec beaucoup de regrets, de rancœur et de sentiments morts. Il parlera quand il sera prêt et avec la bonne personne. Clint le comprend, il a la gentillesse de ne pas insister.
— « Tu n'appliques pas tes propres conseils, tu es très contradictoire comme garçon… À nous ? », grommelle-t-il en levant son verre.
— « À nous », acquiesce Thor en riant doucement.
Les deux hommes trinquent mais le blond boit plus raisonnablement. Clint semble presser de s'alcooliser, Thor doit garder l'esprit clair pour les ramener à bord du Naglfari en toute sécurité.
Il se tourne et observe distraitement le club. Il a l'impression que Clint et lui sont enfermés dans une petite bulle de mélancolie alors qu'autour d'eux, la fête se déchaîne. Le DJ affole la plage avec une playlist de chansons d'amour remixées tandis que des cocktails au camaïeu sans fin de rouge et de rose quittent le bar à un rythme soutenu.
Une table bruyante sur sa droite attire son attention, elle vient de se faire servir un Jéroboam de champagne – une bouteille d'une contenance de trois litres – avec des feux de Bengale. Thor trouve ça un peu vulgaire. Alors qu'il s'apprête à se retourner vers Clint, il remarque un homme, assis au bout d'un sofa. Ou plutôt, c'est cet homme qui le remarque. Il est séduisant, les traits virils, les cheveux tressés et les yeux très noirs, la peau couleur caramel.
Le blond fronce légèrement les sourcils. L'homme le dévisage presque avec effronterie. Voyant qu'il a attiré son attention, il écarte nonchalamment les jambes, boit une gorgée de cocktail et se lèche les lèvres. C'est une invitation hurlée par-dessus la voix remixée de Taylor Swift.
— « Je ne vais pas faire de folie de mon corps ce soir mais tu n'es pas obligé de faire de même… »
Thor tourne vivement la tête vers Clint. Le blond lui sourit et désigne l'inconnu d'un léger signe de tête.
— « Tu lui plais. Et beaucoup si j'en juge l'angle d'ouverture de ses cuisses. »
— « Ne dis pas une chose pareille », grommelle Thor avec gêne.
Clint ricane et lui donne un petit coup de genou.
— « Tu peux aller le voir si tu veux. Il est plutôt… sexy, je suppose ? »
— « Tu vas sans doute me trouver vieux jeu mais je n'aime pas le sexe facile. Je suis sûr qu'il veut m'entraîner dans un coin sombre du club ou derrière un rocher sur la plage. J'ai passé l'âge de ce genre de choses. »
— « Le sexe spontané peut faire beaucoup de bien. Je ne suis pas du tout d'humeur mais tu n'es pas obligé de partager ma morosité », répond Clint en haussant les épaules.
Thor secoue la tête. Il se détourne complètement de l'inconnu, sans un regard pour lui et se rassoit correctement.
— « Quel ami est-ce que je serai si je te laissais maintenant dans ta mélancolie ? Je m'inquiète aussi un peu pour ta capacité à pouvoir regagner seul le Naglfari… »
— « Il est énorme et brillant au large, je ne peux pas le manquer. »
— « Il y a quand même un peu d'eau entre vous. »
Clint ricane et hoche la tête. Il pianote du bout des doigts sur le comptoir du bar avant de lui jeter un regard en coin.
— « … Est-ce que tu veux voir des photos de mes gamins ? », demande-t-il presque timidement.
— « Avec plaisir », sourit Thor.
Le blond s'accoude au comptoir et se penche vers son ami.
Quand l'inconnu brun vient commander un autre verre au bar, Thor sent son regard lui brûler le visage mais il l'ignore. Baiser un golden boy dans un coin d'ombre, entouré par des gens avec le risque de se faire surprendre ? Il est vraiment trop vieux pour ce genre de connerie. Ou franchement pas assez alcoolisé. Il s'en sent encore moins capable quand il observe les visages ronds d'enfance et les sourires candides des enfants de Cameron et Hope Barton.
Le blond sourit aussi il lui est très facile d'oublier son prétendant d'une nuit.
— « Là, on était à Los Angeles pour les vacances d'étét. Cameron avait étudié les mers et les océans du monde et il avait appris qu'il n'y avait pas de marée en Méditerranée. Il trouvait ça très bien pour les poissons, il avait peur qu'ils meurent sur la plage en se faisant surprendre par le ressac. Cameron est resté sur la plage de Santa Monica pendant des heures pour voir une marée et vérifier sa théorie. »
Clint rit joyeusement. Il tangue de joie sur son tabouret. Thor sourit tandis qu'il enroule prudemment ses doigts autour de son coude pour le retenir. Le blond a la voix pâteuse de ceux qui ont trop bu, les gestes un peu lents. Son esprit reste pourtant d'une remarquable précision tandis qu'il déroule l'écheveau de ses souvenirs. Cameron et Hope sont deux beaux gamins, ils ont l'air mignons et gentils. Sur les photos, leurs sourires sont éblouissants et il est évident qu'ils adorent leur père au moins autant que Clint les vénère.
Ce dernier fait défiler encore d'autres clichés dans la galerie de son portable, il se souvient de tout.
Sur une photo prise au bord de la piscine de la maison familiale, Cameron et Hope se serrent dans les bras l'un de l'autre, joue contre joue, et sourient à pleines dents à l'objectif.
— « C'était pour l'anniversaire de Hope. Son frère lui avait acheté ce bracelet avec son argent de poche. Je l'avais accompagné au mall et il a mis trente minutes à choisir son cadeau. Quand elle a l'a trouvé, Hope a éclaté en sanglots et elle lui a sauté dans les bras. Ça avait été un beau moment. Ce sont des gamins tellement géniaux tu sais », croasse Clint en frottant ses yeux humides.
Thor le voit tendre la main vers son verre mais il l'éloigne sur le comptoir. Trop de cocktails pour la soirée.
— « Je sais Clint. Je pense qu'il est temps de rentrer au Naglfari maintenant », dit-il gentiment.
— « J'ai payé ce cocktail trente dollars, je veux le terminer », proteste le blond.
Thor roule des yeux. Il récupère habilement le verre avant Clint et l'achève d'une longue gorgée. Il grimace. Bon sang, trop sucré et vraiment trop alcoolisé. Le jeune homme le regarde longuement avant de cligner des yeux.
— « … Tu me dois trente dollars. »
— « Si tu t'en souviens encore demain, je suis prêt à te rembourser. Tu peux te lever ? »
Clint renifle d'un air suffisant. Il se redresse, pose les pieds sur le parquet mais vacille. Le blond le retient une nouvelle fois et hausse un sourcil. Le corps de Clint pèse lourd, il est massif et trapu Thor va s'épuiser à le ramener jusqu'au port. Peut-être qu'il peut appeler un taxi. Ou prendre Clint sur son dos comme pour une course de cheval dans la cour d'école.
Le blond est sur le point de demander un peu d'aide alentour quand quelqu'un se racle légèrement la gorge derrière lui. Thor tourne la tête. C'est Jacob. L'étudiant de Princeton lui adresse un sourire un peu timide il a toujours le cheveu bien peigné, son air charmant de jeune premier.
— « Est-ce que vous avez besoin d'aide ? », demande-t-il doucement.
Clint se penche pour l'apercevoir et ricane.
— « Eh bien, ils sont nombreux à vouloir écarter les cuisses pour toi ce soir Thor », marmotte-t-il en s'avachissant contre le comptoir.
Jacob cligne des yeux avant de rougir violemment.
Thor jette un regard noir à son ami, soudain très fatigué et le Naglfari vraiment trop loin pour eux.
L'étudiant jette un coup d'œil derrière lui, vers une table pleine de jeunes gens. Ces derniers semblent l'encourager, avec toute la discrétion de leur vingt ans.
Thor est vraiment très fatigué. Il veut répondre poliment par la négative, il ne peut pas gérer tout ça cette nuit avec plusieurs verres de champagne et de sangria dans le sang. Un problème à la fois, un seul prétendant à la fois aussi. L'inconnu aux yeux noirs est déjà parti avec ses amis, non sans l'avoir gratifié d'un regard mauvais, particulièrement vexé par son manque d'intérêt.
Le blond passe une main lasse dans sa nuque.
Clint tangue soudain à ses côtés, vraiment beaucoup. Thor a à peine le temps de le rattraper maladroitement. Jacob se glisse rapidement de l'autre côté pour faire contrepoids et l'aider à maintenir le blond sur ses pieds. Il est puissant et son aide est finalement la bienvenue. Le blond devine les muscles fermes qui roulent et ondulent sous la peau et le coton de son polo de marque.
— « Tu ne préfères pas rester avec tes amis ? D'ailleurs, tes parents sont d'accord pour que tu passes la soirée ici ? », demande Thor.
— « Thor se demande – On se demande tous en fait – si tu es majeur et en âge de boire de l'alcool », marmonne Clint.
— « Je suis en quatrième année à Princeton, j'ai vingt-deux ans », répond Jacob d'un air un peu vexé.
Le blond glousse doucement, ravi de sa répartie. L'étudiant roule des yeux et, sans attendre une indication de Thor, passe un bras de Clint autour de son cou.
— « Mes parents savent très bien que je suis ici, ils dînent en amoureux au Valhalla et j'ai préféré les laisser seuls. Ils ont le droit d'avoir des moments à eux aussi. »
— « Gentil garçon. »
Clint lui tapote maladroitement la tête et Thor esquisse un sourire. Il prend l'autre bras de son ami en bandoulière et les entraîne vers la sortie du Select. Le blond apprécie l'aide solide de Jacob qui porte sa part sans broncher et avec facilité. Le groupe avance un peu cahin-caha avant de trouver son rythme et de se diriger vers le port de Puerto Limón.
— « Tu pourras nous laisser au quai si tu veux. Je te remercie pour ton aide mais tu n'as pas besoin de rentrer avec nous. À ton âge, on fait la fête jusqu'au bout de la nuit. Je te paierai un taxi pour retourner au club. »
— « Je préfère retourner sur le Naglfari. Mes amis commençaient à entamer les alcools vraiment forts et ce n'est pas ce que j'apprécie le plus », grimace Jacob.
Thor sait qu'il ne lui dit pas tout mais l'étudiant porte – supporte – vraiment bien alors il ne bronche pas.
Ils regagnent lentement le quai et le blond soupire de soulagement en voyant une navette déjà amarrée, prêt à rejoindre le luxueux navire de la ALC. Il aide Clint à monter à bord puis se laisse tomber à ses côtés. Jacob s'assoit sans un mot en face de lui, un petit sourire aux lèvres. Clint fredonne une chanson pour enfant d'une langue pâteuse, Thor reconnaît vaguement les paroles de Baby Shark, il songe distraitement que Hope lui semble trop âgée pour comptine.
Le blond se frotte la tempe droite du bout des doigts. Il commence à avoir mal à la tête.
Une fois sur le Naglfari, il reprend le bras de Clint autour de son cou, Jacob de l'autre côté, et le groupe se dirige vers le pont quatre.
Thor cherche machinalement Loki dans les couloirs, sans trop savoir pourquoi.
Devant la porte de la cabine du blond, il palpe maladroitement la poche de son pantalon. Clint glousse et gigote contre lui.
— « Oh, Thor… », roucoule-t-il.
— « S'il te plaît Clint, où se trouve la clé de ta cabine ? Tu commences à peser lourd… »
— « Poche de pantalon droite, du côté de Princeton. »
Jacob hésite avant de récupérer la clé magnétique. Il déverrouille la porte et les entraîne à l'intérieur. Thor assoit Clint sur son lit et l'aide à retirer sa veste puis ses chaussures avant de le pousser gentiment sur l'épaule pour l'inviter à s'allonger. Jacob dépose sur la table de chevet une carafe d'eau et un verre.
— « Je sais comment prendre soin d'une personne ivre, certains de mes amis fêtent énormément les fins de semaine », explique-t-il quand Thor l'interroge du regard.
— « Pas toi ? »
— « Je suis dans l'équipe de football et je suis tout le temps évalué sur mes performances. Je ne peux pas me présenter lundi à l'entraînement en ayant dormi à peine trois heures et avec l'haleine qui sent encore l'alcool. »
— « C'est très responsable de ta part », admet Thor.
Jacob hausse légèrement les épaules mais Thor se dit que s'il avait dit mature à la place de raisonnable, il rayonnerait probablement comme une supernova.
Clint roule sur le matelas avant de serrer son oreiller dans ses bras. Il se tortille pour sortir maladroitement son portable de la poche de son pantalon et le dépose avec soin sur la table de chevet.
— « Ils me manquent vraiment beaucoup… », chuchote-t-il.
— « Je sais Clint. On en reparle demain au petit-déjeuner, d'accord ? »
— « … Je ne vais pas oublier pour le cocktail. »
— « Je tiens le pari », rit Thor.
Il fait un signe de tête à Jacob et les deux hommes se glissent hors de la cabine. Il ferme avec soin la porte derrière eux, défait encore un bouton de sa chemise. Il a chaud et le couloir lui semble trop étroit. Le blond entraîne Jacob un peu plus loin, vers le palier du grand escalier.
— « Merci pour ton aide, Jacob. Je n'y serai pas arrivé sans toi. »
— « Ce n'est rien, ça m'a fait plaisir. »
Thor esquisse un sourire. On est prêt à dire n'importe quoi à son béguin quand on craque pour lui.
L'étudiant se mord légèrement les joues tandis qu'il jette des regards alentours.
— « … Ce sont mes amis qui m'ont dit de venir vous aider. Ils savent pour vous… », avoue-t-il après un silence.
— « Jacob… »
Thor passe une main dans sa nuque. Il est tellement fatigué. Il garde le silence mais l'étudiant s'enhardit. Il plonge son regard marron dans le sien, soudain étonnamment assuré. Ou simplement beaucoup moins alcoolisé que lui.
— « Si vous n'avez rien prévu pour le reste de la soirée, on pourrait peut-être rester encore un peu ensemble. »
— « Je suis fatigué Jacob. Je n'ai plus vingt ans et j'ai envie de retrouver le confort de ma cabine », rit le blond d'un air un peu forcé.
— « … On peut aussi le faire ensemble. Vous êtes plus âgé que moi mais ce n'est pas grave… J'aime bien ça. Vous êtes très bien. Vous êtes même plus que bien. »
— « Non. »
— « Je sais que vous aimez les hommes, je vous ai entendu en parler avec vos amis à la piscine du pont supérieur. Et vous êtes aussi célibataire. … Est-ce que vous ne voulez pas parce que je suis plus jeune que vous ? »
— « Mon ancien compagnon était plus jeune que moi et ça ne nous a pas très bien réussi », répond Thor avec un rictus douloureux. « Ça n'a rien à voir avec toi, tu es un gentil garçon mais je ne suis pas venu ici pour chercher ça. »
— « Une aventure, c'est bien pour oublier quand on a mal. »
Le blond soupire. Jacob est persévérant, avec cette pointe d'obstination têtue que donne la jeunesse.
— « C'est toujours non. Tu es séduisant, il n'y a pas quelqu'un qui te plaît à Princeton ? Quelqu'un de ton âge ? »
— « Les gens avaient qui j'étais au Select ont commencé la soirée avec des shoots de vodka, les étudiants de Princeton sont pareils. Ils sont tous puérils, ils ne pensent qu'à s'amuser et à coucher avec le plus de personnes possibles », renifle le jeune homme avec dédain.
— « J'étais aussi comme ça quand j'étais étudiant. »
— « Je suis sûr que c'est faux. Vous êtes quelqu'un de bien, de respectueux. J'ai vu comment vous preniez soin de votre ami au club. … Vous étiez beau quand vous regardiez les photos sur son portable. Passer du temps avec vous est plus intéressant que les gens que je fréquente à Princeton », s'obstine Jacob.
— « Même parmi tes coéquipiers ? Je me souviens que quand je jouais à l'université de Washington, j'étais très proche de mon équipe. On partageait les mêmes exigences et les mêmes ambitions. »
Thor hausse un sourcil. Jacob a brièvement détourné le regard.
— « Il y a quelqu'un qui compte pour toi. »
— « … Il s'appelle Liam, il joue en défense dans l'équipe. Il est sympa et on s'entend bien », admet l'étudiant.
— « Mais tu veux quand même coucher avec moi ? », demande brutalement Thor.
Jacob hoche la tête. C'est léger mais sans hésitation. Bon sang, tout est tellement compliqué.
— « Oui. Liam a le même âge que moi et je ne suis pas sorti avec beaucoup de garçons. J'aimerais avoir plus… d'expérience, avec vous. Je suis sûr que vous faites très bien l'amour. »
Thor rit d'un air incrédule. Cette discussion est ridicule. Jacob s'empourpre un peu et il fait un pas vers lui.
— « Je suis sérieux. Vous devez être un remarquable amant et j'aimerai le faire avec vous. »
— « C'est toujours non, Jacob. Je ne suis pas un professeur. »
— « Ce n'est pas ce que je voulais dire », s'excuse l'étudiant d'une voix vibrante de sincérité. « Je… Vous me plaisez depuis le premier jour, quand on a dîné côte à côte à la table du capitaine Laufeyson. Je ressens des choses pour vous. »
— « Ça s'appelle du désir, Jacob. »
— « Ce n'est pas une mauvaise chose pour faire l'amour ensemble, c'est même un bon postulat de départ, mais ce n'est pas qu'une histoire de désir. Je vous assure que je… j'ai des sentiments pour vous. »
— « Je pourrais être ton père », poursuit Thor d'un ton placide.
Si fatigué.
Jacob esquisse un sourire avant de rire doucement. Il secoue la tête.
— « Vous pourriez mais ce n'est certainement pas le cas. Même dans un autre espace-temps, ça ne pourrait pas être le cas. Vous n'avez pas du tout le même corps, ni celui du père de mes amis à Princeton.
Compliment étrange. Compliment brûlant.
Thor sent son regard peser sur lui, sur son corps, à la fois admiratif et désireux. Jacob fait un pas timide vers lui, il hésite un instant avant de poser une main sur son torse. Le blond baisse brièvement les yeux. Elle est chaude aussi, et large. Pas une main de petit garçon. Ça frappe étrangement Thor.
— « … Ce n'est pas le cas », répète-t-il dans un souffle. « Je vous l'ai dit, je vous ai vu à la piscine du pont extérieur. Vous êtes tellement beau… »
Ses doigts caressent imperceptiblement son pectoral droit. Ils frôlent la lisière de son revers de veste, comme désireux de se glisser un peu plus loin. Juste un peu plus loin. Thor prend doucement sa main dans la sienne et l'éloigne sans méchanceté. Jacob cligne des yeux, le cou un peu rouge au-dessus du col de son polo de marque.
— « … Je veux faire l'amour avec vous. Je ne suis pas mauvais vous savez, je pourrais – »
Thor fronce les sourcils avec désapprobation et le fait taire d'un regard sombre. L'étudiant rougit encore un peu plus mais il ne baisse pas les yeux ni ne perd son assurance. Il attend juste la suite avec impatience.
— « Tu n'as pas à te vendre Jacob, ni à quémander. »
— « Je veux juste vous offrir du plaisir », s'obstine le châtain. « Je ne sais pas pourquoi vous êtes séparé de votre compagnon mais je sais que je peux vous aider à l'oublier. Je peux vous faire du bien comme vous pouvez le faire pour moi. J'ai envie de vous. »
— « C'est toujours non. »
— « Si vous ne voulez pas que j'entre dans votre cabine, je peux le comprendre. On peut aller dans la mienne. Personne ne nous verra et ça peut n'être que cette nuit », poursuit vivement Jacob, la voix un peu fiévreuse.
— « C'est ce que tu veux ? », l'interroge Thor en haussant un sourcil.
L'étudiant se mord les joues avant de secouer lentement la tête.
— « J'aimerais être votre amant jusqu'à notre retour à Miami. Je ne suis pas naïf, Princeton se trouve à moins de quarante kilomètres mais ce n'est pas comme j'étais ce que vous désirez pour plus de quelques nuits », admet-il. « … Vos amis n'ont pas besoin de le savoir. »
— « Tu ne veux pas qu'ils sachent ? »
— « Je pensais que vous préféreriez être discret », le corrige doucement l'étudiant. « Je suis d'accord pour tout ce que vous voulez. »
Thor sourit doucement, presque affectueusement sans pouvoir s'en empêcher.
C'est touchant, ces précautions et ces attentions qu'il prend pour lui. C'est presque… agréable.
Il déglutit et crispe ses doigts sur son pantalon.
Il ne cédera pas – jamais – à cette invitation, aussi gentille soit-elle. Il n'y trouverait ni bonheur, ni estime de lui-même excepté celle de savoir faire jouir un jeune homme de vingt-deux ans. Il ne cédera pas mais ce qu'il voit dans les yeux de Jacob tord quand même quelque chose dans son ventre.
Le châtain cligne des yeux, toujours empli d'un espoir plus vibrant que jamais. Thor secoue lentement la tête.
— « … Tu sembles avoir énormément réfléchi à cette situation. »
— « Vous l'avez dit vous-même, je suis quelqu'un de raisonnable. » Il se mord les lèvres, elles rougissent. « Je rêve que je fais l'amour avec vous depuis presque aussi longtemps que le dîner du capitaine. Dès la première nuit. … J'ai été très heureux d'avoir ma propre cabine à ce moment-là. »
Jacob sourit d'un air un peu gêné, toujours un peu rouge. Toujours engageant aussi.
Thor le dévisage avec attention.
L'étudiant se redresse inconsciemment. Il ne cille pas, plante aussi son regard dans le sien, la tête légèrement levée et les épaules bien carrées. Solidement campé sur ses pieds et prêt à argumenter toute la nuit. Le blond n'a pas cette patience. Il est aussi un homme bien, il ne veut pas blesser Jacob – il n'est jamais agréable d'être repoussé même uniquement pour du sexe – mais ce qu'il espère avec tant de ferveur n'arrivera jamais.
— « Je suis flatté par ton intérêt mais je ne changerai pas d'avis. Ça n'a rien à avoir avec ton âge ou avec le jeune homme que tu es, c'est juste… moi. Je n'ai pas envie de sexe sans lendemain, je n'ai pas envie d'oublier Aidan comme ça. »
— « C'est son nom ? Aidan ? »
Thor acquiesce lentement et le visage de Jacob se brouille légèrement, un peu déconfit.
— « C'est un beau prénom. Il est beau aussi ? »
— « … Oui, très beau », souffle le blond.
— « Vous l'aimez encore ? »
— « … Je ne pense pas mais ce n'est pas une raison pour faire l'amour avec toi. » Thor sourit. « Liam de Princeton aura beaucoup de chance quand tu lui diras ce que tu ressens pour lui je suis sûr qu'il saura l'apprécier plus que je ne peux le faire. »
— « Il ne s'agit pas de Liam ou de ce que je pourrais faire avec lui. Il s'agit de moi et de ce que je ressens. »
— « C'est vrai et tu m'as dit que ce garçon te plaisait. Tu devrais chérir ça plutôt que de vouloir de moi. »
— « Mais vous êtes tellement… parfait. » Jacob serre les poings. « Je ne suis plus vierge vous savez, vous n'avez pas besoin de me préserver. J'ai déjà couché et j'aime ça. »
— « Bien sûr que tu aimes ça, tu as vingt-deux ans », soupire doucement Thor. « Je ne veux pas te blesser mais je te demande d'arrêter. Si tu as un peu d'estime pour moi comme tu me l'as dit, alors cesse de vouloir me convaincre que je devrais coucher avec toi. »
— « Mais – »
— « L'obstination est parfois à la frontière de l'impolitesse tu sais. Ce n'est ni agréable ni séduisant. »
Jacob cligne lentement des yeux. Il ne rougit plus, il a juste l'air profondément défait. Il ouvre la bouche, se mord les joues puis baisse les yeux sur ses pieds.
— « … Je suis désolé », souffle-t-il.
Thor passe une main dans sa nuque et la masse du bout des doigts. Il n'aime pas blesser et faire de la peine. Il pose lentement une main sur l'épaule de Jacob. L'étudiant enfonce légèrement la tête entre ses épaules avant de lui jeter un regard en coin.
— « Ce ne sont que douze jours de vacances Jacob, tu oublieras. Moi aussi j'ai eu des béguins quand j'avais ton âge, je m'en suis remis », sourit-il gentiment.
Il n'est pas utile que Jacob apprenne l'existence de Josh Gardner, son énorme coup de cœur de deuxième année avec lequel il avait fait l'amour quelques mois plus tard. Plus âgé que lui, horriblement sexy quand il s'entraînait au gymnase de UW, un corps à se damner qui le faisait se toucher avec fureur dans son lit en résidence étudiante.
Jacob fronce les sourcils, le nez. Il se dégage d'un petit coup d'épaule, l'air vexé.
— « Je ne suis pas un enfant, vous n'avez pas à me consoler. C'est un peu humiliant », grommelle-t-il d'un air sombre.
Thor lève les yeux au plafond. Il retire sa main sans rien ajouter.
Les deux hommes restent un instant plongés dans un silence un peu gêné, un silence lourd et épais. Jacob se racle la gorge et se redresse, les épaules bien en arrière et le dos droit.
— « Je n'oublierai pas aussi vite que vous le pensez, je ressens vraiment quelque chose pour vous. »
— « Jacob, s'il te plaît. »
— « Mais je ne vous en parlerai plus. » Il inspire profondément. « Je vous remercie de m'avoir écouté et de ne pas m'avoir repoussé immédiatement. »
— « Tu as été courageux. Je n'étais pas aussi brave quand un garçon me plaisait à vingt ans », admet Thor en souriant
L'étudiant rit doucement. Il lisse lentement son polo du plat de la main et jette un regard vers le grand escalier.
— « … Je vais retourner dans ma cabine. »
— « Est-ce que tu y arriveras seul ? Tu as bu aussi. »
— « Vous ne rendez pas les choses faciles Mr. Odinson… »
Thor lève les mains entre eux et Jacob ricane. Il regarde une nouvelle fois l'escalier, silencieux et pensif.
Le blond lit l'heure à sa montre et hausse un sourcil. Déjà une heure du matin. Il a l'impression d'avoir un poids sur les épaules et d'être un peu un vieil homme. Lui aussi a bu plus que de raison même s'il parvient encore à rester debout et à avoir une conversation sensée. Une conversation même très intense, avec plusieurs verres dans le sang, Jacob a l'esprit vif et incisif. Merveilles de la jeunesse.
Thor sent un bourdonnement dans son ventre, dans sa poitrine, celui de la fatigue plutôt que du désir. De la mélancolie aussi. Il semble qu'il ait l'alcool un peu triste ce soir.
— « … Est-ce que je peux vous demander quelque chose ? C'est plutôt une faveur en réalité », demande Jacob et le blond hausse un sourcil. « J'aimerais vous embrasser. »
Thor fronce les sourcils, les épaules raides et les poings serrés. Il pensait qu'ils étaient passés à autre chose.
Jacob enfonce ses mains dans les poches de son bermuda et hausse les épaules.
— « Je sais ce que vous pensez mais je vous assure que ce n'est qu'une fois, juste maintenant. Pensez à ça comme à un souvenir de vacances. »
Thor pince les lèvres. C'est dangereux. Trop dangereux. Il se sent un peu coupable mais il secoue la tête et lui tend une main à la place. Poli mais un peu distant. Plus prudent. Jacob pince les lèvres.
— « Toi et moi, nous savons que c'est plus raisonnable comme ça. Nous nous recroiserons sans doute à la piscine ou au bar du pont extérieur et je serai ravi de parler à nouveau avec toi des Tigers et de ton double cursus en droit et économie », sourit Thor.
Il prend définitivement congé cette fois, c'est un dernier refus net et ferme.
L'étudiant prend sa main dans la sienne et la serre en une poignée vigoureuse et solide. Thor est heureux qu'ils se séparent bons amis, si tant est qu'un homme de quarante-cinq ans puisse l'être avec un jeune homme de vingt-deux ans.
Le regret de Jacob est presque physiquement palpable mais il sait qu'il a pris la bonne décision. Lui faire l'amour ne le rendrait pas heureux et ne ferait que creuser un peu plus le trou dans son cœur.
Thor observe une dernière fois son beau visage, sa mâchoire carrée, ses yeux marron et veloutés. Vraiment un beau garçon, avec un beau corps. Il serait facile de céder.
Thor desserre lentement l'étreinte de leurs mains. C'est fini. Ils vont se séparer et regagner leur cabine en solitaire mais Jacob referme soudain ses doigts sur les siens et le tire vers lui. Il enroule son autre main sur sa nuque, emmêle ses doigts dans ses cheveux blonds et pose sa bouche sur la sienne. Thor inspire brusquement. Le baiser ne dure qu'une fraction de seconde, juste une opportunité saisie en profitant de l'effet de surprise. Il sent pourtant le moelleux des lèvres de Jacob, leur goût sucré au sirop de fruits et le parfum de son déodorant. La caresse dans ses cheveux est presque tendre et ça tord quelque chose dans son ventre.
L'étudiant s'éloigne tout aussi rapidement et fait un pas en arrière.
— « C'est juste un souvenir de vacances », dit-il avec malice.
Jacob lui adresse un petit salut de la main tandis qu'il se dirige rapidement vers l'escalier. Thor se racle la gorge, les lèvres comme engourdies et le sang battant aux tempes. Le sale petit… Deux marches plus haut, le châtain s'arrête et se retourne.
— « Ma cabine est la numéro 512 au pont cinq. Si jamais vous changez d'avis… »
— « Va te coucher », grogne Thor avec une pointe d'agacement.
Jacob rit joyeusement et le son résonne dans la cage d'escalier.
Le blond essuie ses paumes moites sur son pantalon avant de s'engouffrer brusquement dans un couloir latéral. Il gagne un escalier secondaire et monte les marches quatre à quatre jusqu'au pont six et à sa cabine.
Il n'est pas en colère, pas vraiment, mais il ne veut plus croiser Jacob de la soirée.
Tony étouffe un bâillement dans sa paume tandis qu'il monte paresseusement le grand escalier depuis le pont neuf. Il a fait un détour par le pont d'embarquement du Naglfari pour remercier la dernière navette de la soirée d'avoir raccompagné ses clients. L'ambiance dans le navire est à la fois très alcoolisé et franchement sensuelle. Tony est parvenu de justesse à échapper aux bras tentaculaires d'une femme à l'embarcadère qui lui chuchotait à l'oreille combien elle le trouvait sexy. Merci mais il est un homme marié et très heureux en ménage. Et Pepper le saurait, elle le sentirait rien qu'en croisant son regard par écran interposé à leur prochain appel en visio. Sa chère et tendre épouse a la colère froide et elle est très effrayante.
Le brun jette un regard à sa montre et presse le pas. Il est en retard pour prendre son quart et relayer Loki. Tony grogne et monte rapidement les marches, pestant contre les ascenseurs trop encombrés qui lui ont fait renoncé à patienter.
Au palier du pont quatre, il tend l'oreille. Le brun croit reconnaître la voix de Thor. Il sourit et presse encore un peu plus l'allure. Il sait que le jeune homme est allé à terre pour le reste de la soirée mais il est rentré. S'il a bu ne serait-ce que la moitié de ce qu'il a senti dans l'haleine de sa prétendante un peu plus tôt, peut-être pourra-t-il apprendre une ou deux choses intéressantes à son sujet juste assez pour continuer son plan. Loki apprécie Thor Odinson, Tony a légitimement le droit d'avoir envie d'apprendre si Thor Odinson apprécie aussi Loki. Quand il les a observés pendant le vin d'honneur au mariage du couple Barnes-Rogers, le brun les a trouvés rudement bien assortis. Il espère que Sharon a pris un cliché d'eux et que Tony pourra en laisser un beau tirage sur papier glacé sur le bureau de son ami. Juste au cas où. Pour lui montrer ce que ça pourrait être.
— « Je sais ce que vous pensez mais je vous assure que ce n'est qu'une fois, juste maintenant (…). »
Tony fronce les sourcils. Thor est revenu de Puerto Limón mais il n'est pas rentré seul. Un autre homme est avec lui. Il monte discrètement deux marches supplémentaires pour tenter d'apercevoir quelque chose.
— « Toi et moi, nous savons que c'est plus raisonnable comme ça (…). »
Ça, c'est la voix de Thor, grave et chaude. Il sait que Loki l'apprécie aussi beaucoup.
Tony tend légèrement le cou.
Il aperçoit le blond entre les balustrades de la cage d'escalier, il le voit passer une main dans sa nuque d'un air gêné. Du mouvement en face de lui, c'est un tout jeune homme. Le brun reconnaît l'étudiant de Princeton qui mangerait de la glace au chocolat sur ses abdominaux si Thor ne lui adressait qu'un seul sourire invitant.
Il pince les lèvres. Jacob Caldwell lui cache un peu la vue, il distingue moins bien Thor et les expressions de son visage. Mince.
Puis soudain, Tony n'a plus de doute.
Jacob Caldwell et Thor Odinson s'embrassent.
L'étudiant a une main enroulée autour de la nuque du blond, presque tendrement.
Tony fronce douloureusement les sourcils. Il se détourne rapidement, descend les marches jusqu'au pont inférieur pour emprunter un escalier secondaire et éviter les deux hommes. Le couple ? Le brun est déçu. Profondément déçu. Sérieusement ? Avec cet étudiant mignon comme un petit gendre parfait ? La mèche bien peignée et une petite fossette charmante au menton ? Si décevant. Si… cliché.
Tony jure entre ses dents, sa déception fait la taille du Naglfari.
Le brun gagne rapidement le pont neuf puis la cabine de pilotage. Quand il entre dans la pièce et qu'il aperçoit Loki, son cœur se pince désagréablement pour lui. Son ami est debout devant les larges fenêtres de la cabine, les yeux rivés sur l'éclairage du pont et des piscines extérieures. Tony sait que le spectacle est beau, la cascade du bassin principal coule toujours malgré l'heure avancée. C'est beau mais Loki est encore plus séduisant à cet instant. Les mains dans le dos, il a un léger sourire aux lèvres, un peu fatigué mais aussi un peu apaisé Tony sait que c'est grâce à Thor. Thor qui embrasse pourtant un autre homme et qui semblait sur le pont de s'offrir une nuit avec lui. C'est ce qu'il a entendu. Mince. Mince !
— « Tony ? »
Le brun se raidit. Loki vient de tourner la tête vers lui, il sourit toujours et Tony se sent un peu mal. Est-ce qu'il se serait vraiment trompé ? Il aurait poussé son ami vers Thor Odinson, le si séduisant et célibataire Thor Odinson, pour le voir se faire damner le pion par un étudiant de vingt-deux ans ?
Loki hausse un sourcil.
— « J'ai cru que tu t'étais perdu dans le Naglfari ou que tu ne t'étais pas réveillé », le taquine le brun. « Est-ce que tout va bien ? Tu as l'air un peu… défait. »
— « J'ai croisé des clients très ivres en venant », élude Tony en se raclant la gorge.
— « Est-ce qu'ils étaient ivres au point de devoir demander au personnel de bord d'être attentif à la propreté des couloirs ? »
— « C'est possible », grimace le brun.
Il vérifie machinalement du regard les consoles de contrôle avant de rejoindre son ami. Loki roule des yeux d'un air agacé, les épaules raides sous sa veste d'uniforme.
— « C'est la raison pour laquelle je suis opposé à l'accord de ALC avec le Select. J'en ai déjà parlé à la dernière réunion au siège quand on a modifié notre nouvelle croisière dans les Caraïbes il y a trois ans. »
— « On ne t'a pas écouté ? », suppose Tony.
— « Non. Père était là, je pensais qu'il me soutiendrait mais il a trouvé que ce partenariat était une excellente chose. » Loki esquisse un rictus. « Il a le mal de mer, il n'a jamais fait une croisière de sa vie. Il ne peut pas comprendre les difficultés que cela implique de devoir gérer des gens très alcoolisés qui pensent qu'avoir payé dix ou quinze mille dollars pour douze jours de croisière leur offrent des passe-droits. »
De bout à côté de lui, Tony observe la cascade en silence. Des clients semblent en train de s'offrir un bain de minuit à moitié nus et il grogne. Il y a deux ans, un string oublié a bouché le système de filtration de la piscine et l'a rendu inutilisable pendant une demi-journée. Le Naglfari avait frôlé la mutinerie. Il soupire.
— « … Le Select fait d'excellents cocktails et la plage privée est magnifique. »
Loki lui jette un regard noir et lui donne un coup de coude dans les côtes. Tony ricane en se frottant le flanc. Lui non plus n'a pas vraiment envie de rire. Il semble que Thor a beaucoup apprécié les excellents cocktails du Select sur la magnifique plage privée. Est-ce qu'il a retrouvé Jacob Caldwell là-bas ?
— « Tony ? Tu es vraiment distrait cette nuit. Est-ce que tout va bien ? »
— « Oui, ne t'inquiète pas. Est-ce que tu veux que je demande au personnel de bord de patrouiller dans les couloirs ? Juste par sécurité ? »
— « Il est une heure du matin, ils ont le droit de se reposer. » Loki hésite. « On peut peut-être le signaler aux majordomes des cabines VIP, ils sont d'astreinte à tour de rôle pendant la nuit. Je passerai par le bureau du pont six pour leur en parler et leur demander de se transmettre l'information. »
— « D'accord. … Tu passes aussi par les cabines des employées pour leur dire ? Nadejda est dans la cabine 109 avec Jessica Bolden. »
— « Je ne veux pas l'inquiéter. Les clients ne savent pas où loge le personnel de bord et elle prend son service dans quelques heures. Ils seront tous en train de dessaouler à ce moment. … Bon sang, je déteste cette période de l'année à bord. »
Loki soupire. Il retire sa casquette, passe une main dans ses cheveux avant de la recoiffer avec soin.
— « … Tu ne peux pas toujours tout contrôler, Loki. »
— « Tu parles toujours de mon navire ou tu penses à autre chose ? »
Tony lui adresse un sourire gentil et compatissant et le brun lève les yeux au plafond. Loki passe lentement une main sur son visage.
— « … Je pense que Lucas voulait me demander en mariage à notre dernière Saint-Valentin », souffle-t-il entre ses doigts.
— « Votre dernière… C'est celle où tu as accepté de remplacer le capitaine Vasquez au pied levé pour dix jours sur le Skidbladnir ? »
— « Justement. C'était la fois de trop », avoue douloureusement Loki.
— « Je suis désolé Loki, je ne le savais pas… »
Le brun se contente de hausser légèrement les épaules mais Tony sait tout ce qu'il y a de douleur et de regret dans ce simple geste. De culpabilité aussi, même trois ans après.
— « Je peux aussi me tromper mais peu de temps avant, Lucas avait abordé le sujet en me demandant ce que j'en pensais. Cette Saint-Valentin était celle de nos six ans de couple, certains de nos amis se sont mariés bien plus rapidement que cela. »
— « Ce n'est pas de ta faute, Loki. »
— « C'est gentil de me le dire mais ça ne me permet pas de penser quand même le contraire. »
Tony renifle doucement. Il serre son épaule puis enfonce son index dans sa joue d'un geste taquin. Loki grogne et le repousse d'un regard noir tandis que son ami ricane.
— « Tu devrais plutôt songer à ce que tu lui aurais répondu s'il t'avait bien demandé de l'épouser. Tu es un grand amoureux mais ce type d'officialisation ne te ressemble pas », lui répond Tony du tac-au-tac.
— « Vraiment ? Maintenant, c'est moi qui suis l'esprit libre et toi l'esprit raisonnable ? », marmotte Loki d'un ton pince-sans-rire.
Son ami s'esclaffe et le bouscule gentiment.
— « Tu ne réponds pas à ma question. Et permets-moi de te dire que si tu songeais à accepter pour ne pas le blesser, j'aurais été très déçu. »
— « Bon sang Tony, j'étais fou amoureux de lui. Lucas n'est pas un homme orgueilleux mais un refus l'aurait terriblement blessé », siffle Loki en lui jetant un regard mauvais.
— « Donc c'est ce que tu aurais fait… » Le brun secoue lentement la tête. « Épouser quelqu'un n'a rien d'un simple arrangement contractuel, je pensais que tu l'aurais compris quand tu as marié les Barnes-Rogers. Ça n'aurait pas fonctionné et Lucas t'en aurait autant voulu que si tu aurais refusé. »
— « Le mariage n'est pas une si grande affaire Tony… Ça n'aurait pas changé grand-chose à notre vie excepté que j'aurais eu une alliance au doigt. »
— « C'est là où tu te trompes mon ami sinon les gens ne dépenseraient pas des dizaines de milliers de dollars pour ce moment. Demande donc à Thor, il pourra sans doute te donner des exemples. Il travaille dans l'événementiel, n'est-ce pas ? »
— « Il travaille dans l'événementiel à Miami. Tout est possible à Miami parce que c'est le royaume du paraître… »
— « Et tu en sais quelque chose… », ricane Tony.
Loki s'assombrit.
Lucas n'était pas un homme orgueilleux mais le brun l'avait rencontré alors qu'il s'entraînait sur un circuit de fit training sur Miami Beach. Il était torse-nu et il travaillait ses biceps. Le brun buvait un thé glacé à la terrasse d'un café branché voisin. Il était en train de sucer distraitement un glaçon quand le jeune homme l'avait remarqué à son tour. Trente minutes et une rapide baignade dans l'Atlantique plus tard, Lucas se présentait, sa serviette en bandoulière à son cou et un verre de jus fraîchement pressé à la main.
Le brun se mord les joues.
Ça avait été un moment étrange, il pensait à une rencontre agréable et sensuelle avec un bel homme mais il était resté six ans avec lui. Loki n'avait eu besoin que de quelques semaines pour tomber amoureux de Lucas. Alors qu'il était allongé sur le ventre et nu dans leur lit, Lucas picorait sa nuque de baisers en murmurant qu'il l'avait aimé presque au premier regard. Le brun le croyait, son compagnon était un homme honnête. Loki lui aurait menti pour l'épouser et ne pas le voir s'éloigner. Tony a raison, Lucas ne le lui aurait pas pardonné et ils se seraient probablement séparé quand même.
Il pince les lèvres. Un beau gâchis.
— « … Est-ce que tu sais comment il va ? »
— « Qui donc ? », demande Loki en tournant la tête.
— « Lucas, oh esprit génial. »
Le brun roule des épaules sous sa veste d'uniforme. Il se sent un peu étriqué.
— « Non. … Pas vraiment. … Je lui ai envoyé un message pour son dernier anniversaire », admet-il après un regard lourd de sens de son ami.
— « Loki… »
— « C'est juste de la politesse, ça ne prête pas à conséquence », proteste-t-il maladroitement. « Je crois que Lucas voit quelqu'un, il y a quelques petites choses sur son profil Facebook. Il semble heureux et c'est une bonne chose, c'est un homme bien et il le mérite. Je suis capable de me réjouir sincèrement pour lui tu sais. »
— « Je sais mais entre-temps, tu t'oublies. »
— « Si tu veux tant que cela me voir avec Thor Odinson, pourquoi tu ne poursuis pas ton petit plan en douce comme tu le fais depuis notre départ de Miami ? », grommelle Loki.
— « Je n'ai pas parlé de lui. »
— « Mais c'est bien de Thor qu'il s'agit, non ? »
Le brun hausse un sourcil tandis que Tony se contente d'observer en silence la piscine principale du pont extérieur. Il voit encore Thor embrasser Jacob sur le palier du pont quatre, Dieu sait ce qu'ils sont en train de faire à ce moment précis. Il ne veut pas – il ne peut pas – baliser un chemin doré vers le jeune homme si Loki n'y trouve qu'une autre solitude et celle de se voir préférer un étudiant de vingt-deux ans. Ça lui ferait mal et ça le conduirait seulement à continuer de souhaiter encore son anniversaire et de bonnes fêtes de fin d'année à son ex en pensant que ce n'est que courtoisie.
Tony note dans un coin de sa tête de demander à Pepper le nom de son amie de fac devenue psychologue dans les quartiers chics de Miami. Loki doit parler à quelqu'un pour parvenir à sauter enfin par-dessus ce gouffre et rencontrer quelqu'un. Il semble que ce ne sera pas Thor puisqu'il préfère les bras peu farouches de l'étudiant mais il y a de nombreux Américains gays sur le territoire national. Loki trouvera et il sera à nouveau heureux.
Le regard de son ami lui brûle le visage, attendant une réponse, une plaisanterie.
Tony soupire doucement.
— « Ton quart est fini, je vais prendre la suite. Va te coucher. »
— « Tu es très étrange ce soir. Est-ce que quelque chose ne va pas avec Pepper ? Tu as pu la joindre ? Tu sais que si la connexion est mauvaise, tu peux l'appeler depuis ma cabine », s'adoucit Loki avec inquiétude.
— « Ma douce moitié va très bien et elle t'embrasse. Je suppose que cette Saint-Valentin loin d'elle me rend un peu mélancolique. »
— « Vos prochaines vacances sont prévues pour quand ? »
— « À la fin de l'été. Pep' veut qu'on fasse installer une piscine dans notre maison d'Arcadia. Tu viendrais m'aider ? J'offre le gîte et le couvert. Je te prêterai même un maillot de bain pour la tester une fois qu'on aura fini. »
— « Tony, je ne creuse pas et je ne fais pas de piscine. Je me contente de vérifier comment elle fonctionne quand elle sera installée. Je viendrai vous rendre visite au début de l'automne. Tu devrais avoir terminé, non ? »
— « Tu es un horrible meilleur ami », grimace Tony et Loki rit doucement. « Va dormir maintenant. »
— « Merci. À plus tard Tony. »
Loki quitte la cabine de pilotage après un dernier salut général au personnel de bord. Il se gratte le front sous sa visière. Le brun a envie de retirer sa casquette et de desserrer sa cravate mais il croise un groupe de clients et se ravise. Loki roule des épaules et descend le grand escalier pour gagner le pont six et le bureau des majordomes. Il sourit gentiment à Anicet et Clive qui s'occupent devant un jeu télévisé.
Quand il parle des clients un peu trop ivres et joyeux, les deux hommes grimacent d'un air entendu.
Loki comprend, personne n'a envie de nettoyer du vomi à deux heures du matin sur une moquette hors de prix.
