Par comparaison avec les années scolaires ayant précédé l'organisation du Tournoi des Trois Sorciers à Poudlard, 1995 fut une année relativement peu agitée – si l'on excepte le fait que les jumeaux Weasley, ayant découvert que leur ancien et leur actuel professeur de Défense comptaient au nombre des Maraudeurs, avaient décidé de prouver qu'ils étaient leurs dignes successeurs au corps professoral entier – plus particulièrement à Sirius Black, qui avait décidé de prendre une pause dans l'enseignement après l'incident très rocambolesque du Chartier ivre et des trois représentants vampires de l'Association du Ruban Pourpre.

Preuve fut si bien administrée que Sirius décida de ne pas s'acharner à instruire la jeune génération en milieu étudiant, préférant financer l'industrie montante de farces et attrapes des jumeaux – au plus grand désespoir de Molly Weasley, qui dut pourtant se résigner à la chose, car un Black déterminé n'en faisait jamais qu'à sa tête et le monde ne pouvait rien faire pour enrayer la catastrophe.

Le professeur McGonagall fut à deux doigts de donner sa démission pas moins de huit fois au cours de cette année particulière – ce qui se comprend tout à fait. Elle resta à Poudlard, mais Charity Burbage décida de quitter son poste de professeur d'étude des Moldus pour raison de santé – ses pauvres nerfs ayant été usés pire que jusqu'à la corde par les incessantes frasques enthousiastes se déchaînant dans les couloirs.

Quand il fallut la remplacer, Lily Potter se porta volontaire. Elle était après tout née-moldue, donc parfaitement qualifiée pour naviguer dans le monde ordinaire en plus du monde magique. En fait, elle était la plus qualifiée sur la douzaine de candidats envisagés – dont l'un croyait encore que les automobiles fonctionnaient à la vapeur et que l'aéronautique n'avait pas progressé au-delà des ballons à air chaud.

Cette nomination eut pour résultat de créer une certaine tension au sein du corps professoral, en raison de la place de Maître des Potions qu'occupait Severus Rogue, ancien soupirant de la jeune et brillante Lily Evans. Cependant, un arrangement mutuel reposant sur le principe immortel « faisons comme si rien ne s'était jamais produit et ignorons toute preuve du contraire » fut rapidement atteint, et les deux enseignants parvinrent à se maintenir dans un cadre strictement professionnel.

Cependant, la recherche pour Viola Potter – la Survivante qui s'était évanouie dans l'éther comme si elle n'avait jamais existé – persistant à ne rien donner, le Ministère de la Magie avait enfin pris la décision de dissoudre la force spéciale dédiée à enquêter sur toutes les pistes pouvant guider jusqu'à elle, ou du moins jusqu'à son corps – même si beaucoup de sorciers manquaient de logique, ils n'en savaient pas moins qu'une disparition qui n'est pas élucidée au bout d'un an a de fortes chances de ne jamais l'être.

Le dossier Viola Potter fut ainsi soumis à un classement sans suite, destiné à ne plus être qu'un classeur rempli de pistes ayant tourné court, rangé dans les archives poussiéreuses du Bureau des Aurors pour ne plus en ressortir, cité comme l'un des grands mystères jamais élucidés du monde au même titre que la véritable identité de Jack l'éventreur ou la localisation de Juanita Nielsen.

A l'annonce de cette décision, le mépris de Daisy Potter pour le monde magique – qui avait déjà tant failli à sa sœur, et qui maintenant la laissait tomber une fois de trop – dégringola encore – un record comme elle croyait qu'il avait déjà touché le fond, mais il était apparemment possible de creuser un tunnel. Une bande de mauviettes, vraiment.

Si bien qu'une fois diplômée de Poudlard en juin 2001 – avec les honneurs, car Daisy Potter était la fille de Lily Evans et n'avait pas honte de récolter les diplômes – la jeune femme refusa tout net de postuler pour une position au Ministère – alors que nombre de bureaux ne demandait qu'à lui ouvrir leur portes – pour fonder une entreprise de détective privé – ou comme on dit, d'enquêtes de droit privé.

James et Lily furent des plus désarçonnés par le choix de carrière de leur fille, et plus encore par le manque de contact avec elle, comme la jeune femme ne répondait pas souvent à leurs lettres et appels par Cheminette, et encore ces réponses étaient-elles très courtes et remplies de tension.

Personnellement, Daisy trouvait que ses parents récoltaient ce qu'ils avaient semé : depuis qu'elle avait été envoyée à Serpentard, c'était comme si elle était devenue une étrangère qui mangeait à leur table et dormait sous leur toit. Oh, ils ne l'avaient pas reniée ou jetée à la rue comme Walburga Black l'avait fait à Sirius quand celui-ci avait définitivement prouvé qu'il refusait de suivre le même point de vue que sa harpie de génitrice – mais il était indéniable qu'elle ne se sentait plus la bienvenue à la maison Potter.

Même Danny s'était détaché d'elle – préférant la compagnie de ses camarades de Gryffondor à celle de sa jumelle, mais elle ne lui en voulait guère. C'était un garçon après tout, et il paraissait que c'était normal pour les frères et sœurs de suivre des chemins séparés après une enfance passée collés l'un à l'autre. Peut-être bien qu'elle et Viola auraient été pareilles, si elles avaient grandi ensemble.

C'était affreux à dire, mais Viola était devenue plus un idéal qu'une vraie personne aux yeux de Daisy quand la jeune fille avait quitté l'école – un objectif à atteindre, pas un être humain avec qui se lier, un Graal réimaginé maintes et maintes fois à forme humaine à la place d'une jeune femme dotée d'une personnalité.

Quand elle s'attardait là-dessus, Daisy en avait envie de pleurer et d'implorer le pardon de Viola encore et encore – comment pouvait-elle se prétendre une sœur aimante alors qu'elle considérait son aînée moins comme une sœur que comme son but ultime ?

Si seulement elle pouvait la trouver, elle pourrait enfin faire connaissance avec Viola, se lier avec elle dans les règles, être sa sœur en bonne et due forme. Si seulement.

C'était une tâche qui absorbait toutes ses forces, toute sa concentration, et elle n'avait pas le temps de s'arrêter pour le reste du monde – encore moins pour ces coureurs de dot désireux d'avoir la sœur de la Survivante pour épouse-trophée.

Ses parents étaient bien un peu vexés et décontenancés par son refus de fonder une famille, mais ils s'en consolèrent bien vite quand Danny décida d'épouser Ginny Weasley – toujours éperdument reconnaissante à James de lui avoir sauvé la vie en 1992 – culminant avec la naissance de James Potter, deuxième du nom, une radieuse matinée d'avril 2004.

Avec un petit-fils sur lequel s'extasier, James et Lily lâchèrent un peu la pression à leur seconde fille. L'urgence de perpétuer la lignée s'était un peu atténuée avec le remède adéquat. Et puis, les bébés détenaient un curieux champ gravitationnel, au moins aussi puissant que celui d'un trou noir, qui aspirait généralement la famille proche dans son orbite et refusait de les lâcher tant que les dents n'étaient pas toutes sorties.

A ce stade, la famille bénissait souvent sa chance de pouvoir dormir à nouveau d'une seule traite la nuit.