Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages : Saga x Aioros, Aphrodite, Shaka, (Angelo x Shura), Radamanthe x Kanon
Rating : T

Note : Bonjour et merci d'être au rendez-vous pour ce nouveau chapitre. Merci pour les reviews, les ajouts et votre soutien concernant ma mésaventure.

Merci Athéna de continuer à suivre cette histoire. J'aborderai prochainement les questions que tu as soulevé, le passé d'Aioros et leur mission future. J'espère que tu continueras à apprécier ta lecture.
Merci Mini-chan de poursuivre l'aventure. Je suis désolée de ne pas t'avoir suffisamment donné d'Angelo x Shura. J'ai prévu de revenir sur eux, ne t'en fais pas. Je te demande juste un peu de patience ! Quant à Aphrodite et Shaka, je pense que tu auras des éléments de réponse dans ce chapitre.

Merci ma chère Yuy, Lumière éternelle.

Je ne suis pas entièrement satisfaite de ce texte, mais je vous en souhaite tout de même une Bonne lecture à tous !

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Le fil rouge du Destin
Chapitre Quatre : Et puis, tout d'un coup, la main du Destin change notre univers.
(Paolo Coelho)

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Après avoir quitté le Palais du Grand pope, Aioros marqua un arrêt sur le parvis et s'étira longuement, sous le regard soudain enflammé - et affamé - de Saga, qui n'en perdit pas une miette.

Le Gémeau apprécia la manière dont les muscles bandés de son compagnon se dessinaient sous le t-shirt, dont le tissu étiré moulait chacun d'eux.

- Tu as faim ? demanda le Sagittaire en se tournant vers lui.

- Et pas qu'un peu.

Aioros sourit en comprenant le double sens de leur échange.
Le regard brûlant que Saga posait sur lui était sans équivoque.

- J'allais te proposer de nous faire un panier repas et d'aller déjeuner sur la plage. Histoire d'être un peu seuls et vraiment loin de tout le monde… Mais avec un tel regard, je me demande si on va pouvoir attendre d'y arriver…

Saga lui saisit le poignet et l'entraîna a l'ombre d'une colonnade.
Les jugeant suffisamment a l'abri, il se glissa entre ses bras et posa sa tête sur son épaule, le nez contre son cou.

- Ce petit acompte m'aidera à patienter.

Avec un sourire tendre et amoureux, Aioros l'enlaça et le serra contre son torse puissant, où son cœur battait la chamade. Il passa délicatement ses doigts dans ses longues mèches blondes, et perdit ses lèvres entre certaines d'entre elles pour de doux baisers.

Saga se sentait tellement bien, il en avait presque le vertige.

Jamais il n'avait connu de telles sensations de paix et de sécurité.

Il n'avait jamais eu peur qu'il lui arrivât quelque chose, ni de mourir.
Il l'avait même plutôt espéré, cette délivrance ultime, la seule manière de se libérer de sa possession et de son bourreau.

Et d'en libérer le Sanctuaire et ses occupants.

Ce n'était donc pas par vanité qu'il ne craignait pas sa mort, car il ne s'était jamais senti ni prétendu au-dessus des autres.

Saga avait été mis sur un piédestal, il ne s'y était pas installé de lui-même.

Ce qui lui avait donné cette volonté de protéger tout le monde.
Aussi, n'avait-il jamais éprouvé le sentiment d'insécurité ou d'inconfort, de vulnérabilité.

C'était donc une sensation nouvelle pour lui et surtout incroyable, que de n'avoir jamais eu besoin d'être protégé, et pourtant, d'avoir ce sentiment puissant de pleine sécurité dans les bras d'un autre.

Un autre qui ne pouvait être qu'Aioros.

Les deux hommes laissèrent échapper un soupir de contentement en même temps, ce qui provoqua un rire commun.
Ils se détachèrent et partagèrent un sourire complice.

- On y va ? proposa le Sagittaire. On sera quand même mieux sur la plage.

- Oui, accepta Saga. J'y pense, tu es rentré hier, tu n'as pas besoin de faire des courses au village ? demanda-t-il alors qu'ils prenaient la route du Douzième Temple. A moins que ce ne soit prévu cet après-midi…

- Aiolia a déjà rempli mon frigo et mes placards. Je n'avais pas prévu grand-chose, vu que je dois attendre le retour de la Princesse Athéna pour discuter de tous mes rapports. Enfin, si, j'avais quand même pensé à aller saluer ceux que je n'avais pas vu, encore, et surtout…

- Oui ?

Aioros se frotta l'arrière du crâne avec un petit rire.

- J'ai vu sur le tableau de Shion que tu étais prévu à l'entraînement des jeunes, à 14h. Je ne savais pas encore si on aurait eu le temps de parler, ni de quoi, mais je m'étais dit que je m'installerai probablement aux arènes pour une partie de l'après-midi. Même si ça voulait dire que j'allais osciller sans cesse entre joie de te voir et douleur… de te voir ! Tu m'as bien trop manqué pour que je rate une telle occasion.

- Je suis…

- Non, pas d'excuses ! le coupa-t-il avec douceur. Enfin, si tu y tiens, tu pourras toujours te faire pardonner par de délicates attentions. Mais je ne veux plus t'entendre t'excuser pour tout ce qui est arrivé. On oublie pas, mais la page est tournée, c'est ce qu'on a décidé.

- Oui, c'est vrai.

- Du coup, si cela ne te dérange pas, je vais sûrement venir assister à l'entraînement.

- Pourquoi cela me dérangerait-il ? s'étonna sérieusement le Gémeau.

- Mon regard ou ma présence peuvent te déconcentrer.

- Je ne pense pas que tu laisseras paraître quoi que ce soit de tes réels sentiments, ni pensées, dans tes yeux ou ton expression. Ce ne sera pas la première fois que tu assistes à une de mes sessions avec les plus jeunes.

- Je ne te garantis rien, aujourd'hui, l'avertit Aioros. Tu en es parfaitement capable, j'en sais quelque chose, mais je n'ai jamais vraiment essayé de cacher mes sentiments pour toi.

- On y arrivait très bien, quand on était plus jeune.

- Certes, mais on avait jamais eu autant de contacts physiques. Dès que je te regarde, j'ai de ces images dans la tête…

Saga se mordit la lèvre, alors que les pensées d'Aioros envahissaient son esprit.

- Ce n'est pas la peine de m'en donner un aperçu, j'ai les mêmes, tu sais ! fit-il remarquer en frôlant sa main de ses doigts.

- Oups... ?

Ils se sourirent avec tendresse, puis refermèrent leurs connections mentales car ils arrivaient déjà chez Shura.

Étonnement, celui-ci vint à leur rencontre.

- Je voulais vous proposer de déjeuner avec nous, c'est bientôt prêt, leur expliqua-t-il.

En effet, de délicieuses odeurs flottaient entre les murs austères du hall principal.

- C'est gentil, mais on avait prévu un genre de pique-nique sur la plage, répondit Saga.

- On a pris le petit-déjeuner assez tard, on a pas suffisamment faim pour un vrai repas. Mais merci, c'est très gentil à toi, Shura.

- Ce serait dommage de gâcher ta si bonne cuisine, ajouta le Gémeau. Mais une autre fois avec grand plaisir.

- Très bien, on s'organisera. À plus tard.

- Bon appétit !

- À vous aussi.

Les deux aînés quittèrent leur cadet sur un dernier signe, et reprirent leur route.

Ils s'arrêtèrent une première fois au Neuvième Tempe pour constituer une partie de leur panier repas, puis une seconde au Troisième.
Saga prit notamment le fameux vin de Samos qu'il avait proposé à Aioros la veille, cadeau de Milo au retour de sa petite escapade avec Camus.

Ordinairement, il évitait de boire avant l'entraînement des plus jeunes.
Mais c'était un moment spécial et il n'avait pas prévu plus d'un verre.

Afin de profiter jusqu'à la dernière seconde de son compagnon et éviter de devoir repasser chez lui se changer, Saga prit également sa tenue d'entraînement, qu'il prévoyait d'enfiler juste avant leur retour.

Et puis, il était assez évident qu'ils finiraient tous les deux nus à un moment ou un autre, et très probablement dans l'eau.

Équipés et ravitaillés, ils gagnèrent la plage d'un bon pas, pressés qu'ils étaient de retrouver un peu d'intimité. Bien sûr qu'ils en avaient dans leurs Temples, mais le cosmos de leurs pairs étaient quand même relativement proches.

Le soleil était au plus haut, mais les deux Chevaliers grecs ne craignaient ni ses rayons, ni sa chaleur.

Saga connaissait une petite crique bien isolée, il les guida donc dans cette direction.
Mais peu avant de l'atteindre, les deux hommes eurent la surprise de voir un portail dimensionnel s'ouvrir face à eux.

Le Gémeau se tendit immédiatement, prêt à se défendre un réflexe né d'une vie à se tenir en alerte.

Mais il relâcha rapidement la pression en sentant le cosmos familier, quelques secondes avant que Kanon et Radamanthe apparurent devant eux.

- Qu'est-ce que vous faites là ? s'étonna l'aîné des Gémeaux.

- Je te retourne la question ! Bonjour, déjà…

- Oui, pardon, bonjour, s'excusa Saga en embrassant son frère. Radamanthe, le salua-t-il avec un simple hochement de tête.

- Saga.

- Bonjour, à tous les deux !

Aioros embrassa Kanon et tendit la main au Spectre, qui marqua une courte hésitation avant de la serrer brièvement.
Mais ce fut suffisant vigoureux et ferme pour donner un aperçu au Sagittaire de sa force et de son assurance.

Comme si ce n'était pas déjà assez visible au premier regard...

- On ne se connaît pas vraiment, en ne s'est croisé que brièvement, jusque-là, mais la situation va forcément évoluer au fil du temps, assura le Sagittaire, confiant.

- Toi et ton optimisme…

- C'est grâce à lui qu'on en est là, tous les deux, je te signale ! répliqua-t-il avec un grand sourire pour Saga.

- C'est vrai, je lui dois beaucoup, reconnut ce dernier avec un sourire contrit.

Kanon les observa et sourit à son tour.

- Il était temps. C'est vraiment pas trop tôt !

- Tu n'es même pas un peu étonné ?

- Pourquoi le serais-je ? J'étais sûr qu'Aioros te pardonnerait.

- Ce que Kanon ne vous dit pas, c'est que cette nuit, inquiet pour toi, Saga, il a abaissé ses barrières mentales et a rétabli momentanément le lien entre vous.

- Radamanthe ! protesta le cadet des Gémeaux.

- Je n'ai rien senti, s'étonna Saga.

- Tu étais apparemment très occupé et certainement avec ton compagnon ici présent, si j'en juge par l'état d'excitation dans lequel cela a mis ton frère en quelques secondes.

- Tu sais, tu n'es pas obligé de me faire passer pour un pervers ou un voyeur, grimaça Kanon.

- J'ai bien précisé que tu étais inquiet et que cela n'a duré que le temps, relativement court, nécessaire à ce que tu comprennes que tout allait très bien.

- Génial, on garde juste le pervers, alors !

- Il est important que ton frère sache que tu t'inquiètes pour lui, même quand tu es loin et surtout, avec moi. Et d'en faire le rappel régulièrement.

Effectivement, les motivations de Radamanthe étaient maintenant plus claires. Il profitait juste de l'occasion pour rassurer Saga sur ce sujet si délicat, bien que peu évoqué de vive voix.

- Merci, Radamanthe, lui dit celui-ci. . J'apprécie.

- Moi aussi, assura Kanon en regardant intensément son amant. Beaucoup. Vraiment beaucoup.

Les iris d'or s'enflammèrent à leur tour et le temps sembla se suspendre un instant.

Aioros et Saga comprirent immédiatement que seul le couple face à eux avait la référence.
C'était clairement une sorte de code entre eux, une phrase, un mot, une tournure qui avait un sens unique et qui les renvoyait à quelque chose d'intime et de très personnel.

- On va peut-être les laisser… murmura le Sagittaire a l'oreille de son Gémeau.

Mais Kanon et Radamanthe leur firent de nouveau face dans un parfait ensemble.

- Vous vous promeniez ? demanda le premier.

- Juste le temps du déjeuner, répondit Saga. Je dirige l'entraînement à 14h.

- Je t'aurais bien remplacé, se désola son petit frère, mais j'ai déjà une mission, on y allait justement.

L'aîné des Gémeaux haussa un sourcil, perplexe.

- Et cela implique un Juge des Enfers à la surface ?

- Je ne suis pas là en tant que tel.

Le haussement de sourcil s'accentua et se mua en une interrogation muette.

- Je t'en ai parlé, Saga. Shion m'a demandé de rendre une petite visite à certains fournisseurs récalcitrants, à Athènes. Le retard des livraisons commence à avoir des conséquences.

- Oui, et quel est le rapport ?

- Si je n'ai pas besoin de parler pour être assez intimidant, c'est davantage le cas de Radamanthe. Avec l'accord de notre Pope, je lui ai proposé de m'accompagner pour enfoncer un peu mieux le clou. Histoire qu'on ait pas à y retourner une troisième fois.

- Oh, c'était donc ça ! s'exclama le Sagittaire. Je m'étonnais de ne pas avoir reçu mes flèches d'entraînement pendant mon absence, je pensais donc aller sur place demander les raisons de ce retard, et les ramener moi-même, si besoin, mais Shion m'a dit que ce serait vite réglé.

- On va faire en sorte que ce soit le cas, affirma Kanon.

- C'est gentil d'aider le Sanctuaire, Radamanthe, fit remarquer Saga. Étonnement gentil.

- Ce n'est pas ma première intention. Je souhaite simplement passer du temps en compagnie de Kanon. Si cela implique de le seconder lors de ses missions, peu m'importe que le Sanctuaire et Athéna en tirent avantage.

- Je me disais bien… maugréa l'aîné des Gémeaux.

- Au final, le principal, c'est que tout le monde est gagnant ! C'est bien que cela vous offre l'occasion d'une petite sortie en amoureux, au passage, se réjouit Aioros.

- C'est sûr que ça doit changer des Enfers…

- Saga…

- Je dis cela sans aucune méchanceté ou sournoiserie, se défendit-il. J'en fais juste le constat.

- Et il est pertinent, répondit le Juge. Nous n'avons pas besoin d'attendre que les occasions se présentent, ceci dit, nous les créons nous-mêmes. Et nous saisissons les autres, comme celle-ci.

- Il le sait très bien, intervint Kanon en fixant son frère, les sourcils froncés. C'est toi qui m'a conseillé la plupart des pièces de théâtre qu'on a été voir, je te rappelle. Pour ne citer que cet exemple.

- Vous n'êtes pas si souvent que cela à la surface. Je suis désolé, Kanon, je ne peux m'empêcher de trouver cela dommage que tu t'enfermes aussi fréquemment dans le Royaume souterrain, alors que tu es vivant et que tu as déjà passé la moitié de ta première vie sous l'eau.

- Sois certain que je fais tout pour lui faire oublier le lieu où il se trouve, avança Radamanthe.

- Et tu y arrives très bien ! appuya Kanon avec un grand sourire.

- Ravi de l'entendre… grimaça Saga.

- Tu peux l'être. Parce que c'est la seule chose qui compte : avec qui je suis et ce que j'y fais. Pas les lieux, qui ne sont que des décors, dans ce contexte. Mais c'est aussi plaisant de ne pas avoir de voisins à portée de cosmos, tu t'en rendras vite compte. Et puis, j'aime beaucoup Caïna. Surtout la salle de bain avec sa grande baignoire creusée dans le sol.

- Et sa vue parfaite sur les plaines gelées du Cocyte ? C'est sûr que tu vends du rêve.

Le regard océan de Kanon flamboya.

- Je suis plus intéressé et accaparé par ce qui se passe à l'intérieur. Je n'ai pas vraiment le temps d'admirer le paysage.

Saga eut un petit rire sec.

- Pour ce qu'i admirer…

- Et sinon, intervint Aioros pour couper court à leur jeune oratoire qui pouvait s'éterniser, je me disais que tu n'es peut-être pas souvent retourné à Athènes, Radamanthe. Cela te rappellera sûrement des souvenirs de ta vie à la surface…

Radamanthe, qui n'avait pas quitté son compagnon des yeux, ravi de le voir défier son frère et prendre position avec une fougue familière qui le faisait toujours vibrer, reporta son attention sur le Sagittaire.

- J'étais Prince de Crète et Roi d'un tiers de son territoire, à la mort de mon père adoptif Asterion, et je gouvernais également une partie de l'Asie mineure et les Cyclades, répondit-il sans vanité ni prétention. Pour ce qui est du continent, Athènes telle que vous la connaissez n'avait pas encore été fondée, à mon époque. Je n'ai cependant guère connu l'Attique où elle a pris place. Après m'être exilé en Béotie, je n'ai plus jamais quitté la région, jusqu'à ma mort.

- Désolé, s'excusa Aioros, un peu gêné par sa maladresse. Je savais que tu étais un ancien Roi et grand héros civilisateur de Crête, mais j'avais oublié que tu avais vécu bien avant la création d'Athènes, et je pensais donc que tu la connaissais…

- Comme tous les athéniens pour qui leur cité existe depuis toujours et est le centre du monde.

- Hey ! protesta Kanon en lui lançant un regard outré, surpris de cette pique qui l'avait éclaboussé au passage.

Radamanthe frôla les doigts de son compagnon des siens en une discrète caresse, comme une excuse.

- N'y vois nulle offense, là où il n'y a que constat parfaitement objectif.

- C'est un peu juste la capitale de la Grèce, quand même, fit valoir Saga. Je dis ça, je dis rien…

- Je te remercie d'illustrer si brillamment mon propos. En ce qui me concerne, je ne voyais pas l'intérêt de séjourner dans cette région. A mon époque, l'Attique et la Béotie n'entretenaient pas de très bons rapports.

- C'est toujours le cas, assura l'aîné des Gémeaux. Mais que ces querelles aussi vieilles que toi ne t'empêchent pas d'apprécier la région pour autant.

- Je suppose que cela dépend aussi de la personne qui nous guide et nous accompagne. C'est pourquoi je ne doute pas que ce sera le cas, aujourd'hui, affirma-t-il en regardant son compagnon.

C'était surprenant de voir le regard implacable du Spectre s'adoucir grandement dès qu'il se posait sur Kanon.

- Pour ça, il faudrait qu'on se dépêche un peu d'y aller ou on aura plus le temps de faire grand-chose ! fit remarquer ce dernier.

- Et nous aussi, il faut qu'on aille déjeuner.

Le cadet des Gémeaux eut un petit rire moqueur.

- C'est ça, oui, allez donc déjeuner !

Saga lui donna un coup de poing sur l'épaule, qui le fit à peine reculer.

- Vous rentrez ce soir ? demanda-t-il ensuite.

- Non, on va passer la soirée et la nuit là-bas, on rentrera demain matin. On serait bien rester un peu plus, mais Radamanthe ne peut pas s'absenter trop longtemps du Tribunal, et j'ai moi-même à faire au Sanctuaire.

Kanon faisait partie de l'équipe qui s'occupait des travaux et aménagements du Sanctuaire, il en avait le charge et la supervision, tout comme Saga, Aioros et Dokho.

Les grosses réparations avaient été terminées assez rapidement, il restait ensuite à transformer et moderniser les différents Temples et les annexes pour rendre la vie plus confortable et agréable à chacun.

Tout le monde participait par roulement, afin que chacun put s'investir dans la reconstruction.
Mais c'étaient les plus âgés qui assuraient la cohésion du groupe et répartissaient les tâches, en binôme sur une certaine période à tour de rôle, également.

Seuls Saga et Aioros n'avaient jamais travaillé ensemble, puisque le Gémeau s'y refusait catégoriquement.
La situation allait rapidement pouvoir changer, puisqu'il n'était plus question pour Saga de garder son Sagittaire trop longtemps loin de lui. .

- On pourrait déjeuner ou dîner ensemble, demain !

Trois regards aux divers degrés de scepticisme se tournèrent vers Aioros.

- On est pas obligé de faire ça tout de suite, répondit Saga.

- Carrément pas, confirma Kanon.

Le Sagittaire ne put que rire face à leurs expressions si similaires.

- Désolé, les jumeaux, c'est mon esprit famille qui ressort. Je garde cette idée pour plus tard.

- Bonne idée, tiens ! lui dit Kanon en posant sa main sur son épaule un court instant. Sur ce, bon déjeuner et à demain !

- Attends, tu ne veux pas prendre quelque chose pour la route ? le retint Saga en ouvrant leur panier de pique-nique.

Il était conscient d'avoir été un peu dur, il ne voulait pas qu'ils restent sur cette impression qu'il n'était pas capable de se réjouir pour eux.

- Non, t'en fais pas, on a prévu de passer d'abord à Rodario pour déjeuner chez Athénodoros. Radamanthe doit absolument goûter les meilleurs yemista du monde. Je n'ai que trop tardé à l'y emmener.

Cette nouvelle ne plut pas à Saga.

Le restaurant d'Athénodoros n'était pas bien grand, mais il était au cœur du village, là où il y avait le plus de passage.
Et c'était très souvent plein le midi, alors que c'était un repas plutôt traditionnellement pris sur le pouce et rapidement.

Mais les connaisseurs ne pouvaient que s'attabler et prendre tout leur temps pour déguster les délicieux yemista, ces légumes farcis qui avaient fait le réputation d'Athénodoros et dont il avait fait sa spécialité.

- Je n'ai pas besoin de te rappeler d'être très discret, Kanon.

- Non, mais tu le fais quand même, répliqua-t-il en croisant les bras sur son torse puissant, les sourcils froncés à nouveau.

C'était incroyable comme Saga pouvait passer du frère bienveillant au frère casse-bonbons et inversement, en une fraction de seconde.
De la haute-voltige !

- Il suffit d'un geste pour faire enfler la rumeur. Notre nouvelle vie ne nous dispense pas de rester exemplaires en toutes circonstances. Certaines relations et certains comportements ne sont pas acceptés, ni même simplement tolérés. C'est injuste, mais nous devons faire avec.

- Tu me fais la leçon, là, maintenant ? Sérieusement ?

Radamanthe posa sa main sur l'épaule de Kanon.

- Je promets de ne pas sauter sur ton frère en public, Saga, intervint-il. Je ne mangerai que ce qui se trouvera dans mon assiette et j'attendrai qu'on soit à l'hôtel pour tout le reste. On peut y aller, à présent, tu es suffisamment tranquillisé ?

L'aîné des Gémeaux lui dédia un long regard appuyé, avant de se tourner vers son frère.

- Je compte sur vous, Kanon.

- Oublie-nous et profite de ton déjeuner, plutôt. Je m'en remets à toi, Aioros.

- Tu peux, le rassura le Sagittaire en glissant son bras autour de la taille de Saga. Bonne journée à tous les deux, leur souhaita-t-il encore.

- À vous aussi, répondit le cadet des Gémeaux.

- Également, leur dit à son tour Radamanthe.

Les quatre hommes se saluèrent, malgré la tension résiduelle et les deux couples reprirent leur chemin, chacun de leur côté.

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Au même moment
Sanctuaire, Maison de la Vierge.

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- Oh flûte et zut !

Shaka se tourna vers Aphrodite, qui s'avançait déjà vers lui en tenant sa main.

- Tu t'es blessé, constata-t-il en ôtant ses propres gants de protection.

- Oui et très bêtement, en plus, grimaça le Douzième gardien en rejoignant Shaka.

- Tu aurais dû mettre des gants.

- Ne m'insulte pas ! protesta le blessé avec un claquement de langue. Je n'en ai pas besoin, voyons... C'est totalement exceptionnel. Et ridicule, surtout ! Moi qui manie la serpette aussi parfaitement que Shura son Excalibur, je suis tout de même parvenu à m'entailler profondément la main… Est-ce que tu aurais un chiffon ou une serviette auxquels tu ne tiens pas trop à me prêter ?

- Je reviens.

En attendant Shaka, Aphrodite alla s'asseoir sur le banc qu'ils avaient installé la veille.

Il plongea ses deux mains, l'une compressant la plaie de l'autre, dans le seau d'eau propre à portée.
Il voulait éviter de souiller davantage le sol sacré avec son sang contaminé.

Le Sixième gardien revint rapidement avec du désinfectant, un bon paquet de compresses et plusieurs bandes de tissus.

- Merci, Shaka.

- Donne-moi ta main, je m'en occupe, lui dit-il en s'asseyant à ses côtés.

- L'empoisonnement est une expérience que je te déconseille fortement ! refusa-t-il en repoussant sa main, qui se tendait vers le seau, d'un coup d'épaule.

- Ça ira pour moi, Aphrodite.

- Shaka, je ne plaisante pas. Je saigne vraiment beaucoup.

- Si ça ne va pas, nous appellerons Shion qui nous apportera le contre-poison rapidement.

- Il n'est efficace qu'à 45 %, dans le meilleur des cas, rappela le Douzième gardien en essayant de rester hors de portée de son hôte.

- Ce sera plus que suffisant pour moi, assura Shaka en prenant d'autorité la main d'Aphrodite qu'il sortit du seau.

Il l'essuya, la nettoya et comprima immédiatement la plaie avec une bonne épaisseur de compresses, avant de bander le tout.
Vaincu, Aphrodite le regarda travailler avec application, bercé par le doux murmure de son puissant cosmos qui rendait le soin bien moins douloureux qu'il ne devrait l'être.

Non pas qu'il craignait d'avoir mal, il avait connu bien pire.
Ce n'était vraiment rien, il avait connu tellement pire et plus affreux.

Mais Shaka s'en occupait comme d'une jambe coupée, sans hésitation et sans crainte pour sa propre santé... ou sa vie.
Comme s'il n'avait pas une bombe à retardement entre les mains.

- Tu es complètement fou.

- C'est l'apanage des hommes proches des Dieux d'être jugés soit résolument fous, soit admirablement sages. Ce ne sont probablement que l'envers et l'endroit d'une même médaille.

Aphrodite en resta bouche bée.

Il observa son cadet terminer son bandage de fortune avec délicatesse, toujours sans crainte, malgré ses doigts tachés de sang maudit.

- Voilà, cela devrait suffire. Il faudra le changer dans une heure ou deux et s'assurer qu'il n'y a pas d'infection. Je t'en ferai un moins compressif et moins encombrant.

- Les plantes ne m'affectent pas, en aucune façon, il n'y a rien à craindre de ce côté-là. Merci, Shaka. Tu te sens bien, toi ?

- Oui, parfaitement, assura-t-il en essuyant ses mains avec une serviette qu'il avait également apporté.

- Je vais quand même te surveiller un petit moment pour être sûr…

- Dans ce cas, nous pouvons déjeuner ensemble, si tu le souhaites, c'est bientôt l'heure, proposa le Sixième gardien. Puisqu'il est prévu que tu reviennes cet après-midi, de toutes les façons, ce serait plus simple que tu restes.

- Excellente idée ! accepta Aphrodite avec enthousiasme. Merci à toi.

- Je m'occupe du repas, tu peux rester encore ici, si tu veux et réfléchir à d'autres idées.

- Non, je vais plutôt t'aider ! refusa l'aîné. Je vais commencé par aller vidé ce seau souillé dans tes toilettes… Bats les pattes ! repoussa-t-il sa main qui se tendait vers l'objet en question. C'est moi qui le fais. Sauf si tu ne veux pas que j'accède à ta salle de bain ou ton petit coin…

- Cela ne me pose pas de problème, répondit très sérieusement Shaka. J'allais me laver les mains, j'aurais pu le faire en même temps.

- Tu en as assez fait. Je te suis.

Ils regagnèrent l'intérieur et Shaka montra la salle de bain à Aphrodite, avant de gagner la cuisine.

Le Douzième gardien prit un peu de temps pour admirer la pièce, dont l'agencement et la décoration sobre et épurée, ainsi que la lumière chaude et le parfum de fleurs créaient un véritable cocon de sérénité.

Il songea même à une ou deux plantes qui trouveraient parfaitement leur place pour compléter cet ensemble si harmonieux.

Simplement assis sur le rebord de la baignoire, il se sentait calme, apaisé…
Presque autant que lorsqu'il s'occupait de son jardin.
Ou de celui de Shaka, d'ailleurs.

Même les élancements douloureux de sa main blessée semblaient s'estomper.

S'arrachant à se moment agréable, Aphrodite ne tarda pas trop à rejoindre le maître des lieux.

Avec et malgré son énorme pansement, il aida du mieux qu'il put son camarade, faisant fi de ses protestations.

Il n'était pas familier de la cuisine indienne, que Shaka mêlait à une cuisine plus locale, mais il adorait ce qu'il sentait et ce qu'il voyait se préparer sous ses yeux : un délicieux riz indien délicatement parfumé d'une dizaine d'épices, dont il utilisa la moitié pour farcir des feuilles de vignes selon une recette initialement grecque.

Lorsqu'il se retrouva vraiment inutile, notamment pour cette étape, Aphrodite patienta sagement dans son coin en surveillant son camarade, dont il suivait le moindre geste.

Ils parlaient en toute simplicité ou se perdaient chacun dans un silence confortable, uniquement troublé par le bruit de la préparation du repas et les notes d'une musique douce qui s'élevait depuis le poste de radio.

Shaka allait vraiment bien, il ne montrait aucun signe d'empoisonnement, même léger.

Pour le moment, en tous cas.

Enfin, le Poissons était quand même assez rassuré, car si cela avait dû arriver, Shaka aurait déjà manifesté un certain malaise ou une quelconque faiblesse.
Non, il semblait vraiment ne pas avoir été impacté.

Aphrodite savait que les Chevaliers d'or étaient assez puissants pour ne pas être infectés par le seul contact de sa peau, qui pouvait tuer de simples mortels, par ailleurs.
Il fallait que son sang soit versé et touché, et c'était encore plus grave si les deux sangs étaient mêlés.

Or, Shaka avait eu son sang sur les doigts et il allait pourtant très bien, presque une heure après.
Le Chevalier de la Vierge était réellement un puissant guerrier.

Cela renvoya Aphrodite au souvenir d'une conversation qu'il avait eu avec Aioros, quelques mois après leur résurrection et le retour du Sagittaire au Sanctuaire.

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Flash back

Sanctuaire, Maison des Poissons.

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Le jardin était vraiment magnifique.

Les rosiers qui bordaient l'escalier du Douzième au Treizième Temple ne donnaient qu'un bref aperçu du talent du Chevalier des Poissons, qui avait su magnifier ses extérieurs.

Aioros se perdit un instant dans la contemplation de ces fleurs magnifiques au mille couleurs, et respira à plein poumons les odeurs aussi puissantes que les couleurs étaient vives. Le tout savamment dosé pour n'occasionner qu'un ravissement des sens, et nul maux de tête souvent causés par des odeurs fortes et persistantes, ou trop mélangées, ou la saturation de la vision par un trop plein d'informations.

Aphrodite était un orfèvre, un chef d'orchestre, un artisan de la beauté qu'offrait la nature.

C'était un réel plaisir de se trouver dans son jardin.
Dommage que peu de chevaliers osaient encore s'y aventurer… songea le Sagittaire avec regrets.

- Aphrodite, salua-t-il son cadet en le rejoignant.

Le Poissons, penché sur ses rosiers, se redressa et fit face à son ainé.

- Tiens donc, Aioros, tu es venu jusqu'à moi…

- En effet. Je ne pouvais pas m'arrêter tout à l'heure car j'étais attendu par Shion, mais si tu as un peu de temps à m'accorder et que je ne te déranges pas…

- Pour le moment, non, tu ne l'importunes pas, mais la suite dépendra de toi ! Que me veux-tu ?

- Je voulais simplement parler un peu, si tu as un moment.

Les poings sur les hanches, Aphrodite l'observa un court instant en silence.
Aioros se plia à cet examen sans se départir de son doux sourire.

- Pourquoi pas, je songeais justement à faire une pause, finit-il par accepter en reposant son sécateur. Tu veux une tasse de thé ou un café ?

- Ce que tu as, les deux me conviennent à cette heure-ci.

- Assis-toi, je reviens.

- Je peux t'aider ?

- Reste plutôt ici et profite du spectacle. Mes Fées des neiges sont en pleine éclosion.

- Elles sont magnifiques, reconnut Aioros en découvrant le merveilleux rosier blanc désigné par son cadet. Si l'on fait exception de la neige et de la glace créées par Camus, je n'avais encore jamais vu de blanc si éclatant et pur dans la nature.

Une lueur de fierté au fond des yeux, Aphrodite redressa le menton.

- C'est vrai que tu n'as jamais eu la chance de me voir combattre sérieusement. Cette variété est celle que j'utilise lorsque je lance mes Roses sanguinaires. Elles sont tout aussi magnifiques, quand elles absorbent le sang de mes ennemis et virent au rouge. Malgré cela, j'avoue préférer leur blanc immaculé, qui est unique, effectivement.

- Je comprends.

Aphrodite lui adressa un léger sourire, puis rentra dans son Temple.
Il en ressorti plusieurs minutes plus tard avec un plateau, qu'il posa sur la table installée dans le jardin où Aioros avait pris place.

Après leur avoir servi leur thé, il s'assit face à son aîné.

- Cet endroit est un véritable havre de paix.

- Oui, c'est mon refuge. Mon coin de paradis à moi. Je ne connaîtrai jamais celui qui attend les vertueux, après leur mort, alors j'en profite de mon vivant.

- Les compteurs sont remis à zéro. Tu peux gagner ta place, en faisant les bons choix, dans cette nouvelle vie.

Le Douzième gardien reposa la tasse qu'il avait porté à ses lèvres pour boire une première longue gorgée de thé brûlant.

- Je suis un mauvais garçon, Aioros. Une vie ne suffirait pas à racheter mes fautes ou mes actes. Surtout que je n'ai pas vraiment de regrets. Sauf peut-être en ce qui te concerne. Sur le moment, je voulais te tuer, je croyais que tu avais trahi notre Pope. Cela me rendait triste aussi, parce que je t'aimais bien et que tu m'avais déçu. Quoi qu'il en soit, j'aurais préféré ne pas participer à cela.

- Je n'en veux à aucun de vous trois, nous nous sommes déjà expliqués à ce sujet. Vous avez obéi aux ordres et rempli votre devoir.

- Nous aurions pu le faire avec moins d'enthousiasme, se désola-t-il. Shura se prenait déjà pour le bras armé de la justice, mais Angelo et moi… on était juste habité par une folie naissante, avides de prouver notre valeur, de faire marcher la loi du plus fort et de l'imposer à tous.

- Je ne suis pas venu remuer le passé, Aphrodite, murmura le Sagittaire en faisant doucement tourner la cuillère dans sa tasse.

- Pourquoi tu es là, dans ce cas ?

- Je me demandais comment tu allais.

- Tu me poses la question tous les jours, ainsi qu'à chacun de nous.

- Oui, mais je ne peux pas toujours m'attarder plus longuement sur vos réponses. Est-ce que ça se passe bien avec les autres ?

Aphrodite but une nouvelle gorgée de thé, puis laissa son regard dériver vers ses magnifiques rosiers.

- Nous nous sommes plus ou moins ignorés pendant des années, après vous avoir perdu. Nous étions les plus âgés, nous devions montrer l'exemple et guider les plus jeunes, après que Saga et toi aviez disparu. Mais on ne se souciait que de nous trois, en vérité et de Saga, sous le masque, dès qu'on a su.

- Ce n'était peut-être pas plus mal. Vous les avez tenu éloigné de votre folie meurtrière et sanguinaire.

Le Douzième gardien secoua la tête avec un petit sourire.

- Tu arrives toujours à trouver du positif, même dans les pires situations. Même avec les pires d'entre nous, les rebuts de l'humanité.

- Vous n'êtes plus ce genre de personnes. Pour ne parler que de toi, tu es revenu du Royaume souterrain pour Athéna et tu as répondu présent à notre appel, pour Elle, devant le Mur des Lamentations. Tu n'avais aucune obligation de le faire, sachant en plus que la promesse d'Hadès de revenir à la vie n'était qu'illusion.

- Je suis Aphrodite des Poissons, un Chevalier d'Athéna, répliqua-t-il en relevant fièrement le menton. Même si je n'en ai pas toujours été digne.

Aioros eut un sourire triomphant.

- C'est ce que je voulais te faire dire. C'est la seule chose qui compte, Aphrodite.

- Peut-être, concéda le Poissons. En tous cas, ne t'en fais pas pour moi. Même si j'ai parfois du mal à accepter la compagnie de mes pairs ou à en profiter, je ne vais pas m'enfermer ici pour toujours, tu sais.

- Je ne te laisserai pas faire ça et je ne suis pas le seul.

Le rire bref d'Aphrodite résonna joliment, alors qu'il rejetait la tête en arrière.
Même s'il n'y était pas du tout sensible, Aioros était forcé de reconnaître que le Chevalier des Poissons était véritablement d'une très grande beauté.

- Tu ne ferais pas un complexe du héros qui veut sauver tout le monde ?

- La Princesse Athéna l'a déjà fait. À ma petite échelle, je m'assure juste que ce n'était pas en vain. Et que tout le monde est conscient et certain de mériter cette seconde chance et prêt à la vivre pleinement.

- Sois sans crainte, je profite pleinement de cette nouvelle vie ! le rassura-t-il. Je te l'ai dit, je sais que je paierai l'addition à ma mort. Alors autant vivre à fond tout ce que je peux, avant qu'elle n'arrive et ne m'emporte. Une fois toutes les couleuvres avalées, une bonne ambiance a commencé à s'installer, ici. Pas avec ni pour tous, mais je participe comme je peux.

- Bien, tant mieux.

Un silence confortable se fit durant quelques instants.

- Aioros, il y a quelque chose que je veux te dire depuis un moment, mais je n'ai pas trouvé la bonne occasion. Ou peut-être que je n'avais pas vraiment envie d'avoir cette conversation avec toi… ajouta-t-il avec un petit rire nerveux.

- Rien ne t'y oblige.

- Oh que si ! Ta gentillesse et ta bienveillance qui débordent de partout, on en parle ? C'est un peu indigeste et culpabilisant pour les gens sans scrupules comme moi, tu sais ?

Cette réponse tira un petit rire au Sagittaire.

Aphrodite ôta l'élastique qui retenait sa queue de cheval haute et libéra sa longue chevelure dans un mouvement des plus gracieux.

L'or pale avait une nuance plus claire que celle des cheveux de Saga, mais cela suffisait à Aioros pour lui faire penser au Gémeau qui, de toute façon, quittait rarement son esprit.

- Tu as dû entendre de nombreuses choses, déjà, se lança le Poissons en le regardant dans les yeux. Les soldats m'ont souvent vu entrer et sortir des appartements du Grand pope, de jour comme de nuit et ce, pendant plusieurs années. Je veux que tu saches qu'il ne s'est jamais rien passé avec Saga. Je veux dire que oui, c'était son corps. Mais lui n'était jamais là, dans ces moments-là. Il s'effaçait complètement. Ça rendait le Lémure complètement fou, d'ailleurs, se souvint-il avec un ricanement amer.

Aioros, soudain très grave, repoussa sa tasse de thé.

- Est-ce que cette… chose t'a forcé, à un quelconque moment, d'une quelconque façon ? demanda-t-il entre ses lèvres pincées, la gorge nouée de devoir poser une telle question.

Et redoutant la réponse.

Mais Aphrodite secoua la tête.

- J'ai voulu tout ce qui est arrivé. J'avais un peu plus de 14 ans quand je me suis glissé dans la chambre du Pope, la première fois. Il m'en a chassé très violemment. Ça ne m'a pas empêché de retenter le coup à plusieurs reprises, pendant un an et quelques. Jusqu'à ce qu'il m'accepte. Ou plus sûrement, que Saga ne puisse plus le retenir.

- Je suis soulagé qu'il ne t'aie rien fait de mal.

- T'es quand même incroyable, Aioros… Je te dis que j'ai profité honteusement de ton grand amour et tu n'as même pas envie de me gifler ?

- Voyons, Aphrodite… cela n'a rien à voir ! Tu aurais pu être blessé, maltraité et abusé sans ménagement. Comment aurais-je pu m'en réjouir ou en rajouter en te jetant l'opprobre ?

- Oh mais cela a été le cas ! J'aurais dû le préciser, il ne m'a rien fait que je n'ai au préalable consenti. Cette relation, qu'on ne peut pas vraiment qualifier de telle, était tout sauf saine. C'était un véritable démon, tu en as eu un perçu même très bref. il était fou et violent. Et je l'étais tout autant.

- Tu étais amoureux, objecta Aioros, les mains crispées autour de sa tasse.

Il ne lui en faudrait pas beaucoup plus pour la briser.

- Fou amoureux, et d'un homme qui n'a jamais aimé et n'aimera jamais que toi, soupira Aphrodite presque théâtralement. C'est pathétique, grimaça-t-il ensuite. Tu étais mort et enterré, avec aucune possibilité de revenir un jour, et il a continué de t'aimer et à t'être fidèle, par-delà la mort. Il avait le plus beau Chevalier à ses pieds, le plus dévoué, j'aurais tout fait pour lui… Mais il n'a jamais voulu que toi. Quel sombre idiot !

Aioros ne pouvait pas dire si Aphrodite parlait de Saga ou de lui-même…

- Je suis désolé, j'aurais préféré que tu n'aies pas à souffrir de cela.

Le Poissons se laissa aller en arrière sur sa chaise avec un petit rire sec.

- Et moi, je suis désolé, mais je ne regrette pas ces années-là. Même si ce n'était pas Saga, j'arrivais parfois à me bercer d'illusions suffisamment fortes pour que ça m'apporte un peu de réconfort. Quand le Lémure était enfin calmé et satisfait, et qu'il me laissait parfois rester un peu avec lui, dans ses bras, je pouvais y croire… jusqu'à ce qu'il me chasse à coup de pieds ! Oh ! c'est bon, ne fais pas cette tête ! soupira-t-il en voyant l'expression d'Aioros. Je n'ai jamais été une petite chose fragile. Et surtout, tu devrais m'en vouloir pour tout ça. Et de te donner ces détails. Sans compter le fait que j'ai essayé de séduire Saga une ou deux fois, ces derniers mois… Je suis vraiment un irrécupérable et très vilain garçon !

- Au contraire, répliqua le Sagittaire. Je sais pourquoi tu le fais et je t'en remercie.

Aphrodite grimaça, déçu d'avoir été si facilement percé à jour.

- Si tu veux vraiment me remercier, fais ce qu'il faut avec Saga ! Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous n'êtes toujours pas ensemble.

- Ce sont nos affaires.

- Si je peux me permettre…

- Non, Aphrodite, tu ne peux pas, le coupa-t-il avec douceur, mais fermeté.

- Même pour me remettre à ma place, tu es gentil, constata le Poissons, dépité. J'insiste quand même. Tu devrais être plus ferme et ne pas accepter son comportement. Il a juste besoin de…

- Ça ira, Aphrodite, l'interrompit-il toujours sans brusquerie, mais fermement. Merci. Je connais très bien Saga, malgré ce trou de 13 ans dans notre relation. Je sais ce que je fais et ce que j'ai à faire avec lui.

Les deux Chevaliers se regardèrent un moment en silence.

Aphrodite comprenait que ce put être difficile pour Aioros d'envisager qu'il ait été suffisamment proche de Saga pour peut-être mieux le cerner que lui, aujourd'hui.

Or ce n'était pas le cas.

Mais malgré tout, il avait été l'amant de Saga, certes possédé, mais le corps qui l'avait étreint avait bel et bien été le sien.
Aioros en avait conscience et cela devait le blesser, forcément.

Même s'il était de nature à accepter les choses et avancer en souriant.

- Bien, se résigna-t-il.

- Et sois-en assuré, je ne t'en veux pas. Ni pour le passé, ni pour notre présent dans lequel tu essaies de le séduire. Je te l'ai dit, je te comprends.

Le Poissons fit un élégant geste de la main, comme pour chasser une mouche.

- J'ai compris que c'était peine perdue. Je ne veux pas être un substitut, je vaux mieux que cela. Je ne trouverai sans doute jamais un homme aussi puissant et charismatique que Saga - et ne me parle même pas de Kanon, surtout maintenant que la Wyvern, à laquelle j'ai suffisamment eu à faire pour toutes mes vies, lui a mis sa patte griffue dessus… - Mais peut-être quelqu'un qui m'aimera intensément à ma juste valeur, pourquoi pas ?

- Je te le souhaite sincèrement. Il y a forcément quelqu'un qui t'attend quelque part.

Aphrodite eut un nouveau ricanement amer.

- Je plaisantais, Aioros. Le destin du Chevalier des Poissons est une voie solitaire et sans issue, depuis toujours. Saga est assez puissant pour lutter contre mon poison. Tout comme Angelo peut le faire, sans doute à cause de son pouvoir lié à la mort et aux Enfers.

- Je pense aussi que Shura et Angelo ont effectué une sorte de mithridatisation (1). A force d'absorber de petites quantités de ton poison quotidiennement, ils s'en sont immunisés. Vous avez bien continué votre rituel, n'est-ce pas ?

- Tu étais au courant ? s'étonna le Douzième gardien, entre admiration et ahurissement.

- Le Grand pope savait tout et nous étions vos formateurs et protecteurs, Saga et moi. Il était normal de vous surveiller, particulièrement…

- Un sale gosse qui pourrait un jour tuer d'un simple contact… grimaça Aphrodite en posant ses coudes sur la table et son menton entre ses mains croisées.

- J'allais plutôt dire trois petits chenapans toujours fourrés ensemble, qui avaient tendance à disparaître d'un coup, même pour un temps court. Mais je le reconnais aussi, il nous fallait garder un œil sur toi.

- Pourquoi personne n'a jamais rien dit ?

- Parce que c'était une bonne idée, Aphrodite. La seule valable pour contrer la malédiction des Poissons. Saga vous a défendu becs et ongles, il voulait plus que tout te donner une chance de ne pas vivre seul et isolé.

- Il me comparait à Kanon, certainement.

- Oui. Je lui en avais fait la réflexion, d'ailleurs.

- C'est vrai que toi, tu étais au courant pour le jumeau caché !

Aioros hocha la tête.

- Saga et moi n'avions aucun secret l'un pour l'autre.

Un claquement de langue sec retentit.

- Je te prierai de bien vouloir éviter de m'agiter votre lien extraordinaire sous le nez, j'en suis suffisamment conscient, merci bien !

- Ce n'était pas mon intention, je suis désolé.

- C'est bon, passons…soupira-t-il, le nez dans sa tasse.

- Je suis ravi de constater qu'on a fait le bon choix de vous laisser agir, à l'époque, reprit Aioros. Vous êtes vraiment très proches, tous les trois, aujourd'hui et depuis toujours. A présent, tu pourrais l'être d'autres personnes, également.

- Tu crois que je vais me mettre à faire une distribution générale de roses empoisonnées tous les matins ? Tu rêves un peu trop fort, Aioros ! le railla-t-il avec une ironie mordante.

Pourtant, même si son regard s'était durci, il n'avait manifesté aucune méchanceté ni agressivité.

- Je n'irai pas aussi loin. Mais par exemple, tu pourrais déjà te rapprocher de Shaka. Il est presque aussi charismatique et puissant que Saga.

- Tu n'es pas très objectif, se moqua son cadet. Shaka est clairement aussi puissant que Saga. Tu as dû l'apprendre, il a quand même géré trois Chevaliers d'or qu'il a grièvement blessé, sans tout à fait mourir, pour pouvoir rejoindre le Royaume souterrain. Même s'ils étaient quelque peu diminués en revenant en tant que Spectres, ce n'était pas rien d'affronter Saga, Shura et Camus ensemble. Il les a tellement acculé qu'ils ont du recourir à une attaque interdite. Excusez du peu !

- Tu as raison, je place toujours Saga au-dessus de tous spontanément. Or, vous êtes devenus de puissants Chevaliers, vous aussi. Et justement, en rendant justice à Shaka par le rappel de ses exploits, tu me donnes encore plus de raisons de croire qu'il peut vraiment lutter contre ton poison.

- Peut-être, oui…

- Et vous avez des points communs, notamment une attaque qui prive vos ennemis de leurs cinq sens. Je pense qu'il entre même dans tes standards, non ? Blond, les yeux bleus, vertueux et proche des Dieux… énuméra-t-il en repliant un doigt par caractéristique.

Aphrodite plissa les yeux.

- Tu essaies d'être sournois, là ?

- Bien sûr que non ! se défendit le Sagittaire, outré.

- Si ! répliqua son cadet en tapant du plat de la main sur la table, sans brusquerie cependant. Tu tentes d'attirer mon attention sur une autre cible que Saga de manière détournée ! Et très maladroite, surtout ! Je te l'ai dit, j'ai laissé tomber, tu n'as plus à te soucier de moi. Tu n'as plus à me voir comme un conçurent.

Aioros sourit.

- Je pensais juste que ce serait une bonne occasion de te lier à d'autres chevaliers qu'Angelo et Shura. Même s'ils sont plus jeunes que vous, vous avez beaucoup de choses en commun.

- Alors en fait, tu joues les entremetteuses !

Le sourire du Sagittaire s'accentua.

- Je ne pensais pas forcément à des liens amoureux, mais… si ça peut t'aider, je suis prêt à endosser ce rôle.

Aphrodite ne put retenir un rire en imaginant Aioros dans la peau d'une vieille matriarche sur le déclin, essayant de caser tous ses fils avant sa mort.

- Je n'étais pas sérieux, reprit-il, une fois calmé. Je sais très bien ce que tu fais, Aioros : en vérité, tu agis juste comme tu l'as toujours fait, pour le bien du Sanctuaire. Tu voudrais qu'on soit tous amis et qu'on s'aime, qu'on fasse la fête tous les soirs et qu'on boive des coups chez les uns et les autres à tour de rôle.

Le ton du Poissons oscillait entre ironie et amertume.

- Je crois seulement que ce serait mieux pour tout le monde, en effet, qu'on puisse bien s'entendre. La nature des relations que chacun construira restera à définir, mais ce sera un choix personnel. J'aimerais que l'indifférence et la rancœur, entre autres, y soient exclues. Ces sentiments commencent d'ailleurs à s'estomper, comme tu l'as souligné tout à l'heure. C'est encourageant.

- Tu parles comme un Grand pope.

- Un grand frère, simplement.

- Ça fait une tripotée de frangins. T'as pas assez d'un chaton ébouriffé à gérer ?

- Chaton ébouriffé ? s'esclaffa le Sagittaire. Aiolia sait que tu l'appelles comme ça ?

- Il m'en veut déjà suffisamment pour ne pas en rajouter.

- Il finira par te pardonner, affirma Aioros, confiant. Vous avez déjà fait le premier pas l'un vers l'autre.

Aphrodite haussa les épaules en une feinte indifférence.

- Au fond, ce qui compte vraiment, pour moi, c'est de ne pas perdre Angelo et Shura. Ils ont toujours été les piliers de mon existence, avec Saga. Mais ça finira par arriver aussi…

Le Poissons s'était soudain assombri.

- Aphrodite…

- Ne fais pas attention ! se reprit-il rapidement, de nouveau souriant. Et puis, tu t'es assez attardé comme ça ! J'ai des rosiers à tailler. Et toi, n'as-tu pas d'autres sermons et bons conseils à administrer à droite et à gauche ?

- Je prends le temps qu'il faut pour et avec chacun d'entre vous.

- Vraiment trop bon.

- Trop bon, trop con, c'est ça ? demanda Aioros, taquin.

- Pour d'autres, certainement, répondit très sérieusement son cadet. Mais toi, Aioros du Sagittaire, t'es juste trop bon… trop bon ! Profite, je ne suis pas du genre à offrir des fleurs autres que délicieusement empoisonnées.

Le Sagittaire se leva, toujours en souriant.

- Merci, Aphrodite. Pour les fleurs, ta conversation et pour le thé, délicieux, au passage.

- Y a pas de quoi. C'est un de ceux que je ne bois pas, ça m'arrange de m'en débarrasser ! Je devrais d'ailleurs en proposer à Mu, tiens !

Aioros n'était pas dupe, mais il ne releva pas.

Aphrodite avait été un gentil garçon.

Il s'était endurci à force d'être rejeté car trop beau et trop jalousé.
Ceux qui l'avaient jugé trop délicat pour être Chevalier, et surtout pas Chevalier d'or, s'en étaient vite mordus les doigts jusqu'à l'os.

Aioros avait appris cela aussi.

Il avait vu les premières parties de sa carapace se former et il la constatait bien en place, aujourd'hui, froide et solide comme les glaciers de son enfance, parfois cruelle, maintenant les autres à bonne distance.

Mais elle n'était pas impénétrable pour autant.
Bien sûr, elle était quasi inexistante pour Angelo et Shura.

Mais Aioros avait vu Aphrodite discuter parfois longuement avec Mu, Aldebaran et Milo, aux arènes ou lors de repas que Shion avait organisé pour rapprocher ses protégés.

Et il espérait vraiment que d'autres personnes sauraient toucher son cœur et être touchées par lui, également.
Dans tous les sens du terme et de toutes les façons possibles.

- Ou à Shaka, plutôt, le provoqua-t-il.

Aphrodite se leva, les poings sur les hanches.

- Je crois que tu étais sur le départ, là !

- Laisse-moi te dire une dernière chose, avant, demanda Aioros, redevenu tout à fait sérieux. Même s'ils finissent par ouvrir les yeux sur leur véritable lien, Angelo et Shura ne t'abandonneront jamais. Il n'y a absolument aucun risque que tu les perdes.

- Tu es vraiment au courant de tout.

- Ça a été mon rôle, en tant qu'aîné. Je n'ai fait que reprendre mes habitudes pour pouvoir au mieux vous guider et prendre soin de vous. Même si vous n'êtes plus des gamins.

- On a toujours besoin d'un guide et d'un protecteur. Quel qu'il soit.

La référence à Saga possédé était sans équivoque.

- Mais nous sommes chanceux de vous avoir aujourd'hui, Saga et toi. Shion pourra bientôt prendre sa retraite et roucouler avec Dokho en toute sérénité !

- Je ne suis pas le seul à être au courant de tout, fit judicieusement remarquer le Sagittaire.

- Oui, mais moi, je suis une véritable commère. Mes raisons sont moins valables et honorables que les tiennes !

- Évidemment, sourit l'aîné. Bien, il est temps de te laisser en paix.

- Oui, tu as vraiment abusé de ma patience et de ma sociabilité, Aioros ! grommela le Douzième gardien, un air faussement et exagérément exaspéré sur le visage.

Ce qui fit sourire Aioros, encore une fois pas dupe du tout.

- Tu ne me raccompagnes pas, je suppose.

- Tu connais le chemin, c'est le même que tu as pris pour arriver.

Cette fois, le Sagittaire rit franchement, et Aphrodite ne put s'empêcher de sourire.

- Par contre, attends, avant de partir…

Le Poissons disparut derrière un bosquet et revint rapidement avec une jolie fleur bleue, qui ressemblait à un flocon de neige ou une étoile.
Il la tendit à Aioros, le menton redressé fièrement.

- C'est une Centaurée bleuet.

- Merci, Aphrodite, accepta le Sagittaire, surpris et touché par l'attention. Tu me fais des avances ? ne put-il s'empêcher de le taquiner.

- Idiot ! répondit le Douzième gardien en tapant du pied sur le sol. Si tu ne sais pas apprécier le geste... ajouta-t-il en tendant la main comme pour la reprendre.

Mais Aioros recula pour la mettre hors de portée.

- désolé, désolé ! C'est en rapport avec mon signe, je suppose ?

- Oui, ce peut être un clin d'œil. La centaurée a été effectivement nommée ainsi en hommage au centaure Chiron. Il l'aurait utilisé pour se soigner, après avoir été empoisonné par une flèche d'Heraclès.

- Je ne connaissais pas cette histoire, C'est gentil à toi…

- Elle est comestible et a des propriétés médicinales reconnues. Mais ce n'est pas pour cette raison que je te la donne, l'informa le Poissons, les poings sur les hanches. C'est surtout un gage d'amour heureux, dans le langage des fleurs. Puisque tu ne veux pas de mes conseils ni de mes remarques désobligeantes en ce qui concerne Saga, accepte au moins mes encouragements. Vous voir ensemble m'aiderait vraiment à tourner la page, tu vois ?

- Parfaitement. Mer…

- Tu m'as déjà assez remercié, l'interrompit-il. Ouste, maintenant !

- Bien, bien... rit Aioros, nullement vexé. A plus tard, Aphrodite.

- À plus tard, Grand frère, se moqua encore le Douzième gardien.

Mais la tendresse et la reconnaissance étaient perceptibles dans sa voix.

Sur un dernier signe de la main, le Sagittaire quitta le Douzième Temple, la centaurée tenue délicatement entre ses mains comme un trésor.

.

Fin du flash back.

.

Aphrodite n'aurait jamais pensé qu'Aioros avait vu juste et qu'il pouvait effectivement se rapprocher de Shaka.

Et pourtant, ils étaient bel et bien devenus amis, en quelques jours ; les trois après-midis qu'ils avaient déjà passés dans le jardin de Shaka avaient suffi à construire des bases solides.

Et autre point important, Aioros avait raison, la Vierge semblait supporter le contact de son sang.

Le Douzième gardien ne put contenir un large sourire, sans quitter le Sixième des yeux.

Il avait vraiment apprécié les moments partagés avec Shaka, il n'avait à chaque fois pas vu le temps passer et avait quitté son Temple presque avec regrets.

Après tout, ce n'était pas si mal de se lier à d'autres personnes, songea Aphrodite en penchant la tête sur le côté.

Surtout si cet autre ne risquait rien à le côtoyer.

Certes, Shaka n'était pas Saga.
Ni même Angelo ou Shura.

Mais si ces trois-là avaient représenté tout son univers, dans sa première vie, il était évident qu'il était exclu du leur, dans cette seconde, malgré toute leur bonne volonté.
Ils n'avaient plus les mêmes places, en tous cas.

Il était temps pour lui de faire de même et de continuer à élargir son horizon.
Et prendre soin de cette amitié naissance et improbable comme d'une plante fraîchement rempotée entrait parfaitement dans ce projet.

Sans compter la présence de Mu, qui les avait déjà rejoint la veille pour les aider et qui allait revenir dans l'après-midi, avec Aldébaran.
C'était vraiment facile de se sentir bien avec eux, il n'avait même pas d'efforts à faire.

Aphrodite

Le Douzième gardien sursauta légèrement.

Tu m'as fait peur, idiot ! Qu'est-ce qu'il y a ?

Je te dérange ?

Non, j'étais juste dans mes pensées. Je ne m'attendais pas à une intrusion si soudaine.

Désolé. On est chez moi, tu veux venir déjeuner avec nous ?

Shura ne prenait même plus la peine de nommer Angelo, tant le « on » était aussi évident que le « nous » et ne pouvaient renvoyer qu'à leur couple.

Merci, mais j'ai déjà été invité ailleurs. Et même si j'adore ta cuisine, je ne déclinerai pas cette invitation sans une excellente raison.

Des notes d'étonnement et de curiosité pétillèrent dans leur lien de cosmos.

T'es où ? Je te sens pas loin.

Chez Shaka. Tu sais, pour son jardin.

Tu y es depuis tôt ce matin.

Oui, et... ?

Un silence, où l'étonnement résonna plus fort, puis...

Rien. Si tu changes d'avis, n'hésite pas. Tu nous raconteras plus tard, arrête-toi en rentrant si on est toujours là.

Et si j'ai pas envie ?

Shura était souvent très directif dans ses propos, sans forcément s'en rendre compte.
Il allait droit au but, aussi tranchant et précis que le fil de sa lame.

Pourtant, là où on pourrait croire à un ordre, il n'en était souvent rien.

Le Capricorne présentait simplement les choses, libre à son interlocuteur d'accepter ou non.
Mais cela réveillait souvent le côté rebelle et l'esprit de contradiction d'Aphrodite, qui ne pouvait alors pas s'empêcher de le taquiner.

Tu fais ce que tu veux, Aphrodite.

Encore heureux ! Écoute, je vais passer une bonne partie de la journée ici. On pourra se voir ce soir, si vous êtes pas trop occupés.

C'est qui l'idiot, maintenant ?

Ça va… A ce soir, alors.

Évidemment. Bon appétit et bonne journée.

À vous aussi. Désolé, c'était Shura, s'excusa-t-il en souriant à Shaka qui le regardait.

- Oui, j'ai senti son cosmos. Tu maîtrises très bien le lien télépathique, fit-il remarquer.

- Je crois que c'est parce que c'est Shura et qu'il n'est pas loin. J'y arrive aussi avec Angelo. Mais avec Shion, par exemple ou même Mu, c'est plus difficile. Cela me donne de fortes migraines, pour tout te dire !

- C'est sûrement parce que tu opposes une résistance, consciente ou non. Shura et Angelo sont si proches de toi que tu n'as presque pas de secrets pour eux. Qu'une autre personne s'immisce dans ton esprit doit te déranger et te donner le sentiment d'être vulnérable.

- Si tu le dis… C'est vrai que ça fait sens.

- Ce n'est qu'une hypothèse. Je pourrais t'aider à améliorer cela, si tu veux et tu verras s'il y a des changements.

- Vraiment ? se réjouit Aphrodite, tout sourire.

- Oui. Ce sera comme un remerciement pour l'aide que tu m'apportes, ici.

- Ce n'est pas nécessaire, tu sais. J'y prends beaucoup de plaisir. Ceci dit, je veux bien de ton aide ! Même si je n'ai pas l'intention d'en faire mon moyen de communication favori avec tout le monde, ça m'arrangerait de ne pas écoper d'une migraine, chaque fois que Shion me parle par ce biais.

- On pourra commencer après le déjeuner, si tu veux, on aura un peu de temps avant l'arrivée de Mu et d'Aldébaran. D'habitude, je médite une petite heure, mais c'est un exercice qui me détendra tout autant.

- Si tu es d'accord, ça me va ! Merci beaucoup, Shaka.

- Je t'en prie. Tout est prêt, on va pouvoir déjeuner.

- Je t'aide pour la table ! Et ce n'est pas négociable ! Je ne suis pas aussi gentil, d'habitude, alors profite !

- La vaisselle est dans le bas du buffet, accepta la Vierge avec un petit sourire.

- Très bien !

Les deux Chevaliers s'installèrent rapidement et partagèrent un très bon déjeuner, par le contenu de leurs assiettes autant que par leurs échanges.

Ce qui confirma ce nouveau lien qui s'était établi entre eux et se renforçait d'heure en heure.

Que l'un des chevaliers les plus purs put ainsi se rapprocher de l'un des chevaliers les plus entachés avait de quoi surprendre, en effet.

Mais cela n'en demeurait pas moins tout à fait réel.
Et extrêmement encourageant pour le futur des relations entre les Chevaliers, qui avaient été rudement malmenées lors de leurs premières vies.

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A suivre

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1 La mithridatisation est le fait d'ingérer des doses croissantes d'un produit toxique afin d'acquérir supposément une insensibilité ou une résistance vis-à-vis de celui-ci.
Le mot a pour origine le roi du Pont, Mithridate VI (132 av. J.-C. - 63 av. J.-C.) qui, craignant pour sa vie, voulut acquérir une connaissance parfaite des poisons et de leurs antidotes afin de s'en préserver. Selon la légende, il serait parvenu à s'immuniser en absorbant de petites doses de poison. Battu par Pompée, il aurait voulu se donner la mort en s'empoisonnant, mais ne put mourir qu'en se faisant tuer par un mercenaire galate. (Wikipédia)

Merci pour votre lecture, j'espère que ce chapitre vous a plu et que vous serez là au prochain .
Bonne continuation.
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