Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf les personnels des italiens.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros.
Rating pour ce chapitre : k+
Note : Bonjour à tous. Merci pour votre présence, votre fidélité, vos reviews et vos ajouts, ainsi que les échanges que nous avons en MP pour certains.
N'étant pas satisfaite de mon chapitre sur Shura et Angelo, que je voulais compléter, j'ai décidé de poursuivre l'aventure avec la suite du voyage de Saga et Aioros, cette fois en Italie. Je m'excuse auprès de toi, Mini-chan, et de tous ceux qui comme toi l'attendait, mais je pense que l'étoffer est nécessaire et j'espère que vous apprécierez le résultat. Rendez-vous d'ici trois chapitres !
Dernière précision, le séjour en Italie comportera trois chapitres, celui-ci étant le premier et le plus long publié depuis le début.
Bonne lecture et merci de votre soutien !
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Le fil rouge du Destin
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Chapitre sept
La vie doit être vécue en regardant vers l'avenir, mais elle ne peut être comprise qu'en se retournant vers le passé.
(Soren Kierkegaard)
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Village de Corniglia
Cinque Terre, Italie
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Un paysage magnifique déployait ses couleurs vives et chaudes de chaque côté, partout où pouvait se poser le regard.
Saga était enchanté par leur promenade et tout ce qu'il découvrait, depuis qu'Aioros et lui étaient arrivés dans la région des Cinque Terre. Il était aussi heureux de revoir la Méditerranée offrir toutes ses nuances de bleu, jusqu'à perte d'horizon, Arès deux jours en Autriche.
La vue depuis le Treizième Temple au Sanctuaire était aussi à couper le souffle, mais la mer était en arrière plan. Il y avait entre les deux un terrain rocailleux et poussiéreux, avec peu de végétation, toutes les Maisons et le grand escalier, les différentes arènes, les quartiers des Chevaliers et des apprentis, et plusieurs autres bâtiments annexes…
Les appartements privés du Grand pope donnaient sur l'arrière du Sanctuaire où la vue était plus directe sur la mer. C'était également plus boisé et végétal, notamment avec les oliviers sacrés d'Athéna ou les jardins privés de certaines des Maisons.
Mais le Chevalier des Gémeaux n'y avait désormais plus accès.
Ici, sur la Riviera italienne, il y avait les bleus de la mer et du ciel, les verts des collines, les falaises étaient boisées et pleines de vie, à l'image de ces petits villages aux maisons colorées, accrochés à leurs flancs. Un immense parc naturel conquis par les hommes, mais dont ils avaient su respecter chaque élément, de génération en génération, depuis des siècles et des siècles.
C'était un véritable spectacle pour les yeux et le cœur.
D'autant plus, pour Saga, que la lumière incroyable qui baignait cette région, et peut-être aussi les souvenirs associés, rendait Aioros encore plus solaire qu'il ne l'était déjà. Le vert de ses yeux pétillait d'éclats d'or bien plus visibles que d'ordinaire, et ses boucles de bronze s'éclaircissaient de reflets plus cuivrés.
Et que dire de son sourire, plus éclatant que jamais…
- C'est magnifique, murmura Saga en arrivant enfin en haut des marches qu'ils gravissaient tranquillement.
Ils étaient venus à pied depuis le village précédent de Manarola, mais même s'ils avaient pris le train, celui-ci ne montait pas jusqu'au village de Corniglia. Il fallait gravir un long escalier de briques rouges pour y accéder.
Ce qui ne posait évidemment aucun problème aux Chevaliers d'or.
- Oui, confirma Aioros sans quitter son compagnon des yeux. Magnifique, et bien plus encore.
Car lui aussi était sensible aux changements qui s'étaient opérés chez son Gémeau.
Les yeux de Saga n'avaient rien à envier à la palette de bleu qu'offrait la Méditerranée en contrebas, les mêmes nuances y dansaient, selon la lumière et où il les posait. Aioros les avait vu briller d'émerveillement et d'émotion, à plusieurs reprises, et avait partagé sa joie et son enthousiasme.
Et tant d'autres sentiments que les deux amants n'avaient pu exprimer que par des gestes et de longs regards, ainsi qu'au travers de leur connexion, de leur lien retrouvé, si intime, profond et complet.
Aioros était ravi, car ce n'était que le début de leur séjour et Saga se montrait déjà très sensible et réceptif.
Bien qu'absorbé par le panorama, Saga comprit l'allusion de son compagnon.
- Je parlais du paysage, mon amour.
- Rien ne saurait être plus magnifique que toi, à mes yeux, mon aimé. Ta beauté, celle de ton être tout entier me coupe le souffle.
Touché, le Gémeau prit la main de son Sagittaire et y déposa un doux baiser, sans le quitter des yeux.
- Merci, mais tu n'as rien à m'envier. Tu m'éblouis à chaque instant.
Aioros embrassa sa main à son tour.
- On a l'air d'être plus haut que le Sanctuaire, reprit Saga en allant s'appuyer sur le bas muret de pierre qui les séparait du vide.
- Les falaises sont à pic, par endroits, comme ici, répondit Aioros en le rejoignant, ça donne une sensation vertigineuse. On doit être à une centaine de mètres au-dessus de la mer. Je ne sais pas pour le Sanctuaire, alors je ne pourrais te donner de réponse exacte, mais je pense qu'il est plus perché, encore. Et plus imposant, surtout.
Ils se délestèrent de leurs grands sacs à dos et prirent le temps de boire un peu d'eau, avant de poursuivre leur discussion.
- En tous cas, nous ne sommes plus au même niveau que les deux autres villages que nous avons traversés.
- Corniglia est le plus perché des Cinque Terre, confirma Aioros. C'est pour ça qu'il n'a pas d'accès direct sur la mer. C'est le seul, d'ailleurs. Pour y aller, il faut redescendre vers la gare pour la plage naturiste et…
- Naturiste ? releva Saga en haussant un sourcil.
- Oui. Elle est assez connue des adeptes, en fait, et dans beaucoup de pays.
- Et tu la fréquentais ?
Aioros sourit, amusé par l'inquiétude de son compagnon.
- Une fois pour la tester, reconnut-il. Mais rassure-toi, je ne me suis pas déshabillé, ce n'est pas une obligation. D'une, je suis assez pudique…
- Pas avec moi, fort heureusement, ne put s'empêcher de l'interrompre le Gémeau, encore une fois.
Il n'y avait pas de vision plus enchanteresse, pour lui, que de voir Aioros se balader à moitié ou complètement nu, dans l'intimité de ses appartements ou des siens.
- Évidemment, avec toi, c'est différent. Mais tu sais bien que je ne vais aux termes que lorsqu'il y a peu de monde, par exemple. Je m'arrange pour arriver le premier ou sortir le dernier.
- Personnellement, cela me convient tout à fait. J'aime ta pudeur, car elle te dérobe aux regards autres que le mien.
- Et moi, j'aime ta tendre possessivité, répondit Aioros en lui embrassant le bout du nez.
Chatouillé par ce geste, Saga laissa échapper un petit rire, dont le Sagittaire se délecta en le couvant d'un regard toujours plus amoureux.
- Tu t'es donc privé de plage par pudeur ? reprit le Gémeau.
- Pas uniquement. Comment dire… réfléchit Aioros un moment. Pour faire simple, ma stature impressionnait et intriguait pas mal de monde, tout comme mes cicatrices, et ce, dès mon arrivée.
- Vu qu'à 14 ans, on t'en donnait déjà 18, j'imagine qu'ils ont eu du mal à croire que tu n'avais que 18 ans, quand ils t'ont rencontré. Tu devais clairement paraître plus adulte et âgé.
- Exactement. Sans la gourmette gravée de ma date de naissance à mon poignet, on m'aurait attribué un tout autre âge. Bref, comme je n'avais pas tellement envie de trop en montrer ou de susciter trop de curiosité ou de questions, j'allais le plus souvent à l'autre plage, plus petite et tranquille. Mais il faut emprunter un escalier très raide pour l'atteindre.
- Aussi grand que celui-ci ? s'étonna Saga en désignant le long escalier qui serpentait à travers la roche et les collines.
- Il y a moins de marches, je pense, mais elles ne sont pas plates et larges comme celles-ci. Il n'est pas vraiment aménagé, la pierre est brute, la pente est abrupte, tellement que par moments, il est impraticable. C'est loin d'être une promenade de santé !
- Je n'ai pas compté, mais celui-là fait bien au moins 300 marches, non ?
- La Lardarina compte entre 382 et 384 marches, expliqua Aioros. Tout dépend si tu intègres le palier de départ et l'arrivée.
- Je vois. Ça vaut le coup, en tous cas, assura Saga en faisant face à la mer.
- Je suis si content que ça te plaise déjà, tu sais, mon aimé, avoua Aioros en l'enlaçant tendrement par derrière.
Le menton sur son épaule et les mains nouées sur son ventre, il soupira de bonheur.
Saga posa ses mains sur les siennes et s'appuya contre lui.
- Comment ne pas être conquis par une telle vision ? Merci de partager cela avec moi, ˆRos. J'aurais été idiot de refuser de venir, surtout pour des raisons aussi puériles que celles que je t'ai donné, hier soir.
- Elles se comprennent, même si ce n'était pas justifié. Si j'ai pu te rassurer à ce sujet, tant mieux.
- C'est le cas, confirma Saga en se tournant vers lui, sans quitter ses bras. Je n'ai plus aucune appréhension. Au contraire, je veux en voir davantage, j'aimerais que tu m'en dises plus et sans gêne, ni tabou. Je veux tout savoir de toi, même ce dont j'ai été privé.
Ému, Aioros le rapprocha encore de lui et l'embrassa avec douceur.
Ils ne s'autorisaient pas toujours ce genre de démonstration, en public. Mais là, ils n'étaient pas encore entrés dans le village, ils étaient quasiment seuls.
Et surtout, ils en avaient envie et besoin.
Le lieu, leurs sentiments l'un pour l'autre si profonds, toutes leurs émotions, l'atmosphère si particulière qui les entourait, tout les y conviait.
Et ce fut un moment plein de tendresse, suspendu hors du temps, où le monde autour d'eux cessa d'exister.
- Que veux-tu savoir, mon aimé ? murmura Aioros en se détachant lentement, le souffle court et le cœur battant.
- Tout, je te l'ai dit, répondit Saga sur le même ton et dans le même état. Tout ce que tu ne m'as pas encore dit.
Le Sagittaire gloussa, le nez dans le cou du Gémeau, puis releva le visage vers lui.
- Mais il faut bien commencer quelque part.
Saga jeta un nouveau coup d'œil à l'escalier près d'eux.
Autant commencer par le commencement.
- C'est au milieu de ces marches que tu as été retrouvé, si je comprends bien ?
Aioros sourit avec nostalgie, puis se détacha complètement de Saga pour remettre son sac sur son dos, très vite imité par celui-ci.
Il serait bien resté encore un peu dans leur bulle, mais l'heure tournait et il fallait avancer.
- Oui, sur l'un des bancs, répondit-il en lui prenant la main pour le guider lentement vers le village. Inconscient, amnésique au réveil, sans papiers, sans argent… J'avais juste un sac à dos avec quelques affaires, ma gourmette avec ma date de naissance gravée et un rameau d'olivier.
- Ce n'est sûrement pas une coïncidence, si les Juges infernaux t'ont renvoyé précisément ici.
- Tu penses à quoi ?
Saga désigna le long escalier dont ils s'éloignaient, puis la Méditerranée que le promontoire rocheux surplombait.
- Cela se rapproche un peu de ce que tu avais toujours connu, au Sanctuaire, non ? Cette familiarité a dû t'aider à t'adapter et te sentir bien, ici, malgré ton amnésie. Tu ne crois pas ?
Aioros n'eut pas à réfléchir.
- Si, tu as raison. J'y ai pensé, lorsque je suis rentré au Sanctuaire, la première fois, et que j'ai gravi les escaliers de Maison en Maison, comme je ne l'avais plus fait depuis mon adolescence. Des images des Cinque Terre me sont revenues en tête, expliqua-t-il en s'engageant dans la ruelle étroite, face à eux. J'ai tellement crapahuté, marché, monté et descendu de marches, au sein de ce village autant que pour me rendre dans les autres, et dans ces montagnes… Finalement, je n'ai jamais perdu l'habitude. Ni mon lien avec le Sanctuaire, d'une certaine façon.
- Et celui avec Athéna était maintenu par le rameau d'olivier que tu as gardé et le métier que tu exerçais, puisque tu étais justement oléiculteur.
- Oui, confirma Aioros, avec toujours son sourire nostalgique. Ça, je l'ai compris très vite, et je me suis même dit que c'était notre Déesse elle-même qui avait arrangé cela. Et peut-être le reste aussi, après tout. Les Juges ne sont pas connus pour leur compassion ou leur sollicitude, certainement pas envers les Chevaliers d'Athéna.
- A qui le dis-tu… grimaça Saga. Athéna aurait donc fait en sorte que tu sois recueilli et hébergé par une famille d'oléiculteurs, alors ? Oui, cela Lui ressemble bien.
- C'est le point de départ de mon histoire ici, Saga. J'aurais aussi bien pu atterrir à Riomaggiore, où on est passé tout à l'heure.
- Le premier village où on est arrivé, celui fondé par des réfugiés grecs, il y a fort longtemps, se remémora le Troisième gardien. Et où commence le magnifique Sentier des amoureux qu'on a pris pour rejoindre le deuxième village.
- C'est ça, sourit le Sagittaire. Mais non, c'est ici que je suis arrivé, à Corniglia. Tout en apprenant l'italien, j'ai commencé à travailler pour les De Angelis en guise de dédommagement pour le gîte et le couvert. Cela ne devait pas durer longtemps, mais j'ai montré de réelles aptitudes, très rapidement.
- Ce qui est étonnant, en effet. Enfant, tu n'étais pas vraiment ami avec les arbres, même si tu aimes et tu respectes profondément la nature depuis toujours.
Aioros ne put que rire à cette remarque.
- En effet ! Tu te souviens, Shion avait fini par formellement m'interdire d'approcher des oliviers du Sanctuaire.
- Si tu n'avais pas passé ton temps à y planter tes flèches, aussi !
- J'y accrochais juste mes cibles ! se défendit-Il.
- Que tu avais encore du mal à atteindre, à cette époque, même si c'est venu incroyablement rapidement, par la suite. Elles finissaient souvent plantées au-dessus ou en-dessous, dans l'écorce.
- Certes…
Ils se sourirent avec nostalgie, comme à chaque fois qu'ils évoquaient leur enfance et partageaient un souvenir commun.
Ils avaient été si heureux de grandir ensemble…
- Et dire que c'est toi qui as replanté tous les oliviers au Sanctuaire, l'an passé et qui t'en occupe, depuis... C'est une chance que tu aies eu ce savoir-là. On ne savait même pas si ça allait être possible.
- C'est que vous avez semé une sacrée pagaille, lors de la dernière Guerre sainte, rappela le Sagittaire. Votre Athéna Exclamation contre Shaka aurait pu raser le Sanctuaire tout entier. Et le choc des deux suivantes n'a rien arrangé, même si l'intervention aussi courageuse que désespérée des Bronzes vous a évité le pire.
Saga grimaça à ce souvenir.
- J'aurais voulu pouvoir faire autrement, ´Ros. Vraiment.
- Je me doute bien de l'état dans lequel tu devais être, sur le moment, à devoir faire des choix si difficiles.
- C'était pour Athéna.
- Oui, pour Athéna, acquiesça-t-il. J'aurais voulu être à tes côtés et te soutenir.
- Tu l'étais, assura Saga avec un doux sourire teinté de tristesse. Tu n'as pas quitté mes pensées un seul instant. Cela me donnait le courage et la force d'aller au bout de ce long cauchemar. Je devais sauver Athéna car tel était mon devoir, évidemment, mais aussi parce que je te le devais. Tu avais perdu la vie en la protégeant de moi, après tout.
- Du Lémure, le reprit le Sagittaire.
- Oui, excuse-moi. Je n'aurais pas voulu que tu sois réellement présent pour vivre cette épreuve. C'est la seule et unique fois où j'ai pensé préférer que tu ne sois pas là. Toi qui tenais tant au Sanctuaire, et aux gamins qu'on avait connu et protégé, tu aurais tellement souffert de devoir tout ravager sur ton passage...
- Au moins autant que toi.
- C'est vrai, reconnut Saga. Cependant, j'ai bien vu comme tu étais choqué, quand tu es rentré. et que tu as découvert l'étendue des dégâts.
- Tu refusais de me regarder dans les yeux, fit remarquer Aioros, mais sans reproche.
- Mais je te voyais quand même.
- Je sais, le rassura-t-il en le poussant légèrement de l'épaule. En tous cas, je suis heureux de pouvoir m'occuper des oliviers du Sanctuaire, aujourd'hui. Enfin, de l'Olivier sacré d'Athéna, qui a survécu, et de la plantation. J'espère pouvoir le faire durant toute leur croissance, qui peut prendre jusqu'à 15 ans !
Son enthousiasme toucha Saga.
- C'était plus qu'un métier, pour toi, tu étais passionné.
- Oui, et c'est ici que j'ai tout appris. J'aimais m'occuper des oliviers, écouter et suivre leur développement, puis la récolte et enfin le travail des olives pour les transformer... C'est devenu un vrai métier, après plusieurs mois, et j'ai finalement décidé de rester à Corniglia. Le cadre était idyllique, familier, et je me suis aussi très vite attaché aux habitants. C'est un petit village, le plus petit des cinq, i peine deux cents âmes, je crois bien. On a vite fait le tour.
Saga observa attentivement son compagnon.
- Je sais que je t'avais déjà demandé si tu n'avais pas envie de revenir ici, mais je n'avais pas entièrement réalisé que cela a dû être très difficile, pour toi, de partir.
- Je l'ai fait sans regrets, juste un peu de tristesse, évidemment, certifia Aioros en serrant sa main plus fort. Dès lors que ma mémoire m'a été rendue, je ne pensais plus qu'à regagner le Sanctuaire. À rentrer chez moi.
- Pour Athéna.
- Bien sûr, mais aussi pour Aiolia et toi. Vos trois visages ne cessaient de m'apparaître, de jour comme de nuit. C'était étrange, d'ailleurs, car je vous voyais tantôt comme lorsque j'avais 14 ans, et tantôt, vous étiez plus âgés. Pourtant, je n'ai pas de souvenirs des moments où mon âme s'est manifestée, si ce n'est aux Enfers, face au Mur des Lamentations.
Les deux Chevaliers sentirent un frisson les traverser en même temps, à l'évocation de ce moment si intense et tragique.
Dénués de réelles enveloppes physiques, ce furent leurs âmes rappelées qu'ils avaient eu la sensation de sentir imploser, à cet instant précis, alors que leurs armures d'or volaient en éclats.
- C'est gravé en toi, même si tu n'y as pas consciemment accès, finit par commenter le Gémeau.
- Oui, sûrement. Donc, pour résumer, j'ai apprécié chaque moment de ma vie, ici, cette période et les Cinque Terre resteront toujours précieuses et chères à mon cœur. Mais ce n'est pas moi, ce n'est pas ma vie, plus maintenant. Ma place est à tes côtés et au service d'Athéna, au Sanctuaire.
- Cela me soulage vraiment. Je n'aurais pas voulu que tu éprouves un manque quelconque que je n'aurais su combler.
- Je te l'ai déjà dit, amour, et pas plus tard qu'hier soir : tant que je t'ai, toi, je suis comblé. Je ne veux et n'ai besoin de rien d'autre.
Aioros ponctua son affirmation d'un baiser sur le dos de la main de Saga.
Ce dernier voulut répondre, mais un couple les interpella et s'approcha d'eux pour saluer Aioros.
S'ensuivirent embrassades et échange verbal très animé, durant quelques minutes à peine, mais qui laissèrent l'impression à Saga d'avoir fait un bain de foule.
Lui qui trouvait qu'Angelo gesticulait trop lorsqu'il s'exprimait, il comprenait que c'était vraiment minime, avec le sang italien qui coulait dans ses veines. Cela l'avait frappé à Gênes, déjà.
Et il ne pensait pas revoir ce genre de spectacle dans un petit village si calme en apparence, en tous cas, à la douce effervescence due à la présence de touristes, qui devaient augmenter significativement sa densité.
Les deux hommes reprirent leur route, mais Aioros fut encore interpellé plusieurs fois, que ce soit dans la rue ou depuis un balcon, une fenêtre, l'intérieur d'un café…
Le Sagittaire finit par guider son Gémeau vers une ruelle encore plus étroite.
Les deux imposants Chevaliers touchaient presque chacun un mur de pierres ils n'auraient jamais pu passer ensemble avec leurs armures.
Même Aioros seul, avec ses ailes d'or, aurait peiné à se déplacer.
- Le village est principalement organisé autour de la grande place et de la Via Fleshi, qui est la rue principale. On sera plus tranquille en empruntant les petites ruelles.
- C'est très joli, toutes ces maisons en pierres et ces portes colorées, commenta Saga. Mais c'est vraiment étroit...
- Aussi, oui, reconnut Aioros. Mais les ruelles sont courtes et les maisons basses, pas le temps de se sentir étouffer ! On peut aussi mieux apercevoir les cultures en terrasses et les collines qui entourent le village, au détour des ruelles. Ou en haut d'un des nombreux escaliers.
Effectivement, ils allaient de murs de pierres aux légères barrières qui évitaient les chutes, franchissaient de petits passages couverts, montaient et descendaient des escaliers, avec des vues qui se dégageaient brusquement, toujours plus surprenantes et saisissantes, sur le paysage environnant.
- Tu me montreras les parcelles d'oliviers dont tu avais la charge ? demanda soudain Saga, alors qu'ils s'étaient arrêtés pour admirer les vignobles et les oliviers.
- Si tu y tiens, bien sûr. Mais cela n'a pas grand intérêt, les oliveraies ordinaires se ressemblent, en vérité. C'est la qualité des olives et des produits qu'on en tire qui fait la différence et apporte une identité propre.
- Ce ne sont pas les olives qui m'intéressent… sans vouloir te vexer.
- C'est tout à fait ton droit ! assura le Sagittaire avec un petit rire. Mais je suis curieux, pourquoi veux-tu que je t'y emmène, alors ?
S'arrachant à la vue apaisante devant eux, Saga se tourna vers son amant et le regarda si intensément qu'Aioros sentit son ventre se nouer.
Il lui fit face et posa sa main sur sa joue.
- Mon aimé ?
Le Gémeau saisit sa main pour la porter à ses lèvres et embrassa le creux de sa paume, sans le quitter des yeux. Puis, il reposa leurs deux mains, à présent entrelacées, sur son cœur.
- Je sais que je ne pourrais pas partager ta vision, mais j'aimerais découvrir la vue que tu avais, chaque fois que tu y étais. Il t'arrivait peut-être alors de penser à moi, parfois, sans savoir qui j'étais, ni où je vivais, ou quand est-ce qu'on se retrouverait. C'est une façon de m'insérer dans ce passé où je n'ai pas eu ma place, concrètement, à tes côtés.
Aioros appuya son front contre le sien.
- Je n'en étais peut-être pas conscient, et toi tu n'aurais jamais pu l'imaginer, mais je te l'ai déjà dit : tu as toujours été là. Je t'ai oublié, mais je ne t'ai jamais perdu. Nous sommes liés par le fil rouge du Destin, depuis toujours, rappela-t-il en détachant leurs mains pour nouer leurs petits doigts gauches. Et je savais qu'il nous ramènerait l'un vers l'autre, l'un à l'autre, même sans avoir pu l'identifier comme tel.
Le Gémeau hocha la tête, et ils restèrent encore un moment ainsi, front contre front, cœur contre cœur…
… jusqu'à l'arrivée de quelques touristes qui avaient trouvé ce recoin au hasard de leur visite.
Les deux hommes leur laissèrent la place et reprirent leur propre déambulation.
- Tu me les montreras quand même, ces oliviers ?
- Oui ! Et je te présenterai surtout les propriétaires, la famille De Angelis. C'est aussi l'une des raisons de notre venue ici.
- Avec plaisir.
- Ils ne pourront pas nous héberger, mon ancienne chambre à été transformée en réserve, il y a plusieurs mois, quand je leur ai confirmé que je ne reviendrai pas.
- Ils ne t'en ont pas voulu d'être parti si vite ?
- Non, ils sont trop généreux pour ça. C'est une très grande famille et tout le monde travaille « per le olive », « pour les olives », comme dit il padre, Santino. Mon départ n'a pas affecté le travail, un autre membre du clan s'en est chargé, tout simplement. Entre le noyau principal, les enfants et petits-enfants, les oncles, tantes, neveux, nièces et cousins, ils sont une bonne trentaine. Et la relève est déjà assurée parmi elle. C'est l'une des plus grandes familles du village, même s'ils n'habitent pas tous ici, plus depuis quelques années. Mais ils se retrouvent souvent.
- Ce doit être sympa, les repas de famille.
- Rien que le dîner quotidien, c'est déjà un spectacle en soi, confirma le Sagittaire avec un gloussement. Mais je t'épargnerai ça, ne t'en fais pas. J'essaierai, en tous cas.
- Je t'en remercie ! Mais je tiens quand même à les rencontrer et les remercier. Pas tous, mais les personnes qui t'ont recueilli, au moins.
- C'est prévu, rappela Aioros, alors qu'ils faisaient une nouvelle halte face à la mer, cette fois-ci. Je veux aussi qu'ils te connaissent. Et eux-mêmes sont impatients de te voir, tu sais, comme beaucoup de personnes, ici.
- Tu as eu le temps de parler de moi ? s'étonna Saga. Mais quand ? La dernière fois que tu es venu, tu devais encore beaucoup m'en vouloir…
- J'étais surtout très triste, avoua Aioros en se hissant sur le muret pour s'asseoir. Mais je ne me suis pas étendu sur les raisons de ma venue, j'ai juste évoqué mon travail. Et j'ai refoulé ma douleur pour n'inquiéter personne. Seulement, sachant que j'avais quitté le village pour retrouver mon frère et aussi mon grand amour, ils se sont étonnés que tu ne sois pas avec moi. Aiolia aussi, d'ailleurs, mais ce n'était pas le bon moment. Et ce serait bien que Marine nous accompagne, le jour où je l'emmènerai ici.
- En effet.
- Quoi qu'il en soit, en partant, je leur ai de nouveau promis de revenir avec toi, un jour, pour te présenter.
Saga le rejoignit sur le muret et bascula ses jambes de l'autre côté, dans le vide, au-dessus de la mer.
- Je vois, souffla-t-il. C'est pour cette raison que les gens que nous avons croisé avaient l'air si enthousiastes, quand tu faisais les présentations ?
- Ils l'étaient, oui. Et encore, ils étaient un peu dans la retenue. Tu les as impressionnés.
- Pourquoi ? s'étonna Saga.
- Tu as bien remarqué l'effet que tu fais sur la plupart des gens, mon aimé. On se retourne sur ton passage, mais peu ose te regarder dans les yeux très longtemps. Tu respires la force et impose le respect, par ta simple présence, tant tu es charismatique. Et ta beauté est troublante.
Saga en aurait presque rougi.
Il n'avait jamais été spécialement sensible aux compliments, sauf lorsqu'ils venaient d'Aioros, aussi bien l'ami d'enfance que le compagnon actuel.
- À tes yeux d'amoureux, peut-être.
- Non, c'est un fait établi, assura Aioros. Nous avons pu le constater, depuis notre départ d'Athènes, où que nous allions. Toi aussi, tu l'as remarqué.
- Oui, c'est pourquoi je peux en dire autant à ton sujet. J'ai bien vu comme on te regardait souvent. Les gens sont peut-être plus intrigués à cause de mes longs cheveux blonds, c'est tout.
Les doigts du Sagittaire se glissèrent tendrement entre les mèches dorées, caressant la peau douce de son visage rasé de frais, au passage.
- Cela participe, évidement, mais cela ne fait pas tout. Il se dégage quelque chose chez toi de très noble, et une autorité naturelle qui te rend magnétique. C'était déjà le cas, lorsque nous étions plus jeunes. Tu étais et es toujours, d'ailleurs, le parfait et digne successeur pour Shion. Tu porteras à merveille la charge de Grand pope, le moment venu.
Le visage du Gémeau s'assombrit, et il reporta son regard sur les collines boisées face à eux.
- La question de la succession n'a pas encore été formellement abordée, ´Ros. Et si j'ai un jour pu prétendre à cet honneur, je l'ai désormais perdu.
- C'est faux, répliqua Aioros fermement. Mais ce n'est pas à moi de t'en convaincre, tout ce que je pourrais te dire te paraîtra subjectif. Notre Déesse, notre Grand pope et Dokho sauront trouver les mots, quand l'heure viendra. J'ai confiance en eux.
- Ils n'auront pas à le faire. Tu restes le plus indiqué pour cette fonction, et le plus digne d'elle et ils en sont sûrement conscients.
Aioros secoua la tête négativement.
- J'ai été absent trop longtemps, je ne connais plus aussi bien le Sanctuaire et son fonctionnement avec le reste du monde. Et je commence à peine à approfondir mes relations avec les autres Chevaliers, tous rangs confondus. Surtout, je n'ai ni ta puissance, ni ta sagesse.
- A moins qu'il t'ait confié une décision que j'ignore, Shion ne compte pas prendre sa retraite maintenant.
- Non, il ne m'a rien dit à ce sujet.
- Tu as donc encore le temps pour tout cela, certifia Saga en tournant le visage vers lui. Et si ce n'est pas toi, alors ce sera probablement Shaka. Il est aussi puissant et sage que moi.
- Certes, et encore, cela reste à prouver. Mais surtout, il lui manque une chose essentielle. Il a beau être l'homme le plus proche des Dieux, il ne l'est pas autant des humains. Il commence à peine à s'ouvrir aux autres. Même si nous le respectons tous, écoutons sa parole et reconnaissons sa puissance, il n'a pas la carrure d'un leader. Toi, si.
Saga secoua la tête, peu convaincu.
- C'est Dokho et toi qui nous avez guidé, devant le Mur des Lamentations.
- Parce que c'est moi qui tenais l'arc tirant la flèche d'or. Mais peu importe, nous en reparlerons au Sanctuaire, trancha Aioros. Tu es d'accord ?
Il ne voulait pas voir Saga s'assombrir davantage.
Ce que celui-ci comprit, et il le remercia d'un sourire sincère et amoureux.
- C'est préférable.
- Bien, reprit le Sagittaire. Nous nous sommes un peu éloignés du sujet, mais pour y revenir, mes amis avaient toutes les raisons d'être impressionnés, en te rencontrant pour la première fois. Tous les Chevaliers d'or font une forte impression, mais avec certains, elle passe rapidement. Ils se fondent très bien dans la masse. Avec d'autres, pour différentes raisons, elle perdure.
- Je le reconnais, admit le Gémeau.
Il suffisait de penser à la flamboyante chevelure de feu de Camus et ses ongles carmin, à celle argenté d'Angelo, avec son visage dont les marques d'une vie dure ne dissimulaient pas la jeunesse, ou encore, à la beauté androgyne et troublante d'Aphrodite dpnt il aimait tant jouer.
- Les personnes que nous avons croisées m'ont toutes dit à peu près la même chose, et en tout premier lieu, que tu étais très beau.
- Évidemment… le coupa Saga en levant les yeux au ciel, amusé.
- Ils ont aussi dit qu'ils étaient contents de me voir, poursuivit Aioros sans commenter sa remarque. Ils sont ravis de te connaître et de nous voir ensemble si heureux.
- Et ils n'ont rien dit sur toi ?
- Si, qu'ils me trouvaient rayonnant et en bien meilleure forme que la dernière fois. Nous avons également reçu les invitations traditionnelles à boire un café ou manger à la maison.
- J'imagine que tu ne peux pas toutes les accepter.
- Non, nous avons trop peu de temps. Et on prendrait de sacrés kilos. Je t'avoue que je n'avais pas réfléchi à tout ça, soupira-t-il en se frottant l'arrière du crâne. Je dois veiller à ne vexer personne et ne pas créer de conflits entre eux. Enfin, je verrai bien au fil des heures ! trancha-t-il en descendant de son perchoir. Mais il y a tout de même une priorité.
- Laquelle ? demanda Saga en descendant à son tour.
- Je vais t'expliquer, mais d'abord, en route !
Aioros lui embrassa la joue, puis le guida vers la rue principale, cette fois, qu'ils rejoignirent assez vite.
- On doit s'arrêter au Ciao Famiglia, le restaurant de mon amie Letizia, dont je t'ai déjà parlé, finit-il par expliquer. Si je t'emmène ailleurs avant de la voir en premier, elle va me le faire regretter !
- A ce point ?
- Elle est adorable, mais quand elle est vexée ou fâchée, c'est une vraie tornade. Heureusement, elle n'est pas susceptible et elle ne prend pas la mouche rapidement. Enfin, ça dépend des sujets… nuança-t-il. Tu verras.
- J'espère pas, non ! répliqua Saga, faisant rire son compagnon.
- Oui, dis comme ça… Ah, on arrive. Et elle est devant... On dirait qu'elle m'a entendu parler ou qu'elle a senti ma présence. Ou elle nous guette depuis que je l'ai appelé, ce matin.
- Tu n'es pas sérieux ? demanda Saga.
- Non, notre présence a déjà dû être signalée et ça doit être en train de faire le tour du village. Ceci étant dit… il ne faut jamais sous-estimer les femmes, surtout les méditerranéennes ! rappela le Sagittaire.
Le Gémeau regarda, avec un intérêt mêlé d'une légère appréhension, la jeune femme qui se tenait à l'entrée du restaurant, et qui, effectivement, avait tout l'air de les attendre, car elle les saluait déjà de la main.
C'était une grande brune aux yeux clairs, lunettes de soleil en haut du front, queue de cheval haute, tablier rouge autour de la taille et torchon à la main.
Il observa et reconnut sa beauté et sa plastique avantageuse avec détachement, mais curiosité.
Alors c'est ça, son type de femme ? songea-t-il subrepticement.
Il dut d'ailleurs laisser échapper sa pensée, car Aioros lui jeta un coup d'œil surpris.
Mais le Sagittaire ne répondit rien, car la jeune femme en question ouvrait déjà les bras en s'avançant vers eux avec un grand sourire.
- Finalmente sei qui, Apollo ! Non potevo più aspettare ! Tra le mie braccia, ora !
- Oh, non ci salutiamo più, ma urliamo direttamente ? répondit Aioros en se laissant littéralement engloutir dans son étreinte fort chaleureuse, qui fut suivie de deux bises sonores.
- Zitto ! siffla-t-elle en lui donnant un coup de torchon sur l'épaule.
Lorsqu'elle se tourna ensuite vers lui, Saga réfréna un mouvement de recul et se laissa embrasser.
Heureusement, l'enlacement fougueux lui fut épargné.
Peut-être avait-elle senti sa légère crispation.
Ou témoignait-elle simplement de retenue face à un étranger.
*Tu la déstabilises, elle a préféré réagir avant de se trahir, expliqua Aioros par télépathie.
D'accord…*
- Letizia dit qu'elle était impatiente de nous voir et qu'on a mis du temps, traduisit-il ensuite à haute voix. Et je lui ai rappelé qu'on disait bonjour, avant d'engueuler les gens. Et elle m'a demandé de la fermer.
- Oh, désolée, c'est l'habitude, s'excusa-t-elle pour Saga, dans un anglais à l'accent chantant. Bon, tu fais les présentations correctement ou on se débrouille tout seul ? ajouta-t-elle en reculant un peu vers l'intérieur du restaurant.
La rue était étroite et il y avait du passage.
- Donne-moi une minute.
T- u as cinq secondes.
Aioros sourit, avant de se tourner vers Saga.
- Je te présente la très charmante Letizia Del Favero. Une amie exceptionnelle que je considère comme une sœur. Et Izïa, voici…
- Che sono cosa ? le coupa ladite Letizia en haussant les sourcils. Pardon, se reprit-elle en jetant un rapide coup d'œil à Saga, je suis quoi ?
- Une amie exceptionnelle et une sœur… Non ?
- C'est tout ?
- Que veux-tu que j'ajoute ? l'interrogea-t-il, perplexe. Ton âge ? Ça m'étonnerait…
Les yeux bleu clair se teintèrent de reflets métalliques.
- Fais ça et ta tête sera mise à prix dans la seconde jusqu'en Sicile.
Saga se demanda pourquoi cela semblait si important de garder cette information secrète. Elle devait avoir une trentaine d'années, comme eux…
A moins qu'elle ne fût vraiment plus âgée… et alors, peut-être Aioros faisait-il partie de ces jeunes puceaux initiés par une femme plus mature… ?
À quand remontait leur histoire, déjà ? Il ne lui avait pas précisé, mais si c'était peu après son arrivée, alors qu'il avait tout juste dix-huit ans, et qu'elle…
Le Sagittaire se racla la gorge, et Saga comprit que sous le coup de l'étonnement, encore une fois, il n'avait pas pensé assez profondément et que sa réflexion était restée à portée de leur connexion mentale.
Le Gémeau sentit les doigts de son compagnon effleurer sa main, en même temps que son cosmos glissait doucement autour du sien, en deux caresses brèves et discrètes.
*Arrête de t'emballer.
Désolé.*
- Je me doutais bien que ce n'était pas ça, poursuivit Aioros en souriant à son amie. Alors, il est où le problème ?
La jolie brune rejeta sa longue queue de cheval haute en arrière d'un mouvement sec, mais pourtant résolument très gracieux.
- C'est vraiment comme ça que tu choisis de me présenter ? Une amie ? J'ai quand été ta compagne !
Le Sagittaire leva les yeux au ciel.
Tout ce cirque pour ça…
- On s'est séparé il y a presque cinq ans, Izïa ! rappela-t-il. Il n'est pas nécessaire de parler du passé. Je te présente telle que tu es, aujourd'hui, et que tu as d'ailleurs toujours été pour moi : une merveilleuse et très précieuse amie, la meilleure que j'ai jamais eu, ma chère sœur adorée.
- Sei sempre stato un manipolatore, répliqua-t-elle en faisant d'élégants moulinets avec sa main.
- Elle vient de me traiter de beau parleur, expliqua Aioros en se penchant vers son compagnon.
- J'ai pu deviner, répondit Saga.
Il était aussi fasciné qu'amusé par leur échange.
Et il ressentait une petite pointe de jalousie face à leur complicité évidente.
Cela, par contre, il le garda bien à l'abri au plus profond de lui, pour ne pas inquiéter son amant.
- Tu l'as cherché, tresoro, était en train de répliquer Letizia. Et donc, ce très bel homme, à la magnifique chevelure, soit dit en passant, c'est la raison de ce merveilleux sourire que tu arbores - et de ton départ précipité - si je comprends bien.
- Si tu m'avais laissé parler, tu l'aurais déjà su.
- Va bene, papà, ho capito… Et puis, c'est tellement évident, de toute façon !
- Pourquoi tu poses la question, alors ? Aioros ne put-il s'empêcher de la provoquer.
Pour toute réponse, elle lui tira la langue, ce qui lui déclencha un rire outré.
- Tu es donc le fameux Saga, c'est bien ça ? demanda-t-elle ensuite en regardant le Gémeau. Il famoso e prezioso Saga.
- Saga Didymos, se présenta-t-il plus formellement en hochant la tête. Enchanté, Letizia. Je suis heureux de pouvoir rencontrer une personne si importante pour Aioros.
Son patronyme était purement inventé, et il en faisait usage lors de ses déplacements et pour ses missions, tout comme Kanon. Une idée de Shion, qui avait puisé dans le grec ancien le terme pour « jumeau ».
- Tout le plaisir est pour moi, Saga, répondit-elle chaleureusement en posant brièvement sa main sur son bras.
Elle avait marqué une légère hésitation, qui confirmait les propos d'Aioros.
Saga ne laissait pas indifférent, il avait également fait son effet sur son amie.
Surtout qu'après avoir eu l'image, elle avait eu le son : la voix grave du Gémeau parlait directement aux sens.
C'était une voix profonde et intense, qui s'écoutait dès la première note, qui imposait le silence et le respect, et à laquelle on avait immédiatement et irrémédiablement envie d'obéir pour le restant de ses jours.
Letizia était conquise et sous le charme, comme tant d'autres avant elle.
- C'est mon compagnon, précisa alors Aioros en prenant la main de Saga.
La jeune femme se mit à rire en jetant un œil au Sagittaire.
- J'aurais jamais deviné, tiens ! Tu veux pas l'embrasser, que je saisisse mieux ? Au cas où…
- C'est bon…
Saga songea brièvement qu'il n'était pas contre cette idée… mais pour de toutes autres raisons.
*Ne me tente pas, lui souffla Aioros en serrant sa main. Il ne faut surtout pas entrer dans son jeu.*
- Tu sais que je le sais déjà, que c'est lui, était-elle en train de répondre. Mais tu as besoin de me rappeler « pas touche ! » Et surtout, ça te rend tout fier de le dire à haute voix, hein ? Je te connais par cœur ! se moqua-t-elle encore. Le menton haut, le torse en avant, les yeux brillants et toute la panoplie du frimeur !
Aioros se frotta l'arrière du crâne avec un petit sourire.
- Je n'ai pas pu m'en empêcher...
- Oui, comme pour me dire aussi « tu vois, il est là, il existe, j'avais raison d'y croire ! ».
- Peut-être un peu, oui, mais il n'y a pas que ça.
- Bien sûr que non. Je comprends et tu as bien raison, c'est mérité. Je te l'ai déjà dit, au téléphone, après toute cette attente, tout cet espoir, et tout cette foi en cet amour, c'est un juste retour des choses. Il primo amore non si scorda mai.
- « Le premier amour ne s'oublie jamais. » traduisit Aioros.
- Non, jamais vraiment, tu peux en témoigner.
- Nous le pouvons tous les deux, intervint Saga.
- Oui, car en dix ans, tu aurais pu, toi aussi, avoir refait ta vie. Surtout en le croyant disparu à jamais.
- Non, je n'aurais jamais pu, assura Saga, les yeux ancrés à ceux d'Aioros. Jamais.
- La vie te rend enfin ce dont elle t'a privé si longtemps. C'est aussi valable pour toi, Saga. Je suis vraiment contente. Et je le suis aussi d'avoir eu raison : ce sourire-là, il n'a aucun égal parmi tous ceux, innombrables, que tu as pu nous offrir depuis que je te connais.
- Merci beaucoup, Izïa. Je suis très touché.
Elle hocha la tête, avant de reporter son regard sur Saga.
- Sois le bienvenu dans notre modeste village de Corniglia, devenu soudain bien trop petit pour Apollo et son cœur débordant d'amour…
- Aioros, la reprit le Sagittaire. Je vais devoir te corriger encore combien de temps ?
- Tu as été Apollo pendant 10 ans, pour moi, alors m'embête pas avec ça ! protesta-t-elle en écrasant son index sur son torse. Je fais ce que je peux !
- Ce que tu veux, plutôt.
- Oui, aussi, reconnut Letizia avec un grand sourire. Mais là, je vais faire un effort, promis.
- Merci.
- Tu pourras récompenser mes efforts en m'invitant à Athènes. Parce que si vous ressemblez tous à des Dieux grecs, chez vous, je veux bien aller voir ça de plus près !
- Avec Sergio ? éluda-t-il habilement.
- Mon pauvre chéri est certes très beau, mais il ne tiendrait pas la comparaison, dix secondes. Cela serait difficile pour n'importe qui. Mais sérieusement, c'est assez frappant, déjà sur de simples photos. Pour ton frère, je me disais que c'était normal, puisque vous êtes de la même famille. Quand il m'a montré la tienne, Saga, j'ai commencé à penser qu'il y avait autre chose. En plus tu as un jumeau ! Et maintenant que je t'ai face à moi, j'en suis convaincue ! Vous avez vraiment un truc… à part. Une espèce d'aura, je ne sais pas trop comment le définir…
- C'est le charme grec, répondit Saga avec un petit sourire. Mais je suis désolé de devoir doucher ton enthousiasme, il n'est pas étendu à toute la population.
- Oui, je veux bien te croire ! Enfin bref, après ces très longues présentations, que diriez-vous de vous installer plus confortablement, un moment ? Je me doute que vous avez d'autres personnes à voir, ça peut attendre encore un peu, non ?
- Bien sûr, acquiesça le Sagittaire. Ça nous fera du bien de nous reposer un peu, on a beaucoup marché.
- Vous n'avez pas pris le train ?
- Si, de Gênes à Riomaggiore. De là, on a gagné Manarola à pied.
La jolie brune sourit avec un air malicieux.
- Évidemment, il fallait que tu fasses la via dell'Amore avec Saga, avait-elle compris. Il a toujours refusé qu'on y aille ensemble, expliqua-t-elle à ce dernier. Avec quiconque, d'ailleurs !
- Ce ne pouvait être qu'avec lui, et je suis vraiment heureux d'avoir pu enfin le faire.
- C'était un merveilleux moment, tout était parfait, affirma Saga. Merci à toi.
Les deux hommes échangèrent un doux regard et un tendre sourire.
- Trop mignon ! s'extasia la jeune femme en battant des mains comme une enfant. Mais pour l'avoir fait par la suite, je peux comprendre. Enfin, moi, à l'époque, je ne savais pas que Sergio serait le grand amour de ma vie… je ne le sais toujours pas, d'ailleurs, mais c'était déjà magique. Je n'ose imaginer ce que ce dut être pour vous.
- C'est indescriptible, confirma le Sagittaire.
- Je te crois ! Et donc, après, vous avez continué à pied sur le Sentier Azzuro, j'imagine. C'est tellement beau. Moi, je ne m'en lasse jamais, Saga !
- C'est vrai que les différents points de vue sont spectaculaires, avec l'air marin et le bercement du ressac, c'est un enchantement.
- Oui, ça vaut le coup d'œil, cela aurait été dommage de rater ça ! Et il y a encore beaucoup de choses à voir et à faire, dans la région, si vous avez le temps. Vous restez combien de jours, d'ailleurs ?
- On n'a pas encore décidé, mais pas longtemps, c'est sûr. On doit être à Athènes au plus tard vendredi soir.
La jolie brune haussa les sourcils.
- De la semaine prochaine, rassure-moi ?
- Malheureusement non.
- Mais on est déjà mardi ! protesta-t-elle. Tu plaisantes ?
- Désolé…
Un claquement de langue sec retentit.
- Toi, alors !
- On a des obligations, Izïa, on n'est pas vraiment en vacances. C'est pour ça que je t'ai prévenu que ce matin, tout a été décidé à la dernière minute. J'ai demandé à ce que nous puissions faire un détour par ici et notre chef a accepté.
- Sia benedetto ! s'exclama-t-elle en levant les mains vers le ciel.
- Oh ! il est béni tous les jours, je t'assure.
*Je viens de l'entendre éternuer dans son bureau.*
Aioros étouffa un gloussement dans une toux factice.
*Ne me fais pas rire, tu vas déclencher la tornade !*
- Quoi qu'il en soit, reprit-il, on est aussi en début de saison touristique, il n'y a peut-être plus de place nulle part pour nous héberger.
La belle italienne posa ses poings sur les hanches et fronça les sourcils, cette fois.
- T'es sérieux, là ? Tu te prends pour un touriste, maintenant ? Ne me mets pas en colère, ça m'énerve déjà que vous restiez si peu de temps ! Vous êtes au Ciao Famiglia, « Bonjour la famille ». Et toi, Apollo, Aioros, peu importe, c'est la famille. Y aura toujours de la place pour la famille, même pour les déserteurs !
- Tu dis ça comme si je m'étais enfui ! ricanna Aioros. J'ai passé trois journées entières à dire au revoir à tout le monde et à m'expliquer !
- C'était la moindre des choses !
- Mais je sais bien ! se défendit-il.
- C'était pas ton genre de partir sans un mot, de toute façon. Mais si tu l'avais fait, je t'aurais retrouvé et ramené ici, et tu aurais passé un sale quart d'heure !
- Je n'en doute pas une seule seconde… grimaça-t-il.
Son amie l'observa un moment, les bras croisés, puis elle se jeta littéralement à son cou, l'obligeant à lâcher la main de Saga tant l'élan le surprit et le fit reculer d'un pas pour se stabiliser.
- Tu m'as manqué, idiota !
Aioros la serra dans ses bras en riant, tout en adressant un regard désolé à son amant, qui lui sourit.
- Ça ne fait pas si longtemps, depuis mon dernier passage, tu exagères !
- Ton absence me paraîtra toujours interminable.
Elle se dégagea ensuite et sourit à Saga, qui lui tendit ses lunettes de soleil tombées à terre.
- Merci beaucoup, Saga. Je suis désolée, ajouta-t-elle en replaçant ses lunettes sur sa tête, je n'ai pas pu résister !
- Je comprends. Moi aussi, j'ai du mal à lui résister.
La jeune femme éclata d'un rire clair et mélodieux.
C'était la deuxième fois qu'il résonnait, et Saga en appréciait la musicalité.
- Toi, je sens que je vais beaucoup beaucoup beaucoup t'aimer !
- Doucement, quand même… ne put s'empêcher d'intervenir le Sagittaire.
- Vu comme il te regarde, même si j'essayais, je n'aurais aucune chance ! fit-elle remarquer en lui donnant un coup de torchon. Bon, assez bavardé pour l'instant, vous allez vous asseoir boire quelque chose ou grignoter un morceau, le temps que je passe deux ou trois coups de fil pour voir qui va vous héberger. Moi, je ne peux malheureusement pas, mes neveux et nièces sont là pour la semaine avec leur père et ils ont envahi la maison.
- Ils sont là pour les vacances ?
- Oui. Ils sont tous venus en même temps, les six ! Tu pourras les voir ce soir, là, ils sont à Monterosso pour la journée. Enzo, mon frère et père de cette joyeuse tribu, précisa-t-elle à Saga, est au Serena avec Sergio et les copains. Ils seront tous contents de savoir que tu es là et avec Saga en prime ! C'est vraiment dommage que je ne puisse pas tous vous héberger !
- Ce n'est pas grave, Izïa. On se verra quand même. Et puis nous, on va se débrouiller pour trouver un endroit où dormir.
- Y aura toujours quelqu'un pour t'accueillir, même en pleine saison et on n'y est pas encore. La dernière fois, après une semaine chez moi, tout le monde voulait l'avoir chez lui, révéla-t-elle au Gémeau. Il a fallu tirer à la courte paille.
- A ce point ? s'étonna Saga.
- C'est un petit village et on est très attaché les uns aux autres. Nos familles sont ici depuis des générations et des générations. Apollo… Aioros, pardon, a passé dix ans avec nous, il est des nôtres depuis les premiers jours. Les De Angelis ont même baptisé l'huile d'olive de sa toute première production « Sagittario » en son honneur, d'après son signe astrologique. L'étiquette était très belle, avec un beau Sagittaire doré.
- Oh, vraiment ? commenta Saga avec un petit sourire en coin.
Cela avait vraiment suivi Aioros jusqu'ici.
- J'en ai gardé trois, je te la montrerais, si tu veux.
- J'adorerais voir cela, en effet.
Son sourire s'était encore élargi.
*Tu t'amuses bien ?
Je suis tout à fait sérieux, amour*.
- L'huile d'olive ne porte pas de nom comme les vins, sauf si elles sont vraiment spéciales, précisa Aioros en reprenant leur conversation avec Letizia. C'était donc un très grand honneur.
- Amplement mérité. Tout ça pour dire qu'il a laissé un grand vide, à son départ.
- Je sais ce que c'est.
Toute trace d'amusement avait disparu, le Gémeau était redevenu tout à fait sérieux.
Aioros prit sa main et la serra fort en lui souriant.
- Et toi, Saga, tu seras aussi le bienvenu, sois sans crainte. Tu es un peu attendu, en plus, puisque tu étais une des raisons invoquées par Aioros, lorsqu'il est parti. On l'a tous entendu, au moins une fois, dire qu'il savait que quelqu'un l'attendait quelque part. Et quand il est revenu, la dernière fois, on était tous un peu étonné qu'il soit seul. Mais il nous a promis qu'il te présenterait, un jour. Toi, le seul à avoir pu le décrocher de ce village.
- On en a un peu discuté, oui. On ne m'en veut pas trop, au moins ?
- Ne t'en fais pas pour cela. Il suffit de vous regarder et tout s'efface ! Quant aux rares grincheux, quelles que soient leurs raisons, ils resteront à l'écart. Soyez tranquilles, tous les deux, et profitez de votre passage ici et de ce que notre belle Italie a de plus beau à vous offrir !
- Très bien. Merci, Letizia.
- Siete i benvenuti ! Allez, suivez-moi, je vais enfin vous installer, que vous puissiez vous reposer, et que je puisse passer mes appels, ajouta-t-elle en s'avançant à l'intérieur.
Tout était en pierre, ici aussi, joliment et sobrement décoré : il n'y avait pas besoin d'en faire trop dans ce genre de lieux qui se suffisaient à eux-mêmes.
Il n'y avait que deux tables occupées, celles près des fenêtres, ce qui était normal pour un milieu d'après-midi, à Corniglia.
Aioros prit le temps de saluer le serveur qu'ils croisèrent, et de présenter Saga.
Celui-ci put constater qu'encore une fois, le rencontrer suscitait un réel enthousiasme… et toujours un peu d'étonnement.
- On ne veut surtout pas déranger, Izïa, alors je te fais confiance, reprit Aioros, une fois libre. Si c'est trop compliqué, tu me le dis, je t'emprunterais juste ton matériel de camping, peut-être.
- Tu veux camper où, à cette période, dans les vignes ? se moqua-t-elle gentiment en quittant la salle principale de la Trattoria, qui ouvrait sur une jolie terrasse. Au milieu des oliviers, ils te manquent tant que ça ?
- On peut très bien monter un peu plus sur les hauteurs, ou descendre jusqu'à la plage pour y dormir, répondit Aioros, tandis qu'elle les installait à une table avec une magnifique vue sur la mer.
Il y avait un peu plus de monde à l'extérieur, ce qui était logique, avec un tel panorama et le temps magnifique.
- Sur des galets ? grimaça Letizia. C'est déjà bien désagréable d'y rester seulement assis plus d'une demi-heure, alors une nuit entière…
- On a connu pire, tu sais.
- Ça n'arrivera pas chez nous, c'est hors de question ! trancha-t-elle. Et puis quoi, encore ? Tu voulais peut-être un joli coucher de soleil sur la mer depuis la plage, pour une ambiance des plus romantiques, que tu n'auras certes pas en dormant chez l'habitant, mais malheureusement, faudra vous contenter d'un coucher de soleil depuis la fenêtre !
- Ce sera parfait. D'autant plus qu'on a notre lot de plages de sable fin et de couchers de soleil romantiques chez nous aussi, tu sais.
- Dans ce cas, le sujet est clos ! Commandez ce que vous voulez, surtout. On ne cuisine plus vraiment de plats, à cette heure-ci, comme tu le sais, mais je me remets aux fourneaux sans problème, à la demande. Et je le rajouterai sur ta note, Ap… Aioros !
- Merci, Izïa. Il serait peut-être temps que je la règle enfin, tu ne crois pas ?
- Laisse-moi donc la remplir un peu, encore, il manque quelques lignes. Et ça me donne l'assurance que tu reviendras !
Aioros sourit et secoua la tête.
Saga devina aisément que cette note n'existait en fait pas du tout.
- Dino, tresoro, tu tombes bien ! s'exclama-t-elle soudain en regardant l'intérieur du restaurant. Occupe-toi d'Aioros et de Saga, s'il te plaît, et je te laisse gérer un moment seul avec Davide. Je vais dans le bureau.
- Si, capo !
Les deux hommes la remercièrent encore, alors qu'un jeune garçon qu'ils n'avaient pas encore vu les rejoignait.
- Ça fait tellement plaisir de te revoir, Apo… Aioros, pardon ! lui dit-il en l'embrassant. Et de rencontrer Monsieur Saga, si j'ai bien entendu la patronne.
- C'est exact. Saga, voici Alfredo, le cousin de Letizia qui l'aide souvent, ici.
- Enchanté, Alfredo.
- De même, Monsieur Saga, répondit-il respectueusement en serrant la main tendue.
- Tu peux laisser le « Monsieur » de côté.
- Alors appelez-moi Dino, comme tout le monde, ici.
- C'est noté.
- Je serai bien resté bavarder un peu, mais y a du monde, même si ce n'est pas un service de midi ou du soir, s'excusa-t-il en leur tendant les cartes. On discutera plus tard, j'espère ! Appelez-moi dès que c'est bon pour vous !
- Merci, Dino.
Avant de partir, celui-ci jeta un rapide coup d'œil à Saga et se pencha vers Aioros.
- È davvero molto bello e carismatico. Posso già sentire il rumore dei cuori che si spezzano.
Puis, il fila sans attendre.
- Il m'a dit…
- Attends ! le coupa Saga en levant sa main entre eux. Tu n'es pas obligé de tout me traduire, même si j'apprécie l'attention. Certaines choses ne me concernent pas, je le respecte.
- Je n'aurais pas à le faire souvent, beaucoup parlent anglais, du fait que ce soit assez touristique. Dino est revenu à l'italien pour ne pas se montrer trop familier envers toi, même si cela peut passer pour un manque de respect. Ce n'est pas le cas, il a fait preuve d'une retenue que les autres n'auront sûrement pas, une fois qu'ils se seront remis de leur rencontre avec toi. Autant te préparer !
- D'accord.
- Et pour le coup, tu es concerné, puisqu´il m'a simplement fait remarquer que tu étais très beau et charismatique, et qu'il entendait déjà les cœurs se briser sur ton passage.
- C'est gentil, mais ils doivent avoir l'habitude, avec toi.
- Ils se sont surtout habitués à moi, répliqua-t-il.
Le silence se fit, même s'il n'était pas vraiment complet : les sons provenaient des autres clients, mais aussi des grillons qui s'en donnaient à cœur joie dans les collines.
Et bien sûr, le ressac de la mer qui les accompagnait, de la même façon que le chant des insectes, depuis leur arrivée.
Saga observa Aioros, qui balayait les lieux d'un regard un peu lointain.
- Les souvenirs défilent, je suppose, avança-t-il d'une voix douce.
- Oui, confirma son compagnon, en posant sa main sur la sienne. Excuse-moi, je n'imaginais pas que revenir ici me ferait encore cet effet, alors que je suis passé il y a un mois et demi, à peine.
- Je peux comprendre, ne t'inquiète pas. Tu venais souvent ?
- J'ai beaucoup aidé Letizia et sa mère, avant qu'elle reprenne l'affaire seule, quand il y avait de gros services.
- Toi, serveur ? s'étonna Saga avec un petit sourire.
- Ne te moque pas !
- Oh non ! Ça correspond à ton caractère, être au service des autres, échanger, discuter...
- On n'avait pas toujours le temps de parler longtemps, mais j'aimais bien tout faire pour que les clients vivent un moment le plus agréable possible. Ça ne se passe pas que dans l'assiette et grâce à la vue. Beaucoup de restaurants offrent le même panorama exceptionnel. La cuisine de Letizia, héritée de sa mère, de sa grand-mère et plus loin encore, se démarque aussi. Donc, il fallait être à la hauteur, en proposant un service de qualité.
Le Gémeau afficha un air rêveur.
- Tu devais avoir une classe folle et beaucoup de succès.
- Pas tant que cela, tu sais… Mais c'est vrai que Letizia fulminait souvent dans son coin, avant de me faire la tête pendant des heures, parce que des clientes m'avaient fait leur numéro. Elle préférait même parfois que je ne l'aide pas !
- Ça devait ramener encore plus de clients et de clientes, pourtant.
- Mais non ! répliqua le Sagittaire en secouant la tête. Je t'assure que tu te fais des idées !
- Tu ne le remarquais sûrement pas, insista Saga. Mais tu es très attirant, c'est normal. Et incroyablement sexy, quand tu parles italien.
- Merci, mais… tu n'es absolument pas objectif, mon adoré.
- Non, mais je pourrais interroger n'importe qui autour de nous, je suis certain que j'aurais la même réponse. Cela rejoint ce que tu disais, tout à l'heure et qu'a souligné Letizia, en évoquant notre espèce d'aura. Sauf que toi, tu as en plus un charme tout à fait naturel, qui n'a rien à voir avec nos… fonctions. Je sais à quel point ton sourire peut faire fondre les cœurs, des femmes comme des hommes.
- Je suis flatté, mais d'une, seul ton cœur m'intéresse et de deux… tu exagères vraiment.
- Les habitants de ce village t'ont donné le nom d'Apollo parce que tu leur faisais penser à Apollon, le seul Dieu grec que les Romains ont intégré tel quel à leur panthéon. Et même s'ils ne pouvaient pas le savoir pour tous les attributs que vous avez en commun, le soleil, les cheveux légèrement ondulés, l'arc et les flèches, ils ont eu la bonne intuition sur la beauté. Comme le petit Simon l'avait d'ailleurs déjà relevé, hier.
- Je ne peux pas me prononcer pour lui, mais sache qu'en ce qui concerne ma situation ici et le nom que j'ai reçu, je n'étais pas du tout d'accord avec ça. Mais ils sont véritablement têtus et n'en ont guère tenu compte. Je n'ai jamais réussi à leur imposer un autre choix.
Ce qui n'étonna pas Saga le moins du monde.
- Tu es bien trop modeste et humble pour reconnaître et accepter une telle comparaison, qui est pourtant justifiée.
Alfredo les interrompit lorsqu'il vint leur déposer deux jolis verres emplis d'un très beau mélange de couleurs chaudes.
- Il tramonto sul mare : cocktails de la patronne, offerts par la patronne ! Mais si vous voulez autre chose, je suis à votre service !
- « Le coucher de soleil sur la mer » est mon cocktail préféré, et Letizia le sait parfaitement, expliqua Aioros. Je comptais bien te le faire découvrir, elle pense à tout. Merci à vous deux, Dino.
- Je passe le message, répondit le jeune homme en repartant à grandes foulées.
Les deux amoureux trinquèrent et burent une première gorgée.
C'était effectivement excellent.
- Pour en revenir à notre sujet… je n'exagère pas, reprit Saga avec l'entêtement caractéristique des Gémeaux. Tu es d'accord avec moi pour dire que ton frère plaît beaucoup.
- Certes, mais je ne suis pas Aiolia, objecta le Sagittaire.
- Mais tu as autant de succès que lui, aujourd'hui, et c'était déjà le cas, quand on était adolescent. C'était juste plus strict à notre époque. Et vous vous ressemblez vraiment beaucoup !
- Cette comparaison fonctionnerait s'il s'agissait de Kanon et toi. Aiolia et moi sommes différents, de physique et de personnalité.
- Oui, tu es bien plus beau et solaire que lui, je te l'accorde, reconnut le Gémeau.
- Son sourire est incroyable, tu sais.
Saga laissa échapper un ricanement amer.
- Et comment pourrais-je le savoir, je n'ai jamais eu droit qu'à sa mine renfrognée et ses grimaces…
Aioros soupira de dépit.
- Tu n'as toujours pas réussi à discuter un peu plus avec lui ?
Saga reposa son verre et soupira à son tour.
- Non, pas vraiment. J'essaie, pourtant, je ne renonce pas. Mais il reste retranché derrière sa forteresse de colère, de rancœur et de frustration.
Aioros était peiné, mais lui non plus n'arrivait pas à convaincre son frère.
Aiolia laissait son aîné entrer dans sa forteresse, si justement décrite par Saga, mais il refusait lui-même d'en sortir, lorsque Saga campait à sa porte.
- Tu ne m'as toujours pas raconté votre dernier échange, d'ailleurs, rappela le Sagittaire.
- Parce que cela n'a aucun intérêt, 'Ros, vraiment.
- Pour moi, si. Je connais mon frère, même sans avoir encore pu rattraper treize années de séparation. Je peux décrypter beaucoup de choses selon son attitude et le choix de ses mots. Alors s'il te plaît, mon aimé… raconte-moi, demanda-t-il, avant d'embrasser le dos de sa main.
Puis, en le regardant intensément et avec un sourire qui fit grimacer Saga, en même temps que son cœur s'accélérait.
- Tu sais que tu n'as pas besoin de me faire du charme ?
- Je n'ai rien fait, se défendit son amant avec un air innocent.
- Si tu étais aussi convainquant avec Letizia, je comprends qu'elle ne se soit pas gênée pour te passer un savon.
- Bien envoyé… mais je réitère ma demande quand même : raconte-moi.
Saga se laissa aller dans son siège, sans pour autant lâcher la main d'Aioros.
Et il replongea dans ses souvenirs.
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A suivre.
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Notes : Didyme, Didymus ou Didymos en grec ancien Δίδυμος / Dídumos, « jumeau ») est le nom d'un astéroïde Apollon binaire potentiellement dangereux découvert le 11 avril 1996 par Spacewatch à l'observatoire de Kitt Peak. Il est passé à moins de 0,05 UAde la Terre le 13 novembre 2003. Il possède un satellite, Dimorphos, qui orbite autour avec une période de 11,9 heures, d'où l'appellation Didymos. (Wikipedia)
Je trouvais que ça allait bien aux jumeaux des Gémeaux ) dont la puissance les rend toujours potentiellement dangereux, même s'ils sont du côté du bien au servi e d'Athéna.
J'ai choisi de couper là le chapitre car il aurait été vraiment trop long sinon !
Merci de l'avoir lu, j'espère que vous avez passé un bon moment.
À bientôt pour la suite ?
Lysanea
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