Les semaines passèrent et l'automne arriva lentement. Harry finit par accepter la proposition d'Agatha Greengrass et fut embauché au Ministère au département de la justice. Il avait un poste de secrétaire ou d'assistant, selon les circonstances. Il ne s'était pas réellement attendu à obtenir un poste intéressant immédiatement sous prétexte qu'il était Harry Potter mais il ne s'était pas non plus attendu à commencer tout en bas de l'échelle. Pourtant, autour de lui, tout le monde semblait ravi. Ron assurait qu'il grimperait vite les échelons, Hermione disait que c'était très bien de commencer au début. Drago avait eu l'air soulagé d'apprendre que Harry avait un travail quand ils s'étaient vus le 15 septembre. Sa culpabilité s'était un peu atténuée. Harry, lui, n'avait aucune affection pour son travail qui ne l'intéressait nullement. Il n'avait jamais rien fait d'aussi morne de sa vie et les tâches qu'on lui confiait lui rappelait parfois ses heures de retenue à Poudlard. La seule chose positive, c'était que les tâches sans intérêt et répétitives qu'il devait accomplir l'empêchaient de penser au reste. Il fallait ranger des dossiers, classer, trier. Il fallait recopier, prendre en note telle ou telle réunion, retrouver tel ou tel document. C'était chiant mais au moins, il était occupé. Il n'avait aucune réelle responsabilité, personne ne dépendait franchement de lui, il n'avait aucune décision à prendre. C'était apaisant, d'une certaine façon. Apaisant et triste à mourir.

Au Ministère, il croisait souvent Agatha Greengrass dont le bureau n'était pas très loin de là où il travaillait. Il l'aimait bien, elle était sérieuse, active et efficace. Il savait qu'elle allait voir Drago, de temps en temps, qu'elle lui amenait des gâteaux et qu'elle s'efforçait de lui remonter le moral. Cela lui plaisait de côtoyer quelqu'un qui connaissait Drago. Il croisait souvent Serena Black, aussi. Il ne savait toujours pas en quoi consistait son travail au Ministère mais elle ne semblait pas vouloir le lui dire avec précision. Elle passait dans leurs bureaux uniquement pour papoter avec Agatha et elle venait toujours saluer Harry. Il voyait Nestor Achab, aussi, de temps en temps. Son ancien chef lui demandait toujours comment il se portait, avec une affection qui surprenait Harry. Il finit par comprendre – et se sentit bête en le faisant – que Nestor et Serena avaient clairement une relation plus qu'amicale et qu'ils s'inquiétaient pour lui. Il les imaginait discuter de lui, le soir, allongés l'un contre l'autre dans leur lit et cette idée perturbait Harry. Il n'avait jamais aimé ce genre de chose et il ne voulait pas qu'on le prenne en pitié. Cependant, des adultes équilibrés qui ne voulaient pas l'envoyer à la mort, qui ne voyaient pas en lui leur meilleur ami décédé, mais qui s'intéressaient réellement à lui, c'était vraiment ce dont Harry avait besoin. Les Weasley avaient toujours pris soin de lui de cette façon mais on n'avait jamais trop d'amour et, au fond de son cœur, il adorait quand Nestor et Serena passaient le voir.

Il pensait à Drago, souvent, mais ce n'était plus tout à fait comme avant. La plupart du temps, Drago était pour lui une sorte de personnage fictif qui perdait de sa consistance. Il était loin, à Azkaban. Il était une idée qui appartenait à Harry et qu'il chérissait. Il n'y avait finalement que quand ils se voyaient dans la salle de visite de la prison que Drago redevenait une véritable personne. Cela faisait toujours un choc à Harry. Quand il le voyait, il se rappelait qu'il l'aimait. Non pas qu'il ne l'aimât plus le reste du temps mais son amour pour Drago commençait à devenir plus abstrait que concret, lui aussi. Ce qui était toujours vif, en revanche, c'était le souvenir du bonheur que Harry avait éprouvé lors du moment trop court où Drago et lui s'étaient aimés. C'était cela qui manquait à Harry.

Maintenant qu'il avait un travail, une vie plus ordonnée et qu'il parlait moins de Drago, Harry fut de nouveau plus souvent invité et apprécié par ses amis. Ron et Hermione venaient passer des soirées avec lui, George et Ginny les rejoignaient souvent. Cela ressemblait beaucoup à leur vie d'autrefois, à la différence que Harry n'était plus jamais en danger de mort. Il n'était pas épuisé et débordé comme lorsqu'il était Auror. Il avait un travail de fonctionnaire plan-plan avec des horaires fixes qu'il dépassait rarement. Il n'y avait plus besoin de s'inquiéter pour lui outre mesure. Il faisait toujours des crises mais moins qu'avant et Hermione ne put s'empêcher de lui faire remarquer que c'était une très bonne chose qu'il ait quitté le bureau des Aurors. Sa vie actuelle était beaucoup moins angoissante et c'était parfait. Il n'avait pas cherché à la contredire. Il n'était pas heureux, il n'aimait pas sa vie, mais il gardait ses pensées pour lui et essayait de faire semblant devant ses amis quand ils venaient. Il ne savait pas s'il y parvenait vraiment car au milieu des soirées, il voyait souvent le regard de Ron sur lui, qui cherchait à deviner ce que Harry pensait. Il croisait souvent le regard de Ginny, aussi, et ça, il essayait de ne pas trop y penser mais il y pensait quand même. Il se demandait parfois si elle l'aimait encore ou si elle était réellement passée à autre chose comme elle l'avait dit. Il avait peur de connaitre la réponse car il avait peur de ce qu'il pourrait en faire.

Il y avait des moments où Drago lui manquait terriblement et des moments où il l'oubliait presque pendant quelques heures. Il n'allait pas mentir, il avait réfléchi à des moyens de sortir Drago d'Azkaban et de s'enfuir avec lui mais il n'en avait pas trouvé. Il se complaisait à imaginer leur vie si Drago s'était jeté dans ses bras à Munich au lieu de l'insulter et qu'ils étaient partis tous les deux. Peut-être en auraient-ils eu le temps avant qu'Edmund et tous ses Aurors débarquent. Peut-être n'avaient-ils finalement jamais eu la moindre chance de s'en sortir. Si un gentil génie proposait des vœux à Harry, il lui demanderait de lui rendre Drago, sans la moindre hésitation. Car en plus du manque, c'était aussi de la frustration que Harry ressentait. Il n'avait pas eu le temps de vivre ce qu'il voulait avec Drago, ça avait été trop bref et leur histoire était inachevée. Elle allait prendre fin avant même d'avoir réellement commencé. Ils ne s'étaient pas tout dit, ils n'avaient partagé que quelques nuits ensemble, ils n'avaient assisté qu'à un match de Quidditch, Drago n'avait jamais totalement arrêté de penser à Kyle quand ils faisaient l'amour. Il y aurait eu tant de choses à faire encore, à apprendre et à partager. C'était cela le plus dur pour Harry, cette impression qu'on lui avait arraché sa chance avant qu'il ait pu en profiter.

OoOoOoO

Drago avait perdu le compte des jours et des dates. Sans les exemplaires de la Gazette qui circulaient, Drago n'aurait jamais su quelle était la date. C'était étrange comme sensation, ça ne lui était jamais arrivé. C'était comme être bloqué dans une boucle qui se répétait continuellement. Le temps ne passait plus, ou passait différemment. Autrefois, il attendait la fin des cours, il attendait l'heure des repas, il attendait le soir, il attendait le weekend, il attendait les vacances. Sa vie était structurée autour d'une suite d'événements agréables qui allaient advenir et qu'il désirait. Aujourd'hui, il n'attendait rien en dehors du 15 du mois. Les repas ne lui apportaient aucun plaisir et il les mangeait à peine. Les sorties dans la cour lui apportaient une petite sensation de vie. La douche et le coucher l'effrayaient plus qu'autre chose. Il aimait quand le barbier venait, une fois par semaine il aimait quand c'était les jours de lessives et qu'il changeait son uniforme pour en mettre un propre.

Les repas plongeaient Drago dans l'anxiété depuis qu'il s'était disputé avec les amis de son père. Comme Franck l'avait prédit, la plupart des Mangemorts se mirent à l'ignorer ou à lui lancer des regards peu amènes quand ils se croisaient. Rabastan Lestrange, en revanche, le suivait des yeux avec haine et colère. Il avait tenté de s'approcher de lui, une fois, mais Franck s'était interposé et un gardien était intervenu. Le gardien avait lancé un sort cuisant à Rabastan, avec un peu plus de violence que l'autre le méritait. Franck apprit à Drago que le gardien en question avait été arrêté par les Rafleurs pendant la guerre avant d'arriver à s'enfuir. C'était un Né-Moldu qui détestait les Mangemorts. Il était donc désagréable avec eux dès qu'il en avait l'occasion. Tant mieux pour Drago.

Désormais, il mangeait avec Franck et ses deux amis. Il fit donc la connaissance d'Achille Kind et d'Owen Trite. Drago apprit avec stupeur qu'Owen avait été batteur lui aussi mais que sa carrière s'était terminée quand il avait tué un joueur adverse en lui donnant un coup de batte. L'accident s'était passé deux ans avant la guerre contre Voldemort et maintenant qu'il avait entendu l'histoire de Trite, il se rappela qu'il avait lu quelque chose sur ce scandale. Owen en parlait calmement, presque avec douceur. D'ailleurs, il était toujours calme. Il y avait eu une dispute à la fin du match, les adversaires contestaient leur victoire. Cela avait dégénéré, il y avait eu des insultes, des coups et Owen avait frappé l'autre. Il n'avait pas voulu le tuer, il n'avait pas réalisé qu'il avait tapé si fort, la colère l'avait empêché d'agir avec raison. Il avait regretté son geste à la seconde où il l'avait fait et il avait plaidé coupable sans chercher à nier quoi que ce soit. Son calme venait sans doute du fait qu'il savait mériter sa peine et qu'il ne ressentait ni injustice ni frustration. L'autre, Achille Kind, avait tué deux moldus quand il était plus jeune. Avec des amis, ils avaient voulu jouer une farce à leurs voisins moldus mais ils n'avaient pas totalement maitrisé le sortilège et la farce avait mal tourné. Achille admettait volontiers qu'il avait été complètement con. Ses deux amis complices étaient à Azkaban aussi mais ils avaient arrêté de se parler. Drago put donc constater qu'il y avait des détenus qui parlaient sans problème de leur histoire tandis que d'autres, comme Franck, répugnaient à raconter leur passé. Ça ne faisait rien. Owen et Achille étaient plutôt gentils, Drago remerciait le ciel d'être tombé sur Franck.

Car bien sûr, à Azkaban, il n'y avait pas que de jeunes crétins qui avaient merdé. Il y avait aussi des meurtriers dangereux qui avaient tué en toute connaissance de cause, qui avaient assassiné plusieurs personnes, qui avaient étranglé leur femme, empoisonné leur frère pour avoir l'héritage, qui avaient torturé et brûlé des Moldus pendant la guerre, juste pour s'amuser. Drago n'arrivait pas vraiment à se considérer comme l'un d'entre eux. Il avait tué, avec préméditation, en toute connaissance de cause, mais Long le méritait. C'était une vengeance, c'était différent. Du moins aimait-il à se le répéter.

Drago commençait à se dire qu'il n'allait sans doute pas devenir fou comme cela arrivait aux prisonniers à l'époque où les Détraqueurs géraient Azkaban. Il sentait néanmoins qu'il n'allait pas bien. Il était perpétuellement tendu, comme s'il craignait un danger qui s'abattrait sur lui à tout moment, il avait toujours un peu envie de vomir, il se sentait toujours un peu au bord de la crise d'angoisse. Il ne dormait jamais vraiment bien et jamais vraiment assez, il se réveillait la nuit et fixait le mur de la prison en s'étouffant dans des larmes incontrôlables. Il arrivait à se détendre quelques minutes, parfois, quand il était enfermé dans sa cellule avec Franck, qu'il y avait du ciel bleu à travers les barreaux et qu'il savait que rien ne pouvait lui arriver dans les deux heures qui allaient suivre. Il commençait à s'habituer à devoir aller aux toilettes devant Franck, il commençait même à s'habituer à l'entendre se masturber. Drago avait essayé une fois, un soir, quand il pensait Franck endormi. Ça n'avait pas été exceptionnel mais ça avait tout de même apaisé un peu son corps. Il avait ressenti une violente amertume d'avoir été séparé de Harry aussi tôt. Il aurait aimé que le sexe perde totalement son côté angoissant pour ne devenir que quelque chose d'agréable. Il enviait les soupirs de Franck qui avait l'air de passer le meilleur moment de sa journée quand il se branlait et qui attendait ce moment avec impatience. Drago ne pouvait pas dire, lui, qu'il désirait se toucher de toutes ses forces. Non, ça lui faisait toujours un peu peur. Il se forçait à penser à Harry pour ne pas penser à Kyle. Il trouvait cela difficile. Même ce plaisir-là, Kyle le lui avait volé.

Le 15 octobre, Drago retrouva Harry avec fébrilité. Ce dernier le serra dans ses bras, comme d'habitude et Drago referma les siens autour de Harry aussi. Maintenant, on ne les observait plus autant qu'au début, on avait fini par s'y faire. Drago lâcha Harry et l'embrassa rapidement, n'osant jamais en faire trop devant tout le monde. Harry raconta un peu ce qu'il faisait à son travail et Drago eut quelques sourires amers.

- Ton travail ennuyeux comme la pluie me fait presque envie, admit-il.

- J'imagine. Et toi ? Pas de nouveautés avec Rabastan ?

Drago rassura Harry, les choses se passaient plutôt bien. Il restait sur ses gardes mais heureusement, il avait Franck qui le protégeait. Instinctivement, Harry et Drago se tournèrent légèrement vers Franck qui était assis en compagnie d'une femme que Drago n'avait encore jamais vue. Il avait des visites tous les mois lui aussi et ce n'étaient pas toujours les mêmes personnes. Ça devait être bien de savoir qu'il y avait des gens qui vous aimaient au dehors. Harry fit un grognement d'assentiment tout en essayant de dissimuler qu'il était jaloux de Franck. Il aurait dû être celui qui protégeait Drago.

- Comment vont tes crises ? demanda Drago pour changer de sujet.

Harry expliqua qu'il en faisait moins qu'avant même s'il en faisait quand même plusieurs par mois. Drago pinça les lèvres en hochant la tête.

- J'aimerais être avec toi quand ça t'arrive, souffla-t-il.

- C'est ce que je me dis aussi.

Harry n'avait jamais dit à Drago qu'il avait fait deux crises violentes à cause de lui, devant le cadavre de Long et après l'arrestation à Munich. Ce n'était pas la peine de ressasser tout cela. Ils se regardèrent un instant, pensant au jour où Drago avait posé la tête de Harry sur ses jambes et l'avait gardé là jusqu'à ce qu'il se calme.

- Petronilla le Fay a sorti une nouvelle chanson, dit Harry.

Drago sourit.

- Ah, tu as retenu que c'était ma chanteuse préférée.

- Oui. La chanson est bien. Je l'ai apprise par cœur, tu veux que je te la chante ?

Drago écarquilla les yeux et éclata de rire. C'était si rare que ça réchauffa le cœur de Harry.

- Tu as appris la chanson par cœur ? Vraiment ?

- Oui, assura Harry en souriant. J'ai passé la semaine à trier les dossiers qu'on transfère aux archives, je n'avais que ça à faire de chanter en même temps. Je te préviens, ce ne sera surement pas terrible mais au moins ça te donnera une idée.

- Vas-y, je meurs d'envie d'entendre ça.

Drago se cala contre le dossier de sa chaise et regarda Harry avec avidité. Ce dernier rougit.

- Approche-toi un peu, je ne vais pas chanter trop fort… Et, es-tu obligé de me fixer comme ça ?

Drago soupira, se décolla du dossier et vint s'accouder à la table. Il posa son menton dans sa main et ferma les yeux.

- Voilà.

Harry était terriblement mal à l'aise mais il avait eu cette idée lui-même, il devait l'assumer. Il se mit donc à chanter la chanson, assez bas pour éviter que toute la salle l'entende. Parfois, il perdait la justesse de la note et les lèvres de Drago frémissaient pour retenir un sourire. Harry alla jusqu'au bout et Drago ouvrit les yeux. Ses yeux n'avaient pas été aussi vivants depuis longtemps. Il rit à nouveau et Harry rit avec lui pour évacuer son embarras.

- Ce n'était pas si mal que ça, lui accorda Drago. Et tu as raison, j'aime bien cette chanson.

- J'espérais que ça te ferait sourire, j'ai réussi. Même mieux, tu as ri. Ça n'arrive pas souvent.

- C'est vrai. Merci.

Ils se sourirent et Drago ressentit une bouffée de désir presque insupportable envers Harry, le désir de l'embrasser, de le toucher, de le déshabiller pour que leurs peaux se caressent. Il dut rougir un peu et essaya de refouler son envie. Il pensa à autre chose, laissa son esprit dériver. Harry le contempla en silence.

- Tu savais que ma mère avait un piano ? demanda Drago. Elle en jouait très bien. Elle m'a forcé à apprendre quand j'étais petit et j'en ai joué jusqu'à mes douze ou treize ans. Après, j'ai dit que je ne voulais plus, je trouvais ça pénible et ennuyeux. J'étais un crétin. J'adorerais avoir un piano et jouer les chansons de Petronilla.

- Je ne savais pas ! s'écria Harry, ravi d'en apprendre un peu plus sur Drago. Tu jouais bien ?

- Je jouais correctement.

- J'aimerais beaucoup te voir jouer.

- Ouais… souffla Drago. Tu me regarderais jouer, tu me trouverais beau et séduisant puis nous irions faire l'amour juste après, peut-être pas sur le piano, mais sur le tapis juste à côté.

Harry rougit un peu et ses yeux s'assombrirent.

- Oui, ce serait bien.

- Oui.

Il y eut un silence plein d'images et d'envies qui s'embrasèrent pour s'éteindre presque aussitôt. Harry prit la main de Drago à travers la table et entrelaça leurs doigts. Ils pouvaient difficilement faire plus.

- Tu me manques terriblement, j'espère que tu le sais, dit Harry.

- Toi aussi.

Quand il repartit, Harry se rendit compte qu'il aimait Drago encore plus qu'à son arrivée et cela lui donna envie de pleurer.

OoOoOoO

Il y avait perpétuellement des projets au Ministère car Kingsley Shacklebolt entendait bien utiliser son pouvoir pour changer certaines choses. Harry aimait bien être au courant des nouvelles idées et des projets de loi en construction. C'était divertissant et plutôt encourageant pour la suite. Il savait que Leonora Clark, Hermione et plusieurs membres du Magenmagot dont Agatha Greengrass, travaillaient à l'amélioration du système judiciaire. Le procès de Drago avait marqué les esprits et plusieurs leçons en avaient été tirées : il fallait mieux surveiller la corruption, il fallait également mieux défendre les accusés. Si Agatha n'avait pas pris sur elle d'enquêter avec un journaliste, le Magenmagot n'aurait eu que les preuves fournies par les Aurors et ça n'aurait pas été suffisant. Or ce n'étaient pas aux Aurors de faire plus que ça. Hermione leur avait signalé avec un mépris à peine déguisé que les Moldus avaient ce qu'on appelait des avocats et ce depuis bien longtemps, et qu'elle avait été choquée de constater qu'il n'existait rien de tel chez les sorciers. Le chantier était vaste et il faudrait plusieurs années pour construire quelque chose de solide.

Par ailleurs, Agatha informa un jour Harry que Hestia Jones – nouvelle directrice du département de la justice magique depuis le renvoi de Long – avait reçu une lettre du directeur d'Azkaban qui se plaignait des visites. Il y en avait trop et ils n'avaient plus la place d'accueillir tout le monde, ça devenait compliqué. Le directeur informait Jones qu'il comptait proposer deux dates de visite désormais, le 1er et le 15 du mois. Il espérait que cela régulerait un peu les visiteurs. Harry accueillit la nouvelle avec une excitation qu'il peina à dissimuler et Agatha lui sourit avec indulgence. Il faudrait attendre la validation d'Hestia Jones mais il était fort à parier qu'elle accepterait la proposition. Il pourrait alors voir Drago deux fois par mois. Ce serait toujours trop peu mais ce serait deux fois plus que maintenant.

Il continuait à aller voir Andromeda et Teddy assez régulièrement. C'était devenu son meilleur moment de la semaine et cela lui manquait quand il n'y allait pas. Il aimait voir Teddy grandir, cela l'amusait de découvrir chaque fois les nouveaux mots qu'il savait prononcer. Il voyait Remus dans Teddy, dans son visage pâle et fin, dans son gentil sourire et dans certaines expressions de son visage. Il voyait Tonks dans le rire de Teddy, dans son regard espiègle et dans sa volonté de faire des bêtises. Il y avait un peu de Bellatrix, aussi, dans ses cheveux et ses yeux sombres mais Harry se forçait à n'y voir que la marque d'Andromeda. Et puis souvent, Teddy changeait la couleur de ses cheveux, pour s'amuser, maintenant qu'il maitrisait davantage le pouvoir que sa mère lui avait légué. Parfois, quand il se rendait chez Andromeda, Serena et Agatha les y rejoignaient et prenaient le thé avec eux. Ce fut grâce à ces moments que Harry put en apprendre autant sur la Résistance et sur ce qui s'était passé au Ministère et chez les sorciers durant la prise de pouvoir de Voldemort. C'était un aspect de la guerre que Harry n'avait finalement pas connu puisqu'il avait passé tout son temps en cavale à la recherche des Horcruxes. Il en apprit également davantage sur Daphnée et Astoria Greengrass qu'il avait croisées sans les connaitre. Daphnée avait partagé ses cours de potions et de soin aux créatures magiques pendant six ans, il savait à quoi elle ressemblait. Il éprouvait quelques regrets, parfois, de penser que les élèves de Serpentard étaient à ce point mis à l'écart. Daphnée et Astoria avaient l'air très sympathiques, ils auraient pu être amis.

Il retourna voir Hagrid aussi, il se sentait bien dans la taverne de Pré-au-Lard. Personne ne l'embêtait ici, il n'avait pas besoin de se tenir correctement. Les sorties bougonnes d'Abelforth l'amusaient, elles avaient quelque chose de réconfortant. C'était agréable, quand on n'allait pas très bien, de voir des gens aussi mal en point que soi-même, des gens qui ne lui demandaient pas de sourire et d'oublier. Abelforth lui parlait parfois de son enfance, d'Albus et d'Ariana. C'était fascinant et décevant. Hagrid prenait la défense du professeur Dumbledore dès qu'il le pouvait et cette loyauté était tout à son honneur, même si Harry la trouvait parfois agaçante. Lui, il n'essayait ni de défendre ni d'accuser son ancien directeur. Comme tout le monde, il avait fait du mal, il avait fait du bien. Qui donc était Harry pour juger ? Il savait depuis longtemps que Dumbledore n'était pas parfait, il le savait même intimement, bien plus que Hagrid, autant qu'Abelforth. Il n'avait plus vraiment de rancœur envers lui. Dumbledore aurait pu faire mieux, assurément, ne pas le confier à des gens odieux qui l'avaient brisé, ne pas laisser Rogue le maltraiter, ne pas le laisser mourir. Mais Dumbledore, malgré l'affection qu'il portait à Harry, pensait au plus grand bien, toujours, quitte à se sacrifier lui-même pour cette cause. Harry comprenait cela, en partie. Il avait fait la même chose.

Ils dînaient souvent avec Ron et Hermione, maintenant qu'il avait plus de temps. Ginny se joignait à eux la plupart du temps, George aussi et cela rappelait beaucoup à Harry les étés paisibles qu'il avait passés en leur compagnie. Il se sentait bien avec eux, ils avaient trouvé un rythme qui leur convenait et Harry vivait ces moments avec paix et douceur, essayant d'oublier le reste.

Entre ces visites à ses amis, Harry effectuait son travail le mieux possible, sans jamais s'y investir pleinement, comme une bête de somme tirant sa charrue sans protester. Il se demandait parfois si sa vie allait réellement ressembler à cela sur les années à venir mais c'était trop angoissant, il préférait ne pas y penser. Ce jour-là, Harry classait le courrier reçu par le bureau du Magenmagot pour en faciliter la prise en charge quand Agatha Greengrass entra dans la petite pièce qu'on lui avait allouée.

- Je dois me rendre à Azkaban pour rencontrer une détenue dont je suis le dossier mais je ne peux pas y aller, j'ai une réunion avec Hestia Jones. Je voudrais que tu y ailles à ma place.

- Ah bon, répondit bêtement Harry, surpris.

- Oui, tu t'es occupé de ce dossier. Tu sais, celle dont la mère est morte. Elle a des papiers à signer concernant l'héritage.

- D'accord, très bien.

Agatha lui montra les papiers. Ils concernaient surtout la maison familiale. La détenue avait écrit à Agatha pour lui faire savoir qu'elle désirait la vendre. Il y avait eu une offre, elle devait signer pour valider la vente. Harry avait effectivement aidé Agatha lors de cette affaire et savait parfaitement de quoi il retournait. Il prit le dossier et hésita, le regard fixé sur la table.

- Vous n'auriez rien à dire à Drago, par hasard ? demanda-t-il du bout des lèvres.

- Non, dit Agatha après une légère hésitation.

La déception de Harry fut manifeste.

- Mais… la dernière fois que je l'ai vu, il m'a semblé trop maigre et fatigué. Peut-être serait-ce bien que tu le voies rapidement pour vérifier qu'il est en bonne santé.

- D'accord, je ferai ça.

Il y eut un silence et Harry regarda Agatha avec reconnaissance.

- Merci, souffla-t-il.

Elle lui fit un courrier pour attester qu'il venait bien en son nom et Harry partit à Azkaban, non sans avoir acheté quelque chose à manger. Il se sentait fébrile et impatient, comme il ne l'avait pas été depuis des mois. Il savait que cette visite serait différente, qu'ils seraient seuls dans une salle sans témoins et qu'ils auraient plus de temps. Et puis, ce serait une surprise. La main presque tremblante, Harry tendit son document au gardien qui ouvrit la porte. Il avait soudain peur que ses visites soient refusées pour une raison quelconque. Tout alla bien toutefois, il avait la lettre signée par Agatha Greengrass et son badge du Ministère attestant qu'il y travaillait. Il commença par la détenue, lui présenta l'offre pour sa maison et la regarda signer. Elle eut l'air surprise de se retrouver face à Harry Potter en personne mais tout se termina rapidement. Une gardienne vint la ramener à sa cellule et Harry attendit Drago.

Quand il entra dans la petite salle, le visage de Drago se figea une seconde puis s'éclaira en stupéfaction ravie. Il essaya de se contrôler devant le gardien pour ne rien laisser paraitre et s'assit docilement à la table. On lui laissa les menottes magiques, comme c'était le cas à chaque fois qu'il rencontrait seul Agatha, pour être sûrs qu'il n'agresserait pas l'employé du Ministère puis le gardien sortit de la salle. Drago se releva vivement de sa chaise, un grand sourire aux lèvres.

- Je pensais que c'était Mrs Greengrass !

- Je la remplace, je suis venu gérer un autre dossier à sa place et j'en ai profité pour venir te voir. Avec son accord, bien sûr.

Ils avaient marché l'un vers l'autre tout en parlant et Drago passa ses mains menottées autour du cou de Harry pour l'embrasser. Puisqu'il n'y avait personne pour regarder et les juger, le baiser devint bien plus passionné que tous les derniers qu'ils avaient échangés. Harry ferma ses bras autour de Drago pour le serrer contre lui et l'empêcher de partir.

- Je suis content de te voir, murmura Harry en reprenant son souffle.

- Moi aussi, je ne m'y attendais pas !

Drago embrassa à nouveau Harry et leur excitation monta sans qu'ils n'y puissent rien. Harry n'en pouvait plus de voir Drago sans le toucher depuis des mois et Drago mourait d'envie que Harry chasse les ténèbres de sa vie pendant quelques minutes. Quand il fut évident qu'ils bandaient et qu'ils avaient envie de plus qu'un baiser, Harry souleva doucement les bras de Drago pour dégager sa tête et le poussa vers la table. Drago s'y appuya et baissa les yeux pour regarder Harry s'asseoir sur sa chaise. Il écarta les jambes pour laisser Harry se rapprocher de lui et resta immobile en attendant la suite, fébrile et presque effrayé d'être aussi impatient. Harry baissa le pantalon rayé de Drago, sortit son sexe, le caressa un peu puis se courba pour lui faire une fellation. Drago ferma les yeux pour apprécier la sensation et s'en imprégner. Il fallait qu'il n'en perde rien, rien de la chaleur de la bouche de Harry, rien de l'humidité, de la sensation de sa langue et de ses lèvres qui le caressaient. Il fallait qu'il se le grave dans la peau, pour qu'il puisse ensuite se masturber dans sa couchette en ne pensant qu'à cela. Il avait terriblement besoin d'images comme celles-ci pour se remonter le moral. Drago posa ses mains sur la tête de Harry, puisqu'il ne pouvait pas vraiment les mettre ailleurs et se laissa emporter par la sensation de plaisir qu'il ressentait. Ses soupirs envahirent la salle et résonnèrent contre les murs. Il s'en fichait, c'était bon. C'était la meilleure chose qui lui était arrivée depuis des mois.

Il finit par jouir dans la bouche de Harry qui sortit un mouchoir de sa poche pour s'essuyer. Drago le soupçonna d'avoir emmené ce mouchoir dans ce seul et unique but. Harry se releva et fixa Drago, satisfait de lui avoir donné du plaisir et excité par ce qu'il venait de faire.

- Défais ton pantalon, ordonna Drago.

Harry obéit puis s'approcha de Drago pour se glisser entre ses jambes. Malgré les menottes qui le gênaient, Drago réussit à refermer ses mains sur le sexe de Harry et à le caresser. Harry enfouit son visage dans le cou de Drago pour soupirer et bougea légèrement les hanches pour l'aider dans ses caresses. Harry jouit rapidement aussi, ils étaient tous les deux trop frustrés pour tenir longtemps. Ils allaient toutefois un peu mieux, maintenant et ils éclatèrent de rire en se regardant, un peu choqués par ce qu'ils venaient de faire. Harry essuya toute trace de leur forfait avec son mouchoir puis contempla la table avec hésitation. Il récupéra la boite de gâteaux qu'il y avait posée et alla s'asseoir par terre, dans un coin.

- J'ai amené quelque chose à manger.

Drago le rejoignit, l'air perplexe, se demandant pourquoi Harry était assis sur le sol froid et dur de la salle. Harry écarta les jambes et fit signe à Drago de venir s'asseoir là, contre lui. Drago obéit immédiatement, comprenant ce que Harry voulait et ravi de le faire. Ils dégustèrent leurs pâtisseries, assis l'un contre l'autre, en bavardant. Harry n'avait pas vraiment d'heure de départ mais il avait promis à Agatha de ne pas abuser de sa gentillesse. Quand sa montre indiqua qu'il était là depuis plus d'une heure, il serra Drago contre lui et respira le parfum de son cou.

- Il faut que je m'en aille mais je ne veux pas.

- Je ne veux pas non plus, assura Drago d'une voix un peu vacillante.

- Il y a des chances pour que les visiteurs puissent bientôt venir deux fois par mois.

- Vraiment ? demanda Drago. Ce serait formidable ! Tu pourrais… enfin, tu n'es pas obligé de venir tout le temps deux fois par mois si tu as autre chose à faire, je comprendrais.

- Je n'ai rien d'autre à faire, assura Harry.

C'était vrai. Il n'avait rien de plus important à faire que d'aller rendre visite à Drago dès qu'il le pouvait. Drago se décolla de Harry et se mit debout en s'appuyant sur le genou de l'autre. Quand il s'arracha à l'étreinte, Harry ressentit le froid du sol et de la pierre et frissonna. Intérieurement, il était heureux que Drago se soit levé en premier, il n'était pas certain qu'il aurait réussi à mettre fin au moment lui-même.

- Je ne sais pas si je pourrais revenir te voir à la place d'Agatha de cette façon.

- Ça ne fait rien. C'était bien en tout cas.

Harry lui sourit en se forçant un peu. Drago faisait toujours ça quand ils se voyaient, il devenait distant dans les dernières minutes, comme si peu lui importait que Harry parte ou reste, comme si ce n'était pas si grave. Bien sûr, Harry devinait que c'était pour atténuer sa douleur. Il avait du mal à imaginer ce que pouvait ressentir Drago quand Harry repartait et qu'il devait ensuite retourner à sa cellule et à sa vie en prison. Rien de très bon, sans doute.

Harry frappa à la porte pour signaler que l'entretien était terminé et se retrouva face au gardien qui le fixa avec un léger sourire goguenard. Harry se tendit et se sentit envahi par l'angoisse. Il ne s'était posé aucune question, il n'avait pas pensé aux gardiens. Que savaient-ils de ce qui se passait dans les salles de visite ? Entendaient-ils ? Voyaient-ils ? Harry rougit et détourna le regard. Le gardien vint prendre Drago par le bras pour le ramener dans sa cellule et Harry leva les yeux pour croiser ceux de Drago une dernière fois. Ils échangèrent un sourire crispé puis Harry regagna l'accueil pour récupérer sa baguette et s'en aller.

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En général, après ses visites à Drago, Harry se sentait plus léger et plus heureux, comme s'il avait eu sa dose de douceur et d'amour pour affronter les jours qui arrivaient. Cette fois-ci fut plus heureuse encore car ils avaient passé un vrai moment ensemble et que cela avait quelque peu atténué la frustration dévorante de Harry. Pour Drago, en revanche, ces visites le laissaient un peu plus déprimé à chaque fois. Sur le moment, oui, il adorait voir Harry. Mais quand il regardait Harry partir et qu'on le ramenait à son cauchemar, c'était d'une violence presque insupportable. Pendant les heures et les jours qui suivaient, il oscillait entre joie de l'avoir vu et solitude douloureuse, douloureuse à rendre fou. Il se demandait parfois sincèrement si les visites de Harry ne lui faisaient pas plus de mal que de bien, en réalité. Il aimait écouter Harry lui parler de sa vie mais c'était déchirant. Il savait qu'il ne faisait plus vraiment partie de la vie de Harry et qu'il en ferait de moins en moins partie. Ce n'était pas avec lui que Harry discutait, que Harry mangeait, que Harry dormait. Ce n'était pas lui qui prenait Harry dans ses bras quand il faisait des crises et ce n'était pas lui qui lui remontait le moral quand il allait mal. Ce n'était pas lui qui accueillit Harry quand il rentrait du travail et ce n'était pas avec lui que Harry passait ses weekends. Drago était content pour Harry qu'il trouve du plaisir à voir Andromeda et Teddy, Hagrid et les Weasley. Mais Drago les détestait tous, viscéralement, avec une jalousie qui le rendait cinglé. Il aurait donné n'importe quoi pour sortir d'ici et reprendre sa vie là où il l'avait laissée, avec Harry.

Cette visite-ci fut pire que les précédentes. Retrouver Harry pour un moment d'intimité, se blottir dans ses bras puis le laisser repartir, c'était horrible. Il avait été tellement surpris de voir Harry, tellement heureux et tellement excité qu'il n'avait pas pensé une seule seconde à Kyle Long quand ils s'étaient touchés. Drago voulait recommencer, il le voulait mortellement, il en avait besoin. En plus, le bruit avait couru dans toute la prison que Harry Potter était venu voir Drago et avait passé une heure avec lui dans une salle. Il eut droit pendant des jours à des remarques graveleuses, des allusions, des sourires moqueurs ou encore des regards noirs de haine et de jalousie. Son père avait évité de croiser son regard, Rabastan l'avait regardé comme s'il était un cafard répugnant. L'homme qui l'avait traité de catin dès le début – et qui s'appelait Connor, comme l'avait appris Drago – mimait des fellations à chaque fois qu'il le voyait aux repas ou dans les douches. Drago était partagé entre la terreur répugnée que lui inspirait Connor et son désir furieux de lui casser la gueule. Il mourait d'envie d'attraper Connor par les cheveux et de lui éclater la tête contre le carrelage des douches ou encore de le pousser par-dessus le grillage, dans la cour, et de le regarder se fracasser sur les rochers. Et puis en même temps, ses pensées lui faisaient un peu peur mais pas plus que ça car il savait, avec amertume, qu'il serait totalement incapable de faire une chose pareille.

Il passait des heures à ne rien faire, allongé sur sa couchette, à fredonner tout bas la chanson de Petronilla que Harry avait apprise pour lui. Il avait toujours été doué pour retenir les mélodies, même celles qu'il n'entendait qu'une seule fois. Il était doué pour entendre les fausses notes aussi, et Harry en avait fait plus d'une. C'était un souvenir qui éveillait un peu de joie et de douceur dans le cœur de Drago. Il n'y en avait malheureusement pas beaucoup d'autres.

Les jours passèrent encore, inéluctablement, sans queue ni tête pour Drago qui ne savait plus si on était mardi ou si on était le 23. Novembre arriva et apporta les premières journées vraiment froides de l'automne. Drago, qui avait été incarcéré en été, ne connaissait pas encore l'hiver à Azkaban mais il se mit à le redouter avec force. La cellule devint franchement froide, tout comme les couloirs qui laissaient passer les courants d'air et le réfectoire mal isolé. La promenade dans la cour devint plus une torture qu'un plaisir.

- Que va-t-il se passer en hiver ? demanda Drago à Franck.

- Ils vont nous donner de nouvelles couvertures plus chaudes et une veste. Ils lancent des sortilèges pour réchauffer les pièces mais ça ne fonctionne pas toujours très bien. Il y aura des moments où tu auras froid, ne te fais pas d'illusion.

Drago ne s'en faisait pas, justement, et son esprit s'engourdissait en même temps que ses membres. La nouvelle organisation des visites fut validée et Harry vint le voir deux fois par mois. Pour la première fois, il y eut des jours où Franck n'eut pas de visite. Drago était terriblement heureux de voir Harry plus souvent mais cela devenait aussi chaque fois plus pénible. C'était bon et déchirant, vital et léthal en même temps. Il ne disait pas tout à Harry, il ne lui parlait jamais de Connor ou du froid, il mentait et éludait. Il ne lui racontait pas les crises d'angoisse qui le prenaient parfois, lors desquelles il hurlait pour qu'on le libère, accroché aux barreaux de sa cellule. Drago en faisait moins qu'au début mais il en faisait toujours quand même. Il ne racontait pas non plus les douches où les regards de Connor lui donnaient envie de vomir et lui faisaient penser à Kyle Long. Il ne parlait pas de la sensation de saleté et de haine de son corps qu'il éprouvait ou encore de la faiblesse morbide qui s'emparait de lui plusieurs fois par jour et le laissait allongé sur son lit, sans rien pouvoir faire, son cerveau fonctionnant à peine, parce qu'il ne mangeait pas assez. Non, mieux valait ne pas raconter tout cela. Il essayait de rassurer Harry, oui, tout allait bien, il survivait, ce n'était pas si terrible.

Il écoutait la vie de Harry en se décomposant de l'intérieur à petit feu. Il était certain qu'un jour, Harry se rendrait compte de ce vide putréfié qu'il cachait au fond de lui mais il faisait tout pour repousser le moment. Il se mettait à ressentir des angoisses irrationnelles, à craindre que Harry ne vienne pas. Pire que tout, il s'imaginait le jour où Harry lui dirait qu'il ne l'aimait plus, qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre, qu'il en avait assez de venir. Certains jours, Harry lui semblait plus distant que d'habitude et Drago se persuadait que tout allait se terminer. Il en faisait des cauchemars. Parfois, il était suffisamment conscient pour deviner que c'était de la paranoïa mais la plupart du temps, il y croyait vraiment et sa terreur ne faisait qu'augmenter. Il ne s'était pas vu depuis le mois de juillet, il n'y avait pas miroir à Azkaban. Il se doutait cependant qu'il devait être affreux, maigre, blême, cerné, mal rasé et l'air toujours aux abois. Il n'avait rien à offrir à Harry, rien du tout et il avait peur de le perdre. Combien de temps encore avant que Harry se lasse de lui ?

Son père, après tout, s'était lassé de lui. Lucius avait choisi de rester avec les autres Mangemorts et de tourner le dos à Drago. Parfois, leurs regards se croisaient dans le réfectoire et c'était toujours la même chose. Lucius le regardait avec un mélange de chagrin, de malaise et de déception. Drago, lui, n'avait plus aucune expression. Il comprenait son père au fond. Qui voudrait d'un fils violé et sali ? C'était dégoûtant. Qui voudrait d'un fils qui aimait les hommes ? Qui aimait Harry Potter ? Drago se détestait lui-même et se dégoûtait lui-même, pourquoi son père aurait-il dû penser différemment ? Le rejet de son père glissait sur Drago comme les mains de Kyle avaient glissé sur lui et il se sentait un peu moins humain chaque jour qui passait. Pour autant, son amour pour Harry, ça, ce n'était pas dégoûtant et ça, il le chérissait. Il le gardait au creux de lui-même, comme la petite fille aux allumettes avait gardé sa dernière flamme entre ses mains transies.

Le mois de décembre commença dans l'indifférence générale. A Azkaban, on ne fêtait pas Noël et Drago estima que c'était sans doute mieux comme ça. Avec un peu de chance, il ne saurait plus la date, il oublierait Noël et il ne penserait pas à tout ce qu'il loupait. Il ne penserait pas aux anciens Noël avec sa famille, où il était heureux et couvert de cadeaux. Il ne penserait pas aux Noël passés avec Pansy, Theodore et Gregory où ils se saoulaient tellement qu'ils n'en gardaient plus aucun souvenir. Il ne penserait pas à Harry, au chaud devant la cheminée du Terrier, qui souriait et offrait des cadeaux à quelqu'un d'autre que lui. Voilà, il espérait donc vraiment perdre le fil des jours et oublier Noël.

Et puis, pour achever l'année, le 15 décembre, Harry ne vint pas le voir. Et quand le gardien lui fit savoir qu'il ne venait chercher que Franck et qu'il n'avait pas de visite, le cœur de Drago se fracassa en mille morceaux.

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Harry avait eu la grippe, il y avait une épidémie au Ministère. Il s'était réveillé le 15 décembre, malade comme un chien. Il avait pris un peu de potion, était allé travailler pendant une heure avant qu'Agatha lui ordonne de rentrer chez lui et d'arrêter de faire l'idiot. En plus, il allait contaminer tout le monde. Harry était rentré, s'était couché et endormi. Quand il s'était réveillé, il ne lui restait plus qu'une heure pour aller à Azkaban mais il avait de la fièvre, il frissonnait et il se savait incapable de se lever de son lit pour transplaner. Il avait donc abandonné l'idée et s'était recouché. Il s'en était terriblement voulu le lendemain, quand il avait pleinement réalisé ce qu'il avait fait et que les potions avaient fait tomber sa fièvre. Il n'était pas venu, il n'avait pas prévenu Drago. De toute façon, il n'avait aucun moyen de le prévenir. Drago avait dû l'attendre et être déçu et inquiet de ne pas le voir. Harry se sentait mal et coupable d'avoir laissé tomber Drago. Et en même temps, ne lui avait-il pas dit lui-même qu'il n'était pas obligé de venir à chaque fois ?

Deux jours plus tard, Harry retourna travailler et supplia Agatha Greengrass d'envoyer une lettre à Drago pour lui expliquer que Harry avait été malade. Elle accepta de le faire, avec un peu d'agacement toutefois. La conduite de Harry, qui s'était envoyé en l'air avec Drago Malefoy en allant lui rendre visite en son nom, était parvenue aux oreilles d'Agatha et elle avait été en colère contre Harry. Il ne pouvait pas faire n'importe quoi, elle n'aurait pas dû l'envoyer là-bas. Il était inadmissible qu'il ait des traitements de faveur de la sorte et qu'il abuse de sa gentillesse. Il s'était excusé, parce qu'il avait conscience qu'il l'avait mise dans une situation embarrassante, mais il lui avait tout de même froidement fait remarquer qu'il ne se sentait pas franchement coupable d'avoir passé une heure avec la personne qu'il aimait et qui croupissait en prison. La dispute s'était arrêtée là mais Harry savait bien qu'il ne pourrait désormais plus remplacer Agatha à Azkaban. En tout cas, elle écrivit à Drago pour le rassurer et lui faire savoir que Harry avait eu la grippe et qu'il viendrait le voir la prochaine fois sans faute. Cela apaisa la culpabilité de Harry et la vie suivit son cours.

Comme chaque année depuis maintenant bien longtemps, Harry fêta Noël au Terrier avec les Weasley. Il était toujours heureux de retrouver l'ambiance festive et chaleureuse de leur famille. Charlie était là cette année, pour le grand plaisir de tout le monde. Bill et Fleur aussi bien sûr, avec la petite Victoire. Fleur était à nouveau enceinte et subissait avec plaisir les attentions d'Arthur et les questions de Molly. George avait mis un nouveau costume coloré qui outra sa mère mais qui amusa grandement Ginny. Ron et Hermione étaient assis l'un contre l'autre sur le canapé et les petits pâtés posés devant eux diminuaient sans cesse. Percy et Hermione discutaient de leur travail et Harry, maintenant, pouvait intervenir pour leur raconter ce qui se passait au Magenmagot. Et puis il y avait Ginny, assise sur un pouf, près de Harry.

Quand il parlait à Drago des sorties et des soirées qu'il faisait, des matchs de Quidditch auxquels il assistait, il ne lui disait jamais que Ginny était là. C'était idiot, au fond, car ils ne faisaient rien de particulier mais Harry était trop sincère pour ne pas se sentir coupable. Oui, il sentait les regards de Ginny et oui, il y répondait. Oui, il savait bien que les sourires qu'ils échangeaient n'étaient pas toujours dénués de séduction et oui, il pouvait parfaitement sentir la complicité et la chaleur qu'il y avait entre eux. Il se souvenait parfaitement pourquoi il avait aimé Ginny, autrefois, et c'était toujours là. Alors non, il ne pouvait pas dire qu'il aimait Ginny et non, il ne faisait rien de mal avec elle. Mais voilà, pour une raison qui ne lui échappait pas, il préférait ne pas parler de Ginny à Drago. Harry se sentait coupable d'aimer les moments qu'il passait avec Ginny, coupable d'aimer ses sourires et de rire à ses interventions. D'autant que Drago était en prison, lui. Harry se sentait monstrueux. Et parfois, dans l'obscurité de sa chambre, quand il étouffait de solitude, il se disait quand même que Drago, ce salaud, l'avait abandonné comme une merde en lui laissait quasiment porter la responsabilité de la mort de Kyle Long et qu'il pouvait bien, si ça lui chantait, trouver du réconfort dans la présence de Ginny.

Le 31 décembre, ils n'avaient pas pour habitude de faire une grosse fête comme les Moldus mais ils se réunirent chez Harry. Sur l'insistance de Ginny, ils invitèrent Neville et Luna, qu'ils n'avaient pas vus depuis longtemps. Harry accepta, plutôt heureux de revoir ses vieux amis. La soirée fut agréable, ils avaient plein de choses à se raconter. George mit de la musique et, joyeusement ivres, ils dansèrent dans le vaste salon de la maison Black. Luna entraina Harry dans une sorte de valse totalement décalée qui le laissa haletant et désorienté. Ron était hilare et s'empressa de prendre sa place auprès de Luna. Il se moquait gentiment d'elle, comme il en avait l'habitude et il finit la danse tout aussi éreinté que Harry. Ce dernier accepta de danser avec Ginny et le fit en essayant d'avoir l'air à l'aise et naturel. C'était toutefois difficile d'ignorer son corps contre le sien et son parfum qui s'échappait à chacun de ses mouvements. Harry s'éloigna dès que la musique changea pour retrouver Hermione. Cette fête était étrange pour Harry. Tout le monde semblait heureux et plein de joie et il ne savait pas s'il partageait ce sentiment. Était-il heureux ? Non, il ne l'était pas. Il voulait bien faire semblant pour ce soir. Du moins, il voulait bien essayer. Ne pas penser à Drago, seul dans sa cellule à Azkaban qui ne fêtait surement ni Noël ni la nouvelle année. La première nouvelle année des quinze qui l'attendaient. Il ne fallait pas y penser.

George, qui menait totalement la soirée, surveillait l'heure et se chargea du compte à rebours. Ils crièrent les chiffres, un grand sourire aux lèvres. Harry ne savait pas vraiment ce qui les rendait aussi excités mais peu importait. Une nouvelle année, après tout, était signe de changement et de promesse. Promesse de quoi ? Harry n'en savait rien. Sa vie ne promettait pas grand-chose. Tout le monde hurla et se souhaita une bonne année. Il sentit les bras de Ron autour de lui qui le serraient puis il se retrouva face à Ginny qui se pencha vers lui et effleura ses lèvres avec les siennes, pour lui laisser une chance de refuser. Sans trop savoir ce qu'il faisait – ou en le sachant parfaitement, en vérité – Harry lui rendit son baiser. C'était doux, chaud, apaisant, beaucoup moins dramatique que quand il embrassait Drago. Harry se recula et Ginny lui sourit, sans gêne, l'air de dire que ce n'était pas grave, tout allait bien, ça avait été agréable. Harry se sentit effroyable, d'avoir embrassé Ginny, d'avoir aimé ça, de s'être senti heureux pendant quelques secondes.

Et quelques heures plus tard, Harry se retrouva à Azkaban pour la visite du 1er janvier. Il avait la gueule de bois, il était fatigué de ses courtes heures de sommeil, il se sentait coupable d'avoir loupé la dernière visite et coupable plus encore d'avoir embrassé Ginny. Pour la première fois depuis que Drago avait été enfermé, Harry n'avait pas envie d'être ici et n'avait pas envie de le voir. Il était pourtant là et il rejoignit Drago qui l'attendait. Il le serra dans ses bras, machinalement, et fit semblant de ne pas remarquer que Drago ne lui rendait pas son étreinte. Ils s'assirent face à face et Drago posa sur un lui un regard vide.

- Je suis désolé pour la dernière fois, dit précipitamment Harry. J'ai été malade. Tu as reçu la lettre d'Agatha ?

- Oui, dit Drago d'une voix trainante. Tu as eu la grippe. Ce sont des choses qui arrivent.

- Oui.

Il y eut un silence déplaisant qui n'était pas habituel. Harry se rendit compte que Drago lui en voulait terriblement et qu'il n'avait pas pris la mesure de la situation. Il aurait dû deviner que pour Drago, qui ne vivait que pour ses visites, le lapin qu'il lui avait posé avait dû le faire souffrir. Et en même temps, Harry avait une vie aussi, il avait le droit d'être occupé ou indisposé un jour de visite. Déjà qu'il devait toujours s'arranger pour quitter le travail à une heure inhabituelle pour venir le voir et rattraper ensuite ce qu'il avait manqué… Non, Harry se sentit injuste. Drago n'y était pour rien. Bien sûr que si, tout était sa faute après tout, c'était lui qui avait tué Kyle Long. Oui mais Kyle Long l'avait détruit et méritait bien son sort. Sans doute, peut-être, vraiment ?

- De toute façon, il faut que je m'y habitue, n'est-ce pas ? demanda la voix froide de Drago en interrompant les pensées de Harry. Arrivera fatalement un moment où tu viendras de moins en moins puis plus du tout.

Harry se sentit mal à l'aise. Il aurait aimé regarder Drago dans les yeux et lui promettre que ce moment n'arriverait jamais mais les mots ne franchirent pas ses lèvres. Il repensa à Ginny et à leur baiser, il fut incapable de soutenir le regard de Drago et fixa la table.

- Nous n'en savons rien, pourquoi penser à ce genre de choses ? Esquiva-t-il.

- Bien sûr que nous le savons. Tu vas continuer à vivre, tu vas rencontrer quelqu'un d'autre, tu en auras assez d'être enchainé à un prisonnier. En plus, nous n'avons jamais été vraiment ensemble. Notre histoire a duré quoi ? Deux semaines ? En réalité, tu ne devrais même pas être ici, tu aurais dû laisser tomber depuis longtemps.

La tirade de Drago fit plus mal à Harry qu'il l'aurait imaginé. Et en même temps, il ne put s'empêcher de penser que Drago avait raison. D'ailleurs, il se rappela qu'Hermione avait essayé de lui faire une remarque en ce sens, sans vraiment l'oser. Comme quoi il s'accrochait à Drago et qu'il faudrait peut-être arrêter. Ils devaient tous le penser. Harry ne sut pas quoi répondre, se sentit mal, triste, impuissant et seul. Il avait envie que quelqu'un le prenne dans ses bras et il ne savait plus s'il voulait que les bras appartiennent à Drago ou à Ginny.

- Je suis là, finit par dire Harry. Je suis là et je t'aime, c'est tout ce qui compte. Je suis désolé de ne pas être venu la dernière fois, je sais que ça t'a fait du mal. Mais Drago, ce n'est pas la peine d'en conclure des choses aussi déprimantes. Tu m'as manqué.

Drago resta figé devant Harry et son regard reprit vie. Son menton trembla légèrement, comme s'il voulait pleurer ou que le soulagement était trop lourd à porter.

- C'est simplement… bafouilla Drago. C'est simplement que j'ai cru que tu ne voulais plus me voir ou que…

- Non, non, bien sûr que non !

Harry mourait d'envie de se lever et de serrer Drago contre lui mais il y avait du monde dans la salle et il n'osa pas. Il se contenta de lui prendre la main et de la tenir fermement entre les siennes. La main de Drago était glacée et semblait particulièrement fine. Harry leva les yeux vers Drago et le contempla un instant, en essayant de chasser tous les sentiments qu'il avait pour lui. Il ne l'avait pas vu depuis un mois, peut-être était-ce pour cela qu'il le remarqua plus que d'habitude mais il fut presque choqué de voir à quel point Drago semblait mal en point. Harry serra les doigts trop maigres de Drago et ne serra que des os.

- Il fait froid dans vos cellules ? Demanda-t-il.

- Il ne fait pas très chaud, dit Drago en haussant les épaules.

- Est-ce que tu manges ?

- Je n'ai pas très faim.

- Est-ce que tu vas bien ?

Drago le fixa avec une expression étrange qui mit Harry mal à l'aise. Il y eut un silence qui se prolongea. Drago eut envie d'éclater de rire puis de hurler sur Harry. Il allait bien, il allait bien, il allait bien ! Pendant que Harry allait travailler et faisait la fête avec ses amis, Drago, lui, il allait bien. Tout allait merveilleusement bien. Il se réveillait engourdi par le froid, il subissait les regards de Connor, il vomissait ce qu'il mangeait, son père ne voulait plus de lui, Kyle Long n'arrêtait pas de le violer dans ses cauchemars et Harry n'arrêtait pas de l'abandonner.

- Je suis en prison, je fais ce que je peux, répondit finalement Drago.

Harry lui lança un regard triste et impuissant. Drago savait que Harry n'y était pour rien et qu'il s'était mis en prison lui-même en tuant Kyle mais tout de même, il lui en voulait. Il lui en voulait d'être libre et de vivre sans lui. Drago retira sa main de celle de Harry et le regarda fixement. Harry n'y était pour rien ? Ce n'était pas vrai, c'était Harry qui l'avait livré aux Aurors. Involontairement peut-être mais tout de même, c'était lui. Drago regretta brusquement de l'avoir soumis à l'Imperium. Il aurait dû laisser l'Auror Edmund arrêter Harry. Peut-être se seraient-ils retrouvés à Azkaban ensemble. Drago aurait aimé cela, son enfer aurait été bien plus facile à supporter. Peut-être même que ça n'aurait pas été un enfer.

La partie rationnelle de Drago savait que leur vie n'aurait pas été heureuse si Harry avait été enfermé avec lui. Entre les Mangemorts qui haïssaient Harry Potter et la grande majorité des prisonniers qui honnissaient les Aurors, Harry aurait été en danger. Ils l'auraient peut-être même tué, sans doute. Rabastan en était capable. Drago frissonna et fit un effort important pour se contrôler.

- Tu as passé de bonnes fêtes de fin d'année ? demanda-t-il d'une voix trainante.

Harry parla et Drago écouta le son de sa voix. Il sentait que Harry n'osait pas trop en raconter, pour ne pas avoir l'air de mener une vie trop heureuse tandis que lui pourrissait ici mais ça ne servait à rien. Il continuait à pourrir. Harry jeta plusieurs fois des coups d'œil à sa montre, il avait envie de s'en aller. Il n'aimait pas les conversations qu'ils avaient, il n'aimait pas l'attitude de Drago. Il n'avait aucune envie de lui parler de sa fête de Noël qui avait été joyeuse et sans histoire, cela ne faisait que creuser encore plus le gouffre qui les séparait. Il n'avait aucune envie de parler de la fête de la veille où il avait embrassé Ginny. Ce fut donc un soulagement quand les gardiens vinrent signaler aux visiteurs qu'il fallait partir. Ils se levèrent, un peu engourdis tous les deux. Harry hésita à la façon dont il devait saluer Drago mais ce dernier le prit brutalement dans ses bras et le serra contre lui de toutes ses forces. Passée la surprise, Harry lui rendit son étreinte, soulagé. Le soulagement se changea en anxiété quand Drago refusa de le lâcher et que tous les autres sortirent de la salle avant lui.

- Je dois y aller, dit Harry, le cœur serré.

Drago n'eut aucune réaction et ne fit pas mine de s'éloigner de lui. L'un des gardiens leur jeta un coup d'œil agacé.

- Drago, dit Harry.

Il lui attrapa les bras pour le détacher doucement mais il se figea quand Drago prononça la phrase qu'il avait gardée pour lui pendant six mois. Il avait tenu bon jusque-là, il n'avait pas craqué, il avait essayé d'être fort et de ne pas montrer grand-chose à Harry mais il n'y parvenait plus.

- Je ne veux pas y retourner, murmura Drago à l'oreille de Harry. Ne me laisse pas, s'il te plait.

Et ce n'était pas dit avec une tristesse romantique qui se serait conclue par un baiser déchirant ou encore avec une tristesse rationnelle et résignée. Non, c'était dit avec tellement de détresse et de panique que Harry ne sut pas quoi dire ou quoi faire. Il resta là, avec Drago qui le tenait et eut l'impression de suffoquer. Les gardiens d'approchèrent et menacèrent de repousser Drago avec un sortilège s'il ne lâchait pas Harry. Il y eut un moment de flottement tendu où tous les prisonniers les regardèrent, blasés ou méprisants, assez peu compatissant. Harry tendit la main vers les gardiens pour les supplier d'attendre mais une silhouette grande et massive les rejoignit et attrapa vivement Drago par le bras. Franck le tira en arrière sans ménagement.

- Viens petit, ne sois pas stupide.

Harry était effrayé à l'idée que Drago se mette à crier et à le supplier mais il se tut et resta prostré près de Franck, son regard vide fixé sur le sol. Harry éprouva un mélange de soulagement et de haine, envers les gardiens et envers Franck. Comment osait-il intervenir de cette façon ? Et pourquoi l'appelait-il « petit » ? Pour qui se prenait-il ? Harry eut envie de lui balancer une remarquer cinglante mais Franck le regarda calmement.

- Vous devriez partir, conseilla-t-il.

Harry obéit, sachant qu'il avait raison. Il sortit de la prison, le cœur battant, un peu effaré par ce qu'il venait de vivre. Rien n'avait de sens et rien n'était cohérent. Drago lui faisait clairement la gueule, laissait sous-entendre que leur relation était ridicule et ne durerait pas, répondait à peine à ses questions puis s'accrochait à lui avec désespoir au moment de partir. Ce n'était pas cohérent mais peut-être Harry ne serait-il plus très cohérent non plus s'il passait six mois à Azkaban. Il rentra chez lui, totalement déprimé. Pour une fois, sa visite à Drago ne lui avait rien apporté et ne l'avait pas rendu heureux. Il se sentait frustré, déchiré, triste et seul. Il songea que c'était peut-être ce que Drago ressentait à chaque fois, lui.

OoOoOoO

Harry ne vit pas Ginny durant les deux semaines qui suivirent et d'ailleurs, il ne vit personne. Il n'avait pas envie de la revoir, de devoir parler du baiser. Il avait peur de la blesser mais plus que tout, il avait peur de recommencer. Il se sentait encore plus malheureux que d'habitude et il ne cessait de penser à Drago. Il se demandait s'il l'aimait vraiment et s'il l'aimait encore. Harry l'avait aimé autrefois, avant qu'il tue Kyle. Mais Drago avait raison, cela avait été court. Et alors ? songeait Harry. Cela avait été court mais cela ne voulait pas dire que ça ne comptait pas. Sa relation avec Ginny n'avait pas été très longue non plus et pourtant, il n'était jamais totalement indifférent à sa présence. Il aimait Drago, oui, il aurait voulu pouvoir l'aimer librement, sans barreaux et sans prison. Les paroles de Drago tournaient dans sa tête : un jour, il arrêterait de venir le voir, il se lasserait de lui. Harry trouvait que ces idées-là étaient sans intérêt. Pour l'instant, il n'imaginait pas arrêter de voir Drago, ce serait bien trop dur. Il n'avait pas envie de renoncer à son amour pour lui et à l'espoir que cet amour avait éveillé dans sa vie. Il n'avait aucune envie de penser au moment où cet amour se flétrirait.

Il retourna voir Drago, le 15 janvier. Cette fois-ci, Drago ne s'accrocha pas à lui et répondit à peine à son étreinte. Il était comme la dernière fois, étrange et distant. La froideur de Drago rendait Harry fébrile, malheureux et angoissé. Avait-il fait quelque chose de mal ? Oui, il avait embrassé Ginny mais Drago n'en savait rien. Leur conversation était poussive et factice, c'était insupportable. Harry fut heureux quand un homme se mit à parler d'une voix forte et rageuse, à quelques tables d'eux. C'était le visiteur de Franck qui s'était penché sur la table et parlait en espagnol, sans doute pour n'être compris de personne. Cela fonctionnait car Harry n'avait aucune idée de ce qu'il disait, pas plus que Drago. Franck, lui, semblait parfaitement comprendre et il fixait l'homme d'un regard sombre. Harry et Drago ne purent s'empêcher de les observer du coin de l'œil, curieux. L'homme arrêta brusquement de parler et, contre toute attente, se mit à pleurer, le visage dans ses mains.

- La extraño mucho, sanglota l'homme, l'air complètement anéanti.

Drago vit la mâchoire de Franck se crisper.

- Arrête de pleurer, tu vas me faire pleurer aussi, murmura Franck. Pitié, arrête.

L'homme se reprit et les conversations reprirent. Drago se tourna à nouveau vers Harry qui semblait perdu dans ses pensées.

- L'homme qui pleure, je le connais, dit-il finalement. C'était le gardien des Pies de Montrose, il a pris sa retraite l'année dernière. Luis Flores.

- Ils sont surement amis, commenta Drago en haussant les épaules. Le monde du Quidditch anglais n'est pas si vaste.

- Oui. D'ailleurs, je suis allé voir un match, la semaine dernière. Tu veux que je te raconte ?

Drago leva les yeux vers Harry et hésita une seconde.

- Vas-y.

Drago écouta le récit de Harry comme s'il appartenait à une autre vie, un autre monde, dont il ne faisait plus partie. Il repensa au match qu'ils étaient allés voir ensemble et au regard que Harry avait posé sur lui. Un regard plein de surprise et plein d'amour. Personne ne l'avait jamais regardé de cette manière.

Quand les gardiens vinrent chercher les visiteurs, Drago se leva. Il se pencha pour déposer un baiser rapide et presque imperceptible sur les lèvres de Harry puis il recula.

- Rentre bien, dit-il simplement.

Harry s'en contenta et rentra chez lui.

Drago regagna sa cellule avec Franck et grimpa dans sa couchette, comme d'habitude. Où aurait-il pu aller sinon ? Franck se mit à faire des pompes sur le sol, les jambes tendues et les pieds sur son matelas. Drago pencha la tête pour regarder son dos qui montait et descendait. Il remarqua que le souffle de Franck était moins régulier que d'habitude et que ses bras tremblaient. Franck arrêta au bout de dix pompes et s'assit par terre, contre son lit. Il n'avait pas l'air bien.

- Qui était l'homme de tout à l'heure ? demanda Drago après une longue hésitation.

- Luis Flores, un joueur de Quidditch.

- Vous êtes amis ?

- Oui.

Drago s'allongea sur sa couchette et fixa le plafond. Il en connaissait tous les détails par cœur, les craquelures dans le ciment gris, les pierres humides, les tâches de moisissure.

- Pourquoi est-ce qu'il pleurait ? demanda encore Drago.

Poser une question personnelle à Franck était toujours une prise de risque et en même temps, Drago savait que son camarade ne lui ferait pas de mal. Au pire, il s'énerverait. Le silence dura si longtemps que Drago fut persuadé qu'il n'aurait pas de réponse. Tant pis.

- C'est le frère jumeau de Gabriela, dit enfin Franck dans un souffle.

- Ah, répondit bêtement Drago qui ne s'attendait pas à cette déclaration.

- C'est comme ça que j'ai rencontré Gabriela. Luis fêtait son anniversaire et il m'avait invité, moi et tous nos amis du Quidditch. Gabriela était là, avec ses amis à elle.

- D'accord… Est-ce que tu veux me parler d'elle ?

- Elle est morte, il n'y a rien à dire, répondit froidement Franck.

Drago ferma les yeux et eut pitié de Franck. Il n'était pas stupide, il voyait bien ses efforts désespérés pour ne pas parler d'elle, comme si cela pouvait changer la réalité. Sans doute que sa mort le faisait tellement souffrir qu'il avait peur de perdre tout contrôle de lui-même en prononçant son nom. Il essayait de se persuader qu'il n'y avait rien à dire, que la mort avait effacé tout le reste mais Drago savait pertinemment que c'était faux. Kyle était mort et ça n'effaçait rien. Et il y avait beaucoup à dire même si Drago, tout comme Franck, ne le disait à personne.

Harry revint le voir le 1er février et la visite ne fut pas plus agréable que les précédentes. Drago n'en pouvait plus, ça le rendait fou. Il s'attendait à chaque fois à ce que Harry ne vienne pas et il redoutait qu'il vienne. Ils n'avaient plus rien à se dire, en vérité, leurs vies étaient trop éloignées l'une de l'autre. Pourquoi Drago ne disait-il pas à Harry ce qu'il ressentait vraiment ? Il n'en savait rien. C'était plus facile de se parler dans les lettres qu'ils échangeaient, c'était plus facile de parler dans le canapé de Harry, près du feu, c'était plus facile de parler le soir, allongé dans ses bras. Mais ici, dans la salle remplie de visiteurs et de prisonniers, ce n'était pas facile. Et Drago savait que s'il se mettait à dire à Harry ce qu'il ressentait réellement, il perdrait le peu de forces qui le maintenait encore debout.

Le 15 février, Franck n'avait pas de visite mais Drago, si. Il s'assit et attendit Harry, tendu et vide, comme il l'était depuis longtemps. Il écouta le récit de Harry, la petite anecdote intéressante à son travail, le déjeuner chez Andromeda avec Teddy qui ne cessait de réjouir Harry. Il répondit à quelques questions, assura que tout allait bien. Il s'habituait à tout, même au froid que les sortilèges des gardiens n'arrivaient pas à chasser complètement. Quand ils arrivèrent au bout de leur discussion polie, il y eut un silence que Drago brisa le premier.

- Harry, dit-il lentement. Je ne veux plus que tu viennes, ce n'est plus la peine.

Harry tressaillit comme si Drago l'avait frappé.

- Quoi ? Pourquoi ?

- Parce que je te l'ai dit, un jour tu vas arrêter de venir. Tu vas devenir distant, tu louperas des visites, tu n'auras plus envie d'être là. Tu me cacheras des choses, sur ce que tu fais et les gens que tu vois. Puis tu finiras par m'expliquer que tu ne m'aimes plus et me dire adieu.

Harry rougit, fut pris de culpabilité et de panique, le tout en même temps. Il détourna les yeux, pour cacher à Drago qu'il lui mentait déjà et pour essayer de se ressaisir.

- Je ne veux pas voir ça, continua Drago. Je ne le supporterai pas.

- Et moi ? rétorqua Harry. Tu crois que je vais le supporter, moi ? C'est toi qui veux me quitter et me dire adieu !

- Oui, dit froidement Drago. Oui, tu vas le supporter. Moi, non.

- Et qu'est-ce qui te faire croire que…

- Parce que tu as un travail, des amis et une vie. Tu rencontreras quelqu'un d'autre, tu m'oublieras, c'est comme ça. Mais moi, moi, Harry, je suis enfermé ici et je n'ai rien à faire à part penser. Je pense, je pense tout le temps, à Kyle qui me touche et… Je n'ai pas envie de rajouter à cela la pensée de toi qui me quittes. Je préfère qu'on arrête avant.

Harry ouvrit la bouche, incrédule, en colère et apeuré.

- C'est égoïste, c'est injuste !

- Je suis égoïste.

Harry se tut, choqué. Il n'arrivait pas réaliser pleinement ce que Drago lui disait. Ne plus revenir ? Ne plus jamais le revoir ? Comment était-ce possible ?

- Je comprends que tu aies peur, dit précipitamment Harry. Mais pour l'instant, je t'aime et je suis là, pourquoi tout arrêter maintenant ? Nous pouvons encore…

- Je veux arrêter maintenant justement parce que tu m'aimes encore. Ne comprends-tu pas ? Je ne veux pas attendre et prendre le risque de te perdre à petit feu. C'est trop dur pour moi ! Tu n'as pas idée de ce que j'ai ressenti le jour où tu n'es pas venu, tu ne sais pas… je ne veux plus jamais ressentir ça.

Le regard de Harry s'assombrit et il recula contre sa chaise.

- Alors, tu me quittes, c'est ça ?

- Te quitter ? Arrête, nous n'avons jamais vraiment été ensemble !

- Je suis venu te voir tous les jours de visite depuis huit mois ! Comment peux-tu dire que nous ne sommes pas ensemble ?

Harry avait haussé le ton et plusieurs personnes se tournèrent vers eux. Il se tut et resta immobile, leur jetant un regard hargneux. Il reporta son attention sur Drago.

- Drago, ne fais pas ça. Je ne veux pas arrêter de te voir, je ne suis pas prêt à faire ça !

- Tant pis.

- Je t'ai pardonné beaucoup de choses, tu le sais. Si tu fais ça, je ne te le pardonnerai pas.

Il y avait de la douleur et une supplique évidente dans la menace de Harry. Pour autant, elle n'affecta pas spécialement Drago.

- Cela n'a aucune importance, assura-t-il. Je préfère savoir que tu me détestes plutôt que de savoir que tu as arrêté de m'aimer.

Harry le fixa, les yeux agrandis par le chagrin et la stupeur. Il n'était pas venu pour ça, il ne comprenait pas ce que Drago essayait de faire. Enfin, si, une partie de lui comprenait ce qu'il essayait de raconter mais la partie de Harry qui souffrait étouffait le reste.

- De toute façon, tu as déjà trouvé quelqu'un d'autre, non ? demanda Drago.

- Quoi ?

- Cela fait maintenant plusieurs fois que je parle du fait que tu vas aimer quelqu'un d'autre et à chaque fois, tu rougis et tu évites mon regard.

- Non, balbutia Harry. Je n'ai pas… Nous n'avons rien fait, ce n'était pas…

Harry vit nettement l'expression haineuse qui se peignit sur le visage de Drago et il se tut. Leur histoire allait donc finir de cette manière, vraiment ? Cela faisait longtemps, bien longtemps, que Harry n'avait pas senti que Drago le détestait. Cette sensation était insupportable. Il l'aimait, lui, il ne voulait pas lui dire adieu. Qu'allait-il faire sans Drago ? Les visites qu'il faisait à Azkaban étaient à peu près les seules motivations de sa vie. Drago ne pouvait pas le priver de ça. Et pourtant, il allait l'en priver, avec ses mots froids et tranchants et son regard haineux. Harry sentit son sang se changer en glace et frissonna.

- C'est vrai, j'ai embrassé quelqu'un à la fête du Nouvel An, dit Harry d'un ton morne. Et tu sais pourquoi ? Parce que je me sens tellement seul que ça me rend malade ! Parce que tu me manques et que t'es pas là. Et pourquoi ? Parce que tu m'as abandonné comme une merde en me laissant porter le chapeau après avoir assassiné Kyle Long. Tu es parti, tu m'as drogué, tu m'as trahi et tu as disparu. C'est toi qui m'as abandonné, c'est toi !

Harry avait crié et un silence pesant était tombé sur la salle de visite. Tout le monde s'était tourné vers eux et les regardait. Harry s'en moqua, haletant et furieux. Drago croisa les bras contre sa poitrine et ne présenta à Harry qu'un visage impassible et vide de toute expression.

- Oui, admit-il. Je sais bien. Et tu m'as puni comme il fallait, n'est-ce pas ? Quinze ans à Azkaban pour t'avoir abandonné.

Harry eut un éclat de rire amer et surpris.

- Tu sais très bien que je ne voulais pas ça, je ne t'ai jamais puni. Je t'ai aimé et je suis resté à tes côtés malgré ce que tu m'avais fait.

- Tu as toujours été bien meilleur que moi, Potter. Félicitations.

Dans la salle, il y eut quelques murmures. Voyant que Harry ne répondait pas, les gens se détournèrent et se mirent à commenter tout bas ce qu'ils avaient entendu. Harry et Drago restèrent assis face à face, sans parler. Drago avait l'air d'un mannequin vide, trop maigre, trop pâle et trop figé. Non, pas un mannequin, corrigea Harry. Un cadavre. Harry sentit sa main trembler et il se pencha sur la table pour se rapprocher de Drago.

- S'il te plait, murmura-t-il. Drago, ne fais pas ça. Nous pouvons encore rester ensemble quelques temps, le plus longtemps possible.

- Pardon, Harry, souffla Drago. Mais je n'y arrive plus. Je t'en prie, ne viens plus.

Harry comprit que Drago ne changerait pas d'avis et il ne parla plus, accablé. Dix ou peut-être quinze minutes passèrent ainsi avant que les gardiens viennent les chercher. Harry se leva, hagard, et contempla Drago avec effarement.

- Alors, vraiment, je ne te verrai plus jamais ? C'est ça que tu veux ?

- Dans quinze ans, peut-être, rétorqua Drago avec un sourire discordant.

- Je t'aime, je serai là quand tu sortiras, dit Harry avec une détermination ridicule. J'aurais pu t'attendre, j'aurais pu…

Drago secoua la tête sombrement.

- Ne sois pas stupide, quinze ans c'est terriblement long. Tu ne m'attendras pas. Vas-y maintenant… Au revoir Harry.

Harry hésita, sans savoir quoi faire. Il ne voulait pas partir, il ne voulait pas laisser Drago. S'il partait, il ne le verrait plus. Cette idée était intolérable. Il rejoignit Drago, passa ses bras autour de son cou et l'embrassa passionnément. Drago lui rendit son baiser, tout aussi passionnément, ignorant les regards et les commentaires des autres prisonniers. Un gardien vint toucher l'épaule de Harry pour lui dire qu'il fallait partir et Harry, pendant une seconde, eut envie de s'accrocher à Drago et de refuser de s'en aller. Heureusement pour sa dignité, il renonça et lâcha Drago. Il se laissa conduire à la porte, comme un automate puis se tourna pour regarder Drago une dernière fois.