Connor avait fini par revenir de Ste Mangouste, en vie, mais pas indemne. Il marchait lentement, avec précaution. Il ne parlait plus comme autrefois, il devait chercher ses mots et certains, parfois, ne sortaient plus. Il avait perdu des souvenirs, il ne reconnaissait pas tous ses camarades de prison. Ces derniers ne l'abandonnèrent pas complètement mais il fut évident que Connor avait perdu son aura et son pouvoir. On le tolérait comme un oncle gâteux dont on ne peut se débarrasser. Connor évitait Franck comme la peste, empreint de la même terreur qui avait paralysé Drago. Owen et Achille disaient que c'était bien, que ça dissuaderait ceux qui voulaient s'en prendre à Drago. Car bien sûr, Connor n'était pas le seul à se sentir frustré sexuellement et à penser que Drago, qui avait déjà bien écarté les jambes par le passé, était une cible toute trouvée pour les soulager. Maintenant, on le laisserait tranquille.

Et Drago le voyait bien. Dans les douches, il ne subissait plus les mêmes œillades et moqueries qu'avant. Les gens restaient loin de Franck et faisaient en sorte de ne pas le contrarier. Personne n'avait envie de finir comme Connor, le cerveau en compote. Si Connor avait encore eu toutes ses facultés, il aurait peut-être lancé une croisade de vengeance contre Franck mais ce n'était pas le cas et personne n'aimait assez Connor pour le faire à sa place. D'autant que, s'il fallait tenir les comptes, c'était quand même Connor qui avait commencé en tabassant Drago Malefoy. On blaguait un peu, dans la prison, on charriait Franck, sur le fait qu'il voulait garder Drago pour lui et qu'il n'était pas prêteur. Il laissait dire, il s'en fichait. Il se sentait au-dessus de tout ça et il savait que la rumeur protégeait Drago. Il n'avait aucune raison de la démentir.

Drago, lui, s'était mis à manger. Pas beaucoup au début, pour ne pas se rendre malade mais petit à petit. Franck surveillait son assiette du coin de l'œil et ne disait jamais rien mais Drago se sentait obligé de finir son repas. Les premiers jours, il vomit tout ce qu'il avait mangé, sous le regard blasé de Franck. Peu à peu, il réussit à se retenir. Franck avait raison, Drago voulait contrôler son corps. Mais maintenant, il ne voulait plus le faire disparaitre, il voulait le rendre plus fort. Le retour de Connor avait libéré quelque chose chez Drago. Il voulait pouvoir se défendre lui-même, sans Franck et sans personne. Il aurait aimé que Connor ait peur de lui et le respecte comme il respectait Franck. Il ne voulait plus jamais se retrouver par terre, avec le poids de quelqu'un d'autre sur lui.

Harry était venu le voir et Drago s'était fait violence pour refuser la visite. Il savait toutefois que c'était mieux ainsi, qu'il valait mieux couper net et sans bavure. Il aimait penser à Harry de cette manière, penser à son courage, à sa gentillesse envers lui, à sa douceur quand il le touchait et à son amour. Cela lui donnait de la force et il en avait besoin. Un jour, peut-être, ils se retrouveraient et Drago pourrait lui dire : « Regarde, je suis devenu fort, je n'ai plus peur ». C'était le genre de motivation qui lui donnait envie de manger et envie de vivre.

Un jour, Drago regarda la date sur la Gazette que les gardiens avaient distribuées et s'aperçut que cela faisait un an qu'il était à Azkaban. Il aurait aimé dire que c'était passé vite mais ce n'était pas vrai. Le temps s'était trainé interminablement, plein de douleurs, de cauchemars et de peurs. Il lui restait encore quatorze années à passer ici et d'une certaine manière, cela lui sembla encore plus long que quinze ans, maintenant qu'il savait comment c'était. Le seul point positif de sa vie, c'était indubitablement Franck. Drago avait conscience que, quand le soir, il se sentait seul et rêvait à des bras autour de lui, ce n'était plus vraiment aux bras de Harry qu'il pensait. Il aurait pu descendre de sa couchette et s'allonger contre Franck mais il n'osait pas. Il n'était pas certain d'être bien accueilli. Les masturbations de Franck ne le laissaient plus indifférents, elles l'excitaient. Il écoutait les soupirs de Franck et il se touchait en même temps. Là encore, il aurait bien aimé descendre de sa couchette et proposer à Franck de se caresser ensemble mais il n'osait pas non plus. Il n'avait pas encore ces courages-là.

La vie à la prison restait morne et routinière même s'il y avait parfois quelques changements. L'arrivée de nouveaux prisonniers, par exemple. Drago les regardait s'avancer dans le réfectoire en se demandant s'il avait eu l'air aussi perdu et effrayé lors de son premier jour. Sans doute que oui. Il avait pitié d'eux mais il ne cherchait pas à les aider. C'était déjà bien assez dur de s'aider soi-même. Il mangeait plus, il prenait du poids. En toute honnêteté, il devait admettre qu'il se sentait mieux, moins faible, moins fatigué. Il n'était plus pris de vertiges dans l'après-midi, il n'avait plus autant envie de vomir qu'avant. Franck commença donc à lui apprendre des choses. Il avait grandi dans une famille moldue et il avait toujours fait du sport, avec son frère et sa sœur. Il était un enfant bagarreur et ses parents l'avaient inscrit à un cours d'arts martiaux pour qu'il se calme. Ça avait un peu fonctionné. Il avait continué à pratiquer un peu, à Poudlard, quand il rentrait pour les vacances. Il avait souffert d'être privé de ça et il avait repris de véritables cours dès qu'il avait quitté l'école. Drago écoutait Franck raconter sa vie, fasciné. Il n'avait jamais songé au fait que les Nés-Moldus, parfois, n'étaient pas si heureux de se retrouver sorciers et perdaient aussi de nombreuses choses en entrant à Poudlard.

En tout cas, Franck lui apprenait à bouger et à esquiver, à observer et à se défendre. Il lui apprenait à ne pas craindre les coups et à ne pas craindre d'en donner. Ils faisaient des pompes ensemble, même si Drago s'arrêtait toujours bien avant Franck, essoufflé, et se laissait tomber sur le sol froid de leur cellule. Ils faisaient des tractions chacun leur tour aux barreaux et ils courraient un peu dans la cour pour faire leur promenade. Le soir, Drago avait des courbatures, il était fatigué mais d'une fatigue saine qu'il ne connaissait pas. En fait, il n'avait jamais éprouvé ces sensations dans son corps. Les sorciers s'intéressaient peu au bien-être physique et méprisaient les activités moldues. Drago estimait qu'ils avaient tort. Il trouvait cela particulièrement satisfaisant de sentir ses muscles se tendre sous sa peau. Il aimait l'idée de sentir la force augmenter, l'idée que son corps n'était plus qu'une enveloppe inutile. Il n'avait certes pas la carrure de Franck et il était encore loin d'avoir retrouvé un poids normal mais il se sentait de mieux en mieux et c'était déjà une victoire en soi.

Bien sûr, la nuit, les muscles de Drago ne le protégeaient pas contre les assauts de Kyle Long. Et dans la journée, ils ne le protégeaient pas non plus contre les pensées morbides de misère, de nullité et de saleté qui l'envahissaient. Rien n'était parfait. Il y avait le souvenir de Harry, aussi, de son regard quand il lui avait demandé de ne plus venir. Même si au quotidien les pensées et les désirs de Drago étaient souvent tournés vers Franck, cela n'effaçait pas entièrement les sentiments qu'il avait pour Harry. Après tout, Franck était Franck et Harry était Harry. Ils étaient différents, même s'ils se ressemblaient sur certains points. Et, au fond de lui, Drago savait que personne ne pourrait réellement remplacer Harry pour lui. Harry était son enfance, son ennemi, son sauveur. Il était Harry Potter. Il serait toujours plus spécial que les autres.

Une autre nouveauté dans la prison fut l'arrivée d'un deuxième journal qui venait de voir le jour. Le Sorcier Libre concurrençait directement la Gazette et tout le monde fut content de varier un peu ses lectures. Les Mangemorts détestèrent aussitôt le ton du Sorcier Libre qui mettait en avant des Nés-Moldus et des minorités de toute sorte. Franck, lui, sembla l'adorer. Apprendre que ce journal avait été fondé par un lointain cousin à lui rappela à Drago à quel point sa vie était de la merde. D'autant que, dans l'éditorial du tout premier exemplaire, Leo Black racontait la genèse de son journal. Il parlait de son amour de toujours, avec qui il avait rêvé de fonder un journal qui soit indépendant du Ministère, qui parle des sujets que tout le monde refusait d'aborder, qui soit plus objectif sur leur société et qui pousse les politiciens aux changements dont les sorciers avaient besoin. Malheureusement, l'amour de Black était un Né-Moldu qui avait été arrêté pendant la guerre. Jugé dans un simulacre de procès par Dolores Ombrage, privé de sa baguette, Philip Morrison avait été embrassé par des Détraqueurs qu'Ombrage avait laissé attaquer les prisonniers. Il était mort de soif à Azkaban, quelques jours plus tard, sans âme, sans ami et sans amour. Malgré cela, ou justement pour ça, Black n'avait pas renoncé et avait fondé son journal, en mémoire de Philip et de toutes les autres victimes pour qui personne ou presque ne s'était battu. Le fait que son cousin soit aussi cool qu'il en avait l'air n'aida pas Drago à se sentir mieux. Pour autant, il fallait bien avouer qu'il aimait lire son journal. Il l'aimait parce que les Mangemorts le détestaient et aussi parce que voir les journalistes du Sorcier Libre s'en prendre au Ministère était plaisant. Drago avait l'intuition que si le Sorcier Libre avait existé à l'époque où il avait dénoncé les agissements de Kyle Long, les choses auraient peut-être été différentes. Il ne le saurait jamais, bien sûr, et c'était amer de le penser.

Un jour, Rabastan Lestrange s'approcha de la table où Drago prenait son petit-déjeuner et laissa tomber la Gazette sur ses toasts, ouverte à la page 4.

- Tiens, dit Rabastan. Je suis sûr que tu seras content de savoir la nouvelle.

Drago baissa les yeux, tendu, pour regarder la photo. Harry se promenait sur le Chemin de Traverse avec Ginny Weasley, la tenant par la main. Il n'y avait aucun doute possible sur leur relation et la Gazette annonçait leur couple, comme si ça intéressait qui que ce soit. Drago eut envie de jeter le journal mais il ne put s'empêcher de lire l'article quand même, par pur masochisme. Quand ce fut fait, il froissa le papier et le jeta vers Rabastan.

- Qu'est-ce que ça peut me faire ? demanda-t-il sèchement. C'est moi qui l'ai quitté.

Rabastan lui fit une grimace méprisante et s'éloigna. Drago ignora le regard de Franck posé sur lui et termina ses toasts. S'il s'était écouté, s'il avait été seul dans le réfectoire, il se serait levé et il aurait balancé soigneusement tous les objets qui se trouvaient à sa portée. Il aurait renversé la table, il aurait crié et insulté n'importe qui. Il en fut presque surpris, il ne connaissait pas cette partie de lui, il n'avait jamais aimé personne avant Harry. Il savait que ce n'était pas de la simple jalousie, que c'était bien plus destructeur que ça. C'était un gouffre terrifiant en lui, c'était la fin de quelque chose. Il allait devoir vivre avec ça, avec l'idée que Harry ne l'aimait plus et aimait quelqu'un d'autre, avec l'idée que la seule personne qui lui ait montré de la compassion et de la gentillesse n'était plus là. Et sournoise, il y avait la voix en lui qui répétait qu'il n'avait que ce qu'il méritait. Comment Harry aurait-il pu continuer d'aimer quelqu'un comme lui, quelqu'un d'aussi faible, d'aussi lâche, d'aussi cassé ? Comment Harry aurait-il pu continuer à désirer son corps aussi repoussant et son passé aussi honteux ? Ce n'était que la juste suite des choses, il ne pouvait pas se plaindre. Il ne se plaignit donc pas et retourna dans sa cellule, là où était sa place.

OoOoOoO

Harry ne se rappelait plus exactement comment il en était venu à sortir avec Ginny mais tout ce qu'il savait, c'était que cela avait semblé très naturel. Comme si les choses étaient revenues à la normale. D'ailleurs, c'est ce que Ron eut l'air de penser, ainsi que le reste de sa famille. Harry et Ginny étaient faits pour être ensemble, ils s'étaient retrouvés, tout allait bien. Personne ne parla de Drago ou n'y fit allusion. De toute évidence, ils préféraient faire comme si cet épisode de la vie de Harry avait été une erreur malencontreuse qu'il valait mieux oublier. Seule Hermione n'eut pas l'air heureuse de voir Harry avec Ginny. Elle prit son ami à part, un soir, pour dire assez froidement :

- J'espère que tu sais ce que tu fais.

- Oui, avait répondu Harry.

Ce qui était faux, bien entendu.

Cependant, il savait quand même qu'il était bien avec Ginny et il eut même l'impression d'être heureux. C'était comme reprendre une bouffée d'air frais après avoir longuement étouffé auprès de Drago. Avec Ginny, c'était simple, doux, sincère. Il n'y avait pas de mensonges, pas de tromperies. Il pouvait lui faire confiance, à peu près, il savait qu'elle n'assassinerait personne. Pendant quelques mois, Harry retrouva ce qu'il avait éprouvé à Poudlard dans les bras de Ginny. Il se sentait aimé, compris et respecté. Elle était forte, elle était intelligente, elle était drôle, bien plus que Drago. Il aimait passer du temps avec elle, il aimait l'écouter parler. Elle s'y connaissait parfaitement en Quidditch et elle avait trouvé un poste au Sorcier Libre comme journaliste sportive, ce qui l'enthousiasmait au plus haut point. C'était donc agréable d'aller voir un match avec elle et de l'écouter commenter les actions avec professionnalisme et expertise.

Cela ne voulait pas dire que Harry oubliait complètement Drago, la vie n'est pas aussi simple que ça. Il aimait encore Drago quand il tenait la main de Ginny et il pensait à lui quand ils allaient voir des matchs. Après l'amour, dans son lit, allongé aux côtés de Ginny, Harry ne pouvait s'empêcher de penser à Drago et de faire des comparaisons inutiles et insensées. Il avait pu constater que la haine ne chassait pas l'amour et que la rancœur ne chassait pas le désir. Il en voulait toujours à Drago, à en crever mais cela ne l'empêchait pas d'avoir envie de le revoir et de le toucher. Il savait qu'un jour, cela s'arrêterait mais il était surpris de voir que ça prenait plus de temps que prévu.

Il y eut un moment très clair, chez les Weasley, dans le bois à côté, alors que Ginny et lui ramassaient des champignons pour le repas d'Halloween, où il sut qu'il était amoureux d'elle. Peut-être parce que la lumière d'automne dans ses cheveux roux la rendait plus belle encore, ou parce qu'elle disait qu'elle pourrait venir passer la semaine chez lui, s'il était d'accord, ou encore parce qu'elle lui adressa ce sourire aguicheur et assuré qui signifiait qu'ils pourraient faire l'amour tous les jours pendant une semaine. Harry la contempla et fut certain de l'aimer, comme une évidence qui coulait dans ses veines. C'était effrayant et bon à la fois. Il se dit que sa vie n'était peut-être pas si gâchée qu'il l'avait pensé quelques mois plus tôt. En fait, il lui restait même peut-être de l'espoir.

Il se posait des questions sur l'avenir, sur ce qu'il pourrait faire de sa maison, par exemple. Il en parla avec Ginny, un soir d'automne au coin du feu, alors qu'elle était assise contre lui sur le canapé.

- Je ne sais pas si j'ai envie de rester dans cette maison, dit Harry. Elle est trop grande, elle est pleine de souvenirs malheureux.

Ginny l'avait écouté.

- Moi j'aime bien cette maison, avoua-t-elle. C'était celle de Sirius et il te l'a laissée, c'était sans doute important pour lui. Et j'ai des souvenirs heureux ici, je me souviens de Noël ici, du grand ménage avec maman et Remus Lupin. Je dormais avec Hermione et nous venions discuter dans votre chambre. Nous espionnions les discussions de l'Ordre. Et puis, cette maison a été un refuge pour vous, après le mariage de Bill et Fleur.

Elle n'avait pas tort et il se complut à se rappeler ces moments-là. Ils se préparaient à la guerre, ce n'était pas joyeux mais il y avait eu du bonheur tout de même. Il y avait eu les regards complices avec Sirius, lors des repas qu'ils prenaient tous ensemble, les conversations jusque tard le soir avec Fred et George, Ginny, Ron et Hermione. Harry ne parla pas de Drago à Ginny mais il y avait eu ça, aussi. Finalement, il décida de garder la maison. La présence de plus en plus régulière de Ginny la rendait moins vide et moins morose. Et c'était ce qui se rapprochait le plus de « chez lui ». Il n'avait pas mieux à proposer.

Cela convenait à Ginny, apparemment. La voix un peu trop morne de Harry, la tristesse dans ses yeux, son manque d'enthousiasme face à la vie, cela ne semblait pas la déranger. Elle devait croire qu'elle parviendrait à les chasser et Harry avait envie d'y croire aussi. Il se disait que cela devait être possible. En vérité, elle y arrivait de mieux en mieux. Il riait avec elle, souvent. Il aimait voir son sourire dès le matin et il lui répondait. Il fredonnait les chansons qui passaient à la radio, même quand c'étaient celles de Petronilla Le Fay. Il arrivait à se détendre dans ses bras et à dormir sans trop de cauchemars. Il ne faisait presque plus de crises et quand il en faisait, elle était là pour l'aider. Il allait être heureux avec elle, il avait envie d'y croire.

C'était maintenant plus facile de voir Ron et Hermione, il ne se sentait pas en trop, à tenir la chandelle. Parfois, George et Angelina se joignaient à eux, pour un dîner ou un match de Quidditch. Quand ils étaient tous ensemble, Harry ne pouvait empêcher une légère amertume de l'envahir. On l'aimait décidément mieux maintenant qu'il était sagement en couple, sagement avec une femme. Harry ne leur en voulait pas vraiment mais cela restait une blessure dans son cœur. Même s'ils n'avaient pas rejeté Harry et même s'ils avaient continué à l'aimer, ils n'avaient jamais vraiment accepté qu'il puisse aimer Drago. Et l'idée qu'être avec Ginny était exactement la normalité qu'on attendait de lui donnait tout de même une petite touche pourrie à leur amour. Une petite touche seulement.

Au Ministère, Harry monta quelques échelons pour devenir l'assistant officiel d'Agatha Greengrass, elle-même ayant obtenu un poste plus important au sein du Magenmagot. Il ne le devait à aucune soirée ou coucherie, seulement à son efficacité. Car il était efficace, comme il l'avait rarement été dans sa vie. Il n'aimait toujours pas son travail mais c'était le seul qu'il avait et il aimait s'y perdre. Agir soigneusement, scrupuleusement, faire ce qu'on lui demandait, retenir des informations utiles, autant de choses qui vidaient son esprit du reste. Pour autant, être un assistant n'avait rien d'incroyable non plus, son salaire restait médiocre et son influence nulle. Au moins, il était avec Agatha et il appréciait travailler avec elle. Elle avait eu l'air contente d'apprendre qu'il sortait avec Ginny Weasley, elle espérait qu'il serait plus heureux. Il savait qu'elle n'allait plus voir Drago comme au début, qu'elle avait autre chose à faire et que la routine quotidienne avait mis fin à sa culpabilité envers lui. Il n'était finalement qu'un détenu comme les autres, elle n'avait rien à lui dire de particulier. Il avait survécu à son agression, il semblait aller mieux la dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était tout ce qu'elle avait besoin de savoir.

Serena Black, qu'il croisait régulièrement au Ministère et chez Andromeda, avait paru moins contente de le savoir avec Ginny. Elle l'avait contemplé avec quelque chose qui ressemblait à de la compassion et qui avait mis Harry mal à l'aise. Heureusement, ils avaient rapidement parlé du journal de son fils et ils avaient laissé la vie sentimentale de Harry de côté. Andromeda, elle, n'avait eu aucune réaction. Elle avait cette faculté de se mêler de ses affaires qui plaisait à Harry. Elle s'intéressait à lui mais ne dépassait jamais les limites. Il aimait toujours autant venir la voir et passer du temps avec Teddy. Maintenant, Ginny l'accompagnait souvent. Teddy avait plus de trois ans désormais, il parlait bien et racontait des tas de choses à Harry. Leurs jeux devenaient de plus en plus intéressants et leur relation aussi. Il ne considérait pas Teddy comme son fils et il n'avait pas spécialement envie d'avoir une place plus importante dans sa vie mais il était satisfait de ce qu'ils avaient. Il était un parrain affectueux qui rendait régulièrement visite à son filleul, ils s'entendaient bien, Teddy l'aimait. La vie de Harry aurait été bien différente si Sirius, sans même parler de l'accueillir chez lui, s'était contenté de faire ça. Il en éprouvait du ressentiment, parfois. Il en voulait à Sirius d'être mort ou de ne pas avoir été là pour lui quand il était enfant. Il savait bien que Sirius n'y était pour rien, qu'il était enfermé à Azkaban et que son sort avait été cruel et injuste. Il savait que Sirius, s'il l'avait pu, aurait choisi de rester avec lui. Mais Sirius avait été retenu à Azkaban et l'avait laissé tout seul.

Comme Drago.

Enfin non, pas tout à fait, parce que Drago y était pour quelque chose, lui. Il avait réellement commis le meurtre dont on l'avait accusé et il avait délibérément choisi d'abandonner Harry. Et Harry continuait de le haïr pour cela, même quand il pensait avoir tourné la page.

OoOoOoO

En janvier 2002, une nouvelle loi passa en faveur des prisonniers d'Azkaban, largement portée par Agatha Greengrass et soutenue par le Sorcier Libre. Il était désormais possible d'écrire aux prisonniers ou même de leur envoyer des colis. C'était évidemment très surveillé et contrôlé mais autorisé. Eux-mêmes pouvaient écrire à leurs proches. Pour beaucoup, ce fut une bénédiction. Attendre une lettre rendait les journées longues mais c'était délicieux, bien plus que de ne rien attendre du tout. Franck recevait pas mal de lettres, de ses parents, de ses frères et sœur, de ses amis, de Clia aussi, apprit Drago. Lui, il n'en recevait pas. Il s'était demandé si Harry lui écrirait mais bien sûr, ce ne fut pas le cas. Il reçut bien une lettre d'Agatha, ce qui n'avait rien de nouveau puisqu'elle pouvait déjà lui écrire avant la nouvelle loi mais cela lui fit plaisir quand même. C'était bon de penser de quelqu'un, dehors, pensait à lui. Elle était la seule, sans doute, et cette idée lui donnait envie de pleurer.

Et puis, le 1er février, Drago reçut un colis. Il avait été ouvert par les gardiens et fouillé mais il avait passé le contrôle et Drago se retrouva avec le carton dans ses bras, stupéfait. Il s'empressa de monter dans sa couchette pour découvrir le contenu, comme un trésor. Toute distraction était bonne à prendre. Il n'y avait pas grand-chose dans le colis : du chocolat, deux livres, un pull clairement tricoté à la main et du thé. C'était toutefois fabuleux. Il enfila le pull sous sa veste d'uniforme, bienvenu pour lutter contre les courants d'air hivernaux. Il en éprouva un plaisir enfantin qui le fit sourire malgré lui. Les livres l'enchantèrent. Il n'avait jamais été un grand féru de lecture mais puisqu'il n'y avait rien à faire ici, lire lui parut une chance inouïe. Il connaissait les auteurs de nom, célèbres dans le monde des sorciers. Quant au chocolat et au thé, ils furent comme une douceur sur la langue de Drago.

Il chercha une lettre dans le colis mais ne trouva rien et en fut décontenancé. Qui donc lui avait envoyé cela ? Il pensa tout de suite à Harry, évidemment. Il n'y avait que lui dehors pour qui il existait. Pendant plusieurs jours, il fut certain que c'était Harry puis son assurance diminua. Harry lui aurait-il vraiment envoyé un colis sans mettre de mot ? C'était étrange. Et puis, Harry lui aurait-il envoyé un pull tricoté ? Était-ce Mrs Weasley qui l'avait fait ? Ce serait bizarre, Harry sortait avec sa fille. Pourquoi diable aurait-elle fait un pull à Drago ? Agatha peut-être, alors ? Mais Agatha ne s'était jamais cachée pour lui apporter des pâtisseries lors de ses visites, elle aurait écrit un mot à Drago pour le saluer. Ça n'avait pas vraiment de sens.

Il se demanda si le colis était finalement bien pour lui mais oui, il avait clairement vu son nom écrit dessus, à la main, d'une écriture qu'il ne connaissait pas. Frustré par ce mystère, Drago décida que ce n'était pas grave et qu'il se contenterait d'apprécier les cadeaux. Franck se moqua de lui, prétendant qu'il avait un admirateur secret. Après tout, il existait toute sorte de cinglés dans ce monde. Drago n'aimait pas cette idée mais il aimait le pull, les livres et le chocolat et il les garda malgré tout.

C'était peut-être grâce aux cadeaux, parce qu'il se sentit davantage humain avec son pull tricoté et ses chocolats ou parce qu'il eut l'illusion d'être aimé par quelqu'un, mais ce soir-là, Drago décida de prendre son courage à deux-mains. Il écouta Franck commencer à se masturber puis descendit de l'échelle. Franck arrêta ses gestes et le regarda s'approcher, l'air agacé et interrogateur. Drago se planta devant le lit de Franck et l'observa en rougissant.

- Tu veux de l'aide ? demanda Drago de sa voix trainante.

Il y eut une légère crispation chez Franck.

- Je ne te demande rien.

- Non, je sais, c'est bien pour ça que c'est moi qui demande.

- Pourquoi ?

- Parce que, bafouilla Drago en rougissant plus encore. Parce que j'en ai envie. Si tu veux bien, on pourrait… juste… le faire ensemble.

Franck hésita, mal à l'aise.

- Les hommes, ce n'est pas mon truc.

- Je sais mais il n'y a pas de femmes par ici…

- Tu n'es pas obligé de faire ça.

Les joues de Drago perdirent leur couleur et son visage se ferma.

- Je sais Franck, merde ! Ce n'est pas parce que j'ai été violé que je ne peux pas avoir des désirs à moi sans me sentir obligé !

Franck écarquilla les yeux et se redressa tandis que Drago reculait d'un pas.

- Attends, désolé Drago. Ce n'était pas ce que… Je voulais simplement être sûr qu'il n'y ait pas de malentendu.

- Il n'y a pas de malentendu, répondit froidement Drago. Moi je… Mais si tu ne veux pas, oublie ça, je ne vais surement pas te forcer.

Franck se pencha vers Drago et lui attrapa doucement le bras.

- Attends. Je… je n'ai jamais fait ça avec un homme. Je t'aime bien et tu es mignon, l'idée ne me repousse pas. C'est simplement… je ne voudrais pas te décevoir ou te blesser si finalement ça ne me plait pas.

Drago contempla Franck, surpris. C'était la première fois qu'il semblait si mal à l'aise et si peu sûr de lui. La première fois aussi qu'il y avait une telle douceur dans sa voix. Drago ne put s'empêcher de se dire qu'il avait dû être comme ça, autrefois, avec Gabriela. Il fut bêtement heureux que Franck redevienne cette personne pour lui.

- Je ne serai pas blessé, assura Drago – même si c'était évidemment faux. Si ça ne te plait pas, on arrête et c'est tout, ce n'est pas grave.

- D'accord.

Franck l'attira vers lui, d'un geste à la fois doux et ferme qui excita Drago. Il s'assit face à Franck, les jambes entrelacées avec les siennes et referma la main sur son sexe à moitié dur. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu cette sensation et qu'il n'avait pas fait ça à quelqu'un d'autre que lui. La dernière fois, c'était Harry, dans la salle de visite. Drago pensa à Harry puis il pensa à Kyle. Il caressa Franck en essayant de chasser de son esprit les deux invités inopportuns qui s'étaient incrustés à la fête. Il songea que peut-être, ils seraient toujours là, dans son lit, quand il ferait l'amour, comme deux fantômes tenaces. C'était à lui de les ignorer. Ce fut un peu plus facile quand Franck glissa sa main dans le pantalon de Drago pour le masturber aussi, avec des gestes hésitants qui l'amusèrent. Franck garda les yeux braqués sur la main de Drago, qui montait et descendait sur son sexe, comme si cette image l'excitait. Drago regarda Franck, les expressions de son visage, sa bouche qui respirait plus fort. Sa main sur sa peau, c'était bon, chaud et doux, Drago en avait envie. Finalement, ils éjaculèrent tous les deux – sans jouir beaucoup, sans doute – et Franck admit, en souriant maladroitement, que ce n'était pas si mal de sentir quelqu'un le toucher. Ils pourraient recommencer, ce serait peut-être meilleur la prochaine fois.

Ils recommencèrent, souvent. Même s'ils n'en parlaient pas, ils savaient qu'ils aimaient le faire ensemble, parce que c'était plus chaleureux et qu'ils avaient besoin de chaleur dans la cellule froide qu'ils partageaient. Parce qu'ils se sentaient plus humains, aussi, parce qu'ils avaient tous les deux perdu la personne qu'ils aimaient et que c'était un bon moyen de chasser la douleur de cette vérité. Ils n'essayaient pas de se faire croire des choses qui n'existaient pas, ils n'essayaient pas d'être plus intimes qu'ils l'étaient réellement. Ils ne s'embrassaient pas et n'avaient jamais de gestes tendres l'un envers l'autre. Drago aurait aimé qu'ils en aient même s'il ne pouvait pas se plaindre de la façon dont Franck le traitait. Franck était toujours doux et respectueux, il arrivait même à faire jouir Drago, maintenant. Mais il n'y avait jamais plus. Drago fantasmait un peu sur le fait qu'un jour, Franck l'embrasse ou ait envie de faire plus qu'une simple masturbation. Et en même temps, il était soulagé, au fond de lui, que les choses demeurent en l'état. Il n'était pas certain qu'il aurait su réagir aux sentiments de Franck. Il n'avait jamais su réagir à ceux de Harry.

Le 1er mars, Drago reçut un nouveau colis. Cette fois-ci, il contenait des gâteaux faits maison, des chaussettes et deux livres encore. Et aucune lettre. Drago contempla le carton, choqué de ressentir autant de plaisir à recevoir des chaussettes qui semblaient chaudes et confortables et qu'il s'empressa d'enfiler à la place de ses ternes chaussettes d'uniforme, trouées et trop fines. Les gâteaux étaient délicieux et il en offrit un à Franck. Ils débattirent ensemble de l'auteur mystère puis Drago prit une feuille dans la réserve qu'il avait achetée auprès des gardiens et écrivit à Agatha Greengrass. Savait-elle qui lui envoyait des colis et pourquoi il n'y avait pas de lettres ?

Elle lui répondit quelques jours plus tard, après s'être renseignée. Elle le savait, oui, car il fallait apposer une signature magique sur les colis envoyés à Azkaban, pour qu'on puisse retrouver l'expéditeur. C'était une façon de contrôler que les prisonniers ne reçoivent pas n'importe quoi. Agatha avait contacté la personne en question mais elle souhaitait rester anonyme. Agatha assurait toutefois à Drago que cette personne était saine d'esprit, ne lui voulait aucun mal et avait simplement à cœur de rendre sa vie en prison un peu moins pénible. Il dut se contenter de ça même si ce n'était nullement satisfaisant. D'un autre côté, cela lui plaisait de savoir que quelqu'un pensait à lui, hors des murs de cette prison. Peut-être serait-il déçu de savoir qui c'était, peut-être était-ce mieux de ne pas savoir. Ça laissait toute la place à l'imagination.

Et maintenant, il avait quelque chose à attendre. Il espérait vaguement qu'il y aurait d'autres colis et d'autres cadeaux, même s'il ne savait pas de qui c'était. Cela occupait son esprit et rendait ses journées moins grisâtres. Il n'avait jamais pensé que la prison lui ferait redécouvrir des plaisirs simples qu'il avait oubliés mais c'était le cas. Recevoir un cadeau, recevoir une lettre, manger. Car il aimait manger à présent, la faim était revenue. Le midi, il descendait avec enthousiasme et il dévorait son repas comme n'importe quel jeune homme. C'était bon. Bon aussi de se sentir en forme, de sentir les muscles sous sa peau et son corps qui résistait à la fatigue, au froid, et à tout le reste. Il se battait de mieux en mieux, il donnait maintenant du fil à retordre à Franck qui devait se concentrer davantage pour ne pas prendre de coups. Drago aimait cela, il était un élève sérieux et concentré mais parfois, il riait quand il arrivait à toucher Franck. Et Franck le regardait rire, un léger sourire aux lèvres.

- On devrait organiser des combats avec les autres prisonniers et prendre des paris, plaisanta Franck, un jour. Je miserai sur toi.

- Je ne sais pas, répondit Drago, hésitant. J'aime bien me battre avec toi parce que je sais que tu ne me feras pas de mal mais avec quelqu'un d'autre, ce serait différent.

Franck haussa les épaules en souriant. De toute façon, ils ne risquaient pas d'organiser quoi que ce soit. Drago n'avait pas besoin de plus que ça. Il aimait faire des pompes avec Franck, même s'il perdait toujours et abandonnait invariablement avant lui, il aimait courir dans la cour, malgré les regards blasés et méprisants des autres qui se demandaient bien ce qu'ils foutaient. Souvent, Owen courait avec eux. En tant qu'ancien sportif, cela lui manquait de se dépenser. Voler sur un balai, surtout. Owen disait souvent que s'il pouvait sortir, ce serait la première chose qu'il ferait. Franck répondait que s'il sortait, il irait sur la tombe de Gabriela pour y mettre des fleurs. Son amour du Quidditch semblait avoir disparu avec la mort de sa femme, comme si cette perte avait rendu tout le reste insignifiant.

OoOoOoO

Il y avait aussi des journées difficiles pour Drago, des journées où il se sentait vide et seul, où le rejet de son père le rendait misérable, où sa mère, de l'autre côté des grilles, lui paraissait lointaine et où Harry lui manquait. Des journées où la tristesse et le désespoir l'envahissaient tout entier, rentraient dans sa bouche et le noyaient. Il n'y avait pas grand-chose à faire dans ces moments-là, il fallait simplement attendre que ça passe. Franck le laissait tranquille et ne disait rien, il connaissait bien ce genre d'abattement lui aussi, même si son abattement à lui n'était jamais aussi violent et profond que celui de Drago. Parfois, quand Drago avait passé une bonne journée, qu'il avait reçu un colis, qu'il avait lu un livre intéressant, qu'il avait ri avec Franck et qu'il avait joui entre ses mains, il oubliait un peu qu'il était en prison, que sa vie n'avait plus de sens, qu'il avait tout perdu et qu'on lui avait tout volé. Et puis la réalité revenait le frapper de plein fouet, la nuit, le lendemain, quand il se rappelait Kyle, le procès odieux où un elfe de maison avait étalé devant tout le Ministère les tortures et les humiliations qu'il avait subies, la prison, la perte de liberté et d'avenir, les coups de Connor, le fait que la seule personne qui l'avait aimé ne l'aimait plus ou encore que son père le trouvait anormal. Et il se disait que ces quinze années de prison allaient être interminables et ne s'arrêteraient jamais, qu'il ne sortirait jamais d'ici. Ou bien il se demandait pourquoi il sortirait puisque rien ne l'attendait dehors, pas même Harry.

Cela faisait maintenant plusieurs mois que Drago et Franck se donnaient régulièrement du plaisir en partageant leurs caresses. Drago ne savait pas très bien s'il était amoureux de Franck ou non, si ses sentiments étaient de l'amitié, du désir, de la reconnaissance ou de l'amour. C'était peut-être un ensemble de tout cela, il n'arrivait pas à le déterminer et il se disait que ça n'avait pas vraiment d'importance. Dans tous les cas, ils étaient coincés ensemble dans cette cellule et rien ne changerait. Leur relation avait un peu évolué depuis que Drago avait repris du poids, s'était musclé et parvenait souvent à transpercer la garde de Franck. Ce dernier le regardait un peu moins comme une petite chose fragile à protéger et un peu plus comme un ami avec qui discuter, faire du sport et passer du temps. Ce n'était pas plus mal. Drago se disait que ça devait un peu ressembler à cela d'avoir un grand frère, le sexe en moins. Et puisqu'il se sentait à l'aise et en confiance, il osa quelques petites choses qu'il n'avait pas réussies à faire auparavant. Sucer Franck, par exemple. Il arrivait à le faire maintenant et il découvrit même que, finalement, il aimait ça. C'était agréable de voir Franck perdre le contrôle de lui-même, de l'entendre soupirer et de le sentir se tendre dans sa bouche. La première fois où il l'avait fait, quand il s'était mis à genoux sur le sol froid de la cellule, Franck et lui s'étaient regardés. Ils avaient pensé à Kyle, ils savaient tous les deux qu'ils y avaient pensés et ils savaient qu'ils savaient. Après cela, ils avaient pensé à eux. Parfois, Kyle s'invitait dans l'esprit de Drago pour lui attraper les cheveux et l'insulter mais Drago le chassait. Parfois, c'était Harry qui s'invitait pour faire remarquer tristement que Drago ne lui avait jamais fait ça, à lui. Drago le chassait aussi. Le reste du temps, tout allait bien.

Ce soir-là, puisque Drago avait été déprimé toute la journée, sans doute, et qu'il venait de sucer Franck, ce dernier le regarda avec détermination, assis sur sa couchette.

- Tu veux que je te le fasse aussi ? demanda sérieusement Franck.

Drago se redressa au-dessus du lavabo écaillé et essuya sa bouche avec sa manche.

- Vraiment ? s'étonna Drago.

Franck hocha la tête et Drago s'approcha de lui. A vrai dire, oui, il avait très envie que Franck le lui fasse et cette idée l'excitait complètement. La dernière fois, c'était Harry, dans la salle de visite. Chut, Harry, va-t'en. Drago se planta devant Franck et se laissa entrainer sur la couchette. Il aimait bien les mains de Franck sur lui, elles étaient toujours chaudes. Il aima sa bouche aussi, sa langue et ses lèvres. Il perdit le contrôle de lui-même, tout comme Franck juste avant et soupira sans se retenir. Il passa ses doigts dans les cheveux crépus et courts de Franck puis agrippa sa nuque pour sentir ses mouvements. C'était délicieux et Drago jouit sans trop de difficulté, assez rapidement. Il en resta pantelant, observa Franck qui allait se rincer la bouche à son tour.

- Tu m'as menti, signala Drago.

Franck se tourna vers lui, interrogateur.

- Tu as déjà couché avec des hommes. Tu fais ça trop bien.

Il se souvenait clairement des premiers essais hésitants de Harry, essais excitants mais pas très doués. Soit Harry était nul, soit Franck avait un don inné pour cela, soit il l'avait déjà fait. Franck secoua la tête, l'air sérieux.

- Je ne t'ai pas menti. Tu es le premier avec qui je couche.

- Je n'y crois pas ! Alors quoi ? Tu es simplement incroyablement doué en fellation, c'est ça ?

Franck se crispa et Drago sentit qu'il avait touché un point sensible. Il put nettement voir l'hésitation chez Franck et pendant quelques secondes, Drago se dit qu'il n'aurait jamais de réponse. Il avait franchi une limite de trop, comme cela arrivait souvent, et Franck se murait dans un silence meurtri. Pourtant, ce soir-là, Franck se tourna vers Drago et le fixa, sombre et décidé.

- Je sais faire des fellations parce que Gabriela avait un pénis, lâcha-t-il.

Drago lui rendit son regard, bouche bée. Il s'était attendu à beaucoup de choses mais pas à cela. Franck enchaina rapidement, comme s'il avait peur de la réaction de Drago.

- Cela existe, des gens qui naissent avec le mauvais genre, qui ne se sentent pas en adéquation avec le rôle qu'on veut leur donner. Gabriela était comme ça. Elle est née avec un pénis mais c'était une femme. Je me doute que tu ne dois rien comprendre à tout ceci mais je…

- Si, dit Drago en se reprenant. J'ai déjà entendu parler de ça. Quand j'étais à Poudlard…

Le souvenir remontait à une autre vie mais il revint à Drago avec clarté.

- J'avais un ami qui partageait mon dortoir, Blaise. Sa mère changeait souvent de mari et à l'époque, le mari de sa mère avait un fils, un peu plus âgé que Blaise. Ce fils aimait s'habiller en femme, se maquiller, ce genre de choses. Blaise nous racontait. Il ne savait pas trop si c'était parce qu'il voulait être une femme ou si c'était juste parce qu'il aimait le maquillage et tout ça.

Drago ne précisa pas qu'à l'époque, Vincent, Theodore, Gregory et lui se foutaient de la gueule du jeune homme et le trouvaient bizarre. Franck observa Drago avec surprise, lui aussi, et se détendit nettement.

- Ah… Oui, ce n'est pas la même chose d'être un homme qui aime se travestir et être une femme transgenre. Gabriela était une femme trans.

- Je… je vois.

Franck hocha la tête et la discussion s'arrêta là. Ou du moins, elle aurait dû car Drago se redressa sur la couchette et dit d'une voix hésitante :

- Franck… Qu'est-il arrivé à Gabriela ?

Cela faisait des mois que Drago se posait la question. Il ne savait toujours pas comment Gabriela était morte et pourquoi Franck était en prison. Il voulait savoir. Franck hésita, encore une fois, puis s'appuya contre le lavabo et croisa les bras. C'était clairement douloureux pour lui d'en parler, comme si cela l'obligeait à revivre la tragédie.

- J'ai rencontré Gabriela chez son frère, je te l'ai dit ? Oui… C'était leur anniversaire et elle était là, avec ses amis. On s'est tout de suite bien entendu. Elle était fille d'immigrés, comme moi, elle avait rencontré pas mal de racisme dans son enfance chez les Moldus, on en avait beaucoup discuté. Gabriela était une personne très intéressante. Elle était intelligente, brillante même, et elle connaissait beaucoup de choses sur la psychologie humaine. Elle comprenait sans doute mieux la plupart des gens qu'ils se comprenaient eux-mêmes. Elle avait de grands rêves, elle voulait apporter la psychologie dans le monde des sorciers, elle voulait leur offrir des endroits sûrs où ils pourraient être écoutés et soignés. Elle faisait partie de cette génération, comme moi, où les enfants sorciers avaient connu la première guerre contre Voldemort et elle était choquée de voir le nombre de ses camarades traumatisés que personne n'avait jamais aidés. « Ils ne sont même pas capables de prononcer le nom de Voldemort, tu te rends compte ? » disait-elle. Elle était passionnante. Clia et elle étaient passionnantes quand elles se mettaient à parler de psychologie, de sociologie et du reste. Je n'avais jamais rencontré de Né-Moldu qui ait préféré faire ses études chez les Moldus après Poudlard mais je la comprenais. Jamais trop rencontré de Cracmol non plus d'ailleurs. A part Rusard, bon… Clia est trans aussi, comme Gabriela. Elles étaient éperdument heureuses d'être tombées l'une sur l'autre à la fac. Elles voulaient changer les choses, sur beaucoup de points.

Franck se tut et Drago le contempla, un peu admiratif de cette tirade.

- Elle devait être incroyable, dit-il sincèrement.

- Oui, elle l'était. Je suis tombé complètement amoureux d'elle, je n'aurais pas pu faire autrement. Elle était… pleine de rêves et d'idéaux, elle était belle, courageuse, elle était parfaite et moi je… Je me sentais chanceux de l'avoir à mes côtés. J'aurais aimé… j'aurais aimé la voir réaliser son rêve, j'aurais aimé l'accompagner dans chacune des étapes de son projet.

C'était donc cela, être amoureux, songea Drago en regardant le regard brillant de Franck et en écoutant la chaleur dans sa voix. Il n'était pas sûr d'avoir déjà ressenti cela pour quelqu'un.

- Tout s'est arrêté un jour, sans prévenir, continua Franck d'une voix moins chaude. Clia et Gabriela sont allées retrouver des amis, dans un pub qu'elles connaissaient, un pub où les trans pouvaient se retrouver en sécurité. En sécurité, tu parles… Il faut toujours qu'il y ait… Bref. En sortant, elles ne pouvaient pas transplaner parce que Clia est une Cracmol et que c'est dangereux pour les organismes non sorciers. Alors elles ont marché et elles sont tombées sur des types, trois Moldus. En réalité, ils les avaient suivies. Ils se sont mis à les insulter, tu sais, leur dire qu'elles étaient des montres, qu'elles étaient contre-nature, ce genre de choses. Et puis ils les ont frappées. Une vieille dame qui habitait dans la rue a appelé la police en voyant l'agression par sa fenêtre et les hommes se sont enfuis. Clia et Gabriela ont été amenées à l'hôpital moldu, ils m'ont appelé rapidement parce que Gabriela et moi sommes Nés-Moldus, nous avions un téléphone chez nous et tous nos papiers étaient en règle. Mais quand je suis arrivé, elle était déjà morte. Clia a eu de la chance, elle s'en est sortie. Tu n'imagines pas le choc que ça fait de perdre quelqu'un comme ça… Elle était là et d'un seul coup, en quelques secondes à peine, je l'avais perdue pour toujours. Même le mot sidération n'est pas assez fort. Je n'ai jamais pu accepter ça, je crois.

Drago ne put s'empêcher de penser à Connor et à ce qu'il avait ressenti dans les douches, quand il l'avait tabassé. Il eut un frisson de compassion et d'horreur.

- Je suis désolé, articula-t-il bêtement, sans savoir quoi dire d'autre.

Franck l'entendit à peine. Maintenant qu'il était lancé dans son récit, il voulait aller jusqu'au bout.

- Les policiers ont enquêté mais ils n'ont rien trouvé. Je suis sûr qu'ils s'en foutaient, au fond. Une femme trans tabassée à mort, qui ça intéresse ? Le Ministère ne pouvait rien faire puisque les agresseurs étaient des Moldus. Ça me mettait hors de moi. J'ai enquêté moi-même, j'ai interrogé Clia, les amis du pub, les habitants de la rue. Les trois mecs étaient connus et redoutés dans le coin, ils s'en prenaient souvent aux homosexuels et aux trans qui venaient dans les pubs du quartier. Ils n'étaient jamais allés aussi loin mais sans doute qu'ils avaient juste eu de la chance de ne tuer personne plus tôt. Moi j'avais tout mon temps et j'ai attendu, j'ai attendu des heures, des jours, dans la nuit, qu'ils se pointent. Ils ont fini par revenir. Je les ai vus rôder autour des pubs, ces fils de chien. Je les ai suivis, j'ai trouvé leurs adresses et leurs noms.

Drago regarda Franck, suspendu à ses lèvres. Il savait ce qui allait suivre mais il voulait l'entendre quand même.

- Je suis entré chez eux, une nuit, l'un après l'autre. C'est trop facile quand on est un sorcier. Je leur ai cassé la gueule, je les ai frappés de toutes mes forces et j'ai écouté leurs crânes se briser, exactement comme ils avaient brisé le crâne de Gabriela contre le trottoir.

La fin avait été dite avec une colère toujours vive et présente, qui couvait chez Franck sans arrêt depuis la mort de Gabriela. De toute évidence, il n'arrivait pas à étouffer la fureur et la haine que les hommes faisaient naitre en lui. Il n'y avait pas le moindre regret non plus dans sa voix et Drago le comprenait parfaitement.

- Les policiers moldus m'ont retrouvé facilement, j'avais laissé pas mal d'ADN sur place. Tu ne sais pas ce que c'est, laisse tomber. Ils avaient dû relier les deux affaires. Le Ministère s'est occupé de régler ça, à petits coups d'Oubliettes comme ils savent si bien le faire et le Magenmagot m'a jugé. Ils étaient bien emmerdés. J'avais tué des Moldus mais sans user de magie. Or, la loi dit qu'on ne doit pas user de magie contre des Moldus, pas qu'on ne peut pas les tuer à coups de poings. C'est cela qui m'a évité la prison à vie. Et ils savaient tous pourquoi j'avais tué ces hommes. J'ai eu vingt ans pour chaque meurtre. Ça ne m'aurait pas dérangé qu'ils me mettent la perpétuité, pour ce que ça change… Je regrette de ne pas m'être suicidé après les avoir butés mais je n'ai pas réussi. Je ne peux pas m'empêcher de vouloir vivre, même si ça ne sert plus à rien.

Drago était heurté par ce que Franck venait de dire. C'était la première fois qu'il parlait autant de lui et qu'il était aussi honnête. Drago ne savait pas quoi faire de ça.

- Je comprends pas mal ce que tu peux ressentir, sur plusieurs points, dit-il doucement.

- Je sais. C'est plus facile depuis que tu es arrivé. Veiller sur toi m'a donné une motivation. Je me dis que ma vie sert au moins à quelque chose.

Drago écarquilla les yeux, surpris. Franck lui fit un sourire triste et haussa les épaules.

- Quand elle est morte, tout le monde a dit que ça passerait avec le temps, que j'étais encore jeune, que je ne pouvais pas dire que ma vie était terminée. Ma famille, ils ont essayé de me soutenir mais je ne les entendais pas. Mon ami Luis était aussi anéanti que moi d'avoir perdu sa sœur jumelle, c'était rassurant de ne pas être le seul à souffrir. Clia a voulu m'aider aussi, elle répétait qu'il fallait vivre pour Gabriela, continuer son rêve et la faire vivre dans nos cœurs mais je n'en avais rien à foutre. Moi, je voulais vivre avec Gabriela. Et puis, depuis quelques temps, je me dis qu'ils avaient raison. Je suis content que tu sois venu dans ma cellule. Tu me fais penser à mon petit frère, parfois. La vie me réserve encore de belles rencontres, finalement. Même en prison.

- Merci, bafouilla Drago.

Il y eut un silence, pas désagréable. Drago était content de connaitre enfin l'histoire de Franck. Elle était triste mais il n'était pas le monstre qu'il avait craint au début.

- Gabriela aurait détesté savoir que j'ai tué ces hommes, dit Franck avec un rire amer. Elle m'aurait haï. Elle n'aurait pas cautionné non plus ce que j'ai fait à Connor. C'est terrible de penser que… Je pense qu'elle m'aurait pardonné, quand même.

- C'est pour ça que tu as agressé Connor, n'est-ce pas ? demanda Drago. Parce que ça te rappelait ce qui est arrivé à Gabriela.

Franck lui lança un regard rapide et haussa les épaules.

- Quand je suis rentré dans les douches et que je t'ai vu allongé sur le sol, avec du sang partout, j'ai pensé… J'ai pensé à Gabriela, oui. Je te l'ai dit, j'ai horreur des types comme Connor. Et je t'aime bien. Je trouve ça révoltant de voir le nombre d'agressions impunies et de voir que personne ne fait rien. Ces mecs qui ont insulté Gabriela et qui l'ont tuée, ils allaient continuer leur vie comme si de rien n'était ! Et Connor, qui passait son temps à te traiter de pute et qui a voulu te violer. Qu'il aille se faire foutre. Puisque le Ministère est incapable de faire régner la justice, il faut bien, parfois, qu'on fasse payer les coupables. C'est pareil pour Kyle Long. Tu sais ce que je veux dire.

- Oui, admit Drago. C'était ce que nous pensions aussi.

- Ce sont toujours les mêmes qui en prennent plein la gueule et qui doivent se taire et toujours les mêmes qui font ce qu'ils veulent, qui font souffrir, qui détruisent des vies. Eh bien voilà, Long ne détruira plus personne et sans doute que Connor non plus. Et ça me permet de bien dormir.

Drago ne répondit pas, un peu sidéré par la virulence de Franck. Finalement, ils se comprenaient parfaitement. C'était apaisant de savoir que Franck le soutenait et ne le considérait pas comme un meurtrier cruel et inhumain, comme l'avaient sous-entendu certains membres du Magenmagot.

OoOoOo

Harry se réveilla contre le corps doux et chaud de Ginny et se serra contre elle. Le printemps revenait et le soleil était déjà levé dehors. Il baignait la chambre d'une lumière ensoleillée qui promettait une belle journée et qui faisait scintiller les cheveux roux de Ginny. Elle bougea elle aussi, pour appuyer son dos contre Harry et entrelaça leurs jambes. Ils n'avaient rien de prévu, ils pouvaient rester là autant qu'ils le souhaiteraient. Harry trouvait cela délicieux. Les cheveux de Ginny avaient un parfum apaisant et il ferma les yeux à nouveau.

- Je voudrais bien rester comme ça pour l'éternité, murmura-t-il.

Il entendit Ginny rire.

- Pour l'éternité, c'est peut-être un peu trop, non ? Nous avons encore tellement de choses à vivre ensemble !

- Tu crois ?

- Oui, j'en suis sûre.

Il voulait la croire, il n'en était pas sûr. Il n'avait pas confiance en l'avenir. Les gens mouraient et l'abandonnaient, cela avait toujours été ainsi. Comment être confiant ? Comment être certain que cette fois-ci serait différente ? Il ne pouvait pas mais il faisait semblant d'y croire, avec Ginny contre lui. Il l'aimait et il se disait que s'il l'aimait suffisamment fort, il pourrait la garder, elle.

- Je me disais que je pourrais rendre mon appartement, dit Ginny.

Harry se redressa légèrement pour regarder son visage.

- Oui ?

- Je passe mon temps chez toi de toute façon. Peut-être que je pourrais simplement venir vivre ici.

- Oui.

Il la sentit sourire et elle caressa le bras de Harry autour d'elle. Il n'était jamais très prodigue de mots ou de discours, comme s'il avait peur de briser le fragile bonheur qu'il possédait s'il en disait trop. Ginny n'était pas une grande bavarde non plus et cela leur convenait bien. Ils se disaient l'essentiel, ils n'avaient pas besoin de beaucoup plus. Harry caressa la jambe de Ginny, puis sa hanche et ses seins. C'était doux sous ses mains, il aimait sa peau. Il aimait la tenir contre lui et avoir le sentiment, pendant quelques instants, qu'il ne la perdrait jamais.

Ils étaient ensemble depuis presque un an maintenant. Les craintes de Harry s'endormaient, parfois, et le laissaient profiter de la douceur de sa vie avec Ginny. Elles ne disparaissaient pas complètement pour autant. Il avait toutefois la sensation rassurante que Ginny l'aimait et ça, il n'en doutait pas. Il ne doutait pas non plus qu'il l'aimait. Et c'était réconfortant. Le temps passait plus vite depuis qu'ils étaient ensemble, les journées étaient moins mornes. Il n'avait pas fait de crises depuis longtemps, il se disait que c'était peut-être définitivement terminé. Après tout, l'ombre de Voldemort planait un peu moins sur sa vie. Il faisait moins de cauchemars, il pensait moins à la guerre et aux épreuves qu'il avait traversées. Il n'allait plus dans les cimetières pour parler à ses proches décédés. Il préférait parler à Ginny. Et quand il avait envie d'avoir un avis plus adulte et parental sur sa vie, il allait voire Hagrid et Abelforth à Pré-au-Lard ou encore Andromeda et Serena, qui se faisaient tous un plaisir de l'écouter et de lui faire croire, pendant un moment, qu'il n'était pas seul au monde.

Certains matins, quand il se levait et posait ses pieds sur le tapis de sa chambre, il pensait à Drago. La plupart du temps, il n'y pensait plus. Il y pensait bien une fois par jour, ou plus, mais toujours brièvement, sans que cette pensée ne fasse naitre grand-chose chez lui. Il ressentait toujours de la rancœur envers Drago et de l'amertume envers leur histoire mais moins qu'avant. Il ne savait pas ce que Drago vivait à Azkaban, comment il allait, ce qui lui arrivait. Il aurait aimé le savoir, il avait plusieurs fois hésité à lui rendre visite, juste pour prendre des nouvelles. Quand la loi avait changé, il avait hésité à écrire une lettre à Drago, simplement pour savoir s'il était encore en vie. A vrai dire, il avait écrit plusieurs lettres il ne les avait jamais envoyées. Il se demandait si Drago avait attendu une lettre de lui et s'il avait été déçu de ne pas en recevoir. Harry se disait que de toute façon, Drago n'avait peut-être aucune envie d'entendre parler de lui à nouveau. Harry était sincèrement incapable de deviner si Drago l'aimait encore ou non, si Drago l'avait véritablement aimé ou non, si Drago l'avait un jour considéré autrement que comme le pigeon qui lui permettrait de tuer Kyle ou comme une idée réconfortante qui lui permettrait de supporter son procès et son emprisonnement sans être tout seul. Et Harry commençait à se dire que, sans doute, il n'aurait jamais de réponses à ses questions. Il fallait donc se faire une raison, et il s'en faisait une dans la vie heureuse qu'il partageait avec Ginny.

Alors, pour être honnête, il pensait de moins en moins à Drago. Ses questions sans réponses lui faisaient de moins en moins mal et ses sentiments se fanaient un peu plus chaque jour. Et c'était très bien comme ça.