Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros et Radamanthe x Kanon
Rating : M

Notes :

Bonjour à tous. Merci pour votre présence, votre fidélité, vos reviews et vos ajouts, ainsi que les échanges que nous avons en MP pour certains.

Merci Athéna pour ta gentille review, je suis toujours aussi contente de lire que tu apprécies ! J'espère que tu as passé un bon week-end de Pâques !

Merci Mini-Chan pour ton retour. Je suis ravie et surtout soulagée que cela t'aies plu, tu l'avais tant attendu, ce fameux chapitre ! On ne les reverra pas autant tout de suite, (mais quand même un peu) mais ils sont au programme d'un prochain chapitre qui leur est consacré.

MERCI aux personnes qui prennent le temps pour me donner leur avis, ça compte beaucoup pour les auteurs et ça encourage dans les moments de doute où on a du mal à continuer l'écriture !

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ATTENTION : On revient 4 mois après le chapitre précédent qui était un flash back.

ATTENTION AU RATING M DE CE CHAPITRE ! La deuxième partie est assez explicite et graphique, si cela vous gêne, n'hésitez pas à passer à la troisième partie. Vous manquerez quelques lignes de dialogue, mais elles ne sont pas fondamentales pour la suite ou la compréhension du chapitre. Merci de votre indulgence à ce sujet.

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Bonne lecture à tous !


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Chapitre Onze
« Le véritable amour est celui que la mort ne sépare pas »
(Alphonse Esquiros)

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Le Sanctuaire,
Terrains d'entraînementetarènes,
Mai 1989

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La journée touchait à sa fin, lorsque Saga regagna le Sanctuaire.

Comme il sentit le cosmos d'Aioros du côté des arènes, il s'y dirigea directement.

En effet, le Sagittaire se trouvait juste derrière, près de l'archerie, sur le terrain d'entraînement, où était disposée une large cible et plusieurs pas de tir, à différentes distances d'elle.

Saga arriva au moment où Aioros, qui se trouvait sur le plus éloigné d'eux, s'apprêtait à décocher une nouvelle flèche.
Il en profita pour l'observer et admirer le spectacle que son compagnon lui offrait.

En tenue d'entraînement de cuir brun, plastron sur l'épaule gauche, coudières et jambières bien serrées autour de ses membres, bandeau sur le front dégageant son regard acéré, carquois sur la hanche et parfaitement positionné, très concentré malgré l'arrivée de Saga, Aioros tira sa flèche qui alla se ficher directement au centre de la cible, près de 300 mètres plus loin, aux côtés de nombreuses autres.

Ce résultat lui valut les applaudissements du Gémeau, qu'il rejoignit avec un sourire mêlant fierté et gêne.

- C'était magnifique, comme toujours.

- Merci, mon aimé, répondit-il en lui volant un rapide et chaste baiser. appuyé

Ils pouvaient se le permettre, avec prudence, les environs étaient quasiment déserts, ils ne percevaient que quelques présences éloignées.

Aioros s'installa aux côtés de Saga sur le banc en pierre où il avait pris place pour l'attendre, et but une longue gorgée d'eau.

- L'entraînement des apprentis s'est bien passé ?

- Très bien, oui. Athéna est venue y assister, ce qui a tout à la fois perturbé et galvanisé les gamins. Seiya et Shun nous ont ensuite rejoint. J'ai profité de l'enthousiasme général pour les pousser un peu plus loin dans les efforts demandés.

- Tu as bien fait.

- Je crois aussi que ça leur a fait du bien, ils ont majoritairement été au bout. Ilfor a enfin réussi à projeter Daya à plus de 100 mètres. Et ils ont presque tous atteint l'objectif d'un bloc de marbre pulvérisé en une seconde ou moins. Mais comme tu l'avais déjà noté, certains sont plus endurants que d'autres. Ils mettent plus de temps à détruire un bloc, mais peuvent en détruire beaucoup plus car ils tiennent plus longtemps sur la durée. Enfin, tu verras par toi-même !

- Oui, bientôt. Ils auront sûrement encore progressé d'ici-là, c'est Camus qui est en charge des deux prochaines sessions. Félicitations pour aujourd'hui, c'est du beau travail, comme toujours, l'approuva Saga, fier et admiratif.

- Merci, mais je n'ai pas fait grand-chose… Rien que tu n'aurais pas toi-même fait.

- C'est vrai que nos méthodes sont proches.

- Et plus encore, à notre image, confirma Aioros en souriant. Et toi, ton après-midi à Athènes, ça a été ? lui demanda-t-il ensuite.

- Oui, j'ai trouvé tout ce que j'avais mission de ramener, révéla Saga en désignant les deux grands sacs à ses pieds. Certaines commandes n'étaient pas prêtes, j'ai dû patienter un peu. J'ai flâné en ville et bu un café avec Yoni, qui est en pleine forme et qui salue tout le monde.

- C'est gentil. Et Kanon ? Tu ne devais pas aller le chercher à l'aéroport ?

- C'était prévu et je l'ai fait. Mais en voyant ma liste de courses et sachant que j'allais en avoir pour l'après-midi, il a préféré appeler un taxi pour rentrer directement ici. S'il n'avait pas jugé nécessaire de prendre une douche et se changer, je crois qu'il aurait rejoint les Enfers depuis une quelconque ruelle sombre de la ville, en ouvrant un portail…

Le Sagittaire rit à cette remarque.

- Il est parti cinq jours au Canada, et d'après ce que tu m'as dit, il ne pouvait pas aller au Royaume souterrain pendant ce temps-là. Ils ne se sont jamais quittés plus d'une nuit ou deux, depuis qu'ils sont ensemble, non ?

- Je ne crois pas, non, réfléchit rapidement Saga.

- Radamanthe a dû beaucoup lui manquer.

- J'imagine, et je le comprends. Toi aussi, tu m'as manqué aujourd'hui, amour, ajouta-t-il en s'appuyant un peu plus contre Aioros. J'aurais bien aimé passer cette après-midi avec toi, le temps était agréable, même en ville. Ça fait un moment qu'on ne s'est pas détendu un peu tous les deux, hors du Domaine sacré.

Aioros s'étira longuement.

- C'est vrai, on a été pas mal pris, depuis notre retour d'Italie. J'aurais aussi adoré en profiter avec toi, mon aimé. Je pensais même te rejoindre, une fois l'entraînement des apprentis terminé. Mais comme Seiya est avec nous, en ce moment, j'ai voulu saisir l'occasion de lui faire travailler un peu son tir et quelques techniques du Sagittaire.

- Ce sera pour une prochaine fois, ne t'en fais pas, le rassura le Gémeau, compréhensif. C'est normal de profiter de la moindre occasion donnée de l'entraîner et de le guider, c'est aussi nôtre rôle, l'un des principaux que nous ayons. Surtout qu'il apparaît de plus en plus évident que Seiya sera le futur porteur de Sagittarius.

- Je n'ai aucun doute là-dessus, acquiesça la Neuvième gardien en hochant la tête. Sagittarius elle-même le réclame. Je pense qu'à terme, il sera possible de combiner mes techniques avec celles de Pégase. Seiya en sera capable, il y est presque. En un sens, la Foudre atomique du Sagittaire peut être vue comme la finalité des Météores ou de la Comète de Pégase, leur aboutissement à cosmos maximal maîtrisé et maintenu.

- Je partage ton avis. C'est tout ce qui lui manque, en vérité. Il parvient à pousser son cosmos très haut et très loin rapidement, là où auparavant, il devait être acculé et à la limite du désespoir. Mais il échoue encore à le maintenir à un niveau suffisant pour rejoindre la Garde Dorée.

- Exactement, se désola Aioros. Son cosmos a été fortement perturbé par l'épée d'Hadès restée longtemps en lui, et son empreinte est encore présente, bien qu'inoffensive, désormais. Ça le ralentit, malheureusement. C'est frustrant, il est si prometteur !

- Ce n'est pas dramatique, rien ne presse. Il finira par y arriver, il est persévérant et a un très grand potentiel. Vous vous ressemblez beaucoup, tous les deux.

- Tu trouves ?

Saga hocha la tête en lui souriant.

- Tout comme Sagittarius et Pegasus. Hormis le fait que tu as eu ton armure d'or très jeune, qu'à 14 ans, tu étais déjà l'un des plus puissants Chevaliers et qu'à l'image de Shion, Seiya a d'abord été un Bronze, il y a de nombreuses similitudes entre les deux armures, les deux constellations et vos deux âmes, jusqu'à votre lien particulier avec Athéna.

- Je le reconnais. Et Seiya est un vrai Sagittaire du 1er décan, comme moi : je suis né un 30 novembre et lui, un 1er décembre, quatorze ans plus tard, peu après ma mort. Ce ne peut être une coïncidence, il n'y a pas de place pour le hasard, dans ce monde.

- C'est troublant, en effet. Vous vous ressemblez aussi d'un point de vue plus concret : signe de feu et de lumière, vous êtes solaires, tous les deux. Tout comme toi, Seiya rassemble, réconforte, inspire et guide les autres Chevalier. Vous êtes fidèles et loyaux. Autre grande qualité, vous donnez confiance à ceux que vous aimez, même lorsqu'ils sont au plus bas de leur propre estime de soi.

Aioros se frotta l'arrière du crâne, un peu gêné, un court instant.

- Quel beau tableau très flatteur ! Merci, mon amour, murmura-t-il en déposant un doux baiser sur la tempe de Saga. Je suis heureux de t'inspirer de tels sentiments.

Le Gémeau posa sa main sur sa cuisse et lui sourit avec tendresse.
Le silence se fit, intime et confortable, durant lequel ils savouraient la présence de l'autre en toute simplicité.

- Au fait, j'ai des petites choses à grignoter, si tu as faim, proposa Saga après quelques minutes de calme.

Souriant tendrement, Aioros glissa sa main dans la sienne et les garda liées sur sa cuisse.

- Non, merci, j'ai déjà mangé une pomme, tout à l'heure, elle m'a coupé l'appétit.

- Une pomme ? s'étonna Saga. Ce n'est pas habituel… C'est Athéna qui te l'a offerte ?

Il ne voyait que cette explication, car c'était bien là un fruit que son compagnon n'appréciait pas vraiment, sous aucune forme.

- Non, même pas ! lui répondit-il en riant. Aldebaran et Daphné se sont occupés d'une partie de la récolte, cette après-midi et ils sont venus en distribuer aux apprentis. Mavros, qui était là pour suivre l'entraînement de son grand frère, est venu m'en donner une, avec sa bouille adorable. J'ai pas eu le cœur de refuser. Et bien évidemment, il voulait que je la mange avec lui, je n'ai pas pu la mettre discrètement de côté ! J'étais coincé ! rit-il encore de bon cœur.

Saga s'abreuva de son rire qu'il aimait tant, et de la vision de son visage radieux.

Solaire, oui, littéralement.
Aioros était le parfait Sagittaire, celui qui apportait la lumière dans sa vie, la foudre et le feu dans ses nuits, dans son cœur et chacune de ses cellules.

- Tu es trop gentil, amour.

- Tu en aurais fait autant, souligna Aioros. Parce que tu le faisais déjà, quand on était ados, surtout avec Mu, et encore aujourd'hui, avec les gamins !

- Pas un pour récupérer l'autre, en fait, reconnut le Troisième gardien.

Le Neuvième lui sourit.

- Qui se ressemble s'assemble.

- Exactement, confirma Saga en lui rendant son sourire. Parlant de couple qui s'assemble, Aldebaran et Daphné avaient leur journée de libre, pourquoi n'ont-ils pas été se promener en amoureux, loin d'ici, tu le sais ?

- Je crois que c'est ce qu'ils ont fait, ils ont déjeuné à l'extérieur, il me semble. Mais ils sont revenus.

- Pour cueillir des pommes ? s'étonna le Gémeau.

- Aldébaran n'est pas encore suffisamment à l'aise avec le regard des autres, surtout par rapport à Daphné. Tu te souviens, il y avait pas mal de réflexions désobligeantes, au début, pas toujours méchantes, mais bon, ca reste blessant… Et il y en avait de plus mesquines. Ça évoque leur différence de taille, de statuts, la Belle lingère qui est avec la Bête seulement parce que c'est un grand Chevalier de haut rang…Ca recommence.

- Je ne savais pas, on avait pourtant réussi à les faore taire et même éviter que les gens ne parlent trop.

- Je ne l'ai appris que ce midi. Apparemment, ça s'est accentué ces deux derniers jours, du côté des gardes et du personnel du Treizième, mais aussi à Rodario, vu que certains y vivent.

- C'est inadmissible, il va falloir les rappeler à l'ordre d'une manière ou d'une autre, et être bien plus ferme que la première fois. Ils ne sont pas censés évoquer le Sanctuaire et la vie privée des Chevaliers, rien que pour cela, ils pourraient être privés de salaire ou mis à pied. Et ils se permettent en plus d'insulter un Chevalier ?

- Ils seront sanctionnés, c'est prévu, assura Aioros, Shion était déjà au courant depuis hier et je me suis permis d'en reparler à Athéna, tout à l'heure.

- Tu as bien fait.

- Aldébaran ne veut pas se plaindre, mais comme Daphné est aussi touchée, il est prêt à agir plus concrètement. Mais pour l'instant, il ne veut pas susciter encore d'autres réflexions, il est plus rassuré de ce côté du Sanctuaire, loin du Treizième ou de Rodario.

- C'est dommage qu'ils ne puissent pas profiter pleinement de la chance qu'ils ont de pouvoir s'aimer au grand jour, librement. Il faut qu'on les aide à reconquérir ce droit volé par la bêtise et l'intolérance. Moi, j'aurais tant voulu pouvoir me balader avec toi, main dans la main, le plus naturellement du monde, n'importe où...

- Tu es nostalgique de notre séjour en Autriche et en Italie ?

- On était pas si libre que ça, nuança Saga. Deux hommes ensemble, c'est toujours mal vu, peu importe le lieu où on se trouve. Mais on avait déjà un peu moins de pression qu'ici.

- C'est vrai, reconnut Aioros. On pourrait essayer d'y retourner cet été, même si ce sera différent en pleine saison estivale, car il y aura beaucoup plus de monde.

- Ce serait bien quand même, non ?

- Bien sûr ! Letizia serait ravie, et pas qu'elle !

- En fait, je ne pense pas que ce sera possible, réfléchit Saga rapidement. Ça risque de faire court.

- Pourquoi ?

- Déjà, il faudrait qu'on puisse s'organiser pour les faire venir ici, avant d'y retourner.

- Je suis d'accord, acquiesça le Sagittaire. On devrait en reparler à Shion, pendant que la Princesse Athéna est ici.

Saga sourit et hocha la tête.

- Je pensais la même chose. Mais du coup, mettre ça en place et leur séjour prendront du temps,

- Letizia ne pourra pas s'absenter trop longtemps en pleine saison. Cela ne durera pas plus d'une semaine, et je suis optimiste.

- Il n'y a pas que cela, ˋRos. Nous risquons d'être nous-mêmes très occupés, cet été, avec la préparation de l'anniversaire de Saori et la réincarnation d'Athéna, le 1er septembre. Shion et Dokho doivent pouvoir se reposer sur nous, tout comme notre Déesse.

- Oui, tu as raison, j'oubliais presque ! s'attrista Aioros. Ça ne nous laisse pas beaucoup de marge, en effet… Mais rien ne nous empêchera de nous prévoir un petit week-end en amoureux, quelque part, juste toi et moi.

- Non, c'est vrai, concéda Saga. Peu importe le lieu, du moment qu'il n'y a que nous deux.

- Exactement.

Les deux hommes échangèrent un doux baiser, puis s'abandonnèrent à l'autre, tête contre tète et soupirs de bien-être mêlés.
Ils ne craignaient rien, aucun cosmos n'était à portée, dorénavant.

Un nouveau silence fut partagé, plein de tendresse, avant que le Sagittaire ne reprit la parole, sans bouger pour autant.

- Tu te souviens de la dernière fois qu'on a tiré à l'arc, tous les deux ?

- Comment aurais-je pu l'oublier ? soupira Saga. Tu avais corrigé ma posture en te collant à moi. C'était pas la première fois, mais ce jour-là, ça m'a mis dans tous mes états !

- C'était pareil pour moi, mon aimé. C'était devenu tellement électrique, entre nous… J'ai même cru qu'on allait s'embrasser.

Saga sourit avec nostalgie.

- On avait atteint notre limite, je pense.

- Tu crois vraiment qu'on aurait franchi la ligne ?

- Si Aiolia, coursé par Milo, n'avait pas surgi en hurlant pour se cacher derrière son grand frère… il y a de fortes chances, oui.

Aioros étouffa son rire contre l'épaule de Saga, et en profita pour déposer un doux baiser dans son cou.
Ils en frissonnèrent tous les deux, Saga, électrisé par la caresse de ses lèvres et de son souffle chaud, Aioros, enivré par l'odeur de sa peau.

- Ce genre de choses ne risquent plus d'arriver, rappela le Sagittaire en se redressant.

- Tu oublies Kiki. Il a beau avoir grandi, ces derniers mois, il continue de sauter de rocher en rocher et d'une pierre à l'autre à travers tout le Sanctuaire, en apparaissant et disparaissant là où on l'attend le moins !

- Oui, c'est vrai ! admit Aioros avec un petit rire. Mu aussi le faisait, il était aussi précoce que son disciple.

- Mais avec moins d'enthousiasme et plus de discrétion, tout de même.

- Effectivement. Ceci dit, ce ne serait pas si grave, si Kiki nous surprenait, aujourd'hui, avança Aioros en se penchant vers son Gémeau.

- Non, confirma Saga, une seconde avant qu'il ne posa ses lèvres sur les siennes.

Le baiser échangé fut lent et tendre, il dura de longues et délicieuses secondes.

- J'aimerais bien essayer de nouveau, murmura ensuite Saga en désignant l'arc près de son compagnon. Tu serais d'accord ?

- Bien sûr ! s'enthousiasma le Sagittaire. Ta main est aussi large que la mienne, tu peux mettre ma palette, lui dit-il en l'enfilant déjà sur les doigts de Saga pour les protéger. Viens ! l'entraina-t-il ensuite en le prenant par la main et en attrapant arc et carquois de l'autre.

Ils remontèrent la zone d'entraînement jusqu'au pas de tir le plus proche de la cible, situé à 30 mètres et Saga se mit en position.
Cela faisait plus de seize ans qu'il n'avait pas tenu un arc.

- Ta flèche est bien positionnée, indiqua Aioros. Tu peux relever l'arc et préparer ton tir.

Docile, Saga s'exécuta et banda l'arc avec précaution.

- Tu n'as pas tout oublié, mais tu fais toujours la même erreur dans le positionnement de tes bras, remarqua le Sagittaire. La corde doit être au niveau de ton menton, il faut qu'elle puisse toucher ton nez et ta bouche. Pivote très légèrement vers moi en gardant le dos bien droit et relève un peu les épaules, le guida-t-il en posant ses mains sur lui aux endroits cités.

Saga suivit du mieux qu'il put ses indications, se concentra, visa, puis décocha sa flèche, qui siffla, ricocha sur le bord de la cible et alla se perdre un peu plus loin dans le sable.

- C'est impossible de me concentrer avec tes mains sur moi et ton souffle sur ma peau, assura-t-il.

Aioros sourit, les mains toujours posées sur les hanches de Saga, même s'il avait un peu reculé pour lui laisser l'espace nécessaire à son tir.

- Tu devrais lâcher tes cheveux, ils te protégeront un peu de moi, proposa-t-il.

- Ou je peux aussi te convaincre de me lâcher et de reculer.

- Tu le veux vraiment ? murmura Aioros en l'enlaçant complètement.

Saga appuya son dos contre son torse en soupirant d'aise.

- Non. J'en ai rêvé de si nombreuses fois, mon amour, tu n'imagines pas...

- De quoi, précisément ? voulut savoir le Sagittaire.

- De tes bras autour de moi, après une session d'entraînement, et de tes lèvres sur les miennes... Je continuais la scène là où nous avions été forcés de l'interrompre, par devoir et convenance. Je t'aimais déjà tellement, et chaque jour un peu plus que la veille…

- C'est vrai, c'était incroyablement fort entre nous, se souvint Aioros avec émotion. Je me demande bien comment on a fait pour tenir notre rôle et feindre une simple amitié, même aussi grande.

- On ne nous a guère laissé le choix, répondit Saga en lui faisant face. Notre devoir était au-dessus de nous. Il dépassait notre condition humaine.

- Et aujourd'hui, nous avons la chance de pouvoir vivre une vie où les deux ne s'opposent plus. Nous sommes des Chevaliers et des hommes amoureux. Nous pouvons enfin être nous-mêmes.

Saga hocha la tête, l'embrassa chastement, cette fois, puis reprit une flèche et se remit en position de tir.

- Tu veux continuer ? s'étonna Aioros.

Il n'aurait pas été contre l'idée de prolonger leur câlin, ou de retourner chez l'un ou l'autre pour le poursuivre plus intimement.

- Je ne rentrerai pas tant que je n'aurais pas planté au moins une flèche dans cette cible, peu m'importe la couleur que j'atteins et le nombre de points correspondant. Ce ne serait pas digne de toi de rester sur un échec pour cette épreuve.

Aioros éclata de rire.

- Tu as trouvé un excellent moyen de me faire te lâcher, en fait !

- Comment ça ?

- Je rêve d'une douche avec toi au plus vite... Ou même d'un bain. Il est donc hors de question que je te déconcentre et t'empêche de réaliser ton objectif rapidement. Tu es le Gardien des Gémeaux, et les natifs de ce signe que tu représentes sont les êtres parmi les plus bornés de la Création. Tu ne bougeras pas d'ici avant d'avoir réussi, je re connais. Et si tu le fais, tu n'auras que ça en tête.

- Oh, tu sais, si tu me dis que tu m'attends nu sous à la maison, je peux très vite renoncer à ce défi et revoir mes priorités !

- Dans ce cas… je pars devant, souffla Aioros tout contre son oreille.

- Je ne vais pas tarder, promit Saga en frottant sa joue à la sienne. Je dois m'enlever ce stupide défi de la tête pour être tout à toi. Attends-moi au Troisième, je veux te rejoindre au plus vite.

- T'as plutôt intérêt !

Aioros déposa un rapide baiser sur la joue à portée, puis s'en alla sur un dernier signe de la main.

*Je te confie mon équipement*. ajouta-t-il mentalement. *Tu me montreras tes progrès demain.

Compte sur moi.*

Saga ne perdit pas de temps à le regarder s'éloigner, même s'il appréciait la vue et malgré la tentation de le faire.
Comme il le lui avait avoué, il préférait le rejoindre au plus vite.

Aussi, se concentra-t-il résolument sur son arc, sa flèche, sa cible et son tir.

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Au même moment
Caina, Royaume souterrain

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Radamanthe se laissa retomber sur le dos de Kanon, avant de rouler sur le côté en l'entraînant avec lui, le gardant étroitement serré dans ses bras, tandis qu'ils reprenaient leurs souffles et leurs esprits.

L'amour avec Kanon était vraiment extraordinaire, cela dépassait de loin tout ce qu'il avait pu connaître au cours de ses multiples vies.

C'était intense.
Comme tout ce qu'il faisait.
Comme tout ce qu'il était.

Cette fois encore, ils étaient monté incroyablement haut dans le plaisir et la communion.

- Tout va bien, Kanon?

Le Gémeau soupira de bien-être, puis s'appuya plus fort contre son Juge.

- Parfaitement bien. J'ai pas l'air ?

- Tu trembles.

- En aucune façon, se défendit le fier Chevalier. C'était juste tellement intense que j'en vibre encore.

- Tu n'es toujours pas habitué ? le taquina le Spectre.

- Parce que tu l'es, toi ? Je suis pas le seul à réagir, tu frissonnes aussi et je doute que ce soit de froid, vu la température qu'il fait !

- En effet, reconnut Radamanthe en écartant la longue chevelure d'or de son amant pour mordiller sa nuque offerte. J'ai l'impression que ça ne peut pas être plus fort à chaque fois qu'on se retrouve, que ce n'est pas possible. Et pourtant, dès qu'on s'unit, tous les deux, c'est toujours plus puissant. Il y a de quoi frissonner et vibrer, non ?

Kanon, qui ressentait exactement la même chose, mais s'était défendu de l'avouer, se détendit en entendant Radamanthe se livrer ainsi sans aucune gêne.

Il avait encore ce petit réflexe, parfois, qui le faisait agir comme s'il était en compétition contre son amant, pour déterminer qui allait céder le premier. Qui allait montrer ses sentiments, sa vulnérabilité.

Alors qu'il n'y avait aucun combat, cette fois-ci.

Kanon se mordit la lèvre, une seconde avant que son Juge ne fasse pivoter sa tête vers lui pour l'emprisonner entre les siennes.
S'ensuivit un long baiser, lent et doux, contrastant totalement avec la fougue et la passion de leur précédente étreinte.

Radamanthe lui sourit ensuite avec une tendresse qu'il ne manifestait aussi ouvertement que dans ces moments-là.
Puis, il se rallongea tout contre lui, le nez dans ses mèches d'or et de soie.

Leurs mains n'avaient cessé de se caresser, ne laissant pas vraiment une chance à leurs rythmes cardiaques de s'apaiser, encore moins leur désir, alors que leurs corps étaient étroitement pressés l'un contre l'autre.

- Rad'… murmura Kanon après un court instant.

- Hm ?

- Je te sens en moi…

- J'espère bien, puisque j'y suis toujours, répondit calmement le Spectre.

- Non, mais ce que je veux dire, c'est que tu grossis…

- Ce qui est normal, étant donné que je veux recommencer, expliqua-t-il sérieusement au creux de son oreille.

Kanon rit doucement, ce qui accentua la pression en lui et lui tira un léger soupir à peine contenu.

- Tu es conscient que c'était déjà la troisième fois qu'on recommence ?

Son rire se transforma rapidement en gémissement, alors que Radamanthe donnait très lentement des hanches.

- Y a-t-il une limite à l'amour et au désir ? demanda ce dernier en accentuant doucement ses mouvements contre Kanon.

Et en lui.

- Non, mais au corps, oui, quand même… soupira le Gémeau en se pressant malgré tout contre son amant, tendant son corps en arrière de manière irrépressible. Ça fait quoi, quatre fois en un peu plus de trois heures… ? calcula-t-il tant bien que mal, en jetant un coup d'œil rapide à l'horloge face au lit. C'est… pas rien… Je suis un simple humain, je te rappelle !

- Premièrement, tu n'es pas un simple humain, Kanon des Gémeaux. Deuxièmement, mon âme est éternelle, certes, mais mon corps est aussi mortel que le tien. Aurais-tu déjà oublié le sort que tu lui as réservé, il y a deux ans ?

- Je me souviens de chaque seconde, au contraire.

Sans jamais quitter son corps, Radamanthe fit pivoter Kanon pour le mettre sur le dos, tout en se plaçant entre ses jambes et au-dessus de lui. Il garda leurs bassins collés en les remboîtant, puis en plaçant les cuisses de Kanon sur les siennes. Alors que Kanon remontait ses jambes pour mieux l'étreindre, il se pencha et encadra son visage de ses avants-bras, mais en veillant à ne pas lui tirer les cheveux dans la manœuvre.

Leurs regards étaient chacun intensément verrouillé à celui de l'autre.

- Nos corps étaient aussi puissants et résistants l'un que l'autre, à cette époque, reprit le Juge avec un sourire en coin. Peut-être les choses ont-elles changées, aujourd'hui. Est-ce vraiment trop pour toi, Chevalier, souhaites-tu que je m'arrête et que je te libère ?

- Je te l'interdis ! répondit Kanon en resserrant son étreinte autour de Radamanthe, immobile au-dessus de lui. C'est juste que…

Le Juge s'était penché pour inspirer profondément dans le cou du Gémeau, avant de mordiller son oreille, l'empêchant de terminer sa phrase.

- Tu voulais dire quelque chose ?

- Juste que je suis plein de toi, Rad'… haleta-t-il en prenant son visage entre ses mains pour le ramener face à lui. Il serait temps de passer par la douche…ou le bain…

- C'est prévu, mais pas maintenant : il m'est impossible de quitter ton corps, Kanon, assura-t-il.

Pour ponctuer son affirmation, Radamanthe s'avança plus profondément encore en lui, ce qui lui fit rejeter la tête en arrière, les lèvres furieusement pincées pour ne pas gémir trop fort. Le Juge en profita alors pour lécher avidement la pomme d'Adam exposée.

- Rad'… ne put s'empêcher de soupirer Kanon, cette fois.

- Je te nettoierai et te remplirai à nouveau sous la douche et dans le bain, dans cette baignoire que tu aimes tant, promit son amant infernal contre ses lèvres, mais sans bouger le reste du corps encore. Autant que tu le voudras…

Kanon ne put réprimer un violent frisson, qui le traversa puissamment.

- Et est-ce que je pourrais enfin jouer un peu, moi aussi ? demanda-t-il en mordillant la lèvre de son compagnon.

- Non.

- Hey ! protesta le Gémeau en tirant la tête du Juge en arrière pour le regarder dans les yeux. Je peux savoir pourquoi ?

- Tu n'avais qu'à pas t'absenter si longtemps. Tu me dois compensation, Kanon, et je compte bien rattraper chaque matin où j'aurais dû me réveiller à tes côtés, et chaque seconde où j'aurais du être en toi. Te faire l'amour quatre fois de suite est loin d'être suffisant, et la cinquième actuelle ne soldera pas entièrement ta dette.

Kanon eut un nouveau frisson, encore plus intense que le précédent.

Ses cuisses se pressèrent davantage contre les hanches de Radamanthe, alors que son intimité se contractait autour de la colonne de chaire profondément fichée en lui, immobile, mais vibrante et impatiente.

Le Juge laissa échapper un soupir, retenant difficilement son envie de bouger dans ce corps si chaud et accueillant, et effectivement, plein de lui.

Cette simple pensée avait quelque chose de terriblement excitant, et elle lui envoya une décharge à travers tout son corps Kanon le sentit pulser et durcir encore en lui, ce qui lui tira un nouveau gémissement, vite avalé par son compagnon infernal.

Un humain, lui ? Mais bien sûr !
Radamanthe était une véritable Wyvern, oui !

Et il avait fait de lui son repas.
Un menu gastronomique étoilé à plusieurs services.

Kanon avait l'impression d'être dévoré, littéralement, depuis quelques heures.
Depuis qu'il avait franchi le seuil de Caina et qu'ils s'étaient jetés l'un sur l autre.

Ce qui n'était pas pour lui déplaire, malgré tout.

C'était souvent comme ça, entre eux, mais ce jour-là, ils avaient franchi un nouveau palier, sûrement à cause de sa mission qui les avait éloigné quelques temps.

Et Kanon ne put s'empêcher de penser que Radamanthe devait être l'une des raisons principales expliquant pourquoi les Enfers étaient si brûlants, surtout cette partie pourtant si proche des terres gelées du Cocyte : ils étaient tout simplement à l'image de leur plus puissant Spectre.

Une morsure répressive sur son menton, légère, mais non moins avide, le ramena à l'instant présent.
Et surtout à son amant, qui n'appréciait pas de perdre une seule seconde de son attention.

- J'hésite presque à te demander de m'emmener de suite sous la douche, murmura le Gémeau en caressant le dos de son Juge, son fessier puissant et ses cuisses aux muscles tendus. Mais je suis trop bien, là, je ne veux pas non plus que tu sortes de moi tout de suite. Ça attendra le sixième round… Alors continue, et t'arrête surtout pas, ma fichue Wyvern insatiable…

Kanon ne l'appelait ainsi de manière possessive que dans leur intimité.
Ses mots, et ces trois-là en particulier, suffirent à Radamanthe, il ne lui en fallut pas plus.

Il laissa échapper un grognement rauque, avant de reprendre ses mouvements et étouffer les soupirs irrépressibles de Kanon de sa bouche gourmande et affamée.

Mais pas tous : il aimait trop l'entendre gémir et haleter pour l'empêcher de totalement s'exprimer, en ce lieu où il n'avait aucune retenue à s'imposer.

.
.

Environ une heure et demie plus tard.
Caina, Royaume souterrain.

.

Les deux fougueux amants s'étaient enfin quelque peu calmés.

Après une douche et un long bain, ils s'étaient rhabillés pour ne pas être tentés de retourner au lit de suite, et s'étaient occupés en se préparant un rapide dîner.
Le laissant terminer de cuire, Radamanthe et Kanon s'installèrent dans le salon autour d'un verre d'ouzo pour le Chevalier, et d'un whisky pour le Spectre.

Celui-ci fixait son compagnon avec intensité, mais au-delà du désir qui couvait continuellement en eux et entre eux, il y avait aussi l'amour et la tendresse qui se dessinaient.

- Je suis heureux que tu sois là, ce soir, Kanon, finit-il par confier.

Le cadet des Gémeaux eut un petit rire.

- C'est ce que j'ai cru comprendre. Je suis content, moi aussi. D'être ici, et que tu apprécies ma présence à ce point, précisa-t-il.

- C'est toujours le cas.

- Cette fois, c'était un peu plus… démonstratif, fit-il remarquer.

- Nous avons été séparés cinq jours, c'est une première. Moi qui ait vécu si longtemps seul, ici, je n'avais jamais autant ressenti le vide que durant ton absence.

- Tu m'as attendu une éternité et quelques jours t'ont paru trop longs ? s'étonna le Gémeau, touché par l'aveu de son compagnon.

- Je n'apprécie pas spécialement de revivre cette expérience, même un seul jour. Surtout maintenant que nous nous sommes retrouvés.

Le visage de Kanon disparut quelques secondes en partie dans son verre, et en partie sous ses cheveux, qui retombaient sur son front quand il penchait la tête.

Il n'aimait pas être si sensible et réceptif, malheureusement, c'était plus fort que lui.
Mais il se reprit bien vite et regarda de nouveau son amant avec un petit sourire en coin.

- Je vais te manquer, à ma mort, ça risque d'être difficile pour toi.

- Comment cela ?

- Le temps que je me réincarne de nouveau et que j'atteigne un âge décent pour être de nouveau avec toi, il va s'écouler plusieurs années, non ? J'espère pas des décennies, quand même. Hadès et les Dieux Jumeaux peuvent bien t'accorder que ce soit rapide, tu le mérites.

- Je n'ai pas l'intention de revivre cela, répondit calmement Radamanthe. Une heure séparé de toi est déjà trop me demander.

C'était beau et touchant, encore une fois, mais le Juge avait prononcé ces mots comme s'il donnait un simple avis sur le choix d'un vêtement, par exemple : il énonçait les faits de manière presque détachée.

Kanon avait l'habitude, il le faisait aussi.

Les deux amants ne mettaient jamais trop d'affect ni d'émotion dans leurs propos, lorsqu'ils parlaient d'eux ou de leur relation.
Parce qu'ils savaient lire entre les lignes et ne doutaient pas de leur amour, ils connaissaient et partageaient la volonté de l'autre d'être ensemble pour toujours.

Avec tout ce que cette notion impliquait de concret, car l'éternité était acquise pour Radamanthe.

Cette attitude était surtout celle du Juge, en vérité.
Kanon était encore parfois pris de doutes propres à sa condition humaine, certains nourris par sa conscience et le souvenir de ses méfaits passés.

- Tu as un pouvoir là-dessus ? demanda le Gémeau avec curiosité.

- J'ai prévu de réclamer ton âme, lorsque tu te présenteras au Royaume souterrain.

- C'est-à-dire ?

- Si le Seigneur Hadès le permet, et je compte bien le convaincre si besoin, tu renaîtras aux Enfers sous ma gouvernance. Ainsi, nous ne serons plus jamais séparés.

Kanon se figea, estomaqué par ce qu'il venait d'entendre, autant que par la manière nonchalante avec laquelle Radamanthe lui avait présenté la chose.

- Tu n'es pas sérieux ? murmura-t-il entre ses dents serrées, tout en reposant son verre.

C'était au tour de Radamanthe d'être surpris par le ton et la réaction de son compagnon, dont les mains étaient crispées sur la table.

- Pourquoi ne le serais-je pas ? Quel est le problème, Kanon ?

- Tu projettes de faire de moi un Spectre et tout te semble parfaitement normal ? T'avais prévu de m'en parler ou j'allais être mis devant le fait accompli ?

- Nous sommes en train d'en discuter.

- Parce que j'ai abordé le sujet ! répondit Kanon en tapant du poing sur la table.

Radamanthe haussa le sourcil.

- Pourquoi t'énerves-tu ?

- J'y crois pas ! explosa le Gémeau en se levant, cette fois-ci. Je suis un Chevalier d'Athéna, bordel !

- Ne mets pas le nom sacré d'une divinité et une vile injure dans la même phrase, je te prie.

- C'est vraiment, mais alors vraiment pas le moment de me faire de leçon, Radamanthe !

Le Juge se laissa aller en arrière sur sa chaise et observa le Gémeau.

- Tu es Chevalier d'Athéna dans cette vie et cette incarnation. Mais ton allégeance peut prendre fin à ta mort.

- Et je la donne à une autre Divinité, comme ça ? J'ai déjà trahi Athéna une fois, même si je ne me suis jamais réellement soumis à Poseidon. Tu sais combien j'ai souffert d'être un parjure, au début de ma résurrection. Et tu me demandes de l'être à nouveau dans la mort et pour l'éternité ! Et le pire, c'est que tu es parfaitement détendu avec cette idée, qu'elle te semble une évidence !

- Il ne s'agit pas de parjure, si ta Déesse te donne son accord et te libère, répliqua Radamanthe. Je ne doute pas qu'Elle le fera, le bonheur de ses Chevaliers lui importe énormément. Quant à moi, je ne te demanderai pas de te soumettre à Hades, mais de partager mon éternité. C'est le seul moyen que j'ai trouvé et je peux même dire que c'est le seul qui existe, pour que nous ne soyons pas séparés. Je t'ai promis que rien ni personne, ni hommes, ni Dieux, ne nous empêcheraient plus d'être ensemble et je tiendrai cette promesse. C'est là que réside l'évidence.

Kanon secoua la tête, atterré.

- Ça va trop loin, là… Eaque l'a dit lui-même, le jour de notre résurrection : nous sommes Chevaliers d'Athéna, notre âme appartient à notre Déesse !

- Elle m'appartenait bien avant ton incarnation en Chevalier.

Kanon ne savait plus s'il devait rire ou hurler, tellement le discours de son Juge le choquait de réplique en relique.

- Non mais je rêve ! C'est quoi cette réponse de gamin capricieux ? Tu disputes mon âme à la Princesse Athéna comme si c'était un objet ! J'ai dit que je t'appartenais, je l'ai accepté quand tu me l'as présenté ainsi, parce que c'est ce que je ressens et surtout, je l'ai décidé librement. Cela ne te donne pas le droit de disposer de moi, de mon âme et de ma mort comme bon te semble !

Radamanthe se leva et rejoignit Kanon près de la fenêtre où il s'était posté, les bras croisés, fermé.

Il aurait voulu le prendre dans ses bras, mais son compagnon fulminait, littéralement le Juge pouvait presque voir la fumée s'échapper de son corps.
Les yeux d'océan abritait une tempête furieuse, lorsqu'ils croisèrent les siens.

- Est-ce que tu veux bien te calmer et m'écouter, s'il-te-plaît ?

- Je ne fais que ça et ce que j'entends me sidère ! répliqua Kanon. Et ton calme aussi ! Comme si tout était parfaitement normal et que c'était moi qui délirais !

- Nous n'avons tout simplement pas la même vision des choses. Pouvoir être avec toi, à jamais, est plus important que tout, pour moi. Je n'ai simplement pas tenu compte du fait que j'étais dans la position la plus facile et je m'en excuse. Car en effet, ce n'est pas rien de rompre son allégeance à une divinité.

Kanon inspira profondément et ses épaules se détendirent, alors qu'il décroisait les bras.

- Tu comprends, alors ?

- Oui. Mais encore une fois, je ne vois pas d'autre option pour qu'on reste ensemble. Je pourrais renoncer à mon éternité et vivre avec toi à la surface. Mais je ne pourrais jamais me contenter d'une vie terriblement courte de mortel, surtout après t'avoir attendu si longtemps. Ce serait trop me demander. Et je ne veux pas non plus te voir mourir et espérer ta prochaine incarnation. Parce que celle-ci est parfaite, termina-t-il en prenant la main de son Gémeau. C'est avec toi, Kanon, que je veux partager mon éternité. Toi, et nul autre que toi, depuis un an et à jamais.

Évidemment, Kanon était plus que touché par ses explications.
Son regard se radoucit, et il referma même ses doigts sur la main que Radamanthe avait osé enrouler autour de la sienne.

- Je suis Kanon des Gémeaux, rappela-t-il doucement. En quel genre de Spectre comptes-tu me réincarner ?

- Nous aurons le temps d'en discuter.

Kanon relâcha sa main et fit quelques pas dans la pièce, avant de revenir vers Radamanthe, qui l'observait en silence.

- Et si une nouvelle guerre sainte contre Athéna se présentait dans un futur lointain ? L'histoire nous a prouvé que la paix ne peut être éternelle. Tu espères qu'au fil des années ou des décentes, je finisse par devenir un vrai Spectre fidèle à Hades ?

- Non, je ne te demanderai jamais de combattre en son nom, si tu t'y refuses. Tu seras exclu des combats.

- Mais je devrais te regarder massacrer les Chevaliers tout en risquant ta vie, même si ta mort ne sera as définitive, et t'accueillir le soir comme si de rien n'était ? C'est complètement absurde et irréaliste, Rad' ! En es-tu seulement conscient ?

- Pourquoi nous projeter aussi loin dans un futur que tu redoutes de voir arriver ? objecta le Juge. Il n'est qu'une possibilité, à peine une probabilité. Je te parle du présent, avec moi et d'un futur que nous bâtissons, au jour le jour.

- C'est quand même une décision qui m'engagera pour l'éternité.

- Que tu n'as pas à prendre maintenant.

- Imagine que je meure demain ?

Radamanthe se crispa.

- Tu marques un point, reconnut-il. Mais tu n'as pas à t'angoisser pour autant. Cela peut arriver, ou non. Si c'est le cas, nous aviserons. Le temps est une valeur que l'on peut accorder ou non, aux Enfers.

- Alors quoi, tu vas me garder dans un petit coin des Enfers, le temps que je me décide ? le railla-t-il. Merci bien, je passe mon tour, j'ai déjà donné.

- Kanon…

- Je rentre, le coupa le Gémeau en s'éloignant de la fenêtre et de son compagnon.

- Nous allions dîner.

- Tu trouveras bien quelqu'un pour t'accompagner.

- Ce n'est pas ce qui était prévu, l'arrêta-t-il alors que Kanon ouvrait un portail. C'est avec toi que je veux être. Nous ne nous sommes pas vus durant plusieurs jours, on se retrouve enfin, la soirée avait très bien commencé et toi…

- Moi, j'ai besoin d'être seul, après la bombe que tu viens de m'envoyer à la figure, le coupa-t-il mais sans l'ombre d'un reproche dans la voix. Et surtout, loin des Enfers.

- Et de moi ?

Tout le corps du Gémeau se crispa.

- Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, grimaça-t-il en faisant face à son compagnon blessé.

- Ne sois pas fâché, Kanon.

- Je ne le suis pas. J'ai juste besoin d'un peu de temps, tu peux m'accorder ça, quand même ?

- Évidemment. Mais tu sais ce que je pense : le temps qu'on ne passe pas ensemble, le temps où un désaccord nous éloigne, c'est du temps de perdu.

Certaines fois, Kanon trouvait cette façon absolue et jusqu'au-boutiste de l'aimer franchement adorable.

Mais à d'autres, c'était vraiment exaspérant.

Heureusement ni lourd, ni étouffant.
Juste exaspérant, surtout dans la manière qu'il avait de s'en servir contre lui.

Notamment en le faisant culpabiliser, alors que c'était déjà un écueil dans lequel il tombait très facilement.

- Je n'ai ni ta patience, ni ton vécu, ni ta sagesse, Radamanthe, lui rappela-t-il. Tu sais très bien que quand je suis comme ça, il vaut mieux que je sois seul. Faut que je réfléchisse à tout ça, et je pourrais pas en restant là, avec toi.

- Tu ne préfères pas qu'on en discute ensemble ? insista le Juge.

- Non. J'ai entendu tes arguments, je n'ai pas besoin d'être convaincu.

- Très bien, concéda-t-il, les mâchoires serrées. Si c'est vraiment ce que tu veux...

- C'est ce dont j'ai besoin.

Radamanthe hocha la tête, puis s'approcha de Kanon pour le prendre dans ses bras et lui réclamer un baiser.
Kanon le lui accorda, mais un bref instant seulement, même si ce fut difficile d'écourter ce moment.

Il le fallait, sa résolution et sa détermination faiblissaient aussi vite que fondait la neige au soleil.

- Je t'en veux quand même encore de m'avoir balancé ça comme tu l'as fait, tu sais, et d'avoir gâché nos retrouvailles. Même sans être fâché.

- C'est contradictoire.

- C'est pourtant ce que je ressens, répliqua-t-il en le mettant au défi de reprendre encore d'un regard sans équivoque.

Radamanthe le serra plus fort contre lui.

- Est-ce tout ce que tu éprouves, vraiment ?

Les sourcils froncés et le regard menaçant, Kanon se dégagea.

- Tu ne m'auras pas comme ça. N'essaie même pas.

Tout en pinçant les lèvres, Radamanthe recula d'un pas pour signifier sa capitulation.

- Ma seule motivation, c'est d'être et de demeurer auprès de toi, à jamais, se défendit-il encore. Ne l'oublie pas.

Le Gémeau serra les poings, hocha la tête, puis s'engouffra dans le portail, sous le regard intense, mais résigné et impuissant de son compagnon.

.
.

Au même moment,
Au Sanctuaire, Temple des Gémeaux.

.

Saga reposa brusquement sa fourchette qui tinta sourdement, les sourcils froncés.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Aioros, surpris.

- Kanon.

- Qu'est-ce que… Oh ! comprit-Il en sentant le cosmos du cadet à l'entrée du Sanctuaire.

- Tu m'excuses ? demanda Saga en se levant. Ce n'est pas normal qu'il soit déjà là, il ne devait rentrer que demain après-midi. Je n'étais même pas sûr qu'il revienne, comme il a passé plusieurs jour loin des Enfers.

- Oui, c'est étrange, répondit Aioros. Je t'accompagne, si tu veux bien.

Saga accepta et les deux hommes rejoignirent l'espace commun des Gémeaux, où Kanon ne tarda pas à entrer.

Il avait traversé les deux premières Maisons et salué leurs gardiens suffisamment rapidement pour ne pas être interpellé.
Il prendrait un peu plus de temps avec chacun d'eux plus tard, notamment pour s'excuser, car il avait déjà agi de la même façon lorsqu'il était revenu de mission, en début d'après-midi. Impatient de retrouver Radamanthe aux Enfers, il n'avait accordé qu'une poignée de secondes à ses pairs croisés sur sa route.

En découvrant Saga et Aioros debout dans l'entrée et clairement en train de l'attendre, Kanon haussa le sourcil droit.
Cela l'aurait tellement arrangé qu'ils soient chez le Sagittaire !

Il soupira intérieurement il pensait pourtant avoir bien dissimulé ses pensées et ses émotions pour les mettre hors de portée de Saga.
Il allait devoir s'entraîner un peu plus.

A moins que ce soit sa présence seule qui l'ait trahit.

- Salut. C'est quoi ce comité d'accueil ? demanda-t-il d'un ton neutre au possible.

- Bonjour, Ka… commença Aioros.

Mais son début de salutation fut brusquement interrompu par Saga.

- Qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi tu rentres aussi tôt ?

Aioros grimaça Saga aurait pu y aller plus en douceur.

- C'est juste un changement de programme.

- Moi qui pensais devoir aller te chercher parce que tu te serais perdu dans tes retrouvailles avec Radamanthe…

- Ce ne sera pas la peine, comme tu peux le voir. Désolé de vous avoir dérangé, vous n'étiez pas…

- Vous vous êtes disputés, c'est ça ? le coupa Saga en fronçant les sourcils.

- Tu te souviens que c'est un Juge des Enfers ? Il est souvent très occupé.

- En pleine nuit ?

- N'exagère pas, il est à peine 21h30. Et de toute façon, la notion de nuit et de jour n'existe pas vraiment, là-bas.

- Ne me mens pas, Kanon. Si tout allait bien, tu ne serais pas dans cet état, celui que tu tentes de me cacher depuis que t'es sorti des Enfers.

Le cadet soupira.

- Si je le fais, c'est parce que je n'ai pas spécialement envie d'en parler. Pas ce soir, en tous cas. J'ai besoin d'être seul, Saga, et de calme.

- Qu'est-ce qu'il a fait ?

- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans « j'ai pas envie d'en parler ce soir » ? répondit Kanon du tac-au-tac en fronçant les sourcils.

Même s'il ne pourrait jamais les confondre, Aioros ne put s'empêcher de remarquer comme les deux frères se ressemblaient, à cet instant.

- Je l'avais prévenu que…

Le Sagittaire posa sa main sur l'épaule de Saga, qui se tourna vers lui.

- Si je peux me permettre, les couples, ça se dispute, parfois. Laissons-le tranquille, pour le moment.

- Exactement. Merci, Aioros. Bonne soirée et bonne nuit à tous les deux.

- Attends ! le rappela Saga, alors qu'il s'éloignait déjà vers ses appartements.

- Quoi, encore ? répondit vivement Kanon en faisant demi-tour.

Les Gémeaux n'étaient pas réputés pour leur patience, Kanon ne faisait pas exception.
Il commençait à en avoir doucement ras-le-bol de cette soirée qui avait pourtant si bien commencé.

Saga alla pour lui répondre, puis il se ravisa, hésita, et enfin soupira.

- Est-ce que tu as diné, au moins ? Tu peux te joindre à nous, on a pas encore terminé, on s'est mis à table assez tard.

- Saga…

- Je ne te poserai aucune question, promis, le rassura-t-il.

Kanon était bien tenté de le croire, mais ce n'était pas suffisant.
La seule chose qu'il voulait, c'était s'isoler et avoir la paix.

- Merci, mais j'ai juste envie et besoin d'être seul. S'il-te-plaît.

- D'accord, accepta l'aîné après un court silence. On se voit demain matin, pour le petit-déjeuner ?

Évidemment, Saga n'allait pas lâcher Kanon si facilement.

- Ok, concéda-t-il. À demain.

- Bonne soirée. Et n'hésite pas, si ça ne va pas. On est là.

Kanon hocha la tête, mais Saga se doutait bien qu'il n'oserait pas les déranger.
Il suivit des yeux son petit frère, jusqu'à ce qu'il ait refermé la porte de ses appartements.

- Tu préfères que je retourne chez moi ce soir ? demanda Aioros, une fois tous les deux rentrés chez Saga. Cela ne me dérange pas, je comprends.

- Merci, 'Ros, mais ce n'est pas la peine, assura Saga, alors qu'ils se réinstallaient à table. Que tu sois là ou non, Kanon ne se confiera pas à moi, pas en pleine nuit, même si ça ne va pas. On en est pas encore là, à chercher ouvertement du soutien et encore moins, si tard. Quoi que… réfléchit-il rapidement. Kanon le faisait, pendant ton absence, quand j'étais vraiment mal. Il entrait chez moi et me rejoignait sur le canapé. Parfois, il parlait de tout et de rien et à d'autres, on restait là en silence, à écouter de la musique ou à regarder la télé, sans vraiment la voir. Je dois l'avouer, cela me faisait un bien fou.

- C'est pour ça que je te propose de te laisser seul avec lui. Tu pourras le rejoindre, comme ça. Tu me diras, je ne compte pas t'en empêcher, si je reste quand même. Mais peut-être que tu iras plus facilement, si tu es seul.

Saga secoua la tête.

- Je sens bien qu'il vaut mieux que je le laisse pour cette nuit. Mais demain matin, je ne le lâcherai pas avant de savoir ce que Radamanthe lui a fait.

Aioros reposa ses couverts et observa son compagnon, qui coupait son dernier morceau de viande comme si c'était une bûche de bois.

- Tu n'envisages pas un seul instant que Kanon puisse avoir ses torts ?

- Non.

Face à cette réponse franche, mais de très mauvaise foi, le Neuvième gardien ne put retenir un rire.

- Tu n'es pas très objectif, mon aimé.

Saga soupira et repoussa son assiette vide.

- Je l'ai mis en garde au sujet de cette relation. Il était évident qu'ils finiraient pas être en désaccord.

- Ce n'est pas la première fois et ce ne sera sûrement pas la dernière, rappela Aioros.

- C'est plus profond, cette fois-ci, c'est évident.

- C'est normal, dans un couple. Cela pourra nous arriver aussi à tous deux, probablement, un jour.

- Au point de s'isoler chacun de notre côté, je ne pense pas, objecta Saga. Il faut une raison assez sérieuse pour en arriver là. Aucun sujet ne peut autant nous diviser. Je n'espère pas, en tous les cas.

- Moi non plus. Mais je pense qu'en ce qui concerne Kanon et Radamanthe, tu sautes aux conclusions assez vite. On ne sait absolument rien de ce qui s'est passé entre eux. Parfois, une petite vexation, une atteinte à sa fierté peut conduire à bouder dans son coin, sans que le fond ne soit très grave ou inquiétant.

- Quand bien même il s'agirait de cela, ces deux-là ont un sacré tempérament. Marc-Aurèle disait : « Les conséquences de la colère peuvent être beaucoup plus grave que ce qui l'a causé ». Il y a cependant déjà tellement d'éléments qui compliquent leur relation… Ils n'appartiennent pas au même monde. Littéralement. Non seulement cela, mais leurs mondes s'opposent par essence.

- Mais ils s'aiment, Saga, rappela Aioros. Et cela ne date pas d'hier, si j'ai bien tout suivi.

- Cela peut suffire pour nous, par exemple. Mais pour eux…

- Ce sera peut-être plus difficile, mais ce sera aussi le cas pour eux. Fais leur confiance, leur lien est incroyablement puissant. Tu dois le ressentir encore plus que n'importe qui.

- Bien sûr. Et j'essaie vraiment d'y croire. Mais ce qui s'est passé ce soir me donne raison de me méfier.

- Attends au moins d'avoir le fin mot de l'histoire, avant de juger.

- Je ne juge pas, je constate, simplement, se défendit le Gémeau.

- Tu n'as pas assez d'éléments pour que ce constat soit fiable, fit remarquer le Sagittaire.

Saga se leva et commença à débarrasser la table, sans rien ajouter.

Aioros l'imita en respectant son silence.
Mais au bout d'un moment, sentant l'atmosphère s'alourdir, il interrompit ses allers-retours et le prit dans ses bras.

- Arrête-toi une seconde et calme-toi, tu veux bien ?

- Je ne suis pas énervé.

- Tu es inquiet et tu anticipes.

- Et toi, tu les défends systématiquement !

Aioros avait senti que Saga était contrarié et que cela avait un rapport avec lui : il l'avait laissé le prendre dans ses bras, mais avait gardé les siens le long de son corps, sans le toucher.

Cela n'arrivait jamais dans l'intimité de leurs appartements.

Dès qu'ils s'approchaient significativement l'un de l'autre, leurs mains trouvaient naturellement leurs places sur leurs corps respctifs.

- Non, ce n'est pas ce que je fais, répliqua-t-il avec douceur. J'essaie seulement de nuancer tes propos très catégoriques, alors que tu n'as pas toutes les informations. Et peut-être aussi que je défends leur droit au bonheur, envers et contre tout.

- Tu penses que je ne veux pas que Kanon soit heureux ?

- Tu as du mal à accepter qu'il puisse l'être avec Radamanthe. Pourtant, ça dure depuis un an et jusqu'à présent, tout s'est bien passé, non ?

- Le début est toujours parfait, même pour les couples mal assortis. Puis, leurs dissonances apparaissent, et les problèmes avec.

- C'est leur histoire. Et franchement, ça nous dépasse totalement, ce qu'il y a entre eux. Je ne crois pas qu'on puisse analyser leur relation en la comparant à d'autres. Pourquoi le ferions-nous, d'ailleurs ?

- C'est vrai, reconnut Saga en posant enfin ses mains sur les hanches d'Aioros. Mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Et en prenant en compte cette opposition entre leurs deux univers, j'ai toujours du mal à comprendre pourquoi ce devait être lui. Pourquoi leur imposer cela ?

- Il n'y a sûrement rien à comprendre, mon aimé. C'est ainsi. Ils se sont choisis et liés il y a très longtemps. Leurs âmes ont tout traversé pour se retrouver. Que peuvent de simples mortels contre cela ? Et pourquoi même aller à l'encontre de leur destinée ?

- C'est plus fort que moi, avoua Saga.

- Radamanthe est quelqu'un de bien, pourtant, tu le reconnais sans problème. Kanon est très épanoui à ses côtés.

- Mais il est Spectre d'Hades et Juge des Enfers, il appartient au royaume des morts. Kanon devrait profiter pleinement de sa vie à la surface et ne pas s'enterrer avec lui.

- C'est son choix, rappela Aioros. Et il est parfaitement compréhensible. Si tu avais été prisonnier des Enfers, par exemple, je serai resté à tes côtés.

- Je ne suis pas Eurydice et tu n'es pas Orphée, grimaça Saga.

- Je te dis juste que j'aurais fait ce choix. Quel intérêt d'une vie à la surface, sans toi ? N'es-tu pas du même avis.

- Évidemment que si.

- Kanon partage sa vie entre ici et là-bas. Et il est heureux ainsi. Tu dois l'accepter.

- Je l'ai fait.

- Pas totalement, nuança le Sagittaire. C'est comme avec moi, au début. Tu as du mal à accepter que ta vision du bonheur pour quelqu'un puisse ne pas être celle que cette même personne a choisi.

Saga soupira, puis posa sa main sur la joue d'Aioros, qui savoura la caresse et le soulagement qu'elle lui apportait.

- Il vaut mieux arrêter d'en parler, décida le Gémeau. Je ne veux pas qu'en plus d'avoir ruiné la soirée de mon frère, Radamanthe nous gâche la nôtre. Nous verrons bien ce que nous dira Kanon demain.

- S'il accepte d'en parler.

- Oui, répondit Saga après une hésitation.

Aioros prit la main de Saga et embrassa sa paume.
Il le sentait encore à cran.

- Tu vas réussir à te détendre ?

- Je ne serai pas contre un peu d'aide, répondit Saga en lui souriant tendrement.

- Tu n'es donc pas fâché contre moi ?

- Pourquoi, parce que tu as ton propre avis et que tu es plus objectif que moi ?

Aioros sourit.

- Je suis content que tu le reconnaisses. Mais je suis conscient que ce n'est pas très gentil de ma part, ni agréable pour toi, que je te reprenne à chaque fois.

- Certes, mais c'est nécessaire. Je te remercie d'être franc avec moi.

- Je le serai toujours, même si cela doit te contrarier, assura Aioros. Parce que je ne vise qu'un seul objectif, ton bonheur. Kanon a choisi Radamanthe et tu ne pourras rien y changer. Il n'y a qu'en l'acceptant que tu te sentiras mieux. Même si c'est difficile.

- J'espère que personne n'aura à regretter ce choix. Nous aurons une partie de la réponse quand Kanon nous expliquera ce qui s'est passé. S'il l'accepte, ajouta-t-il face au regard du Sagittaire. En attendant…

- Oui ? l'encouragea-t-il en posant son front contre le sien.

- Comme je te l'ai dit plus tôt, je ne serai pas contre un peu d'aide pour me changer les idées.

- Tout ce que tu veux, mon aimé. Douche, massage, jeux, film... Tout ça... On a toute la soirée et la nuit, dis-moi ce qui te ferait du bien.

- Alors, pour commencer… Shogi ou tavli ?

- C'est toi qui décide, selon tes besoins. Le tavli est plus rythmé que le Shogi.

- Alors va pour le Shogi, décida Saga en détachant son front du sien. Et le vainqueur aura le droit à un massage et un gros câlin.

- J'aime tes jeux où il n'y a jamais aucun vrai perdant.

Saga l'embrassa tendrement, avant d'aller chercher le plateau de Shogi.

Lorsqu'il retrouva Aioros dans le salon, une douce musique égrenait ses notes depuis le tourne-disque.

Il reconnut immédiatement le titre de Lobo, « I'd love you to want me », qu'ils avaient tant écouté, adolescents. Combien de fois n'avaient-ils pas fredonné les paroles si évocatrices pour eux, notamment le refrain, en se regardant à la dérobée… ?

Son frère et ses problèmes de couple disparurent presque de l'esprit de Saga, alors qu'il remontait le temps au rythme de la chanson.

- Tu es nostalgique, mon amour ? demanda-t-il au Sagittaire, tout en posant le plateau de jeu sur la table basse.

Aioros y avait déjà déposé un petit apéritif rapidement préparé pour accompagner leur soirée détente.

- Je voulais passer un peu de musique et je suis tombé dessus, répondit ce dernier. J'ai sauté sur l'occasion d'enfin réaliser un rêve.

- Lequel ?

Aioros lui tendit une main que Saga saisit avec un petit sourire, car il avait deviné de quoi il s'agissait.
Et effectivement, le Sagittaire l'enlaça et doucement, l'entraîna sur le rythme d'un tendre slow.

Il ne fallut guère longtemps à Saga pour se détendre complètement dans l'étreinte d'Aioros, à la fois puissante et tendre.

Joue contre joue, leurs lèvres soufflaient, au creux de leurs oreilles, ces paroles qui surgissaient du passé…

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« […] Quelque chose dans mon âme pleure

Je vois le désir dans tes yeux

Bébé, j'aimerais que tu me veuilles

Exactement comme je te veux

Exactement comme cela devrait être

Bébé, tu aimerais que je te veuille

Exactement comme je le veux

Exactement comme ce devrait être »

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Notes :

Selon le Livre Guinness des records, le tir précis ayant franchi la plus longue distance de l'histoire du tir à l'arc a été réussi par l'athlète paralympique Matt Stutzman, grâce à son tir de 283,47 mètres (930,04 pieds) en 2015. C'est l'équivalent de trois terrains de football. Pour les débutants,, les cibles se situent à une distance de 20 à 30 mètres selon le type d'arc.

Shogi : variante japonaise des échecs

Tavli : variante grecque du backgammon déclinée en 3 manières de jouer, très prisé par les grecs à travers tout le pays.

I'd love you to want we, Lobo, 1972. Je n'ai eu aucun mal à imaginer Saga et Aioros dansant sur cette chanson, j'espère que vous aussi (si vous avez la curiosité d'aller découvrir ou redécouvrir ce morceau, dispo sur YouTube)

Merci d'avoir lu, j'espère que vous avez aimé !
Bonne continuation à vous, à bientôt pour la suite, si vous le voulez bien, dans une semaine ou deux.

Lysanea