Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros et Radamanthe x Kanon, Shion, Athéna
Rating : T+
Notes :
Bonjour à tous. Merci pour votre présence, votre fidélité, vos reviews et vos ajouts, ainsi que les échanges que nous avons en MP pour certains.
MERCI à mes deux fidèles lectrices et revieweuses "anonymes" (c'est n'importe quoi cette appellation puisque vous avez un nom) :
Mini-Chan : Merci pour ton commentaire ! Tu peux parler tant que tu veux ça ne me dérange absolument pas ! Et j'aime bien comment tu signes aussi ! Pour te répondre sur la scène Rad x Kanon, et bien ce genre de scène n'est pas un exercice facile pour moi, je suis très pudique (et peu douée pour décrire ces moments). Mais parfois je suis inspirée et ça vient tout seul. Du coup je ne peux rien te promettre pour Shura et Angelo ! Désolée ! Mais j'y pense, on sait jamais...
Athéna : merci pour ta fidélité et ton commentaire ! Je suis soulagée que le couple Rad et Kanon soit crédible, c'est ma vision et je suis contente qu'elle plaise. C'est facile de décrire la réaction de Kanon, je suis une Gémeau pure et dure ! Saga et Aioros ne sont pas vraiment fâchés alors Aiolia ne devrait pas intervenir ! Ils ne le sont même pas du tout, Aioros a bien travaillé lors de cette soirée, je te laisse le découvrir ici ;)
Attention ! Léger lime.
Bonne lecture à tous.
Chapitre Douze.
Je t'aime dans le temps. Je t'aimerai jusqu'au bout du temps. [...] Et rien de cet amour, comme rien de ce qui a été, ne pourra jamais être effacé.
(Jean d'Ormesson)
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Sanctuaire
Maison des Gémeaux
Mai 1989
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Le lendemain matin, Kanon tint parole et rejoignit Saga et Aioros.
Saga s'était levé tôt et trépignait d'impatience en préparant le petit-déjeuner, prêt à aller chercher son cadet lui-même, quand celui-ci toqua enfin et entra.
Il fut soulagé et il ne s'en cacha pas.
- Bonjour, Kanon. Je suis content que tu sois là.
- Salut, répondit-il en l'embrassant. Tu pensais que je ne viendrai pas ?
- Ça sentait bon, j'ai cru que tu préparais ton petit-déjeuner tout seul dans ton coin.
Kanon posa le plat qu'il tenait dans les mains sur la table et en profita pour saluer Aioros.
- Je ne voulais pas venir les mains vides. Et en même temps, c'est pour rappeler que je viens pas pour me battre.
- Personne ne veut se battre, assura le Sagittaire. En tous cas, Saga a raison, ça sentait vraiment bon dans tout le Temple, sûrement ! fit-il encore remarquer. Qu'est-ce que c'est ?
- Une spécialité canadienne qu'ils mangent le matin : des œufs au sirop d'érable. C'est délicieux, je voulais le partager avec vous. Je le fais moins bien qu'eux, j'ai à peine eu le temps d'apprendre, mais je me débrouille pas si mal.
- C'est avec Radamanthe que tu aurais dû partager cela, intervint Saga en posant la panière de pains chauds sur la table déjà bien garnie.
- C'est prévu aussi, répondit Kanon sans se démonter. Je peux aider à quelque chose ?
- Non, tout est prêt ! le remercia Aioros en amenant le jus d'orange tout juste pressé. Asseyons-nous.
Les trois hommes s'installèrent et discutèrent de tout et de rien un moment, surtout du Canada et de la mission assez tranquille de Kanon.
Le silence finit par reprendre ses droits dans un échange de regards tendus.
Kanon était un peu surpris par l'attitude moins agressive de Saga, il s'attendait à être questionné sans relâche dès le départ.
Il appréciait qu'il se soit retenu ou contenu, mais il redoutait que ce ne soit que le calme avant la tempête.
Ou une légère accalmie entre deux bourrasques, vu qu'ils avaient eu un avant-goût la veille.
Le comportement moins belliqueux de Saga était le fruit de sa réflexion, mais aussi et surtout, de ses échanges avec Aioros et de leur soirée détente plus que réussie.
L'ambiance devenant pesante, car aucun des deux frères semblait décidé se lancer, Aioros finit par prendre les devants pour éviter l'explosion brutale des premiers mots.
- Je vais vous laisser parler entre vous, annonça-t-il en se levant.
- Je préférerai que tu restes, si tu veux bien, l'arrêta le cadet des Gémeaux. J'ai une petite idée de la réaction de mon frère et je pense que ta présence pourrait calmer le jeu. Et ton avis compte pour moi.
- Très bien, accepta le Sagittaire en en se rasseyant.
Il était d'un côté de la table, Saga à sa gauche – côté cœur, toujours - et Kanon à sa droite, les deux frères se faisant face.
Ce n'était peut-être pas volontaire, mais cela lui donnait vraiment l'impression d'avoir à arbitrer un match quelconque ou un débat.
- Tu t'es donc bien disputé avec Radamanthe, déduisit l'aîné. Qu'est-ce qu'il a fait ?
Son ton était calme, mais Kanon ne s'y trompa pas.
- Avant tout, je tiens à ce que tu gardes à l'esprit que je ne suis absolument pas obligé de te raconter quoi que ce soit. Mais si je le fais, c'est parce que j'espère qu'après la colère et les invectives, que tu ne vas pas manquer de lui adresser, tu puisses me donner un avis le plus objectif possible.
Saga le regarda longuement, puis se laissa aller dans sa chaise, essayant de se détendre au maximum.
- Je vais faire de mon mieux.
- Je suppose que je ne peux en demander plus. Tu veux bien me promettre au moins de m'écouter jusqu'au bout sans m'interrompre ?
Une nouvelle courte hésitation, puis…
- Tu as ma parole.
Kanon hocha la tête, puis se lança et résuma sa discussion avec Radamanthe.
Plus d'une fois, Saga se crispa en se mordant la lèvre pour ne pas intervenir, comme il l'avait promis.
Même la main apaisante d'Aioros sur son bras nu ne parvenait pas à calmer la fureur qu'il sentait grandir en lui.
L'aîné des Gémeaux était un homme sage et réfléchi, il avait retrouvé cette réputation qu'il avait acquise très jeune.
C'était encore plus le cas, avec les années, les épreuves et la maturité, ainsi que le pardon d'Athéna et de ses pairs.
Sa relation avec Kanon, puis celle avec Aioros l'avaient définitivement apaisé.
Pour autant, tous avaient rapidement pu constater, et lui le premier, que quand cela concernait son frère, il n'était pas rare qu'il se mît dans des états à l'opposé de sa nature.
Ainsi, parfaitement conscient de cela, Saga se fit violence pour ne pas lâcher un mot.
Y compris à la fin du récit, où il ne s'autorisa pas à parler avant d'avoir assimilé tout ce qu'il venait d'entendre, chaque phrase et chaque implication de celles-ci.
Parce qu'Aioros était pleinement conscient de la tornade qui vrombissait sous le crâne de son compagnon, sa main se fit plus lourde sur le bras nu de Saga, alors que de son pouce, il le caressait tendrement pour l'aider à se détendre.
Cela fit son effet, cette fois-ci.
Leurs efforts combinés firent retomber lentement la pression et la colère qui menaçaient de noyer la raison de Saga.
Le regard de Kanon aida aussi, car il regardait son frère avec détermination et confiance.
Et une étincelle de défi que ne manqua pas Saga.
Elle n'était de toute façon jamais bien loin, chez lui, prête à briller à tout instant.
Saga finit par se lever pour faire quelques pas, puis il s'adossa au frigo face à la table et à Kanon.
- J'ai toujours pensé, sans jamais m'en cacher, qu'un désaccord majeur allait finir par vous opposer, un jour ou l'autre, tout en espérant que cela ne vous conduirait pas à la séparation. Vous appartenez à deux mondes opposés par essence depuis les temps mythologiques, c'était une évidence.
- Tu veux que je te dise quoi, bravo, tu avais raison ?
Kanon n'était pas surpris de cette entrée en matière, sa réponse avait donc été très calme.
- J'aurais préféré avoir tort, crois-moi, assura l'aîné. Ce que j'ai du mal à encaisser et qui ne me plaît vraiment pas, c'est que Radamanthe ait agi de cette façon, et qu'il se permette de te mettre dans une telle situation.
- Est-ce véritablement étonnant, lorsqu'on y réfléchit ? intervint Aioros. Je veux dire par-là que Radamanthe t'a attendu des millénaires, Kanon, c'est normal qu'il ne veuille plus être séparé de toi. Et qu'il n'ait pas envie de se contenter d'une vie de mortel non plus.
- Cela ne justifie en rien son attitude, ni ses propos, protesta Saga.
- Non, mais ça l'explique, répliqua Kanon. Et moi non plus, je ne veux pas être séparé de lui, je peux comprendre son point de vue.
Cette annonce porta un coup à Saga.
- Ne me dis pas que tu réfléchis sérieusement à la solution qu'il veut t'imposer ! s'alarma-t-il en s'avançant vers son cadet jusqu'à poser ses mains à plat sur la table. Kanon, voyons !
- Il ne m'impose rien, Saga. Il pensait seulement que c'était évident. Mais en découvrant que ce n'était pas le cas, il a accepté d'en discuter avec moi...
- Encore heureux !
- … et de me laisser réfléchir, termina Kanon, sans tenir compte de son interruption.
- Il n'a donc pas renoncé pour autant, conclut Saga en croisant fermement les bras sur son torse. Comment ose-t-il te demander une telle chose, n'a-t-il aucun respect pour toi ?
Kanon serra les poings.
- Ça n'a rien à voir. Il place seulement notre lien au-dessus de tout, répondit-il avec un calme qui commençait à s'effriter.
- Y compris des Dieux, souligna Saga. C'est insensé et à la limite du blasphème !
L'aîné des Gémeaux soupira et se dirigea vers la fenêtre de la cuisine pour s'appuyer, d'une épaule, sur la vitre, tout en portant son regard au travers.
- Il est fils de Zeus et Second Juge des Enfers, rappela son cadet.
Les yeux ombrageux de Saga vinrent s'ancrer à ceux tourmentés de Kanon.
- Ce qui lui donnerait donc le droit de te demander de trahir Athéna, mais aussi et surtout, ce que tu es : un Chevalier. Je suis désolé de te dire cela, mais lorsqu'on aime quelqu'un, on n'agit pas de la sorte, Kanon.
- Tu mélanges tout, soupira ce dernier. C'est justement parce que c'est moi qu'il veut, moi, Kanon des Gémeaux, et pas une prochaine incarnation, qu'il tient tant à me garder auprès de lui après ma mort.
- En tant que Spectre d'Hadès, grinça Saga en venant se rasseoir. Ce qui veut dire qu'en cas de nouveau conflit avec Athéna dans le futur, tu devras te dresser contre Elle. Tu réalises ? Bien sûr que non ! Tu n'as pas la moindre idée du déchirement et de la souffrance que cela provoque, articula-t-il difficilement en serrant les poings, hanté par sa propre expérience de renégat. Ton âme se brise en mille morceaux à chaque geste ou mot à son encontre et chacun d'eux te lacère profondément.
Aioros lui prit la main et desserra son poing pour la nouer à la sienne, et la pressa tendrement, attirant son attention vers lui.
Les ombres dans le regard du Gémeau s'estompèrent, alors que la lumière et la chaleur du cosmos du Sagittaire l'enveloppaient pour chasser les ténèbres où il avait replongé.
Il remercia son compagnon d'un sourire et d'une pression sur sa main, toujours liée à la sienne.
- Je ne prétends pas savoir ni comprendre ce que tu as vécu, répondit alors Kanon très calmement. Je ne peux que l'imaginer et c'est bien ce qui me bloque autant, aujourd'hui, il est hors de question pour moi de trahir Athéna. Mais ce conflit contre Hadès peut aussi ne jamais avoir lieu.
- Et si cela arrive quand même ? objecta l'aîné. Tu comptes vivre en toute insouciance en ignorant cette possibilité ? Une fois que tu seras Spectre, tu ne pourras plus reculer.
- Je n'ai pas de réponse, Saga. Celle que je pourrais te fournir aujourd'hui ne correspondra certainement pas à la situation qui se présentera peut-être, un jour.
- Et donc ? Que comptes-tu faire, présentement ? Laisser cette question en suspens ?
- Je ne sais pas. Je ne vois pas de solution, pour le moment. C'est aussi pour cela que je me confie à vous deux. Vous êtes plus objectifs que moi et vous réfléchissez différemment. Enfin, j'attends que tu sois objectif, Saga, comme je te l'ai demandé avant de tout te raconter. Tu m'as promis d'essayer.
Saga se leva de nouveau et fit les cent pas dans la cuisine.
- Et si tu présentais la situation à la Princesse Athéna, directement ? proposa Aioros après un court silence toujours aussi tendu.
- Tu veux qu'il lui demande l'autorisation de la trahir ? s'offusqua l'aîné en se tournant vers son compagnon.
- Bien sûr que non, Saga. Il ne s'agit peut-être même pas de trahison. Kanon ne va pas rejoindre le camp ennemi, puisqu'il n'y a plus de camp ennemi.
- Aujourd'hui, peut-être, mais demain ou les jours d'après ? Nous ne sommes peut-être plus ennemis, nous ne sommes pas alliés pour autant.
- Tant que je serai en vie, je resterai un Chevalier d'Athéna et je me battrai à vos côtés contre quiconque la menacerait d'une quelconque façon.
Sa détermination et la passion avec lesquelles avaient vibré ses mots ne permettaient pas de douuter de sa sincérité et de son engagement. Même si Aioros et Saga n'en avaient pas besoin.
- Mais en tant que Spectre, tu pourrais être amené à la trahir, dans un futur plus lointain.
- Je n'accepte pas cette éventualité.
- Tu refuses donc de te soumettre à la volonté de Radamanthe de faire de toi un Spectre ?
- Il ne s'agit pas de me soumettre à lui, soupira Kanon. Il ne veut pas faire de moi un Spectre, mais me garder avec lui, à jamais. Et il s'agit d'une volonté partagée.
Saga tiqua à cette affirmation.
- Je te demande pardon ?
- Je veux autant que lui partager son éternité. Mais je ne veux pas trahir Athéna pour se faire.
- Cette possibilité ne t'est pas offerte, Kanon ! Même si tu renaissais en tant que Spectre et Chevalier, ce qui serait déjà une aberration, tu serais confronté à ce même dilemme de devoir ou non trahir Athéna.
- C'est justement là le nœud du problème, Saga. Je pensais mourir et retrouver Radamanthe dans une prochaine vie et toutes les suivantes. Mais je ne veux pas perdre mes souvenirs, à chacune d'elles, ni prendre le risque de ne pas me réincarner pendant une longue période. Nous avons déjà été séparés de si longs millénaires...
- Que ton âme a passé emprisonnée aux Enfers, je te rappelle, et dont tu n'as aucun souvenir. Il ne te reste à peine que quelques bribes de ta première vie avec Radamanthe ! souligna Saga.
- Peut-être. Mais je ne veux pas qu'il ait à revivre cela, d'une part, et d'autre part, je suis sensible à son argument qui me présente comme la seule incarnation avec laquelle il veut être. Je veux, moi aussi, partager son éternité en tant que Kanon, clama-t-il pour la seconde fois avec détermination. Je ne pense plus qu'à cela depuis hier soir, avoua-t-il encore dans un souffle.
- Tu ne songeais même pas à cette possibilité, avant qu'il n'en parle ! répliqua Saga avec un petit ricanement désabusé.
- Mais il l'a fait, j'en ai pris connaissance et je veux trouver le moyen de la rendre compatible avec tout le reste.
L'aîné des Gémeaux se pinça l'arrête du nez en soupirant un court instant.
Puis, il ancra son regard à celui de son cadet, une nouvelle fois.
- C'est long, l'éternité, tu n'as pas la moindre idée d'à quel point. Radamanthe et toi êtes ensemble depuis un an et tu te crois déjà certain de vouloir être avec lui à jamais ? Au point de mettre sur la balance ton statut de Chevalier et la pérennité de ton allégeance à Athéna ?
- Oui, pour ta première question et tu le sais, puisque vous ressentez la même chose, tous les deux, en ce qui concerne votre couple. Cela fait partie de ces évidences dont on ne demande ni preuves, ni début d'explication. Si l'éternité vous était offerte, la refuseriez-vous ?
- A la condition de devenir des Spectres et de trahir Athéna ? Évidemment.
- Moi aussi, Saga. Mais n'essaieriez-vous pas de trouver le moyen de concilier les deux ?
- Je pense que je le ferai, répondit Aioros, mais c'est difficile de l'envisager, lorsque la projection n'est pas réelle. Nous pouvons dire que nous ferions ceci ou cela, mais sans être directement confronté à la situation, ce serait un peu facile et biaisé.
- C'est sûr que cela impose une profonde réflexion.
- C'est exactemement là où j'en suis, depuis hier, assura Kanon. Je le répète, je veux trouver un moyen d'obtenir cette éternité à ses côtés, sans devoir rien sacrifier.
Saga refit quelques allers-retours du frigo à la fenêtre, avant de s'y adosser.
- Je ne comprends pas… Nous avons déjà eu droit à cette seconde vie, et tu en veux davantage. Tu m'as demandé de l'objectivité, voici mon avis : tu en demandes beaucoup trop, Kanon. Espérer autant, c'est surréaliste et presque prétentieux. Ce que tu n'es pas, je te pense donc fortement influencé par Radamanthe.
- Merci de ton soutien, grimaça son cadet.
*Saga, mon aimé…
Je sais.*
Saga refit quelques pas, puis soupira.
*Désolé, amour, je ne voulais pas être aussi sec.
J'ai compris, ne t'en fais pas*.
Bien sûr que Saga était conscient d'avoir été dur, mais c'était pour le bien de son frère.
Cela dit, maintenant qu'il avait exposé son point de vue sur la situation, il pouvait bien essayer d'encourager Kanon, même en jugeant son combat perdu d'avance.
- Aioros et moi avons toujours eu une phrase qui nous servait de leitmotiv, expliqua-t-il à son cadet qui le regarda, surpris. « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ».
- Mais nous, on en est conscient, même si on lutte contre.
- Et c'est peut-être cela qui fait qu'on bloque sur des situations. On les dit impossibles à résoudre, alors on essaie pas vraiment.
- Qu'est-ce que je dois comprendre, là ?
- Fais comme si ce n'était pas impossible, Kanon, essaie, essayez tous les deux de solutionner ce problème, qui trouvera peut-être sa résolution. Après tout, elle peut exister, mais ne pas être à notre portée de simples mortels. Quant à Radamanthe, il n'a peut-être pas vraiment cherché, de son côté, puisque sa solution lui paraissait évidente, d'après ce que tu nous en as dit. Tu devrais donc en parler à Athéna, Aioros a raison. La Déesse de la Guerre, si forte et intuitive en stratégie militaire, mais aussi de la Sagesse, si bienveillante et concernée par notre sort, saura bien mieux te guider que nous.
L'aîné des Gémeaux se rapprocha encore de son cadet et posa sa main sur son épaule.
- Je ne veux que ton bonheur, Kanon, et je respecterai ta façon de l'obtenir, même si je suis amené à la désapprouver, ajouta-t-il avant de quitter la cuisine.
Kanon demeura un instant sans voix, immobile, puis il se retourna vivement vers la porte que son grand frère venait de franchir.
- Merci ! s'écria-t-il, avant de refaire face à Aioros. Et merci à toi aussi.
- Je n'ai pas fait grand-chose, je ne voulais pas trop intervenir.
- Mais chaque fois que tu l'as fait était pertinente. J'espère que cela ne créera pas de problème entre vous.
- Aucun risque, ne t'en fais pas, le rassura Aioros avec un doux sourire. Pour la simple et bonne raison que nous sommes tous deux motivés par l'affection que nous te portons. Si Saga s'oppose à toi, ce n'est pas qu'il condamne ta relation avec Radamanthe ou qu'il ne l'apprécie pas, lui. Il veut seulement t'éviter de souffrir, il aurait aimé que le chemin vers le bonheur soit plus simple, pour toi.
- J'ai fini par le réaliser. J'ai servi les mêmes arguments à Radamanthe, hier soir, que ceux qu'il vient de m'opposer, j'étais aussi convaincu que mon frère que ce n'était pas possible.
- Un discours réaliste qui laisse peu de place à l'espoir et aux rêves.
- Exactement. Et je me retrouve dans la position inverse, aujourd'hui. Maintenant, Rad' et moi sommes sur la même longueur d'ondes. N'était-ce pas aussi le but de Saga ?
Le sourire d'Aioros s'accentua.
- Cela ne m'étonnerait pas de lui. Peut-être qu'il ne l'avait pas prévu dès le départ, mais au cours de votre discussion, cela s'est peut-être précisé. Et si ce n'est pas le cas, si ce n'était pas volontaire, je suis persuadé qu'il se réjouit de l'issue de votre échange. Même s'il demeure inquiet.
- Si tu arrives à obtenir le fin mot de cette histoire, pourras-tu lui faire savoir que je… que j'y suis particulièrement sensible. Et reconnaissant.
- Tu peux compter sur moi, assura le Sagittaire, toujours aussi avenant.
- Merci. Je vais contacter Shion et demander à voir Athéna au plus tôt. Radamanthe doit m'attendre et faire vivre un enfer à tout le monde…
- Je n'ai aucun mal à l'imaginer, commenta Aioros.
Kanon hocha la tête en se levant, récupéra son plat et gagna l'entrée, accompagné par Aioros.
Saga n'était nulle part en vue, mais une fois la porte refermée, Aioros le rejoignit dans la salle de bain où il s'était retranché.
Il le trouva en train de se brosser les dents, alors il se saisit de sa propre brosse et du dentifrice pour faire de même.
*Comment tu te sens ?* demanda-t-il en le regardant à travers le miroir commun.
C'était pratique de pouvoir communiquer par télépathie, quand il était impossible de le faire verbalement avec du dentifrice plein la bouche.
*C'est pire que ce que je croyais, 'Ros.
Tu avais pourtant deviné que leur dispute découlait d'une opposition majeure liée à leur différence de situation.
J'espérai avoir tort. Ou que l'opposition ne serait pas aussi radicale. Ce n'est pas qu'une différence de situation, mais carrément de nature. Elles ne s'opposent pas, elles se confrontent.
Peut-être pas autant que nous le pensons.*
Saga se rinça une dernière fois la bouche, puis s'essuya.
- Je l'espère de tout mon cœur et de toute mon âme. Cela me déchire de voir et de sentir mon frère en proie à un tel dilemme.
- J'imagine, oui, acquiesça Aioros en suspendant sa propre serviette à côté de celle de Saga. Et je le perçois, ajouta-t-il en caressant sa joue un court instant. Ayons foi en Athéna, mon aimé, je suis sûr qu'Elle saura le guider.
- J'ai confiance en Elle, assura Saga.
- Je sais. Est-ce que tu veux passer la matinée avec les Chevaliers d'Argent plutôt que sur l'inventaire et les commandes avec Dokho ? proposa Aioros alors qu'ils sortaient de la salle de bain. Ça ne me dérange pas d'échanger, s'il te faut quelque chose de plus physique pour te changer les idées.
- Je veux bien, accepta Saga après une courte réflexion. Si je suis au Treizième et que Kanon parvient à obtenir une audience avec Athéna dès ce matin, je ne vais pas pouvoir me concentrer. Tu es sûr que ça te va ?
Aioros lui dédia un large sourire.
Ce petit geste, cette simple vision mit du baume au cœur de Saga.
C'était comme une crème apaisante sur une peau irritée.
Une poche de glace sur un coup de soleil.
En vérité, il n'avait besoin que d'Aioros pour aller mieux, se changer les idées et s'apaiser durablement.
Il en voulait pour preuve la soirée et la nuit qu'ils avaient passé.
La danse chargée de souvenirs avait calmé l'esprit du grand frère tourmenté, mais la sensualité qui l'avait gagné au fil des caresses du Sagittaire, qui s'étaient progressivement faites plus appuyées, avait fini par exciter tous les sens de l'amant ainsi choyé.
Des doux baisers dans le cou aux soupirs aux creux de l'oreille, les corps, dont ils avaient rapidement dénudés les hauts pour sentir leurs peaux nues sans aucun obstacle, avaient fini par se presser plus fort l'un contre l'autre, de manière plus suggestive, plus lascive.
La partie de Shogi tacitement remise à plus tard, Saga s'était laissé entraîner par Aioros jusqu'à leur chambre. Ils avaient tous deux continué de danser au rythme de la musique qui leur parvenait encore, tant bien que mal, puisqu'ils s'étaient débarrassés en même temps du reste de leurs vêtements.
Lorsque le Sagittaire avait renversé doucement le Gémeau sur le lit, ils ne portaient alors plus que leurs boxers… qu'ils n'avaient guère gardé très longtemps.
Saga s'était retrouvé assiégé de baisers et de caresses toutes plus affolantes et électrisantes les unes que les autres, et il avait fait tomber toutes ses barrières, ouvert toutes les portes pour accueillir son amant belliqueux et conquérant.
Mais Aioros était en territoire déjà conquis de longue date il avait investi le corps tant aimé non comme s'annexait un territoire, mais bien comme un retour chez soi, à la maison.
Comme à chaque fois, il avait redécouvert les zones les plus sensibles du Gémeau en s'y attardant particulièrement : la jonction entre l'épaule et le cou, la nuque juste à la naissance des cheveux, la peau fine au creux des reins, la pulpe de son pouce droit, celle de sa lèvre inférieur...
Le Sagittaire passionné et déterminé ne lui avait laissé aucun répit, jusqu'à le rendre fou et perturber tous ses sens.
Car tel avait été son but : noyer l'esprit de Saga sous un flot de sensations et d'émotions pour court-circuiter les pensées négatives et les inquiétudes pour son cadet.
Ainsi, Aioros n'avait pas seulement assiégé le corps de son amant, mais aussi son mental, en se servant de leur connexion pour lui partager tout ce que lui-même ressentait à s'unir ainsi avec lui.
Chaque caresse, chaque baiser, chaque tendre morsure, chaque coup de rein avaient ainsi été reçus autant que donnés par l'un et l'autre, alors qu'ils avaient formé qu'une seule et même entité, corps, cœurs, âmes et esprits réunis, presque fusionnés.
Il n'avait plus été possible aux pensées de Saga de s'égarer, elles avaient été prisonnières du magnétisme d'Aioros, dont le regard n'avait lâché le sien que lorsque le plaisir avait été trop puissant et que l'un ou l'autre avait dû fermer les yeux pour ne pas perdre le contrôle trop vite.
c'était toujours si intense, entre eux, malgré le temps qui passait et le nombre de leurs étreintes qui se succédaient !
En le dévorant et le consumant de la sorte, Aioros l'avait emmené haut, loin et longtemps, jusqu'à un tel état de félicité et d'abandon que son esprit s'était définitivement mis au repos.
Le plateau de Shogi n'avait pas été utilisé, l'ouzo n'avait pas été servi et le bol d'olives était resté intact . les deux hommes n'avaient plus quitté le lit où ils avaient trouvé chacun un sommeil réparateur, après un moment si intense, si passionné, et un plaisir si violent.
- Mon aimé ?
Saga sortit de ses pensées et son regard s'ancra à celui de son amant, qui l'observait avec un petit sourire charmeur.
- Excuse-moi, je me suis égaré.
- J'ai vu. Je t'offrirai bien le même apaisement que hier soir, mais nous n'avons gère le temps, malheureusement.
Avec un petit soupir dépité, Saga enlaça tendrement Aioros et posa sa tête dans le creux de son cou.
- Je sais bien, et c'est franchement dommage... Je suis désolé, reprit-il en relevant le visage vers lui, je ne t'ai pas écouté, que me disais-tu ?
- Je t'assurais juste que cela ne me dérangeais pas qu'on échange. Je me suis occupé des apprentis des deux derniers jours, et avant, j'étais sur la supervision des chantiers avec Angelo. Ça me fera du bien d'être un peu au calme à l'intérieur. En plus, j'aime bien travailler avec Dokho. Avec Shion aussi, mais ce sont deux ambiances différentes.
- C'est vrai. Et je comprends pour Dokho, c'est un peu plus détendu avec lui.
- Exactement, confirma Aioros en frottant son nez à celui de Saga.
Ce dernier accepta la caresse, puis pencha légèrement la tête sur le côté pour réclamer un baiser, qu'il se vit offrir avec plaisir.
Aioros approfondit même leur échange, prolongeant ainsi leur étreinte.
- Je te remercie pour ton offre, amour, murmura Saga après cette douce communion.
- Il n'y a pas de quoi., répondit le Sagittaire en s'écartant lentement de son Gémeau pour le regarder dans les yeux Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu te sentes bien.
- Tu y arrives à la perfection.
- Et tu me le rends bien, assura Aioros.
Les deux hommes réussirent à se détacher l'un de l'autre, bien qu'à contrecœur, et ils rejoignirent la chambre pour s'habillèrent en fonction de leur occupation de la matinée : tenue d'entraînement pour Saga, jean et t-shirt pour Aioros, qui avait fort heureusement la moitié de ses affaires chez son Gémeau.
Il n'aurait ainsi pas besoin de s'arrêter chez lui avant de rejoindre le Vieux Maître, qui devait déjà être à la tâche depuis une bonne heure, comme à son habitude.
Les deux amants se séparèrent sur le parvis du Troisième Temple, après un dernier baiser et quelques encouragements pour leurs occupations respectives, se donnant rendez-vous a l'heure du déjeuner pour le repas.
Saga suivit des yeux son compagnon qui montait les marches à grande vitesse, tant et si bien qu'il disparut rapidement à sa vue.
L'aîné des Gémeau porta alors son regard plus haut, vers le Treizième Temple, et y envoya toutes ses prières à sa Déesse pour qu'Elle pût résoudre le problème d'apparence insoluble de son cadet.
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Palais du Grand Pope,
Appartements de la Princesse Athéna.
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Lorsque Kanon avait soumis sa requête à Shion, qu'il avait trouvé en train de consulter des documents dans la salle des Archives, le Grand Pope l'avait immédiatement transmise à leur Déesse.
En effet, il avait senti la gravité de la situation à la simple approche de Kanon, et cela s'était confirmé lorsqu'il l'avait eu face à lui.
La Princesse Athéna aussi le comprit, mais Elle ne souhaita pas le recevoir dans un cadre trop formel.
Ainsi, Elle leur demanda de la rejoindre sur la terrasse qui surplombait les jardins du Palais et qui avait vu sur la mer, au loin.
Les embruns leur parvenaient et Elle savait que cela aiderait Kanon à se détendre.
Le Gémeau ne connaissait pas cet endroit, il fut ébloui un court instant par ce panorama, et respira à plein poumons le souffle éthéré que la Méditerranée leur envoyait.
Mais la présence de sa Déesse était tellement plus intense et envoûtante qu'elle noya tout le reste.
Debout dans la lumière déjà chaude du matin, vêtue d'une de ses nombreuses robes au blanc immaculé, ses longs cheveux de bronze retenus par un bandeau doré, Athéna les accueillit en souriant avec bienveillance.
Les deux hommes s'arrêtèrent à distance respectueuse et s'inclinèrent.
Puis, le Grand Pope se plaça humblement aux côtés de leur Déesse, après un regard significatif de sa part, alors que le Chevalier demeurait un genou à terre devant Elle, le poing sur le cœur.
- Relève-toi, Kanon, je te prie. Et parle sans crainte et sans détours.
- Je vous remercie, Votre Altesse, répondit-il en s'exécutant. Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté de me recevoir si vite.
Athéna hocha simplement la tête.
Kanon inspira profondément l'air marin, ce qui lui fit du bien, et se lança.
Il expliqua la situation le plus objectivement possible, présentant les arguments de Radamanthe, les siens, ceux qu'ils avaient eu pour son compagnon et ceux qu'il avait tenu à Saga, la suggestion d'Aioros et la conclusion de son frère.
Athéna et Shion l'écoutèrent sans jamais l'interrompre ni manifester la moindre émotion particulière.
Le sourire de la Princesse était seulement devenu plus grave.
Elle avait les mains jointes devant Elle, alors que celles de Shion avaient disparu dans son dos.
Le regard aux iris rose si troublantes de ce dernier était posé avec intensité sur le Gémeau, qui avait l'impression qu'il sondait son âme jusqu'à ses plus anciennes incarnations.
C'était presque plus perturbant que l'aura divine d'Athéna qui l'enveloppait, alors que tout comme son cosmos, Elle la contenait au maximum et la remodelait pour ne pas incommoder ses Chevaliers. Et ne pas causer de dommages à ce corps humain où Elle avait choisi de se réincarner.
Ses précédentes incarnations n'avaient pas survécu aux Guerres saintes et avaient péri jeunes.
Elle n'avait aucune idée de combien de temps Elle pourrait demeurer Saori Kido dans cette ère.
- Kanon, tu es bien conscient de tes paroles et de leur implication ?
- Oui, Votre Eminence, répondit-il au Grand Pope qui venait de prendre la parole, après un long silence pesant.
- Est-ce que tu te présentes devant Notre Déesse comme à une table de négociation ?
- Je ne me permettrai jamais une telle action. J'expose juste le dilemme auquel je suis actuellement soumis, espérant qu'il y ait une solution à laquelle nous ne pouvons penser, car nous sommes limités par notre condition humaine et mortelle et notre manque de connaissances aussi, peut-être. Si cette situation s'est déjà présentée, par exemple, par le passé…
- C'est inédit, Kanon, intervint alors doucement Athéna. Un Spectre et un Chevalier sont opposés, par essence. Hadès et son armée sont nos ennemis naturels. La plus grande menace que le Monde ait connue, depuis les Temps mythologiques. Poséidon ne s'est soulevé contre moi que parce que tu l'as libéré de mon seau et sous ton incitation. C'était une occasion pour Lui de se venger des multiples revers subis contre moi et ma Chevalerie.
- Je…
- Je ne dis pas cela pour raviver ta culpabilité, Kanon, le coupa-t-Elle avec toujours autant de douceur. Elle n'a plus lieu d'être. J'annonce simplement un fait, qui fait partie de l'Histoire, et de notre histoire. La tienne, la mienne, la nôtre.
- Oui, Votre Altesse, acquiesça-t-il en baissant la tête, la main sur le cœur.
La Déesse observa son Chevalier un court instant en silence.
- J'accepte que l'on discute de cette situation ensemble, Kanon, mais je pense qu'il manque quelqu'un pour que cet échange soit équitable. Un Juge, peut-être ? proposa-t-Elle avec un petit sourire espiègle.
Kanon, qui avait relevé la tête, se demanda furtivement si ce trait de caractère était propre à Athéna ou s'il s'agissait d'une influence de la personnalité de la jeune Saori Kido.
- Vous voulez que Radamanthe se joigne à nous, Votre Altesse ?
- Il est autant concerné que toi. Cela me paraît pertinent et juste de lui donner la parole. Y vois-tu un inconvénient ?
- Non, bien sûr, Votre Altesse. Il en sera fait selon votre volonté, Princesse Athéna.
- Shion, qu'en penses-tu ? demanda encore la Déesse.
- Je suis entièrement d'accord avec vous, Votre Altesse. Mais si je peux me permettre, nous devrions les recevoir de manière plus formelle.
- Bien sûr. Kanon, je t'autorise à ouvrir un portail et à te rendre aux Enfers.
- Maintenant ? s'étonna-t-il.
- Oui. Explique la situation au Second Juge et s'il lui est possible de venir, nous vous attendrons dans la Salle du Trône. Auquel cas, qu'il nous indique à quel moment il sera disponible. Nous nous arrangerons pour le recevoir.
- Très bien, Votre Altesse, Votre Eminence.
Sans plus attendre, Kanon utilisa Another Dimension pour relier le Sanctuaire à l'entrée des Enfers.
A peine quelques secondes passèrent après avoir franchi la Grande Arche si accueillante du Royaume souterrain, que Radamanthe se matérialisa devant lui.
Cela faisait plus d'un an qu'ils passaient quasiment toutes leurs soirées et leurs nuits ensemble, et pourtant, ils ressentaient encore et toujours ce petit frémissement d'exaltation à la vue de l'autre, qui s'accentuait lorsque leurs regards se verrouillaient.
Et qui se transformait souvent en frisson, dès qu'ils se touchaient.
Radamanthe n'avait pas besoin de son surplis pour être affolant de charisme et de puissance.
Mais Kanon le reconnaissait sans peine, enveloppé par sa Wyvern, il en imposait à un tout autre niveau.
Le Spectre s'avança résolument jusqu'au Chevalier et l'embrassa, sans que celui-ci ne chercha à se dégager.
Il répondit plutôt à la douce pression de ses lèvres contre les siennes.
- Bonjour, Kanon, le salua-t-il en se détachant lentement, mais sans trop s'éloigner.
- Bonjour, Radamanthe, répondit le Gémeau, toujours plus formel lorsqu'ils étaient en extérieur et d'autant plus, aux Enfers. Je suis désolé de te déranger en plein travail…
- J'aurais préféré que tu le fasses plus tôt encore, le coupa le Juge. Je t'ai attendu.
- Tu n'aurais pas dû.
- Au contraire, puisque tu as fini par revenir. Rentrons, on sera mieux chez…
- Attends, l'arrêta Kanon, alors que Radamanthe était à deux doigts de les téléporter à Caina. Je suis simplement venu te demander si tu pouvais venir au Sanctuaire.
Le Spectre lui fit face, surpris.
- Maintenant ?
- Oui, ou dès que tu peux.
- Ton frère ? crut-il deviner.
- Non, Athéna et Shion.
Le visage de Radamanthe s'assombrit.
- Qu'est-ce que cela veut dire, Kanon ?
- J'ai parlé avec mon frère et Aioros, ils m'ont suggéré de consulter Athéna. Ce que j'ai fait, ce matin. Enfin, ce que j'étais en train de faire. Je lui ai expliqué la situation, ainsi qu'au Grand Pope. Et ils pensent que tu dois être présent pour que la situation soit discutée équitablement.
- Je dois venir assister à mon propre procès ? Quelle ironie !
- Bien sûr que non ! le détrompa Kanon. C'est seulement que tu es concerné, toi aussi. C'est normal qu'on en parle ensemble, non ?
- Nous devrions en parler tous les deux, d'abord. Je ne suis pas certain d'être à mon avantage, dans cette configuration, mais soit, je suis prêt à défendre mes intérêts. Le principal étant toi, et l'éternité que l'on devrait pouvoir partager ensemble sans devoir en faire une affaire d'état.
- Tu ne seras pas en territoire ennemi, tu sais, assura Kanon. Il s'agit simplement de parler et d'essayer de trouver une solution.
- Tu es prêt à en chercher une ?
- Bien sûr.
Radamanthe haussa le sourcil coté gauche.
- Etant donné que cela ne semblait pas acquis a ton départ précipité, hier soir, je considère que c'est une progression.
- Tu pourras remercier Saga et Aioros, ne put s'empêcher de le taquiner Kanon.
- Je n'y manquerai pas, répondit-il en lui rendant son, sourire provocateur.
Le Gémeau lui concéda la victoire.
Il y avait plus urgent, ce n'était pas le moment de se lancer dans une joute verbale.
- Tu acceptes donc de venir dès à présent ? reprit-il.
- Oui. Laisse-moi seulement prévenir mes frères et mes subordonnés. Je rentre également rapidement me changer pour pouvoir être reçu au Sanctuaire. Je n'en ai pas pour longtemps.
- Je t'attends, assura Kanon en hochant la tête. Merci.
Cela ne prit évidemment que quelques minutes à Radamanthe, qui réapparut peu après en élégante et sobre toge d'apparat.
Kanon se fit encore la réflexion que c'était vraiment incroyable comme tout lui allait.
Il était persuadé que même vêtu de haillons, son Juge exploserait de charisme.
C'en était presque indécent.
Radamanthe prit note du regard et du sourire appréciateur de son Gémeau et s'en réjouit, mais ne fit aucun commentaire.
Il le suivit en silence à travers le portail, jusqu'à la Salle d'audience du Treizième Temple.
La Princesse Athéna, assise sur le trône et tenant son sceptre de sa main droite, et Shion, debout de ce même côté et portant son casque de Grand Pope, les accueillirent avec bienveillance.
Ils prirent le temps nécessaire aux salutations d'usage et protocolaires, avant que Shion ne résuma ce qu'ils savaient de la situation.
Radamanthe apprécia l'exposé neutre et sans jugement de la situation et de sa vision de son avenir avec Kanon.
La parole lui fut ensuite donnée, s'il souhaitait préciser ou ajouter quelque chose.
Il se permit simplement de faire remarquer qu'il ne pensait pas devoir présenter une quelconque requête à la Princesse Athéna à ce sujet.
Car de son point de vue, Elle n'avait pas de pouvoir exécutif au Royaume souterrain.
Le Juge rappela ce fait sans provocation, sans agressivité ni insulte, mais avec le plus grand respect et dans une neutralité de ton exemplaire.
- Tu as parfaitement raison, Radamanthe, répondit calmement Athéna. Mon champ d'action s'arrête aux portes du Royaume d'Hadès. Lorsque les Chevaliers ont été rappelés par mon Oncle lors de la précédente Guerre sainte, ils n'avaient aucune obligation d'accéder à la demande de Shion. Ils auraient pu accepter de rejoindre les rangs des Enfers et de remplir la mission confiée par Hadès me concernant. Cela n'aurait pas constitué de trahison envers moi, car la mort les a libérés de leur allégeance et de leur devoir. C'est pourquoi leurs âmes n'ont pas été damnées par l'utilisation de l'Athéna exclamation, entre autres.
- Qu'en est-il de Milo, Mu et Aiolia, qui l'ont utilisé de leur vivant ? s'inquiéta alors Kanon.
- N'aie crainte pour tes compagnons, Kanon. J'ai étendu cette grâce aux autres Chevaliers, car ce recours n'a été motivé que par la volonté de me sauver. Cependant, leurs âmes gardent une trace. Tout comme chacune des vôtres, pour avoir défié des Dieux. Je n'ai pas su faire fléchir mon Père et mes Oncles ni mon Père à ce sujet, j'en suis désolée.
- Ne le soyez pas, vous avez déjà tant fait pour nous, Votre Altesse.
- Vous en avez également tant fait pour moi, Kanon ! répliqua-t-Elle avec émotion. C'est pourquoi je ne souhaite pas entraver ton bonheur présent et à venir. Renaître en tant que Spectre ne sera aucunement me trahir. Tu es mon Chevalier dans cette vie, mais ton âme sera libérée de tout devoir envers moi, lorsqu'elle prendra fin. Je n'ai jamais rappelé aucune âme de Chevalier pour se réincarner et prendre part à une future Guerre sainte. Je n'ai jamais voulu que la paix et la liberté aux âmes de mes fidèles combattants, qui avaient tant sacrifié pour moi.
- A l'image de mes compagnons d'armes rappelés, je ne saurais me défaire de mon amour et de ma loyauté envers vous, Votre Altesse, Princesse Athéna, assura Kanon, le regard hanté. Mourir ne soldera pas ma dette, je vous serai à jamais redevable.
Radamanthe n'avait pas réfléchi à cette éventualité.
Il avait décidé que rien ne se mettrait jamais plus entre son âme-sœur et lui, donc entre Kanon et lui, mais il les avait imaginés tous deux unis contre les hommes et les Dieux, si nécessaire.
Non que sa moitié serait liée si puissamment à une Divinité et que ce lien les opposerait aussi significativement.
Il aurait dû le prévoir, pourtant, car après tout, n'était-ce pas ces qualités de son amant qui le faisait tellement vibrer, cette loyauté et cette fidélité sans faille ?
Lorsque le Gémeau se donnait à une personne ou à une cause, c'était entièrement, sans concession aucune.
Kanon était le parfait représentant de ce signe et de sa constellation.
- Ton allégeance repose en effet sur ton amour et ta loyauté, Kanon, confirma Athéna. Ce sont des sentiments, et je peux les faire disparaître de ton cœur, de ton cosmos et de ton âme. Tu ne te sentiras plus Chevalier, mais en conservera le souvenir, si tel est ton désir. Seulement, je doute que cette solution te plaise, Radamanthe, est-ce que je me trompe ?
- Non, en effet.
- Pourquoi ? lui demanda Kanon, surpris, en tournant son visage vers lui. Cette idée ne me plait pas non plus, mais je ne vois pas en quoi cela te pose problème, à toi.
Le Juge, debout à sa gauche, le regarda longuement.
- Tu es Kanon des Gémeaux. Si tu n'as plus ces sentiments envers Athéna, si tu n'es plus Chevalier, tu ne seras plus le même. Être Chevalier n'est pas une fonction, c'est ta nature. Cela fait partie de toi. Je n'ai pas le droit de t'enlever ça, ce serait comme te demander d'être un autre. Je ne le souhaite pas.
- Mais tu m'as pourtant demandé de rompre mon allégeance à ma Déesse ! C'est ce que signifie renaître en tant que Spectre, non ?
- Je t'ai aussi dit que ton incarnation présente était parfaite. C'est avec toi, Kanon des Gémeaux, que je veux partager mon éternité.
- Je ne peux pas être Spectre et Chevalier !
- Tu es pourtant Marina et Chevalier.
- Par le caprice d'une Écaille qui ne veut pas d'autre porteur que moi, rappela Kanon, et d'un Dieu rancunier qui ne souhaite pas intervenir. Mais je ne suis pas le bienvenu au Royaume sous-marin et surtout, je n'y vis pas, ni aujourd'hui, ni jamais !
- Selon les termes du Traité de Paix entre les trois Royaumes, si Poséidon te rappelle en tant que Général du Dragon des Mers, tu devras y répondre, répliqua Radamanthe.
- Si et seulement si ma Déesse le permet et n'est pas mise en péril par mon implication. Si une Guerre sainte éclatait entre Hadès et Athéna, je serais forcé de choisir un camp. J'ai voulu croire qu'une autre solution était possible, mais c'est réellement insoluble !
- Nous n'avons pas encore trouvé la solution, mais elle existe sûrement, Kanon.
- Je voudrais que ce soit le cas, je t'assure. Même si l'éternité est une notion vertigineuse que j'appréhende à peine et que je suis pris de doutes, l'idée de pouvoir être longtemps avec toi me rend vraiment heureux. Je me considère déjà extrêmement chanceux de tout ce que j'ai vécu, jusque-là. Aussi, si vous ne voyez pas de résolution à notre problème, Votre Altesse, reprit-il en faisant face à sa Déesse, je suis prêt à accepter le temps qu'on nous accordera, même si c'est celui de ma vie de mortel.
Kanon avait servi un autre discours à Saga, mais lorsque celui-ci lui avait fait remarquer qu'il en demandait peut-être trop, cela l'avait frappé. Alors devant sa Déesse, cette éventualité resurgissait et il se sentait comme un gamin capricieux qui en voulait plus, alors qu'il avait déjà eu tellement…
- Ce n'est pas mon cas, répliqua Radamanthe. Je ne pourrais jamais me contenter de quelques années avec toi. Mon éternité n'avait de sens que parce que je devais te retrouver. Elle n'en a aujourd'hui uniquement si je peux la partager avec toi. Je ne peux pas te laisser mourir et disparaître, Kanon. Si tu n'acceptes pas de renaître à mes côtés, je préfère renoncer à l'immortalité de mon âme et disparaître avec toi.
Athéna et Shion furent surpris par les mots et la résolution du Juge.
L'étonnement passé, la Déesse sourit avec douceur.
Kanon, lui, était estomaqué par ce qu'il venait d'entendre.
- Tu ne peux pas faire ça !
- Je n'en ai pas la volonté, mais j'en ai la possibilité.
- Je ne peux pas t'enlever cela… protesta Kanon en secouant la tête vigoureusement. De la même façon que je suis Kanon des Gémeaux, Chevalier d'Athéna et que cela fait partie de moi, tu es Radamanthe de la Wyvern, Spectre et Juge d'Hadès, et cela fait partie de toi. Je ne peux pas devenir Spectre, tu ne peux pas redevenir humain. Je te l'ai dit, c'est insoluble.
- L'amour ne ressent aucun fardeau, se moque des difficultés, tente ce qui est au dessus de ses forces et ne prétexte jamais l'impossible, parce qu'il croit que tout lui est permis, et que tout est possible.
- Mais la réalité lui rappelle que ce n'est malheureusement pas toujours le cas, répliqua tristement Kanon, les poings serrés.
Et ils venaient tous d'être rattrapés par cette réalité.
Le silence se fit, lourd.
Athéna regarda Shion, puis les deux hommes face à eux, et s'arrêta sur son Chevalier.
- Kanon, si tu avais la garantie qu'il n'y aurait plus jamais de Guerre sainte entre mon Oncle et moi, accepterais-tu de renaître en tant que Spectre, sous la gouvernance de Radamanthe, et de partager son éternité aux Enfers ?
- Si j'ai votre accord, que je n'ai pas à me dresser contre vous, ni à affronter mes pairs, ni à mettre en péril l'humanité, oui, bien sûr. Si c'est le seul moyen de rester auprès de Radamanthe, je l'adopterais sans hésiter. Mais cette garantie est impossible à obtenir. Nous le savons tous. Si vis pacem, para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre.
La Déesse porta son regard sur le Juge.
- Radamanthe, si Kanon devient un Spectre et qu'un nouveau conflit éclatait, qu'exigeriez-vous de lui ?
- Je ferai en sorte que rien ne lui soit demandé.
- C'est impossible, intervint Shion pour la première fois depuis un moment. Nous attendrons tous quelque chose de lui.
- En effet, appuya Athéna. Soit qu'il rejoigne les rangs des Enfers contre moi. Soit qu'il rejoigne mes rangs et te trahisse, ainsi que le Royaume qui l'aura accueilli et où il aura peut-être vécu des siècles ou des millénaires. Ou alors, qu'il ne prenne pas part au combat et regarde les deux camps se détruire, en son âme et conscience.
- Nous pourrions choisir tous les deux de rester hors des combats, fit valoir le Juge.
- Si tu te retirais, tu condamnerais l'armée d'Hadès. Ce serait une forme de trahison qui pourrait vous coûter votre éternité à tous les deux, voire la damnation de vos âmes.
- J'ai déjà été remplacé, par le passé.
- Je m'en souviens. Mais ce n'était pas ta décision et cela n'avait rien de personnel, tu étais appelé ailleurs. Si tu es amené à le demander dans le futur, pourras-tu supporter ce manquement à ton devoir ?
Radamanthe serra les poings.
- La seule chose dont je suis certain, aujourd'hui, c'est que je suis prêt à tout pour ne pas perdre Kanon. Je lui ai promis que rien ni personne ne nous séparerait plus jamais, ni hommes, ni Dieux.
- Mais qu'en serait-il de votre propre conscience ?
- Je crains de ne pas avoir de réponse, présentement, avoua-t-il, les mâchoires serrées, après une courte hésitation.
Un nouveau silence s'abattit sur eux, les écrasant sous son poids.
Puis, la Déesse de la Sagesse reprit la parole.
- Je crois qu'il est trop tôt pour avoir ce genre de discussion, leur dit-elle soudain. Vous venez à peine de vous retrouver. Ceux que vous êtes aujourd'hui ne sont pas ceux que vous serez demain. Ce que vous savez et ressentez aujourd'hui est différent de ce qui vous animera demain. Vivez au jour le jour, profitez de chacun d'eux au présent sans craindre l'avenir. Lorsque celui-ci deviendra le présent et qu'une décision devra être prise, vous y réfléchirez. Pas vous tels que vous êtes aujourd'hui, mais tels que vous serez alors. Avec tous les changements et les évolutions qui auront été vôtres, entre temps.
- Mais si je mourrais demain ?
- Cela ne sera pas le cas, Kanon.
- Comment… pardonnez-moi, Votre Altesse, mais pouvez-vous vraiment l'affirmer ?
- Oui. Bien que vous ayez fait l'objet d'une procédure inédite qui a impliqué plusieurs divinités, Hadès ne peut ramener un mort à la vie que pour un temps donné et défini dès le départ. Le vôtre a été exceptionnellement allongé à son maximum, mais il reste borné.
- Je n'étais pas au courant… murmura Kanon, avant de se tourner vers son compagnon qu'il interrogea du regard.
- Nous étions tenus au silence, répondit celui-ci. Cela fait partie du Traité de Paix.
- Seuls Shion et Dokho sont en ont été avisés. J'ai préféré garder cette information secrète pour ne pas que vous soyez tentés de connaître la fin de votre sursis, et que vous puissiez en profiter en toute insouciance, s'expliqua la Déesse.
- Merci pour votre sollicitude et votre bienveillance, Votre Altesse.
- Tu ne mourras pas demain, Kanon, réaffirma-t-elle avec assurance. Et tu as le temps de profiter de cette vie à la surface. Vivez pleinement votre si bel amour, tous les deux. Jusqu'à ce que vous soyez amenés à prendre cette décision qui pourra bouleverser le cours des choses.
- Oui, Votre Altesse, Princesse Athéna, acquiesça solennellement Kanon.
Radamanthe hocha la tête respectueusement.
- Cependant, je vous invite à en parler avec mon Oncle Hadès et aux Dieux Jumeaux, s'Ils l'acceptent. Je peux intervenir sur tes sentiments et notre relation, Kanon, mais le devenir d'un humain à sa mort se décide au Royaume souterrain. Je peux négocier et plaider une cause, je n'ai pas de pouvoir concret, comme l'a si justement rappelé Radamanthe, au début de notre échange, mon champ d'action reste limité. Discuter avec Eux sera peut-être plus encourageant et bénéfique, votre solution se trouve peut-être auprès d'Eux.
- C'était bien mon intention, affirma Radamanthe.
- Parfait, dans ce cas. Y a-t-il autre chose dont vous souhaitiez nous parler, ou que je puisse faire pour vous ?
- Non, Athéna, merci.
- Merci pour tout, Votre Altesse, répondit Kanon en s'inclinant, le poing sur le cœur. Votre Eminence.
Shion hocha simplement la tête, laissant Athéna conclure.
- Je vous en prie. Merci à vous, Kanon, Radamanthe, notamment pour vôtre confiance. Vous pouvez disposer, à présent.
Ils saluèrent respectueusement la Déesse et le Grand Pope, avant de quitter la Salle du Trône.
Ils gardèrent le silence jusqu'au parvis du Treizième Temple, qui dominait tout le Domaine Sacré.
Radamanthe admira la vue, surtout celle sur la Méditerranée.
Le monde de la surface était si coloré et lumineux.. !
Mais sa source de vie était ailleurs.
Il se tourna vers Kanon et ses yeux au bleu plus pur et captivant que toutes les mers de la planète, et à l'or de ses cheveux plus éblouissant que le plus puissant rayon de soleil.
Non, il ne pourrait jamais se résoudre à en être séparé.
Plus jamais cela.
- Tu rentres avec moi ? demanda-t-il en frôlant la main de Kanon de ses doigts.
Cela aurait pu paraître accidentel, il n'en était rien.
Chaque geste de Radamanthe était sinon calculé, au moins volontaire.
- Tu ne retournes pas travailler ? répondit Kanon en lui rendant sa discrète caresse. Je t'ai interrompu, non ?
- Ce n'est pas important, mes subalternes peuvent se débrouiller quelques heures sans moi. Et en cas d'urgence, mes frères sont présents. Je ne pourrais pas voir mon Seigneur aujourd'hui, il n'est pas aussi accessible qu'Athéna.
- J'imagine…
- Nous devons parler de tout ceci. Mais aussi et surtout, j'ai besoin de passer du temps avec toi, Kanon.
Le ton était neutre mais le regard, intense.
Le Juge ne prenant jamais de décision à la légère, Kanon n'avait pas à s'inquiéter des possibles conséquences de son absence au Tribunal ou sur le terrain.
Il était plutôt soulagé par sa proposition.
Il la comprenait, aussi.
Radamanthe avait cru, jusque-là, que son éternité avec lui était acquise.
Il savait, depuis la veille, que c'était loin d'être le cas.
Il l'avait déjà perdu une fois, il savait, car il l'avait douloureusement éprouvé de toutes les manières possibles, ce qu'étaient le manque et l'absence, sans avoir même le réconfort d'une limite temporelle à ce vide.
Et Kanon ne pouvait même pas appréhender les sentiments de son Juge, alors que c'était déjà si difficile pour lui d'imaginer en être séparé.
Comme il l'avait dit à Saga, maintenant qu'il savait ce que Radamanthe avait prévu pour leur avenir, il s'était approprié son projet.
Un projet concret qui s'était transformé en rêve, face à la difficulté de le mettre en œuvre.
Et son rêve, qui pouvait paraître égoïste, était finalement devenu le sien.
Le leur.
- Moi aussi, je veux rester avec toi, Rad', assura-t-il.
Son ton était un peu moins neutre que celui de Radamanthe, mais son regard était tout aussi intense et fiévreux.
Le Juge ne s'y trompa pas : cette affirmation avait une portée bien plus forte et lointaine que le simple instant présent, après leur lourd débat sur leur avenir en question.
Et cela fit du bien à Radamanthe d'entendre les mots de Kanon, de lire la détermination dans son regard, car cela montrait qu'ils étaient maintenant non plus opposés sur le sujet, mais bel et bien unis, en attendant de trouver une solution.
La solution.
Ce qu'ils voulaient ardemment tous les deux.
- Je préviens juste Shion que je repars avec toi et on peut y aller, poursuivit le Gémeau. Il était prévu que je reste aux Enfers jusqu'en début d'après-midi, mais je préfère le tenir informé, vu que je suis rentré entre temps.
- Bien sûr, je t'en prie.
Ceci fait, les deux amants gagnèrent Caina.
Kanon se sentait comme un naufragé qui retrouvait la terre ferme, après avoir été ballotté par une violente tempête des heures durant.
Radamanthe, quant à lui, avait la sensation d'être à nouveau complet, par la simple présence de son Gémeau auprès de lui.
Ils rediscutèrent calmement de tout ce qui avait été dit et évoqué sur le sujet qui les avait pourtant opposés, et une première volonté se manifesta rapidement : ils ne pouvaient et ne voulaient pas vivre leur vie comme si elle ne les conduisait pas chaque jour immanquablement vers une possible séparation.
Étroitement enlacés sur le canapé, ils se firent donc la promesse à eux-mêmes de trouver la solution pour ne jamais être séparés.
Elle leur échappait encore, mais ils n'étaient pas de ceux qui abandonnaient.
Leur éternité ensemble et leur intégrité de Spectre et de Chevalier en dépendaient.
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A suivre
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Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu.
A dès que possible pour la suite, probablement 10 ou 15 jours cette fois encore.
Bonne continuation.
Lysanea
