Bonjour à tous.

Ce chapitre étant particulièrement long, je ne m'attarde pas avec les présentations habituelles.

Je prends tout de même le temps de te remercier Mini-chan pour ton soutien, j''espère que ces chapitres avec tes chouchous te plairont car tu as été très patiente, merci pour ça aussi ! Merci Athéna d'avoir pris de temps pour me montrer que tu continuais l'aventure, je suis soulagée et ravie si ça te plait toujours !

Bonne lecture à tous !

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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Dix-sept : Il n'y a rien de plus précieux en ce monde que le sentiment d'exister pour quelqu'un.
(Victor Hugo)

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Deux mois plus tard
Environs d'Athènes
Villa Nea Avgi
(Aube Nouvelle)
Appartements 4C
12 septembre 1989

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- Je parie que t'étais content que j'me sois fait bouffer par le Dragon dans le combat des Douze Maisons.

Shura exhala doucement sa volute de fumée, avant de répondre à Angelo.

Celui-ci était couché sur le canapé, sa tête sur les cuisses du Capricorne et ses jambes pendant par-dessus l'accoudoir, et jouait distraitement avec la main qui reposait nonchalamment sur son torse.

- Content, non, mais malgré la tristesse et la douleur, j'étais surtout grandement soulagé. Comme je ne parvenais pas à t'arrêter et te délivrer du mal qui te rongeait, j'espérais que la mort qui venait de te cueillir s'en chargerait. Et libérerait aussi les âmes des innocents et le futur pour certaines d'entre elles.

- T'avais même pas un peu pitié de mon âme ?

- Tu vivais déjà un enfer sur terre, j'avais pas de doute quant à ta capacité à supporter les mille tourments qui t'attendaient certainement.

- C'est clair que j'en ai bavé, c'était l'horreur absolue, grimaça le Cancer.

- Même s'ils étaient auparavant nos ennemis et ceux d'Athéna, le Jugement des trois Juges a toujours été juste.

- Ce qui veut dire ? demanda Angelo en levant les yeux vers Shura.

- Tu le méritais.

Le Quatrième gardien grimaça encore plus.

L'honnêteté de Shura pouvait faire mal.
Mais il appréciait aussi cette franchise, cette faculté qu'il avait de dire les choses, mémé les plus difficiles, aux autres, sans fioritures ni atermoiements.

Surtout à ceux qu'il aimait.

Il pouvait faire montre de tact et de douceur, mais pas avec lui, notamment, car il l'aimait et le respectait suffisamment pour ne pas le considérer comme une chose fragile qu'il devait ménager.

« T'es bien assez fort pour encaisser, alors prends-toi ça dans les dents et gère. »
« T'es suffisamment conscient et responsable de tes actes pour assumer, alors mange ça et digère. »

En gros…

- T'as raison, on a tous les deux eu la mort qu'on méritait. Moi, je suis tombé dans le trou le plus profond des Enfers et par deux fois. Toi, t'as traversé le ciel comme une comète inversée et t'as explosé dans les étoiles, la première fois et la seconde, contre un putain de mur de pierre, dans une nouvelle explosion de cosmos.

- J'étais content que tu sois avec moi, cette fois-là, confia Shura en écrasant sa cigarette terminée dans le cendrier sur la table basse.

- Et moi, j'aurais voulu combattre plus longtemps à tes côtés. Même si t'avais d'yeux que pour Saga… ajouta-t-il en se redressant pour s'asseoir normalement.

Ce n'était pas tout à fait cela, mais Shura ne nia pas et but simplement une gorgée d'eau, avant de se renfoncer dans le canapé.

- M'enfin, je t'en veux pas, j'te comprends, même, poursuivit Angelo. Par contre, maintenant, t'es à moi, rappela-t-il dans un grondement rauque, en entourant son cou de son bras pour le ramener vers lui et appuyer sa bouche contre son oreille. Je veux voir personne d'autre être à tes côtés ou t'aimer, je laisserai jamais ça arriver, capito ?

- ¡Vale! accorda le Capricorne dans sa propre langue. Mais on ne peut pas empêcher les gens d'avoir des sentiments, ´Gelo.

Angelo le libéra et se laissa glisser un peu plus dans le canapé en croisant les bras.

- C'est clair que ça va arriver, c'est même plutôt déjà le cas, y en a qui ont pas leurs yeux dans leurs poches, grogna-t-il. Mais ils ont pas intérêt à t'approcher, s'ils tiennent à leur vie et encore moins, à ouvrir leur gueule sur ce qu'ils ressentent pour toi ! Le premier qui te fait une déclaration ou une proposition, je lui fais descendre la pente de Yomi en première classe ! (1)

- Vu les regards meurtriers que tu lances à certains soldats avec qui je discute, ou des employés du Sanctuaire, hommes ou femmes, je pense que le message est passé depuis longtemps et que certains n'osent déjà plus m'approcher. En y réfléchissant, ça arrivait même quand on était pas encore ensemble.

Angelo haussa un sourcil.

- Et alors quoi, tu regrettes que ça fonctionne ?

- C'est plaisant de se faire complimenter et de susciter l'intérêt, tu sais.

- Tu devrais te satisfaire du mien, uniquement ! protesta le Cancer, irrité.

- Mais c'est le cas, évidemment ! Je te fais marcher et toi, tu cours, soupira Shura en lui frappant la cuisse du plat de la main. Allons, viens-là, l'invita-t-il ensuite en ouvrant les bras.

- Il giorno del mai ! répondit Angelo en se levant du canapé. Va crever, tiens ! (2)

Nullement impressionné ou vexé par son mouvement d'humeur, Shura crocheta son pied, ce qui le fit basculer et il put ainsi le réceptionner dans ses bras, comme souhaité.

Il ne le laissa pas protester et le renversa sous lui en le bloquant.

- Minchia !

- Calme-toi un peu…

- Comment veux-tu que…Qu'est-ce tu fous ?

- Je me fais pardonner, expliqua Shura avant de replonger dans le cou d'Angelo sur lequel il avait rapidement fondu.

Et il mordilla cette zone si sensible, juste sous l'oreille, qui lui faisait rapidement perdre tous ses moyens.

- Enfoiré d'espanche ! souffla le Cancer entre deux gémissements irrépressibles.

Shura lécha doucement la petite morsure qu'il lui avait faite, avant de remonter jusqu'à ses lèvres pour les prendre d'assaut, elles aussi.

Le baiser qu'ils échangèrent alors fut rude, un vrai combat.
Mais progressivement, il devint plus doux, et se termina dans la tendresse.

Front contre front, Angelo grommela encore.

- T'auras ma peau, un jour...

- Je suis pardonné, alors ?

- Si je dis non, j'aurais droit aux mêmes excuses ?

Quelle que soit ta réponse, j'ai déjà prévu de recommencer…

- Alors, c'était clairement pas assez, tu pourrais faire mieux…

Shura fit disparaître son sourire provocateur sous un nouveau baiser fougueux et passionné.

- Tu sais, reprit Angelo en écartant à peine son visage du sien, je veux pas faire le mec chiant, jaloux et possessif, je veux pas t'étouffer… Si je suis comme ça, à l'affût des gens qui gravitent autour de toi, c'est parce que je flippe, avoua-t-il, les mains crispées sur sa chemise.

- Et de quoi Angelo du Cancer peut-il bien avoir peur ? souffla Shura contre ses lèvres, sans moquerie et avec attention.

Le Quatrième gardien eut un rire plein d'amertume.

- J'sais pas, au hasard, que tu te rendes compte qu'il y a bien meilleur que moi et qu'y a pas besoin de chercher très loin pour trouver… ?

- Je le sais déjà, qu'il y a des gens meilleurs que toi, répondit le Capricorne en se reculant pour regarder le Cancer dans les yeux. C'est un jugement moral et social qui ne me concerne pas, car ce n'est pas important pour moi. Pas dans notre relation, en tous cas.

- Oui, parce qu'entendre Mr Moralité et Rectitude dire ça, c'est bizarre, même pour moi !

- Je te le répète, ce genre de point de vue n'est pas pertinent en ce qui nous concerne.

Angelo restait sceptique, mais il sembla soudain voir la lumière.

- J'ai compris, en fait, c'est parce que je suis revenu d'entre les morts pour me battre pour Athéna et que j'étais là devant le mur des Lamentations ! Alors pour toi, forcément, ça vaut plus que ce qu'aurait pu faire de bien n'importe qui durant durant toute sa vie !

Shura secoua la tête, puis se détacha pour se rasseoir correctement dans le fauteuil, le visage toujours tourné vers son compagnon.

- C'est encore un jugement moral, 'Gelo. Ici, la seule chose qui compte, c'est que c'est toi que j'aime, qu'il y ait des gens meilleurs que toi ou non ne change rien, et il n'y a aucun risque que ça change un jour.

- Comment tu peux en être aussi sûr ?

Le sourire qui étira les lèvres de Shura était presque timide et il aurait presque déconnecté Angelo de la réalité, s'il n'avait pas été si furtif.

- Tu as oublié ? Je suis tombé amoureux de toi à 6 ans, alors que tu avais déjà un air de fou furieux et une aura meurtrière qui émanait de toi. J'ai aimé la pire version de toi-même durant toutes ces années, je t'ai aimé sans le moindre espoir que tu m'aimes à ton tour. Depuis notre retour, je découvre jour après jour la meilleure part de toi. Alors comment pourrais-je être aujourd'hui attiré par un autre, alors que je partage enfin ma vie avec toi, et le meilleur de toi, plus précisément ?

Angelo se mordit la lèvre en l'observant.

- Comment tu peux me dire un truc pareil avec un air si sérieux ?

- Je sais pas, peut-être parce que ça l'est ? répliqua le Capricorne en haussant les épaules avec un petit sourire en coin, cette fois.

- Nan, mais je veux dire, on dirait que tu résous un truc mathématique ou que tu présentes une stratégie pour une mission ! C'est super touchant ce que tu me dis, là ! T'aurais pu faire un effort, je sais pas, mettre un peu de passion !

Haussement de sourcils surpris du Dixième gardien.

- C'est toi qui me demandes ça ?

- Ça fait pas de mal de temps en temps… grommela-t-il en réponse.

Shura accepta volontiers de se plier aux exigences de son amant, plutôt inhabituelles.
Il entoura le cou d'Angelo de ses bras.

- Tu n'as aucune raison de t'inquiéter, mi cielo, assura-t-il d'une voix basse et douce. Yo te pertenezco, y no importa lo que pase, quiero vivir para nosotros. (3)

- Tchhh… forcément je pige que dalle ! Tu casses tout avec ton espagnol de m…

Shura l'avait interrompu d'un baiser appuyé sur ses lèvres.

- Je t'appartiens, lui dit-il ensuite en verrouillant son regard au sien.

- C'était plus long que ça… maugréa Angelo, le cœur battant à tout rompre et incapable de le cacher.

Il râlait pour la forme, mais il adorait quand Shura parlait en espagnol.
Surtout lorsqu'il s'agissait d'amour.

Shura devenait encore plus charismatique et sexy, dans ces moments-là, ça éveillait tous ses sens.
Alors, s'il l'embrassait et posait ses yeux brûlants de façon si intense sur lui dans le même temps, Angelo perdait facilement tous ses moyens.

Shura avait vraiment beaucoup de manières de lui faire tourner la tête assez rapidement.

- Maintenant, je t'appartiens, commença à traduire l'espagnol, et peu importe ce qui pourra arriver, je veux vivre pour nous.

- C'est bien mieux, commenta le Cancer, enfin satisfait. Maintenant, embrasse-moi.

- Si, signore, accepta le Capricorne.

En parlant italien, Shura savait qu'il satisferait complètement son caractériel compagnon.
Il voulait lui faire plaisir et le rassurer encore une fois, car il avait bien compris que la crainte s'Angelo de le voir s'intéresser à un autre était réelle.

Ses mots et ses attentions semblèrent fonctionner, car ce fut bel et bien un sourire que Shura embrassa.

Angelo l'attira à lui pour les faire s'allonger sur le large canapé, où ils se réinstallèrent plus confortablement, sans cesser leur baiser, qu'il fit durer un délicieux moment.

- Parfois, reprit doucement Angelo après leur échange, j'me dis que si tu t'es sacrifié, la première fois, c'est pas que par culpabilité et parce que tu voulais sauver le Dragon, mais aussi parce que tu me savais crevé et que t'avais plus de raison de vivre. Mais je sais que ça n'a rien à voir. T'aurais défendu Saga malgré tout, t'avais encore des raisons de vivre et de te battre, même si j'étais plus là.

- La preuve que non, 'Gelo, répliqua Shura en posant son menton sur ses mains croisées sur le torse d'Angelo pour le regarder. Je pense qu'il y a eu un peu de tout. La culpabilité d'avoir choisi le mauvais camp, la honte de m'être dressé contre Athéna, le besoin de réparer mes torts et de laisser triompher la justice, représentée par Shiryu à ce moment-là… y avait de tout cela. Mais vivre dans un monde sans toi, bien sûr que j'y ai pensé aussi.

- Vraiment ?

- Oui. J'ai été en deuil cinq heures, n'oublie pas ça. Même concentré sur la bataille et ses enjeux, même en m'interrogeant sur la défection de nos compagnons, ça m'a fait réfléchir de ne plus sentir ta présence. C'était affreusement douloureux, ce vide, ce silence… Alors oui, j'ai décidé que ça n'en valait vraiment pas la peine, sans toi… C'était l'une de mes dernières pensées, en fait. A quoi bon m'accrocher à la vie, alors que tu avais déjà perdu la tienne ? Et puis, mourir de la même main que celle qui t'avait vaincu, ce n'était pas si mal, ça nous rapprochait encore, même dans la mort.

Shura était un capricorne plus romantique et sensible qu'il n'y paraissait.

Forcément, cela touchait profondément Angelo.

Ému plus qu'il n'aurait cru l'être, ce dernier resserra presque inconsciemment ses bras autour de Shura, toujours allongé sur lui et qui le fixait avec intensité, tout en se confiant.

- C'étaient quoi, les autres ?

- Les autres ?

- T'as dit que c'était une de tes dernières pensées. Le reste, c'était quoi ?

Après quelques secondes de réflexion, Shura répondit.

- Ma décision prise de sauver Shiryu, j'ai j'ordonné à Capri de m'abandonner pour recouvrir Shiryu en une dernière tentative pour le protéger et préserver sa vie. Apaisé par ce geste, j'ai demandé pardon à Athéna, à Saga et à toi aussi, et j'ai prié qu'Aphrodite ouvre les yeux et sauve sa vie. Tout était un peu confus, la douleur était atroce, jusqu'à l'ultime seconde où j'ai ressenti un plus grand calme encore, avant l'explosion de cosmos. Je me suis aussi demandé, à ce moment-là, pourquoi tu avais été si terrifié en mourant, ton dernier cri était si atroce, alors que la mort était si paisible ?

Le Cancer ricana sombrement.

- La tienne, peut-être, mais ça n'a définitivement pas été le cas pour moi... Tomber vivant dans le Puits, c'est…

Angelo ne termina pas sa phrase, tout son corps était tendu sous celui de Shura.

- Je sais, lui dit celui-ci. Je sais, répéta-t-il en se redressant pour venir prendre les lèvres pincées de son amant et lui faire tout oublier dans un nouveau baiser.

La tension chez le Quatrième gardien ne disparut pas, elle changea simplement de nature et devint bien plus agréable.

Ils passèrent les quelques minutes suivantes à en échanger encore plusieurs autres, accompagnés de caresses hasardeuses ou plus ciblées, bien décidés à penser à autre chose et ce, jusqu'à ce que l'on frappe à la porte d'entrée.

- Quoi ? hurla Angelo.

Éclatant presque les oreilles de Shura, toujours allongé sur lui, qui rit pourtant contre son épaule en partie dénudée, en entendant la frustration dans sa voix.

- Désolé pour le dérangement, s'excusa Saga, un sourire dans la voix. Tout le monde est rentré, on commence à préparer la table et le barbecue est lancé… Il manque plus que vous.

- Démerd…

Shura avait plaqué sa main sur la bouche de son Cancer impoli.

- On arrive tout de suite, Saga, assura-t-il à leur aîné.

- Merci à tous les deux, s'amusa encore ce dernier, avant de partir.

Angelo mordit la paume de Shura, le forçant à la retirer de sa bouche.

- Tu crois pas qu'on a mieux à faire ?

- On est pas tout seul, là et on ne s'est même pas encore présenté.

- Ça peut attendre, la soirée commence à peine !

- On doit participer, comme tout le monde, et je te rappelle que c'est toi qui as insisté pour venir. Tu peux bien patienter jusqu'à cette nuit, non ?

- Je te veux maintenant… insista Angelo en appuyant son bassin contre le sien.

Le renflement était léger, mais ils savaient tous deux qu'il ne tarderait pas à s'accentuer, s'ils continuaient leurs échanges.

- T'es pire qu'un ado, tu ne penses vraiment qu'à ça… soupira Shura en retenant un gémissement.

- Je ne pense qu'à toi, plains-toi donc, répliqua le Cancer, les mains toujours aussi baladeuses. Et comme j'ai toujours envie de te bourriquer…

- Oui, et bien, ça attendra cette nuit quand même ! le repoussa le Capricorne, mais sans brusquerie.

- Je vois que ça ne te pose aucun problème qu'on s'arrête là… rouspéta Angelo, alors que Shura se redressait pour se lever.

Ce dernier lui tendit la main pour le mettre debout et l'attira vers lui jusqu'à poser sa bouche contre son oreille.

- C'est parce que je sais à quel point c'est foutrement bon, après un peu d'attente et de frustration…

Il embrassa la joue d'Angelo avant de s'éloigner de lui, par précaution.
Il était bien capable de lui sauter dessus, après une telle phrase, à l'opposé de l'effet recherché.

Mais non, même si Angelo souriait d'un air carnassier, à présent, il se dirigeait plutôt vers la porte, sans quitter Shura du regard pour autant.

Il n'avait pas besoin de dire un seul mot, ses yeux hurlaient clairement « tu ne perds rien pour attendre ».
Ou « tu vas prendre cher » Shura ne savait pas trop.

Mais les deux lui convenaient.

Il rejoignit donc son compagnon et ils quittèrent leur appartement pour retrouver le groupe, dont les membres étaient déjà réunis pour la plupart dans le jardin, ou certains faisant l'aller-retour entre celui-ci et la cuisine qui donnait sur l'extérieur.

Les amis italiens d'Aioros étaient venus lui rendre visite.

Tout le monde s'était organisé pour que cela soit possible, en réarrangeant les choses pour les faire paraître normales au possible, en adaptant la situation à la réalité correspondant à la société actuelle, le tout rendu de manière parfaitement crédible.

Pour se faire, Aioros et Saga, Marine et Aiolia, mais aussi Angelo et Shura, le premier ravi d'accueillir des compatriotes, tout comme Shaina et Chiara, leurs amies et pour cette dernière, Chevalier d'Argent des Voiles, s'étaient installés pour une semaine à une heure d'Athènes. Dans une ville résidentielle plutôt discrète et aisée, la Fondation Graad avait acquis une grande villa très spacieuse, à quelques mètres de la plage, accessible par un chemin privé arboré qui descendait vers la mer.

Quatre appartements individuels et séparés étaient répartis de part et d'autre du bâtiment principal et commun, et entouraient une grande piscine. Un seul côté était dégagé pour assurer la vue sur la Méditerranée en contrebas.

C'était une sorte de maison de vacances où les Chevaliers pouvaient se retrouver pour souffler un peu loin du Sanctuaire, mais qui servait aussi à la Princesse Athéna en tant que Saori Kido pour ses affaires. Elle pouvait recevoir des gens et même des délégations réduites d'une dizaine de personnes, les héberger, organiser des réceptions sans avoir à retourner à Tokyo.

Dans sa grande bonté, la Déesse Elle-même avait veillé à ce que la Villa soit ré-équipée afin de les recevoir le plus chaleureusement possible et qu'ils ne manquent de rien, en envoyant Tatsumi et son équipe tout régler dans les moindres détails.

Aioros avait bien tout expliqué à ses amis italiens pour rendre leur hébergement dans un endroit si luxueux et spacieux crédible. Appartenant à la branche paramilitaire de la Fondation, il ne pouvait pas les accueillir dans l'enceinte de son organisation à l'accès contrôlé et sécurisé, et où il vivait avec ses collègues, sur le modèle des casernes de pompiers ou de gendarmerie.

Si Letizia, son compagnon Sergio et leur ami Ernesto l'avaient bien compris, ils n'en avaient pas moins été réellement impressionnés.
Tout comme ils le furent en rencontrant les Chevaliers.

Évidemment, ces derniers n'étaient pas tous en vacances.

Seuls Aioros et Saga avaient bénéficié de ces quelques jours.

L'annonce de leurs nominations en tant que Grands Popes avait été faite publiquement lors de la grande journée d'anniversaire de la Princesse Athéna, une dizaine de jours plus tôt, le 1er septembre.

Alors, les deux Elus avaient eu le droit à un temps de repos avant leur investiture officielle.

Aioros avait donc proposé à Saga d'en profiter pour inviter Letizia, ce qu'ils n'avaient pas pu faire avant. Le Gémeau avait accepté avec plaisir : ils prendraient la deuxième semaine pour eux seuls, loin de tout, pour se préparer, méditer et profiter un peu, car les prochains mois allaient sûrement être très prenants.

Les autres Chevaliers devraient donc continuer leurs activités au Sanctuaire, qu'ils regagneraient au matin, chaque jour, après avoir passé la soirée et la nuit à la Villa.

Au départ, Angelo et Shura ne devaient pas être présents, mais le Cancer, enthousiaste à l'idée de rencontrer des compatriotes, avait demandé de participer, et personne n'y avait vu le moindre inconvénient.

Et l'un n'allant pas sans l'autre, aujourd'hui plus que jamais, Shura s'était lui aussi trouvé embarqué dans l'aventure.

Avec deux hommes en plus, Marine avait alors proposé d'inviter également Shaina et Chiara, pour mettre Letizia plus à l'aise avec la présence d'autres femmes, dont deux italiennes.

Idée immédiatement approuvée.

Il avait également été prévu que Milo – et Camus, s'il arrivait à le convaincre – vint un soir cuisiner sa fameuse moussaka dont Aioros et Saga avaient tant vanté les mérites, lors de leur passage à Corniglia.

Enfin, Kanon avait aussi envisagé de passer, à la demande de son frère…

Et il n'était pas à exclure une incursion d'Aphrodite, à un moment ou un autre, curieux comme il l'était et n'aimant pas été émis à l'écart ! Même s'il ne s'approchait pas trop des étrangers en général, et pour cause, car il ne voulait pas les exposer au moindre danger.

Sur le papier, la semaine promettait d'être très… animée !

Aioros en était plus que ravi, même s'il avait quelques appréhensions. La moindre erreur pouvait soulever une tempête de questions et il ne voulait pas mettre en danger le Sanctuaire, ni perturber ses amis italiens.

Mais il avait grandement confiance en tout le monde, alors il n'était pas difficile à rassurer quand les doutes l'assaillaient. Saga lui était d'un grand soutien, dans ces rares moments.

Et jusqu'alors, tout se passait très bien.

L'arrivée de Shura et d'Angelo sonna le rassemblement général pour les dernières présentations en bonne et due forme, autour d'un apéro au bord de la piscine.

Lorsque les trois couples initialement prévus et les deux italiennes se réunirent autour des trois invités, l'espace se réduisit légèrement et cela atténua cette impression de grandeur presque démesurée que les convives avaient eu, au départ, en découvrant la Villa et ses extérieurs.

Passer de cinq à onze, dont cinq « militaires » assez costauds – même si les deux italiens n'avaient pas de quoi rougir - cela marquait vite une nette différence dans l'espace.

Letizia fut quelque peu intimidée devant eux.

Certes, elle connaissait très bien Aioros, elle avait côtoyé Saga, mais elle avait encore un petit temps d'arrêt en les voyant, ce qui était compréhensible. Alors rencontrer Aiolia, puis Shura et Angelo, qui faisaient chacun leur effet, la déstabilisa, même si les présentations avaient été progressives – d'abord le Lion, puis les deux retardataires -.

Aiolia ressemblait beaucoup à son aîné, on ne pouvait que les imaginer frères.
Outre l'aspect physique, ils avaient cette même lumière et ce même sourire éblouissant qui déstabilisait autant qu'il charmait.

Shura, lui, paraissait froid et strict de prime abord, avec son visage rude et anguleux comme taillé à la serpe, mais il dégageait cependant quelque chose d'unique et de captivant, surtout lorsqu'il sourirait et que ses traits s'adoucissaient.

Quant à Angelo, son physique pour le moins atypique, ses cheveux argentés sur un visage dur et marqué, mais où persistait une jeunesse indéniable, ses yeux d'un bleu nuit profond et intense, ne laissait vraiment pas indifférent.

Le trouble de Letizia – partagé dans une moindre mesure par ses deux compatriotes - était parfaitement normal et attendu, face à cinq hommes aussi charismatiques qu'impressionnants.

La présence de Marine, Shaina et Chiara lui apporta un certain soulagement et lui permit de respirer un peu mieux, même si elle n'éprouvait pas réellement d'inconfort ou de difficulté.

Elles l'impressionnaient pourtant elles-aussi, mais c'était beaucoup de l'admiration.

C'était en grande partie dû au fait qu'aucune d'elles ne faisait vraiment son âge.
A peine sorties de l'adolescence, ces jeunes adultes respiraient l'expérience et le vécu d'une vie de responsabilités et d'épreuves.

Pourtant, elles étaient épanouies et joyeuses, elles n'avaient pas gardé de stigmates, leurs visages n'étaient pas marqués – merci le masque de Chevalier ? – par les épreuves, ni par les combats.

C'était autre chose pour leurs corps où se dessinaient parfois le souvenir d'un combat.
Ce qui ne serait vraiment visible que lorsqu'elles se mettraient en maillot de bain pour profiter de la plage ou de la piscine.

Mais ce premier soir, l'intuitive italienne n'avait pas eu besoin du témoignage de leurs cicatrices, elle avait su deviner que leurs vies n'avaient pas dû être toujours aussi heureuses et apaisées, que leur enfance et leur adolescence n'avaient pas dû être de tous repos.

Fidèle à son caractère et malgré cette forte impression que tous lui avaient faite, aidée discrètement par le cosmos apaisant d'Aioros, Letizia ne tarda cependant pas à retrouver son enthousiasme et son entrain habituels et s'entendît rapidement avec tout le monde.

Tout comme Sergio et Ernesto, par ailleurs.

Leur fierté prit un coup, face à ces hommes devant lesquels ils ne pouvaient tout simplement pas rivaliser. Mais justement parce que le fossé leur semblait si énorme entre eux, ils cessèrent presque immédiatement de faire des comparaisons.

Fier, oui, ridicule, jamais.

Et ce fut ainsi qu'une très bonne ambiance s'installa dès les premiers instants.

Cela se confirma au fil de leurs échanges de plus en plus animés avec Angelo, Shaina, et Chiara, qui eurent le sentiment d'être retournés sur leur tette natale, le temps de quelques heures fortement appréciées.

Les Italiens basculèrent même plusieurs fois dans leur langue maternelle sans en avoir conscience, avant de se reprendre, face aux sourires et regards amusés ou interrogatifs des autres… ou la traduction d'Aioros, qui restait pour sa part plutôt concentré et conscient de ce qui l'entourait, le plus souvent.

Il se reprenait plus vite, en tous les cas.

Celui qui créa la surprise parmi les Chevaliers, durant la soirée, ce fut Angelo.

Il se montra très enthousiaste, pas du tout agressif, ni bourrin, même quand le ton montait un peu sur les sujets habituels qui opposaient souvent les Italiens, selon leurs régions.

Mais il n'y eut ni critique acerbe, ni insulte, ni jugement, aucun mépris de sa part, pas un mot plus haut que l'autre.
Au contraire, et s'il se permit quelques taquineries, c'était toujours vraiment bon enfant.

Sachant à quel point il pouvait être susceptible, impulsif, de mauvaise foi et parfois même, mauvais, même si cet aspect de sa personnalité tendait à s'effacer progressivement, ses pairs furent donc agréablement surpris – et soulagés - par son attitude.

Et Shura, le moins étonné de tous, car il connaissait très bien cet Angelo-là, fut heureux de voir son compagnon si détendu et joyeux avec les autres, dont de parfaits étrangers.

Il ne l'en trouva que plus désirable et charismatique, encore.

Et à en juger par le regard des filles, il n'était pas le seul.
Jamais Shaina ou Chiara ne l'avaient regardé avec autant d'intérêt et de respect.

Ce n'était pas le cas pour Marine, avec qui, contre toute attente, il avait déjà noué une amitié improbable, mais solide et sincère. Cela s'était encore renforcé avec l'arrivée de Simon, car la jeune femme, sa voisine depuis son installation chez Aiolia, l'aidait souvent avec lui.

Shura n'en était ni jaloux, ni inquiet, mais plutôt fier et content pour Angelo, pour qui, longtemps, il n'y avait eu personne d'autre qu'Aphrodite et lui. Deathmask l'avait voulu ainsi, et de toute façon, aucun être censé n'aurait voulu se rapprocher d'un tel monstre.

Mais Angelo n'était plus Deathmask.

Enfin, le meilleur ressortait de lui… même s'il avait encore parfois un caractère pourri.
Et tout le monde pouvait le voir, ce bon côté, au-delà de la Garde dorée, donc il pouvait être encore mieux accepté par les autres, son cercle s'élargissait.

Deathmask ne l'avait pas mérité dans sa précédente vie, il faisait fuir tout le monde, par crainte, par horreur, par dégoût.

Mais à présent, Angelo avait droit à des regards amicaux et bienveillants, à de l'intérêt et de la considération, de l'amitié, du respect, de l'admiration aussi chez les plus jeunes, malgré la crainte qu'il leur inspirait encore parfois.

Et oui, il le méritait, enfin.

- Et toi, Shura, tu parles un peu l'italien ou pas du tout ? demanda Letizia au détour d'un échange sur les langues e les origines.

- J'ai appris un peu à force de traîner avec Angelo, malheureusement, la majeure partie de ce vocabulaire ne peut être utilisée dans une conversation polie et décente, vu que ce sont principalement des insultes ou des jurons. Le plus acceptable, à mon sens, étant, si vous me permettez, Troia.

- Ce qui, pour les Grecs, n'est pas une insulte, mais une simple vérité, précisa Aioros.

- Pourquoi ? demanda Aiolia. Ça veut dire quoi ?

- Ça veut dire putain, comme ce qu'était Hélène de Troie, répondit Angelo en grimaçant. Cette sale traînée infidèle et manipulatrice…

- Mais en quoi les Italiens sont-ils concernés ? s'étonna encore le Lion. Ménélas était grec, c'est lui qui a subi l'affront, ça n'a rien à voir avec l'Italie ! En plus, c'est suite à la Guerre de Troie qu'Enée s'est réfugié en Italie et a fondé Rome !

Passant le bras derrière Marine à côté de laquelle il était assis, Angelo tacla l'arrière du crâne d'Aiolia, à droite de la jeune femme.

- Hey, mais ça va pas ? Qu'est ce que j'ai dit ?

- Des conneries, chaton ! répondit calmement Angelo. C'est Romulus qui a fondé Rome.

- Certaines versions l'attribuent à Enée, survivant de la Guerre de Troie, se défendit Aiolia.

- Oublie-les. Il est à l'origine du peuple à qui il a donné le nom de Latins en hommage à beau-papa, mais c'est arrivé des siècles avant la fondation de Rome.

- Les descendants d'Enée figuraient sûrement parmi ceux qui vivaient là, quand Romulus est arrivé, détailla Ernesto. Mais c'est lui qui a assuré la suprématie sur le Palatin par rapport aux sept peuples habitants les sept collines de la région, à cette époque, et qui a creusé le sillon qui marqua la fondation de la future Rome.

- Voilà, approuva Angelo en hochant la tête gravement.

Il ressemblait à un professeur excentrique qui validait l'exposé d'un élève.
Saga partagea cette pensée avec Shura et ils échangèrent un sourire amusé et complice.

Angelo ne la capta pas, mais il sentit quelque chose, aussi jeta-t-il un regard peu amène aux deux hommes.

- Je veux bien, mais je ne vois toujours pas le rapport… insista Aiolia. D'autant plus que Rome n'existait même pas, au moment de la Guerre de Troie ! Je sais qu'il y a eu une forte acculturation lorsque la Grèce est devenue une province romaine, mais je trouve cela vraiment poussé. On parlerait presque d'appropriation d'une partie de son histoire.

- Rome a intégré la Grèce à son Empire sans changer sa culture, sa société et son fonctionnement politique, jusqu'à accorder à ses citoyens le même statut qu'à Rome, répondit Sergio. Au fil des siècles et de l'Histoire, un vrai lien s'est créé, un peu comme une filiation. A l'époque tardive, la Grèce, grâce à Byzance rebaptisée Constantinople, était devenue le cœur de l'Empire romain, puis de l'Empire romain d'Orient. Nous avons une histoire commune forte et riche.

- Mais avec des identités et des origines propres à chacune !

- C'est vrai, et justement, la Guerre de Troie appartient à la mythologie grecque, rappela Letizia. Notre réaction par rapport à cet événement est aussi symbolique, et n'est pas uniquement due au lien entre nos deux terres. Le Roi Ménélas était grec, mais il aurait aussi bien pu être gaulois ou celte, ou que sais-je ? L'important, c'est qu'il était le mari de la troyenne, expliqua-t-elle. La fidélité dans le mariage est primordiale pour nous, Italiens et de manière universelle et intemporelle.

- C'est pour ça que les femmes de chez nous veulent se marier au plus vite, elles s'assurent ainsi que leurs hommes ne vont pas aller voir ailleurs, précisa Sergio, un peu taquin.

- Dit celui qui ne m'a toujours pas épousé, répondit Letizia en fusillant son compagnon du regard. Tu as quelque chose à me révéler ?

- Absolument rien, gattina. Mais peut-être que la belle émeraude à ton doigt voudrait te rappeler son existence...

- C'est plutôt à toi qu'elle veut parler, et te signaler qu'elle commence à se sentir seule, depuis le temps !

- Tu es injuste, j'attends seulement le meilleur moment pour la cérémonie. Ce n'est pas une formalité, tu mérites le plus beau mariage qui soit. Tout doit être aussi parfait que tu ne l'es, à mes yeux, dolce metà.

La belle italienne fondit littéralement et ses yeux brillèrent, alors qu'elle souriait à son homme, qui avait déposé un baiser sur sa main.

La scène fit sourire diversement.
Elle aurait pu être ridicule ou indigeste, mais il n'en était absolument rien.

Il n'y avait pas à discuter, les Italiens étaient de vrais charmeurs et ils savaient y faire.

- Tu t'en sors bien, comme toujours… soupira Letizia. Enfin bref, pour en revenir à la troyenne… On ne peut pas choisir de partir avec son amant ou sa maîtresse, même si c'est mieux toléré pour les hommes, injustement. Mais même si les Italiens sont des jolis cœurs volages et aiment compter fleurette, vous venez d'en avoir une belle démonstration, ils restent majoritairement fidèles dans le mariage. C'est un sacrement, on ne plaisante pas avec le sacré, chez nous.

Aiolia était toujours aussi surpris et perplexe, malgré toutes les explications données.

- Au point de prendre cela comme un affront à votre nation, c'est quand même quelque chose…

Sa mine dépitée amusa les Italiens.

- Cela dépasse les frontières, en fait, mais c'est vrai qu'on se sent étrangement très concerné et très rancunier envers la troyenne, au point de l'utiliser en insulte. Surtout quand on sait que ce n'est qu'un épisode de la mythologie grecque qui n'a jamais eu lieu, comme je l'ai déjà souligné. Mais on est comme ça, on est excessif et passionné ! conclut Letizia en riant de bon cœur.

Les Chevaliers échangèrent un regard amusé.
Quelle réaction aurait-elle eu, si elle avait su que tout – ou presque - était bien arrivé ?

- Et toi, Angelo, tu parles un peu espagnol ? reprit-elle en se tournant vers l'intéressé.

- Il a bien fallu que je m'y mette un peu. Ça me permet de prouver que nous, les Italiens, on est en tous points supérieurs. Au moins je sais de quoi je parle, quand je compare.

Cela fit rire, sourire ou soupirer tout le monde.

- C'est sûr que connaître le nom de deux trois plats que je te cuisine…

- Et quelques insultes que tu me jettes à la figure depuis 19 ans…

- … t'assurent une connaissance suffisante de la culture que tu dénigres, termina Shura sans prêter attention à son intervention.

Les rires, unanimes cette fois, redoublèrent.

- Vous êtes adorables à vous chamailler comme ça, leur fit remarquer Letizia. Votre complicité est impressionnante. Vous êtes ensemble depuis peu, si j'ai bien compris ?

- On partage le même lit depuis 9 mois tout pile, depuis hier, mais notre vie depuis 19 ans, répondit Angelo sans aucune gêne.

- Et leurs âmes depuis toujours, ajouta Saga en souriant.

Il n'était pas nécessaire de reprendre Angelo, ils étaient tous à l'aise, presque déjà entre amis.

- Je vois, vous êtes donc vraiment très proches. C'est assez évident, en fait. Comme on dit chez nous « Chi ben ama, ben corregge ».

- Qui aime bien châtie bien, traduisit Aioros. A l'aune de ce proverbe, on peut témoigner que ces deux-là s'aiment énormément.

- Tchhh….

- Quoi, tu trouves à y redire ? lui demanda Shura, faussement vexé.

- Absolument pas. Je suis le premier à dire que tu m'aimes trop.

Shura enfonça sans ménagement son coude pointu dans les côtes découvertes d'Angelo, qui avait posé son bras sur le dossier de sa chaise, entourant ses épaules sans en avoir l'air.

- Mais aieuuuh ! protesta le Cancer sans trop se dégager pour autant.

- La réciproque est tout aussi vraie, s'amusa Saga.

- J'ai jamais dit le contraire, répliqua Angelo. Elle est aussi plus logique.

- C'est-à-dire ? demanda Letizia, intriguée par leur échange.

- Quand on rencontre un bel homme comme Shura et qu'on apprend à le connaître, même s'il est un peu intimidant et qu'il paraît froid, on ne peut que l'aimer. C'est l'inverse pour moi. Il n'a aucune raison de ressentir la même chose et pourtant, c'est le cas, se confia Angelo de manière bien inhabituelle.

Et qui surprit ses pairs, une nouvelle fois.

- Qu'est-ce qui t'arrive, Angelo, t'as un coup dans le nez, déjà ? demanda Shaina, moqueuse.

- Rêve pas, la Vipère, tu me verras jamais bourré ! Je dis juste ce que je pense.

- S'il fallait vraiment expliquer les choses, je me risquerais à dire qu'aimer quelqu'un sans raison, c'est la preuve d'un amour très fort, l'un des plus forts qui soient, même, avança Letizia. Plus les raisons d'aimer une personne sont faibles, plus l'amour est puissant. Il est insensé, car c'est le cœur qui parle, et uniquement lui. Tout le reste est au repos.

- Il semblerait que cela se vérifie chez plusieurs personnes, intervint Aiolia en regardant son frère et Saga avec insistance. Il y a aussi ceux qui jugent que l'autre n'a pas de raisons de l'aimer et pourtant, elles sont pléthores. Heureusement, certains concernés finissent par ne plus se poser de questions et décident de profiter de cette chance de pouvoir être aimé d'un être exceptionnel. Tu devrais prendre exemple, Angelo.

- Je le fais, et grâce au même modèle, depuis toujours ! répondit le Cancer en souriant à Saga. Certaines choses ne changeront jamais.

- Un problème avec ça ? demanda le Gémeau avec un sourire en coin qui lui faisait encore plus ressembler à Kanon, si c'était possible.

- Et c'est à moi que tu demandes ? ricana le Cancer. C'est la meilleure du siècle !

Saga leva son verre en souriant plus franchement.

- Je ferai bien pareil, mais le mien est vide ! fit remarquer Angelo, avant de se lever. Je vais chercher ce qui faut, et je m'occupe du grignotage, aussi, y a presque plus rien.

- C'est qu'on a déjà vraiment bien mangé, merci beaucoup ! fit remarquer Letizia. C'était délicieux ! Le salé, le sucré, les boissons, tout était incroyable !

- Je n'imaginais pas pouvoir si bien manger ailleurs qu'en Italie, confia Ernesto. J'ai voyagé, pourtant, mais ce n'était encore jamais arrivé. J'apprécie la cuisine riche, mais la vôtre est saine et rassasiante à la fois, on est bien rempli sans se sentir mal ou trop plein. C'est agréable.

- Je suis d'accord, approuva Sergio. J'ai travaillé dans beaucoup de restaurants, à travers le monde, de la petite cabane de rue au palace multi-étoilé, et j'ai toujours gardé les meilleurs souvenirs de la cuisine grecque, aussi bien continentale qu'insulaire. Et vous, vous êtes très doués, c'était excellent, on s'est vraiment régalé !

- Venant d'un si grand chef, c'est très gratifiant, merci, répondit Saga, qui avait cuisiné tout le menu 100 % grec avec Aioros et Aiolia.

- Ça nous fait vraiment plaisir, ajouta le Sagittaire.

- Merci beaucoup, sourit son cadet, touché également par les compliments d'un professionnel.

En effet, Sergio avait été un grand chef cuisinier, jusqu'à son retour à Corniglia pour retrouver Letizia, l'amour de sa vie qu'il voulait reconquérir. Il avait tout quitté pour cela, et même si elle l'avait repoussé, il serait resté dans leur village natal, car il ne souhaitait rien d'autre que de demeurer à ses côtés. Vivre de si longues années loin d'elle lui avait donné cette certitude qu'il n'en supporterait pas davantage.

Tout le monde avait été touché par son témoignage, qui trouvait un écho auprès des trois couples de Chevaliers. Eux aussi avaient eu ce sentiment de ne pas pouvoir supporter d'être loin de la personne aimée, après l'avoir vécu.

Pour Saga et Aioros, un peu plus pour le premier que le second, qui n'avait pas ressenti l'absence de si longues années…
Pour Marine, qui n'avait pu faire son deuil de la disparition d'Aiolia, alors qu'ils avaient à peine pu se faire leurs adieux.
Pour Shura et Angelo, qui avaient eu de plus en plus de mal, après leur résurrection, à ne pas pouvoir partager la vie de l'autre plus intimement.

- C'est sincère et mérité, assura Sergio. On en avait eu un petit aperçu, à Corniglia, avec le repas que vous nous aviez préparé.

- Oh ! oui, c'était tellement bon ! se souvint Letizia. Mais ici, avec vos produits locaux, c'était encore meilleur !

-Vous aviez fait quoi ? demanda Chiara par curiosité.

Elle n'osait pas trop intervenir, car elle restait impressionnée par les Ors qu'elle connaissait peu.
Mais elle suivait la conversation avec intérêt, très reconnaissante de pouvoir partager un tel moment avec eux.

- Des aubergines farcies, du caviar d'aubergine et du koulouri, lui répondit Aioros.

- Qui est le ou la mordu-e d'aubergine ? s'amusa-t-elle.

Letizia leva la main avec un grand sourire.

- C'est le plus beau cadeau que le Seigneur ait fait aux humains.

La passion qu'elle avait mis dans sa voix fit rire tout le monde.

- Et tu veux lui faire goûter la moussaka de Milo ? demanda Shura à Saga. C'est risqué.

- On l'a prévenu.

- Je suis prête à m'évanouir de bonheur dès la première bouchée ! assura la belle Italienne, les yeux brillants.

- Il a pas intérêt à se louper, le Scorpion ! ricana Angelo. C'est un surnom affectueux, ne vous en faites pas, il est inoffensif, ajouta-t-il face aux regards interrogatifs et confus de leurs invités.

- Je suis confiant, déclara Sergio, vous avez beaucoup de goût. J'ai particulièrement admiré le fait que vous ayez préparé tout cela à plusieurs mains et tout était vraiment très bon. Cela montre que vous connaissez sûrement très bien la cuisine de votre ami.

- C'est vrai !

- Même les cocktails que vous nous avez servi à l'apéritif étaient excellents, fit remarquer Ernesto.

- Oh oui, c'était une merveille, Angelo !

- Merci, répondit celui-ci, tout fier.

Il était toujours debout, attendant la réponse à une question délaissée depuis longtemps.
Lui-même pris dans la conversation, il en avait oublié qu'il avait soif et qu'il s'était levé pour aller chercher à boire.

En même temps, il n'était pas resté planté comme un piquet derrière sa chaise.

Il s'était glissé derrière celle de Shura, dont il caressait la nuque de sa main libre ses doigts exerçaient une pression douce, mais ferme, qui offrait un agréable massage au Capricorne, ravi.

- Ça aurait été dommage que tu arrives en retard et que tu nous prives de ça, le taquina Saga avec un clin d'œil.

- Tchhh… Fais pas le malin, en venant toi-même nous chercher, tu avais très bien qu'on rappliquerait dans les minutes suivantes ! Si Shura avait pu, il se serait même téléporté !

Le susnommé se retourna à moitié pour frapper son compagnon d'un coup de poing dans le ventre, le faisant reculer de quelques pas en arrière.

- Va chercher à boire, au lieu de dire n'importe quoi ! lui intima-t-il.

- Oui, d'ailleurs, Angelo, tu ne nous ferais pas un de tes fameux cocktails de fin de repas, plutôt que de ramener du vin ? demanda Saga. Ça nous aidera à digérer. Si cela vous va… ?

Angelo pouvait faire des mélanges qui sonnaient douteux, sur le papier, mais il avait un sens du goût, des accords et de l'équilibre des saveurs incroyable, en ce qui concernait l'alcool et les boissons en général.

C'était une véritable énigme de le savoir paradoxalement si médiocre en cuisine.

Il semblait à beaucoup de ses pairs que c'était plus par fainéantise et manque d'intérêt réel que par inaptitude ou manque de talent. Angelo était forcément plus intéressé par les alcools que par la préparation culinaire plus élaborée.

Et puis, Shura faisait tellement bien la cuisine, depuis toujours, il l'avait quasiment nourri depuis le début de leur adolescence où ils avaient été contraints de se débrouiller seuls et de devenir autonomes.

Aphrodite, qui ne se débrouillait pas si mal non plus, avait aussi constitué une option.

Alors, Angelo n'avait pas vu de raisons de perdre son temps à cela, et il s'était concentré sur les boissons.
Pour le bonheur de tous ceux qui avaient la chance d'y goûter.

D'ailleurs, tout le monde hocha la tête, enthousiasmé par l'idée de Saga.

- Si c'est aussi bon que celui de l'apéritif, ça ne se refuse pas ! répondit Letizia. Et si ce n'est pas trop alcoolisé non plus, si possible, pour moi, je préfère consommer avec modération. Vos vins sont tellement doux que c'en est trompeur !

- Oui, c'est vrai, tu as bien raison.

- C'est not », je vais vous préparer un petit truc digestif bien de chez nous, pas trop fort pour ceux qui veulent, promis Angelo.

- On peut aider ? proposa gentiment Letizia.

- Non, vous, vous bougez pas, refusa le Cancer. Sauf si tu veux voir la préparation du cocktail, t'es la bienvenue.

- Si c'est à base de produits locaux, comme l'ouzo de tout à l'heure, je veux bien !

- Alors viens, pas de problème ! Je vais te montrer ce qu'on a, ça ira plus vite que de tout ramener ici. Vous voulez pas venir, vous deux ? proposa-t-il aux deux Italiens qui regardaient Letizia avec envie. Comme ça, vous pourrez choisir.

Sergio et Ernesto se levèrent avec un grand sourire, ravis de l'invitation, et ils gagnèrent tous les quatre la cuisine.

Après s'être consultées et comprises d'un regard, Shaina et Chiara leur emboîtèrent le pas rapidement.
Elles n'avaient pas l'occasion de voir Angelo dans le rôle de barman, jamais, pour Chiara, très rarement, pour Shaina, contrairement aux autres Chevaliers dont Marine, habitués à ce spectacle, lors de leurs nombreuses soirées.

Lors des anniversaires des Bronzes où Shaina était aussi souvent invitée, à la demande de Seiya, il n'y avait pas d'alcool tant que les gamins étaient présents. Ce n'était qu'une fois qu'ils se retiraient pour aller dormir que leurs aînés prolongeaient la soirée avec un peu d'alcool.

Enfin, ce n'était pas systématique, non plus, ils s'en passaient très bien.
Angelo réussissait tous ses accords sans fausse note, alcoolisés ou non.

Au retour du groupe, ils avaient tous les mains prises, car ils avaient aussi apporté des cocktails pour les autres restés dans le jardin et de quoi grignoter.
Chacun eut son propre verre, car Angelo connaissait leurs goûts par cœur.
Cela montrait qu'il était bien plus soucieux des autres qu'il n'y paraissait.

Cette fois-ci, grâce au sens esthétique des filles et à la fibre artistique d'Ernesto, ce fut aussi joli et présentable que bon !

Ainsi ravitaillés, la soirée put se poursuivre au gré des échanges, toujours dans une très bonne ambiance, entre rires et détente, conversations enjouées ou plus sérieuses, durant lesquelles ils apprenaient à se connaître.

L'heure tournant inexorablement, même si personne ne voyait le temps passer, Shura se décida à commencer à débarrasser. Il n'avait pas beaucoup aidé à la préparation, selon ses propres critères, alors il voulait se rattraper en rangeant discrètement, sans perturber les échanges qui se faisaient par petits groupes, à présent.

Les bras chargés de vaisselle à laver, il pensait gagner la cuisine directement pour les y déposer.
Mais remarquant Saga qui se servait de l'eau au niveau de la table principale, il le rejoignit plutôt et lui tendit son verre vide, après s'être libéré de sa charge.

- S'il-te-plaît, siffla-t-il entre ses dents serrées.

Saga s'exécuta, tout en l'observant.

- Merci, lui dit encore le cadet sur le même ton et sans le regarder, avant de boire son verre d'une traite.

Heureusement que ce n'était pas de m'alcool, nul doute qu'il l'aurait sifflé de la même façon.

Enfin peut-être pas le vin qu'ils avaient bu ce soir, car le Capricorne avait le sens des valeurs et ce n'avait définitivement pas été de la vulgaire piquette de table…

Saga jeta un œil vers la direction d'où venait Shura et sourit.
Angelo discutait de vive voix avec Letizia, Sergio, Aioros et Shaina, dans un bel italien chantant, au bord de la piscine.

La table que Shura venait de débarrasser était sûrement la petite autour de laquelle ils se tenaient.

N'importe qui, face à cette scène, aurait pu penser que Shura était jaloux.
Et cela aurait surpris, car ce n'était pas du tout dans son caractère.

Angelo avait bien essayé de le provoquer une paire de fois ou deux…
En vain.

Ce n'était pas dû au fait que Shura avait une totale confiance en leur couple, même si c'était effectivement le cas. Mais c'était plutôt que la jalousie ne faisait pas partie de sa personnalité.

On disait souvent que l'amour impliquait forcément de la jalousie, même de manière diffuse. Mais si Shura se retrouvait un jour dans une situation où le sentiment principalement éprouvé aurait été la jalousie, lui n'aurait ressenti que de la peur, celle d'être abandonné, et de la colère froide, face à la possible trahison.

Et s'il se retrouvait effectivement trahi d'une quelconque façon… la sentence était terrible et irrévocable.
Car s'il y avait bien une chose que le Capricorne ne supportait et ne pardonnait pas, c'était bien la trahison.

Aioros en avait fait les frais, bien qu'injustement.

Shura n'était donc pas jaloux, à cet instant, il était gêné.
Mais seul Saga pouvait comprendre la différence.

- C'est irrésistible, n'est-ce pas ? demanda-t-il à son ami, les yeux rivés sur le groupe d'italiens.

Shura regarda son aîné.

- De quoi ? demanda-t-il, avant de suivre son regard.

Saga sourit.

- J'avais déjà entendu Aioros échanger deux trois mots en italien avec Angelo, et quelques autres à notre arrivée en Italie, mais il parlait plus souvent anglais. Alors quand je l'ai entendu discuter pour la première fois plus longuement à Corniglia avec ses proches, ça m'a fait l'effet d'un choc électrique à basse tension. C'était puissant et dévastateur, ça m'a traversé le corps de part en part, mais cela restait agréable. J'en ai quand même eu le souffle coupé. Ça a duré tout le séjour, le même choc, les mêmes frissons, à chaque fois. Et je le constate encore ce soir. Dès que je l'écoute avec un peu trop d'attention, que je me concentre sur sa voix… je suis foutu.

- Je ne pensais pas… commença Shura, avant de se mordre la lèvre. Cela ne devrait pas m'arriver. J'ai la voix d'Angelo dans mes oreilles continuellement depuis l'enfance et dans trois langues différentes.

- Tu l'entends parler grec et anglais, mais il jure le plus souvent en Italien, c'est différent. Là, c'est plutôt doux et mélodieux, c'est une longue conversation animée, ponctuée de rires.

- Il me parle aussi en italien dans nos moments plus intimes, se confia Shura dans un murmure. Quelques mots ou parfois plus… Alors pourquoi je suis si réactif dans un moment si anodin et public ? Je me suis contenu toute la soirée, mais ça devient vraiment difficile.

- C'est la magie de cette langue, je suppose, répondit Saga en reposant son verre d'eau vide. Il y a quelque chose de mystérieux, là-dedans. Dans nos moments intimes, c'est excitant et on se laisse emporter par le désir et la passion qui s'en trouvent décuplés. Mais dans ces autres instants plus publics, on est spectateur, mais on reste impacté. Quand c'est un autre qui parle, on apprécie seulement la douce mélodie de ces sons. Quand c'est notre partenaire, cela prend une autre dimension, même quand il ne s'adresse pas à nous. Et ça nous renvoie aussi peut-être à ces moments plus intimes et ces mots soufflés au creux de l'oreille… ou d'une autre façon.

Shura l'avait écouté presque religieusement sans l'interrompre.

Il hocha la tête.

- Je vois plus clair, maintenant. Merci pour tes éclaircissements.

- A ton service. Et donc, reprit-il après un court silence, Angelo te donne de petits noms affectueux au cours de vos moments privés. ?

Il ne résistait pas à l'envie de taquiner son si sérieux cadet.

Shura se raidit et serra les poings, rougissant légèrement.
Sa gravité fit presque culpabiliser Saga.

- Te serait-il possible d'oublier cette partie de la conversation ou à défaut, me permets-tu de ne pas la confirmer en me répétant ?

L'aîné des Gémeaux rit de bon cœur en tapotant l'épaule du Capricorne tendu.

- Sois rassuré, même si j'ai fortement envie d'embêter Angelo à ce sujet, je m'en abstiendrais par égard pour toi.

- Je te remercie, Saga, fit-il, soulagé.

- En plus, il m'a donné déjà assez de matière pour se faire, ce soir. Il est tactile avec toi, en règle générale, quand on est entre nous, mais il l'a toujours été, d'une certaine façon. C'est simplement plus appuyé, depuis que vous êtes ensemble. Pourtant, ce soir, je l'ai trouvé résolument démonstratif, aussi bien dans ses gestes que dans ses mots, surtout ceux-ci, d'ailleurs.

- Tu l'as remarqué aussi.

L'aîné sourit avec indulgence.

- Je pense que c'est le cas de tout le monde.

- Était-ce gênant ? s'inquiéta Shura.

- L'était-ce pour toi ? répliqua Saga en croquant une olive, l'air de rien.

- Non, c'était plutôt surprenant.

- Pour nous aussi. Mais dans le bon sens, le rassura-t-il.

- Tant mieux, je n'aurais pas voulu qu'on vous indispose d'une quelconque façon.

- Ne t'inquiète pas, votre présence à tous les deux a été grandement appréciée. Je te remercie d'avoir accepté de l'accompagner, Shura. J'ai confiance en lui pour bien se tenir, il est seulement parfois un peu impulsif et imprévisible, et Letizia a un caractère assez explosif, alors il y avait un risque. Or, Angelo se comporte toujours mieux quand tu es à ses côtés.

- Il fait beaucoup d'efforts, le défendit-il systématiquement.

Ce qui fit encore sourire Saga.

- Qui sont tous remarqués et appréciés, crois-moi. Par tout le monde. Je le vois et j'en suis heureux. Pas uniquement pour le Sanctuaire, même si c'est très important pour la cohésion du groupe et l'harmonie au sein du Domaine sacré. Je le suis aussi pour toi, car tu le mérites et pour vous deux, car il a aussi droit à sa seconde chance.

- Bien sûr. Merci beaucoup pour ta sollicitude et ta bienveillance, Saga.

- Tu n'as pas à me remercier pour cela, voyons. C'est mon rôle, mais aussi et surtout, ma volonté. Je tiens à veiller sur chacun de vous.

- Je sais, c'est dans ta nature.

- Oui, en effet, reconnut le Gémeau. Et parlant de nature, cela ne te perturbe pas trop, de le voir si démonstratif envers toi ?

- Cela ne durera pas, répondit Shura. Il ne s'est comporté ainsi que parce qu'il pensait devoir le faire, face à des compatriotes si romantiques. Il ne voulait pas perdre la face ou paraître « moins italien ».

- C'est ce qu'il t'a dit ?

- Il n'a pas eu à le faire, je sais comment il raisonne.

- Je ne me permettrais pas de remettre cela en question, il y évidemment du vrai dans ton analyse, mais… je suis certain que ça lui a plu. Ce combat de coq n'était sûrement qu'un prétexte, Shura.

Le Capricorne, qui s'était remis à observer son compagnon, reporta son attention sur son aîné.

- C'est-à-dire ?

- Être ici lui offre une occasion unique de se libérer un peu du carcan du Sanctuaire. Il est moins rigide, mais nous sommes conditionnés, et nous devons faire attention par rapport aux apprentis et aux enfants. S'ajoute à cela les airs qu'il se donne devant les autres. Cela semble moins lui importer ici que chez nous, alors qu'il est conscient de s'exposer à nos taquineries et remarques bienveillantes.

- En effet, tu as parfaitement saisi la situation, comme toujours. Tu nous connais vraiment bien.

- Cela aussi fait partie de ma mission, c'est mon rôle, aujourd'hui plus que jamais.

- Et je remercie Athéna pour cela.

Saga hocha la tête, puis, se souvenant de la vaisselle à faire, il prit la pile d'assiettes pour l'emporter à la cuisine, et Shura en fit autant avec les verres et couverts pour le suivre.

- Je suis content que d'une manière générale, tout se passe bien pour vous deux. Surtout pour toi, Shura, je le répète.

- Je pense la même chose au sujet d'Aioros et toi, répondit le plus jeune, touché par les mots de son aîné.

Celui-ci sourit.

- Te connaissant, tu aurais culpabilisé à tort de ton bonheur avec Angelo, si Aioros et moi ne nous étions pas retrouvés.

- En effet, cela aurait constitué une forme cruelle d'injustice. J'ai une part de responsabilité dans ce qu'il s'est passé, il y a seize ans. Je n'ai jamais regretté d'avoir levé la main sur Aioros, mais plutôt d'avoir dû le faire. La nuance est subtile…

- Mais compréhensible, compléta Saga, tandis qu'ils chargeaient le lave-vaisselle. Tu l'as fait par obéissance et devoir car tu pensais être face à un être qui méritait le châtiment ultime. Mais tu regrettes d'avoir été conduit à cette situation.

Shura acquiesça, sombre, nullement surpris par la faculté de Saga à comprendre si facilement ses sentiments. C'était l'un de ses dons, celui de pouvoir lire l'âme humaine, même la plus complexe ou torturée, comme celles d'Angelo ou d'Aphrodite, par le passé.

Pas étonnant que ce dernier soit si profondément épris de leur aîné…

- Cependant, même sans éprouver de culpabilité à ce sujet précis, je n'aurais pas été complètement serein et épanoui dans ma propre relation avec Angelo, si cela vous avait été refusé.

- Si je nous l'avais refusé, corrigea Saga.

Malgré le propos, il sourirait ; Shura ne l'accusait jamais directement.
Ce qui n'était pas anodin pour un homme si fermement campé sur ses convictions, si pragmatique et qui allait toujours droit au but.

Shura referma le lave-vaisselle.

- L'important est que tu aies fini par prendre la bonne décision pour tout le monde.

- Peut-être pas pour Aphrodite, releva tristement Saga.

- Ne t'en fais pas pour lui, c'est bien mieux comme ça. Tu ne te serais jamais engagé dans une relation avec lui, de toute façon, alors il aurait été malheureux de toute façon. Mais quoi qu'il en dise, même s'il prétend le contraire, ton bonheur compte à ses yeux. Te savoir heureux l'aide beaucoup.

- Je sais qu'il s'en remettra. Si tout se passe bien, cela arrivera même plus vite que prévu.

Shura haussa un sourcil, intrigué par le propos énigmatique de Saga.
Mais Marine entra avant qu'il n'ait pu l'interroger.

- Vous avez besoin d'aide ? demanda-t-elle en s'avançant dans la cuisine.

- Non, on a fini de remplir le lave-vaisselle, il est quasiment plein.

- Il reste des verres et quelques assiettes encore. Le dernier qui y dépose quelque chose le démarrera.

Saga hocha la tête.

- Tu aurais pu rester discuter avec les autres.

- Aiolia et Ernesto sont lancés sur le foot, Chiara adore ça, elle aussi, elle a suivi sans problème. Moi, c'est à dose raisonnable et là, je commence déjà à fatiguer du sujet.

- Il est tard, de toute façon, fit remarquer Saga en regardant sa montre qui indiquait presque 23 heures. On ne va pas tarder à aller se coucher. Même si on peut tous rester parler jusqu'à l'aube, il faut rester raisonnable. Nos invités doivent être fatigués, leur première journée a été longue.

- Je suis d'accord, approuva Marine en s'étirant.

Shura acquiesça et les trois Chevaliers regagnèrent le patio, où les groupes avaient fusionné pour n'en faire qu'un, ce qui ne l'étonna pas.

Angelo avait dû entendre une réflexion sur le ballon rond et toute son attention avait sûrement viré de l'autre côté. Il était alors probablement intervenu et les Italiens autour de lui avaient suivi.

Le seul sujet qui pouvait autant et quelquefois plus occuper les Italiens que leur cuisine, c'était bien le foot.

- Il se fait tard, est-ce que quelqu'un veut un thé ou un café avant d'aller se coucher ? Ou autre chose ? proposa Saga sans crier, mais d'une voix suffisamment puissante pour être entendue.

Et écoutée.

- Le petit vieux du groupe veut bien un thé, s'il-te-plaît, Saga, demanda Ernesto.

Letizia, assise face à lui dans un fauteuil suspendu, lui balança un coup de pied dans le tibia.

- Ahi! La mia gamba! s'exclama-t-il en se tenant la jambe. Qu'est-ce que j'ai fait ?

- Tes réflexions stupides, là ! A cause de toi, si j'en demande aussi, je vais passer pour une mamie ! Merci bien, Netto !

- Ne t'en fais pas, la rassura Marine, on en boit aussi, même si beaucoup préfère le café, même le soir.

- Marine est d'origine japonaise, elle a la culture du thé dans le sang, la taquina Shaina. Ils sont biberonnés avec.

- Je te rappelle que j'ai passé la majeure partie de ma vie ici, se défendit la jolie rousse. Et le thé grec est au moins aussi connu et apprécié que les thés asiatiques.

- J'ai déjà eu la chance d'en boire et en effet, il vaut le détour, intervint Sergio. Le fameux thé des montagnes, c'est ça ?

- Oui, confirma Saga. Et nous avons un spécialiste de sa confection en la personne d'Aiolia.

- Oh, vraiment ? s'enthousiasma Letizia en se tournant vers le Lion.

- Il a appris pour moi et il m'en a tellement fait que c'est devenu un expert, confirma Marine.

Elle échangea un rapide regard avec Aiolia, un petit sourire aux lèvres, fière et gênée en même temps.
Le jeune Lion, aussi pudique qu'elle, lui rendit son sourire gêné mais radieux et se leva.

- J'en ai ramené, justement, je vais aller le chercher et en préparer, vous pourrez juger par vous-mêmes, si vous voulez.

- Avec plaisir, merci beaucoup !

- Du coup, quelqu'un veut quand même un café ? proposa une nouvelle fois Saga.

- Je reste au vin, répondit Angelo en levant son verre. Le café sera pour plus tard, ajouta-t-il en souriant à Shura, qui hocha la tête.

- Pour moi aussi.

C'était leur rituel du soir à eux, ce café partagé avant d'aller se coucher.

- Tu vois, Letizia, même les plus jeunes que nous ont des habitudes de vieux ! les taquina Saga.

- Continue à me chercher et tu vas trouver plus que t'espérais ! répliqua Angelo avec un rictus peu engageant.

Saga lui sourit effrontément, avant de se tourner vers les filles pour avoir leurs réponses.

- Je m'excuse, mais la soirée s'arrête ici pour moi, je vais dormir, annonça Chiara en se levant. J'ai entraînement tôt demain matin.

Shaina l'imita en s'étirant.

- Pareil pour moi, désolée !

Tout le monde les salua, les invités les remercièrent et elles gagnèrent l'un des appartements qu'elles partageaient toutes les deux.

Aioros alla faire du café pour Sergio, Saga et lui-même, ainsi que son frère qu'il rejoignit à la cuisine où il terminait la préparation du thé.

- Tu es très proche de Letizia, fit soudain remarquer Aiolia. Et ça se comprend, c'est une femme remarquable.

- C'est vrai.

- Elle a de la chance de t'avoir connu toutes ces années.

Aioros se pinça les lèvres, sans interrompre ses gestes.
Il pouvait répondre à cela, mais pas à la douleur contenue dans la voix de son cadet.

- Je suppose qu'elle pense la même chose que toi, ou presque.

- Comment cela ?

- Elle doit t'envier toutes ces années à venir, ce futur que j'ai choisi de vivre ici, à vos côtés.

Aiolia sourit.

- En effet. J'ai appris la leçon, mais j'ai encore du mal à l'appliquer systématiquement. Je me suis focalisé sur mon point de vue, je n'ai pas réfléchi au sien. C'est eux que tu as dû quitter, cette fois-ci.

- Exactement. Ça n'enlève rien au manque et à ta souffrance dus à mon absence, mais je suis là, désormais. Je ne t'ai pas vu devenir un jeune adulte, mais je vais te voir devenir un adulte responsable, un mari et un père, si c'est votre souhait d'adopter.

- Oui, nous en avons parlé. Je suis triste de ne pouvoir concevoir nos propres enfants, mais Marine est très compréhensive et têtue. Elle veut être avec toi, malgré tout.

- Et c'est bien normal.

Rhadamanthe les avait tous prévenus, ils étaient des anomalies dans ce monde, leur existence n'y était plus inscrite. Et les morts ramenés à la vie ne pouvaient la donner.

- Je vais aussi te voir devenir un vieux croûton, le taquina Aiolia.

Aioros rit en terminant la préparation du café.

- Ce n'est pas au programme !

- C'est vrai que nous allons mourir plutôt jeunes, se souvint Aiolia, toute moquerie envolée.

- Mais pas tout de suite non plus. On a le temps de bien en profiter.

- Oui. Et tu sais, quelle que soit ma situation, quand Saga sera rappelé, pour l'année qu'il te restera avant de le rejoindre, je serai là pour toi.

- Je le sais bien…

- Enfin, tu auras peut-être besoin à ce moment-là de te réfugier en Italie.

- Nous verrons quand nous y serons.

- Oui, désolé d'aborder un tel sujet ce soir…

- Nous avons appris notre temps de vie accordé il t'y a tout juste une semaine, c'est encore récent et assez marquant. Je comprends que tu aies besoin d'en parler.

- C'est sûr que ça a été assez perturbant…

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Flash back

Une semaine plus tôt
Treizième Temple
Salle du Trône

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Les Douze Chevaliers faisaient face à leur Déesse assise sur son trône, entourée de Shion à sa droite et Dokho à sa gauche.

- Votre Altesse, Princesse Athéna, nous vous remercions d'avoir accepté notre requête et de nous recevoir si rapidement, commença Saga, logiquement porte-parole du groupe avec Aioros.

Les deux hommes s'étaient avancés d'un pas et avait posé un genou à terre, casques sous le bras.

- Je vous en prie. Dites-moi tout, je suis à votre écoute, que puis-je faire pour vous ?

- Nous sommes conscients que nous avons une épée de Damoclès au-dessus de la tête et que notre sursis est limité, expliqua Aioros. Nous en avons discuté entre nous, et nous souhaiterions connaître le temps qui nous est imparti.

Athéna échangea un regard avec ses deux principaux conseillers, en fin de mission, mais qui seraient présents à ses côtés jusqu'au jour de leur départ, pour accomplir leur devoir jusqu'au bout.

Ils hochèrent la tête chacun leur tour.

- Je vois, répondit-Elle alors en reportant son attention sur Saga et Aioros. Je ne vous en ai pas parlé car je souhaitais vous voir profiter sans inquiétude de votre nouvelle vie. Mais je comprends que, conscients comme vous l'êtes de ses limites, vous ne puissiez le faire en toute insouciance. Relevez-vous, tous. Je vais répondre à votre demande.

Alors que les Ors se redressaient, Elle marqua un temps d'arrêt, laissant peut-être la possibilité à certains de changer d'avis.
Mais Elle n'avait que des visages résolus face à elle.

- Votre temps de vie supplémentaire accordé à été calculé en fonction de vos actions, lors de votre précédente vie. Il est donc propre à chacun. Vos âmes ont, pour certaines, été purifiées de tout mal, mais Hadès a imposé cette condition et elle n'était pas négociable.

- Nous comprenons, Votre Altesse, assura Saga en s'inclinant. Vous avez déjà tant fait pour nous, soyez à jamais remerciée.

- Princesse Athéna ! clamèrent tous les Chevaliers d'une même voix puissante, le poing sur le cœur.

La Déesse hocha la tête, et reprit.

- Le temps maximum qui a pu être défini est de 30 ans. Il a été accordé à Shion et Dokho, pour leurs vies vertueuses à mon service et le lourd sacrifice qu'ils ont accepté de payer. Il en est de même pour toi, Aioros, qui a sacrifié ta vie pour me sauver sans l'ombre d'une hésitation, alors que je n'étais qu'un bébé au cosmos à peine éveillé. Cela a également été accordé à toi, Aldebaran, car tu ne t'es jamais réellement battu contre un Dieu, de ton vivant. Et tu as toujours fait le bien autour de toi, ton cœur a toujours été pur. Il en va de même pour toi, Shaka, à qui vingt-sept années t'ont été offertes et non trente, cependant. Ceci, car tu es l'homme le plus proche des Dieux, certes mais tu as levé la main sur Hadès et l'a combattu frontalement à mes côtés, ce qui lui est intolérable et inacceptable.

- Je comprends et vous en remercie, Princesse Athéna, répondit la Vierge très humblement en s'inclinant.

- A vous, Mu, Aiolia, Milo, et Camus, vous ont été accordé 25 ans. Vous vous êtes certes opposés à Hadès sur son territoire en accomplissant votre devoir de Chevalier, mais vos vies ont été parmi les plus vertueuses, ce que Je ne lui ai pas permis d'ignorer.

- Votre Altesse… commença Milo.

- Je sais ce que tu vas me dire, l'interrompit-Elle avec douceur. Oui, tu étais l'assassin du Sanctuaire, mais tu n'as fait qu'obéir aux ordres que tu pensais justes. Tu as fait ton devoir, Milo. Ce temps est mérité.

Son ton n'admettant aucune réplique, Milo la remercia et s'inclina humblement.

- Il en va de même pour toi, Saga, à qui t'ont aussi été offertes 25 années.

- Je ne les mérite pas, Votre Altesse… répondit-il immédiatement.

- Tu étais possédé, et victime. Bien sûr que tu le mérites. J'ai même demandé qu'il te soit accordé le même temps qu'Aioros, car tu étais un homme bon et tu as fait beaucoup pour le Sanctuaire et l'humanité, avant de sombrer et même pendant ta possession, d'ailleurs. Mais parce que tu as mené les Renégats et trompé Hadès, Il te l'a refusé. Tu m'en vois navrée.

- Je vous remercie infiniment pour votre sollicitude, Votre Altesse.

Aioros fit un pas en avant et posa un genou à terre.

- Votre Altesse, si je puis me permettre…

- Oui, Aioros ?

- Pouvons-nous renégocier les termes de cet accord ?

- Je ne pense pas, mais si tu as une modification à demander, je t'écoute et je ferais en sorte d'en parler à mon Oncle.

- Je propose de donner trois ans de ma vie à Saga.

- Folie ! protesta énergiquement le Gémeau en s'avançant également d'un pas. C'est hors de question !

Toujours partiellement agenouillé, Aioros se tourna vers lui et leva son regard vers le sien.

- Saga…

- Non, je n'accepterai jamais une telle chose, je refuse catégoriquement !

- Et moi je refuse de vivre cinq ans sans toi ! répliqua vivement le Sagittaire en se levant, et d'une voix puissante peu habituelle.

Surtout face à sa Déesse et son représentant.

Une voix chargée des mêmes douleur et angoisse qui vibraient dans son cosmos, et troublaient le regard de jade intense qu'il posait sur Saga.

Un lourd silence s'abattît sur l'assemblée.
Puis le Sagittaire se reprit et remit un genou au sol face au Trône.

- Votre Altesse, Votre Éminence, Vieux Maître, mes frères, je vous prie de m'excuser d'avoir élevé la voix.

- C'était un cri du cœur, il n'est pas condamnable, répondit la Déesse avec douceur.

Shion et Dokho hochèrent la tête avec bienveillance.

- Je vous remercie de votre compréhension, Votre Altesse. Aussi, je vous en conjure, Princesse Athéna, transmettez cette requête à Hadès.

- Je comprends ta démarche, Aioros, en effet. Je vais faire le nécessaire. Cependant, je ne demanderai pas que te soient retirés trois ans, mais deux, uniquement. Saga ne peut avoir un sursis supérieur au tien, même si je souhaiterai qu'il soit plutôt égal. Hadès n'acceptera jamais et fermerait toute discussion avant même le début d'une négociation.

- Je comprends, accepta Aioros. Une année, aussi difficile sera-t-elle, vaudra toujours mieux que cinq.

- En effet. Approuves-tu cette solution, Saga ?

- J'aurais voulu qu'Aioros vive le plus longtemps possible, répondit-il en regardant brièvement son compagnon. Mais en me mettant à sa place, je comprends son raisonnement et sa démarche.

- Tu aurais eu les mêmes.

- Exactement.

- Bien, puisque nous sommes tous d'accord, restons-en-là pour le moment à ce sujet. Je vous tiendrai informé, lorsque j'aurais pu m'entretenir avec Hadès.

- Merci, Princesse Athéna.

Les deux Chevaliers reprirent leur place dans le rang, après un bref regard échangé.

- Reprenons. Shura, 23 ans t'ont été offert. Tu es un homme bon et épris de justice, mais tu t'es fourvoyé, en suivant sciemment le Mal que tu avais démasqué, et en cautionnant le meurtre du Grand pope.

- C'est encore trop m'accorder, Princesse Athéna.

- Je connais ton cœur, Shura, et il est bon. Tu as été dupé, comme tes pairs. Ce temps est juste et mérité.

Son ton n'admettait là encore aucune protestation.

- Je vous en remercie, Votre Altesse, Princesse Athéna, répondit Shura en s'inclinant.

- Angelo, Aphrodite, vous vous êtes vus attribuer vingt ans de plus. Je n'ai pas besoin d'expliquer les raisons de ce choix.

- Non, Votre Altesse, répondirent-ils en même temps. Merci pour cela.

- Avant que tu me le demandes, Shura, c'est non. Angelo doit assumer les conséquences de ses actes, et payer le tribut demandé. Tu ne peux te délester d'années à son profit. Je m'y oppose formellement. J'espère que vous me comprenez, tous les deux.

- Bien sûr, Votre Altesse, répondit Angelo. Vous m'avez purifié et ramené sur Terre, vous m'accordez 20 ans avec Shura. C'est déjà bien plus que ce que je méritais ! Je le montre peut-être pas, mais je suis conscient de ça, et vraiment reconnaissant.

- Nous sommes aussi conscients que tu n'es pas toujours très à l'aise avec ce qui t'a été accordé, Angelo, intervint Shion pour la première fois. Nous comprenons que cela ne soit pas simple, car la purification de ton âme ne l'a pas allégé du poids de tes actes et de tes crimes.

- Auquel s'ajoute celui du pardon de Notre Déesse, et de tous les sentiments que te témoignent tes pairs, aujourd'hui, et l'un d'eux en particulier. Il est normal de te demander si tu le mérites vraiment et de ne pas t'en sentir digne, compléta Dokho. Tu finiras par te convaincre que oui, même si jamais complètement, car ton fardeau lesté de culpabilité est incroyablement lourd.

- Autant que le sont tes exactions passées, reprit Athéna. Cependant, tout le monde a le droit à une seconde chance, Angelo. Et ton comportement, depuis votre retour à la vie, nous prouve, si besoin, que tu la mérites. Tu es celui que tu aurais pu être, sans les traumatismes de ton enfance et la manipulation du Lémure. Il en est de même pour toi, Aphrodite, ajouta-t-Elle en regardant le dernier Gardien. Nous pouvons tous constater que l'un et l'autre, au fond, vous êtes de bonnes personnes. Car aucune mauvaise âme ne naît dans ma Chevalerie. Mais ce qui lui arrive par l'intrusion d'éléments par des êtres supérieurs pas toujours bien intentionnés m'échappe, malheureusement. Lorsque les malversations et les caprices divins vous éloignent du bien, vous éloignent de moi, je ne peux qu'œuvrer pour vous ramener à mes côtés.

- Princesse Athéna !

- Je termine par toi, Kanon. Au regard de tes actes passés, dix-sept années t'ont été accordées à nos côtés, pour cette nouvelle vie. Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

- Oui, si vous le permettez, je voudrais en profiter pour parler à mes frères d'armes.

- Tu es sûr de toi ?

- Oui, répondit-il, le regard déterminé.

- Bien. Approche, viens à nos côtés.

Kanon se leva et rejoignit sa Déesse, devant laquelle il s'inclina, avant de se placer à sa gauche, Dokho lui ayant laissé l'espace nécessaire.

Il expliqua alors ce qu'il allait advenir de lui, à sa mort.
Il était un peu inquiet de la réaction de chacun.

Mais sans surprise, ce fut Milo qui désamorça la tension d'intense réflexion qui s'était installée après son discours.

- Heureusement qu'il y a cette condition en cas de Guerre, contre Rhadamanthe et toi unis, personne n'aurait aucune chance ! Nos petits jeunes sont prometteurs, mais pas à ce point !

- Poséidon, Athéna, ensuite Hadès, tu veux faire toute l'Olympe ? le taquina Aphrodite, mais avec une surprenante bienveillance.

- Je pense pas que la Wyvern le laissera bouffer à une autre table, maintenant qu'il lui a posé les griffes dessus, intervint Angelo avec un petit rire.

- Du coup, on te supporte dix-sept ans ici, et jusqu'à ce qu'on meure à notre tour, ensuite ? Parce que tu vas remonter nous voir, hein ? demanda Milo sérieusement. Après tout, on commence à avoir l'habitude de voir un Spectre rôder dans le coin… avec de bonnes intentions… enfin, ça dépend envers qui...

- Et Saga serait peiné si tu ne le faisais pas, fit remarquer Shura.

- C'est long, dix-sept ans, ça se trouve, il ne me supportera plus bien avant, répliqua Kanon.

- Je pourrais te supporter éternellement.

L'intervention spontanée et surprenante de Saga mit fin aux moqueries bienveillantes.

Athéna reprit alors la parole et clôtura l'audience qu'Elle leur avait accordé, les laissant discuter entre eux et peut-être aussi, assimiler les informations qu'ils étaient venus chercher.

Car à présent que leur nouvelle vie était bornée, aucun d'eux ne pourrait plus voir les choses de la même façon…

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Fin du flash back.

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- Oui, il faudrait peut-être qu'on en reparle, maintenant qu'on a un peu plus de recul que le jour-même, répondit Aiolia. Mais pas ce soir. Ce n'est ni le lieu, ni le moment.

- Mais si tu en ressens la nécessité, on peut s'isoler un instant. Tu restes ma priorité, 'Lia, il n'y a même pas à discuter là-dessus.

- Non, non, crois-moi, tout va bien, merci beaucoup, Grand frère.

- D'accord. Mais n'hésite pas.

- Promis.

Les deux frères terminèrent de tout préparer en changeant de sujet.

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A suivre.
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Notes :

1. Pente de Yomi « Yomotsu Hirasaka » : plaine désolée du royaume souterrain par laquelle transitent les âmes des défunts. Elles se jettent ensuite dans le fameux Puits des Morts/des Âmes, un immense gouffre où Deathmask sera précipité par Shiryu lors de la bataille des 12 maisons, et par Rhadamanthe avec Aphrodite lors du Chapitre Hadès. Le Chevalier du Cancer, avec sa technique du Sekichiki meikai ha « les Vagues/Cercles d'Hadès » qui sépare l'âme du corps, a le pouvoir d'y envoyer l'âme de son adversaire. C'est le seul Chevalier (être humain, même) à pouvoir s'y déplacer librement et y intervenir.

2. Il giorno del mai : « le jour de jamais » en italien, autrement dit, jamais.

3. Mi cielo : espagnol, prononcé "sjielo". Petit mot doux signifiant littéralement "ciel" dans le sens "paradis", généralement utilisé pour dire à la personne qu'on aime qu'elle est "céleste", qu'elle vient du paradis, bref, que c'est un ange, tout simplement (même si les espagnols ont un mot pour "ange" qui est "angel". Ce qui, selon moi, colle bien à Angelo !

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Merci d'avoir lu ce long chapitre, en espérant qu'il ne vous aura pas ennuyé par sa longueur, justement !
A dès que possible pour la suite et bonne reprise aux concernés.