Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Letizia et sa famille
Pairing et personnages pour ce chapitre : Aioros x Saga, Rhadamanthe x Kanon, Letizia x Sergio, Ernesto, Chiara, Marine x Aiolia
Rating : T

Note : Bonjour. Merci de venir découvrir ce nouveau chapitre, dans le prochain on retrouvera tout le monde ou presque.

Coucou Fealina ! Et MERCI beaucoup pour ta review ! Je suis soulagée que tu aies aimé ! Ce que je veux faire transparaître dans la relation Kanon Rhad', (que j'adore, c'est mon couple préféré) c'est que bien sûr, il y a un rapport de force entre eux, une opposition, c'est ce qu'on ressent dans le manga et l'animé. Ils sont à un niveau équivalent de puissance. Mais ils sont également deux puissants guerriers pétris de valeurs, fiers, avec une certaine noblesse. Ainsi a été définie leur relation d'ennemis. Mais à présent, Kanon est l'âme sœur que Rhadamanthe a cherché et attendu toute sa longue existence. C'est l'être le plus précieux au monde pour lui, avant même Hadès, il l'a dit et répété. Ils sont égaux, mais il reste des traces, chez Rhadamanthe, de leur première relation et de leur première vie. Dans celle-ci, il était le mentor et Kanon, enfin Milétos, était le jeune protégé, selon le modèle grec antique où on retrouve ce maître disciple / aîné jeune homme, dans les relations homosexuelles. Certains avancent que l'homosexualité était tolérée et courante pour cette raison car il y avait une forme d'apprentissage, l'homme plus âgé que l'autre prenait soin de lui, lui apprenait beaucoup de choses, l'initiait et pas que sexuellement bien entendu. Rhadamanthe a gardé ce côté protecteur envers Kanon même s'il n'en a pas besoin. Il fera tout pour lui. Kanon aussi, peut être dû à sa première incarnation, ou sensible aux sentiments de Rhadamanthe, les deux sûrement, et parce que c'est ainsi que c'était écrit. Leur amour est absolu. Ils ont tous deux ce qu'ils ont toujours voulus : Kanon voulait être reconnu et aimé, Rhadamanthe voulait le retrouver et vivre leur histoire écourtée de manière si brutale et injuste par Minos. Tout ceci est, bien évidemment, subjectif, une interprétation toute personnelle d'éléments bien réels et existants mis bout à bout :) J'espère que ce chapitre te plaira aussi !

Bonne lecture !

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Le Fil rouge du Destin

Chapitre 24 : Aujourd'hui, je vis avec gratitude pour l'amour qui remplit mon cœur, la paix qui repose mon esprit, et la voix de l'espoir qui dit que tout est possible.

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Le lendemain
Lundi 18 septembre 1989
Villa Nea Avgi (Aube Nouvelle)
Dans les jardins

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Entendant des pas derrière elle, Letizia reposa son verre et se retourna.

Kanon et Rhadamanthe s'avançaient vers elle, côte à côte et elle n'eut qu'une petite hésitation sur l'identité du jumeau qui la rejoignait.

- Bonjour, Kanon, le salua-t-elle en se levant poliment pour leur faire face et lui tendre la main.

- Bonjour, Letizia, répondit-il en la serrant, et bravo pour m'avoir reconnu tout de suite.

- Je n'ai aucun mérite. L'homme qui t'accompagne n'est pas Aioros, et cela se voit qu'il n'est pas un simple ami, vu comme vous êtes proches, donc tu ne peux être Saga.

- En effet. Je te présente Rhadamanthe, mon compagnon. Et Rhad', voici Letizia, l'amie proche d'Aioros dont je t'ai parlé.

Le Juge tendit la main à son tour.

- Enchanté, Madame.

- Moi de même ! Un peu moins par le « Madame », par contre… grimaça-t-elle. On peut s'appeler par nos prénoms et se tutoyer, non, nous avons sensiblement le même âge… ?

- Certes, accepta Rhadamanthe.

A quelques millénaires près…

Il n'aimait pas la familiarité trop précoce, mais il avait senti le regard de Kanon et il ne voulait pas l'incommoder.

Et il avait aussi perçu le trouble de la jeune femme devant lui, qui tentait de le masquer avec une apparente légèreté et camaraderie. Elle y arrivait bien, malgré tout, elle avait dû prendre l'habitude en rencontrant les autres Chevaliers.

Aucun d'eux ne laissait indifférent, de prime abord.

Il en allait de même pour Rhadamanthe, dont les yeux d'or viraient certes au vert à la surface, mais qui, à la manière des chats, prenait parfois encore, sous une certaine lumière, un éclat tourmaline aussi profond que les reflets de la pierre elle-même.

Aussi, ne voulut-il pas en rajouter en imposant une distance avec un vouvoiement qui, en effet, ne se justifiait pas vraiment entre « jeunes » gens dans leur situation.

Letizia sembla ainsi se détendre quelque peu et son sourire s'accentua.

- Ton prénom est très prestigieux, j'aime beaucoup.

Le Juge haussa le sourcil.

- Prestigieux ?

- Oui ! Ce n'est pas rien d'être nommé d'après un héros légendaire qui est devenu Juge des Enfers après sa mort !

- Tu es cultivée.

Non, contrairement à ce qu'on pouvait penser, il n'avait pas la prétention de croire que tout le monde connaissait ou devait connaître son histoire, sa légende, son mythe…

- Plutôt curieuse et très intéressée par la mythologie en général, expliqua la jeune femme. J'ai aussi lu plusieurs choses sur les Cyclades et la Crète particulièrement, j'aimerais bien y aller, prochainement. Tu en es peut-être originaire, d'ailleurs ?

- En effet, répondit Rhadamanthe, alors qu'ils s'installaient tous sur les fauteuils ou sièges de jardin.

- Toutes les îles des Cyclades ont l'air tellement magnifiques !

- Elles le sont, confirma le Juge, un tantinet chauvin. Merci, ajouta-t-il pour Kanon, qui lui avait servi un verre de citronnade à disposition sur la table.

- J'espère le constater moi-même un jour !

- Je te souhaite de pouvoir le faire.

- Merci, Rhadamanthe, c'est très gentil ! Tu y retournes souvent, toi ? A moins que tu n'y vives toujours ? Ce n'est pas si loin… enfin, pour les îles les plus proches... Aioros nous avait proposé une petite excursion, mais je voulais vraiment y consacrer tout un séjour, alors j'ai refusé. Il y a déjà fort à faire à Athènes et ses environs !

- C'est assez facilement et rapidement accessible, en effet, confirma Kanon. Mais Rhadamanthe n'y vit pas.

Ils auraient pu prétendre que si, mais comme elle prévoyait d'y séjourner, cela aurait pu s'apparenter à une ouverture. La logique aurait voulu qu'il les invitât, ou leur proposât de servir de guide, dans ce cas-là et cela aurait été problématique.

- En effet, je n'y vais plus depuis de nombreuses années, ajouta celui-ci, partageant les pensées de son Gémeau.

- Mais nous y sommes allés le mois dernier, précisa Kanon, cependant. Il faut vraiment prendre le temps de visiter plusieurs îles, mais c'est toujours mieux hors saison. Certaines sont moins connues mais tout aussi magnifiques. Tu as eu raison de refuser une petite excursion qui n'aurait été que trop rapide et frustrante, au demeurant.

- Vous me donnerez des conseils, si j'arrive à concrétiser ce projet ? demanda-t-elle avec un air rêveur. Je pense à la Crête, forcément, et à l'île de Santorin, pour comparer nos couchers de soleil en forte compétition. Mais je suis prête à découvrir d'autres lieux sur recommandations avisées…

- Bien sûr, tu pourras compter sur nous, le moment venu, assura Kanon avec un charmant sourire. Milo aussi aura de bons conseils, il connaît la Grèce dans sa totalité, continent et îles, passé et présent, sur le bout des doigts. Je suis sûr qu'il ira même jusqu'à s'arranger pour vous rejoindre, à votre demande, pour vous faire lui-même la visite de certains lieux, lorsque vous serez sur place.

- Merci beaucoup, c'est formidable de pouvoir compter à ce point sur des locaux ! s'enthousiasma-t-elle. Et sur des amis, surtout. Et sinon, Rhadamanthe, tu travailles aussi pour le Sanctuaire ?

La gorgée de citronnade qu'il venait de prendre brûla la gorge du Juge trois fois millénaires, à l'entente de cette hérésie.

Ils auraient bien aimé avoir réussi à détourner son attention et sa curiosité vers une autre cible, mais visiblement, elle tenait à en savoir plus sur le nouvel arrivant.

Et elle revenait à la charge avec la pire des questions possibles.

- Non, il n'appartient pas à notre organisation, répondit Kanon, hilare intérieurement.

- Oh ? Tu as la même carrure que les autres, j'aurais cru… Alors tu fais quoi, dans la vie ? Oh attends, j'essaie de deviner ! s'amusa-t-elle sans leur laisser le temps de répondre. Tu ressembles à un militaire, mais tu as trop de cheveux pour en être un en fonction… j'aurais bien dit un diplomate, une haute-fonction de ce genre, vu ta posture, mais ton allure sportive est plutôt celle d'un homme très entraîné. C'est peut-être juste un loisir… Ou alors, c'est pour Kanon, pour rester à son niveau ou tu le soutiens en l'accompagnant quand il s'entraîne ?

La belle italienne semblait tout à fait à l'aise, à présent, et sa nature méditerranéenne reprenait ses droits.

*Elle parle beaucoup.

Je sais. Tu vas survivre ? * se moqua tendrement Kanon.

*Je m'inquiète simplement de sa curiosité. Tu sais que j'exècre le mensonge.

Les autres arrivent bientôt, rassure-toi, cela détournera son attention.

Je l'espère.

Je suis là, en attendant, tu sais que tu peux compter sur moi.

Je m'en remets entièrement à toi*.

- Je suis Juge, finit-il par répondre à la jeune femme qui attendait poliment.

- C'est une blague ? demanda-t-elle avec un petit rire.

- Non.

Le sérieux de Rhadamanthe la doucha quelque peu.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te vexer ou paraître impolie. Mais tu me dis être juge, donc comme le grand Rhadamanthe qui a été nommé juge par Hadès aux Enfers ! C'est une sacrée coïncidence.

- Je ne crois qu'au Destin.

- Oh, alors c'est ce que tu voulais faire, c'était ton choix depuis toujours ?

- J'ai été appelé.

Letizia l'observa un court instant en silence, par-dessus son verre, qu'elle finit par reposer.

Les réponses de Rhadamanthe étaient laconiques au possible, mais cela ne la décourageait pas de poursuivre leur discussion, à présent qu'il lui était apparu assez ouvert et amical malgré tout.

- C'est marrant, tu parles comme les personnes qui entrent dans les ordres et qui se disent « appelé par Dieu ».

- On peut également l'être par sa Destinée, nuança le Second Juge.

- Les prénoms peuvent parfois influencer les destins, fit remarquer Kanon à son tour, l'air de rien.

- Tu en es un très bel exemple, Rhadamanthe ! Je me sens soudain soulagée que le mien n'ait pas été influencé par celui de Letizia Bonaparte !

- Elle n'a pas eu une vie facile, en effet, reconnut Rhadamanthe, songeur.

Il se souvenait de cette femme qu'il avait jugé en lieu et place d'Eaque, un jour où il lui prêtait main forte.

- Mais dis-moi, enchaîna rapidement Kanon pour éviter de nouvelles questions délicates, tu es toute seule ?

- Oui, Sergio n'a pas fini sa sieste. C'est mon fiancé, précisa-t-elle pour Rhadamanthe. Nous sommes allés déjeuner dans un restaurant délicieux à Athènes, puis nous avons fait une belle balade pour rentrer, mais sous un soleil et une chaleur plus ardue que celle à laquelle on est habitué, chez nous, sur les hauteurs de notre village. Du coup, il est tombé de fatigue en rentrant !

- Et toi, tu te sens bien ?

- Oh ! Oui, Kanon, je te remercie pour ta sollicitude, sourit-elle. J'étais mieux équipée que lui, leur expliqua-t-elle en désignant le chapeau sur sa tête. Et puis, j'ai grandi dans la cuisine de notre restaurant, notre four à pizza monte à de très hautes températures toute l'année. Les coups de chaud, ça me connaît !

- Mais il est cuisinier, lui aussi, non, c'est un chef ? J'ai cru comprendre qu'il avait fait le tour du monde et travaillé dans de grands restaurants…

- C'est le cas. Mais ce n'était pas toujours de la cuisine artisanale, si je puis dire… Mon Sergio s'est formé chez des étoilés, il a connu des palaces et autres restaurants prestigieux avec un certain confort en cuisine et du matériel particulier. Avant de revenir au village et de me donner un coup de main, il n'avait pas approché un four à 400° avec de vraies flammes depuis des années !

- Je vois.

- Je pense qu'il a aussi forcé sur l'excellent ouzo servi dans ce restaurant d'Athènes, révéla Ernesto en les rejoignant.

- Tu es arrivé quand ? s'étonna Letizia en se tournant vers lui.

Son ami posa son appareil photo et salua Kanon, qui fit les présentations avec Rhadamanthe.

- Je suis rentré depuis cinq bonnes minutes, mais je prenais encore quelques photos avant de vous rejoindre, j'étais juste à côté.

- Heureusement que je n'ai rien dit de mal ! se réjouit Letizia en lui servant un verre.

- Sur moi ? Tu en es bien incapable. Merci, ma Leti.

Saga, Aioros, Marine et Chiara arrivèrent ensuite.
Puis Sergio, peu après, qui s'excusa de les avoir fait attendre.

En effet, ils avaient prévu une visite particulière de l'Acropole, afin de mettre en place la petite cérémonie de remerciement aux Déesses.

D'où la présence de Rhadamanthe.

Pour éviter que les gens présents sur le site ne vinssent les perturber, les Gémeaux utilisèrent leurs techniques d'illusion : personne ne s'approcherait de la zone des vestiges du temple d'Artémis, car ils ne le remarqueraient pas et se désintéresseraient totalement de l'endroit.

Le groupe put donc s'installer tranquillement.

Aioros et Rhadamanthe préparèrent les cibles et leurs équipements, Marine sortit son shamisen et Kanon, son aulos, même s'il ne pensait pas en jouer. Saga et Chiara s'occupèrent des boissons pour se rafraichir.

Une fois tout en place, l'attention se fixa sur Aioros et Rhadamanthe, en position sur le pas de tir, très concentrés.

Ila avaient enfilé des tuniques d'entrainement, Kanon ayant prêté une des siennes à Rhadamanthe, puis s'étaient équipés pour se sécuriser par diverses protections de cuir : coudière ou protège bras, genouillère, épaulière ou harnais, chacun selon ses préférences.

Et bien évidemment, non pas à la manière des archers modernes, mais bien à celle des guerriers grecs antiques.

Ils offraient ainsi un spectacle saisissant, dans ce décor de ruines, avec les colonnes et certains vestiges encore debout qui les entouraient.
C'était comme si, soudain, une fresque antique relatant une partie de chasse ou une épreuve des jeux panhelléniques s'était détachée de son support quelconque, frise, fronton, linteau, pour prendre vie sous leurs yeux ébahis - et chanceux.

Avec leurs boucles d'or pour l'un, de bronze pour l'autre, et leurs muscles saillants et bandés mis en valeur par leurs tenues près du corps pour ne pas gêner le mouvement, ils semblaient être deux héros – Dieux ? – grecs sortis tout droit de l'Antiquité.

Les Gémeaux échangèrent un regard, se soutenant mutuellement pour garder le contrôle d'eux-mêmes et ne rien laisser paraître de l'état dans lequel les mettait la vision et le spectacle qu'ils avaient face à eux.

Ils partageaient la même fierté, le même bonheur, la même sensation d'être aussi puissamment chanceux qu'ils étaient amoureux.

Les femmes aussi étaient troublées, et Ernesto était saisi par tant de beauté, autant des hommes que de la scène dans on entièreté, et d'que, après lui, nul art et nul artiste ne sauraient retranscrire assez fidèlement pour rendre hommage.

Quant à Sergio, il était tellement envouté lui aussi qu'il en oublia d'être jaloux, tout simplement.

Indifférents aux réactions et aux émois qu'ils provoquaient, les deux archers d'exception étaient tout à leur tâche.

Aioros était habitué à faire attention aux humains, donc il pouvait se concentrer sur les deux, son arc, son jeu, tout en restant conscient de ce qui l'entourait. Comme tout Chevalier, abaisser le niveau de son cosmos était une seconde nature, il le faisait naturellement dès qu'il sortait du Domaine sacré.

Rhadamanthe l'était un peu moins, même s´il apprenait à le faire, depuis qu´il fréquentait Kanon, car il ne pouvait se rendre au Sanctuaire avec son monstrueux cosmos, par respect pour Athéna. De même, ils sortaient en ville, à la surface, à diverses occasions. Son cosmos était sensiblement réduit dès qu'il atteignait la surface, mais il devait tout de même le diminuer encore pour préserver les mortels et leurs âmes.

Mais à cet instant, face à la cible devant lui, armé de son arc, il ne pensa plus qu'à la performance. Il ne s'agissait même pas de compétition et de battre Aioros, simplement de tout donner et d'exceller, comme toujours…

Il était si calme et concentré que Kanon fut le seul à anticiper et comprendre le danger.

*Rhad !*

L'avertissement télépathique de Kanon résonna chez tous les Chevaliers.

Le Juge se retint immédiatement en bloquant la montée de cosmos, mais pas suffisamment : la flèche vola à une vitesse inconcevable pour le commun des mortels.

Elle se serait enflammée ou aurait pulvérisé la cible sous les yeux médusés des trois simples humains qui les regardaient, sans l'intervention de Chiara.

La jeune femme avait réagi immédiatement au cri de Kanon, en comprenant assez vite le problème, comme les autres, en une fraction de seconde.

Le Chevalier des Voiles avait donc soulevé une bourrasque qui ne stoppa pas la course de la flèche surpuissante de Rhadamanthe, mais fit voler la cible et suffisamment de poussière pour aveugler tout le monde, le temps qu'elle atterrisse plus loin.

*Je vous prie de tous m'excuser*, leur adressa mentalement Rhadamanthe.

Les Chevaliers étaient plus amusés que réprobateurs, personne ne lui en tint rigueur.

*T'essayais d'en mettre plein la vue à qui, au juste ?* le taquina Kanon.

Seul ton regard existe pour moi.

Tu m'as déjà conquis, et encore reconquis dès que tu as bandé ton arc, il ne m'en fallait pas plus !

J'aurais toujours à cœur de te séduire et de te conquérir, encore et encore. Ceci étant dit… ce qui vient d'arriver ne se reproduira plus.*

- Quelle bourrasque impressionnante ! s'exclama Letizia en riant et en s'époussetant. Pourtant tout était calme !

- Cela arrive parfois, comme on est sur les hauteurs. Le vent circule étrangement entre les ruines, expliqua Aioros sans trop mentir. Tout le monde va bien ?

- Oui ! assurèrent-ils à tour de rôle.

- On reprend ? proposa Aioros. Rhadamanthe ?

- Oui. Je vais redresser la cible.

Ceci fait, les deux archers reprirent leurs positions, et cette fois, tout se passa très bien.

Leur public les regarda tirer quelques flèches, puis Marine saisit son shamisen et commença à égrener quelques notes, rapidement suivie par Kanon, qui finit par saisir son aulos. La voix de Chiara se mêla à la musique, rejointe par Letizia, qui ne connaissait pas un mot de grec ancien, mais qui faisait les chœurs, les rythmes étant assez simples et basiques, assez répétitifs. Saga les accompagna parfois de sa voix grave et puissante, et une atmosphère incroyablement mystique, solennelle et chargée s'installa progressivement, les mettant tous dans un état second, comme en transe.

Plus rien n'existait autour d'eux que les flèches qui sifflaient et se fichaient dans les cibles, les voix et la musique qui résonnaient en une litanie envoûtante, la légère brise qui soufflait et venait caresser les peaux, soulever les mèches de cheveux et la poussière à leurs pieds.

Le temps se suspendit ainsi pour eux, jusqu'à ce que la réalité reprît ses droits.

Aioros abaissa son arc et tendit la main à Rhadamanthe, qui la serra en une poignée ferme et respectueuse : il était impossible de les départager.

Il n'y avait eu aucune complaisance de leur part, par respect, ils y étaient allés à fond tous les deux.

Mais l'erreur de l'un sur un tir devenait celle de l'autre, sur un autre, une performance moins marquée du premier était rattrapée dans la moyenne par celle réalisée par le second plus tard ou plus tôt. Tout ceci avec une égalité et une régularité constantes.

Les deux archers rejoignirent le groupe, qui poursuivit un temps encore la musique et le chant, tandis qu'ils se changeaient, avant de faire se taire les instruments.

- Je ne suis pas sûre de savoir ce qu'on vient de vivre, mais c'était magnifique ! fit remarquer Letizia en s'essuyant les yeux. Je suis émue aux larmes, et je ne pense pas que ce soit la poussière.

- Il y en a quand même beaucoup, lui dit Sergio en essuyant également son visage.

Personne n'était dupe, mais personne ne le reprit non plus pour ne pas le gêner.

- Je ne sais pas si ce lieu a gardé l'empreinte des Dieux anciens ou simplement de la foi des Hommes, mais tout en est imprégné, c'est saisissant, commenta pour sa part Ernesto en tamponnant ses yeux avec un mouchoir. Bravo pour vos performances, que ce soit vous, messieurs, quels archers d'exception ! Ou vous tous, en chant et en musique, c'était prodigieux ! Je n'ai qu'un regret, ne pas avoir filmé !

- Tu n'en aurais pas aussi bien profité, si tu avais pu le faire, le réconforta Aioros.

- C'est exact.

- Et si on se prenait un petit en-cas pour se remettre de tout ceci ? proposa Marine en ouvrant la glacière. Déjà, de l'eau pour tout le monde et nos héros en priorité !

- Votre glacière est drôlement efficace, c'est resté très froid ! remarqua Letizia en prenant la bouteille tendue par Marine. Il faudra que vous me donniez la marque !

- C'est très local, répondit Aioros. L'artisan qui fabrique les pains de glace travaille uniquement pour le Sanctuaire et sur place.

Les autres cachèrent du mieux qu'ils purent leur sourire ou leur envie de rire, même.
Les pains de glace étaient fabriqués par Camus, ils ne pouvaient tout simplement pas fondre ou prendre ne serait-ce qu'un seul degré.

Effectivement, il n'y avait pas plus local…

Au Sanctuaire justement, au Onzième Temple, Camus éternua, ce qui fit sursauter Milo, assis à côté de lui sur le canapé, car il ne tombait jamais malade, évidemment.

- T'as encore tapé dans l'œil de quelqu'un, aujourd'hui ?

- C'est la raison la moins probable qui expliquerait qu'on soit en train de parler de moi.

Milo n'était pas convaincu, mais il laissa faire Camus quand il ramena sa tête sur son épaule pour qu'ils continuent de regarder la télé.

A la Villa, Letizia soupira à la réponse d'Aioros.

- Oh ! c'est dommage…

- Je verrais ce que je peux faire, je pourrais peut-être t'en ramener quand je repasserai.

- Et quand allez-vous repasser ?

- Je ne sais pas, Izia…

La belle Italienne leva les yeux au ciel.

- Evidemment ! Bon, je sais que tu as de très grosses responsabilités maintenant, mais… ne nous oublie pas.

- Jamais, assura-t-il en déposant un baiser sur sa tempe.

- J'ai préparé des petits pots de fruits frais avant de partir, leur dit alors Saga en faisant la distribution. Il y a essentiellement de la grenade, on a vu que vous aimiez ça.

- Oui, merci beaucoup ! répondit Letizia. La grenade et la figue, ce sont vraiment mes deux fruits coups de cœur de ce séjour ! La grenade d'hier en particulier, elle avait un goût incroyable, je n'avais encore jamais rien mangé d'aussi parfumé et intense en saveur.

C'était une chance pour eux qu'elle avait apprécié ce fruit dès les premiers jours, car celui dont elle parlait et qui l'avait marqué, c'était bien la grenade sacrée d'Héra qu'Aioros avait pu lui servir ainsi sans difficulté, le soir-même où Kanon le leur avait confié. Il l'avait égrenée et en avait prélevé 4 grains, qu'il avait ajouté à une autre grenade quelconque pour Sergio, suivant les indications de son cadet.

Il avait également pris conseil auprès d'Aphrodite concernant la partie intime du rituel, pour être sûr que tous les efforts faits par tout le monde aboutissent.

Le Douzième gardien était versé en mélanges, élixirs et autres préparations qui exploitaient les vertus spécifiques des plantes, principalement, mais pas qu'elles. Il avait souvent eu recours à ce genre de procédés lors de ses missions. Bien que son poison fût indétectable et plus rapide pour se débarrasser de quelqu'un, Aphrodite avait souvent éprouvé l'envie ou le besoin pathologique de s'amuser avec ses proies. Rendre un homme - ou une femme - fou de désir et le voir supplier pour son assouvissement, puis mourir sans avoir jamais pu l'obtenir, le visage déformé par la frustration, la terreur et la douleur, lui provoquait toujours un plaisir malsain dont il savourait jusqu'à la dernière seconde.

Aioros n'avait bien évidemment jamais eu connaissance de ces détails, mais il avait lu et lisait encore les rapports des missions qui avaient eu lieu sous le règne du Lémure. De plus, les compétences et spécialités de chaque Chevalier étaient connues de tous, désormais, encore un témoignage de la confiance qu'ils s'accordaient.

Il savait donc qu'Aphrodite serait à même de le conseiller.

Et son cadet fit même mieux : il lui concocta lui-même un aphrodisiaque parfaitement adapté à ses amis et à sa demande. Il s'agissait juste d'un coup de pouce, il ne voulait pas les transformer en bêtes de sexe exhibitionnistes ou les voir se retrouver dans une situation trop gênante envers eux.

Le lendemain, à savoir le matin même, le visage fatigué et l'air totalement satisfait de Sergio et Letizia, ainsi que les longs regards complices et amoureux qu'ils s'échangèrent durant toute la matinée encore, furent les seuls signes que cela avait fonctionné. Pour tous les autres occupants de la Villa, la nuit avait été… habituelle.

Aioros avait été étrangement ému, ce matin-là en regardant son amie, et en songeant qu'elle était peut-être déjà en train de fabriquer un petit être.
S'ouvrant de cette pensée à Saga, ils avaient prié tous deux pour que ce fut effectivement le cas.

*Elle le mérite tellement ! Elle est faite pour être mère et prendre soin d'un petit être, le faire grandir, l'aimer et en être aimée toute sa vie durant.

C'est aussi valable pour toi, 'Ros, mon amour. Et ce sera bientôt le cas.

Tu fais référence à Elrik.

Oui. Je sais que l'attente est longue, mais il sera bientôt parmi nous.

J'ai hâte, c'est vrai, mais je suis confiant. Nous fêterons la fin de l'année et la nouvelle avec lui à nos côtés, j'en suis persuadé, Saga.

Nous faisons tout pour.

Oui. Merci, mon aimé.

Merci à toi d'avoir fait naître cette envie que je ne pensais pas ressentir aussi tôt.*

- Il y a des figues des jardins du Sanctuaire, aussi, mais je ne les ai pas coupées, était en train d'expliquer Marine. C'est mieux de les garder intactes jusqu'à la dégustation.

- Oh ! merci beaucoup, vous êtes tous tellement adorables ! Vous allez nous gâter jusqu'au dernier jour !

- Et jusqu'à la dernière seconde, même, promit Aioros en lui tendant une figue, que Letizia croqua à pleine dents.

- Tu devrais peut-être les prendre dans ta main d'abord pour les ouvrir, avant de croquer dedans comme ça, il pourrait y avoir des vers, fit remarquer Sergio, les lèvres pincées.

C'était hautement improbable, évidemment, mais même s'il n'était pas vraiment jaloux, ne doutait pas de sa compagne ni d'Aioros, leur complicité et les gestes très affectueux qu'ils avaient l'un envers l'autre le titillaient toujours un peu.

Il y avait beaucoup de clichés sur les Italiens qui n'étaient rien de plus que cela, mais ce côté un peu possessif et macho avec leurs femmes se vérifiait bien souvent.

- Tu as raison, désolé, s'excusa Aioros, prétendument envers Letizia, qui n'en avait pas besoin, mais surtout envers Sergio, qu'il n'avait pas voulu froisser.

Ce dernier hocha la tête, mais sans un mot…

… et présenta une moitié de figue qu'il venait d'ouvrir aux lèvres de Letizia, qui la mordit, le laissant ainsi réaffirmer sa position de compagnon et partenaire de vie.

Elle ajouta même un « Ti amo » ponctué d'un baiser pour définitivement l'apaiser.

Tout ceci sous les regards et les sourires discrets, mais attendris, des autres.

Ils poursuivirent et terminèrent leur petit goûter, puis repartirent, rendant l'entièreté de l'Acropole aux touristes dès que les Gémeaux levèrent leurs illusions, pour le peu de temps qu'il restait avant la fermeture du site.

*Ce sera suffisant pour les Déesses ? interrogea Kanon, alors qu'ils traversaient la ville.

Je pense sincèrement que oui. C'était un très beau moment.

Je confirme. Emouvant, mais aussi excitant. J'ai eu bien du mal à ne pas te sauter dessus.

Et si on rentrait, Kanon ?* proposa-t-il en effleurant discrètement sa main de la sienne. *Ils n'ont plus besoin de nous.

Non, je pense qu'on peut y aller.*

Le cadet des Gémeaux allait annoncer qu'ils rentraient de leur côté, quand soudain…

- Puisque vous restez dîner avec nous, Kanon, Rhadamanthe, je pensais que vous connaitriez peut-être un restaurant de spécialités crétoises dans le coin, cela doit bien exister, non ? demanda Letizia, en se tournant vers eux, car elle marchait un peu devant.

*Oups…

J'imagine qu'on ne peut pas juste leur donner l'adresse ou les y conduire…

Je ne peux pas me défiler, mais ne veux rien t'imposer, Rhad', on peut te trouver une excuse et je te rejoindrai après.

Je n'ai pas grand intérêt à rentrer dans une maison vide, je préfère demeurer à tes côtés, quelle que soit la situation. Si je supporte des dîners d'anniversaire au Sanctuaire entouré de Chevaliers, dont, pour certains, je me passerai bien de leur présence et de leur simple vue, je peux aisément accepter un dîner avec des personnes beaucoup plus charmantes comme le sont les amis de ton frère.

Un simple « non, je reste » aurait aussi été accepté, tu sais, amour*, se moqua tendrement Kanon en s'appuyant contre lui, l'air de rien. *Merci pour tes efforts.

Tu me remercieras à la maison.*

Kanon sourit, bêtement heureux pour une simple formulation anodine.

Cela faisait bien longtemps que Rhadamanthe ne parlait plus de Caïna comme chez lui, mais bien comme chez eux, pourtant, Kanon en était toujours aussi touché.

Leur échange n'avait pas duré très longtemps, Letizia les regardait toujours en souriant, pensant peut-être qu'ils réfléchissaient à sa question.

Saga intervint alors au secours de son frère et surtout, de Rhadamanthe.

- Il se trouve que nous n'avions pas prévu de dîner ensemble, Letizia, nous n'en avons pas du tout discuté avec eux.

*Ne vous sentez pas obligés d'accepter et de rester*, leur envoya mentalement Aioros, au même moment. *Vous en avez déjà fait énormément pour nous, je ne vous remercierai jamais assez*.

- Oh ! se désola Letizia, vous avez donc autre chose de prévu... Nous voulions vous inviter pour ce dernier dîner…

- C'est tout à fait possible, nous sommes libres, lui répondit Kanon avec un charmant sourire, qu'il adressa aussi à Saga et Aioros. Nous sommes ravis de pouvoir prolonger et terminer cette soirée avec vous. *Et c'est sincère, pour l'un comme pour l'autre.* ajouta-t-il pour ses aînés.

- Formidable ! s'enthousiasma leur amie en prenant le bras de son compagnon, ravie.

Les deux hommes furent remerciés par leurs aînés… enfin pas vraiment en ce qui concernait Rhadamanthe, bien que son corps incarné se soit figé dans l'éternité à sa mort lors de sa 24e année.

- Vous avez une adresse à nous proposer, Rhadamanthe, Kanon ? demanda ensuite Aioros. Car j'avoue n'avoir jamais testé ce genre d'établissement, que ce soit avec toi, mon aimé, ou avec Aiolia.

- Nous n'y sommes jamais allés ensemble non plus, leur dit Marine à son tour.

- Je ne viens quasiment jamais à Athènes, révéla Chiara.

- Je ne serai pas d'une grande aide, répondit Saga. Nous ne sommes pas souvent allés manger en ville, tous les deux, ajouta-t-il en se tournant vers Kanon. Tu cuisines tellement bien que cela ne m'est jamais apparu nécessaire.

- Et réciproquement, acquiesça le cadet. On devrait le faire de temps en temps, c'est quand même agréable, et on peut ainsi découvrir d'autres cuisines et recettes. C'était d'ailleurs le cas avec le restaurant auquel je pense pour ce soir. Tu avais une idée de ton côté, Rhad' ?

- La même que la tienne, je suppose : le Jardin de Néfeli, à Exarcheia.

Kanon lui adressa son plus beau sourire.

- Tout à fait !

- Néfeli, quel joli nom ! fit remarquer Ernesto. Je le note pour le cas où j'adopterai un nouveau chat bientôt !

- Comme si six ne te suffisaient pas ! soupira Letizia. Mais je partage ton avis, ce nom est très joli.

- C'est celui de la Déesse de l'Hospitalité, la nymphe Néfeli ou Néphélé, qui veut dire nuage, dans la mythologie grecque, leur apprit Aioros. Un peu moins connue que les autres de nos jours, Elle l'était pourtant à l'époque pour être la Mère des Centaures, entre autres.

- C'est approprié ! intervient Saga avec un petit sourire complice envers son amant. Et cela nous rapprochera de la Villa, puisque c'est à mi-chemin en direction de celle-ci, par un léger détour.

- Qui en vaut largement la peine, assura Kanon. L'ambiance est tout à fait celle d'une taverne traditionnelle d'un village crétois. N'est-ce pas, Rhad' ?

- Je confirme.

- Et la nourriture est plus que correcte, poursuivit le cadet des Gémeaux. La commande au comptoir vous permettra de choisir plusieurs mezze directement selon ce qui vous fera envie, ce sera plus parlant que sur une carte avec ou sans photos.

- C'est une très bonne idée, nous pourrons goûter à plusieurs spécialités et avoir un bon aperçu de la cuisine crétoise en un seul repas, compléta Saga, alors que Rhadamanthe et Kanon se mettaient en tête du groupe pour les guider vers le lieu en question.

- Est-ce que ça vous dérange si je propose à Aiolia de nous rejoindre ? demanda alors Marine. Nous pourrons prendre un verre en l'attendant, le Sanctuaire n'est pas très loin.

- Tout le monde accepta avec enthousiasme, et Letizia précisa même qu'elle allait le suggérer car c'était leur dernier dîner.

Ils avaient fait un grand repas la veille, à l'image du banquet d'accueil auquel ils avaient eu droit à leur arrivée, avec les mêmes personnes, et Aiolia était donc présent, ainsi que Shaina, Angelo et Shura, ils s'étaient donc déjà fait leurs adieux.

Mais Aiolia faisait un petit peu plus partie de la famille, forcément, donc sa place était évidemment avec eux, pour ce dîner.

- Il a le temps d'arriver, tu le lui diras, précisa Kanon. Nous serons 10 avec lui, il n'y aura peut-être pas de place tout de suite pour dîner, même si la taverne est grande et dispose d'une terrasse.

- D'accord ! Vous pouvez continuer à avancer, je vous rejoindrai sur la route, il n'y a qu'une direction de toute façon.

Marine s'éclipsa donc à la recherche d'un téléphone public pour prétendument joindre le Sanctuaire, mais bien évidemment, elle contacta Aiolia directement par télépathie. Elle n'était pas aussi douée que les Ors ou Shaina, elle ne pouvait le faire à trop grande distance, ni longtemps, ni avec tout le monde, mais avec Aiolia, il n'y avait aucun problème.

Le jeune Lion accepta avec plaisir et prit bien soin d'attendre une bonne demi-heure avant de les rejoindre, alors qu'il n'avait pas mis plus que le temps d'une inspiration pour faire la route à la vitesse de la lumière ou presque.

Ils utilisaient cette technique le moins souvent possible, mais à cette heure-ci, il n'avait plus trop le choix. Angelo et Shura étaient sortis avec la moto du Cancer. Il aurait pu prendre la voiture – ils avaient tous passés le permis à la demande de Shion, dès les premiers mois de leur retour – ou le bus depuis Rodario, mais il serait resté coincé dans la circulation.

Donc, il n'avait pas trop eu le choix pour ne pas trop les faire attendre.

Mais il arriva au bon moment, car seulement quelques minutes après, ils purent être installés. Comme l'avait anticipé Kanon, en arrivant à 10, il avait fallu les faire patienter un peu.

La nuit était bien avancée, lorsque le groupe initial regagna la Villa, aussi, se souhaitèrent-ils une bonne nuit rapidement, ayant prévu d'aller se coucher directement. Le départ étant fixé en fin de matinée et les bagages pas tout à fait bouclés, les Italiens avaient tout intérêt à se reposer pour pouvoir se lever assez tôt pour tout finir.

Alors qu'ils étaient repartis chacun de leur côté et qu'ils étaient devant leur porte, Saga se figea et serra la main d'Aioros plus fort dans la sienne.

- Amour ? l'interrogea celui-ci, bloqué dans son élan par son geste.

Saga regardait derrière eux, vers le jardin, alors le Sagittaire se retourna pour voir ce qui attirait son attention.

Surtout qu'il ne sentait aucun danger.
Et de fait, c'était simplement Letizia.

Leur amie s'était visiblement ravisée et n'avait pas gagné ses appartements. Elle était assise sur l'une des deux balancelles du jardin, qui faisait face à la mer, que la lune parait de reflets argentés.

Aioros balaya la zone du regard et de son cosmos, mais Sergio n'était visible nulle part, il le sentit finalement à l'intérieur, à l'étage.

- Vas-y, l'encouragea Saga en libérant sa main. Vous n'aurez peut-être pas l'occasion d'un dernier moment à deux pour vous dire au revoir correctement.

- Je le redoutais un peu, en effet. Aussi, pour le massage que tu m'avais promis et auquel tu avais l'air de beaucoup tenir, je crains qu'il ne faille reporter…

- Même si tu fais de moi ta priorité au quotidien, il y a parfois des moments où je dois laisser ma place. Et je le fais avec plaisir, ce soir.

- Merci. Tu dormiras sûrement déjà, mais je te rejoindrai dès que possible.

- Prends le temp qu'il faut.

- Je t'aime, lui dit-il en pressant tendrement ses lèvres des siennes, un court instant.

- Moi aussi.

Aioros posa encore sa main sur la joue de Saga en une douce caresse, comme un remerciement, puis alla rejoindre Letizia.

- Je peux ?

La belle Italienne leva les yeux vers son ami en souriant et hocha la tête.

- Tu n'es pas allé te coucher ?

- J'y allais, mais te voyant ici, seule, j'ai changé d'avis. Tout va bien ?

- Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, je vais très bien. Mais je suis heureuse que tu m'aies rejoint. Je comptais bien trouver un moment pour te parler, demain… enfin, tout à l'heure, plutôt, on est déjà demain, se ravisa-t-elle après un coups œil à sa montre. Nous avons un peu plus de temps et de tranquillité, maintenant.

- Tu sais que tu aurais pu tout simplement me demander de rester avec toi, au lieu de me souhaiter une bonne nuit, tout à l'heure ?

- Il est tard, j'ai pensé que tu étais sûrement fatigué, après ta superbe démonstration de tir à l'arc. Saga t'a promis un massage, en plus. Je ne voulais pas t'embêter.

Aioros lui pinça le nez, la faisant grimacer et glousser dans le même temps.

- Idiote. On a le temps pour cela, ne t'en fais pas. Tous les deux, on n'en a plus beaucoup. Et puis, si quelque chose ne va pas, tu dois tout me dire. Il ne faut pas partir sur une mauvaise note, ce serait dommage.

- Non, vraiment, je me répète, tout va très bien. Je suis un peu triste de devoir déjà partir, c'est vrai, le séjour a été tellement incroyable ! Sans compter le fait que tu vas me manquer... Je me réhabitue très vite à toi, à te voir tous les jours, c'était déjà le cas lors de votre passage à Corniglia, aussi court fut-il. Et là, ça a été pareil. Mais demain, je me réveillerai chez moi, au village, et je ne te verrai pas de la journée. Ni la suivante, ni celle d'après. Ce serait bien qu'on ait des téléphones caméras un jour, qu'on puisse se téléphoner en se voyant.

- Un jour, peut-être, sourit Aioros. Mais en attendant, tu pourras m'appeler quand tu veux, tu sais. Dès que nous prendrons nos fonctions, avec Saga, nous serons à proximité immédiate du téléphone du Sanctuaire. Il n'y aura plus d'intermédiaire, l'un de nous deux répondra, tu n'auras plus à craindre de déranger qui que ce soit en demandant à nous parler.

- Tu n'aurais peut-être pas dû me donner cette information, tu risques de le regretter ! le taquina-t-elle en le poussant un peu de l'épaule.

- Jamais. Je ne t'en ai peut-être pas donné l'impression, mais tu me manques énormément, Izia. Être pleinement heureux ici ne m'empêche pas de penser régulièrement à toi, à beaucoup d'entre vous, au village.

- Je sais, assura-t-elle en lui prenant la main, cette fois. Mais ta vie est ici. Tu es ici chez toi, tu es à ta place. Dans ce pays, sur cette terre si chargée, et surtout, auprès de Saga. C'est une évidence tellement puissante qu'on ne peut lutter contre elle. Je comprends encore mieux que c'était aussi le cas pour Sergio. Sa place était au village, à mes côtés. Peu importe les détours du Destin, les épreuves imposées par le Seigneur, ce qui doit arriver advient, si on se montre à la hauteur. Bien que dans mon cas, je ne sais pas vraiment ce que j'ai fait pour que Sergio me soit rendu et que je sois si heureuse !

- Tu t'es sacrifiée pour lui, tu as fait passer son bonheur avant le tien. Tu t'es brisé le cœur pour lui, Izia.

- Et j'ai brisé le sien, au passage, grimaça-t-elle.

- Tu l'as fait pour son bien, lui rappela Aioros en serrant sa main toujours nouée à la sienne. Nous ne saurons jamais si tu as bien fait ou non, l'important, c'est aujourd'hui. Ce présent où vous êtes réunis, heureux et nous l'espérons tous, bientôt parents.

Spontanément, Letizia porta sa main libre à son ventre.

- On y a beaucoup travaillé, pendant ce séjour, rit-elle, coquine. Avec nos efforts et les vôtres, nos prières seront peut-être enfin entendues. Et si ce n'est pas le cas… Nous adopterons, certainement.

- Vraiment ? s'étonna Aioros.

Non pas que Letizia y fut opposée, mais elle tenait vraiment à porter ses enfants elle-même.
Mais après plusieurs échecs, Aioros pouvait comprendre sa décision de faire quelques concessions.

- Oui, répondit-elle. Ton histoire, vos histoires m'ont aussi beaucoup touché. Il y a tant d'enfants dans le monde qui sont orphelins… Vouloir un enfant à soi, bien sûr, ça s'explique, ça se comprend, c'est tout à fait humain. Je dirais même que c'est biologique, on est programmé pour transmettre nos gênes. Mais nous pouvons faire les deux, et transmettre d'autres choses tout aussi importantes que des gênes : une éducation, des valeurs, une histoire familiale qui ne s'inscrit pas dans le sang, mais dans l'amour, malgré tout.

- C'est bien vrai.

- Si nous arrivons à avoir des enfants, avec Sergio, enfin déjà un, ce serait pas mal… se reprit-elle, avec un petit rire un peu triste. Cela ne nous empêchera pas d'en adopter. Après tout, j'ai toujours voulu une grande famille, et j'ai pris pas mal de retard.

- C'est un très beau projet, Izia. J'ai toujours dit que tu serais une excellente mère, et je ne suis pas le seul à le penser. Que ce soient vos enfants biologiques ou non, ils seront très chanceux de t'avoir.

- Tout comme le petit Elrik l'est de t'avoir bientôt pour père. Toi aussi, tu es fait pour prendre soin des autres, et tu seras un père formidable.

- Je l'espère, sourit Aioros, les yeux brillants. Je sais que Saga le sera, alors cela me rassure.

- Vous le serez tous les deux, insista-t-elle en le poussant gentiment de l'épaule, encore une fois. J'ai le nez pour ça. Tu te souviens de Livio ?

- Oui, bien sûr. Tu étais très inquiète pour Petra quand tu as appris sa grossesse, même si Livio avait l'air très heureux.

- Oh ! Oui, il était fier comme un paon ! Mais plus les mois passaient et plus il se décomposait, me donnant raison d'avoir eu cette première réaction à cette annonce. Je ne le voyais pas du tout en père de famille. Il pouvait se montrer si inconscient et irresponsable. Et avec Petra, il lui arrivait d'être d'une lâcheté sans nom. Un faux courageux, je l'ai toujours pensé et dit.

- Et tu avais raison, il est parti.

- Le jour-même de l'accouchement, mais par le Christ ! qui fait ce genre de choses ? s'indigna-t-elle, toujours aussi touchée, malgré le nombre d'années la séparant de l'événement en question.

- Plus de gens qu'on ne le croit, si on se réfère au nombre d'abandons de bébés dès les premiers jours…

- C'est vrai. Quelle cruauté ! Mais en tous cas, ce n'est pas toi qui ferais ça. Ni dans cette vie, ni dans aucune autre. Et j'espère que tu pourras bientôt accueillir Elrik dans ton foyer avec tout l'amour que l'on te connaît.

- Offrons nos vœux et nos prières aux étoiles, à ton Christ et à Ses Saints, pour toi.

- Merci, Aioros.

- Tu n'as pas à me remercier.

- Si, et plus que les mots ne sauraient le dire. Car je sais tout ce que tu as fait pour moi, pour Sergio et moi. Et je n'ai peut-être même qu'une vague idée de tous tes efforts, de toutes les ressources que tu as mobilisées, il y a sûrement des choses qui m'ont échappé. Mais j'en ai compris l'essentiel, je pense.

- Izia…

- Nous avons visité ce que nous voulions et avions prévu, mais vous nous avez emmené en des lieux bien précis, qui n'avaient parfois pas plus d'intérêt que d'autres, qui étaient tout aussi magnifiques, bien sûr, mais sans histoire particulière… sauf en creusant un peu, poursuivit-elle sans tenir compte de son intervention. De même, pour cette après-midi sur l'Acropole, où nous n'avions pas prévu de retourner… Ce moment si solennel et presque mystique que nous avons partagé, la musique, les chants, votre duel à l'arc avec Rhadamanthe… Je me suis suffisamment renseignée sur la civilisation de tes ancêtres pour comprendre ce qui se passait, tu sais.

- Tu m'en veux ?

- Et comment pourrais-je t'en vouloir, idiot ? murmura-t-elle, émue, en posant sa deuxième main sur les deux nouées sur sa cuisse. Que puis-je dire d'autre qu'un pauvre merci si peu à la hauteur de ma gratitude ?

- Je ne voulais pas t'embarrasser avec des rites païens, et te mettre en porte à faux par rapport à ta religion. T'en parler, ça aurait été te rendre complice de blasphèmes, alors on aurait pas pu le faire. Mais je voulais mettre toutes les chances de votre côté, en faisant notre possible du nôtre. On y tenait vraiment, Saga et moi.

- Je comprends, et je te remercie aussi pour ta prévoyance. Tu as toujours à cœur, quoi que tu fasses, de ne pas blesser les autres en premier lieu. Mais tu sais, je suis bien prête à accepter tous les moyens que les autres pourraient utiliser pour m'aider, sans en connaitre forcément les détails, car pour moi, ce ne seront jamais que des manifestations de la volonté du Seigneur, simplement perçues et nommées différemment par les autres, selon leurs propres croyances.

- Vu comme cela, en effet… sourit-il. Tant mieux, dans ce cas, si tu ne m'en veux pas.

- Je ne pourrais jamais t'en vouloir. Tu n'as jamais rien fait qui puisse provoquer une quelconque colère ou rancune de ma part, depuis que je te connais. De l'irritation, parfois, oui, mais rien de très profond ni durable. Tu es un homme exceptionnel, Aioros, je ne remercierai jamais assez le Seigneur de t'avoir mis sur ma route. Ta rencontre et tout ce qui en a découlé a vraiment été l'une des plus belles aventures de ma vie.

- D'autres encore plus belles t'attendent, Izia.

- J'espère que tu en feras aussi partie, et le plus longtemps possible, jusqu'à la fin de ma vie ou de la tienne !

- Tu as ma parole, assura-t-il en la serrant dans ses bras. Tu es une part de moi, toi aussi, à laquelle je ne renoncerai jamais.

Ils profitèrent de leur tendre étreinte un long moment en silence, puis s'écartèrent, et Aioros déposa un baiser sur le front de Letizia.

- On rentre ? proposa-t-il ensuite. Il est tard.

- Oui. Je suis fatiguée, et dans quelques heures, c'est le départ. Et je pense que Sergio m'attend. Il est peut-être même à la fenêtre…

Aioros regarda très discrètement et ne put retenir un gloussement, en apercevant effectivement une silhouette derrière le rideau, à l'étage des appartements occupés par le couple, que les différents éclairages extérieurs permettaient de distinguer.

Comprenant qu'elle avait vu juste, Letizia gloussa à son tour, et ils partirent dans un fou rire qu'ils essayèrent, tant bien que mal, d'étouffer.
Il n'y avait aucune chance qu'ils dérangent qui que ce soit, ils étaient assez loin des bâtiments, mais cela ne les dispensait pas d'une certaine discrétion.

- Allons-y, ne le faisons pas attendre davantage, décida Aioros en se levant, alors qu'ils retrouvaient leur calme.

La fatigue et la séparation prochaine avaient aussi leur part dans ce rire un peu nerveux qu'ils avaient libéré.

- D'autant plus que lorsqu'il ne dort pas assez, il est tout grognon au réveil, expliqua encore Letizia. Je n'ai vraiment pas besoin de ça aujourd'hui !

- Je comprends.

Ils traversèrent le jardin assez vite en longeant la grande piscine, et Aioros raccompagna Letizia jusqu'à ses appartements, devant lesquels ils se souhaitèrent une bonne luit.

Bien évidemment, quand elle rentra dans sa chambre, son compagnon était au lit et faisait semblant de dormir.

Elle sourit, attendrie, puis déposa un baiser sur son front et gagna la salle de bain pour une douche rapide, avant de se glisser dans le lit. Il se tourna alors vers elle, sans un mot, et lui ouvrit les bras. Elle ne se fit pas prier pour s'y blottir, et ne tarda pas à s'endormir, heureuse.

Il en fut de même du côté d'Aioros.

Un baiser sur la tempe de Saga, qui entrouvrit les yeux à ce geste et tendit ses lèvres pour en réclamer un autre, qui lui fut accordé. Puis, il fut abandonné le temps d'une petite douche d'Aioros, rapide, elle aussi. Le Gémeau n'eut ainsi pas à lutter bien longtemps contre le sommeil, son Sagittaire ne tarda pas à retrouver sa place contre lui, son corps nu et frais épousant harmonieusement les formes du sien, chaud et accueillant.

En silence.

Car non, Saga ne chercha pas à savoir ce que son compagnon et sa meilleure amie s'étaient dit.
Ce moment partagé et leurs mots leur appartenaient.

Il avait attendu Aioros pour pouvoir s'endormir avec lui, dans ses bras, tout simplement.

En cuillère et étroitement enlacés, après un bonne nuit et un je t'aime soufflés au creux d'une oreille pour l'un, contre la peau du bras sous sa joue pour l'autre, ils s'abandonnèrent ensemble eux aussi très vite au sommeil.

Dans quelques heures, le soleil et une aube nouvelle allaient se lever sur le 19 septembre, jour du retour à la maison pour Letizia, Sergio et Ernesto, mais aussi, un jour important pour le Sanctuaire et les Ors, l'un d'entre eux en particulier.

En effet, c'était aussi et surtout le jour de l'anniversaire du Gardien de la Sixième Maison du Zodiaque, Shaka de la Vierge, l'homme dit le plus proche des Dieux…

Et qui, à cette occasion pourtant, laissera plutôt s'exprimer la part la plus humaine de sa personne.

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A suivre

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Merci d'avoir lu ce chapitre. Je suis consciente que c'est embêtant pour les lecteurs non inscrits au site de ne pas savoir quand je vais publier et je m'en excuse. J'ai toujours été régulière mais ces deux dernières années, c'est plus compliqué. Généralement, je poste le dimanche, aujourd'hui est une exception. Mais comme je ne peux vraiment m'occuper de mes chapitres que le week end, le temps passe très vite. J'espère publier le prochain d'ici deux à trois semaines et ce sera probablement un dimanche, cette fois-ci.

Merci encore pour votre fidélité après tant de chapitres.

Bonne continuation à tous et prenez soin de vous.

Lysanea